Devant le potentiel de la biomasse pour le remplacement des énergies fossiles, l'IREC croit qu'une stratégie spécifique sur la biomasse doit être développée.
Les chercheurs s'intéressent à la biomasse domestique, les cultures énergétiques et la ressource forestière.
Projet de chauffage à la biomasse de la Coopérative forestière de la Matapédia
Note d'intervention de l'IREC no_7_juin_2011[1]
1. NOTE D’INTERVENTION DE L’
Numéro 7/Juin 2011
Dans cette note d’in�
tervention, l’IRÉC fait le
L’énergie de la biomasse : quelle
point s�r le d�veloppe�
ment et la mise en vale�r stratégie pour le Québec?
des �nergies prod�ites
à partir de la biomasse
Robert Laplante*
dans le cadre d’�ne Gilles L. Bourque**
�vent�elle politiq�e
d’ind�pendance �nerg��
tiq�e po�r le Q��bec. Introduction
SOMMAIRE
L ’utilisation de la biomasse représente certaine-
ment l’une des avenues les plus prometteuses
pour la production renouvelable d’énergies de subs-
le développement et la mise en valeur des énergies
produites à partir de la biomasse. Disposant de
ressources forestières fabuleuses et pouvant compter
Introd�ction titution aux carburants fossiles. Devant la nécessité sur un immense territoire susceptible d’être consa-
1. Le potentiel �nerg�tiq�e qui s’impose chaque jour davantage d’intensifier cré, sans concurrence à la production alimentaire,
de la biomasse : q�elq�es les efforts pour s’affranchir du pétrole, il importe au développement des énergies renouvelables, le
d�finitions d’élargir la réflexion et d’accélérer l’analyse des Québec a tout intérêt à se doter d’une stratégie fine
2. La valorisation de la composantes d’une stratégie énergétique susceptible consacrant une place névralgique à l’exploitation de
biomasse forestière de propulser le Québec dans le peloton de tête des la biomasse dans une éventuelle politique d’indé-
3. La valorisation de la économies vertes du 21e siècle. pendance énergétique par le recours aux énergies
biomasse agricole La présente note a pour but de souligner quel- renouvelables
4. Les biocomb�stibles : ques-uns des aspects les plus déterminants pour
�n �tat de la sit�ation
5. La strat�gie q��b�coise
Le potentiel énergétique de la biomasse :
Concl�sion
Bibliographie
1 quelques définitions
D éfinissons d’abord quelques-uns des nom-
breux concepts utilisés dans ce domaine d’ac-
tivité. Comme point de départ, il y a la biomasse :
provenant des élevages, sont généralement valorisés
par des procédés qui les font servir à la production
de biogaz, production qui, souvent, laisse elle-même
elle se compose de la matière organique présente et un résidu organique compostable.
accessible principalement sous deux formes : Les résidus de récolte ou les produits spécifiques
● La biomasse solide se distingue en trois types : de culture ligneuse (le saule, par exemple) ou her-
ligneuse, non ligneuse et résidus organiques; bacée (le panic érigé, l’alpiste roseau, le miscanthus,
● La biomasse liquide avec les eaux usées et etc.) sont d’origine agricole alors que les résidus de
divers résidus liquides provenant en grande partie de coupe forestière ou les copeaux et autres résidus
l’industrie agroalimentaire. des usines de sciage ou de transformation du bois
Sous forme solide ou liquide, cette biomasse forment la biomasse forestière.
utilisable à des fins énergétiques se retrouve en Deux filières de la biomasse ligno-
abondance dans le domaine forestier et le domaine cellulosique.
agricole. À l’intérieur de chacun de ces domaines, les La biomasse agricole et la biomasse forestière
filières de production et d’usage de la biomasse s’or- forment les filières de biomasse lignocellulosi-
ganisent de façon spécifique selon que cette dernière que. Chacune de ces filières se caractérise par des
est prélevée comme sous-produit d’utilisation ou procédés technologiques spécifiques et par un usage
selon qu’elle est produite à des fins énergétiques. prédominant de l’énergie produite.
Les déchets provenant de l’industrie agroalimen-
taire, les boues provenant des centres de traitement
* Directeur général de l’IRÉC
** Chercheur à l’IRÉC des eaux usées de même que les fumiers et lisiers SUITE À LA PAGE 2/
2. Trois fonctions énergétiques des copeaux de bois pour le bioraffinage et Québec, à hauteur d’environ 10 %. Ces usages
Selon le cas, l’énergie produite sera orientée les résidus du procédé de traitement pour sont surtout le fait du chauffage résidentiel
vers l’une ou l’autre des trois fonctions énergé- produire du compost ou même des granules. et des industriels forestiers, quoique certains
tiques : On peut aussi penser utiliser la biomasse pour complexes institutionnels (hôpitaux, bâtiments
● La chauffe la combustion directe ou la combiner avec des publics, etc.) commencent de plus en plus à y
● La production d’électricité finalités de production de vapeur qui peut ser- recourir. Pour l’essentiel, la matière utilisée est
● Le bioraffinage et la production de vir à faire tourner des turbines pour produire un résidu d’usine de sciage ou de transforma-
carburant de l’électricité. Voir figure 1. tion : copeaux, écorce, bran de scie, etc. L’éner-
Il s’agit ici de trois fonctions qui peuvent Au Québec, l’utilisation du bois de chauf- gie produite sert principalement à la chauffe
donner lieu à des modes de valorisation fage et des résidus forestiers pour la combus- et à la production de vapeur dont une bonne
privilégiant des combinaisons de ces fonc- tion représente la plus grande part des usages partie sert à produire de l’électricité.
tions selon les secteurs industriels et les choix de la biomasse. C’est elle qui contribue pour
technologiques. On peut, par exemple, utiliser l’essentiel au portefeuille énergétique du
FIGURE 1
Charles Provost
2 La valorisation de la biomasse forestière
L e gouvernement du Québec a procédé à
des appels d’offres pour la récupération en
forêt et l’usage de la biomasse forestière.
pour produire du combustible solide (granules,
bûchettes,etc.) et, dans certains cas, pour la
fabrication de panneaux.
gouvernemental pour la reconversion des équi-
pements laissent penser que la concurrence va
s’accroître pour l’appropriation de la ressource
Les compagnies forestières Smurfit Stone Lorsque les effets de la crise forestière vont alors même que les premiers soumissionnaires
et Uniboard en particulier ont obtenu une part s’estomper, plusieurs observateurs estiment que commencent à peine à plancher sur des projets
importante de ces appels. les papetières vont faire des efforts considéra- de mise en valeur.2
Il faut préciser que l’usage recherché par la bles pour s’assurer une plus grande mainmise
compagnie Uniboard n’est pas d’abord celui de sur cette biomasse1.
la production d’énergie, mais bien l’utilisation Les appels récents des associations indus-
de la fibre résiduelle dans le procédé de fabri- trielles demandant un plus grand soutien
cation de panneaux.
De nombreuses coopératives et des orga- 1. D’ailleurs, la ministre Nathalie Normandeau annonçait
nismes locaux ont également obtenu une part le 26 mai dernier, un nouveau programme de produc- 2. Selon le document Synthèse des leviers et barrières,
tion d’électricité à base de biomasse forestière à 11 cents du Groupe de travail sur le milieu rural comme produc-
significative pour des usages énergétiques soit le kilowattheure qui semble taillé sur mesure pour les teur d’énergie, seulement huit projets ont été retenus dans
pour alimenter des réseaux de chaleur soit industriels forestiers : http://209.171.32.187/gouvqc/com- l’appel d’offres d’Hydro-Québec, pour un total de 60,7 MW,
muniques/GPQF/Mai2011/26/c7837.html alors qu’il y avait une capacité disponible de 125 MW
2
3. 3 La valorisation de la biomasse agricole
L e développement des filières agroénergéti-
ques reste embryonnaire. Des expériences
ont cours sur l’utilisation des plantes et sur
menacés et à la revalorisation de territoires à
l’abandon.
La filière agroénergétique pourrait aussi
venir à la rescousse d’une agriculture en
difficulté en offrant de nouvelles sources de
Potentiel structurant
divers modèles de plantation à une échelle revenus complémentaires utiles à la diversi-
La filière agroénergétique possède un très
extrêmement modeste. Aux dires de plusieurs fication des fermes et en créant de nouveaux
fort potentiel structurant pour le développe-
observateurs, ces expérimentations demeurent espaces d’initiative pour les agriculteurs, les
ment local et régional. Parce qu’elle suppose
trop timides et ne permettront peut-être pas entrepreneurs et les divers intervenants du
un usage renouvelé et extensif des territoi-
au Québec de s’inscrire dans la course qui est développement local et régional. Elle pourrait
res, elle permettrait d’atteindre des objectifs
d’ores et déjà engagée pour prendre l’initiative favoriser la naissance de fermes spécialisées en
d’occupation et de revitalisation de territoires
technologique et d’affaires concernant le déve- agroénergie et remettre en culture d’immenses
fragilisés tout en favorisant l’émergence d’une
loppement de ce secteur. superficies actuellement en friche.
filière industrielle et énergétique respectueuse
Faire le choix de stimuler et d’accompa-
Stratégie globale de l’environnement. On estime à environ
gner le développement d’une offre de matiè-
L’agroénergie devrait pourtant faire partie 300 000 hectares les superficies de terres en
res végétales à potentiel énergétique devrait
des principaux éléments d’une stratégie globale friche sans potentiel de production alimen-
enfin permettre la création des industries de
de reconversion de l’économie québécoise taire qui pourraient être mises en production.
vers les énergies propres. C’est un domaine Elles représentent un potentiel de 30 000 GWh transformation (granules, bûchettes, etc.)
utilisant ces matières comme intrants capables
à très fort potentiel susceptible de contribuer d’énergie produite (six millions de tonnes de
de produire des combustibles de remplacement
tout autant au redressement du bilan carbone biomasse sèche) et neuf millions de tonnes de
des énergies fossiles.
du Québec qu’à la revitalisation de villages CO2 évitées.
4 Les biocombustibles : un état de la
situation
O n peut distinguer le secteur des bio-
combustibles selon les deux modes de
transformation de la matière :
Cultures énergétiques
La filière qui nous intéresse plus particuliè-
rement est celle des cultures énergétiques, soit
récolte selon des cycles très courts (3 à 4 ans)
ainsi qu’une forte densité de rejets de souche
après coupe (50 000 à 80 000 par hectare). Le
● les biocombustibles solides (granules, la plantation de végétaux pour la production saule est peu exigeant en ce qui concerne la
bûchettes, etc.) de biocarburants ou exploités directement pour qualité des sols de culture, sa croissance est
● les biocarburants liquides (éthanol cellu- leur teneur en énergie. Les cultures énergéti- rapide dans des conditions nordiques et les ren-
losique et sous-produits). ques commerciales sont des espèces normale- dements annuels oscillent entre 15 et 25 tonnes
Pourquoi les biocarburants ment densément établies et à rendement élevé. l’hectare. Même les sols contaminés avec des
L’intérêt pour le développement de la filière On distingue généralement deux familles de métaux lourds n’affectent pas significativement
des biocarburants se justifie de plusieurs culture : les plantes ligneuses (saule et peuplier sa croissance. C’est une plante très résistante
manières. hybride) et les plantes herbacées (alpiste au gel et dont la plantation est établie pour
● Premièrement, la production n’accroît roseau, miscanthus géant et panic érigé). On une durée de 20 à 25 ans – puisqu’il s’agit
pas la quantité de gaz à effet de serre dans peut voir à la figure 2 de la page suivante que d’une vivace. Une fois établie, la plantation ne
l’atmosphère et ne présente pas de risques le bilan énergétique d’une production de gra- requiert plus d’efforts de labours ni de prépara-
environnementaux graves (explosion, nules (à partir du panic érigé) est absolument tion de terrain. Après trois ans de croissance, la
radioactivité, etc.). dans un tout autre monde lorsqu’on fait une hauteur des plants peut atteindre 6 à 8 mètres
● Deuxièmement, les matières premières comparaison des rendements avec différents et ils peuvent être récoltés. La CICR permet
sont disponibles en permanence et les réser- autres biocarburants et plus particulièrement environ sept à huit récoltes sur un cycle de 25
ves sont inépuisables à la condition, bien avec l’éthanol à base de maïs-grain dit de ans.
sûr, de continuer la culture et l’entretien des première génération. Afin de maximiser les rendements de
superficies ensemencées et des plantations. La culture intensive en courtes biomasse, les plantations de saules peuvent
● Troisièmement, les biocombustibles être fertilisées avec des boues municipales,
rotations
présentent des avantages économiques, La culture intensive en courtes rotations eaux usées ou des déjections animales. La très
notamment en diminuant les importations (CICR), qui utilise des plantes ligneuses, fait grande productivité de ces cultures permet
des énergies fossiles. usage d’essences à croissance rapide comme le même un recyclage et une valorisation accélé-
● Quatrièmement, ils offrent un fort poten- saule ou le peuplier hybride. Elle se caractérise rés des lisiers en limitant les impacts négatifs
tiel de développement pour les communau- par une haute densité de plantation (environ sur l’environnement. La forte densité des
tés rurales. 12 000 à 18 000 boutures par hectare), une
SUITE À LA PAGE 4/
3
4. FIGURE 2
Le bilan énergétique pour les différents biocarburants
Source : Centre d’expertise sur les produits agroforestiers (CEPAF) (2007)
racines joue un rôle de biofiltre très efficace. La FIGURE 2
structure des racines lui permet de bien absor- La culture intensive en courtes rotations (CICR)
ber les éléments comme l’azote et le phosphate.
Les saules à croissance rapide peuvent ainsi
constituer un excellent moyen de préserver les
berges et les bandes riveraines. On considère
même que la biodiversité de la microfaune est
140 fois plus importante dans une CICR que
dans une culture agricole traditionnelle.
De l’équipement spécialisé per-
formant
Du côté des équipements, il existe mainte-
nant des planteuses spécialisées pour les CICR
qui permettent la plantation à partir de lon-
gues tiges de 1,5 à 2,5 m alors que la récolte est
réalisée à l’aide d’une fourragère automotrice
équipée d’une tête robuste adaptée à la récolte
du saule. Ces équipements permettent la mise
en copeaux directement au champ, ce qui faci-
lite le transport vers les lieux d’utilisation ou de
transformation. Cette biomasse de copeaux de
bois peut être utilisée directement pour alimen-
ter les fournaises et ainsi servir de carburant
pour le chauffage ou par des transformateurs
qui s’en serviront pour fabriquer des granules
ou des bûches, des produits pour lesquels la
demande est en hausse. Notons que les bûches
produites par cette méthode dégagent 30 %
plus de chaleur que des bûches naturelles. La
rentabilité des projets de transformation avec
4
5. des bioraffineries est intimement liée à la que celui du saule est de 1 pour 20. Donc gie hydroélectrique Péribonka IV, elles sont
proximité de la matière première. L’usine doit pour chaque unité d’énergie consommée pour systématiquement supérieures. Pour celle de la
se trouver dans un rayon de 50 à 100 km afin la culture et la transformation du copeau de « granulation de la biomasse avec combustion
de réduire au minimum le coût de transport. saule, on obtient 20 unités d’énergie renou- locale » qui s’apparente le plus aux CICR, les
velable. Selon les standards de l’industrie, les retombées locales maximales seraient près de
CICR : idéal pour la séquestra-
chaufferies équipées de systèmes de dépollution deux fois plus importantes que celles du projet
tion du CO2
performants offrent de nombreux avantages de Péribonka.
Les CICR constituent les systèmes de
écologiques et économiques par rapport au Cependant, malgré tous ces avantages, seu-
production végétale les plus performants en
chauffage individuel. lement une petite partie de l’énergie produite et
matière de séquestration de CO2. En raison de
consommée dans le monde provient de ce type
leur très haute efficacité photosynthétique, les En aval
d’énergie. Ceci s’explique principalement par
saules absorbent davantage de CO2 de l’atmos- Plus en aval, on trouve également une
les nombreux obstacles techniques et physiques
phère qu’ils accumulent dans leur biomasse. multitude d’avantages à cette filière. Les poêles
qui compliquent leur exploitation. Les équipe-
Les plantations ont ainsi la capacité d’absor- ou chaudières à granules représentent le cas
ments de combustion devraient être améliorés,
ber entre 20 et 40 tonnes de CO2 par hectare le plus complet de l’application des principes
les volumes actuellement utilisés sont encore
annuellement. Par ailleurs, le saule possède de combustion appliqués aux appareils de
faibles et ne permettent guère les économies
la caractéristique de produire peu de cendres, chauffage à combustible ligneux avec des
d’échelle, des investissements importants sont
environ 2 % du volume brûlé, ce qui simplifie niveaux d’efficacité de 85 à 95 %. Cela leur
requis aussi bien pour améliorer les techno-
grandement la vidange des cendres et constitue a permis d’atteindre des niveaux de réduc-
logies de production et de transformation que
de fait un atout pour son usage comme bio- tion des émissions de particules inégalés par
pour financer les plantations à grande échelle.
combustible. De plus, ces cendres contiennent les autres types d’appareil de chauffage au
Bref, comme pour les autres formes d’énergie
beaucoup de potassium : lorsqu’on mélange bois. En 2009, la Ville de Montréal a interdit
renouvelable, un effort est requis pour stimuler
celles-ci aux boues d’épuration, riches en azote l’installation de nouveaux appareils ou foyers
le développement et atteindre les standards
et en phosphate, on obtient un engrais équili- à combustibles solides avec la seule exception
qui rendront cette forme d’énergie compétitive
bré qui pourra servir à fertiliser les champs. de l’installation d’appareils à granules. Les
avec les énergies fossiles. L’ère du pétrole bon
impacts socioéconomiques de la filière sont par
Ratio énergétique marché étant déjà révolue, il y a tout lieu de
ailleurs importants. Selon l’analyse réalisée par
Pour comprendre les avantages du saule, penser qu’un soutien gouvernemental appro-
le Groupe de travail sur le milieu rural comme
on utilise son ratio énergétique. Cette mesure prié permettrait d’atteindre rapidement le seuil
producteur d’énergie, lorsque l’on compare les
est la quantité d’énergie consommée pour la de viabilité pour la filière agroénergétique. La
retombées de certaines filières d’énergie issue
quantité d’énergie produite. Le ratio énergé- course est d’ailleurs lancée et de nombreux
de la biomasse à celles du récent projet d’éner-
tique du maïs-grain est de 1 pour 1,7 alors États ont entrepris de stimuler son émergence.
5 La stratégie québécoise
D epuis plusieurs années, le Québec a
fait de la lutte contre les changements
climatiques une de ses priorités en matière de
En juin de la même année, le gouvernement
du Québec publie son Plan d’action 2006-
2012 de lutte aux changements climati-
sources d’énergie renouvelable ou encore avec
le gaz naturel, par exemple le programme
visant au remplacement du mazout. Mais
développement durable. Ses cibles sont les plus ques intitulé Le Québec et les changements dans tous les cas, on s’intéresse plus spécifi-
ambitieuses de toute l’Amérique du Nord, avec climatiques, un défi pour l’avenir. Enfin, quement à la biomasse résiduelle agricole
une réduction de 20 % des GES pour 2020, sur en décembre 2006, il lance la Politique ou forestière. C’est ainsi qu’en février 2010 le
la base du niveau de l’année 1990. En 2006, au nationale de la ruralité 2007-2014 qui gouvernement du Québec annonçait la création
terme d’un processus de consultation entamé vise à assurer le développement des commu- de quatre centres de traitement de la matière
en novembre 2004, le gouvernement du Québec nautés rurales en misant sur leur diversité et organique (usines de biométhanisation, centre
a adopté sa nouvelle stratégie énergétique leurs particularités ainsi qu’à garantir l’occu- de compostage et usines de prétraitement).
L’Énergie pour construire le Québec de pation dynamique du territoire québécois. Cette orientation laisse en rade le développe-
demain. Cette stratégie s’articule autour de ment des plantations énergétiques et, du coup,
Un seul programme sur la bio-
six objectifs, dont les deux suivants sont parti- prive de nombreuses collectivités d’un puissant
masse
culièrement déterminants pour le développe- instrument de revitalisation économique.
De ces grandes politiques découlent un
ment des énergies renouvelables : Cette annonce précédait l’inauguration
vaste ensemble de programmes visant le
● Le Québec doit renforcer la sécurité de du Plan d’action 2011-2015 de la nouvelle
développement des énergies renouvelables. Pas
ses approvisionnements en énergie. Politique de gestion des matières rési-
moins d’une vingtaine de programmes sont
● Le Québec doit utiliser davantage l’éner- duelles intitulée Allier économie et envi-
créés dont un seul s’adresse uniquement au
gie comme levier de développement écono- ronnement qui interdira l’enfouissement des
potentiel de la biomasse et vise à remplacer les
mique. La priorité est donnée à l’hydroélec- matières organiques d’ici 2020. Cette politique
équipements d’acériculture à énergie fossile
tricité, au potentiel éolien, aux gisements constitue la troisième tentative en une quin-
par des équipements utilisant la biomasse.
d’hydrocarbures et à la diversification des zaine d’années pour atteindre des objectifs de
En outre, dans certains programmes on
approvisionnements en gaz naturel. met la biomasse en concurrence avec d’autres SUITE À LA PAGE 6/
5
6. réduction et de récupération qui sont vraiment Au moment où le gouvernement du Québec produite à partir de maïs-grain – à environ 450
déterminants. Montréal projette cinq instal- a choisi de consacrer plus de 650 millions de millions de litres, soit importer cette énergie
lations, soit deux usines de biométhanisation, dollars au développement des usines de biomé- de l’extérieur du Québec. Rappelons que le
deux centres de compostage et une usine de thanisation dont une dizaine verront le jour Canada examine la possibilité de faire passer
prétraitement. Laval prévoit aussi une usine de au cours des prochaines années, la question de cet objectif à 10 % dans un avenir relativement
biométhanisation qui pourra faire du compos- la destination et du mode de financement de court. Cela représenterait un marché annuel de
tage. Elle sera attenante à l’usine d’épuration. la disposition des ordures organiques se pose. 900 millions de litres d’éthanol pour le Québec
Sur la Rive-Sud, Saint-Hyacinthe a innové Comment cette collecte sera-t-elle financée? seulement.
avec une première usine de production de bio- Quelle place y tiendra le jeu de l’offre et de Le développement de la filière éthanol-gra-
gaz intégrée à son usine de traitement des eaux la demande? Comment les producteurs de nules à partir des plantations énergétiques –
usées. Le biogaz produit sert à chauffer les gaz disposeront-ils de leur production : en aussi bien les plantations ligneuses sur courte
boues résiduelles destinées à l’enfouissement, l’acheminant dans le réseau de distribution rotation que les productions végétales annuel-
en extrayant l’eau pour les réduire en une ou en l’utilisant pour produire de l’électricité? les – pourrait avoir des effets sur l’occupation
poudre transformable en fertilisant. L’usine Qui, d’Hydro-Québec ou de Gaz Métropolitain du territoire et la relance des villages dévita-
projette de traiter plus tard les déchets agroa- détiendra la direction économique? lisés qui pourraient justifier de lui accorder
limentaires des industries avoisinantes. Son une place majeure. Il y a là, à n’en pas douter,
Biogaz ou gaz de schiste
développement reste cependant problématique une synergie très forte avec les propositions du
D’un côté, l’augmentation de la produc-
puisque la stratégie québécoise de valorisation Groupe de travail sur le milieu rural comme
tion de biogaz réduirait significativement les
des matières résiduelles n’est pas claire sur la producteur d’énergie.
besoins en gaz naturel d’extraction, ce qui ren-
destination et sur leur usage énergétique. La CICR représente une source d’appro-
drait beaucoup moins pertinente l’hypothèse de
D’importants dilemmes straté- l’exploitation du gaz de schiste. visionnement supplémentaire favorable au
giques développement de projets de petite et moyenne
Avantage commercial de l’étha- envergure à l’échelle communautaire pour
En effet, le dernier budget Bachand annon- nol cellulosique deux des trois filières proposées : celle de la
çait une aide au développement de la produc- De l’autre, la production d’éthanol cellu- combustion à grande échelle pour des projets
tion d’éthanol cellulosique à partir de déchets losique aurait pour avantage d’améliorer la de chauffage institutionnel, commercial et
organiques. Le soutien à cette filière a pointé balance commerciale du Québec. D’ici 2012, le industriel ainsi que celle des granules de bois
un enjeu qui ne manque pas de soulever d’im- Québec exigera en effet que l’essence vendue pour l’utilisation dans des circuits courts.
portants dilemmes stratégiques. La destination contienne au moins 5 % d’éthanol. Pour par-
.
des matières organiques issues de la collecte venir à atteindre cet objectif, le Québec devra
urbaine doit-elle être laissée au libre choix des soit tripler sa production d’essence verte, de 150
filières (et de leurs promoteurs) soit, celle du millions de litres qu’elle est à l’heure actuelle –
biogaz soit celle de l’éthanol?
Conclusion
C es quelques réflexions et bien d’autres
devraient suffire à justifier l’intensifica-
tion du questionnement des choix énergéti-
de mieux définir et circonscrire les critères
qui devraient présider aux arbitrages nécessai-
res. Les choix technologiques, les retombées
doivent être traités non pas à la pièce, mais
dans une approche globale. La tâche est loin
d’être accomplie.
ques du Québec. Le débat public gagnerait à économiques, les objectifs environnementaux
s’enrichir d’études et d’expériences susceptibles et les contraintes industrielles et commerciales
Bibliographie
GROUPE DE TRAVAIL SUR LE MILIEU RURAL les milieux d’accueil selon la taille et la
COMME PRODUCTEUR D’ÉNERGIE. Analyse filière de projets énergétiques, 2011, 17 NOTE D’INTERVENTION DE L’
sur l’accès aux ressources forestières pages.
GROUPE DE TRAVAIL SUR LE MILIEU N�m�ro 7/J�in 2011
pour la production d’énergie par les
Instit�t de recherche en �conomie contempo�
communautés rurales, 2011, 82 pages. RURAL COMME PRODUCTEUR D’ÉNERGIE. raine (IRÉC)
Synthèse des leviers et barrières sur au 1030, r�e Bea�bien Est, b�rea� 103
GROUPE DE TRAVAIL SUR LE MILIEU RURAL développement d’initiatives énergétiques Montr�al H2S 1T4
COMME PRODUCTEUR D’ÉNERGIE. Estima- en milieu rural québécois, 2011, 27 pages. 514 380�8916/T�l�copie�r : 514 380�8918
adm.irec@videotron.net/ www.irec.net
tion des retombées économiques dans
D�pôt l�gal à la Bibliothèq�e nationale d�
Q��bec
Les Notes d’intervention de l’IRÉC visent à contri�
b�er a� d�bat p�blic et à jeter �n �clairage origi�
nal s�r les q�estions d’act�alit�. Elles s’app�ient
s�r les recherches scientifiq�es men�es par les
�q�ipes de cherche�rs et de cherche�ses de l’IRÉC.
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