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Compte-rendu – 23ème
petit-déjeuner
de la Chaire E. Leclerc/Bearing Point/ESCP Europe
« Prospective du commerce dans la Société 4.0 »
Organisé le mercredi 9 octobre 2019 :
« Le futur a 200 ans : regard historique sur le commerce 4.0 »
Le petit-déjeuner du 9 octobre 2019 de la Chaire E. Leclerc/Bearing Point/ESCP Europe « Prospective
du commerce dans la société 4.0 » avait pour thème : « Le futur a 200 ans : regard historique sur le
commerce 4.0 », avec la participation du Professeur Jean-Claude Daumas, Professeur à l’université de
Franche-Comté (histoire contemporaine) et auteur de La révolution matérielle. Une histoire de la
consommation, et de Johanna Pestour, co-fondatrice de la start-up Mamie Foodie.
Les débats étaient animés par Michel-Edouard Leclerc, Président de la Chaire et par le Professeur
Olivier Badot, ancien doyen à la recherche à l’ESCP Europe et directeur scientifique de la Chaire.
De son expérience, Michel-Edouard Leclerc retient : « ce n’est ni le format, ni le seul emplacement, ni
la logistique, qui vont déterminer la performance du distributeur de demain ». En effet, depuis
plusieurs années maintenant, il a été témoin de la disparition de grandes enseignes et de grandes
marques. « Et qu’est-ce qui fait que d’autres s’en sont sortis ? Il n’y a pas un modèle unique justement,
à chaque fois, c’est une histoire différente » témoigne-t-il.
200 ans d’histoire, 200 ans de révolutions commerciales
En introduisant l’échange de ce petit-déjeuner, le Professeur Jean-Claude Daumas nous invite à
réfléchir à l’enchainement des innovations qui ont bouleversé le paysage commercial depuis
maintenant deux siècles, des siècles ainsi marqués par un changement permanent, et une « suite de
révolutions sans fin » déclare-t-il. Des innovations apparaissent, aux poids et impacts divers. Pour le
Professeur, il est intéressant de retenir deux grandes révolutions : celle du grand magasin et celle des
grandes surfaces. La révolution digitale qui se développe au sein de la distributionserait-elle la suivante
? Difficile de l’affirmer dès à présent. A ce jour, de grands changements semblent bel et bien en cours,
mais il est encore trop tôt pour dire « quelle forme prendra le commerce demain », explique-t-il.
Les « magasins de nouveauté », une première étape dans le processus de
modernisation du commerce
Au début du XIXème siècle, les « magasins de nouveauté » se développent et se différencient des
« magasins de tissus », du fait de la pluralité des marchandises proposées. Ils visent une clientèle
féminine à la recherche de nouveautés et de variétés. Avec l’apparition et le développement de ces
1
magasins, la consommation dans le secteur vestimentaire s’accroît. L’espace commercial, à l’intérieur
de ces magasins est organisé en galeries (soieries, dentelles, etc.) et chacune des galeries possèdent
son propre comptoir. D’autres innovations dans la politique commerciale sont à noter telles que
l’entrée libre, le prix fixe affiché, le paiement au comptant et sans crédit, des expositions périodiques,
des soldes, des envois d’échantillon, la vente par correspondance et la publicité.
A cette époque, « alors que le terme de magasin remplace progressivement celui de boutique » le
Professeur Daumas précise également les efforts d’aménagement qui ont été réalisés. Le but,
« accueillir les clients dans un cadre confortable et élégant, avec un personnel poli, attentif et qui ne
forçait pas la vente. » De façon générale, qu’ils s’agissent de la surface de vente, de l’effectif du
personnel, du nombre de clients ou du volume de chiffre d’affaires réalisé, les grands magasins
marquent « un changement d’échelle radical, du fait notamment d’un élargissement sans précédent
de la clientèle qui s’étend des classes supérieures aux classes moyennes ». Cette révolution
commerciale qu’incarne le grand magasin est aussi, historiquement, indissociable de trois processus
très larges et alors en cours à Paris : (1) les transformations urbanistiques d’Haussmann, (2)
l’industrialisation et la fabrication des objets de consommation, et (3) le développement du chemin de
fer.
L’exemple du Bon Marché
Les premiers magasins naissent et prolifèrent ainsi sous le Second Empire, au sein d’une conjoncture
favorable : le Bon Marché voit le jour en 1852, Le Louvre en 1855, Le Printemps en 1865, etc. Bien que
tous soient créés par des provinciaux, le phénomène restera longtemps exclusivement parisien :
« aucune autre ville n’était assez riche et densément peuplée pour accueillir ce genre de magasins.
L’expansion des grands magasins a ensuite bouleversé l’expansion des villes et de la capitale » déclare
le Professeur Jean-Claude Daumas.
Le Bon Marché, dès sa création, a cherché à pousser plus loin les méthodes de ventes apprises, et
issues du succès des grands magasins de nouveautés en accélérant toujours plus la rotation de ses
stocks. Ce faisant, cela permettait à la structure de vendre beaucoup et à des prix moins chers. En
s’approvisionnant directement chez les fabricants, le Bon Marché avait décidé d’une baisse de sa
marge bénéficiaire de 10 à 20%. Afin d’attirer une clientèle plus large, l’enseigne diversifie aussi son
offre et stimulent ses ventes via la vente par correspondance, des expositions et le développement de
services à la clientèle de grande ampleur. Le magasin ne vend plus seulement que des tissus et des
nouveautés, mais aussi des meubles et des voyages, l’organisation du magasin encourage l’initiative
des salariés par l’autonomie des rayons et l’intérêt au résultat, et « on passe de quatre à trente-six
rayons » en quelques années. Les magasins se spécialisent, et chacun développe, une image de
marque, de prix et produits.
Vers l’accessibilité à la classe populaire
Malgré des publicités annonçant de larges gammes de prix, la vente au comptant étant de plus
pratiquée, il était exclu que les classes populaires puissent accéder à ce type de magasin. Les produits
vendus s’adressaient toutefois à de nombreux segments de la bourgeoisie de l’époque. Entre 1880 et
1914, bien qu’une hausse notable du niveau de vie permit aux grands magasins d’élargir leur clientèle,
ils ne représentaient dès lors que 17% des ventes du commerce de détail parisien. Cependant, ils
jouaient un rôle moteur dans le développement du commerce au sein de la capitale et au regard de
l’évolution de la conjoncture qui se préparait : la guerre.
Si dès 1913 on peut trouver au Bon Marché des centaines de produits différents (sport, camping, loisir,
etc.), il restait, au sortir de la guerre, « peu de produits que les grands magasins ne vendaient pas car
tous les produits issus de l’art de vivre bourgeois avait été transformés en marchandises et rendus
accessibles aux classes moyennes ». Ainsi par exemple, en 1916, Les Galeries Lafayette construisaient
une succursale en province et ces mouvements ont finalement faits des grands magasins « les agents
de la diffusion des modes parisiennes et de la transformation du mode de vie des capitales provinciales
».
Toujours selon le Professeur, l’essor des grands magasins bourgeois aurait occulté l’expansion d’une
série d’innovations commerciales qui ont accompagné l’accès des classes populaires à une
consommation plus large et diversifiée : la création de grands magasins populaires à petits prix, qui
vendent à crédit. De plus, ces structures commercialisent une offre adaptée aux besoins et aux goûts
des classes populaires. Le Professeur Daumas mentionne également le fait que les grands magasins
bourgeois faisaient aussi usage de crédits pour certains de leurs clients et note ainsi « le
chevauchement de plus en plus prononcé » de ces deux types d’entités.
Les magasins à succursales multiples
Les principes du succursalisme sont les suivants : « marges bénéficiaires étroites, ventes au prix le plus
bas possible, affichage des prix, refus absolu du crédit, et ristournes sur les bénéfices, qui sera
rapidement remplacé par la vente à prime de manière à fidéliser la clientèle », énumère le Professeur.
Ces magasins visent à satisfaire les besoins de base de la clientèle ouvrière, en alimentaire et en
ménage. Ces-derniers vont, petit à petit, diversifier leurs assortiments afin de couvrir tous les besoins
du quotidien. Les clés de leur succès ? Une concentration des achats, un contrôle rigoureux des stocks,
la diversification de l’offre, l’extension du réseau de succursales en France et enfin, la fabrication des
produits alimentaires dans leurs propres usines et vendus sous leurs propres marques.
La période d’après-guerre
Durant cette période, se développe le magasin à prix unique, créé par les grands magasins, « une sorte
d’hybride entre les bazars et les grands magasins. Ils annoncent le discount, que va pratiquer la grande
distribution », explique le Professeur Jean-Claude Daumas. Au cours de cette conjoncture également,
on retrouve des structures commerciales sclérosées, routinières et finalement peu spécialisées : on
vend peu, mais on vend cher. Dès lors, une réflexion débute autour du modèle américain et la réforme
du commerce en France se prépare.
Ainsi, le pays connaitra, dès 1947, la création du libre-service, puis du discount lancé par Leclerc, puis
des supermarchés et hypermarchés. Ce-dernier modèle présente une originalité significative : réunir
tout sous un même toit ! De l’alimentaire, et du non-alimentaire. Aussi, ces magasins innovent en
adoptant une politique de prix bas quotidiens, sur tous les produits. Un modèle révolutionnaire qui se
heurtera vite à une double concurrence, celle du hard discount et des grandes surfaces spécialisées,
qui obligeront l’hypermarché à renoncer à vendre certains types de produits pour lesquels il n’est plus
compétitif. Aujourd’hui, d’autres modèles concurrents font parler d’eux : les commerces de proximité
et le commerce en ligne. « On a ici quelque chose de très inquiétant, de très menaçant : c’est le fait
que convergent les attentes et besoins des consommateurs, avec une révolution technologique.
Lorsque les deux convergent, on a toujours la naissance d’un nouveau format », déclare le Professeur.
Le commerce évolue, les populations aussi
Johanna Pestour, co-fondatrice de la société Mamie Foodie, présente son concept : une entreprise qui
« met à l’honneur la cuisine de grand-mère. On est une jeune entreprise, mais on s’appuie sur le savoir-
faire de nos aînés ».
Créée depuis plus de trois ans, Mamie Foodie propose à des retraités, des « chefs séniors » de cuisiner
leurs recettes fétiches : « on s’est dit que les meilleurs plats étaient ceux cuisinés par nos grands-
parents », se rappelle-t-elle lorsque le business model de la société était en train d’émerger. Elle ajoute
qu’il s’agit d’un « savoir-faire qui n’est pas assez mis à l’honneur aujourd’hui. On a donc choisi de
capitaliser dessus » explique Johanna Pestour. Ces recettes, cuisinées par les chefs séniors, sont
vendues à des entreprises pour leurs évènements, déjeuners, cocktails, etc. où les séniors sont
également présents ! « Cela créé aussi une rencontre entre les chefs séniors et les clients qui peuvent
aussi déguster leurs plats ; et en ce sens-là, on créé du lien entre les générations », raconte la
cofondatrice.
Mamie Foodie se révèle être une entreprise issue de l’Economie Sociale et Solidaire, un secteur qui
cherche à allier impact social et rentabilité économique. Deux valeurs fortes, les objectifs de
l’entreprise, sont les suivantes : (1) lutter contre l’isolement des séniors et (2) leur apporter un
complément de revenus, afin de palier à toute éventuelle situation de précarité. A ce titre, Mamie
Foodie a créé un partenariat avec l’association Petits Frères des Pauvres, permettant notamment aux
fondateurs de rencontrer des séniors.
Avec 15 chefs séniors actuellement en activité et quelques 700 évènements dispensés, l’entreprise
propose à ses clients de retrouver des saveurs peut-être oubliées, un savoir-faire, une authenticité.
Bref, un retour dans le passé pour « retomber en enfance ».
Conclusion
Dans un monde du commerce où Internet vient concurrencer et remettre en question les modèles et
structures établis depuis 200 ans et plus, Johanna Pestour elle, développe une entreprise aux valeurs
et aux enjeux sociétaux forts : « le développement de l’Economie Sociale et Solidaire commence à être
de plus en plus connu, même si en termes de chiffre, ça reste minoritaire », confie-t-elle.

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  • 1. Compte-rendu – 23ème petit-déjeuner de la Chaire E. Leclerc/Bearing Point/ESCP Europe « Prospective du commerce dans la Société 4.0 » Organisé le mercredi 9 octobre 2019 : « Le futur a 200 ans : regard historique sur le commerce 4.0 » Le petit-déjeuner du 9 octobre 2019 de la Chaire E. Leclerc/Bearing Point/ESCP Europe « Prospective du commerce dans la société 4.0 » avait pour thème : « Le futur a 200 ans : regard historique sur le commerce 4.0 », avec la participation du Professeur Jean-Claude Daumas, Professeur à l’université de Franche-Comté (histoire contemporaine) et auteur de La révolution matérielle. Une histoire de la consommation, et de Johanna Pestour, co-fondatrice de la start-up Mamie Foodie. Les débats étaient animés par Michel-Edouard Leclerc, Président de la Chaire et par le Professeur Olivier Badot, ancien doyen à la recherche à l’ESCP Europe et directeur scientifique de la Chaire. De son expérience, Michel-Edouard Leclerc retient : « ce n’est ni le format, ni le seul emplacement, ni la logistique, qui vont déterminer la performance du distributeur de demain ». En effet, depuis plusieurs années maintenant, il a été témoin de la disparition de grandes enseignes et de grandes marques. « Et qu’est-ce qui fait que d’autres s’en sont sortis ? Il n’y a pas un modèle unique justement, à chaque fois, c’est une histoire différente » témoigne-t-il. 200 ans d’histoire, 200 ans de révolutions commerciales En introduisant l’échange de ce petit-déjeuner, le Professeur Jean-Claude Daumas nous invite à réfléchir à l’enchainement des innovations qui ont bouleversé le paysage commercial depuis maintenant deux siècles, des siècles ainsi marqués par un changement permanent, et une « suite de révolutions sans fin » déclare-t-il. Des innovations apparaissent, aux poids et impacts divers. Pour le Professeur, il est intéressant de retenir deux grandes révolutions : celle du grand magasin et celle des grandes surfaces. La révolution digitale qui se développe au sein de la distributionserait-elle la suivante ? Difficile de l’affirmer dès à présent. A ce jour, de grands changements semblent bel et bien en cours, mais il est encore trop tôt pour dire « quelle forme prendra le commerce demain », explique-t-il. Les « magasins de nouveauté », une première étape dans le processus de modernisation du commerce Au début du XIXème siècle, les « magasins de nouveauté » se développent et se différencient des « magasins de tissus », du fait de la pluralité des marchandises proposées. Ils visent une clientèle féminine à la recherche de nouveautés et de variétés. Avec l’apparition et le développement de ces 1
  • 2. magasins, la consommation dans le secteur vestimentaire s’accroît. L’espace commercial, à l’intérieur de ces magasins est organisé en galeries (soieries, dentelles, etc.) et chacune des galeries possèdent son propre comptoir. D’autres innovations dans la politique commerciale sont à noter telles que l’entrée libre, le prix fixe affiché, le paiement au comptant et sans crédit, des expositions périodiques, des soldes, des envois d’échantillon, la vente par correspondance et la publicité. A cette époque, « alors que le terme de magasin remplace progressivement celui de boutique » le Professeur Daumas précise également les efforts d’aménagement qui ont été réalisés. Le but, « accueillir les clients dans un cadre confortable et élégant, avec un personnel poli, attentif et qui ne forçait pas la vente. » De façon générale, qu’ils s’agissent de la surface de vente, de l’effectif du personnel, du nombre de clients ou du volume de chiffre d’affaires réalisé, les grands magasins marquent « un changement d’échelle radical, du fait notamment d’un élargissement sans précédent de la clientèle qui s’étend des classes supérieures aux classes moyennes ». Cette révolution commerciale qu’incarne le grand magasin est aussi, historiquement, indissociable de trois processus très larges et alors en cours à Paris : (1) les transformations urbanistiques d’Haussmann, (2) l’industrialisation et la fabrication des objets de consommation, et (3) le développement du chemin de fer. L’exemple du Bon Marché Les premiers magasins naissent et prolifèrent ainsi sous le Second Empire, au sein d’une conjoncture favorable : le Bon Marché voit le jour en 1852, Le Louvre en 1855, Le Printemps en 1865, etc. Bien que tous soient créés par des provinciaux, le phénomène restera longtemps exclusivement parisien : « aucune autre ville n’était assez riche et densément peuplée pour accueillir ce genre de magasins. L’expansion des grands magasins a ensuite bouleversé l’expansion des villes et de la capitale » déclare le Professeur Jean-Claude Daumas. Le Bon Marché, dès sa création, a cherché à pousser plus loin les méthodes de ventes apprises, et issues du succès des grands magasins de nouveautés en accélérant toujours plus la rotation de ses stocks. Ce faisant, cela permettait à la structure de vendre beaucoup et à des prix moins chers. En s’approvisionnant directement chez les fabricants, le Bon Marché avait décidé d’une baisse de sa marge bénéficiaire de 10 à 20%. Afin d’attirer une clientèle plus large, l’enseigne diversifie aussi son offre et stimulent ses ventes via la vente par correspondance, des expositions et le développement de services à la clientèle de grande ampleur. Le magasin ne vend plus seulement que des tissus et des nouveautés, mais aussi des meubles et des voyages, l’organisation du magasin encourage l’initiative des salariés par l’autonomie des rayons et l’intérêt au résultat, et « on passe de quatre à trente-six rayons » en quelques années. Les magasins se spécialisent, et chacun développe, une image de marque, de prix et produits. Vers l’accessibilité à la classe populaire Malgré des publicités annonçant de larges gammes de prix, la vente au comptant étant de plus pratiquée, il était exclu que les classes populaires puissent accéder à ce type de magasin. Les produits vendus s’adressaient toutefois à de nombreux segments de la bourgeoisie de l’époque. Entre 1880 et 1914, bien qu’une hausse notable du niveau de vie permit aux grands magasins d’élargir leur clientèle, ils ne représentaient dès lors que 17% des ventes du commerce de détail parisien. Cependant, ils
  • 3. jouaient un rôle moteur dans le développement du commerce au sein de la capitale et au regard de l’évolution de la conjoncture qui se préparait : la guerre. Si dès 1913 on peut trouver au Bon Marché des centaines de produits différents (sport, camping, loisir, etc.), il restait, au sortir de la guerre, « peu de produits que les grands magasins ne vendaient pas car tous les produits issus de l’art de vivre bourgeois avait été transformés en marchandises et rendus accessibles aux classes moyennes ». Ainsi par exemple, en 1916, Les Galeries Lafayette construisaient une succursale en province et ces mouvements ont finalement faits des grands magasins « les agents de la diffusion des modes parisiennes et de la transformation du mode de vie des capitales provinciales ». Toujours selon le Professeur, l’essor des grands magasins bourgeois aurait occulté l’expansion d’une série d’innovations commerciales qui ont accompagné l’accès des classes populaires à une consommation plus large et diversifiée : la création de grands magasins populaires à petits prix, qui vendent à crédit. De plus, ces structures commercialisent une offre adaptée aux besoins et aux goûts des classes populaires. Le Professeur Daumas mentionne également le fait que les grands magasins bourgeois faisaient aussi usage de crédits pour certains de leurs clients et note ainsi « le chevauchement de plus en plus prononcé » de ces deux types d’entités. Les magasins à succursales multiples Les principes du succursalisme sont les suivants : « marges bénéficiaires étroites, ventes au prix le plus bas possible, affichage des prix, refus absolu du crédit, et ristournes sur les bénéfices, qui sera rapidement remplacé par la vente à prime de manière à fidéliser la clientèle », énumère le Professeur. Ces magasins visent à satisfaire les besoins de base de la clientèle ouvrière, en alimentaire et en ménage. Ces-derniers vont, petit à petit, diversifier leurs assortiments afin de couvrir tous les besoins du quotidien. Les clés de leur succès ? Une concentration des achats, un contrôle rigoureux des stocks, la diversification de l’offre, l’extension du réseau de succursales en France et enfin, la fabrication des produits alimentaires dans leurs propres usines et vendus sous leurs propres marques. La période d’après-guerre Durant cette période, se développe le magasin à prix unique, créé par les grands magasins, « une sorte d’hybride entre les bazars et les grands magasins. Ils annoncent le discount, que va pratiquer la grande distribution », explique le Professeur Jean-Claude Daumas. Au cours de cette conjoncture également, on retrouve des structures commerciales sclérosées, routinières et finalement peu spécialisées : on vend peu, mais on vend cher. Dès lors, une réflexion débute autour du modèle américain et la réforme du commerce en France se prépare. Ainsi, le pays connaitra, dès 1947, la création du libre-service, puis du discount lancé par Leclerc, puis des supermarchés et hypermarchés. Ce-dernier modèle présente une originalité significative : réunir tout sous un même toit ! De l’alimentaire, et du non-alimentaire. Aussi, ces magasins innovent en adoptant une politique de prix bas quotidiens, sur tous les produits. Un modèle révolutionnaire qui se heurtera vite à une double concurrence, celle du hard discount et des grandes surfaces spécialisées, qui obligeront l’hypermarché à renoncer à vendre certains types de produits pour lesquels il n’est plus compétitif. Aujourd’hui, d’autres modèles concurrents font parler d’eux : les commerces de proximité et le commerce en ligne. « On a ici quelque chose de très inquiétant, de très menaçant : c’est le fait
  • 4. que convergent les attentes et besoins des consommateurs, avec une révolution technologique. Lorsque les deux convergent, on a toujours la naissance d’un nouveau format », déclare le Professeur. Le commerce évolue, les populations aussi Johanna Pestour, co-fondatrice de la société Mamie Foodie, présente son concept : une entreprise qui « met à l’honneur la cuisine de grand-mère. On est une jeune entreprise, mais on s’appuie sur le savoir- faire de nos aînés ». Créée depuis plus de trois ans, Mamie Foodie propose à des retraités, des « chefs séniors » de cuisiner leurs recettes fétiches : « on s’est dit que les meilleurs plats étaient ceux cuisinés par nos grands- parents », se rappelle-t-elle lorsque le business model de la société était en train d’émerger. Elle ajoute qu’il s’agit d’un « savoir-faire qui n’est pas assez mis à l’honneur aujourd’hui. On a donc choisi de capitaliser dessus » explique Johanna Pestour. Ces recettes, cuisinées par les chefs séniors, sont vendues à des entreprises pour leurs évènements, déjeuners, cocktails, etc. où les séniors sont également présents ! « Cela créé aussi une rencontre entre les chefs séniors et les clients qui peuvent aussi déguster leurs plats ; et en ce sens-là, on créé du lien entre les générations », raconte la cofondatrice. Mamie Foodie se révèle être une entreprise issue de l’Economie Sociale et Solidaire, un secteur qui cherche à allier impact social et rentabilité économique. Deux valeurs fortes, les objectifs de l’entreprise, sont les suivantes : (1) lutter contre l’isolement des séniors et (2) leur apporter un complément de revenus, afin de palier à toute éventuelle situation de précarité. A ce titre, Mamie Foodie a créé un partenariat avec l’association Petits Frères des Pauvres, permettant notamment aux fondateurs de rencontrer des séniors. Avec 15 chefs séniors actuellement en activité et quelques 700 évènements dispensés, l’entreprise propose à ses clients de retrouver des saveurs peut-être oubliées, un savoir-faire, une authenticité. Bref, un retour dans le passé pour « retomber en enfance ». Conclusion Dans un monde du commerce où Internet vient concurrencer et remettre en question les modèles et structures établis depuis 200 ans et plus, Johanna Pestour elle, développe une entreprise aux valeurs et aux enjeux sociétaux forts : « le développement de l’Economie Sociale et Solidaire commence à être de plus en plus connu, même si en termes de chiffre, ça reste minoritaire », confie-t-elle.