Cet article procède à une analyse ordonnée des pratiques des Etats en matière de gestion de leur patrimoine immobilier. Les politiques mises en œuvre sont recensées à partir des objectifs visés, qui peuvent se regrouper en trois catégories : inventaire et transfert de la responsabilité à un organisme unique, rationalisation de l’utilisation, gestion du portefeuille d’immeubles. Après avoir présenté les choix opérés au Royaume Uni, aux Pays-Bas, en Belgique, Italie, Allemagne, Grèce et en Suède, l’article donne un éclairage plus précis sur les montages mis en œuvre par l'Italie, la Suède et la Belgique.
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événement
Les choix opérés par les pays européens
sont rappelés dans les deux tableaux ci-con-
tre, regroupés selon le modèle « internalisé »
de l’agence gouvernementale, ou « exter-
nalisé » d’une filiale ou d’un établissement
public, modèle qui se rapproche de celui de
la foncière d’Etat un moment envisagé en
France3
.
En France, il a été mis fin en 2008 au ré-
gime d’affectation des immeubles, afin de
permettre le rattachement définitif du patri-
moine immobilier à France Domaine, service
du Ministère du Budget, désormais seul res-
ponsable de l’immobilier public4
.
D’autres pays ont fait des choix plus pro-
ches de la formule d’externalisation pour
laquelle optent souvent les acteurs du privé,
comme le montre le tableau ci-contre.
L’acquisition des immeubles peut se faire
en une seule fois, ou bien au contraire pro-
gressivement, comme c’est le cas en Allema-
gne : la BImA négocie avec les opérateurs/
occupants pour acquérir la propriété des im-
meubles, mais si les négociations n’aboutis-
sent pas, la totalité des immeubles lui sera
transférée au plus tard en 2012.
1.2 Rationalisation de l’utilisation
Deux types d’objectifs sont en général mis
en place rapidement :
• La fixation de loyers budgétaires à des
prix de marché : en France, des loyers bud-
gétaires au prix de marché sont progressi-
vement mis en place à partir de 2006, et des
conventions d’utilisation prévoyant le ver-
sement de ces loyers à France Domaine sont
en cours de signature depuis janvier 2009,
pour un montant annuel de loyers qui de-
vrait dépasser le milliard d’euros dès 2010.
En Italie, l’augmentation des loyers a été pré-
vue de façon progressive : fixés à 50 % de
la valeur de marché en 2001, ils devraient
atteindre 100 % de cette valeur à l’horizon
2011.
• la fixation d’objectifs d’occupation des
surfaces : 12 m² par fonctionnaire pour la
France. En Allemagne, c’est la BImA qui
procède à une analyse des coûts et des per-
formances, et conseille les ministères pour
rationaliser la superficie utilisée par poste de
travail, la valeur et les frais d’exploitation.
Afin de faire respecter ces objectifs, des
systèmes d’incitation ou de coercition sont
en général mis en place. La France a choisi la
voie coercitive: si la surface occupée ne res-
pecte pas le ratio-cible, la dotation budgé-
taire est limitée au nombre de m² que devrait
normalement occuper le locataire. L’Allema-
gne a choisi au contraire la voie de l’inci-
tation économique par une prime pouvant
aller jusqu’à une fois et demie le montant du
loyer de base annuel.
1.3 Gestion du portefeuille
La cession des immeubles du patrimoine
public est toujours difficile à mettre en œu-
vre sur le plan politique. C’est sans doute
pourquoi les solutions retenues oscillent
entre les deux extrêmes que représentent la
vente au fil de l’eau et les ventes en bloc.
La première solution est d’un intérêt limité,
car elle n’échappe pas à la critique politique,
sans pour autant avoir un réel impact sur le
déficit budgétaire. La France et l’Allemagne
ont mis en place des programmes annuels de
cession, à un rythme comparable de 500 à
600 Me/an.
Une solution alternative est le recours au
« lease back », outil privilégié par les Pays-
Bas.
Les deux autres modalités utilisées pour la
vente d’actifs en bloc sont les opérations de
titrisation et la privatisation par l’introduc-
tion sur les marchés financiers ou la cession
à des investisseurs institutionnels, solutions
utilisées par les trois pays qui sont étudiés
ci-après.
2. FOCUS » PLUS DETAILLE SUR
TROIS PAYS QUI ONT MIS EN ŒUVRE
DES PRATIQUES INTERESSANTES A
ANALYSER
2.1 L’échec de l’opération de titrisation
italienne
L’opération de titrisation menée par
l’Etat italien avait été envisagée comme
un moyen de corriger les déficits excessifs
constatés en 2003 et 2004.
L’Etat italien a apporté un stock d’immeu-
bles, d’une valeur initiale de plus de 6 Mdse,
à deux structures ad hoc dénommées SCIP
Pays
Nom de l’agence
gouvernementale
Organisme de tutelle
Royaume-Uni
OGC (Office of Government
Commerce)
branche du Ministère des
Finances
Pays-Bas RGD (Rijkgebouwendienst)
Ministère du Logement, de
l’Aménagement du territoire
et de l’environnement
Belgique Régie des bâtiments
Vice-Premier Ministre et
Ministre des Finances
Italie Agenzia del Demanio Ministère des Finances
Pays Nom de la « foncière d’Etat » Actionnariat/tutelle
Allemagne
BImA (Bundesanstalt für
Immobilien Ausgaben)
EPIC sous la tutelle du
Ministère des Finances
Grèce
Hellenic Public Real Estate
Corporation
une action détenue par le
Ministère des Finances, sous
la tutelle du Ministère de
l’Economie et des Finances
Suède quatre foncières publiques
dont une privatisée en juillet
2008, désormais détenue par
les quatre premiers fonds de
pension de retraite du pays
Notes
3/ Rapport Debains sur l’Immobilier de l’Etat, 2003
4/ Décision du conseil des Ministres du 22 février 2006
Qui s’occupe de l’immobilier de l’état ?
3. les thématiques de Business Immo:
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événement
I et II, ce qui a permis à ces structures de
lever auprès d’établissements financiers des
obligations garanties par les actifs transfé-
rés. Les SCIP avaient reçu mission de ven-
dre ces immeubles sur le marché, le produit
de ces ventes étant destiné à permettre à
terme le remboursement des obligations.
Afin de faciliter le dénouement des opéra-
tions, et sécuriser l’opération, l’Etat italien
avait sensiblement sous-évalué la valeur
des actifs transférés, ce qui l’a conduit à
introduire dans le montage un mécanisme
correctif stipulant le reversement au profit
de l’Etat d’une soulte si le prix de vente fi-
nal des actifs s’avérait supérieur au produit
des obligations levées auprès des établisse-
ments financiers.
C’est cette particularité qui a fondé
l’appréciation négative d’Eurostat, qui
a considéré que :
− S’il existe une clause de prix
d’achat différé (DPP) ou des
dispositions similaires, l’opération
de titrisation doit être considérée
comme un emprunt des administrations
publiques.
− Chaque fois que la différence entre
le paiement initial et le prix de marché
observé excède 15%, l’opération doit
être traitée comme un emprunt des
administrations publiques.
De surcroît, les recettes n’ont pas été à la
hauteur des prévisions, si bien que l’Etat
italien s’est trouvé, fin 2008, dans l’incapa-
cité de faire face à ses échéances, qui s’éle-
vaient à un total de 1,730 Me.
L’Etat italien a alors pris la décision de
liquider l’opération, par le transfert des
immeubles invendus aux propriétaires ini-
tiaux, contre le paiement d’un montant cor-
respondant à la dette résiduelle de 1,7 Mdse
environ.
(voir graphique 1)
2.2 La Suède : immobilier d’Etat et fonds
de pension des retraites
La réforme de l’immobilier de l’Etat en
Suède est ancienne, puisqu’elle date de
1993.
L’ensemble du patrimoine a été apporté à
quatre foncières spécialisées par catégories
d’actifs (voir détails dans le schéma ci-con-
tre).
Il n’existe pas de programme de cession
annuel mais des cessions ponctuelles sont
mises en œuvre en cas de non utilisation
d’un immeuble.
1/ l’échec de la titrisation italienne
2/ Le modèle suédois des foncières d’état
Source:JeantetSource:Jeantet
5. Juillet / Août 2009 - #51 - www.businessimmo.com 21
événement
L’aboutissement le plus intéressant
est, nous semble-t-il, le cas de
Vasakronan, dont le capital a été
cédé, en juillet 2008, aux 4 premiers
fonds de pension de retraite suédois.
Le patrimoine de Vasakronan,
composé d’immeubles de bureaux,
est estimé à environ 6,5 Mdse, ce qui
en fait une des plus grandes sociétés
foncières d’Europe.
La Suède a ainsi mis en œuvre un
schéma particulièrement intéressant
de financement des retraites par
l’immobilier public.
A signaler également l’utilisation de l’usu-
fruit pour permettre la mise à disposition
de l’armée de locaux détenus par la foncière
Fortificationsverkt
(voir graphique 2).
2.3 La Belgique : financiarisation de
l’immobilier de l’Etat
La Belgique a choisi la voie de la financia-
risation de l’immobilier public, en utilisant
la forme juridique de la SICAFI ;
Le régime des SICAFI a été introduit en Bel-
gique en 1995 sur le modèle des Real Estate
Investment Trusts (REIT) existant aux Etats-
Unis. Le but du législateur est de garantir au
placement immobilier une grande transpa-
rence, tout en autorisant la distribution des
cash flows, et en offrant un régime fiscal
très attractif (exonération d’impôts sur les
sociétés pour autant que les résultats soient
distribués à concurrence de 80 %, précompte
mobilier libératoire de 15 % retenu lors du
paiement du dividende).
Dans le cadre de la confection du budget de
2005, le gouvernement avait prévu de créer
une SICAFI à laquelle serait transférée une
partie des actifs détenus par la Régie des Bâ-
timents.
3/ Belgique :
une SIcafi pour porter l’immobilier public
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FedImmo a donc été créée fin 2006
dans ce contexte et 600 000 m² lui
ont été cédés pour une valeur totale
de 1,2 Mdse.
FedImmo est aujourd’hui détenue
à 90% par BefImmo, une des plus
grosses SICAFI belges, cotée sur
Euronext Bruxelles, et à 10% par l’Etat
Belge.
En conclusion, les politiques mises en œu-
vre par les Etats étrangers offrent un outil de
« benchmarking » très utile pour la France, et une
source d’inspiration utile pour apporter à l’Etat
français des solutions alternatives innovantes
pour sa politique en matière d’immobilier.
Le sujet est d’autant plus d’actualité que les
enjeux environnementaux sur ce patrimoine se
chiffrent par milliards. Selon les estimations du
Grenelle de l’Environnement, les chantiers in-
duits par la mise aux normes HQE des bâtiments
s’élèvent au total à 24 Mdse, dont 10 milliards
pour l’Etat.
A ce jour, aucune solution à la hauteur de ces
enjeux ne semble avoir été trouvée…
Source:Jeantet