1. 10 manières de réinventer
le luxe et son économie
Propositions du Centre du luxe et de la création
en faveur de la compétitivité et de la créativité du luxe
30 novembre 2009
Centre du luxe et de la création
5 Quai Voltaire 75007 Paris
Tel. +33(0)1 56 58 50 74
www.centreduluxe.com
2. Cette étude du Centre du luxe et de la création et du cabinet de conseil en
stratégie et prospective Carles et Associés, a été rédigée par :
Jacques Carles, président du Centre du luxe et de la création ; président de
Carles et Associés ;
Julie El Ghouzzi, directeur du Centre du luxe et de la création ;
Paul-Florent Montfort, chargé d’études.
Nous tenons à remercier l’ensemble des membres du Cercle du luxe et tous
ceux qui enrichissent la réflexion du Centre et ont ainsi contribué à la
maturation de cette étude, notamment : Alexandra d’Arnoux, Sébastien
Barilleau, Sophie Baillon, Isabelle Capron, Jean Castarède, Paul et Bernadette
Dodane, Patrice Fabre, Béatrice Ferrant, Olivier Gagnère, Christiane Germain,
Vincent Grégoire, Marianne Guédin, Michel Guénaire, Michel Guten, Peggy
Huynh Kinh, Anne de Kinkelin, Mathieu Lehanneur, Gérard Lognon, Blaise
Mautin, Laurie Matheson, Alain Nemarq, Frédéric Pinel, Béatrice de Plinval,
Lucie et Lorenzo Ré, Donald Potard, Elisabeth de Senneville, Jean-Baptiste
Sibertin-Blanc, Stanislas de Quercize, Corentin Quideau, Catherine Le Téo et
Thierry Blet, Eric Valz, Thierry Vendôme, Frédéric Winckler.
Centre du luxe et de la création® |10 manières de réinventer le luxe et son économie
3. 10 manières de réinventer le luxe et son économie
Propositions du Centre du luxe et de la création en faveur de la
compétitivité et de la créativité du luxe
SOMMAIRE
Sommaire ............................................................................................................................................................ 3
Introduction ....................................................................................................................................................... 4
Abstract ............................................................................................................................................................... 6
I. Inventer le portail et l’agence des créateurs et des métiers du luxe............................... 10
II. Développer les partenariats entre les entreprises de luxe et les organismes de
recherche ......................................................................................................................................................... 17
III. Lancer un pôle de Compétitivité « luxe et création » ........................................................ 27
IV. Initier un Institut des Hautes Etudes de la Création.......................................................... 35
V. Intégrer le développement durable dans tous les secteurs du luxe et créer un label
spécifique : le Bee Luxe .............................................................................................................................. 42
VI. Créer une association d’investisseurs privés : les « Luxe Angels » .............................. 50
VII. Initier la constitution d’un fonds d’investissement « luxe et création » .................... 58
VIII. Mieux gérer la localisation des unités de production dans un double objectif de
renforcement du patrimoine créatif et d’optimisation de la rentabilité ................................. 67
IX. Instituer un Crédit impôt création unique pour les entreprises du luxe ................... 77
X. Valoriser le patrimoine des entreprises de luxe ..................................................................... 85
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Centre du luxe et de la création® | Sommaire
4. INTRODUCTION
Le Centre du luxe et de la création présente dans cette étude dix mesures pour le luxe.
Fruit de huit ans d'expérience, pendant lesquels notre action s'est déployée à travers tous les
secteurs du luxe, en relation avec de nombreux créateurs, les réflexions et propositions qu'elle
contient visent à améliorer la compétitivité et la créativité de cette filière stratégique. Nous
employons à dessein le terme de filière car, si selon les auteurs, le luxe peut être découpé en 12,
voire en 35 secteurs différents, il réunit des valeurs, des codes et des méthodes similaires, il
s'accompagne aussi d'un rayonnement international incomparable.
Il est le premier exportateur français.
Il associe étroitement la création, les savoir-faire et l'innovation et est un creuset d'interaction
entre les cultures à nul autre pareil.
Il est également une grande plateforme de développement économique dont l'étendue est
directement liée à la croissance démographique et à l'enrichissement du monde.
Il est, enfin, un merveilleux territoire où les rêves du plus grand nombre rencontrent l'habileté et
l'intuition des créateurs et des artisans ; où les clients rendent hommage aux talents qui
l'habitent.
C'est ce respect que nous avons voulu incarner, en remettant chaque année les Talents du luxe et
de la création aux meilleurs créateurs et en organisant, autour d'eux, le Cercle du luxe, qui est
devenu un pôle d'influence et de réflexion indispensable.
C'est aujourd'hui une nouvelle dynamique économique et stratégique que nous souhaitons
insuffler à cette filière, en capitalisant sur le savoir-faire de notre équipe et sur le réseau qui
l'environne.
De nouvelles orientations doivent guider l'évolution de la filière luxe. Les projets concrets que
nous développons ici peuvent les traduire dans la réalité. Tous les acteurs sont concernés : les
Pouvoirs publics, les maisons de luxe, les créateurs, les métiers d'art, les scientifiques, les
experts et observateurs avisés. Bref, tous ceux qui s'intéressent au luxe et plus particulièrement
aux fondamentaux qui en forment la substance : la créativité, les savoir-faire et l'innovation.
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Centre du luxe et de la création® | Introduction
5. Le Centre du luxe et de la création en présentant ses dix propositions a œuvré dans cet esprit de
coopération. Il faut, en effet, avancer vite et de manière aussi coordonnée que possible.
Beaucoup d'initiatives existent déjà, mais elles sont souvent partielles ou sectorielles. Dans
l'étude, tous les aspects majeurs de l'évolution de la filière sont envisagés : financement de
nouvelles marques, formation managériale, fiscalité, développement durable et éthique, etc.
En effet, le Centre du luxe et de la création est une institution apte à fédérer les moyens et à
piloter les projets, en toute indépendance et au profit de tous les acteurs. Une seule exigence :
oser valoriser le formidable potentiel de cette filière en ayant conscience que la France a une
vocation internationale de leadership, qui doit faire une large place aux initiatives des créateurs
et des investisseurs du monde entier. Le « Made in France » sera de plus en plus le « Spirit of
France ».
Sachons relever ce défi en devenant plus inventifs, plus efficaces et plus compétitifs chez nous.
Plus ouverts, plus intégrateurs et plus dynamiques partout dans le monde.
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Centre du luxe et de la création® | Introduction
6. Etude du Centre du luxe et de la création
« 10 manières de réinventer le luxe et son économie »
Propositions en faveur de la compétitivité et de la créativité du luxe
ABSTRACT
Mesure n°1 : Inventer le portail et l’agence des créateurs et des métiers du luxe
Le luxe n’est que rarement considéré comme une filière à part entière. De la sorte, il ne bénéficie
pas des outils d’orientation nécessaires au repérage et à la mise en réseau de ses acteurs. Ces
derniers sont mal connus et mal répertoriés, ce qui nuit au décloisonnement et à la fertilisation
croisée des métiers.
Dans la ligne d’initiatives comme les Talents du luxe et de la création, le Centre du luxe et de la
création propose de mettre en place le premier portail Internet des créateurs et des métiers du
luxe, sur le modèle des réseaux sociaux, ainsi qu’une agence qui favoriserait la mise en relation
des entreprises avec les créateurs.
Mesure n°2 : Développer les partenariats entre les entreprises de luxe et les organismes de
recherche
Les secteurs du luxe qui doivent être des intégrateurs permanents d’innovation technologique, à
l’égal des savoir-faire d’excellence et de créativité, sont insuffisamment impliqués en ce domaine
essentiel. Pourtant les opportunités de fertilisation croisée sont considérables, notamment en
France, pays qui a la chance d’être un fabuleux conservatoire de traditions en même temps qu’un
extraordinaire vivier de chercheurs.
C’est pourquoi le Centre du luxe et de la création propose de créer une plateforme d’échanges,
de conseil et d’évaluation, pour faciliter le développement de partenariats entre les entreprises
de luxe et les organismes de recherche.
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Centre du luxe et de la création® | Abstract
7. Mesure n°3 : Lancer un pôle de compétitivité « luxe et création »
Les 71 pôles de compétitivité, dispositif public visant à favoriser l’innovation et les synergies
entre entreprises, ne regroupent que 3 pôles connexes au luxe, filière pourtant indispensable à la
compétitivité française et à son rayonnement économique.
Le Centre du luxe et de la création propose de stimuler et de coordonner la réflexion des
différents partenaires intéressés, afin de constituer un pôle de compétitivité à vocation mondiale
« luxe et création », qui intégrerait les PME et TPE de l’industrie du luxe, ainsi que des
scientifiques et créateurs français et étrangers.
Mesure n°4 : Initier un Institut des Hautes Etudes de la Création
La Création est un actif stratégique. C’est pourquoi, au-delà du renforcement et du
décloisonnement des systèmes de formation, il est important qu’un nouvel échelon de réflexion,
et d’échanges au plus haut niveau soit créé.
Le Centre du luxe et de la création a imaginé, à cette fin, de lancer un Institut des Hautes Etudes
de la Création, sur le modèle de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale. Cet Institut
réunirait chaque année autour d’une vingtaine de créateurs du monde entier, des personnalités
sélectionnées dans différents milieux économiques, sociaux et culturels et reflétant la diversité
des métiers et des engagements.
Mesure n°5 : Intégrer le développement durable dans tous les secteurs du luxe et créer un label
spécifique : le Bee Luxe
Nul ne peut plus ignorer que le développement durable, sous ses nombreuses formes, est devenu
un facteur essentiel de l’avenir, mais également un critère de consommation majeur. Or,
globalement, les initiatives des entreprises du luxe en la matière restent parcellaires et
insuffisantes, alors qu’elles devraient être exemplaires.
Le Centre du luxe et de la création propose de créer un label international dénommé « Bien-être
Ethique et Ecologique » (Bee Luxe). Ce label attesterait qu’un produit ou un service de luxe est
respectueux de l’environnement et des règles éthiques, correspondant à une charte d’excellence.
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Centre du luxe et de la création® | Abstract
8. Mesure n°6 : Créer une association d’investisseurs privés : les « Luxe Angels »
De nombreux créateurs du luxe ont atteint un degré de maturité et disposent d’un potentiel
créatif important. Mais la plupart d’entre eux ne trouvent pas les moyens financiers nécessaires
pour faire leurs preuves, en tant que créateurs de marque.
Le Centre du luxe et de la création propose de construire un pôle de business angels, les « Luxe
Angels », qui contribuera à développer la capacité d’investissement dans le domaine du luxe, en
valorisant mieux ce gisement d’entreprises en devenir, aujourd’hui ignoré. L’expérience, les
compétences et le réseau du Centre constitueront à cet égard un appui précieux.
Mesure n°7 : Initier la constitution d’un fonds d’investissement « luxe et création »
Une fois leur entreprise lancée, nombreux sont les entrepreneurs des secteurs du luxe à
souligner la solitude, le manque d’accompagnement et de financement efficaces, lors de la phase
de développement. Il existe, en effet, peu de fonds d’investissement dédiés au luxe, si bien
qu’aujourd’hui, la croissance de ces entreprises est mal assurée avec tous les inconvénients que
cela implique, en termes de déploiement de marques nouvelles.
Le Centre du luxe et de la création propose d’initier la constitution d’un fonds d’investissement
« luxe et création » d’une capacité initiale de 50 M€, en partenariat avec les marques de luxe,
pour des opérations supérieures à 1 M€.
Mesure n°8 : Mieux gérer la localisation des unités de production dans un double objectif de
renforcement du patrimoine créatif et d’optimisation de la rentabilité
Nombre d’entreprises du luxe délocalisent une partie de leur production, en raison
principalement de différentiels de coût de main d’œuvre. Ce processus se poursuit ensuite vers
d’autres pays. Pourtant certains risques sont insuffisamment identifiés ou ignorés par les
entreprises, et sont de nature à avoir un impact sur leur pérennité, voire sur la collectivité.
Le Centre du luxe et de la création propose d’élaborer des indicateurs et des modes d’évaluation
qui permettent de mesurer, non seulement les avantages comparatifs des délocalisations et
relocalisations en matière financière, mais aussi en termes d’impact patrimonial, managérial et
social.
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Centre du luxe et de la création® | Abstract
9. Mesure n°9 : Instituer un Crédit impôt création unique pour les entreprises du luxe
Depuis 1983, les entreprises bénéficient d’un Crédit impôt recherche pour soutenir leurs efforts
en matière d’innovation technologique. La création, qui est son pendant dans le secteur du luxe,
ne bénéficie d’aucune mesure fiscale aussi globale et incitative, puisque les dispositifs publics
créés sont parcellaires et insuffisants.
Le Centre du luxe et de la création propose donc d’être l’organe de réflexion, de coordination et
de négociation avec les pouvoirs publics, pour mettre au point un Crédit impôt création similaire
au Crédit impôt recherche, dans des conditions d’exonération qui unifieraient les dispositifs
existants.
Mesure n°10 : Valoriser le patrimoine des entreprises de luxe
Soumis au régime de droit commun de la TVA et de l’impôt sur les plus values, le patrimoine
matériel des maisons de luxe est un capital mal exploité, faute de règles comptables et fiscales
adaptées. Il est pourtant source de création, vecteur d’image, support de communication et peut
devenir un levier de financement.
Le Centre du luxe et de la création propose de mener la réflexion avec les maisons et acteurs du
luxe pour valoriser, auprès des pouvoirs publics, la nécessité de créer une nouvelle catégorie
d’objet d’art : « les témoignages historiques des créations de luxe », à laquelle seraient appliqués
les avantages fiscaux aujourd’hui circonscrits aux objets d’art.
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Centre du luxe et de la création® | Abstract
10. I. INVENTER LE PORTAIL ET L’AGENCE DES CREATEURS ET DES METIERS
DU LUXE
SYNTHESE
Le luxe n’est que rarement considéré comme une filière à part entière. De la sorte, il ne bénéficie
pas des outils d’orientation nécessaires au repérage et à la mise en réseau de ses acteurs. Or les
entreprises de luxe forment une part importante du tissu économique français, qui comporte non
seulement les grands groupes, mais également un très grand nombre de petites et très petites
entreprises.
Du fait de l’absence de structuration effective d’une filière, les acteurs sont mal connus et mal répertoriés.
Cela nuit à la croissance rapide de nouveaux arrivants. Le Centre du luxe et de la création est né de ce
constat, selon lequel il manquait une plateforme de rencontre, de fertilisation croisée et de
valorisation des acteurs du luxe. Les Talents du luxe et de la création, prix récompensant les meilleurs
créateurs et managers, ont ainsi institué la toute première forme de reconnaissance et de visibilité de
l’ensemble des acteurs de la filière.
Cette initiative peut aujourd’hui être prolongée par la mise en place du premier portail Internet
des créateurs et des métiers du luxe, supervisée par une « Agence du luxe et de la création ». Cette
dernière gèrerait le contenu du portail, tout en offrant des services de conseil pour les entreprises
souhaitant utiliser les compétences de créateurs.
Destinée à construire le lien entre les acteurs du luxe, cette Agence unique en son genre offrira le
panorama de l’excellence et de la diversité de la création des secteurs du luxe. Elle sera créée, ainsi que le
portail, par le Centre du luxe et de la création avec les partenaires intéressés, et sera tout à la fois :
• un guide et un annuaire des créateurs et des entreprises du luxe ;
• un moteur de recherche transversal et un « facebook » du luxe et de la création ;
• un instrument de sourcing et de repérage ;
• l’outil de mise en relation B to B du luxe ;
• le conseil des entreprises à la recherche de créateurs.
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Centre du luxe et de la création® | Inventer le portail et l’agence des créateurs et des métiers du luxe
11. Rarement envisagé comme une filière à part entière, le luxe ne s’est pas doté des outils
d’orientation pour repérer ses différents acteurs et créer, ainsi, les synergies
indispensables à son essor dans un marché international. La délimitation statistique et
administrative de ces métiers est faite d’un feuilletage d’informations éparpillées. De
nombreuses structures (fédérations, associations, groupements) forment un puzzle de
renseignements et d’acteurs qui souvent s’ignorent. Les fédérations, organisées par secteurs
(mode, joaillerie, lingerie, parfumerie, etc.) connaissent chacune en interne leurs adhérents, mais
ne divulguent pas au grand public leurs données. Seuls quelques rares répertoires et annuaires,
par secteurs également, offrent un repérage très partiel des métiers du luxe1.
Or les entreprises de luxe forment une part importante du tissu économique français. Rien qu’en
mentionnant les 69 maisons qui adhèrent au Comité Colbert, cela représente un quart du
marché mondial du luxe et 22,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Pourtant la place des
métiers du luxe est dans ce chiffre largement sous-estimée, puisque la grande majorité des
entreprises du luxe (qui forment un maillage de créateurs, designers, métiers d’art) sont des
petites, voire très petites, entreprises. Cette pluralité de structures crée une apparente
hétérogénéité du secteur du luxe.
A. Une nécessaire structuration du luxe en filière pour un
meilleur repérage des acteurs
Pourtant, le luxe, compris comme une filière, est bien moins composite qu’il n’y paraît. En effet,
on peut le définir par un certain nombre de critères simples qui connaissent d’ailleurs l’adhésion
de ses acteurs.
Ainsi, on a pu délimiter 12 secteurs qui forment le luxe2 : arts de la table, transports de
luxe, parfumerie sélective et cosmétiques, couture et accessoires de mode, joaillerie et
horlogerie, tourisme de luxe, gastronomie, arts des jardins, métiers d’art, vins et
spiritueux, maroquinerie et bagagerie, sports de luxe. De plus les activités de luxe ont pour
caractéristiques communes d’être hautement créatives ; elles se regroupent de la sorte autour
1Le site Internet www.patrimoine-vivant.com présente par exemple pour chaque entreprise labellisée, une fiche et
des documents photographiques précisant l’activité, les savoir-faire, les références et les coordonnées.
2Cf. Jean Castarède, Le Luxe, Que sais-je ? / Mc Kinsey en recense 35 en décomposant ce qui est réuni sous forme de
grands ensemble ici.
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Centre du luxe et de la création® | Inventer le portail et l’agence des créateurs et des métiers du luxe
12. de neuf valeurs fondamentales, identifiées par le Centre du luxe et de la création et qui
constituent les piliers fondamentaux de la production de luxe, à savoir : l’audace, le bien-
être, l’élégance, l’harmonie, l’innovation, l’invention, l’originalité, la rareté, la séduction.
Ingrédients communs à toutes les activités de luxe, ces valeurs forment le cœur de la création, en
tant qu’elle est justement le ferment actif des dites activités.
Mais du fait de l’absence de structuration effective de la filière, les acteurs sont mal
connus et mal répertoriés. Une myriade de créateurs, en particulier, sont ainsi identifiés par le
seul bouche à oreille, qui par définition prend du temps et empêche la croissance rapide de
nouveaux arrivants. Le Centre du luxe et de la création est né de ce constat, selon lequel il
manquait une plateforme de rencontre, de fertilisation croisée et de valorisation des
acteurs du luxe. Les Talents du luxe et de la création, prix récompensant les meilleurs créateurs
et managers, ont ainsi institué la toute première forme de reconnaissance et de visibilité de
l’ensemble des acteurs du secteur (cf. encadré). Ils se sont fondés, pour définir les métiers
créatifs du luxe, sur les 12 sous-secteurs d’activité et ont été organisés par grandes valeurs du
luxe.
Ils ont permis, pour la première fois en France et dans le monde, de créer une plateforme
transversale à tous les métiers du luxe, qui se prolonge dans l’activité du Cercle du luxe, réseau
de réflexion et d’échange, dont les lauréats des Talents deviennent membres de droit.
Encadré : Les Talents du luxe et de la création
Des prix transversaux à tous les métiers du luxe, créateurs de valeur
Le Centre du luxe et de la création distingue, accompagne et récompense les meilleurs créateurs qui sont
la sève nourricière des ateliers et des entreprises du luxe. Mettre la création au centre du luxe, car elle est
le moteur de son renouvellement permanent, tel est le credo du Centre qui remet, chaque année, les
Talents du luxe et de la création. Neuf Talents, incarnant les valeurs éternelles du luxe, récompensent
l'inspiration créatrice : l'audace, le bien-être, l'élégance, l'harmonie, l'innovation, l'invention,
l'originalité, la rareté et la séduction. A ces valeurs s'ajoutent le Talent du Management, l'Empreinte de
l'année, destinée à une œuvre qui marque son temps, et le Talent d'or. Les Talents s'adressent donc à
l'ensemble des métiers du luxe : mode, accessoires, design, architecture, gastronomie, hôtellerie,
art des jardins, automobile, parfumerie, cosmétiques, métiers d'art... En huit ans ils ont permis de
récompenser environ une centaine de créateurs et sont devenus les prix les plus prestigieux reconnus
internationalement.
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Centre du luxe et de la création® | Inventer le portail et l’agence des créateurs et des métiers du luxe
13. Mode de fonctionnement
Deux jurys sélectionnent puis désignent les lauréats. Le premier jury, ou collège de découvreurs de
Talents, est composé d'experts reconnus, représentant les différents métiers du luxe, qui proposent des
candidatures et choisissent les nominés. Le second jury, pluridisciplinaire, compte des personnalités du
monde du luxe, de la culture et des affaires. Il distingue les lauréats.
La grande spécificité de ces prix est qu’ils ne sont pas consacrés aux jeunes. Seul le talent compte. On n'y
juge pas sur un projet, mais sur une démarche et l'ensemble des projets. Les jeunes y trouvent dès lors une
plateforme extraordinaire de développement, les moins jeunes une reconnaissance qui dépasse les
frontières de leur secteur d'activité.
Retombées
Les Talents sont de formidables créateurs de valeur. Comme les trois étoiles ou la palme, ils
donnent un surcroît de crédibilité et un label de reconnaissance aux créateurs qui les reçoivent.
Plateforme exceptionnelle de communication autant que de développement, ils confèrent à leurs
détenteurs une notoriété et une reconnaissance internationale. Il est notable, à ce titre, que parmi les
15 défilés organisés par le salon Fashion Arabia Expo (en majorité des créateurs de la région du Golfe), qui
a débuté en octobre 2009 à Abu Dhabi, seuls quatre européens étaient présents dont deux nominés aux
Talents du luxe et de la création. Les récompenses ouvrent également un réseau où se construisent
relations et projets, puisque les lauréats deviennent membres de droit du Cercle du luxe.
B. Proposition du Centre du luxe et de la création : inventer le
portail et l’agence des créateurs et des métiers du luxe
Le succès des Talents du luxe et de la création, et plus largement de la plateforme que constitue
le Centre du luxe et de la création en soi-même, montre qu’il existe un réel besoin de
décloisonner les métiers du luxe, pour assurer échanges et promotions.
C’est pourquoi un portail Internet, offrant des possibilités infinies en termes de mise en
relation, pourrait devenir le support indispensable pour construire le lien entre les
acteurs du luxe. Au-delà de constituer un « Facebook du luxe » (ce qu’il serait aussi), ce
portail pourrait être supervisé par une agence de conseil et de mise en relation des
créateurs avec des entreprises du luxe et d’autres secteurs d’activité. Cela permettrait une
grande ouverture de la création vers l’ensemble du tissu économique à une échelle
internationale.
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Centre du luxe et de la création® | Inventer le portail et l’agence des créateurs et des métiers du luxe
14. Le Centre du luxe et de la création se propose donc de mettre en place ce portail et cette
agence des créateurs et des métiers du luxe qui orienteraient les professionnels du luxe eux-
mêmes, et les entreprises qui souhaiteraient travailler avec des créateurs. C’est l’agence qui
pourra mettre en œuvre et gérer le portail, autant qu’elle conseillera les créateurs et les
entreprises qui en feront la demande.
Unique en son genre, cette « Agence du luxe et de la création » offrira l’indispensable panorama
de l’excellence et de la diversité de la création des secteurs du luxe et deviendra rapidement
l’outil essentiel des acteurs du luxe.
L’agence jouerait un rôle à plusieurs niveaux et serait tout à la fois :
• un guide et un annuaire des créateurs et des entreprises du luxe ;
• un moteur de recherche et un « facebook » du luxe et de la création ;
• un instrument de sourcing et de repérage ;
• l’outil de mise en relation B to B du luxe ;
• le conseil des entreprises à la recherche de créateurs.
1. Un guide et un annuaire des créateurs majeurs du luxe
Annuaire fonctionnel, présentant les créateurs incontournables, le portail permettra
d’identifier rapidement les créateurs qui comptent dans les métiers du luxe, de découvrir
leur parcours et leurs réalisations. Valorisant chacun grâce à une notice biographique et
critique, conduite dans le souci permanent d’une qualité rédactionnelle et iconographique. Un
Comité de sélection garantira la qualité des choix opérés et des informations mentionnées.
2. Un moteur de recherche transversal et un « facebook » du luxe et de
la création
Distinguer d’un coup d’œil le créatif qui répond exactement à une problématique et à un
choix esthétique, ou s’informer sur chacun des secteurs du luxe : mode, beauté,
gastronomie, design, architecture, hôtellerie, automobile, métiers d’art, etc., tel sera également le
rôle de ce portail qui décloisonnera les univers du luxe, tout en offrant les moyens de s’y
orienter.
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Centre du luxe et de la création® | Inventer le portail et l’agence des créateurs et des métiers du luxe
15. La plateforme aura ainsi pour vocation de devenir le moteur de recherche international des
créateurs et des métiers du luxe. Dotée de fiches individuelles, composées d’un descriptif
riche et précis et d’une iconographie choisie, permettant d’identifier les objets, lieux ou
campagnes phares des créateurs, elle comprendra également l’ensemble des informations
pratiques sur les créateurs mentionnés : adresse, n° de téléphone, contacts, etc. Le portail,
véritable outil participatif, deviendra ainsi l’indispensable répertoire des créateurs. Les acteurs
du portail pourront communiquer entre eux et créer une communauté tant en termes de
réflexion que d’échanges.
3. Un instrument de sourcing et de repérage
L’Agence fera bénéficier les dirigeants d’entreprises, les acteurs clés du monde du luxe, les
créateurs, mais également les curieux, d’un instrument de sourcing exceptionnel et inédit.
Source d’information et d’inspiration, pour connaître et reconnaître l’excellence et l’avant-
garde créative du luxe. Grâce à une nomenclature spécifique, elle servirait également à repérer
un prestataire et comprendre ses qualités particulières. Bonnes pratiques et expériences
pourront ainsi être partagées sous le contrôle de l’équipe permanente du site, qui jouerait le
rôle de médiateur vérifiant la véracité des informations.
4. L’outil de mise en relation B to B du luxe
Les maisons de luxe n’ont de cesse de faire appel à des créateurs pour dynamiser leur
production et leur image. En véritable accélérateur de mise en relation le portail permettra
aux entreprises et aux prescripteurs de trouver rapidement les créateurs, les produits,
les prestataires et la base documentaire qu'ils recherchent grâce à la mise en place d'une
plate-forme spécialisée : le portail sera organisé en base de données avec des clés de recherche
pragmatiques.
Il s’agira en outre d'assurer une meilleure diffusion du savoir-faire des créateurs et des
entreprises représentés sur le portail, aux plans national et international. Par conséquent,
le portail offrira par ses services une plus grande profitabilité, grâce à un accès à une clientèle
additionnelle et à de nouveaux marchés.
Un accompagnement des créateurs et des entreprises présentes sur le site pourra être un
service complémentaire. Ainsi, l’équipe d’experts du portail sera susceptible à la demande,
d’accompagner les entreprises dans leur démarche à l'export, dans leur recherche de
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Centre du luxe et de la création® | Inventer le portail et l’agence des créateurs et des métiers du luxe
16. distributeur ou de partenaires, etc. Des actions collectives de promotion pourront également se
décider grâce au portail.
5. Le conseil des entreprises à la recherche de créateurs
Comme nous le soulignons dans le chapitre consacré au lancement d’un Institut des Hautes
Etudes de la Création, il existe une certaine méconnaissance de la création dans le monde
entrepreneurial, qui pourtant peut insuffler un dynamisme économique et proposer nombres
d’innovations. C’est pourquoi, afin de consolider la fonction fédératrice et d’échanges du
portail et favoriser l’émergence de projets et d’opportunités, le Centre du luxe et de la
création propose de constituer une agence, qui accompagne et conseille les entreprises à
la recherche de créateurs, de directeurs artistiques ou d’innovations créatives. Cette
agence, constituée de consultants dotés d’une forte expertise, permettrait de construire le lien
entre création et entreprise, mettant en relation les créateurs adéquats avec les entreprises et
les industriels.
Au-delà d’un annuaire référençant les créateurs et les entreprises de luxe, le portail
constituerait ainsi un puissant levier pour l’essor de la créativité et le dynamisme des
entreprises qui feraient appel à ses services.
Le Centre du luxe et de la création a décidé de lancer ce projet en y associant les partenaires
intéressés afin de répondre au cahier des charges vaste mais correspondant à un réel besoin du
monde du luxe et de la création.
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Centre du luxe et de la création® | Inventer le portail et l’agence des créateurs et des métiers du luxe
17. II. DEVELOPPER LES PARTENARIATS ENTRE LES ENTREPRISES DE LUXE ET
LES ORGANISMES DE RECHERCHE
SYNTHESE
L’innovation est de deux types : technologique et non technologique. Dans le premier cas, elle intéresse
essentiellement les organismes de recherche. Dans le second, elle est l’ensemble des outils techniques et
méthodologiques liés à la conception des produits, à l’organisation des entreprises et à la prise en compte
du facteur humain. Or, non seulement les métiers du luxe et de la création sont moteurs de l’innovation
non technologique, mais ils sont également indispensables pour valoriser le volet technologique de
l’innovation.
En effet, le luxe doit être l’intégrateur des innovations, car il doit se renouveler sans cesse et
anticiper les besoins, les désirs en incarnant l’ensemble des possibles.
Pourtant, si quelques grandes entreprises de luxe disposent de laboratoires (cosmétiques et parfums) ou
entretiennent des technologies très spécifiques (champagnes, verrerie, bijouterie), les opportunités de
fertilisation croisées sont considérables et insuffisamment organisées, notamment en France, pays
qui a la chance d’être un fabuleux conservatoire de savoir-faire en même temps qu’un
extraordinaire vivier de chercheurs. En effet, il existe un réel besoin et une opportunité, notamment du
côté des organismes de recherche, dont plusieurs nous ont contactés à cet effet. Leur problème, qui est
une chance pour le luxe, est de nouer des relations permanentes avec les entreprises et les créateurs,
pour transformer les résultats de leur recherche fondamentale en innovations utiles au
développement des produits et services du luxe. Les champs de partenariat sont immenses : nouveaux
matériaux, nanotechnologies, sécurité, chimie, optique…
C’est pourquoi il est urgent de développer de tels partenariats et de favoriser la capacité de
développement de l’innovation et de la créativité en permettant une meilleure interpénétration
des maisons de luxe, des ateliers de maîtres d’art et des créateurs avec des Instituts de recherche
scientifique et/ou technologiques ou des centres de formation.
Le Centre du luxe et de la création pourrait ainsi devenir une plateforme d’échanges, de conseil et
d’évaluation, pour faciliter l’émergence de nouveaux projets et les relations entre les mondes du
luxe et de la recherche.
Les conséquences en seraient très bénéfiques en termes de formation, qui trouverait sur ce terrain
plusieurs sujets de développement et d’enrichissement.
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organismes de recherche
18. Comme le rappelait très justement le rapport de Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet sur
l’économie de l’immatériel dans son propos liminaire, « aujourd’hui, la véritable richesse n’est
pas concrète, elle est abstraite. (…) C’est désormais la capacité à innover, à créer des concepts et
à produire des idées qui est devenue l’avantage compétitif essentiel. »3 Hier, la valeur d’une
automobile dépendait avant tout de ses caractéristiques techniques (cylindrée, tenue de route,
sécurité, etc.) ; aujourd’hui, le succès d’un modèle repose tout autant sur le design, le concept, la
technologie embarquée, parfois le service après-vente, le respect des normes
environnementales, etc. Le champ de commercialisation du produit s’est aujourd’hui
grandement élargi au-delà des qualités techniques, intégrant de plus en plus l’ergonomie,
l’esthétique, etc.
Dans ces domaines, les métiers du luxe ont un rôle fondamental à jouer. Facteur d’intégration
des nouvelles technologies, l’industrie de la création est un vecteur indispensable pour valoriser
l’innovation technologique, à travers des applications commerciales séduisantes et
ergonomiques. Les liens entre instituts de recherche et de formation, qui sont à la source de
l’innovation, et entreprises du luxe sont donc à affermir, pour faire en sorte que la France tire
tout le parti possible des viviers de connaissance et de créativité qui composent sa richesse
immatérielle ; or, ces liens sont à l’heure actuelle insuffisamment serrés.
A. Les métiers du luxe et de la création : un vecteur
indispensable pour valoriser l’innovation technologique
Il n’est pas nécessaire de revenir sur le rôle primordial que tient l’innovation pour stimuler la
compétitivité de l’économie ; nombreux sont les rapports qui la placent au premier rang des
moteurs de croissance. Plus rares en revanche sont les études qui en distinguent les différents
aspects, et ne s’arrêtent pas à la compréhension technologique de la notion, auquel tout le
monde pense immédiatement.
Depuis 1992, l’OCDE a ainsi recensé deux formes d’innovation, aussi importantes l’une
que l’autre pour la compétitivité des entreprises : l’innovation technologique de produits
et procédés (ITPP), bien sûr, mais également l’innovation non technologique, définie par le
3 « L’économie de l’immatériel – La croissance de demain », réalisé par MM Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet.
Document remis au ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie en novembre 2006.
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19. Manuel d’Oslo (cf. encadré n°1) comme l’ensemble des outils techniques et méthodologiques liés
à la conception des produits, à l’organisation des entreprises et à la prise en compte du facteur
humain. Or, non seulement les métiers du luxe et de la création sont de formidables
moteurs de l’innovation non technologique, mais ils sont également indispensables pour
valoriser le volet technologique de l’innovation.
Encadré n°1 : Qu’est-ce qu’une innovation non technologique ?
Selon la 3ème édition du manuel d’Oslo (OCDE, 2005), une innovation non technologique est la mise en
œuvre d’une nouvelle méthode d’organisation ou de commercialisation.
• Une innovation organisationnelle peut concerner les pratiques de l’entreprise, l’organisation du
lieu de travail ou les relations extérieures de l’entreprise. Il peut s’agir de la mise en place de bases de
données, de formations du personnel, de systèmes de gestion de la chaîne de production et
d’approvisionnement, de systèmes de gestion de la qualité, de systèmes de production, ou encore, de
nouvelles méthodes d’intégration avec les fournisseurs.
• Une innovation commerciale implique, quant à elle, des changements significatifs de la conception
ou du conditionnement : forme et aspect, design, voire goût ; nouveaux circuits de vente, nouvelles
méthodes de présentation, d’exposition, ou de promotion ; placement du produit dans un film,
nouveau logo, carte de fidélité, etc. Pour ce deuxième volet, les métiers du luxe et de la création ont
évidemment un rôle à jouer.
Les dernières études sur la question (étrangères pour la plupart) montrent que la
contribution des métiers de la création à la compétitivité des entreprises est essentielle :
celles qui investissent dans le design et la création4 ont tendance à être plus innovantes,
plus rentables, et ont un taux de croissance supérieur à celles qui ne le font pas, comme l’a
souligné le rapport « Design as a driver of user-centred innovation » de la Commission de
l’Union européenne (7 avril 2009). Une étude danoise montre ainsi que les entreprises ayant
acquis les services de créateurs ont enregistré un taux de croissance de leur chiffre d’affaires de
22 % supérieur à la moyenne ; celles qui ont accru leurs dépenses en création ont augmenté la
4 Dans le sens anglo-saxon, le terme « design » recouvre une définition beaucoup plus large que les seules activités
d’un designer, au sens français. Il s’approche plus du terme français de « création ».
19
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organismes de recherche
20. croissance de leur chiffre d’affaire de 40 %, par comparaison avec les entreprises aux dépenses
en création constantes ou en diminution5. En Grande-Bretagne, une étude, menée auprès de
1500 entreprises britanniques, a révélé que le design (au sens anglo-saxon de création) était,
pour les sociétés à forte croissance, le 2ème facteur le plus important du succès6.
Et cela s’explique aisément. En effet, nombreux sont les métiers du luxe et de la création à
avoir un rôle fondamental dans la conception, la traduction concrète et donc la
commercialisation des innovations technologiques, dans la mesure où ils sont sans cesse
à l’affût de la nouveauté et sont de grands « testeurs » de formes et de projets.
Les nouveaux matériaux sont souvent expérimentés par le haut de gamme avant de se
diffuser petit à petit auprès du grand public. Les textiles intelligents par exemple, inventés
pour les recherche de la NASA, ont été utilisés par des créateurs du luxe : Elisabeth de Senneville
(cf. Encadré n°2), Olivier Lapidus ou encore Lefranc-Ferrant en ont fait usage et ont vu leur
création stimulée autant qu’ils ont impulsé des recherches nouvelles. Désormais les textiles
intelligents existent au sein des collants de la grande distribution.
A l’inverse, et c’est la rançon de l’audace, nombreux sont les exemples de produits innovants,
pour certains de véritables révolutions technologiques, qui ont été des échecs commerciaux, en
raison d’une ergonomie et d’une apparence insuffisamment séductrices ou adaptées au marché.
Pour ne citer qu’un exemple, Renault n’a jamais réussi à vendre plus de 7 000 Vel Satis, sa
berline haut de gamme lancée en 2002, malgré d’évidentes qualités techniques et de confort,
saluées par la presse spécialisée. En cause, un design qui n’a jamais trouvé son public.
Comme le définit l’Agence pour la promotion de la création industrielle (APCI), le design est en
effet « une activité créatrice dont le but est de présenter les multiples facettes de la qualité des
objets, des procédés, des services et des systèmes dans lesquels ils sont intégrés au cours de leur
cycle de vie. C'est pourquoi il constitue le principal facteur d'humanisation innovante des
technologies et un moteur essentiel dans les échanges économiques et culturels. » Elément
représentatif des innovations non technologiques, il joue le rôle fondamental de metteur
en scène des innovations technologiques.
5 Danish National Agency for Enterprise and Housing 2003 in Bitard & Basset 2008
6 National Survey of Firms – 2004, Londres : Design Council.
20
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21. C’est donc aussi sous cette forme d'innovation non technologique qui complète et enrichit
l'innovation technologique, que les métiers du luxe et de la création constituent des
facteurs importants de la performance économique et de la compétitivité des entreprises.
Or, à ce jour, ils sont insuffisamment associés à la recherche fondamentale et appliquée, de
même qu’aux entreprises qui en commercialisent les résultats (notamment les entreprises de
haute technologie). Les efforts d’intégration des PME du secteur du luxe et de la création aux
pôles de compétitivité (cf. mesure n°III) a précisément pour objet de les rapprocher de ces
dernières ; mais la spécificité de la recherche fondamentale et du schéma français
d’organisation de celle-ci réclame des mesures spécifiques et complémentaires aux seuls
pôles de compétitivité.
B. Les liens entre recherche, entreprises et métiers de création
insuffisamment développés en France
Malheureusement en effet, la recherche fondamentale et les métiers de la création sont deux
mondes séparés ; si les industries de haute technologie s’efforcent de construire des ponts
avec la recherche, à travers des laboratoires de recherche appliquée, en revanche le fossé
entre scientifiques et créateurs est béant, malgré quelques initiatives louables. On peut
citer notamment à ce titre,
• le dispositif CTC, qui propose un dispositif technique et financier d’aide à l’innovation à
destination des créateurs et des designers utilisant le cuir dans le domaine des
accessoires de mode ou de la décoration, leur permettant de passer du dessin au
prototype et de disposer d’un dossier technique facilitant l’industrialisation.
• Le projet IFTH, qui a développé un réseau de plates-formes de services pour les
industriels du Textile, de l'Habillement et des Textiles Techniques.
• R2ITH, Réseau Industriel d'Innovation du Textile et de l'Habillement, destiné à soutenir
l'innovation et la création de la filière.
• Le réseau RETIS, qui crée des liens entre recherche et industrie, sans être spécialisé sur
un secteur d’activité.
Cependant, cela est encore largement insuffisant et concentré surtout sur les secteurs de la
mode. Cet état de choses est plus que regrettable, compte tenu des apports essentiels de
21
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22. l’industrie de création dans la valorisation des découvertes scientifiques et leurs applications
concrètes, ainsi que cela a été souligné plus haut.
Il l’est d’autant plus en France, que notre pays a la chance de disposer de deux masses critiques
imposantes en la matière : pays réputé pour son art de vivre et son industrie du luxe, il recèle
également d’importants gisements scientifiques, dont la renommée n’est plus à faire.
Or les champs de fertilisation croisés sont nombreux : sciences physiques ou sciences du vivant
ont en effet des implications dans tous les domaines de la vie (cf. encadré n°2). Et, s’il est
impératif de faire en sorte que les savoir-faire du luxe s’enrichissent des innovations
technologiques qui feront partie intégrante des modes de vie de demain, il est également
crucial pour la recherche fondamentale de valoriser ses travaux à travers des
applications commerciales. Aujourd’hui, cette dernière est insuffisante en France : alors que
les revenus tirés de la propriété intellectuelle représentent entre 3 et 5 % du budget de la
recherche aux Etats-Unis, ils ne sont que de 1 % en France7.
Encadré n°2 : Exemples d’innovations technologiques qui nourrissent la création
Elisabeth de Senneville, styliste, Talent de l’innovation 2003 : la recherche permanente de
matériaux plus performants
Depuis ses débuts, Elisabeth de Senneville n’a qu’une idée en tête, révolutionner la mode et rendre le
vêtement utile. Pour cela elle met au point des tissus intelligents, crée des collections qui vous parfument,
vous maquillent ou vous indiquent le temps qu’il va faire. Ainsi Cosmeticwear entame la quatrième
dimension du textile. Une crème micro-encapsulée invisible à l’œil nu, libère par contact avec la peau ses
bienfaits hydratants, dermo-protecteurs et adoucissants. Pour autant, l’esthétique n’est pas mise de côté,
au contraire, l’accessoire est intégré au vêtement, comme dans cette robe fourreau en lycra, dont le col
cheminée est également un collier lumineux. Des fibres optiques sont tissées et reliées à une micro
batterie dissimulée dans une poche invisible. La lumière peut être colorée en vert, rouge, bleu à l’envi.
Enfin, le temps où l’on se demandait quoi mettre si on n’avait pas vu la météo est révolu : le stormomètre,
en lin blanc, affiche une barre témoin bleue qui change de couleur selon le temps.
7 Cité par le rapport de Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet, « L’économie de l’immatériel », 2006.
22
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23. Mathieu Lehanneur, designer, Talent de l'Audace 2007 : mieux vivre en intégrant l’innovation
technologique dans les objets de tous les jours
Les créations innovantes de Mathieu Lehanneur ont une particularité insolite, elles font du bien. Le jeune
designer s’est toujours attaché à inventer des nouvelles façons de vivre grâce aux innovations
scientifiques et technologiques. Créer des meubles capteurs de sons chargés d'atténuer les nuisances
sonores, inventer un objet design qui assainit l'air domestique grâce à un système de filtration par des
plantes… Les objets de Mathieu Lehanneur cherchent à améliorer le quotidien de l'homme dans sa
dimension biologique, en intégrant les avancées technologiques dans les objets de tous les jours.
Les grandes universités technologiques américaines comme Stanford, Berkeley, le MIT ou
Carnegie Mellon sont des « machines de guerre » pour transférer les résultats, autrement dit les
commercialiser. Elles font de la recherche fondamentale en investissant les moyens gagnés grâce
à la recherche appliquée et technologique. Elles les investissent en même temps dans
l’enseignement qui est très lié à la recherche. De plus, ces établissements attirent les meilleurs
chercheurs du monde entier qui trouvent des rémunérations à la hauteur de leurs ambitions.
En France, le chemin est plus complexe pour valoriser les résultats et permettre à l’industrie
d’en bénéficier. Si, d’après l’OCDE, le nombre de brevets déposés par les universités
françaises augmente, la France se caractérise par une très faible coopération de la
recherche publique avec les PME : en 2002-2004, la proportion de PME qui déclaraient
collaborer dans un projet d’innovation avec des établissements était de 2,5 %, contre 18,7 %
pour les grandes entreprises. Or, ce sont précisément les TPE et PME qui composent le plus
largement le tissu des métiers du luxe et de la création, et qui peuvent valoriser par leur apport
créatif les innovations technologiques.
Si plusieurs mesures ont été prises récemment par les pouvoirs publics, pour valoriser la
recherche publique à travers la facilitation des interactions entre entreprises et instituts publics
de recherche, celles-ci restent insuffisantes. Les raisons de ce phénomène tiennent aussi bien :
• au fossé culturel et intellectuel qui sépare le monde de la recherche (fondamentale ou
appliquée) et celui des métiers du luxe et de la création ;
23
Centre du luxe et de la création® | Développer les partenariats entre les entreprises de luxe et les
organismes de recherche
24. • à la structure souvent inadaptée de l’organisation de la recherche publique : les
biens intellectuels issus de projets de recherche résultent fréquemment en France du
travail d’une équipe de chercheurs émanant de plusieurs structures publiques ;
• à la complexité juridique des contrats de coopération entre laboratoires publics et
entreprises, et des contrats de licence nécessaires à la transformation d’une invention en
innovation, puis à la commercialisation de cette dernière ;
• au foisonnement du dispositif de transfert et de diffusion de la technologie, qui
reste peu lisible pour les PME. Le nombre d'acteurs publics ou parapublics du transfert
de technologie est en effet important en France : SAIC (Services d'activités industrielles
et commerciales) des universités, RDT (réseaux de développement technologique),
CRITT (Centre régionaux d'innovation et de transfert de technologie), CTI (Centres
techniques industriels), CNRT (Centres nationaux de recherche technologique), CEEI
(Centres européens d'entreprises et d'innovation), OSÉO-ANVAR, DRIRE, incubateurs,
technopoles, pôles de compétitivité, etc. auxquels viennent s'ajouter les labels « instituts
Carnot ».
Or, les demandes de collaboration sont réelles, comme en témoigne les sollicitations de
certains Instituts de recherche, qui ont fait appel au Centre du luxe et de la création pour
être mis en relation avec des entreprises de luxe dans des secteurs applicatifs tels que
l’horlogerie, les vins et spiritueux ou les cosmétiques notamment. Tout comme plusieurs
créateurs, nominés ou lauréats des Talents du luxe et de la création manifestent un grand intérêt
pour le monde de la recherche, alors qu’aucune passerelle ne facilite leurs contacts, à l’exception
de quelques initiatives qu’ils connaissent très rarement.8
C. Proposition du Centre du luxe et de la création : développer
les partenariats entre les entreprises du luxe et les organismes de
recherche
Les métiers du luxe et de la création sont indispensables pour valoriser les innovations
technologiques qui découlent de la recherche fondamentale et appliquée ; à l’inverse, la création
8 Cf. Compte rendu de l'Entretien du Cercle du luxe (Centre du luxe et de la création) du 21 octobre 2009 « Art de
vivre, nouveaux enjeux », avec Mathieu Lehanneur notamment.
24
Centre du luxe et de la création® | Développer les partenariats entre les entreprises de luxe et les
organismes de recherche
25. stimule la recherche et l’innovation. Les maisons de luxe exigent sans cesse de nouvelles
performances de la technologie, des matériaux et procédés de fabrication, afin de proposer les
objets qui feront partie, demain, de la vie de tous les jours.
C’est pourquoi, une interaction plus forte est nécessaire entre les organismes de
recherche et les entreprises du luxe et de la création, qui conceptualisent, développent et
commercialisent les innovations technologiques pour la société de demain. A cet égard, le
Centre propose de :
1. Rechercher et favoriser les partenariats
Le Centre du luxe et de la création propose d’être un intermédiaire actif afin de rechercher et
mettre en œuvre les moyens pour favoriser les partenariats entre les entreprises du luxe et les
organismes de recherche, sans oublier les filières professionnelles et les centres de formation.
Ces partenariats peuvent, en effet, être multiacteurs et associer des représentants du public et
du privé.
2. Devenir une plateforme de conseil, d’évaluation et d’appui
Un rôle de « go-between » particulièrement nécessaire, non seulement en raison de la
complexité des dispositifs et contrats de valorisation, mais également de la différence culturelle
qui caractérise les différents acteurs, pourrait être dévolue au Centre du luxe et de la création. Le
Centre pourrait de la sorte devenir une plateforme de conseil, d’évaluation et d’appui aux
entreprises et/ou organismes de recherche, afin de les mettre en relation, et favoriser les
champs de fertilisation croisée.
3. Initier la réflexion pour simplifier et améliorer les dispositifs de
valorisation de la recherche existants
De concert avec les acteurs intéressés, un pôle de réflexion sur les améliorations à apporter en
la matière pourrait être constitué sous l’égide du Centre du luxe et de la création ; les
recommandations formulées à cette occasion pourront par la suite être valorisées auprès des
pouvoirs publics afin de conduire à la modification des législations et dispositifs actuels.
Cette intervention du Centre du luxe et de la création aurait l’avantage de privilégier le
financement de la recherche par projet, ainsi que le recommandent la plupart des
25
Centre du luxe et de la création® | Développer les partenariats entre les entreprises de luxe et les
organismes de recherche
26. rapports sur la recherche publique en France, et non pas par structure comme c’est le cas
actuellement.
En effet, le financement par projet représentait, il y a peu, 60 % du financement de la recherche
publique aux États-Unis, 50 % en Allemagne et 40 % en Finlande contre 4 % en France (chiffres
2005). Le principal intérêt des agences est de concentrer les moyens sur les projets de plus
grande portée économique alors que le financement de structures pérennes a pour effet un
saupoudrage des moyens.
La France est en train de corriger ce décalage, à la suite de la création en 2005 de l’Agence
nationale de la recherche (ANR), une agence de moyens destinée à financer la recherche sur la
base d’appel à projets, et de l’Agence de l’innovation industrielle (AII), chargée des grands
projets fédérateurs en partenariat avec les groupes industriels9. En 2008, l’ANR a ainsi réparti
près de 650 millions d’euros entre 50 projets de recherche, parmi lesquels seuls 18 sont
entièrement nouveaux. Le développement des partenariats entre les entreprises de luxe et
les organismes de recherche aurait le même effet, puisque les dits partenariats seraient
directement orientés par les projets de collaboration destinés à valoriser la recherche et
à stimuler la création.
9 Depuis le 1er janvier 2008, l’AII est rattachée à OSEO, dans une optique de simplification des dispositifs d’aide aux
entreprises mise en place, via OSEO, d’un guichet unique proposant une gamme complète d’aides adaptée à toutes les
tailles d’entreprises et de projets innovants).
26
Centre du luxe et de la création® | Développer les partenariats entre les entreprises de luxe et les
organismes de recherche
27. III. LANCER UN POLE DE COMPETITIVITE « LUXE ET CREATION »
SYNTHESE
Les pôles de compétitivité ont été conçus pour favoriser l’innovation en promouvant la mise en
réseau d’acteurs (centres de recherche, entreprises, écoles et universités, collectivités territoriales), qui,
ensemble, peuvent démultiplier leur potentiel de développement grâce aux synergies mises en œuvre. 71
pôles ont été créés à ce jour.
Si tous les secteurs sont concernés par ce dispositif, l’industrie du luxe y est insuffisamment
représentée : la Cosmetic Valley dans l’Eure, Parfums, Arômes, Senteurs, Saveurs dans les Alpes
maritimes et la Glass Valley dans la Seine-Maritime sont les trois seuls pôles qui existent dans des
domaines connexes au luxe.
Cet état de choses est d’autant plus surprenant, que le luxe :
• réunit des activités à très haute valeur ajoutée et une grande capacité d’innovation ;
• est constitué d’un ensemble d’activités fondamentales tant pour la compétitivité française que
pour son rayonnement international.
Par ailleurs, la France, premier exportateur de luxe au monde, doit affirmer sa place. Il est donc
primordial de renforcer les moyens de compétition et de création d’entreprises, qui sont souvent des
PME ou des TPE à forte tradition, mais n’ayant pas toujours la dimension optimale pour assurer le
développement que légitime leur talent.
Le Centre du luxe et de la création propose, en conséquence, de stimuler la réflexion des
différents partenaires intéressés, afin de constituer un pôle de compétitivité mondial « luxe et
création », destiné à :
• entretenir la créativité par une interpénétration accrue des sciences, des techniques et des
savoir-faire ;
• développer les synergies entre l’innovation technologique et les métiers de la création.
Cette initiative favorisera l’association de compétences et de moyens aujourd’hui éparpillés entre
des marques, des centres de recherche, des groupements professionnels, des agences de création, des
métiers d’art et des investisseurs, et renforcera l'attractivité de la France qui accueillerait, dans ce cadre,
de nombreux scientifiques et créateurs étrangers.
27
Centre du luxe et de la création® | Lancer un pôle de Compétitivité « luxe et création »
28. Les pôles de compétitivité ont été lancés en 2004, par un gouvernement soucieux de dynamiser
l’innovation dans l’industrie française, tenue pour être le principal moteur de croissance pour
l’économie. Calqués sur le modèle des clusters anglo-saxons (et notamment la fameuse Silicon
Valley, modèle du genre), ils visent à favoriser les synergies entre entreprises, centres de
formation et instituts de recherche d’un même secteur d’activité. Dès leur création, les
pôles de compétitivité ont rapidement rencontré un succès important, si bien qu’on compte
aujourd’hui 71 pôles de compétitivité en France (7 mondiaux, 10 à vocation mondiale et 54
nationaux), dont l’efficacité économique est assez largement reconnue et qui emploient plus
d’un salarié de l’industrie sur dix.
Or, sur ces 71 pôles, seuls trois sont connexes au luxe : la Cosmetic Valley (Parfums et
cosmétiques), dans l’Eure, Parfums, Arômes, Senteurs, Saveurs (PASS) dans les Alpes maritimes,
et la Glass Valley (Céramique), entre la Normandie et la Picardie. Pourtant, l’industrie du luxe est
l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie française : rassemblant environ 140
milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel et près de 200 000 emplois (chiffres A.T. Kearney,
2005), le luxe représente un ensemble d’activités fondamentales tant pour la compétitivité
française que pour son rayonnement international.
A. L’industrie du luxe insuffisamment intégrée aux pôles de
compétitivité
Les pôles de compétitivité ont été conçus en réaction à l’internationalisation des échanges et des
processus de production, en vue de favoriser la différenciation et la compétitivité des
entreprises françaises. Rassemblant entreprises, centres de recherche et organismes de
formation sur un même territoire, ils ont pour objet de développer les synergies et les projets
collaboratifs afin d’accroître :
• l’innovation, selon le principe que la proximité permet la circulation de l’information et
des compétences, stimulant ainsi la naissance de projets plus innovants ;
• l’attractivité, puisque la concentration des acteurs sur un territoire offre une visibilité
internationale.
Chaque pôle est représenté et animé par une entité juridique propre, le plus souvent une
association, qui est chargée d’élaborer et de mettre en œuvre la stratégie générale du pôle. Les
28
Centre du luxe et de la création® | Lancer un pôle de Compétitivité « luxe et création »
29. pôles de compétitivité ainsi labellisés bénéficient, alors, du soutien de l’Etat, qui accompagne
notamment leur développement :
• en octroyant, via un fonds unique interministériel (FUI), des aides financières aux
meilleurs projets de recherche et de développement, sélectionnés lors d’appels à
projets ;
• en finançant partiellement les structures de gouvernance des pôles, aux côtés des
collectivités et des entreprises.
L’Agence nationale de la recherche (ANR), OSEO10 ou encore la Caisse des Dépôts (notamment à
travers CDC-Entreprises) sont également impliqués dans le financement des activités des pôles
de compétitivité.
Ainsi, depuis 2005, près de 800 projets de R&D ont bénéficié d’un financement public de 1,47
milliard d’euros, dont plus de 900 millions d’euros par l’État. Ces projets représentent 4
milliards d’euros de dépenses de R&D, et impliquent environ 14 000 chercheurs11. Pourtant, la
part des entreprises de luxe, rassemblées dans trois pôles de compétitivité seulement,
reste limitée : entre 2005 et 2007, durant la première phase du dispositif, elles n’ont ainsi
bénéficié que de 16,4 millions d’euros de soutien publics, soit 2,3 % du montant cumulé
des aides publiques accordées aux pôles de compétitivité sur la même période (à savoir 698
millions d’euros).
Cette faiblesse des montants alloués s’explique non seulement par le nombre restreint des pôles
de compétitivité spécialisés dans le luxe, mais également par le fait que ceux qui existent ne
comptent pas parmi les plus dynamiques en termes de nombre de projets : ainsi, ces trois pôles
totalisent seulement 11 projets de R&D retenus pour la phase 1 (2005-2007). A titre de
comparaison, Systematic (pôle dédié aux systèmes complexes) compte à lui seul près de 30
dossiers de R&D retenus, ce qui lui a permis de bénéficier des financements publics à hauteur de
120 millions d’euros ; et ce à poids à peu près équivalent avec la Cosmetic Valley (400
partenaires actifs). La faible représentation des entreprises du luxe parmi les pôles de
compétitivité est d’autant plus regrettable qu’aujourd’hui, un certain consensus se
dessine pour en reconnaître le succès.
10 Depuis le comité de modernisation des politiques publiques du 4 décembre 2007, le pilotage du FUI a été confié à
OSEO. Le transfert de compétences n’est cependant pas encore effectif.
11 Chiffres de la Direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services (DGCIS), janvier 2009.
29
Centre du luxe et de la création® | Lancer un pôle de Compétitivité « luxe et création »
30. B. Les pôles de compétitivité : un tremplin au développement
largement reconnu
Si certains aspects de l’efficacité économique des pôles de compétitivité restent encore mal
évalués, en raison de la relative jeunesse du dispositif12, certaines constatations peuvent d’ores
et déjà être notées. Outre les gains économiques soulignés par la théorie économique, fondés
notamment sur les travaux de Michael Porter13, aujourd’hui un certain nombre d’études
empiriques confirment en effet l’existence de gains économiques, aussi bien en termes de
création de valeur, de performance à l’exportation, que de recherche.
1. Une efficacité en termes de création de valeur
D’après une étude du CEPREMAP publiée en 200814, portant sur près de 30 000 firmes
françaises entre 1996 et 2004, le fait de doubler le nombre d’emplois dans un secteur et un
territoire donné augmente de 5 à 8 % la productivité des entreprises. Ce constat a été confirmé
par des études similaires réalisées dans d’autres pays15.
2. Des performances à l’exportation accrues
Si certains estiment que ces gains de productivité sont trop faibles, compte tenu du coût des
pôles de compétitivité, les performances à l’exportation, plus élevées pour les PME des pôles, ont
été empiriquement constatées. Ainsi, leur taux d’exportation moyen est de 25%, contre 18 %
pour l’ensemble de l’économie, à structure identique (Chiffres DGCIS, mai 2009). Si l’on se limite
aux PME industrielles, le taux d’exportation reste significativement supérieur : 31 % pour celles
qui sont impliquées dans les pôles, et 24 % pour l’ensemble des PME industrielles.
12 En termes d’emplois, notamment : l’évaluation des cabinets CM International et BCG (2008) ainsi que le dernier
rapport d’information du Sénat sur les pôles de compétitivité (14 octobre 2009), s’accordent ainsi pour reconnaître
qu’il est encore trop tôt pour évaluer l’impact du dispositif sur l’emploi.
13 Professeur de stratégie d'entreprise de l'université de Harvard, Michael Porter est célèbre pour ses études sur la
façon dont une entreprise peut obtenir un avantage concurrentiel, mais il a également formalisé sur le plan théorique
la notion de pôle de compétence géographique, au point que le terme porte son nom en anglais : Porter's clusters.
14 Centre pour la Recherche Economique et ses Applications (CEPREMAP) « Les pôles de compétitivité – Que peut-on
en attendre ? », Gilles Duranton, Philippe Martin, Thierry Mayer et Florian Mayneris, Éditions Rue d’Ulm/Presses de
l’École normale supérieure, 2008.
15 Cf. J. Henderson, « Marshall’s scale economies », Journal of Urban Economics, 53, 2003, p. 1-28.
30
Centre du luxe et de la création® | Lancer un pôle de Compétitivité « luxe et création »
31. 3. Un impact fort sur la recherche et l’innovation
Enfin, l’impact en termes de renforcement de l’effort de recherche, et donc d’innovation, est non
seulement réel mais largement reconnu. D’après les chiffres de la DGCIS (Tableau de bord 2008),
le nombre de titres de propriété intellectuelle (brevets compris) déposés en 2007 dans le cadre
des 1535 projets labellisés s’élève à 216. Près de 10 % des projets ont donc donné lieu à un
dépôt de titre de propriété intellectuelle, ce qui souligne l’efficacité des efforts de recherche
menés dans le cadre des pôles de compétitivité, compte tenu du caractère intrinsèquement
incertain de toute démarche de recherche fondamentale ou appliquée. L’apport du dispositif des
pôles de compétitivité est essentiel dans cet effort de recherche, car, comme l’a souligné le
rapport d’information du Sénat (octobre 2009), sur les 1400 projets de R&D lancés dans le cadre
des pôles de compétitivité, bon nombre de ces projets n’auraient pas pu voir le jour sans le
dispositif.
Ainsi, outre les avantages en termes d’aménagement du territoire, dont il n’a pas été question ici,
le bilan des pôles est unanimement jugé très positif. L’étude d’évaluation des pôles, confiée
aux cabinets CM International et BCG (juin 2008), a souligné leur « dynamisme prometteur »,
confirmant le maintien de ce dispositif envié à l’étranger.16
C. Proposition du Centre du luxe et de la création : intégrer les
entreprises de luxe au sein des pôles de compétitivité mondiaux
Il apparait dont urgent d’en faire bénéficier l’industrie du luxe, qui, par son taux de
croissance historiquement élevé, sa forte valeur ajoutée et ses bonnes performances à
l’exportation, par son effet d’entraînement sur d’autres activités et sa contribution à
l’image de la France dans le monde, est un secteur stratégique. Cela est d’autant plus
indiqué que les synergies possibles entre le secteur du luxe et les domaines scientifiques sont
nombreuses et nécessaires (cf. infra, proposition II), à deux niveaux :
16 D’après l’« Étude sur les bonnes pratiques de dix pôles de compétitivité étrangers », réalisée pour la Direction
générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services (DGCIS) par la société Algoé (mai 2009), la politique
nationale des pôles de compétitivité ne possède pas d’équivalent dans les pays étudiés ; et l’intervention massive des
pouvoirs publics pour soutenir les projets de R&D des pôles est appréciée, voire enviée.
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Centre du luxe et de la création® | Lancer un pôle de Compétitivité « luxe et création »
32. • d’un côté, l’industrie du luxe doit, plus que toute autre, s’enrichir des innovations
technologiques dans la mesure où elles feront partie intégrante des modes de vie de
demain.
• de l’autre, les industries traditionnelles ont tout intérêt à bénéficier de l’expertise du luxe
et de la création, qui joue un rôle fondamental pour traduire l’évolution de la société et
mettre en scène les innovations technologiques, tout en étant également un
conservatoire vivant des traditions et des savoir-faire.
Quoique relativement peu nombreuses, les expériences des entreprises du luxe avec le
dispositif des pôles de compétitivité sont très positives, comme en témoigne le succès du
pôle Cosmetic Valley, qui est régulièrement cité en exemple (cf. encadré).
Encadré : La Cosmetic Valley
Un exemple réussi de pôle de compétitivité dans le luxe
Basé à Chartres, le pôle de compétitivité Cosmetic Valley est aujourd’hui le premier centre mondial de
ressources de la parfumerie-cosmétique. Initié dès 1994 sous l’impulsion de Jean-Paul Guerlain, ce pôle
rassemble aujourd’hui le fleuron de l’industrie de la beauté : Guerlain et Dior (LVMH), Shiseido, Hermès,
Nina Ricci et Paco Rabanne (Groupe Puig), Lolita Lempicka (Pacific Création), Gemey-Maybelline et Yves
Saint Laurent Beauté (L’Oréal), Clarins, Caudalie, Chanel, etc.
Quelques chiffres :
• 470 entreprises (dont 80 % de PME),
• 3 régions (Centre, Normandie, Ile-de-France)
• 45 000 emplois
• 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires
• 5 universités : Orléans, Rouen, Tours, Versailles/Saint Quentin-en-Yvelines, Le Havre
• 188 laboratoires de recherche publique
• 7 200 chercheurs associés
• 33 projets de recherche validés depuis la labellisation du pôle le 12 juillet 2005
• 68 millions d’euros investis dans ces projets
Aujourd’hui, le marché des cosmétiques et parfums représente 15,2 milliards d’euros (chiffres 2007), en
croissance de 5,7 %, dont 43 % pour le marché français (+3,5 %) et 57 % à l’export (+7,4 %). Avec 10
milliards d’euros de chiffre d’affaires, la filière représente plus de 60 % du chiffre d’affaires global de
l’industrie française de la beauté qui est aujourd’hui le 2ème contributeur au solde commercial de la
France après l’aéronautique.
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Centre du luxe et de la création® | Lancer un pôle de Compétitivité « luxe et création »
33. Le Centre du luxe et de la création propose donc de :
1. Dynamiser la labellisation de pôles de compétitivité dans le domaine
du luxe
Dès la création des pôles de compétitivité, nous avions recommandé de créer un ou plusieurs
pôles de compétitivité dans différentes filières du luxe, afin de dynamiser leur créativité et leur
visibilité internationale. Cette orientation apparaît aujourd’hui comme indispensable et le
Centre du luxe et de la création se propose de favoriser ce projet en fédérant les acteurs
potentiels, afin d’être en mesure de lancer de nouveaux pôles de compétitivité en ce domaine
dès 2011.
En effet, conformément aux recommandations des récentes études d’évaluation (notamment
celles du BCG-CMI et du Centre d’analyse stratégique), les pouvoirs publics ont décidé de geler la
labellisation de nouveaux pôles pour la période 2009-2011, afin de se concentrer sur les pôles
existants.
2. Valoriser les PME du luxe au sein des pôles de compétitivité
existants, même et surtout ceux qui ne sont pas centrés sur l’industrie du
luxe.
L’apport créateur des agences de design, cabinets d’architectes et de décoration intérieure,
stylistes de mode, etc. permet souvent de présenter les multiples facettes de la qualité d’un objet,
d’un processus, ou d’un service, tout en les rendant désirables et faciles d’accès pour le
consommateur. Ce dernier aspect est d’autant plus essentiel que les innovations ne sont
valorisées par le marché que si elles sont relativement aisées à utiliser. Plusieurs échecs
commerciaux liés à des technologies très performantes, mais difficiles à manier, en témoignent
(cf. mesure n°II).
Or, ces métiers sont pour la plupart représentés par de TPE ou PME. Les petites entreprises de
l’industrie du luxe et de la création ont donc toute leur place parmi les pôles de
compétitivité consacrés aux innovations technologiques. Jusqu’à présent, les entreprises
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Centre du luxe et de la création® | Lancer un pôle de Compétitivité « luxe et création »
34. françaises se sont distinguées puisqu’elles sont plus de 60 % à ne jamais recourir au design,
contre seulement 35 % au Royaume-Uni et 25 % en Norvège17.
Si jusqu’à présent les PME souffraient d’un certain nombre de handicaps pour intégrer les pôles
de compétitivité (notamment de délais de paiement des crédits du FUI qui atteignent 165 jours),
ce problème a été identifié de manière consensuelle par l’ensemble des rapports d’évaluation
(notamment celui du Sénat). Les mesures prises par la puissance publique devront donc lever
les difficultés, et favoriser l’intégration des PME du luxe aux dispositifs existants, pour le plus
grand bénéfice de tous les acteurs.
3. Ouvrir ces futurs pôles de compétitivité à des scientifiques et des
créateurs étrangers
Afin de stimuler le potentiel de développement international des entreprises et Centres de
recherche qui feront partie de ces pôles, des scientifiques et créateurs étrangers peuvent en effet
apporter un souffle nouveau à la créativité des pôles, en étant inspirateurs de nouvelles
manières de voir ou de penser.
17 Agence pour la promotion de la création industrielle (APCI), « Les pratiques du design en PMI », Rapport d’étude,
Design France et Tremplin Protocole, 2002.
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35. IV. INITIER UN INSTITUT DES HAUTES ETUDES DE LA CREATION
SYNTHESE
La rigidité des systèmes de pensée et l'appréhension face au changement créent des obstacles aux effets
bénéfiques de la création. C’est pourquoi, au-delà du renforcement et du décloisonnement des systèmes
de formation, il est important qu’un nouvel échelon de réflexion, et d’échanges au plus haut niveau
soit créé.
A cette fin, le Centre du luxe et de la création a imaginé de lancer un Institut des Hautes Etudes de
la Création qui réunirait chaque année, autour d’une vingtaine de créateurs du monde entier, des
personnalités sélectionnées dans différents milieux économiques, sociaux et culturels.
Il serait bâti sur le modèle de l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale, c'est-à-dire la réunion
autour des thèmes de la défense et d'un noyau d'officiers supérieurs, de représentants des entreprises de
l'administration et de la société civile. Par cet intermédiaire le niveau de conscience et de connaissance
des décideurs est constamment entretenu et les grands sujets relatifs à la défense sont mieux connus et
partagés. Ce décloisonnement est salutaire et fructueux et permet de développer un enseignement et une
recherche de haut niveau.
Il est tout à fait légitime que la France, fille aînée du luxe et un des berceaux mondiaux de la
création, soit à l'initiative d'un tel Institut dont la fonction sera de réunir des créateurs, des chefs
d'entreprise, des artistes, des scientifiques et des personnalités reflétant la diversité des métiers
et des engagements.
Cet Institut serait largement ouvert à des auditeurs étrangers et, tout comme le Cercle du luxe est un lieu
de rencontre et d'émergence de nouveaux projets, il sera le lieu où s'inventera l'avenir de la création. Son
financement serait assuré par les grands acteurs économiques du luxe et les pouvoirs publics.
Le pari, que nous faisons, est qu’un des gisements du changement se trouve dans ce rapprochement qui
réconciliera l'imagination et l’évolution de la société à travers ceux qui la conduisent.
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Centre du luxe et de la création® | Initier un Institut des Hautes Etudes de la Création
36. La formation et la transmission des savoirs sont au cœur du développement des sociétés et des
secteurs économiques. Les activités du luxe, dans leur diversité, disposent d’un processus de
formation créative ancré dans l’apprentissage manuel et qui se perpétue au-delà des BTS à
travers différentes écoles. En France et en Europe occidentale, on distingue notamment : la
Chambre Syndicale de la Couture Parisienne, ESMOD, l’Atelier Chardon Savard, le Studio Berçot,
l’ISAA, l’école Duperré, l’ENSCI, l’ISIPCA, l’ENSAD, la Cambre, l’Académie Royale des Beaux Arts
d’Anvers, le Saint Martins College, l’Istituto Marangoni, ou encore Polimoda.
Le monde du luxe commence, par ailleurs, à bénéficier de structures de formation dans
l’enseignement supérieur qui ont une approche plus transversale, telles la chaire « LVMH/ESSEC
prestige international », des troisièmes cycles à l’Institut français de la mode ou, encore, l’Institut
supérieur de « marketing du luxe » (pour des étudiants de niveau bac + 4 ou 5).
Cette évolution indique que les activités du luxe ont entamé leur mutation vers un
décloisonnement des différents métiers qui les conduit vers une logique de filière, sans
que celle-ci soit constituée et représentative18.
A vrai dire, il n’existe pas aujourd’hui de pôle de réflexion et de mobilisation stratégique
qui assure la promotion de projets fédérateurs au plan international, sinon le Centre du
luxe et de la création qui, en ses différentes activités, s’est construit à cette fin. C’est
pourquoi, au-delà du renforcement et du décloisonnement des systèmes de formation, il est
important qu’un nouvel échelon de réflexion, et d’échanges au plus haut niveau soit créé.
A. Améliorer la sensibilisation à la création à tous les niveaux
de la formation
La création est portée par les secteurs du luxe qui agissent comme les grands transformateurs
des courants artistiques, à travers les savoir-faire les plus « pointus ». C’est en cela que le luxe
est une vitrine exceptionnelle de la tradition et de la modernité. Or la France représente environ
40 % de la production mondiale. Que signifie ce chiffre, alors que les entreprises d’origine
française, celles dont les capitaux sont majoritairement détenus par des actionnaires français,
exportent plus de 80 % de leur production, que les Etats majors y sont plurinationaux et que les
créateurs sont souvent étrangers ?
18 Il existe certes le Comité Colbert qui assure la représentation de 69 marques françaises, selon une logique de
groupement d’intérêts.
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37. La réponse est contrastée :
• Le luxe à la française répond incontestablement à une image de marque forte et à des
produits ou services clairement identifiés partout dans le monde.
• La création, les savoir-faire et l’innovation forment le socle de cette image de marque.
• La concurrence mondiale est toutefois de plus en plus vive et va se développer
notamment dans les pays émergents, qui cumulent plusieurs atouts : une croissance
forte et durable, un enrichissement rapide d’une population qui représente la moitié de
la planète, des capacités d’investissement qui ne cessent de grandir, un patriotisme
culturel très fort associé à des traditions artisanales souvent très anciennes et un appétit
de conquête industrielle et commerciale considérable.
L’avantage de la France va donc dépendre de sa capacité à assurer une prééminence
suffisante en termes de création, de transmission des savoir-faire et d’intégration du
dynamisme mondial qui va s’exprimer particulièrement dans les activités du luxe.
Il faudra donc consolider le socle des formations et renforcer l’attractivité de la France en
mutualisant le potentiel créatif qui commence à s’exprimer au plan international.
B. Une consolidation du socle des formations indispensable
Le Conseil économique et social souligne à juste titre dans son rapport de février 2008
l’importance de la sensibilisation aux métiers du luxe à travers les formations initiales ou
continues :
« La pérennité de la filière du luxe est conditionnée par le maintien de l’excellence des
professionnels qui y œuvrent, à tous les échelons des qualifications. Dans ces conditions, la
formation (initiale et continue) représente un enjeu de taille.
La formation dans cette filière est plurielle et les voies d’accès aux différents métiers sont
nombreuses : éducation nationale, écoles professionnelles de tous genres (CFA...). Elles ouvrent
sur une multitude de diplômes de tous niveaux, y compris supérieurs. On peut cependant
rappeler que les compétences manuelles ne sont pas suffisamment mises en valeur, à l’inverse
du marketing. Un nouvel équilibre est, à l’évidence, à chercher et surtout à promouvoir entre ces
différents éléments, au profit de l’acte productif. (…)
37
Centre du luxe et de la création® | Initier un Institut des Hautes Etudes de la Création
38. Par ailleurs, une certaine initiation à l’art constitue un premier élément de la formation. Or, trop
souvent, ces métiers voire la filière elle-même, témoins vivants et modernes d’une tradition
d’excellence, ne sont pas véritablement connus des jeunes.
De même que la sensibilisation et l’initiation aux œuvres artistiques qui participent du
patrimoine de notre pays, devraient être plus systématiquement pratiquées, de même la filière
du luxe devrait être valorisée auprès des jeunes. Elle constitue, en effet, un élément moderne de
notre patrimoine en même temps qu’un vivier d’innovation, et de créativité. »
Nous ne pouvons que souscrire à ce diagnostic qui relève les fragilités de notre enseignement
et souscrire à la proposition faite par le CES afin de consolider le socle des formations :
« Au-delà, la structuration de l’appareil de formation aux métiers du luxe devrait faire l’objet
d’une large réflexion. Cet ensemble, en respectant la liberté de ses diverses composantes,
mériterait sans doute une mise en cohérence mais aussi un surcroît de valorisation.
A terme, (…) il conviendra d’inciter à la création d’un centre national des métiers du luxe
fédérant en réseau, les pôles d’excellence des métiers d’art, les structures et les établissements
de formation initiales et continues ; du marketing aux spécialités de la distribution en passant
par la production dans toute sa diversité. Cette structure devrait permettre ainsi de mieux
identifier l’ensemble des métiers du luxe, de veiller à la prise en compte des évolutions
technologiques dans les programmes de formation afin de préserver voire perfectionner les
savoir-faire et assurer leur transmission. Elle devrait aussi permettre de mieux faire connaître,
dans le concert international, la qualité de nos écoles, notamment celles de création. »
Nous tenons donc tout particulièrement à affirmer notre soutien à cette initiative tout en en
développant une autre, complémentaire, pour renforcer l’attractivité de la France dans le
domaine de la création : la constitution d’un institut des Hautes Etudes de la Création.
C. La constitution de L’Institut des Hautes Etudes de la Création :
une priorité stratégique
La création revêt une valeur stratégique majeure. Elle concerne donc de nombreux acteurs de la
société, non seulement les créateurs et les responsables des marques de luxe, mais aussi des
représentants de tous les milieux, administration, entreprises, culture, recherche, monde
associatif, d’origine française ou étrangère.
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Centre du luxe et de la création® | Initier un Institut des Hautes Etudes de la Création
39. Tout comme le socle de formation mérite d’être consolidé il apparaît qu’un nouvel
échelon de réflexion, d’information et d’échanges pourrait être créé en associant chaque
année, autour d’une vingtaine de créateurs, des personnalités sélectionnées dans ces
différents milieux.
Réunis au sein de l’Institut des Hautes Etudes de la Création, ils travailleraient ensemble
pendant une année (deux demi-journées par semaine et quelques voyages d’études). Ils
conduiraient des études et des recherches qui enrichiraient leurs connaissances réciproques et
renforceraient l’attractivité de la France. Cet Institut, en effet, serait unique au monde, pour
travailler à un niveau de réflexion stratégique ayant comme sujet central la création et tout ce
qui en procède aux plans économique, social, culturel… L’ouverture sur l’International opèrerait
une extension de la position prééminente de la France en matière de luxe et de création. A la fois
think tank et échelon de haut niveau de l’édifice de formation, il contribuerait aussi à
mieux fédérer la filière luxe autour d’enjeux planétaires.
Cet Institut serait construit sur le même modèle que l'Institut des Hautes Etudes de Défense
Nationale, (cf. encadré) c'est-à-dire la coopération et l’interpénétration des expériences sur des
thèmes de défense globale d'officiers supérieurs, de représentants des entreprises de
l'administration et de la société civile. Par cet intermédiaire le niveau de conscience et de
connaissance des décideurs est constamment entretenu et les grands sujets relatifs à la défense
sont mieux connus et partagés. Ce décloisonnement est salutaire et fructueux et permet de
développer un enseignement et une recherche de haut niveau. L’IHEDN qui a formé plus de 20
000 auditeurs depuis sa création est un bel instrument de lobbying stratégique en faveur de
l’esprit de défense et de compréhension de ses mécanismes. L’IHEC aurait une fonction similaire
en faveur d’une plus grande appropriation de la démarche créative.
Il est tout à fait légitime que la France, fille aînée du luxe et un des berceaux mondiaux de
la création, soit à l'initiative d'un tel Institut dont la fonction sera de réunir des créateurs, des
chefs d'entreprise, des artistes, des scientifiques et des personnalités reflétant la diversité des
métiers et des engagements.
Cet Institut serait largement ouvert à des auditeurs étrangers et, tout comme le Cercle du luxe
est un lieu de rencontre et d'émergence de nouveaux projets, il sera le lieu où s'inventera
l'avenir de la création. Son financement serait assuré par les grands acteurs économiques
du luxe et les pouvoirs publics, selon un processus qui serait piloté par le Centre du luxe
et de la création.
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Centre du luxe et de la création® | Initier un Institut des Hautes Etudes de la Création
40. Encadré : L’institut des hautes études de défense nationale (IHEDN)
L'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) est un établissement public administratif
français d'expertise et de sensibilisation en matière de défense, fondé en 1936 et placé sous la tutelle
directe du premier ministre. Son auditoire et sa vocation sont à la fois civils et militaires.
Sa finalité est « d’aider les cadres de la nation à se forger une perception de la défense, de développer une
sensibilité à ses enjeux, de contribuer à l’acquisition de la culture de défense ». Car la Défense est l’affaire
de tous, elle ne repose pas sur la seule action des armées. Il s’agit d’une défense globale qui associe
dimension civile et économique, mais aussi sociale et culturelle.
Les missions de l'Institut sont :
• Réunir des responsables de haut niveau appartenant à la fonction publique civile et militaire et
aux autres secteurs d'activité de la nation en vue d'approfondir en commun leur connaissance
des grands problèmes de défense ;
• Aider les cadres de la nation à se forger une perception de la défense, à développer une
sensibilité à ses enjeux et contribuer à l’acquisition de la culture de défense ;
• Conduire des études et des recherches et apporter son concours aux ministères et aux
établissements d'enseignement supérieur et de recherche dans le domaine de la défense ;
• Promouvoir les enseignements universitaires de défense en liaison avec le ministre chargé de
l'enseignement supérieur.
Les auditeurs admis à suivre les sessions nationales et régionales de l'institut sont désignées par arrêté
du Premier ministre. Ils sont recrutés dans tous les secteurs d'activité (civils, administration publique et
armée), pour environ un tiers de chaque catégorie. La session nationale (une par an) comprend environ
90 auditeurs. Lieu de rassemblement et d’interconnexion entre des acteurs d’horizons très divers, civils
et militaires, l’IHEDN a su créer les conditions optimales pour favoriser une réflexion sur les questions de
défense. Présent sur tous les continents, l’Institut attache une grande importance à son ouverture
internationale qui contribue au rayonnement de la France dans le domaine de la sécurité et de la défense.
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