1. MÉLANCOLIQUE ET IMPÉRIALE
Huê
La porte du Sud (1833), entrée
principale de la citadelle, servait Capitale impériale pendant un siècle, meurtrie par le temps et les
aussi de tribune lors des
manifestations officielles. Des tuiles guerres, elle conserve des vestiges imposants, préservant ainsi
vernissées jaunes couvrent le pavillon
aux Cinq Phénix. La Cour se tenait son statut royal. Inscrite au patrimoine mondial, comme Hôi An,
sous les toits latéraux, à tuiles vertes.
Cent colonnes, le chiffre de l’infini,
ville proche, intime et tout aussi attachante.
portent l’édifice. Dans la Cité
TEXTE DANIELLE TRAMARD - PHOTOS FRÉDÉRIC REGLAIN
impériale, tout est symbole.
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2. DIỆP ÔNG NGUYỂN, ANCIENNE MAISON DE COMMERCE
DE HỘI AN, DÉLICIEUSE ET VÉRITABLE MUSÉE
Heureux à Diệp Đỗng Nguyễn,
leur maison musée, M. Vinh Tan
et son épouse, d’origine chinoise,
se prêtent volontiers à une séance
photo. Aux murs, des clichés de
la famille et, dans les vitrines,
une magnifique collection de
porcelaine chinoise.
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3. PHAN THUẬN AN, LETTRÉ, DEVENU ENSEIGNANT ET
CHERCHEUR, ÉVOQUE SES FANTÔMES PERSONNELS
Huế
Découverte VIETNAM
Phan Thuận An, un vieux monsieur digne et sérieux, mince dans sa tunique NHA TRANG
blanche, nu-pieds en plastique, évoque ses fantômes personnels. Jusqu’en
1975, il enseigne l’histoire à l’École nationale de la ville, ouverte par les Les tours chàms de Po Nagar
Français en 1896. Puis travaille au Centre pour la conservation des monu-
Ce sanctuaire, jadis précédé d’une grande salle dont il ne reste
ments de Huề. Les lieux impériaux, il les a recensés dans une dizaine de que deux rangées de colonnes, a pris sa forme actuelle entre
livres, certains publiés par la Library of Congress, à Washington. le VIIIe et le XIIIe siècle. La grande tour date des Xe-XIe siècles et,
À l’est de la citadelle, dans un quartier arboré et fleuri, aux maisons ravis- au-dessus de l’entrée, le relief au Shiva dansant (1064), repré-
santes avec leurs couleurs délavées par la pluie, la villa habitée par cinq sente « un hermaphrodite moitié Shiva, moitié Bhagavati.
générations successives, trois aujourd’hui, porte le nom de Temple de la Il résume à lui seul l’ambiguïté de ce sanctuaire dédié à des
princesse Ngọc Sơn. Près de la table ronde laquée, incrustée de nacre, de déesses mères », note Anne-Valérie Schweyer, épigraphiste
cuivre et d’argent, à motifs de longévité, branches de fleurs d’abricotier spécialiste du Vietnam. Déesse de la terre et de la fertilité des
évoquant le printemps, il s’exprime en anglais. « La princesse Ngọc Sơn Chàms, Po Nagar est l’objet d’un culte fervent qui ne se dément
était la grand-mère de mon épouse. Son arrière-grand-père un mandarin
pas à travers le temps. À l’intérieur du temple, fuselé comme la
tour qui l’enveloppe, dont on ne voit pas le sommet tant il est
de haut rang. » Jusqu’à son mariage, elle vécut dans la Cité interdite.
sombre, murs noircis par les bougies et les volutes d’encens,
Grande pièce portée par huit colonnes, bouquets de fleurs champêtres sur
les dévots se mettent à genoux. Ils se prosternent trois fois
les tables, bibliothèques vitrées, murs blanchis à la chaux : simplicité, pous- avant de déposer offrandes et bâtonnets allumés devant les
sière et savoir, une âme. Deux autels, l’un au Bouddha, l’autre aux ancêtres. statues aux bracelets de perles colorées surmontées de para-
Au centre de ce dernier, le portrait du plus important, le grand-père, à gauche sols. Un recueillement extrême de la part de jeunes gens.
la princesse, à droite la deuxième épouse. Fruits, fleurs et objets d’usage
quotidien : baguettes de la princesse, petits godets pour le thé, porcelaine
bleue de Huề. Il déroule soigneusement le diplôme royal donné à son grand-
père par l’empereur et frappé de son sceau. Un sceau de 8,5 kg conservé
au musée d’Histoire de Hà Nội. Le petit meuble fermé ? « Les tablettes
des ancêtres. » Comme les Vietnamiens, il croit que, après leur mort, leur
esprit demeure avec leur famille. Aussi, chaque soir, brûle-t-il de l’encens
Gardant l’entrée de la citadelle, Devant le temple de Shiva
la porte du Sud. Vue de dos, son hermaphrodite, un pèlerin est venu
plan en U apparaît clairement. Des honorer Po Nagar, déesse de la Terre
douves doublent les fortifications. des Chặms.
Temple de la Littérature
Ici souffle l’esprit
Les mandarins de la dynastie Nguyễn, qui succéda à celle
E
Bouquet champêtre devant lle n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle ruisselle d’eau, de brume, des Lý, à Hà Nội, furent formés, de 1822 à 1919, dans ce
l’autel du Bouddha, objets de mélancolie. Capitale impériale, elle le fut, tardivement mais temple confucéen au bord de la rivière des Parfums. Passé
personnels pour celui des qu’importe, et le demeure. Signes de cette prééminence d’un siècle, un portique d’entrée en pierre moussue, où les herbes
ancêtres, Phan Thuận An pose une citadelle entourant la Cité interdite, des tombeaux en forme de palais,
frissonnent dans le vent, il ne reste plus qu’un champ
de la princesse Ngọc Sơn car elle
dans la maison nommée Temple un temple de la Littérature infiniment poétique et une cuisine réputée pour
et deux allées de brique bordées des trente-deux stèles
sa finesse et ses saveurs.
fut la grand-mère de son épouse. où figurent les noms des 293 étudiants reçus au concours
Entre les fortunes d’hier et le présent, des ruines laissées par les typhons,
deux conflits avec la France et les États-Unis (1947), et une guerre civile du mandarinat. Le temps, les guerres, ont détruit le reste.
(1968). Livres d’histoire et films les font revivre. Pour nous, cité impériale Au loin, sur la colline, des tombes de pierre. Les oiseaux
oblige, nous avons rencontré, dans sa demeure en forme de musée, un des- pépient, parfois un bateau pétarade sur la rivière.
cendant, par son épouse, de ces derniers empereurs. Un lettré devenu ensei- Impressionnant par le silence qui y règne, un lieu désert,
gnant et chercheur, aujourd’hui en retraite studieuse. Rencontre privilégiée. nostalgique, où souffle l’esprit.
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4. FLEURS CHAMPÊTRES, BIBLIOTHÈQUES VITRÉES, MURS BLANCHIS
À LA CHAUX : SIMPLICITÉ, POUSSIÈRE ET SAVOIR, UNE ÂME
Découverte VIETNAM
La délicieuse petite ville de Hội An,
sous un ciel d’hiver. Il fait chaud mais
la rivière Thu Bồn roule des flots
boueux, inondant la rue.
VICTORIA HOTEL et prie-t-il pour leur rendre hommage ainsi qu’au Bouddha.
Accrochés aux colonnes, des instruments de musique à deux et six cordes.
Plaisirs de l’eau « La musique était l’activité favorite des mandarins à la Cour. Ils buvaient le
et militaires, à Huề, les civils étant plus nombreux. Deux cents, précise-t-il,
thé, fumaient, récitaient des poèmes. » Il y avait « deux mille mandarins, civils
C’est le plus agréable resort de Hội An. Il égrène ses villas à toit
de tuile au bord de la plage de sable blanc ou le long de canaux
sillonnant les jardins. Le voyageur apprécie le choix de pour chaque ministère. » Ils se rendaient à la citadelle en palanquin.
chambres : vietnamienne, japonaise, ou coloniale. Toutes avec La dynastie Nguyễn (prononcer muen), qui régna de 1802 à 1945, unifia le
balcon caressé par la brise, baignoire, douche en plein air entre pays. Pour célébrer cette unité, le premier empereur, Gia Long, fit construire
la chambre et le salon dans les suites, douche seule dans la la citadelle selon les principes du feng shui. Devant, l’eau de la rivière des
chambre vietnamienne qui ignore le bain. Notre préférence Parfums. En sentinelles, à gauche une île figure le dragon bleu, une autre,
absolue va à cette dernière, discrète et raffinée avec son mobi- à droite, le tigre blanc. En face, une montagne arrête les vents contraires.
lier sino-vietnamien en bois sombre se détachant sur le mur L’ensemble regarde le sud-est, direction auspicieuse. Chine, Corée, Japon
clair et le parquet : chaise à dossier cambré et canapé à motif adoptent une configuration semblable.
rond et ajouré symbolisant l’infinité, tables de nuit gigogne,
La citadelle, carré de 500 hectares construit en 27 ans (1805-1832), entourée
estampes à l’encre de Chine au mur. C’est tout et c’est suffisant
de douves et d’une muraille à bastions, adopte un plan en étoile, à la Vauban,
pour créer une atmosphère. La junior suite japonaise ravira les
amoureux de ce pays avec son plafond à poutres débordant connu en Orient dès le XVIIIe siècle. À l’intérieur, ministères, casernes,
en toit sur la terrasse et son salon au ras du sol. Détail raffiné : archives, cent cinquante bâtiments au total, dont la Cité impériale, 29 ans
la nuit, un lumignon à pince éclaire la page du livre. de construction et, à l’intérieur encore, le saint des saints, la Cité pourpre
interdite, résidence du roi et de sa famille. Ainsi allait une hiérarchie, infran-
gible : citadelle et ses fortifications de 10 kilomètres, Cité impériale entourée
d’une muraille de 2,4 kilomètres, Cité pourpre interdite ceinte de 1,2 kilo-
mètre de murs. Gardant ceci en mémoire, le visiteur progresse parmi les
groupes curieux. La Cité impériale, achevée en 1833, dispose de quatre
portes dont la porte du Sud (1833), la principale, dans ce style chinois qui
donne le ton à l’ensemble : sur le toit, tuiles vernissées yin yang rouge ou
La chambre vietnamienne, Vietnam, 90 millions d’habitants,
épurée, parquet en teck, 35 millions de motos… Pour faire
du Victoria Hotel, située en bordure son marché, cet homme ne quitte
de la plage, à 5 km de Hội An. pas son deux-roues.
Trà Quế
HỘI AN —
Village des légumes
Par un chemin de campagne cahotant, parmi parcs à
Le goût de la poésie
Đưc An, habitée par huit générations successives,
crevettes et jacinthes d’eau, visite au village des légumes. Un bijou architectural, aussi intime que Huề est l’on abaisse, divisent l’espace semé de meubles. carapace de crabe », les tuiles vernissées « yin et
Salades, herbes aromatiques, oignons aux tiges frémis- impériale. Trois rues parallèles à la rivière et un petit yang », concaves et convexes en alternance, à sceau
sant sous la brise poussent en carrés bien alignés. Ici et là, pont japonais de 1593 reliant le quartier chinois au faisait commerce de médecines importées de Chine. d’éternité fermant l’extrémité de chaque rangée. Sur
quartier japonais. Car, aux XVIe et XVIIe siècles, Exposées sur les murs, les photos anciennes : géné- l’arête du toit, dragon échevelé recouvert d’éclats de
des monticules d’engrais ramassé dans la rivière. Penché
Hội An fut un port florissant – la mer n’est qu’à 5 kilo- ral Giáp, Hồ Chí Minh près du grand-oncle qui fonda porcelaine. L’architecture est chinoise, le matériau
sous son chapeau conique, le non la, le paysan creuse un mètres –, attirant les marchands étrangers venus et le parti communiste local… Tần Ký habitée, à l’étage, vietnamien. Plus étendues, avec temples et jardins,
sillon dans la terre brune, dispose l’engrais, la semence, le repartis avec la mousson. Peu à peu, ils firent souche. par la sixième et la septième génération, mêle élé- les maisons communes des congrégations chinoises
recouvre de terre et l'asperge avec des arrosoirs attachés à Anciens comptoirs, les maisons aux façades étroites ments architecturaux chinois et japonais. C’est la plus réunissent la communauté qui rend ici un culte à ses
des palanches. Des palmes séchées abritent les planta- se déroulent en profondeur : négoce, cour ouverte connue : les groupes se succèdent sans interruption dieux et honore ses morts. Voyez le temple Phúc Kiến
Đống Nguyên, ancienne maison de commerce habi-
sur le ciel avec des arbres, des plantes vertes et des et la visite est une épreuve. À la différence de Diệp (1757) ou celui des Cantonais, spectaculaire avec sa
tions qui le nécessitent. Ainsi cultive-t-on, biologique-
cages à oiseaux. C’est elle qui apporte lumière, air statue d’un dragon menaçant et d’une carpe.
ment sans le savoir, ces légumes qui seront vendus au frais et eau de pluie à la maison. Dans l’arrière-cour, tée par la huitième génération, d’origine chinoise, N’oublions pas, en conclusion, Alexandre de Rhodes,
marché de Hội An. la cuisine. À gauche de l’entrée, l’autel des ancêtres. délicieuse et véritable musée. Couvrent les toits à jésuite français qui, au XVIIe siècle, passa trois ans
Partout, de magnifiques lanternes. Les stores, que charpentes superposées, certaines à voûte « en ici, adaptant l’alphabet vietnamien au latin.
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5. SUR LES COLLINES AU SUD-OUEST DE LA CITADELLE, SEPT EMPEREURS
FIRENT CONSTRUIRE LEUR TOMBEAU, RÉSIDENCE ÉTERNELLE
Découverte VIETNAM
Khải Đinh, mort en 1925,
L’avant dernier empereur, Des éclats de porcelaine
tombeau de Khải Đinh, amateur
japonaise décorent les murs du
ne laissa pas un bon souvenir.
Sur l’esplanade de son tombeau, de culture occidentale. Noter sa
statues de mandarins, civils et statue dorée sous un dais. Il eut
un enfant, Bảo Đại.
militaires, soldats pieds nus une femme, douze concubines et
derrière eux.
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6. EN BORDURE DE LA MER DE CHINE, NHA THRANG OFFRE UN CADRE
ENCHANTEUR : LUXE, CALME ET SÉRÉNITÉ
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Des palmiers ébouriffés bordent la plage
privée de l’Ana Mandara, havre de beauté
à Nha Trang. Sieste sur la véranda de sa
villa, bercée par le déferlement des flots.
dorées, dragons royaux à cinq griffes, symboles du pouvoir royal, murs en ÉVASON ANA MANDARA
grès et en brique dégageant une impression de puissance.
À l’intérieur, précédé par l’esplanade de la Grande Salutation, le palais de Un havre de beauté
de Gia Long à Bảo Đại, furent couronnés. Magnifique avec ses quatre-vingts
la Suprême Harmonie (1805), où les treize empereurs de la dynastie Nguyễn,
À Nha Trang, ce resort haut de gamme et pourtant sans osten-
tation utilise les matériaux les plus simples : le bois, la pierre,
colonnes en bois de fer laqué rouge à dragons et nuages dorés symboli- la tuile rouge. Bambous, frangipaniers jaillissent dès l’entrée.
sant la rencontre du roi et de son peuple. Notez la base des colonnes en Le voyageur découvre alors, d’un regard, les bassins, la plage,
marbre contre l’humidité et les termites et imaginez les rideaux jaunes la mer. Il aura tout le loisir d’écouter les vagues qui se ruent
remplacés par des portes au début du XXe siècle. À l’extérieur, même archi- sur le sable, près des chaises longues et parasols en paille.
tecture : tuiles vernissées et dragons échevelés sur l’arête du toit. D’admirer, allongé sur un lit de repos pour deux en rotin et
Un peu à l’écart, le palais Diên Thọ, de la Reine Mère et des épouses impor- toile blanche au bord de la piscine, le bassin aux nénuphars,
tantes, les concubines étant, à la mort du roi, renvoyées dans leur famille. les tortues en pierre crachant l’eau, les poissons qui frétillent
Notez les fixés sous verre accrochés aux colonnes. Illustrant les poèmes du
et glissent dans le courant censé apporter la richesse.
Chambres et suites ont vue sur le jardin ou la mer. Lit à balda-
troisième empereur, ils ont été peints, avec quelle habileté, au dos de la
quin et moustiquaire, pales au plafond, briques jaunes au sol,
en France par l’empereur Bảo Đại. Sur le côté, un étang, son pavillon
plaque, par des Chinois. Dans le fond de la salle, un salon Louis XV acheté
peinture mate aux murs, charpente et plafond en rotin de
bambou, coin salon à fauteuils et table vietnamienne. Sans
et, devant le palais, le traditionnel mur paravent, sculpté, éloignant les oublier la baignoire extérieure en terrazzo, la douche pluie et
mauvais esprits. le lavabo en cuivre martelé. En langue chàm, Ana ne signifie-
Sur les collines au sud-ouest de la citadelle, sept empereurs firent construire t-il pas beauté et Mandara, havre, maison ?
leur tombeau, ces résidences éternelles, choisissant un site feng shui. Suivant
un schéma récurrent que chacun aménage selon son tempérament : mur
d’enceinte, triple porte, esplanade peuplée de statues, stèle sur la vie de
l’empereur, temples et palais, jardins et étangs.
Epikurean Resort
Minh Mạng, le deuxième empereur, fit, en vingt ans de règne (1820-1840), Côté farniente
En bord de mer, à 7 km de Huế, il élève sa réception
Extrémités arrondies, balcons Bons pour la peau et le moral, les massive au sommet d’une volée de marches, devant un
évoquant des coursives, le style bains de boue de Tháp Bà, à long bassin qui semble déborder dans la mer. L’hôtel joue
« paquebot » de la Résidence, Nha Trang proviennent de sources l’espace, le confort et la commodité. Villas dispersées dans
à Huế, apparaît clairement. chaudes filtrées et portées à 34°C.
un parc arboré, au bord de l’eau ou en partie cachées par le
feuillage, plage mais aussi piscine, les vagues étant trop
hautes et la mer tumultueuse en hiver. Vastes chambres,
minimalistes, adoptant le même mobilier dans les quatre
catégories, salle de bains à douche pluie et baignoire,
LA RÉSIDENCE — L’Histoire en habits Art Déco terrasse et vue sur le jardin ou la mer. Y aller à la bonne sai-
son, d’avril à juin, quand le ciel et la mer se parent de bleu.
La résidence de Huề fut construite pour accueillir les baldaquin et moustiquaire, pales au plafond, parquet discret. Face à l’entrée le bar, rouge, où tout résident
hôtes du gouvernement. Une bâtisse blanche de sombre en teck, murs jaune pâlissime, mobilier du aime à prendre un verre dans les fauteuils Art Déco,
1930, en rotonde, à laquelle furent ajoutées, en plus pur style Art Déco, qu’il s’agisse des tables de un œil sur le va-et-vient des hôtes, s’arrêtant au
2005, deux ailes qui se fondent parfaitement dans nuit gigognes, triangulaires, de la coiffeuse basse à passage devant une gravure sur L’Embarquement des
l’ensemble. Illustration parfaite, côté jardin, du style miroir trapézoïdal ou du secrétaire. Jusqu’au réveil passagers pour la France à Saigon, en 1922.
paquebot avec leurs extrémités arrondies, balcons noir et argent, lui aussi de forme géométrique. Accueillant délégations officielles et hôtes de
évoquant des coursives. Dans la partie historique, La prolonge une grande salle de bains à deux marque – Bao Dai et Bhumipol, roi de Thaïlande, –
suites et chambres sont personnalisées. Au centre de fenêtres, baignoire à pieds griffus, carrelage crème la Résidence fut le témoin privilégié des soubresauts
la résidence, au 1er étage, Voyage en Chine épouse rehaussé d’une frise à petits carreaux. En résumé, de l’histoire vietnamienne. Fin du Protectorat fran-
parfaitement la forme de l’édifice. Avec ses cinq une beauté simple, sans ostentation. Des photos en çais sur l’Annam, offensive Viêt Cộng lors du Têt de
fenêtres et portes-fenêtres ouvrant sur une terrasse noir et blanc du pavillon Indochine, lors de 1968 quand les soldats l’envahirent, capturant
the Ashes Are, de Nguyễn Quí Đừc, qui s’ouvre dans
en croissant de lune, elle rayonne de lumière. C’est la l’Exposition internationale des arts décoratifs de l’adjoint du gouverneur. Ce qui donna un récit, Where
plus belle chambre, donnant sur le jardin, la piscine 1925, sont accrochées aux murs, une constante de la
et la rivière des Parfums. Admirons-la : lit blanc à résidence et une unité de décor qui fait son charme les couloirs de La Résidence.
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7. DANS LE PAVILLON AU BORD D’UN ÉTANG, L’EMPEREUR PRENAIT
LE THÉ, COMPOSAIT DES POÈMES ET REGARDAIT LA LUNE
Découverte VIETNAM
Demi-dieu gardien des portes du grand sanctuaire
bouddhique de Dȏng Duơng, ces statues de Dvarapâla
au musée de Sculpture chǎm de Đà Nẫng.
piétinant un buffle à gauche, un ours à droite, figurent
ĐÀ LẠT beaucoup pour le développement du pays et le bien du peuple. Il eut trois
cents concubines, cent quarante-deux enfants et mourut avant la réalisa-
Le dernier empereur
Đà Lạt hésite entre la Normandie et la Suisse. Il faut aller à la
tion de sa sépulture. Le premier fils de la première épouse lui succéda et
demeure de Bảo Đại, dernier empereur de la dynastie Nguyễn,
la fit achever suivant les plans de son père. Sur le toit du palais principal,
le dragon de l’empereur, le phénix de l’impératrice, la tortue de la longé-
pour retrouver, un peu seulement, le Vietnam. Une maison vité et la licorne de la vérité. Une grande salle et un lit ressemblant pour
jaune, Art Déco, construite de 1933 à 1938, qu’il utilisait nous à une table — les Vietnamiens dorment, aujourd’hui encore, directe-
comme palais d’été. Vingt-six chambres au mobilier modeste si ment sur le bois. Dans le pavillon au bord d’un étang, l’empereur prenait le
Tự Đực (1829-1883) vécut seize ans après l’achèvement de son tombeau.
l’on excepte le piano à queue de la reine. Tout se visite : le thé, composait des poèmes et contemplait la lune…
bureau aux deux téléphones, les chambres à coucher des cinq
enfants, en jaune, couleur impériale, pour le prince héritier, en Aussi venait-il travailler et dormir dans ce palais simple et paisible nommé
rouge pour les autres. La reine (1915-1963), fille d’un riche Hòa Khiêm : colonnes et parois en bois de fer, non peintes, surélevées
propriétaire, était très belle. La chambre de l’empereur possè- pour le protéger des inondations, toit bas contre les typhons, tuiles jaunes
de son balcon « pour regarder la lune », une tradition impéria-
partit en France avec ses enfants, Bảo Đại vécut à Đà Lạt avec
habituelles et dragons de part et d’autre de la fiole recueillant le nectar
le, et le jardin à la française entouré de sapins. Quand la reine
céleste. « Ses palais en font une cité impériale idéale », note Phan Thuận
une concubine. En 1954, après la Convention de Genève, il eut An. Le cadre est verdoyant, enchanteur : douve à balustrade de pierre,
une épouse française à Paris. Le « protégé de la France » y longanes à tronc tortueux, frangipaniers aux branches nues en ce mois de
mourut en 1997, à quatre-vingt-cinq ans. novembre mélancolique et pluvieux.
Ainsi va l’impériale Huế. La rivière des Parfums sépare le nord de la ville,
résidentiel, où s’élève la citadelle, et le sud, ses universités, hôtels et bureaux,
là où autrefois s’étendaient les rizières. Les habitants vaquent à leurs occu-
pations. Les jeunes filles à bicyclette pédalent, dos droit telles des reines,
en ao dai traditionnel, tunique flottante découvrant, dans la fente, un
triangle de peau.
À Đà Lạt, la résidence d’été
de Bảo Đại, Art Déco, au milieu
En toute saison, Hội An, jadis port
florissant, reste une petite ville
d’un jardin à la française, reflète aimée des voyageurs en raison de
les goûts de l’empereur. son habitat traditionnel.
Thiên Mụ
ĐÀ NẴNG —
La pagode inspirée
Au bord de la rivière des Parfums, la pagode Thiên Mụ,
Le musée de Sculpture chăm
1919, du musée de Sculpture chǎm de Đà Nằng.
la Dame céleste (1601) tient une place spéciale dans le Un « jardin de sculptures » précéda l’ouverture, en « Les chercheurs disposent de différentes sources blanc ou de gris, a connu deux extensions accompa-
cœur des habitants et sa tour à sept niveaux est devenue écrites pour tenter d’en mieux comprendre l’histoire. gnant l'accroissement des collections. Si les sculp-
l’emblème de la ville. Noter que, au Vietnam, la pagode est L’École française d’Extrême-Orient, fondée en 1900, Inscriptions en sanscrit ou en cham offrant une vue tures, en bronze mais surtout en pierre, évoquent les
dédiée au Bouddha, le temple aux ancêtres. Le monastère eut une part prépondérante dans toutes les phases partielle de la société car elles émanent des classes dieux hindous, « leur traitement stylistique est bien
de sa réalisation. Elle réunit, dans les années 1920- dirigeantes ; textes en viet ou en chinois, donnant local. Un spécialiste ne peut confondre un Shiva
abrite, outre ses quatre-vingts moines – Huế est un foyer
1930, l’essentiel des collections qui font la célébrité un regard extérieur complémentaire, souvent par- indien et un Shiva cham », précise-t-elle. Brahma,
Vénérable Thích Quảng Đửc avant son immolation par
bouddhiste important –, l’Austin qui transporta le de ce musée. Elles proviennent des provinces du tial ; inscriptions en sanscrit ou en khmer, du Vishnu, Ganesh mais aussi Bouddha et un bodhisatt-
centre du Vietnam et sont présentées par ordre chro- Cambodge. Sans omettre les textes arabes, rares, va proviennent de temples brahmaniques et boud-
Khương Mỹ, Trà Kiệu, Mỹ Sơn et Đông Dương dans
le feu à Saigon, le 11 juin 1963, pour protester contre le nologique, en fonction de leur origine, les sites de sur le commerce, et les textes occidentaux, posté- dhiques construits par les Chǎms entre les VIIe et XVIe
la province de Quãng Nam, au sud de Đà Nẫng, et le
régime du président Diêm. En ce lieu de dévotion, un jeune rieurs au XVe siècle », explique Anne-Valérie siècles, avec un âge d’or du VIIIe au Xe siècle. Une
site de Tháp Mẫm, dans la province de Bình Định.
moine en robe brune frappe sur un bol dont l’onde sonore Schweyer, épigraphiste auteur de Vietnam Histoire pièce d’une grande finesse, le piédestal « aux
la grande déesse en bronze de Đông Dương sa force
Art Archéologie, qui vient de paraître chez Olizane. danseuses », incarne la grâce de la sculpture chǎm,
vibre longtemps dans l’air.
De la fin du IIe siècle au XVe siècle, le pays chǎm était L’édifice à l’architecture coloniale jaune, grandes
formé de plusieurs royaumes chǎmpa indépendants. ouvertures ventilant les vastes salles carrelées de impressionnante.
Guide pratique pages 93 à 95
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