Du rêve à la réalité | une histoire de conception de jeux.
Coup de sifflet final pour le stade de france
1. Coup de sifflet final pour le Stade de France ?
Football et rugby ne se joueront-ils plus sur le même terrain ? C’est en tout cas la volonté de la
Fédération française de Rugby qui a annoncé son envie de quitter, à terme, les pelouses de SaintDenis pour un nouveau stade dans l’Essonne. Un manque à gagner important pour le Stade de
France, déjà en proie à de nombreuses difficultés financières.
« C’est la possibilité d’un rêve », voilà les mots de Pierre Camou, le président de la Fédération
française de Rugby, lors de l’annonce du choix, en juin dernier, de l’emplacement du futur Grand
stade qu’il a souhaité. Plusieurs villes de la banlieue parisienne étaient en compétition, mais
finalement, le comité en charge du projet a choisi l’agglomération de Ris Orangis et Evry dans
l’Essonne. 133 hectares de terrain, dont 15 serviront à construire le stade et les commerces qui lui
seront rattachés. 82 000 places assises, soit 2 000 de plus que le Stade de France et un parking de
9 000 places sont autant de chiffres avancés par le Comité pour mettre en valeur ce choix. Pour ce
qui est du coût de ce projet, tout n’a pas encore été totalement dévoilé. En effet, initialement
annoncé ces jours-ci, le résultat de l’appel
d’offre censé désigner un architecte et un
cabinet d’étude est repoussé à début 2013,
comme l’a déclaré la FFR le 19 décembre.
Il faut le savoir, derrière ce projet titanesque,
tout est histoire de gros sous. Depuis 1998, la
Fédération française de Rugby est sous
contrat avec le Stade de France à qui elle
verse chaque année près d’un million et demi
d’euros pour la location du terrain. A compter
Le Grand Stade d'Evry sera couvert et occupera une superficie de cinq à six rencontres du XV de France par
de 133 hectares.
an, la FFR a estimé que cela lui coûtait trop
cher, d’autant qu’elle paye même lorsqu’elle ne l’utilise pas. Début 2012, Serge Bianco, président du
comité directeur de la FFR, a donc fait savoir qu’il ne renouvellerait pas le contrat qui lie la FFR et le
consortium du Stade de France (constitué de Vinci et Bouygues) jusqu’en 2013. Une annonce qui
tombe mal pour l’enceinte sportive de Saint Denis, qui voit peu à peu, ses investisseurs quitter le
navire. Mais Djalil, amateur de football qui habite tout près ne croit pas en la mort du Stade de
France : « C’est un emblème de la Coupe du monde 1998 ! Et puis, maintenant qu’il est là, on ne va
pas le détruire toute façon ! » dit-il en rigolant. Le vendeur de kébab à la sortie du métro est du
même avis, « on dit que le Stade de France va mal, mais à chaque événement la foule est là. Il a peutêtre juste besoin d’un petit coup de neuf ». Un petit coup de neuf qui aurait un prix.
Trop cher et obsolète
L’Etat, qui était lié au consortium du SDF depuis 1995, a déjà versé près de 100 millions d’euros
d’indemnités au Stade de France en 14 ans. Sans compter les 200 millions versés pour sa
construction. Un poids financier dont l’Etat a
finalement décidé de se libérer. En 2011, la
Cour constitutionnelle a effet enterré le contrat
qui liait l’Etat au consortium, le jugeant
contraire à la Constitution. Un manque à gagner
énorme pour l’enceinte sportive, qui depuis
quelques années peine à se remplir lors des
grands événements. En 3 ans, on estime ainsi
que le nombre de spectateurs a chuté de 10%.
Inauguré il y a seulement 14 ans, beaucoup
dénoncent l’obsolescence du stade. Sous- Le matériel du Stade de France est souvent jugé obsolète et
exploité, énergivore, peu accessible en inutilisable. Ici, le 11 février lors de l'annulation du match
de rugby France-Irlande à cause du froid.
transports, et surtout, trop cher. D’ailleurs,
l’épisode du match de rugby France-Irlande, en février dernier, a fini d’installer Pierre Camou dans
son choix. A cause du gel de la pelouse, le match avait été annulé quelques minutes avant le coup
2. d’envoi, alors que l’ensemble des spectateurs étaient déjà installés. Un cauchemar pour la FFR qui
avait dû rembourser les billets et organiser une nouvelle rencontre le week-end suivant. Pointée du
doigt, la direction du Stade de France avait écarté toute responsabilité. En tous les cas, le Grand
stade voulu par la FFR sera couvert, lui, et sera surtout à proximité du centre d’entraînement du XV
de France à Marcoussis. Pratique donc, mais qui dit que ce nouveau stade ne souffrira pas, à terme,
des mêmes maux que le Stade de France ?
BENJAMIN HELFER
3. Pierre Camou, le pilier du rugby français
Peu médiatique, le Président de la Fédération française de Rugby a de l’ambition. Son projet de
construire un nouveau stade de 82 000 places en banlieue parisienne fait grand bruit. Portrait.
« Pierre Camou, c’est un peu le Jean-Paul II du rugby ». Ces
mots, ce sont ceux de Mourad Boudjellal, président du club
de Toulon. Petit air débonnaire, crâne dégarni et bouille
sympathique, Pierre Camou a toujours souffert de l’image
qu’il renvoie. Réélu facilement à la tête de la FFR en
décembre – il était le seul candidat – il ambitionne de
construire un Grand stade, à l’usage sportif exclusif du
rugby. « Pour moi, ce stade sera une cathédrale, un lieu de
vie, un centre de vie avec tout ce qui va autour » n’hésite t-il
pas à déclarer, alors que pour le moment, le permis de
construire est encore loin d’être délivré.
Né au cœur du Pays-Basque en août 1945, Pierre Camou commence à s’intéresser au ballon ovale
dès l’âge de 17 ans. Loin d’être un prodige sur le terrain, il passe davantage de temps sur le banc ou
dans les vestiaires. En 1963, il monte cependant, avec son frère, le premier club de rugby de sa
région, à Saint-Jean-Pied-de-Port. Puis survient mai 68 et son flot de manifestations qui envahissent
les rues de Bordeaux où le jeune Pierre poursuit des études d’économie à l’université. Se sentant
l’âme d’un révolutionnaire, il monte sur les barricades. Il y fait la rencontre d’un certain Bernard
Lapasset, lui aussi grand amateur de rugby. Leur chemin se croiseront de nouveau des années plus
tard, en 2008, puisque Pierre Camou, élu Président de la FFR, succédera à Bernard Lapasset appelé à
prendre les rennes de la Fédération Internationale de rugby. A la fin des années 60, Pierre Camou a
25 ans et veut découvrir le monde. « J’ai pris mon sac à dos, et je suis parti, seul avec des amis »
déclarait-il. Les Etats-Unis, le Vénézuela, l’Afrique, la Chine, autant de terres que ce voyageur
passionné a foulées avant de finalement revenir en France.
Des billets aux piliers
Nous sommes en 1972, une crise économique se profile et les banques basques sont au bord de
l’asphyxie. Fort de ses études en économie, Camou se fait remarquer par les notables de sa ville,
Bayonne, et entre dans les rangs de la banque locale, Inchauspé. Il y passera 25 ans, jusqu’à en
devenir le directeur. Il parle lui-même d’une expérience qui lui donnera le goût de la gestion et du
risque. Mais la passion du ballon ovale n’étant jamais bien loin, il dépose sa candidature à la
Présidence de la FFR en 2008. Elu confortablement, il récupère une fédération usée au lendemain de
la Coupe du Monde organisée en France. Bâtisseur, Pierre Camou l’a été tout au long de sa vie. Alors
à 66 ans, un projet comme celui du Grand stade, ça ne lui fait pas peur. Au contraire, avec son regard
bleu malicieux, Pierre Camou s’amuse à croire, qu’un jour, peut-être, ce Grand stade portera son
nom.
BENJAMIN HELFER
BENJAMIN HELFERBBB