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Revue biblio
1. PROGRAMME DES NATIONS UNIES
POUR LE DEVELOPPEMENT (PNUD)
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE ET REFLEXION SUR
LES TECHNIQUES PROSPECTIVES
Harilanto RAOELSON
Consultant
Octobre 2005
1
2. SOMMAIRE
Page
Introduction 4
Contexte 4
Méthodologie 4
Aperçu global sur les études prospectives 5
I. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE SELECTIVE SUR LES PRATIQUES 10
INTERNATIONALES EN MATIERE DE TECHNIQUES PROSPECTIVES
1. 1. Futurs Africains / ACBF. Rapport de l’Atelier Régional sur les Expériences 10
Nationales d’Opérationnalisation des ENPLT, Dakar, Sénégal, 26 - 28 février 2001
1. 2. Mills-Landell, Pierre. National Perspective Studies in Africa: A Vision of a Better 12
Future. (Finance & Development) Dec 1993.
1. 3. FAO, Comité des Forêts. L’Avenir des Forêts: Répercussions de l’Etude 12
Prospective du Secteur Forestier en Afrique. Note du Secrétariat, Seizième
session, Rome (Italie), 10-14 mars 2003
1. 4. Rarivomanana, Philibert. L’Etude Prospective du Secteur Forestier en Afrique 13
(FOSA), République de Madagascar, Ministère des Eaux et Forêts, Novembre
2000
1. 5. Cered-Cernea, Université Paris X-Nanterre. Un Bilan de la Prospective Africaine, 14
2000
1. 6. GIRI, Jacques. Le Sahel au XXI ème Siècle. Un Essai de Réflexion Prospective 16
sur les Sociétés Sahéliennes. Éd. Karthala, 1989
1. 7. UNESCO. Approches Prospectives et Stratégies Novatrices en faveur du 17
Développement de l'Afrique au XXI ème Siècle. Séminaire international, Rapport
final. Paris, 8-9 novembre 2001
1. 8. Programme des Nations Unies pour le Développement. Études Prospectives 17
Nationales À Long Terme : Un Instrument de Gestion Publique. Futurs
Africains,1998.
1. 9. Futurs Africains. Guide Méthodologique d’un Exercice NLTPS. Janvier 1993. 18
1. 10. Godet, Michel. La Boîte à Outils de Prospective Stratégique. Cahier n° 5, LIPSOR, 19
Cinquième édition mise à jour, Juin 2004.
II. PRATIQUES INTERNATIONALES DE LA PROSPECTIVE ET BILAN 21
2. 1. Au niveau du continent africain 21
A. Contexte 21
B. Objectifs des Etudes prospectives en Afrique 21
C. Méthodologie de réalisation des études prospectives en Afrique 21
D. Principaux réalisateurs des études prospectives en Afrique 22
2.1.1. Cas des Pays africains subsahariens 22
2.1.1.1. Algérie 23
2.1.1.2. Egypte 23
2.1.1.3. Maroc 24
2.1.1.4. Soudan 24
2.1.1.5. Tunisie 24
2.1. 2. Cas des pays de l’Afrique de l’Ouest (WALTPS) 25
2.1. 3. Cas des autres pays africains 30
2.1.3.1. Benin 30
2.1.3.2. Cap-Vert 31
2.1.3.3. Sierra Leone : VISION 2025 31
2.1.3.4. Madagascar : VISION 2030 et VISION Madagascar Naturellement 2020 33
2.1.3.5. Malawi : Un exemple de boucle de rétroaction 37
2.1.3.6. Maurice 38
2.1.3.7. Sao Tome et Principe 41
2. 2. Cas des Pays asiatiques : Inde et Chine 43
2. 3. Au niveau de l’Europe 45
2.3.1. Prospective régionale 45
2
3. 2.3.1.1. Limousin (France)
2.3.1.2. West Midlands (Royaume Uni)
2.3.1.3. North-East England (Royaume-Uni)
2.3.1.4. Pays Basque (Espagne)
2.3.1.5. Luxembourg
2.3.1.6. Wallonie
2.3.2. Prospective sectorielle 51
2.3.2.1. Prévisions de consommation en Energie 51
2.3.2.2. Prospective agricole 56
2.3.2.3. Prospective dans le secteur Métier 58
III. ELEMENTS D’EVALUATION 65
3. 1. Motivation des études prospectives africaines 65
3. 2. Bilan de la prospective 66
3.2.1. Au niveau de l’Afrique 66
3.2.2. Au niveau de l’Europe 68
3.2.2.1. Prospective et développement régional 68
3.2.2.2. Prospective et Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences 70
IV. RECOMMANDATIONS 74
4. 1. Leçons à tirer 74
4. 2. Recommandations 75
4.2.1. Au niveau des principes directeurs 75
4.2.2. Sur le plan institutionnel 75
4.2.3. Sur le plan stratégique 76
4.2.4. Sur le plan méthodologique 78
4.2.5. Au niveau de l’opérationnalisation 78
4.2.6. Au niveau de la préparation des NLTPS 80
CONCLUSION GENERALE 81
ANNEXE : Termes de référence
3
4. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE ET REFLEXION SUR LES
TECHNIQUES PROSPECTIVES
Introduction
La présente étude s’inscrit dans la démarche déjà initiée en 1997-1998 pour la mise en place
effective d’un réseau national de partenariat NLTPS devant contribuer à l’élaboration d’un
cadre stratégique de développement à long terme à Madagascar. Elle a pour objectifs de
mettre en exergue quelques réalisations significatives concernant les pratiques
internationales en matière de techniques prospectives (i.e., objectifs, approches,
méthodologie, domaines d’intervention, organismes de recherche, conclusions,…),
d’identifier des pistes possibles pour l’adaptation de ces pratiques au cas de Madagascar, et
de formuler des recommandations pour l’élaboration de la stratégie nationale de long terme.
Les résultats de cette étude font l’objet du présent rapport qui comporte quatre parties : (i)
Revue bibliographique sélective sur les pratiques internationales en matière de techniques
prospectives, (ii) Synthèse d’un échantillon d’études et techniques prospectives, (iii)
Evaluation des études prospectives ainsi recensées, et (iv) Recommandations.
Contexte
Madagascar s’est engagé dans la mise en œuvre d’un programme à moyen terme visant à
réduire la pauvreté, défini dans le Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté
(DSRP), lequel se réfère notamment aux Objectifs du Millénaire pour le Développement
(OMD) à l’horizon 2015. Toutefois, un développement rapide et durable reposant sur une
vision à long terme conformément à la Vision « Madagascar Naturellement » (VINA) pour
2020 et aux perspectives de « Madagascar : Vision 2030 », implique, pour être effectif,
l’élaboration d’un cadre stratégique cohérent intégrant le court et le long termes dans la
conception et la mise en œuvre des politiques et stratégies de développement. C’est ainsi
que, déjà en 1997, le gouvernement malgache avait, conjointement avec le PNUD, initié une
nouvelle approche du développement prenant appui sur une vision à long terme. Des
Ateliers de formation sur les « Etudes Prospectives à Long Terme » (National Long Term
Prospective Studies : NLTPS) furent alors organisés en vue d’implanter un réseau national
de partenariat NLTPS.
Ainsi, la réalisation de cette étude rentre dans le droit fil d’une entreprise tendant à renforcer
les acquis des actions menées dans le domaine des réflexions et techniques prospectives
devant contribuer à la mise en place effective d’un cadre stratégique à long terme de
développement.
Méthodologie
L‘étude a été réalisée suivant la méthodologie de travail décrite ci-après :
Recherche documentaire sur Internet;
Exploitation et analyse des informations ainsi recueillies et compilation d’autres
documents disponibles traitant de la prospective;
Synthèse des résultats des travaux d’analyse et de compilation ;
Diagnostic et évaluation des pratiques prospectives recensées ; et
Formulation de recommandations.
4
5. Aperçu global sur les études prospectives
Concepts de base de la prospective
Des résultats de recherche avancent quelques éléments de définition de la prospective, dont
les suivants :
La prospective est une « science ayant pour objet l’étude des causes techniques,
scientifiques, économiques et sociales qui accélèrent l’évolution du monde moderne, et la
prévision des situations qui pourraient découler de leurs influences conjuguées »;
La prospective apparaît en opposition de phase avec la prévision (forecasting) qui,
empruntant une démarche déterministe, s’appuie sur l’analyse du passé pour dessiner des
futurs probables ;
C’est avant tout un état d’esprit, une façon d’être, qui consiste à accepter l’idée d’accueillir
le futur, d’être ouvert à lui, sans a-priori dogmatique, ou idéologique. Contrairement à une
idée reçue, l’ouverture d’esprit vers l’avenir, vers le futur comme objet d’un débat sur une
réalité à construire, n’est pas aussi fréquente et générale qu’on pourrait le penser ;
C’est un mécanisme de la pensée qui consiste à se tourner vers l’avenir pour réfléchir sur
l’actuel, le contemporain, et parfois même l’immédiat ;
Il s’agit au fond d’une démarche qui vise à mettre en perspective les problèmes et les
enjeux, leur donner en somme une profondeur de champ que l’on n’a pas toujours quand on
"colle" de trop près à l’événement ;
Il s’agit de mettre en perspective une réalité, un enjeu perçu et vécu à un moment donné,
de façon à élaborer une position, prendre position, et se retourner vers le futur, vers le
lendemain ;
C’est un jeu itératif entre une mise en scène du futur, qui est en général un futur lointain,
hypothétique, spéculatif, et le présent, et qui débouche in fine sur un retour sur le futur, mais
un futur d’une autre nature, le futur proche, palpable, tangible, le futur de l’action et de la
transformation des choses, du changement et des ruptures voulues et non pas subies. D’où
l’idée d’un mouvement de balancement entre une temporalité tournée vers des horizons
lointains et une temporalité tournée vers des horizons proches qui porte sur les conditions de
la transformation de la réalité ;
C’est le "rêve passé au crible de la raison".
Prospective et notions connexes
Prospective et planification
La prospective est une pensée « riche », et la planification est une pensée « sèche » Certes,
dans un système sociétal stable sur ses bases et ses perspectives, donc invariant, on peut
admettre que les configurations possibles se limitent à un très petit nombre de cas. Mais
dans un monde instable, incertain, et de plus, « à rationalité limitée », ce qui est le cas de
l’univers de l’économie actuelle, dans lequel aucun acteur n’a une visibilité certaine de
l’ensemble, la prévision apparaît comme un mode de penser le futur largement dépassé ou
en tous les cas, qui ne se suffit pas à lui-même. De fait, l’approche prévisionniste a tendance
à céder de plus en plus la place à une vision prospectiviste des problèmes.
La fin de l’ère Plan-prévision correspond à l’émergence de l’ère Plan-prospective ou encore
Programmation-prospective. Ainsi l’époque est révolue où l’on programmait des
investissements gigantesques sur la base d’une activité prévisionnelle en démographie qui
se limitait à l’extrapolation des résultats de la période intercensitaire antérieure sur un
horizon de vingt ans, sans se poser la moindre question sur le bien-fondé de la pente de la
courbe sur l’ensemble de la période, ni se poser la moindre question sur la dynamique du
champ sociétal et de ses liens avec le champ économique ou technologique, l’évolution des
systèmes de valeur, le sens des choses. Ce silence de la pensée a eu pour effet de
sérieusement déprécier cette activité. Il en est résulté la nécessité de se doter de nouveaux
5
6. outils de travail, de nouveaux paradigmes pour fonder le discours sur la réalité et son
devenir.
C’est à ce point que la prospective apparaît comme une réponse. Non pas la réponse, mais
comme une des réponses possibles.
Prospective et stratégie
Est-ce que la notion de prospective apporte quelque chose de plus à la notion de stratégie
ou s’agit-il d’un pléonasme ou d’un simple affichage publicitaire ? La question est sujette à
controverse. Ce qui est sûr, c’est que la prospective, qui est avant tout un mode de pensée,
n’est pas forcement marquée au sceau de l’action stratégique. Inversement, la prospective
apporte à l’action stratégique une dimension supplémentaire, de l’ordre de la technique du
raisonnement. La prospective représente un effort de mise en forme des idées qui peut
apporter une dimension supplémentaire au discours stratégique, d’où l’intérêt du couplage
entre les deux notions.
Différents courants de prospective
La prospective cognitive
Lorsque les systèmes doivent se mettre en situation de « penser » leur devenir, ils doivent
se doter d’un ensemble d’outils permettant de se doter d’une « vision », d’une représentation
de leur situation, de leur potentiel, de leur place ou de leur position. Et il faut que cette vision
soit étayée par des analyses, des diagnostics en profondeur, des diagnostics diachroniques.
C’est la prospective cognitive. Celle-ci renvoie à un champ général qui est la question des
systèmes, et son outil, la systémique.
Il est à noter que sans une connaissance sérieuse des origines et des stades antérieurs de
développement, il y a peu de chance que l’on puisse véritablement comprendre la réalité
substantielle d’un système à un moment donné. En effet, un système est avant tout
l’expression de l’interaction entre des forces externes et des forces internes.
L’articulation entre les deux facteurs donne un chemin, un mouvement. Pour cela, il est
évidemment nécessaire de comprendre les logiques, les dynamiques, les trajectoires d’un
système, toute chose égale par ailleurs, étant entendu que ce résultat, à un moment donné,
est lui-même le résultat des interactions antérieures entre les forces internes et externes.
La connaissance de cette historicité des trajectoires des systèmes est souvent bâclée dans
les diagnostics, sur le mode, le « passé c’est le passé ». Mais, dans les systèmes, le passé,
c’est 80% du présent. Ensuite, le passé se prolonge dans le présent/actuel, et il dessine les
contours des cartes du futur. Les contours seulement, le reste étant l’œuvre de l’action
humaine. Modifier une trajectoire de système est plus difficile que l’on ne croit.
En effet, les systèmes sont des phénomènes à fort degré d’inertie. Ils sont en quelque sorte
le résultat de concrétions produites dans la longue durée historique, et ce que l’on voit à un
moment donné n’est que la conséquence de la formation et de la déformation dans des
processus de longue durée.
La prospective participative
Mais cette connaissance de l’historique d’un système ne suffit pas. Il faut que les acteurs
/systèmes soient capables de faire partager leur analyse. Cela implique d’élaborer une
représentation de la situation et des champs du possible « partagés ». C’est la prospective
participative. Mais le partage n’a de sens que si on peut proposer des idées nouvelles, des
sens nouveaux. C’est toute la question des valeurs, des finalités, dénommée la prospective
idéelle, la prospective des valeurs, que les spécialistes de la prospective appellent la
prospective «normative».
6
7. La prospective de la faisabilité
Il faut que la prospective puisse s’incarner dans le réel, c’est la dimension opérationnelle de
la prospective dite « stratégique ». Et il faut que la faisabilité des intentions soit évaluée dans
le champ même de la prospective, en l’occurrence la prospective de la faisabilité.
Différents univers de prospective
Il y a plusieurs univers de prospective, qui se traduisent par l’existence de différents
courants, assez complémentaires les uns par rapport aux autres :
- Prospective stratégique ;
- Prospective du temps présent ;
- Prospective des représentations ;
- Prospective du champ de la connaissance ; et
- Prospective territoriale.
La prospective stratégique est le courant largement dominant. Dans sa version limitée au
seul univers de la dialectique pensée-processus-action, cette pratique de la prospective
consiste à penser le long terme pour agir avec plus d’efficacité sur les mécanismes de prises
de décision du court terme. C’est une prospective stratégique au sens où elle est en prise
directe avec la volonté de changement des acteurs et des décideurs.
La prospective du temps présent est un courant qui est orienté vers la question du
changement social et l’expression des processus de transformation du champ sociétal par
lui-même, à un moment donné. C’est une sorte de miroir actif de la société civile, qui
consiste à inviter la société à se penser par elle-même et pour elle-même.
La prospective des représentations met en évidence le fait que la conscience du futur
reflète les visions et les représentations qu’une société a d’elle-même. Cette approche de la
prospective est moins tournée vers le changement en soi que sur le discours que l’on porte
sur le futur par rapport à notre présence au monde, aux traces du vécu antérieur dans le
présent et ce que l’on voudrait transmettre aux générations futures.
La prospective du champ de la connaissance qui est fondamentale, et qui joue un rôle
important, ne tient pas souvent le devant de la scène. Certains secteurs d’activité scientifique
sont plus que d’autres concernés, comme la climatologie, les sciences de la terre, la science
des écosystèmes. On peut dire que la futurologie anglo-saxonne est largement orientée
dans cette direction de travail, mais il est vrai que le monde de la recherche est souvent
réticent à l’idée de passer de la prévision à la prospective, qui n’est somme toute, de ce point
de vue, qu’une activité de mise en débat de l’activité prévisionnelle.
La prospective territoriale n’est pas un courant de pensée, mais simplement un mode
d’application. Elle est en aval de la prospective comme démarche générale, c’est un champ
d’application comme pourrait l’être la prospective d’entreprise. Mais, les particularités du
champ spatial sont présentes sur la pratique de la prospective. Ainsi, par exemple l’absence
de véritable centre de pouvoir, le degré plus ou moins élevé, parfois assez faible, de
cohésion entre les acteurs, la complexité du phénomène territorial, qui est une sorte de
société globale localisée... Toutes ces caractéristiques impliquent de "mobiliser" les savoirs
dans différents champs, de les faire interagir. Il n’est par exemple pas certain que les
sciences régionales, en économie et en géographie, mais également en sciences
historiques, en sociologie,... soient en situation de s’articuler correctement à l’activité de
prospective. Et ce qui est vrai dans le champ de la connaissance, ce que bon nombre
d’auteurs appellent la prospective cognitive, l’est également dans le champ de la prospective
délibérative et participative. Puisque le champ territorial ou le spatial représente un cadre
majeur de déploiement des activités humaines, et de l’existence humaine, les
7
8. "prospectivistes" sont amenés à s’appuyer sur les méthodes et sur l’état d’esprit, la
"philosophie" de la prospective, pour appréhender autrement la question de la connaissance
du champ spatial/territorial, ce qui a pour effet secondaire d’entraîner les sciences des
territoires ainsi que la prospective générale dans de nouvelles directions.
Ainsi la prospective territoriale questionne la prospective générale, elle l’empêche de
s’enfermer dans un catalogue de méthodes préconçues : en d’autres termes, elle joue le
rôle de "poile à gratter" de la prospective générale, et d’autre part, elle oblige les sciences
des territoires à coopérer entre elles, à construire des socles épistémologiques communs.
Le fait même d’exercer une activité de prospective dans les Régions contribue à la fois à
crédibiliser les institutions régionales et l’entité régionale en tant que phénomène identitaire
et projet politique, entendu au sens générique du terme. La prospective, parce qu’elle
questionne le devenir régional, le met en chantier, et renforce par-là même le principe de
territorialité régionale.
Objectifs des réflexions prospectives
Généralement, les objectifs des réflexions prospectives se présentent comme suit :
C’est une attitude qui vise à explorer les futurs d’un enjeu, d’un objet de la connaissance
ou de l’action, en vue de se positionner sur la réalité présente et de l’orienter dans le sens
désiré ou souhaité.
La prospective est orientée vers la recherche d’une vision partagée, c’est-à-dire une
vision qui permette de dégager des consensus entre les personnes considérées comme les
acteurs de leur devenir, à partir de leurs dissensions, de leurs conflits et de leurs
contradictions. C’est l’une des formes modernes du dialogue social, qui intègre la notion
d’expertise et de compétence. Il peut en résulter, un processus de modification des
représentations collectives sur un enjeu particulier, et donc de transformation des conditions
de l’action collective. Cette notion de partage est donc très importante, car c’est un facteur
permissif de l’action. Sans changement des représentations, pas de processus de
changement de la réalité elle-même. Or, la prospective, si elle est faite sérieusement, est un
outil intéressant de la transformation des modèles mentaux qui guident les conduites
individuelles et collectives. Ce n’est pas, et de loin, un simple exercice de communication ou
d’information, bien qu’il arrive assez souvent que les spécialistes en communication
s’emparent du discours de prospective.
La prospective s’efforce de conjecturer en différenciant le probable, le plausible et le
vraisemblable, tout en privilégiant l’incertitude. L’avenir n’est pas déduit, mais il est une
pluralité d’avenirs imaginés. « La prospective se propose, à partir d’une démarche
pluridisciplinaire (systémique) prenant en compte la dimension du temps long, de contribuer
à une meilleure compréhension du monde contemporain, d’explorer ce qui peut advenir, ses
descendants possibles (les futuribles) et ce que nous pouvons faire ».
Différentes approches et techniques en matière de prospective
Sans chercher à retracer de manière exhaustive l’ensemble des méthodes utilisées dans
l’analyse du futur, il est possible de les regrouper en grandes catégories. On peut repérer
quatre grandes techniques permettant d’explorer les problèmes du long terme :
La méthode des scénarios: C’est la technique la plus sophistiquée pour réaliser des
études prospectives. Cette méthode conduit, dans un premier temps, à décrire des futurs
possibles (futuribles), eux-mêmes déterminés par l’évolution à long terme de facteurs clés,
8
9. puis à étudier les cheminements permettant de passer de la situation présente à ces
différents futurs, souhaitables, souhaités ou redoutés.
La prévision effectue le trajet inverse puisqu’elle se fonde sur l’étude du passé pour
envisager des trajectoires futures.
L’histoire raisonnée conduit à envisager l’avenir à partir de scénarios très fortement
conditionnés par les tendances lourdes du passé. Largement utilisée dans les travaux de
futurologie, cette technique est plus sophistiquée que la simple prolongation des trends
puisqu’elle envisage la possibilité de ruptures dans les trends antérieurs. En analysant
l’histoire longue, parfois sur plusieurs siècles, cette méthode remet souvent en question
l’idée maintes fois évoquée que « le temps s’accélère » et que demain sera encore plus
incertain en raison des révolutions (au sens étymologique du terme), que le monde est en
train de vivre.
Le fil d’Ariane d’une force motrice consiste à conjecturer des futurs lointains (voire très
lointains) en fonction d’un nombre limité de « forces motrices », comme le progrès technique,
les ressources naturelles ou encore les dynamiques de peuplement. Les futurs possibles se
trouvent alors presqu’ entièrement conditionnés par les modalités de ces forces. Ces forces
jouent le rôle d’un « fil d’Ariane » pour conjecturer des futurs lointains. Plusieurs « fils » ont
ainsi servi à décrire les évolutions possibles des économies et des sociétés.
Cette classification a un caractère évidemment académique. La pratique montre que le souci
d’apporter des réponses concrètes aux questions posées passe par la combinaison de ces
méthodologies.
Domaines d’intervention de la prospective
La présente étude a permis d’identifier un certain nombre de domaines ayant fait l’objet
d’études prospectives et suggérant déjà des idées de recommandations en fournissant des
pistes de réflexions et d’actions sur des défis majeurs auxquels sont confrontés actuellement
de nombreux pays dont Madagascar. Ce sont, entre autres, les suivants :
Energie
Développement régional
Développement agricole
Gestion des ressources humaines
Démo-économie
Gestion du secteur forestier
Protection de l’environnement
Aménagement du territoire
Les grandes lignes des résultats d’études prospectives se rapportant à quelques-uns des
thèmes sus-mentionnés feront l’objet de synthèse dans les développements infra.
9
10. I. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE SELECTIVE SUR LES PRATIQUES INTERNATIONALES
EN MATIERE DE TECHNIQUES PROSPECTIVES
1.1. Futurs Africains / ACBF, Rapport de l’Atelier Régional sur les Expériences
Nationales d’Opérationnalisation des ENPLT, Dakar, Sénégal, 26 - 28 février 2001.
Le présent rapport formule les défis auxquels renvoie l'opérationnalisation, sous forme de
deux questions :
Comment rebâtir dans les pays africains les capacités de planification stratégique qui se
sont fortement érodées et sans lesquelles l'opérationnalisation ne pourrait se faire?
Comment forger des alliances avec les pouvoirs politiques pour emporter leur
engagement dans le processus d'opérationnalisation, alliances sans lesquelles il ne peut
prospérer?
La réflexion sur l'opérationnalisation doit s'inscrire dans un processus d'apprentissage, parce
qu'il n'y a pas une solution définitive, satisfaisante et généralisable à tous les pays. Partout
dans le monde, l'articulation entre réflexion prospective et action stratégique est à
rechercher. Le processus d'apprentissage doit fonctionner sur le mode de réseau au niveau
national.
Cet atelier a été l’occasion de dresser le bilan des expériences nationales d'
opérationnalisation. Les études sur les expériences nationales du Bénin, de la Côte d'Ivoire,
de la Guinée Bissau, du Mali, de l'Ouganda et du Swaziland ont servi de références pour cet
exercice. Des évaluations des efforts d'opérationnalisation et des différentes propositions
des participants, ont été retenues un certain nombre de recommandations.
Pour passer des formes diffuses à des processus plus structurés et plus systématiques
d'opérationnalisation, il est nécessaire de développer des stratégies et actions auprès des
partenaires au développement. Le manque d'information et la faible prise en compte des
préoccupations de certaines agences de développement ont fortement limité les possibilités
d'opérationnalisation des ENPLT.
Il faudra aussi développer un plaidoyer auprès des décideurs politiques parce que
l'opérationnalisation n’est pas seulement un exercice technique mais revêt également un
caractère politique. Elle est largement tributaire des dispositions manifestées par les
pouvoirs politiques. La différence de perception entre les décideurs et l'équipe nationale
dans certains pays, la réaction négative de certains gouvernements interprétant les résultats
de l'exercice comme un jugement de leur action ont amoindri les possibilités
d'opérationnalisation des ENPLT.
Au plan institutionnel , l’ancrage autour des institutions existantes pourrait être retenu
comme principe. Toutefois, il devrait être recherché la mise en place d’un cadre institutionnel
souple et flexible ayant un pouvoir d’animation et de décision important et ouvert aux
partenaires de développement. Un tel cadre serait de nature à assurer la participation et la
concertation entre différentes parties et à faciliter la prise de décision.
Au plan méthodologique, un processus en quatre principales étapes a été proposé :
1. La formulation d’objectifs à moyen terme à partir de la vision nationale, quantifiés et
vérifiables.
L'objectif est de s'assurer du degré de consistance des orientations stratégiques proposées
dans les NLTPS par rapport à la réalité (forces, faiblesses, opportunités, menaces). L’ étape
première a aussi pour objet de vérifier que la vision et les stratégies subséquentes traitent
des composantes essentielles du développement.
10
11. 2. L’analyse de l’adéquation (concordances ou discordances) des politiques, objectifs et
programmes en cours par rapport aux objectifs à long terme de la vision. Dans la pratique,
on ne peut décliner les stratégies opérationnelles et les programmes dans un processus
linéaire, "top-down", uniquement à partir des orientations stratégiques du NLTPS. On est
donc amené dans un mouvement à double sens à confronter les NLTPS avec les
programmes en cours qui également façonnent l'évolution du pays.
Cette analyse de concordances et discordances de programmes et projets en cours, du point
de vue de leur cohérence par rapport aux objectifs et stratégies de la vision nationale pourra
se concrétiser en cinq grandes activités :
Répertorier tous les plans, programmes et projets en cours de mise en oeuvre ou en
cours de formulation ;
Analyser leurs concordances/discordances par rapport aux orientations de la vision
nationale ;
Analyser la concrétisation des différents objectifs des visions nationales à travers le
pipeline - des programmes et projets existants ;
Tenir compte dans cette analyse des programmes d'activités des organisations et
agences sous-régionales, régionales et internationales;et
Identifier les écarts entre les objectifs de la vision et les programmes en cours.
3. Etudes ciblées dans certains domaines importants. En raison de leur nature sélective et
globale, les NLTPS comme toute étude prospective ne sauraient prétendre traiter tous les
thèmes relatifs aux problèmes de développement d'un pays. Par ailleurs, des questions
fondamentales telles que les évolutions démographiques, la compétitivité, les évolutions du
marché des matières premières, les questions foncières, par exemple, n'ont pas souvent été
analysées en profondeur. Ainsi des études ou analyses plus ciblées et plus détaillées seront
nécessaires pour approfondir les études menées à la phase de diagnostic du processus
NLTPS. De même, l'on pourrait être amené à réaliser des études complémentaires sur des
thèmes d'importance qui n'ont pas été abordées.
4. Traduction des orientations stratégiques à long terme en plans d’action stratégiques à
moyen terme comportant des indicateurs de suivi et d’évaluation. Une fois les études
spécifiques menées, la vision et les stratégies globales révisées à la lumière de leur
confrontation avec les programmes en cours de réalisation ou de formulation, on est à même
de pouvoir élaborer un plan d'actions stratégiques de moyen terme dans un processus en
cascades :
Traduction des orientations stratégiques de la vision nationale en objectifs de moyen
terme quantifiables ;
Propositions, analyse et choix des options stratégiques alternatives globales sur le moyen
terme ;
Détermination des lignes d'action par problématique. Ce processus doit être, à l’exemple
du NLTPS, participatif. Cette participation ne se limite pas à la consultation, elle doit être
implicative à toutes les phases de l’exercice et élargie à tous les représentants de la
société.
Au plan des méthodes et outils, un certain nombre d’outils d'analyse, de prévision et de
projection sont disponibles (matrice de comptabilité sociale, modèle d’équilibre général
calculable, budgétisation par objectif) et peuvent être utilisés dans le processus
d’opérationnalisation des ENPLT. Toutefois, la question des outils mérite d’être revue à la
lumière de l’adéquation aux objectifs poursuivis par l’opérationnalisation.
11
12. Ce qu’il faut retenir à ce niveau est que ce qui change, c’est moins les outils utilisés
antérieurement dans la planification que l’esprit dans lequel ils doivent être employés dans
cette nouvelle approche de planification stratégique.
Au niveau des processus, il ressort de toutes les propositions la volonté de promouvoir une
concertation entre divers acteurs de développement aussi bien au niveau national qu'au
niveau international pour valoriser les ENPLT et constituer une plate-forme pour élaborer le
cadre stratégique.
1.2. Mills-Landell, Pierre. National Perspective Studies in Africa: A Vision of a Better
Future. (in Finance & Development, Dec. 1993, v. 30, n°4, p. 42(2).
Le NLTPS constitue un moyen de favoriser un débat national sur les défis et priorités du
développement en se basant sur une analyse approfondie des options à long terme.
Mais pour être efficace, l’effort doit viser au-delà de l’élaboration d’une stratégie à long
terme. Le NLTPS devrait lier la stratégie aux politiques actuelles du gouvernement et définir
un cadre macroéconomique viable pour les actions de développement à mener dans le court
terme.
En tenant pleinement compte de la capacité institutionnelle, de la disponibilité des
ressources, et des activités de développement en cours, un NLTPS pourrait aider un
gouvernement à articuler des programmes multiannuels de développement incluant des
programmes d’investissement dans le secteur public et des politiques macroéconomiques et
sectorielles intégrant les contraintes financières et les contingences liées au commerce
extérieur.
Les mesures qui devraient être prises pour maximiser les chances de réalisation des
objectifs comprennent, entre autres :
Faire en sorte que les mécanismes institutionnels de mise en œuvre de la stratégie soient
intégrés dans la méthodologie dès le début ;
S’assurer d’un support politique tout au cours du processus, et ne pas attendre jusqu’à ce
que la phase d’étude soit terminée ; et
Impliquer des équipes de chercheurs tout au long de la mise en œuvre de la stratégie, le
NLTPS étant considéré comme un processus d’apprentissage continu et itératif.
L’opérationnalisation du NLTPS requiert des stratégies de marketing et beaucoup
d’initiatives tant au niveau institutionnel qu’individuel en vue de familiariser tous les acteurs
de développement au processus du NLTPS.
1.3. FAO, Comité des Forêts. L’Avenir des Forêts: Répercussions de l’Etude
Prospective du Secteur Forestier en Afrique. Note du Secrétariat, Seizième session,
Rome (Italie), 10-14 mars 2003.
Le présent document donne un aperçu de l'étude prospective du secteur forestier en Afrique,
dont il décrit notamment le processus, les principales conclusions, leurs incidences, ainsi
que la suite qu'il est proposé de lui donner. L' Étude prospective du secteur forestier en
Afrique (FOSA) présente une perspective sur une vingtaine d'années et fournit un cadre de
planification à long terme pour le développement du secteur. Les principaux produits de cette
étude sont un aperçu général et cinq rapports sous-régionaux consacrés aux enjeux propres
à l'Afrique du Nord, à l’Afrique de l'Est, à l’Afrique australe, à l'Afrique centrale et à l’Afrique
de l'Ouest. Ces rapports identifient les éléments moteurs, décrivent des scénarios de
politique générale et institutionnels pour le développement du secteur forestier, évaluent
leurs incidences sur l'avenir des forêts et présentent des formules possibles permettant
d'accroître la contribution des forêts au développement durable.
Les objectifs de l'étude prospective du secteur forestier en Afrique étaient les suivants:
analyser la situation, les tendances et les éléments moteurs qui façonnent le secteur
12
13. forestier en Afrique, identifier les nouvelles possibilités et les contraintes à l'horizon 2020 et
indiquer les stratégies qui pourraient améliorer la contribution des forêts au développement
durable.
Les facteurs dont on prévoit qu'ils auront une incidence sur le secteur forestier pendant les
vingt prochaines années sont, notamment, le rythme variable des changements politiques et
institutionnels, la fréquence des conflits et des guerres, les changements démographiques,
le fardeau de la dette, le fléchissement de l'aide au développement et la persistance de la
pauvreté et de l'insécurité alimentaire. Si des changements de grande envergure
n'interviennent pas, la situation des forêts africaines sera marquée par la persistance
d’importantes pertes de couvert forestier, la détérioration de l'environnement, l'épuisement
des produits forestiers non ligneux en général et des plantes médicinales en particulier, et
par un recul sensible de la productivité et du pouvoir d'achat sur les marchés nationaux et
locaux en raison du VIH/SIDA.
Pour inverser les tendances actuelles, une volonté politique assortie de stratégies intégrées
est nécessaire pour lutter contre la pauvreté et protéger l'environnement. Cette action
suppose la dévolution de pouvoirs aux principales parties prenantes par une réorientation
des politiques, des changements institutionnels et la création de conditions favorables à une
gestion durable des ressources. À cet égard, des efforts sont nécessaires pour redonner
vigueur au secteur public, améliorer le jeu des forces du marché par l'adoption de mesures
juridiques et institutionnelles, et appuyer le secteur non structuré.
L'étude prospective du secteur forestier en Afrique met en évidence les liens entre le secteur
forestier, la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté, notant que la plupart des
solutions résident dans des secteurs tels que l'agriculture et l'industrie. Cependant, les
mauvais résultats économiques, en particulier dans le domaine de l'agriculture, obligent les
pauvres à être tributaires des forêts en ce qui concerne leurs moyens de subsistance. Cela
met les forestiers et autres décideurs devant un dilemme et en l'absence de changements
radicaux, il restera difficile de surmonter ce problème. Étant donné que les approches
traditionnelles des forêts sont insuffisantes pour lutter contre la pauvreté et pour empêcher la
dégradation de l'environnement, il faut trouver de nouvelles solutions afin d'apporter un
changement positif.
1.4. Rarivomanana, Philibert. L’Etude Prospective du Secteur Forestier en Afrique
(FOSA), République de Madagascar, Ministère des Eaux et Forêts, novembre 2000.
Ce document constitue une première étude prospective du secteur forestier à Madagascar.
Elle a permis de dégager les principales contraintes et avantages du secteur forestier et
d’identifier ce qu’on appelle les « moteurs de changement ». Les conclusions y afférentes
peuvent à la fois ouvrir d’autres visions pour une meilleure gestion forestière et permettent
déjà de démarrer certaines options. Toutefois, l’étude montre une limite importante au niveau
de l’insuffisance et de la fiabilité des données qui a restreint l’analyse à un seul scénario. Il
est donc évident que la poursuite des actions pour l’amélioration du système de collecte des
informations devra pouvoir, non seulement contribuer à la fiabilité des données, mais
également à leur utilisation.
A l'heure actuelle, le reboisement entrepris n'arrive à compenser la dégradation forestière
due à l'action de l'homme : défrichement, feux de végétation, exploitation forestière et
prélèvement.
Cette situation est encore aggravée par la pression démographique galopante et la pauvreté
de la majorité de la population. Si ce rythme de dégradation se poursuit, le capital forestier,
reconnu par son niveau élevé d'endémicité et de diversité, risque de disparaître d'ici
quelques années.
13
14. Face à ces problèmes, des actions ont été entreprises par l'État, à savoir :
• La promotion de reboisement par l’application du décret n° 2000/383 du 7 juin 2000 qui
consiste à instaurer un cadre incitatif au reboisement (incitations foncières, financières,
techniques) et à en déterminer le mode de gestion conformément au principe du
désengagement de l'Etat du secteur productif ;
• La poursuite de l’aménagement des forêts existantes et la délivrance des permis d’exploiter
seulement dans des lots forestiers aménagés et aux exploitants ayant acquis un minimum de
formation professionnelle ;
• L’intensification du recouvrement des redevances forestières qui alimentent le Fonds
Forestier National, seule source pérenne permettant de financer les activités forestières
préconisées dans le Plan Directeur Forestier National ;
• Le renforcement des contrôles forestiers pour une meilleure maîtrise de la filière bois à
travers la création des brigades de contrôle ; et
• Le renforcement du suivi et contrôle de l’origine des produits, l’étude sur la normalisation et
sur la fiscalité pour une répartition équitable des recettes.
Pour améliorer la situation du secteur forestier, ces actions devraient être renforcées par :
• La mise en oeuvre de la politique sectorielle du développement rural ;
• La mise en oeuvre de la politique énergétique ;
• La mise en oeuvre de la politique environnementale ; et
• La promotion de la recherche forestière.
Ce document formule trois hypothèses pour le secteur forestier en 2020 :
1ère hypothèse (Hypothèse optimiste (croissance) : dans le meilleur des cas, les contraintes
liées au développement de la ressource et à sa gestion proprement dite sont partiellement
ou totalement levée. Les moteurs du changement contribuent favorablement à lever ces
contraintes en même temps qu'ils suscitent le développement du secteur forestier.
2ème hypothèse (Hypothèse 0) : dans un contexte de statu quo où rien ne change, les
paramètres restent les mêmes.
3ème hypothèse (Hypothèse pessimiste)
Comme les chiffres disponibles ne permettent pas de mesurer les tendances pour la
première et la dernière hypothèse, la prospective présentée concerne donc le contexte de
statu quo dans lequel les paramètres restent les mêmes.
La prospective montre que, sans action conséquente pour renverser les tendances actuelles,
la situation du secteur forestier sera amenée à se dégrader. Cette dégradation se traduira
par une diminution à la fois de la couverture forestière et de la productivité des forêts. En
clair, les ressources forestières ne pourront pas jouer l'un de ses rôles les plus importants
qui est celui de satisfaire aux besoins socio-économiques de la population. Les méthodes
classiques pour juguler cette dégradation consistent à mettre en oeuvre des mesures
globales ou spécifiques. Ce document ne préconise pas la mise en oeuvre de mesures pour
changer les "moteurs" dans le bon sens. Mais, il peut proposer les bases des orientations à
prendre pour améliorer la situation à l'intérieur du secteur forestier, en tenant compte d'un
environnement exogène changeant mais qui exerce une influence permanente sur l'évolution
de la couverture et de la productivité forestière.
1.5. Cered-Cernea, Université Paris X-Nanterre. Un Bilan de la Prospective Africaine,
2000.
Il s’agit d’une étude dirigée par Philippe HUGON, Professeur à l’Université Paris X-Nanterre
et par Olivier SUDRIE, Maître de Conférences à l’Université de Versailles-Saint Quentin.
L’étude a pour objectif de réaliser un bilan des travaux de prospective africaine menés au
14
15. cours de la dernière décennie. Elle se compose de deux volumes :
Le Volume 1 apporte des éléments de réponse à trois questions :
Pourquoi réaliser des études prospectives sur l’Afrique ? (les objectifs)
Comment réaliser de telles études ? (les méthodologies)
Quelles études ont été publiées ? (une bibliographie sélective).
Le Volume 2 est consacré au recensement des institutions, publiques et privées,
réalisant des analyses prospectives. Il apporte des compléments de réponse à la
troisième question en regroupant des fiches bibliographiques sur les principales
études prospectives réalisées sur l’Afrique.
L’étude part d’un postulat considérant l'Afrique subsaharienne comme la grande absente de
la scène mondiale. Toutefois, malgré sa marginalisation, l’Afrique ne peut pas laisser
indifférent le reste du monde.
L'Afrique subsaharienne, grande absente de la scène mondiale
L'Afrique subsaharienne pèse peu au niveau des grands agrégats macro-économiques. Elle
représente, pour 10% de la population du globe, seulement 1% du PIB mondial, 1% des
investissements directs étrangers et moins de 1,5% du commerce international. A maints
égards, l'Afrique est aujourd'hui en position de "hors-jeu" économique. De cette configuration
asymétrique naissent de nouveaux enjeux (géopolitiques, géo-économiques). En effet,
l'Afrique deviendrait la zone d'influence "naturelle" de l'Europe. Le développement
économique de l'Afrique apparaît alors comme un enjeu majeur pour celle-ci, d’autant plus
qu'elle constitue une réserve minière et pétrolière appréciable.
La prospective africaine doit s'appuyer sur des spécificités africaines
Certains principes sont incontournables. A savoir :
Les spécificités africaines ne peuvent faire de l'Afrique un simple champs d'application de
méthodes universelles.
Les futurs possibles et souhaitables lointains doivent être liés aux situations passées,
présentes et futures proches. Il s'agit de comprendre les cheminements et de repérer les
moments de rupture ou de bifurcations.
L'analyse prospective doit être globale, à la fois géopolitique, macro-économique et
sectorielle. Elle suppose des cadres de cohérence dont la fonction est moins de quantifier
les trajectoires futures que de mettre en évidence les contraintes et les risques de rupture.
La prospective globale concernant l'ensemble de l'Afrique sub-saharienne doit
s'accompagner de prospectives régionales autour des grands pôles tels que l'Afrique du
Sud, le Nigeria ou encore des pays présentant des risques de désintégration comme la
République démocratique du Congo dans la région des Grands lacs.
Il convient toutefois de ne pas oublier qu'il n'y a pas de bonnes méthodes prospectives en
soi. Il n'y a que des méthodes adaptées aux questions posées par les différents acteurs :
gouvernements, bailleurs de fonds, entreprises privées, ONG...
Principales conclusions des études prospectives Africaines
Elles sont diverses et variées compte tenu du fait qu'il n'existe pas de prospective globale
portant sur l'ensemble du continent africain. A défaut d'images globales, les prospectives
démo-économiques réalisées pour l'Ouest-africain suggèrent l’image d’un futur africain où
les dynamiques de peuplement jouent un rôle central (la population d' Afrique de l'Ouest
15
16. augmentera de moitié d'ici à vingt ans, elle sera de 430 millions de personnes en 2020). Ces
prospectives concluent à une Afrique qui s'urbanise rapidement et qui se polarise sur plus
d'une trentaine de villes millionnaires (contre six en 1990), localisées principalement autour
du Golfe de Guinée. Ces centres urbains constituent des pôles de croissance et des
marchés pour les campagnes. La dégradation probable de l'environnement affecte une
agriculture qui reste traditionnelle et extensive. Les villes se nourrissent de produits importés.
Face à des Etats de plus en plus défaillants, les économies s'informalisent. Cependant, dans
les études menées par rapport aux futurs souhaités par les représentants des pouvoirs
publics, les opérateurs économiques et les acteurs de la société civile, il apparaît la
nécessité pour eux de disposer d'Etats efficaces ("bonne gouvernance"), moins pour diriger
le développement à long terme que pour le favoriser. Enfin, étant donné que l'Afrique aura à
affronter la concurrence mondiale et à s'insérer dans la division internationale du travail, les
études concluent que le développement économique à long terme passera impérativement
par une intégration régionale accrue.
1.6. GIRI, Jacques. Le Sahel au XXI ème Siècle. Un Essai de Réflexion Prospective sur
les Sociétés Sahéliennes. Éd. Karthala, 1989.
L’ouvrage rédigé par J. Giri avec l’appui d’une équipe pluridisciplinaire, dans le cadre du
Club du Sahel, fait suite à l’étude de l’OCDE "Le Sahel face aux futurs. Dépendance
croissante ou transformations structurelles". Il se donne pour objet de dessiner des devenirs
possibles du Sahel dans un horizon de long terme. La méthode retenue est historique et
pluridisciplinaire. Elle repose sur l’élaboration de scénarii.
L’auteur part d’une rétrospective historique remontant aux temps anté-coloniaux et
coloniaux. Il rappelle les tendances plus récentes. La situation de la région ne s’est guère
améliorée malgré les différentes aides et initiatives. La vulnérabilité des aléas climatiques et
la dépendance vis-à-vis de l’aide alimentaire est grande. A ces facteurs anciens, s’ajoutent
de nouvelles contraintes apparues au début de la décennie quatre-vingt, tels : l’endettement
extérieur croissant, les déséquilibres financiers ayant conduit à des ajustements structurels,
une forte croissance démographique. En 1970, la balance courante était à peu près
équilibrée. En 1984, elle était déficitaire de 700 millions de $. Les dons versés de l’ordre de
200 millions de $ sont montés à environ 1 milliard de $ durant la même période.
L’ouvrage dessine ensuite des avenirs possibles et sous quelles conditions ceux-ci peuvent
se réaliser au cours des vingt-cinq prochaines années.
Le scénario tendanciel, le plus vraisemblable, "n’est ni catastrophe, ni développement mais
dépendance accrue". Les facteurs lourds qui pèseront seront le climat, les liens avec le
monde arabo-musulman et côtier, l’évolution des pouvoirs et des valeurs, ainsi que la
démographie.
Ce scénario ne comporte pas d’incohérences majeures à la condition qu’un volume croissant
d’aide extérieure soit consacré à combler les déficits. Une extrapolation des tendances
passées conduirait à 7 milliards d’aide financière en 2010 soit la totalité de l’APD aux pays
d’Afrique sub-saharienne. Un montant de 3 à 4 milliards est nécessaire et plus probable.
Les autres scénarii, moins probables, vont des avenirs tragiques aux plus souriants. Ils
supposent soit une forte chute des appuis extérieurs et/ou des catastrophes de type
climatique, économique ou autre dans le premier cas, soit d’importantes transformations
structurelles concernant les valeurs, les pouvoirs…
Le grand intérêt de l’ouvrage est d’avoir adopté une perspective de long terme prenant en
compte les différents éclairages disciplinaires. L’ouvrage en revanche retient sans réserve
l’hypothèse du biais urbain critiqué à l’époque par plusieurs ouvrages : "Nourrir les villes
africaines", "Urbanisation et dépendance alimentaire", SEDES, Coussy, Hugon, Sudrie. Il n’a
pas pris en compte les inflexions des importations céréalières.
16
17. Rédigé à l’époque de la guerre froide, l’ouvrage n’a pu évidemment intégrer les effets de la
chute du mur de Berlin. La prise en compte de l’intégration régionale des pays sahéliens
avec les pays côtiers est peu présente dans l’ouvrage.
Il s’agit néanmoins d’une remarquable prospective qui, dix ans après, résiste au regard de la
rétroprospective.
1.7. UNESCO. Approches Prospectives et Stratégies Novatrices en faveur du
Développement de l'Afrique au XXI ème Siècle. Séminaire international, Rapport final.
Paris, 8-9 novembre 2001.
Ce rapport général se propose de faire apparaître :
Les tendances principales qui se sont dégagées des exposés, des échanges et des
discussions sur les défis que l'Afrique est appelée à relever, dans le cadre des visions et
agendas définis au plus haut niveau politique, notamment le Nouveau Partenariat pour le
Développement de l'Afrique (NEPAD), en prenant également en compte les stratégies et
priorités de l'UNESCO telles qu'elles ont été approuvées par la 31è session de la
Conférence générale ;
Les domaines dans lesquels l'UNESCO peut apporter utilement un appui concret aux
initiatives africaines à un moment où l'Organisation est précisément sur le point de s'engager
dans le processus d'élaboration de stratégies régionales et sous-régionales, qui intéressent
d'autant plus le continent africain que le NEPAD a fait de ces deux cadres ses champs
privilégiés d'intervention ;
Enfin les modalités pratiques au moyen desquelles l'UNESCO et l'Afrique pourraient, en
agissant ensemble, assurer d'un commun accord un nouveau départ pour le continent en
revitalisant et en élargissant le partenariat déjà existant et en créant des nouveaux
partenariats plus hardis et bien plus étendus encore dans les différents domaines prioritaires.
Les travaux du séminaire ont porté sur sept thèmes principaux qui sont les suivants:
Agenda africain et l'UNESCO: construire sur les bases du NEPAD ;
Education en Afrique : Enjeux et perspectives - Quelles stratégies pour l'avenir?
Science et technologie pour un développement durable en Afrique ;
Droits humains, démocratie et sécurité humaine : perspectives et pistes d'action ;
Diversité et pluralisme culturels, des enjeux pour le développement durable en Afrique ;
Technologies de la communication et société du savoir : renforcement des capacités en
Afrique ; et
Renforcement de la coopération panafricaine et du partenariat international.
1.8. Programme des Nations Unies pour le Développement. Études Prospectives
Nationales à Long Terme : Un Instrument de Gestion Publique. Futurs Africains,1998.
La notion d'études prospectives nationales à long terme découle du malaise général
engendré par les mauvais résultats qu'ont donnés les démarches appliquées dans le passé
pour gérer le développement en Afrique. Il ne s'agit pas de supplanter les efforts
actuellement faits par les pays africains pour réformer leur économie et leur société. Il s'agit
au contraire d'une démarche qui complète ces efforts, et qui mette l'accent sur un processus
systématique d’élaboration et d'application de stratégies de développement cohérentes dans
le long terme. Plus précisément, c'est un cadre systématique pour la gestion du
développement fondée sur la participation et sur une stratégie.
Il est désormais largement accepté que pour que le développement soit durable, il doit être
centré sur la personne. Les NLTPS permettent d'appliquer concrètement ce principe, faisant
de la personne à la fois la cause et la finalité du développement. L'importance de l’économie
17
18. n'est pas méconnue, mais l’économie ne doit pas l'emporter sur d'autres dimensions de la
vie comme la culture, la vie politique, l'environnement et la technologie. En fait, cette
nouvelle démarche prête l'attention voulue à ces facteurs. L’équité entre générations et au
sein des générations, la protection de l'environnement et la défense des libertés civiles
figurent également en bonne place dans le processus des NLTPS qui deviennent ainsi un
modèle global ou systémique du développement.
Dans ce modèle, la planification du développement national devient un processus
d'apprentissage. Les NLTPS encouragent la participation active de la population aux
décisions nationales, mais également à la phase de l’exécution. Le dialogue et le consensus
doivent être privilégiés par une concertation nationale. Cette perspective doit permettre à
une nation de comprendre qu'elle ne s’égare pas, qu'elle va dans une voie bien déterminée,
et cette perspective devient alors un principe directeur devant inspirer toutes les décisions
nationales du développement. En outre, les dirigeants doivent penser et agir en fonction du
long terme, et s’assurer que l'environnement des politiques qu'ils mènent est stable.
Mais surtout, les NLTPS encouragent l'utilisation d'experts locaux, la création des
capacités et la maîtrise par le pays des actions de développement. On part en effet
de l’hypothèse que ce sont les nationaux, avec un soutien et une formation
méthodologique appropriés, qui peuvent penser l'avenir de leur pays, organiser leur
société dans ce sens. C'est ainsi qu'ils s’aperçoivent qu'ils sont bien maîtres du
processus de développement, en faveur duquel ils s'engagent.
Ce document fait ressortir les relations stratégiques entre les études prospectives nationales
à long terme et la gouvernance. S’agissant de son objet, il est de plus en plus admis que la
gouvernance a pour objectif de renforcer la capacité des autorités de gérer les processus de
développement et de créer un climat favorable à l’exercice des responsabilités collectives
dans la société civile. Ses éléments constitutifs sont : le renforcement des organismes de la
société civile, l’avènement d'un Etat de droit, une concertation sur la conduite de l’économie,
la transparence des consultations électorales, et l’avènement d'une culture de paix. Des
exemples, empruntés aux exercices nationaux (Guinée Bissau, Maurice Zimbabwe)
montrent comment ces éléments constitutifs sont compris et sont abordés dans plusieurs
pays.
Le document retrace les principales réalisations en matière d’études prospectives, ainsi que
les principaux enseignements. Les leçons à retenir des premiers exercices NLTPS ont trait à
la fois à la méthodologie, au processus participatif, à la durée de l'exercice et à la
participation de l'administration et des bailleurs de fonds.
1.9. Futurs Africains. Guide Méthodologique d’un Exercice NLTPS. Janvier 1993.
Le présent Guide Méthodologique est le premier d’une série de notes méthodologiques et
techniques. Il est destiné à servir de guide aux cellules nationales de pilotage et à leurs
groupes pluridisciplinaires pendant le processus d’élaboration des études. En outre, ce
Guide Méthodologique constitue une source de renseignements pour les différents groupes
et individus qui pourraient être intéressés à participer, d'une manière ou d'une autre, au
processus d’élaboration des NLTPS.
Le présent rapport se divise en deux parties. La section I explique la méthodologie et les
principales phases du processus NLTPS alors que les annexes à cette section décrivent les
objectifs et l'environnement opérationnels du projet. La section II décrit les étapes
analytiques que les cellules nationales de pilotage devront entreprendre pour exécuter les
études. L'objectif visé est de s’assurer que les différentes études à réaliser adopteront les
mêmes étapes analytiques, afin de faciliter leurs synthèses et leurs comparabilités.
18
19. L'objet de ce Guide Méthodologique est d'expliquer la méthodologie d’exécution d'un
exercice NLTPS. Le présent document propose les phases et étapes fondamentales, ainsi
que des techniques qui pourraient être utilisées. Il fournit également un cadre commun aux
cellules nationales de pilotage, leur permettant ainsi d’établir des normes minimales pour
comparer, intégrer et faire la synthèse des différents exercices NLTPS. La démarche
technique adoptée par ce document ne consiste pas en un ensemble rigide de règles qu'il
faut rigoureusement observer, mais plutôt en une approche souple qui permet de faire
montre de beaucoup d’ingéniosité dans la conception de chaque projet NLTPS. Il est
important de noter que ce Guide Méthodologique se veut un exercice purement technique
qui ne cherche nullement à imposer une approche ou une position théorique/méthodologique
aux cellules nationales de pilotage.
1.10. Godet, Michel. La Boîte à Outils de Prospective Stratégique. Cahier n° 5, LIPSOR,
Cinquième édition mise à jour, juin 2004.
Les concepts de prospective, de stratégie, de planification sont dans la pratique intimement
liés, chacun appelle les autres et s'y mêle : on parlera de planification stratégique, de
management et de prospective stratégique.
Chacune de ces approches renvoie à un référentiel de définitions, de problèmes et de
méthodes dont la spécificité est d'autant moins établie que le langage n'est pas stabilisé.
En se posant la question Quelles stratégies pour quels scénarios ?, l’auteur fait remarquer
qu’il n'y a pas de statistiques du futur. Face à l'avenir, le jugement personnel est souvent le
seul élément d'information disponible. Il faut donc recueillir des opinions pour se forger la
sienne et faire des paris sous forme de probabilités subjectives.
L’ouvrage énumère les cinq questions fondamentales de la prospective stratégique après
une mise au point sur la spécificité de la prospective et de la stratégie. Même si elles sont
intimement liées, il convient de bien séparer :
1) le temps de l’anticipation, c’est-à-dire de la prospective des changements possibles et
souhaitables ; et
2) le temps de la préparation de l’action, c’est-à-dire l’élaboration et l’évaluation des choix
stratégiques possibles pour se préparer aux changements attendus (préactivité) et
provoquer les changements souhaitables (proactivité).
Cette dichotomie entre l’exploration et la préparation de l’action conduit à distinguer cinq
questions fondamentales : Que peut-il advenir ? (Q1), Que puis-je faire ? (Q2), Que vais-je
faire ? (Q3), Comment le faire ? (Q4), et une question préalable essentielle (Q0),Qui suis-je
? Cette question préalable sur l'identité de l'entreprise, trop souvent négligée, impose un
retour aux sources sur ses racines de compétences, ses forces et ses faiblesses, qui n'est
pas sans rappeler le fameux "connais-toi toi-même" des Grecs anciens.
La prospective seule est centrée sur le “que peut-il advenir ?” (Q1). Elle devient stratégique
quand une organisation s’appuie sur “qui suis-je ? ” (Q0), et s’interroge sur le “que puis-je
faire ?” (Q2). Une fois ces deux questions traitées, la stratégie part du “que puis-je faire ?”
(Q2) pour s’en poser deux autres : “que vais-je faire ?” (Q3) et comment le faire ? (Q4). D’où
le chevauchement entre la prospective et la stratégie.
L’auteur définit cinq idées clés de la prospective :
Le monde change mais les problèmes demeurent
Des acteurs clefs aux points de bifurcation
Halte à la complication du complexe
Se poser les bonnes questions et se méfier des idées reçues
De l'anticipation à l'action par l'appropriation
19
20. A propos des outils de prospective stratégique, l’auteur fait remarquer que, si le monde
change, il subsiste bien des invariants et des similitudes dans la nature des problèmes
rencontrés. Il recommande ainsi de puiser dans l'héritage accumulé, et d’entretenir la
mémoire des méthodes et des outils pour mieux les enrichir.
En ce qui concerne les outils de la prospective stratégique, il tient à rappeler leur utilité :
stimuler l’imagination, réduire les incohérences, créer un langage commun, structurer la
réflexion collective et permettre l’appropriation. Il attire l’attention de ses lecteurs sur les
limites de ces outils et les illusions de la formalisation : les outils ne doivent pas se substituer
à la réflexion ni brider la liberté des choix. Il convient aussi de préciser que les outils de la
prospective n’ont pas la prétention de se prêter à des calculs scientifiques comme on peut le
faire dans des domaines physiques (par exemple, pour calculer la résistance de matériaux).
Il s’agit seulement d’apprécier de manière aussi objective que possible des réalités aux
multiples inconnues. De plus, le bon usage de ces outils est souvent bridé par les contraintes
de temps et de moyens inhérents aux exercices de réflexion. L’usage de ces outils est
inspiré par un souci de rigueur intellectuelle notamment pour mieux se poser les bonnes
questions (pertinence) et réduire les incohérences dans les raisonnements. Mais si
l’utilisation de ces outils peut aussi stimuler l’imagination, elle ne garantit pas la création.
Le talent du prospectiviste dépend aussi de dons naturels comme l’intuition et le bon sens. Si
la prospective a besoin de rigueur pour aborder la complexité, il lui faut également des outils
suffisamment simples pour rester appropriables.
20
21. II. PRATIQUES INTERNATIONALES DE LA PROSPECTIVE ET BILAN
2.1. Au niveau du continent africain
A. Contexte
La crise économique et financière qui a touché la majeure partie des pays africains dès le
milieu des années 80 a provoqué un raccourcissement des horizons temporels.
La priorité accordée au rétablissement des équilibres financiers à court terme puis à
l’ajustement structurel à moyen terme a conduit à négliger les problèmes du long et
du très long termes. Les plans d’ajustement structurel manquent de perspective de
politique de long terme, et sont exclusivement centrés sur les questions économiques.
L’échec des expériences de planification et des plans d’ajustement structurel, réalisés sous
l’égide des institutions internationales et l’absence de la réflexion sur le passage des
prévisions aux actes, d’une part, et d’autre part, la concentration du plan sur le niveau
régional ont été donc à l’origine des études prospectives.
L’inscription des pratiques dans des perspectives de long terme, en les articulant aux
exigences d’un avenir marqué par des changements rapides et une incertitude croissante,
est donc une nécessité. En effet, les grands équilibres macro-économiques ne suffisent pas
à garantir un développement durable. D’autres facteurs sont nécessaires, en particulier la
formation du capital humain, la bonne gouvernance, et la coopération régionale.
C’est dans ce contexte que sont menées des Etudes Nationales des Perspectives à Long
Terme (ENPLT), pour identifier les forces et faiblesses de chaque pays concerné et pour
améliorer son avenir.
B. Objectifs des études prospectives en Afrique
Ces Etudes Nationales de Perspectives à Long Terme poursuivent un double objectif :
Etablir un dialogue approfondi sur le futur ; et
Créer un consensus national sur un ensemble de questions-clés au centre du
développement à long terme.
C. Méthodologie de réalisation des études prospectives en Afrique
De nombreuses méthodes pour réaliser des études prospectives ont été appliquées en
Afrique. Le choix dépend des questions posées, des champs à couvrir (géopolitiques,
macro-économiques, sectoriels...) ou encore des horizons retenus.
Concrètement, en Afrique, la mise en place d’un réseau de prospectives africaines a été
réalisée par Futurs Africains. Le programme vise à soutenir la mise en œuvre des ENPLT,
et à en assurer la coordination. Pour cela, Futurs Africains a pour mission de créer une
banque de données fournissant l’information sur l’environnement socio-économique régional,
d’organiser des séminaires de formations et des échanges d’expériences au niveau national.
Futurs Africains place la détermination des aspirations des populations au cœur de sa
méthodologie. Ainsi, dans ses principes fondamentaux, la méthodologie des ENPLT affirme
la nécessité :
d’une réflexion stratégique à long terme dans la gestion du développement;
d’une vision partagée, visant à exprimer qualitativement un ensemble de buts à
atteindre ;
de la participation de la population à la prise de décision politique ; et
21
22. d’anticiper le futur par la planification par scénario.
Le respect de ces principes doit favoriser une gestion stratégique du développement
national. Réalisées à un horizon de 25 à 30 ans, les ENPLT se déroulent en cinq phases :
1. Identification de la problématique, en cernant les aspirations de la population dans son
ensemble.
2. Diagnostic stratégique, pour comprendre les systèmes nationaux étudiés et fournir le
cadre analytique qui servira à l’élaboration des scénarios et à la formulation des
stratégies.
3. Construction des scénarios alternatifs.
4. Formulation d’orientations et d’objectifs stratégiques à long terme.
5. Stratégies opérationnelles.
Ces études prospectives doivent permettre d’explorer les futurs possibles à long
terme et de mettre en évidence les défis et perspectives auxquels le pays devra faire
face. Finalement, les études aideront à prendre "les décisions qui vont dans le sens
de l’avenir souhaité". C’est le niveau national, niveau de la décision, que privilégie
Futurs Africains, tout en resituant les études dans un environnement régional et
mondial.
D. Principaux réalisateurs des études prospectives en Afrique
Une typologie sommaire permet de distinguer trois grandes catégories de producteurs dont
les principales organisations travaillant sur l’Afrique. Il s’agit notamment :
Des institutions publiques internationales : le PNUD (avec les études Futurs Africains dans le
cadre des National Long Term Prospective Studies_NLTPS) ; l’OCDE et plus
particulièrement le Club du Sahel (West African Long Term Perspectives Studies_WALTPS),
la Banque mondiale, les Nations Unies (FNUAP), la FAO, la Commission Économique pour
l’Afrique, la Commission Européenne ;
Des institutions publiques nationales : le Central Planning Bureau néerlandais (à l’origine
probablement de la meilleure étude prospective mondiale), les ministères du Plan de la Côte
d’Ivoire et du Sénégal, des centres de recherche spécialisés dans la prospective globale (le
CERED Université Paris-X, DIAL, l’IFR Université de Stellenbosch et de Cape Town en
Afrique du Sud, le Centre d’économie appliquée de l’Université d’Ibadan au Nigeria, le
BNETD de Côte d’Ivoire), des centres spécialisés dans les prospectives partielles (dans
l’agriculture : CIRAD, IFPRI, SOLAGRAL ; sur la démographie : CEPED, CICRED-IRD,
INED ; sur le commerce : ODI Londres ; sur la santé : WHOA d’Harare ; sur l’énergie :
Agence Internationale de l’Énergie, Department of Energy USA...) ;
Des bureaux d’études privés : leur recensement s’avère plus délicat en raison de la
confidentialité des études qu’ils produisent. On peut citer néanmoins : Hudson Institute
(USA) qui a mené une étude sur les opportunités de marché à long terme en Afrique ; DME,
spécialisé dans la modélisation macro-économique et financière et qui a réalisé de
nombreuses études prospectives sur différents pays africains (notamment l’Afrique du Sud,
Madagascar, la Côte d’Ivoire, le Sénégal...) ; Pro Activité Conseil, SERES (prospectives
industrielles), INGEROP (transport et aménagement du territoire), Stratys (irrigation et
immigration).
2.1.1. Cas des pays africains subsahariens
Le besoin de repenser et de reconsidérer la gestion du développement en Afrique Sub-
saharienne résulte de la faible performance des activités de développement menées depuis
l’indépendance. Ce besoin s’explique également par la détérioration du niveau de vie en
22
23. raison de la faiblesse du taux de croissance économique et l’accroissement démographique
rapide. Les gouvernements seuls ne peuvent faire face aux besoins considérables des
populations, d’où l’importance d’un partenariat entre le gouvernement, le secteur privé, la
société civile, et les ONG pour la réalisation d’un développement durable. De plus, une
planification fondée sur une vision du futur est importante pour les pays dont l’objectif est de
garantir le bien-être des populations et des écosystèmes.
2.1.1.1. ALGERIE
Les pratiques prospectives ne peuvent pas se dissocier du contexte socio-économique dans
lequel les travaux de long terme sont effectués. C’est ainsi qu’en Algérie il est distingué une
première période qui a débuté au milieu des années 1960 et qui s’est achevée vers la fin des
années 1980. Cette première période a été marquée par un interventionnisme poussé de
l’Etat, et une planification fondée sur des objectifs physiques orientés sur la satisfaction des
besoins sociaux. L’industrialisation a été l’un des moyens majeurs pour réaliser ces objectifs,
en assurant la satisfaction du marché intérieur et en garantissant l’emploi et le revenu. Dans
ce système où les références au marché et au prix étaient quasiment inexistantes, les
problèmes de financement ont conduit à l’endettement.
Malgré les tentatives de réforme et de rénovation du système engagées pendant la période
de transition qui marque la rupture avec une politique de gestion centralisée et dirigiste, des
déséquilibres profonds persistaient, ce qui a nécessité la mise en place d’un programme
d’ajustement structurel. Pendant cette période, marquée notamment par des transformations
institutionnelles, un ajustement des structures économiques, un désengagement progressif
de l’Etat et un rétablissement des équilibres macro-économiques, l’approche consistait à
effectuer un cadrage macro-économique de moyen terme, compte tenu de nombreuses
contraintes, notamment financières.
Quant à la nouvelle situation, elle est caractérisée notamment par la prépondérance du rôle
du marché et des visions à long terme avec comme objectif central le développement
économique et social et plus particulièrement l’amélioration du bien-être dans un contexte de
stabilité macro-économique.
S’agissant des méthodes d’élaboration des perspectives de long terme de l’économie
algérienne, leur caractère non formalisé et leur fondement sur des approches quasi-
comptables sont à souligner. S’inscrivant dans un système de planification à titre indicatif,
ces mécanismes sont censés fournir un cadre cohérent permettant d’étudier des profils de
croissance à long terme en tenant compte d’un certain nombre de contraintes dont
notamment démographiques, financières et économiques ainsi que des évolutions
probables de l’environnement international.
2.1.1.2. EGYPTE
Le cas de l’Egypte est illustré par quatre principaux aspects : (i) la nécessité de mener des
études prospectives à long terme ; (ii) l’expérience de l’Egypte en matière d’études
prospectives à long terme; (iii) le projet Egypte 2000 ; et (iv) les principales difficultés
rencontrées.
L’expérience égyptienne peut être résumée en termes de planification à long terme qui a
commencé dans les années 1950 -1960 en association avec les activités de planification ou
les études sectorielles. Des études prospectives à long terme ont été entamées dans les
années 70. Plusieurs études avaient été menées par le groupe Egypte 2000. Le projet
Egypte 2000 est la dernière initiative entreprise par l’ONG-Forum du Tiers-Monde qui a
commencé en 1998. Son principal objectif est que les décideurs et la population prennent
davantage conscience des opportunités futures et des risques que comporte une
concentration sur la résolution des problèmes à court terme uniquement. Ce projet a une
approche holistique et utilise des outils de simulation avec des informations aussi bien
qualitatives que quantitatives. Il a été confronté à certaines difficultés dont les principales
23
24. sont l’absence de mentalité et d’attitudes orientées vers le futur, le manque de fonds et la
faiblesse de la banque de données.
La leçon à retenir de cette expérience égyptienne est que le réalisme doit être le maître mot
dans la préparation des études prospectives à long terme.
2.1.1.3. MAROC
L’expérience marocaine se réfère à un contexte socio-économique essentiellement
caractérisé au cours de la dernière décennie par une tendance à la baisse de la croissance
économique avec néanmoins quelques résultats appréciables, notamment au niveau du
déficit budgétaire.
C’est ainsi que le Maroc a connu trois grandes phases dans le processus de planification. La
première phase marquée par un système centralisé, a été suivie par une étape caractérisée
par la décentralisation et la participation continue des instances régionales et locales. Quant
à la troisième phase, elle correspondait à une période de crise qui a nécessité le lancement
du programme d’ajustement structurel en 1981.
La période de pause de 1993-1995 a commencé par la réflexion sur la modernisation du
processus de planification qui a conduit à l’élaboration d’une nouvelle approche
correspondant à une vision reposant sur l’identification des défis dans un contexte
international plus ouvert.
La concrétisation de la nouvelle approche repose sur les principes directeurs pouvant se
résumer comme suit:
Adoption d’une stratégie de développement s’étalant sur une plus longue période ;
Cohérence entre le long et le moyen termes et une intégration des objectifs de croissance
économique avec ceux du développement humain durable ;
Une plus grande concertation entre les partenaires économiques et sociaux aux niveaux
national, régional et local ;
Mise en place d’un ensemble de mécanismes comprenant notamment l’établissement
d’une banque de projets supplémentaires, le renforcement du suivi et de l’évaluation ;
La conduite d’études prospectives sur un certain nombre de domaines clés et sur le
devenir de la société marocaine dans 20 à 25 ans.
2.1.1.4. SOUDAN
L’expérience du Soudan porte sur la stratégie de développement pour la décennie 1992-
2002. Cette étude a été menée en tenant compte non seulement des défis auxquels le pays
est confronté, mais également de l’impact des nouvelles forces extérieures, telle que la
mondialisation. Sa principale stratégie était de mobiliser toutes les ressources du pays, en
conservant l’identité socioculturelle et religieuse du Soudan. Ses principaux objectifs
couvrent tous les domaines: social, politique, militaire/sécurité, politique étrangère,
économie, science et éducation.
L’exercice ENPLT a donné lieu à un document de plan en deux volumes. Le premier volume
se compose d’une introduction, de la stratégie nationale globale et des objectifs de l’étude.
Le deuxième volume contient un ensemble de stratégies sectorielles. Parmi ces stratégies :
développement et ressources humaines, culture et communication, sciences et technologie,
développement social, etc. En matière de développement des ressources humaines, la
stratégie met l’accent sur la consolidation de la formation et l’éducation dans tous les
secteurs. La formation continue est une politique visant à atteindre un tel objectif.
24
25. 2.1.1.5. TUNISIE
Les différentes étapes de la planification en Tunisie sont organisées en trois phases
principales : une phase de planification centralisée, une période plus ouverte sur l’extérieur
et une phase de planification orientée vers le renforcement des mécanismes de marché et
d’ouverture sur l’extérieur tout en préservant les liens entre les exigences économiques et le
bien-être social.
Les stratégies adaptées se traduisent entre autres par le renforcement des instruments des
études prospectives à long terme à travers notamment la création de l’ Institut Tunisien des
Etudes stratégiques, avec pour objectif de procéder à la recherche, à l’étude et à l’analyse
prospectives à moyen et à long terme.
Quelques grandes réalisations au cours de la dernière décennie méritent d’être
mentionnées, dont notamment :
l’intégration des travaux d’élaboration du neuvième plan quinquennal de développement
économique et social (1997 – 2001) dans le cadre d’une vision prospective notamment à
travers la réalisation d’une série d’études stratégiques jusqu’à l’horizon de l’an 2010;
l’organisation d’une consultation sur les conclusions de l’étude prospective relative à la
Tunisie du XXI ème siècle et une autre portant sur l’école de demain;
la création de Centres de recherche sectoriels chargés de l’élaboration d’études
prospectives et l’institution de banques de données et des observatoires dans divers
domaines dont l’observatoire national de la compétitivité, l’observatoire national de la
formation professionnelle et l’emploi, etc.;
la réalisation d’un certain nombre d’études dans le cadre de « Projets Nationaux
Mobilisateurs » portant, entre autres, sur la pauvreté et l’exclusion dans les pays de l’UMA,
les relations entre les pays de l’UMA et les pays européens, etc. ; et
l’élaboration d’un réseau de réflexion stratégique au sein de l’ Institut Tunisien d’ Etudes
Stratégiques (lITES) et ce, en plus du développement de la modélisation, notamment au sein
de l’ Institut d’Economie Quantitative.
2.1.2. Cas des pays de l’Afrique de l’Ouest (WALTPS) : Une vision à l’horizon 2020
Dans le cadre de son programme de travail 1998-1999, la Mission d’Etudes, d’Evaluation et
de Prospective (MEEP) en France a conduit à une étude prospective sur "l’Afrique au XXIe
siècle" afin de retrouver une approche à moyen terme des économies et des sociétés
africaines. Mais il faudrait retenir essentiellement les travaux de WALTPS réalisés par le
Club du Sahel sur les "Perspectives à long terme en Afrique de l’Ouest à l’horizon 2020".
L’étude sur l’"Afrique 2020", au sujet de laquelle la MEEP prépare les objectifs et les
modalités, est destinée à renforcer les connaissances et à approfondir les compétences des
services de la Coopération française en matière d’études prospectives.
Objectifs de l’étude
L’étude a été menée avec un pilotage conjoint entre la cellule CINERGIE de la Banque
Africaine de Développement (BAD) à Abidjan, le Secrétariat du Club du Sahel de l’OCDE à
Paris et CILSS à Ouagadougou. Elle est réalisée sur un financement de la Commission
européenne avec le concours de la BAD, la Banque mondiale, la Belgique, du Canada, des
États-Unis, de la France et des Pays-Bas. Les travaux du groupe ont donné lieu, entre 1992
et 1994, à une série de documents qui ont abouti à la publication de l’étude de synthèse.
L’étude de WALTPS a pour objectif de contribuer à la réflexion sur la croissance soutenable
et l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Ces questions sont abordées sur la longue
durée, à l’horizon 2020, sous l’angle de la géographie humaine. Elle analyse les dimensions
spatiales des évolutions du peuplement et leur impact en termes de changements
économiques et sociaux. L’accent mis sur la géographie humaine se justifie par les
25
26. prolongements possibles des effets sur les économies et les sociétés Ouest-africaines, du
décuplement de la population régionale en moins d’un siècle (1960-2020), même dans
l’hypothèse optimiste d’utilisation des moyens de contraception. L’étude tente de répondre
aux questions suivantes :
Où vivront les quelques 430 millions d’africains de l’Ouest d’ici à l’an 2020 ?
Quels seront les besoins exprimés par les diverses catégories de population réparties
dans l’espace ? Comment et dans quelle mesure les besoins seront-ils satisfaits, sur la
base de quels revenus, de quelles activités et de quels échanges ?
Quelles stratégies faut-il envisager ? Quelles variables-clés permettront à l’Afrique de
l’Ouest de tirer parti du dynamisme des populations, quels facteurs de blocages devront
être levés ?
Méthodologie de l’étude
En dépit de l’hétérogénéité de la région et contrairement à la plupart des travaux de
prospective africaine par pays, l’étude adopte une approche régionale. Les auteurs justifient
une telle démarche, par la forte mobilité des populations et l’interdépendance des économies
réelles, et aussi par une médiocre utilisation, en termes d’efficacité économique, par les
politiques officielles, de l’espace Ouest-afrîcain.
L’étude ne s’appuie pas sur une approche systémique de tous les paramètres qui peuvent
influer sur l’avenir. La méthode suivie consiste à lire les évolutions en cours en accordant un
rôle-clé aux dynamiques démographiques spatiales et sociales dans le développement de la
région, en situant ces évolutions sur une « trajectoire » non prédéterminée. Dans ce modèle
dit démo-économique où la croissance se déduit quasi exclusivement de la géographie du
peuplement, l’environnement international occupe une place relativement marginale. L’étude
utilise plusieurs instruments originaux notamment :
une base de données sur le peuplement,
une méthode d’estimation de l’économie réelle de la région, et
une modélisation des tensions de marché.
Dans cette méthodologie générale, on relève deux démarches complémentaires dans
l’analyse prospective. La première tente de dégager une vision de l’avenir de l’Afrique de l’
Ouest à l’horizon 2020 sous la forme d’une image à long terme de la répartition des hommes
et de leurs activités. Cette image découle des « projections » établies sur la base des
évolutions mises en évidence dans une rétrospective longue (1960-1990) et de jeux
d’hypothèses volontaristes de peuplement.
Ces projections sont construites à partir de matrices de comptabilité sociale basées non pas
sur des secteurs économiques mais sur des groupes sociaux (ruraux/urbains). Ces matrices
sont établies pour l’ensemble des pays de la région. La seconde démarche s’appuie sur des
tendances actuelles pour explorer trois scénarios d’évolution à moyen terme (horizon
décennal) « qui illustrent les contradictions entre, d’une part, les contraintes et tendances à
court et moyen termes et, d’autre part, les objectifs à plus long terme ».
Image à long terme
L’image à long terme s’appuie sur l’hypothèse d’un redémarrage de l’économie urbaine, et
d’une convergence progressive de l’Afrique de l’Ouest vers la « norme » internationale des
comportements. Ce qui suppose :
une croissance de la population urbaine régionale de 4,2 % entre 1990 et 2020 (6,3 %
entre 1960 et 1990) avec un niveau moyen d’urbanisation qui passera de 40 à 63 % ;
26
27. une croissance de la population rurale de 1 % l’an avec un effectif en augmentation de 40
% et le maintien de fortes migrations intra-régionales ;
une croissance des effectifs salariés du secteur moderne moins forte que celle de la
population et donc une décroissance de la population non agricole dans ce secteur. Ceci
conduit à une croissance de 5 % l’an du secteur informel (50 % du croît démographique
total) qui tend à se différencier ;
le maintien de la croissance urbaine impliquant l’émergence progressive d’une agriculture
vivrière de rapport pour le marché à partir d’un taux urbain de 50 % ;
l’augmentation des disparités sociales avec l’apparition d’un continuum social offrant tout
un éventail diversifié d’activités et de revenus.
A ces hypothèses volontairement optimistes par rapport aux évolutions antérieures, s’ajoutent
des hypothèses complémentaires sur l’évolution des ressources extérieures. La part des
échanges internationaux de l’Afrique de l’Ouest restera prépondérante malgré un rapide
développement de son commerce régional. Ainsi, l’étude suppose-t-elle une croissance de 3 %
des exportations agroalimentaires, de 4 % pour les produits énergétiques, et une progression
proportionnelle, au taux de croissance de la population, des autres exportations.
Les autres paramètres des échanges extérieurs devraient converger vers le comportement
«normal » mondial en 2020.
A partir de la matrice de comptabilité sociale en base 1990, les projections établissent une
croissance du produit régional brut (PRB) à l’an 2020 de 4,6 % en moyenne et le PRB moyen
par habitant atteint 1 200 $ (soit 75 % de plus par rapport à 1990). La répartition sectorielle de
cette croissance s’établit comme ci-après :
Agriculture : 14 % du PRB ; une croissance de la valeur ajoutée de 3,2 % en moyenne
(dont 2,6 % pour la production exportée hors de l’Afrique et 8,2 % dans la région).
Secteur informel et intermédiaire : 23 % du PRB, baisse de la productivité par rapport au
secteur agricole (1,5%).
Secteur moderne non agricole : forte contribution au PRB (63 %), grâce au dynamisme
des villes dont la part dans le PRB passe de 66 % en l990 à 82 % en 2020. L’écart de
productivité ville/campagne reste constant à 3,3.
L’image intermédiaire de la région à l’horizon 2005 indique une sortie de crise (1990-2005)
puis une phase de croissance soutenue (de 5 %) à partir de 2005, une fois « la crise des
années 1980-1990 digérée et la profonde restructuration du peuplement et des économies
engagée depuis les indépendances… bien avancée ». Le taux moyen de croissance du PRB
devrait atteindre 4,1% l’an entre 1990 et 2005. Ce taux est supérieur à celui de la
démographie mais inférieur au taux du reste de la période. Au niveau géographique, le
Nigeria reste le moteur de cette dynamique avec 5 % de croissance contre 3,8 % pour le
reste de la région. Cette croissance reste tributaire des transferts et des échanges extérieurs
mais elle doit favoriser le commerce régional dont le taux de croissance atteint plus de 10 %
entre 2005 et 2020.
Cette dynamique de l’économie régionale s’accompagne d’une évolution différenciée des
zones géographiques.
• Le groupe de pays autour du Nigeria (les pays du Golfe de Guinée) constitue le poumon
de l’économie régionale, mais le dynamisme de ce sous-ensemble est conditionné par le
rythme et la reprise de la croissance nigériane lesquels dépendent du règlement des
tensions publiques (2,1 % par habitant du taux de croissance moyen contre 1,6 % pour le
reste de la région).
• L’insertion dans la dynamique régionale des pays de la façade Atlantique,
traditionnellement tournés vers le marché mondial, reste problématique.
27
28. La marge de manœuvre des grands pays enclavés restera étroite et leur avenir demeure lié
à leur capacité d’exportation de la main-d’œuvre et de produits agricoles vers la région.
La matrice de comptabilité sociale
Les comptes démo-économiques établissent une vision de l’économie fondée sur les
principaux groupes sociaux qui y contribuent, plutôt que sur des secteurs économiques. Ces
comptes sont présentés dans une matrice de comptabilité sociale (MCS) : tableau carré dont
les lignes et les colonnes retracent les ressources et les emplois des divers comptes
considérés. La construction de cette matrice part de la dépense finale des diverses
catégories de ménages et des administrations. A chaque catégorie de ménage urbain et
rural identifiée dans la matrice de peuplement est affectée une dépense totale (provisoire),
laquelle est répartie par poste et par origine, intérieure ou importée. De proche en proche on
détermine les revenus qui expliquent cette dépense, les biens et services qui sont utilisés
par les agents et les activités, les transferts qui assurent l’équilibre des comptes courants et
de capital, etc. Par construction, la matrice est équilibrée : les revenus des agents (ménages
et administrations) engendrés par le processus de production et les transferts sont égaux
aux dépenses de ces agents.
Les données exogènes et de contraintes du système sont principalement les dépenses
finales et intermédiaires, les flux de biens et services et les flux financiers entre le pays et le
reste du monde (données tirées des balances de paiement).
Dans certains domaines comme les comptes du secteur public, l’image de l’économie réelle
établie par la MCS est moins riche que celle présentée par la comptabilité nationale.
Toutefois, elle est plus complète pour les relations offre/demande intérieure, l’identification
des contributions du milieu urbain et du milieu rural à l’économie, la production et la
consommation des biens et services non échangeables et la contribution du secteur informel
à l’économie.
Le jeu de scénarios à 10 ans
L’étude explore aussi un jeu de trois scénarios qui prend en compte les contraintes actuelles
sans totalement écarter des choix volontaristes.
Le premier scénario, tendanciel, se caractérise par :
une croissance rapide des grandes villes grâce à la maximisation des rentes
internationales et de la consommation des biens importés à bon marché,
un renforcement du poids du Nigeria compte tenu de l’importance relative de sa dotation
en ressources naturelles dans la région, et
un risque de développement de l’économie illicite (drogue, contrefaçon…) à cause de
l’épuisement des rentes traditionnelles dans certains pays.
La géographie économique de la région est marquée par la croissance plus rapide des
zones côtières au détriment de l’hinterlands faute de production de richesse exportable.
Dans ce scénario, l’aide internationale se réduit à une gestion minimum du développement
dont le but est de limiter les effets d’entraînement négatifs (émigration, drogue, pollution…)
sur les économies développées et de contribuer à l’aide humanitaire, pour les zones les plus
démunies. Il s’agit d’un scénario de laisser-faire qui peut déboucher sur une marginalisation
de l’État et donc des risques de déréglementation.
28