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Al’avant-
garde
Arnaud Le Gal
Latransformationnumériqueestlaclef
de l’avenir de l’industrie, et le levier le
plusefficientpourqueladésindustriali-
sation, contrairement à ce que l’on a
beaucoup entendu depuis quelques
années,nesoitfinalementpasunefata-
lité pour l’économie française.
Vous ne trouverez plus grand monde
pourcontestercetaxiome.Maisau-delà
de ce nouveau consensus, que fait-on ?
Comme aurait pu le dire le général de
Gaulle, il ne suffit pas de sauter sur sa
chaise comme un cabri en disant :
« Transformons ! Transformons ! Trans-
formons ! » pour réussir cette digitalisa-
tion. La courbe d’apprentissage, il est
vrai,estabrupte.Ils’agitcertesdemettre
à profit les solutions numériques afin
d’apporter à son offre de produits et de
services une valeur ajoutée perceptible
entermed’usageparsesclients.Maisce
n’est que la partie émergée de l’iceberg.
En fait, les implications sont bien plus
nombreuses et amples. Les entreprises
industrielles doivent se (re)mettre en
situation de prendre des risques, de
trouver les idées, les process, les talents,
les ressources leur permettant de
gagner le fameux « quart d’heure
d’avance ». Et l’innovation étant perva-
sive,illeurfaudraaupassageremettreà
plat leur façon de travailler, en interne,
mais aussi avec les autres maillons de
leur chaîne de valeur : clients, partenai-
res, investisseurs acteurs publics de la
recherche ou de l’aménagement du ter-
ritoire… L’immensité du chantier expli-
quequemaintsacteursensoientencore
àunstadeexploratoire.Tous ?Non.Cer-
tainsn’ontpasattenduquel’industriedu
futur devienne une priorité nationale
pourenfaireleurprésent.Etforceestde
constater que le territoire du Grand
Besançon possède une singulière den-
sité de ces innovateurs. En toute discré-
tion, à la franc-comtoise serait-on tenté
d’écrire, entrepreneurs, chercheurs et
élusontdepuisplusieursannéessufaire
converger leurs efforts, fédérer les éner-
gies et les compétences, non seulement
pour réinventer un avenir aux activités
traditionnelles du territoire, telles que
l’horlogerie et les microtechniques,
maisaussiaborderdenouveauxdomai-
nesd’excellencecommel’e-santé.
Un événement, les Journées Gran-
velle, du 19 au 21 mars, va faire clignoter
Besançonunpeuplusqu’àl’accoutumée
sur le radar des professionnels de
l’industrie. « Les Echos » ne pouvaient
manquerunetelleoccasiondefairepar-
tagerl’expériencedecetécosystèmetrès
avancé.Iln’yadécidémentpasquedans
la Silicon Valley, les mégapoles des pays
émergents ou les « start-up nations »
quelespassionnésd’innovationpeuvent
benchmarker des idées « pour action ».
Le Doubs, ce n’est pas mal non plus !
Visiteguidée. n
EnjeuxBaliserleparcoursdel’industriedufutur// P. 2 | Témoignage iXblue ou l’art de naviguer dans les torrents de l’industrie high-tech // P. 3 | Filières
Unionsacréepourl’innovationdanslasanté// P. 4 | Cas d’école Statice, RD-Biotech et d’autres jeunes pousses // P. 5 | TransformationLesnouveaux
visagesdel’horlogerieetduluxe// P. 6 | InterviewJeanKallmann,deBreitlingServices// P. 7 | EcosystèmesFemto-ST,uninstitutderechercheXXL// P. 8 |
LeGrandBesançon
laboratoiredel’industrie4.0
L’institut Femto-ST, le plus gros
laboratoire de recherche
français en sciences de l’ingénieur.
Photo CC Ludovic Godard - UFC
SPÉCIAL
MERCREDI 15 MARS 2017 // SUPPLÉMENT GRATUIT AU NUMÉRO 22404 | ISSN 0.153.4831 | NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT LESECHOS.FR/
TERRITOIRES
La 4e
révolution industrielle est
en marche, et ça va tout chan-
ger, affirme Bruno Teboul,
senior vice-président science et
innovation du groupe Keyrus
(société de conseil en data intelli-
gence et transformation numéri-
que).Al’origine,l’industrie4.0estun
concept venu d’Allemagne qui a
décidédenumériseretd’automatiser
ses process industriels avec notam-
mentlarobotiqueindustrielle,lacon-
nectique intelligente et le traitement
du Big Data. » Mais, au-delà de cette
nouvelle donne technologique, c’est
toute l’architecture du secteur
industriel qui s’en trouve boule-
versé, estime l’expert. « L’automati-
sationducognitifredéfinitl’organisa-
tion de l’usine, modifie les rapports
managériaux et sociaux, redessine la
matrice des compétences », ajoute
BrunoTeboul,quipointeégalement
les nouvelles relations qui s’établis-
sent entre donneurs d’ordres et
sous-traitants.
Outre-Rhin, on parie « sur l’effi-
cience, la diversification, la multipli-
cation des relations et une nouvelle
forme de compétitivité : la compétiti-
vité relationnelle », expliquent Doro-
thée Kohler et Jean-Daniel Weisz. Il
s’agit de construire « une nouvelle
économie des complémentarités »,
soulignent les auteurs, qui notent
que« lesindustrielsallemandsfontle
choix de s’allier pour croître plus vite,
trouver de nouvelles sources de créa-
tion de valeur, mutualiser les compé-
tences et les moyens d’innovation,
multiplier les gains d’opportunités et
conquérirdenouveauxmarchés ».
Le modèle bisontin
Un modus operandi qui inspire à
l’évidence la renaissance indus-
trielle de Besançon. L’aggloméra-
tion franc-comtoise a surmonté les
crises du passé qui ont miné son
économie (Lip, Kelton-Timex dans
l’horlogerie, Weil, Rhodiaceta dans
le textile), pour reconstruire un
tissu industriel performant dans
une sorte de laboratoire grandeur
nature de l’industrie 4.0.
Le Grand Besançon affiche un
taux de chômage de 9 %, bien en
deçà de la moyenne nationale, et
compte « plus de 10.000 entrepri-
ses, ETI, PME et start-up », se féli-
cite Jean-Louis Fousseret, maire
(PS) et président de la commu-
nauté d’agglomération. « Nous
l’industrie, notamment avec l’institut
Femto ST », souligne Jacques Bahi,
président de l’UFC. « C’est le plus
grandlaboratoiredesciencesdel’ingé-
nieurenFrance,centrésurlamaîtrise
des micros et nanotechnologies et le
développement de nouveaux compo-
santsetsystèmes »,seféliciteJacques
Bahi, qui note que « 93 start-up ont
été créées par des enseignants-cher-
cheurs ou des étudiants de l’UFC,
depuis l’an 2000 ». Surtout, l’univer-
sitéestaucœurdecequifaitlaspéci-
ficité industrielle de Besançon, à
savoirleslienscréésentrelesmicro-
techniques et le biomédical dans
une logique de complémentarité
propreàl’industrie4.0.
Temis
« L’agglomération a pour cela forte-
mentinvestidanssonpôled’enseigne-
mentsupérieuretdanslesinfrastruc-
tures adéquates », revendique Jean-
Louis Fousseret, qui donne en
exemple les deux technopoles
Temis (microtechniques et biotech-
nologies), qui regroupent campus
universitaire,entreprises,centresde
recherche et laboratoires pour
encourager la fertilisation croisée
du territoire industriel. « A l’origine,
en 2001, Temis était centré sur les
microtechniques, constate Jean-
Louis Fousseret. Il a permis la créa-
tion de 250 entreprises et de plus de
3.000 emplois. Aujourd’hui, nous
sommes en train de reproduire ce
modèle dans le biomédical pour faire
de Besançon une des capitales euro-
péennesdusecteur. »Unedimension
internationalefondatricedel’indus-
trie du futur, qui s’exprime dans les
communautés transfrontalières de
la recherche appliquée existant
entre la Franche-Comté et la Suisse,
et dans le projet de développement
d’un triangle des microtechniques
qui mobiliserait le FemtoST de
Besançon, l’Ecole polytechnique de
LausanneetleKarlsruheInstituteof
Technologyallemand.
— PhilippeFlamand
« Industrie 4.0. Les défis de la transfor-
mation numérique du modèle indus-
triel allemand », La Documentation
française, Paris, mars 2016.
ENJEUX//Négocier le virage numérique de l’industrie 4.0 est une priorité économique pour la France.
Sur le territoire du Grand Besançon, acteurs privés et publics n’ont pas attendu que le sujet soit en vogue
pour fédérer les énergies autour des entreprises locales. Un cas d’école à découvrir.
Baliserleparcoursdel’industriedufutur
Olivier Bourgeois est à la tête d’une
ETI franc-comtoise (R-Bourgeois,
800 salariés et 140 millions d’euros
de chiffre d’affaires annuel) emblé-
matiquedel’industriedufuturdont
ilest,parailleurs,porte-étendard.Ce
chef d’entreprise quadragénaire,
directeur général de l’entreprise
familiale créée en 1929 à Besançon,
pilote l’un des leaders mondiaux du
découpage haute précision de tôle-
ries pour moteurs électriques et
transformateurs. Depuis 2016, il est
également l’ambassadeur régional
de l’Alliance pour l’industrie du
futur. Sa mission : mobiliser les
entreprises de Bourgogne-Franche-
Comté, de toutes tailles et de tous
secteurs d’activité, pour les aider à
prendre conscience de l’urgence
qu’il y a pour elles à se moderniser.
« L’industrie française a pris beau-
coup de retard et le saut à faire est
d’autant plus important, estime
l’industriel, alors que la mondialisa-
tionestplusfortequejamais. »
L’Alliance pour l’industrie du
futur est née de la volonté des pou-
voirs publics de moderniser l’appa-
reil productif et d’accompagner les
entreprises industrielles dans la
transformation de leurs modèles
d’affaires, de leur organisation, de
leurs modes de conception et de
commercialisation par le numéri-
que. Cette fameuse « nouvelle
France industrielle » appelée de ses
vœuxparleprésidentdelaRépubli-
que, François Hollande, en
septembre 2013. C’est pour mieux
accompagner ce mouvement de
modernisation qu’a été créée
l’Alliance qui réunit des industriels,
desécolesd’ingénieurs,desorganis-
mes de recherche. Objectifs : aider
les entreprises à entrer dans la
4e
révolution industrielle pour pro-
duire autrement, gagner en réacti-
vité et en compétitivité, relocaliser
enFrancelesactivitésenagissantsur
toutes les étapes de la chaîne de
valeur, de la conception au service
après-vente en passant par la pro-
ductionetlalogistique.Septgrandes
priorités d’actions ont été définies
pour soutenir le développement de
projets industriels (digitalisation,
virtualisation et Internet des objets ;
placedel’hommedansl’usine,cobo-
tique et réalité augmentée ; fabrica-
tionadditive(impression3D) ;moni-
toring et contrôle ; composites,
nouveauxmatériauxetassemblage ;
automatiqueetrobotique ;efficacité
énergétique) et des programmes
d’accompagnement ont été mis en
placedepuismai2015danslatotalité
des régions avec pour objectif
d’accompagner2.000PMIetETI.
« L’Alliancedisposepourcefaireen
région de correspondants techniques
capables de réaliser des diagnostics
personnalisés et de faire connaître
auxchefsd’entrepriselestechnologies
disponibles, explique Olivier Bour-
geois. Il s’agit également d’identifier
les verrous existants, humains ou
organisationnels,limitantl’accèsàces
innovations, d’intégrer les nouveaux
concepts dans une vision “chaîne de
valeur”etderéinventerlemodèleéco-
nomiquedesentreprisesdufutur. »
Création d’une dynamique
Autre mission : faire connaître aux
industriels les solutions de finance-
ment existantes (prêts de bpifrance,
dispositifs fiscaux d’aide à l’investis-
sement) pour « lever les freins à
l’investissementenmobilisantlesres-
sources et les compétences », précise
Olivier Bourgeois. L’ambassadeur
régional de l’Alliance note égale-
ment que le dispositif doit « faire
remonter aux conseils régionaux les
préoccupations des chefs d’entreprise
pour parvenir à mettre en place un
plan d’action. Une bonne dynamique
s’estainsicrééequinousadéjàpermis
d’accompagner une cinquantaine
d’entreprises franc-comtoises », se
féliciteOlivierBourgeois.
— P.F.
L’Alliance pour l’industrie
du futur se déploie en
régions pour accompagner
les ETI et PMI à prendre
le virage numérique de la
4e
révolution industrielle.
Diagnostic de l’un de ses
représentants en régions.
S’allierpouraiderlesentreprisesàentrer
dansla4e
révolutionindustrielle
COOPÉRATION
Ils ont dit
« L’Université
de Franche-Comté
joue un rôle
essentiel pour initier
et accompagner le
passage à l’industrie
4.0 en favorisant la
création de start-up
et les transferts
de technologies
vers l’industrie. »
JACQUES BAHI
Président de l’Université
de Franche-Comté
Photo UFC, Ludovic Godard — CC
« Il faut moderniser
l’appareil productif
des PME en portant
la vision d’une usine
innovante, compéti-
tive, performante,
sûre et attractive,
en balisant l’accès
aux financements
et en encourageant
les alliances pour
le portage de projets
collaboratifs
ponctuels à haute
valeur ajoutée. »
DOMINIQUE ROY
Président de la CCI du Doubs
Photo CCI Doubs
« Nous sommes
toujours une terre
d’innovation
technologique
et industrielle […]
Aujourd’hui,
il s’agit d’aider les
entreprises à réussir
les paris du numéri-
que et de la montée
en compétences. »
JEAN-LOUIS FOUSSERET
Maire (PS) et président de la
communauté d’agglomération
Photo AFP
sommes toujours une terre d’inno-
vation technologique et indus-
trielle », s’enorgueillit l’élu, pour
qui l’industrie locale a su capitali-
ser sur ses savoir-faire ancestraux
(micro-mécanique et micro-tech-
nologie) et ses capacités (adapta-
bilité, circuits courts…) pour se
réinventer. « Aujourd’hui, il s’agit
d’aider les entreprises à réussir les
paris du numérique et de la montée
encompétences »,notel’élu.Ambi-
tion partagée par la CCI du Doubs,
dont le président Dominique Roy
veut « moderniser l’appareil pro-
ductif des PME en portant la vision
d’uneusineinnovante,compétitive,
performante, sûre et attractive, en
balisant l’accès aux financements
et en encourageant les alliances
pour le portage de projets collabo-
ratifs ponctuels à haute valeur
ajoutée. »
L’Université de Franche-Comté
(UFC)« joueégalementunrôleessen-
tiel dans cette stratégie pour initier et
accompagner le passage à l’industrie
4.0 en favorisant la création de start-
upetlestransfertsdetechnologiesvers
450START-UP
ont participé aux conventnios
BigUp for Startup en 2016.
sélectionnés ont ainsi la certitude de
pouvoir rencontrer en one to one les
directeurs innovation des grands
groupes »,précise Lucie Phaosady.
« En 2016, 450 start-up ont parti-
cipéauxconventionsd’affairesBigUp
for Startup qui ont généré quelque
388tête-à-têteavec,enmoyenne,trois
rendez-vous avec des grands groupes
parjeunepousse,pourplusde25con-
trats signés »,détaille Pierre Billet.
Rendez-vous régionaux
Ces événements sont désormais
organisés à l’échelon des régions
avec des appels à projets lancés sur
lesprincipalesvillesmêmesileren-
dez-vous BigUp est, lui, forcément
localisé géographiquement. Le
9 février, une convention a ainsi eu
lieuàNancyquandlesappelsàpro-
jets préalables avaient été diffusés
surStrasbourg,MetzetReims.Pro-
chains rendez-vous en 2017 : Mont-
pellier-Toulouse, Nantes pour le
Grand Ouest, Marseille, Lille, Lyon
pour Auvergne-Rhône-Alpes en
octobre et Bordeaux en décembre.
— P. F.
LesJournéesGranvelleorganiséesà
Besançon des 19 au 21 mars
accueilleront la convention d’affai-
res BigUp for Startup. Cet événe-
ment parrainé par le Groupe La
Poste vise à faire se rencontrer d’un
côté des start-up et des PME inno-
vantes et de l’autre de grands grou-
pesayantdesbesoinsnumériquesà
satisfaire. Lancé en 2015 dans le
cadre de la French Tech à Montpel-
lier, BigUp for Startup mobilise,
outre La Poste, le groupe Cisco,
Orange,EDFetlaCaissedesDépôts.
« Généralement ce sont les start-up
qui tentent de rencontrer les grands
groupes pour développer un volume
d’affaires. Nous avons voulu renver-
ser les choses en amenant les grands
groupesdanslesterritoirespourleur
permettre de sourcer efficacement et
rapidement les start-up répondant à
leurs besoins d’innovation », expli-
quent Lucie Phaosady et Pierre
Billet, qui pilotent le programme
pour La Poste.
Cesentrepriseslancentenamont
des appels à projets relayés sur le
terrain par l’écosystème auprès des
jeunes pousses susceptibles d’être
concernées. « Les entrepreneurs
La convention d’affaires
visant à mettre en relation
les jeunes pousses et des
poids lourds de l’économie
fait étape à Besançon.
Partenariatentre
entreprises :l’exemple
BigUpforStartup
Les rencontres entre start-up et PME innovantes, d’une part,
et de grands groupes, d’autre part, se dérouleront à Besançon
des 19 au 21 mars. Photo Pierre Gleizes/RÉA
« Il faut identifier
les verrous
existants, humains
ou organisationnels,
limitant l’accès
aux innovations. »
OLIVIER BOURGEOIS
Ambassadeur de l’Alliance pour
l’industrie du futur
02//SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos
économie
innovation
société
19-20-21
mars 2017
www.investinbesancon.fr
Comment
l’industrie
et les serviCes
se réinventent
grâCe au numérique ?
JC.AUGÉ-2017
TÉMOIGNAGES
Patricia Salentey
Pour cet ancien directeur de
rechercheaulaboratoired’optique
du CNRS à Besançon, devenu
entrepreneur, les dix-sept derniè-
res années sont riches en expé-
riences et en rebondissements.
Henri Porte, comme beaucoup de
créateursembarquésparlemaels-
tröm d’Internet et des télécoms au
tout début de ce siècle, a vu son
marché s’effondrer un an seule-
mentaprèss’êtrelancé.« J’aicrééà
Besançon Photline Industries en
2000avecd’autreschercheurs,dans
le cadre de la loi sur l’innovation et
la recherche (incubateurs). C’était à
la demande d’Alcatel, intéressé
alorsparnotretechnologiephotoni-
que.Or,dès2001,j’aiconstatéquece
marché s’effondrait. Trop d’acteurs
et pas encore de revenus à la clef. A
posteriori, je me dis que c’était fina-
lement une chance pour nous, qui
avions développé une technologie
qu’on pouvait adapter à d’autres
applications, parce que cela nous a
permis d’aller plus loin », raconte
celui qui est devenu directeur de la
division photonique de la société
qui a intégré puis racheté Photline
en 2013 : iXblue (550 salariés,
100 millions d’euros de chiffre
d’affaires).
1 PREMIÈRE RÈGLE :
N’ÊTRE JAMAIS
MONOMARCHÉ !
Parce que les composants optiques
fabriqués par Photline pouvaient
être utilisés dans d’autres applica-
tions,lastart-upestcontactéedèsla
création en 2000 par iXSea, l’ancê-
tre d’iXblue, qui entre même au
capital de la société bisontine.
iXSea, spécialiste des capteurs à
fibre optique pour systèmes de
navigation inertiels, a besoin des
modulateurs optiques développés
et fabriqués par Photline. « Cette
n o u v e l l e a c t i v i t é , m ê m e s i
aujourd’hui encore nous travaillons
(environ 10 %) pour les télécoms,
nous a offert une tout autre orienta-
tion stratégique et donné accès aux
marchés de la navigation maritime,
la défense et l’industrie spatiale.
iXSea est alors devenu notre princi-
pal client et nous a ouvert les portes
du CNES, de l’Agence spatiale euro-
péenne, la Nasa, l’agence spatiale
japonaise etc. », raconte l’entrepre-
neur marqué par « la leçon cruelle
des télécoms ».
2 ACCEPTER DE SE
VENDRE POUR RÉUSSIR
LE REPOSITIONNEMENT
« Pour aborder le marché forcément
international du spatial, ce n’est pas
évident quand on est une petite PME
de 40 personnes. Même si 20 % de
l’équipe est dédiée à la R&D, qu’on
publie des brevets et que notre tech-
nologieestreconnueauniveaumon-
dial, c’est mieux d’être un groupe de
550 personnes qui réalise 80 % de
son chiffre d’affaires à l’internatio-
nal,commec’estlecaspouriXblue »,
reconnaît Henri Porte, qui durant
ces dernières années négociera
l’absorptiondePhotlinepariXblue.
« Le plus compliqué a été de détrico-
terlastructurecapitalistiquemiseen
place à l’origine de la création,
raconte Henri Porte. Je connaissais
le créateur d’iXblue, fédérateur de
PME dans les technologies de fibres
optiques, depuis 1984, nous avons
des liens industriels et personnels et
partageons les mêmes aspirations
technologiques. Nous sommes deve-
nus filiale en 2013 et avons intégré
totalement le groupe iXblue en 2015.
C’était le bon choix pour continuer
notre développement ! »
3 JOUER LA SYNERGIE
DES UNITÉS
STRATÉGIQUES
REGROUPÉES EN FILIÈRE
« iXbluefonctionnecommeunefédé-
ration de PME constitutives d’une
filière industrielle et technologique
tournéeversl’océanetlemondedela
mer. Les fonctions marketing, finan-
ces, budget RH etc. sont regroupées à
Saint-Germain-en-Laye, mais nous
restons autonomes pour notre déve-
loppement stratégique et technologi-
que. Et, depuis un an et demi, nous
enregistrons les bénéfices de notre
choix avec des signatures de contrat
pour l’optique dans l’espace impor-
tant », explique Henri Porte ajou-
tant : « Sur notre site de Besançon,
sur la Technopole microtechnique et
scientifique (Temis), qui a été inau-
guré le 9 mars 2017, nous maîtrisons
tout de A à Z. Ce sont des marchés de
petits volumes à valeur ajoutée, les
opérations d’intégration sous bino-
culaire ne sont pas robotisées. Pour
nous, l’industrie 4.0, c’est l’industrie
spatiale, l’exploration océanique, les
satellites qui communiquent entre
eux par faisceaux laser… mais aussi
l’héritage du savoir-faire en matière
de microtechnique de la filière horlo-
gère locale. » n
iXblueoul’artdenaviguer
danslestorrentsdel’industriehigh-tech
De l’explosion de la bulle
Internet au développement
d’iXblue, groupe animé
comme une fédération de
PME présent dans le spatial,
la défense et le maritime,
le parcours d’Henri Porte
illustre les capacités
de résilience des entrepre-
neurs de l’industrie.
Confrontés aux difficultés de Photline Industries, Henri Porte a rebondi avec iXSea, l’ancêtre de iXblue.
Quand il crée Crystal Device Tech-
nology en 2011 à Besançon, Marc
Bouvrot-Parratte (4 salariés,
200.000 euros de chiffre d’affaires)
vise le marché des télécoms par
fibre optique. Fort du développe-
ment d’une technologie originale
de microcomposants électro-opti-
ques,développéedanslecadredesa
thèse de physique, il réalise au bout
dedeuxansquelemarchéenques-
tionestdéjàmatureetdécided’anti-
ciper sans plus attendre une recon-
version sur des marchés plus
porteurs.
« En 2013 et pendant un an,
accompagnés par un cabinet exté-
rieur, nous avons regardé ce qu’on
pouvait faire avec notre technologie
pour d’autres matériaux et usages.
La grande tendance qui s’imposait
était le tout connecté », observe-t-il.
« Aussi nous nous sommes inscrits
dans la problématique de l’énergie
auto-rechargeable, pour rendre
autonomes ces objets. C’est devenu le
cœur de notre nouveau champ
d’action. Notre technologie est com-
patible avec les matériaux intelli-
gents,aussinousproposonsdessolu-
tions innovantes et performantes
pour améliorer la récupération
d’énergie. » Un premier exemple
concret : recharger la batterie d’un
smartphone avec des semelles de
chaussures connectées. « Nous
avonsréalisélepremierprototypeen
2016 », explique le CEO de la
start-up qui développe également
des solutions pour l’horlogerie
(montres suisses) et le biomédical.
Tributaire des choix
des gros acteurs
« Nous avons anticipé la fermeture
dumarchédestélécomsetdoncaccé-
léré notre repositionnement », expli-
que le jeune président. « Nos solu-
tions de récupération de l’énergie
produitelorsdedéplacements(mou-
vements,marche,voiture…)pourdes
objetsconnectésontimmédiatement
suscité de l’intérêt et généré de nom-
breux contacts. Mais le temps des
gros acteurs de l’électronique n’est
pas le même que celui des start-up.
Les commandes fermes ne sont pas
venues vite. Pendant six mois, il a
fallu s’autofinancer et absorber les
ressources que nous avions. Si cela
avait duré deux mois de plus, on
n’existait plus ! » constate rétros-
pectivement Marc Bouvrot-Par-
ratte, qui enregistre une remontée
du chiffre d’affaires depuis le début
de l’année. Et d’ajouter « c’est extrê-
mement difficile pour une start-up
de se repositionner, on se met situa-
tion de fragilité extrême. On ne maî-
trise pas notre avenir qui dépend des
choix de gros clients. L’industrie 4.0,
c’estcompliquépourlestechnologies
en amont. Aussi innovantes et per-
formantes soient-elles, on est tribu-
taire des tendances que décident les
grands industriels ».
— P. S.
« Quandonserepositionne,onsemet
ensituationdefragilitéextrême »
Les dirigeants de start-up
industrielles doivent
souvent faire pivoter leur
stratégie et leur organisa-
tion par rapport à leur
projet initial pour trouver
leur place sur des marchés
en transformation perma-
nente. Le témoignage de
Marc Bouvrot, CEO de
Crystal Device Technology.
`SUR
LESECHOS.FR
•L’usine du futur sera
numérique : Internet
des objets, cobotique,
simulation... lesechos.fr/
thema/cloud-2016
•Les « smart buildings »
réorganisent et bousculent
l’industrie du bâtiment
lesechos.fr/thema
Marc Bouvrot-Parratte a créé Crystal Device Technology en 2011.
Photo Crystal Device Technology
« Aborder le
marché forcément
international du
spatial, ce n’est pas
évident quand on
est une petite PME
de 40 personnes. »
HENRI PORTE
Directeur de la division
photonique d’iXblue
Ixblue
« Il a fallu
s’autofinancer
pendant six mois
et absorber les
ressources que nous
avions. Si cela avait
duré deux mois de
plus, on n’existait
plus ! »
MARC BOUVROT-PARRATTE
CEO de Crystal Device
Technology
Les Echos Mercredi 15 mars 2017 SPÉCIAL TERRITOIRES//03
Monique Clemens
@mo_clemens
—Correspondante à Besançon
S’il est un domaine qui fait
des pas de géant, c’est bien
celui de la santé. L’avenir
est aujourd’hui aux biomédica-
ments, aux implants biorésorba-
bles, à la chirurgie mini-invasive.
Mais suivre le mouvement et
industrialiserdefaçonréactiveces
nouveaux médicaments et dispo-
sitifsmédicauxsupposeunécosys-
tème,uneconvergencedevuesdes
organismes de recherche, des
industriels, et des acteurs publics,
dont les collectivités. Cette conver-
gence et cette union sacrée exis-
tent à Besançon, elles sont ici liées
à l’histoire : un savoir-faire micro-
technique–toujourslui–,héritéde
l’horlogerie et dont la grande pré-
cision a trouvé une voie de diversi-
fication dans le médical, gour-
mand de petit, mini, micro et
même nano, d’une part ; et
l’implantation de l’Etablissement
françaisdusang(EFS)Bourgogne-
Franche-Comté, d’autre part, très
actifsurlescellulessoucheshéma-
topoïétiques.Ilestsituétoutcontre
le CHU Jean-Minjoz, précieux par-
tenaire, sur le site des Hauts-de-
Chazal, qui est en train de se trans-
former en un pôle Santé. Ou, plus
précisément, en une déclinaison
santé de Témis, le parc technologi-
que et scientifique que pilote le
Grand Besançon.
Un cercle vertueux
A l’histoire s’ajoutent souvent des
histoires d’hommes. Florent
Guyon,àluiseul,incarneassezbien
l’écosystème local. Chargé de déve-
loppement chez Statice Santé, une
« grande sœur » pour de nombreu-
ses PME et start-up venues s’instal-
ler dans l’ex-capitale horlogère, il a
participé à la création de l’ISIFC,
l’Institut de formation d’ingénieurs
de Franche-Comté spécialisé en
biomédical, où il occupe un poste
d’enseignantàmi-temps.Maisilest
aussileprésidentd’Innov’Health,le
cluster impulsé par le pôle de com-
pétitivité Microtechniques, lancé
en 2016, après la labellisation
FrenchTechduGrandBesançonen
catégorie « biotech medtech », et
qui rassemble 95 start-up ou PME
de Bourgogne-Franche-Comté.
Deshistoiresd’hommesetdecer-
clesvertueuxcommecelle-ci,ilyen
a beaucoup d’autres entre Temis et
lesHaut-de-Chazal.MêmesiStatice
fait figure de pionnier : son fonda-
teur, Serge Piranda, avait, le pre-
mier, initié une commission santé
aupôledecompétitivitéMicrotech-
niques. Benoît Studlé, son actuel
président, fait d’ailleurs partie
de la commi ssion sta rt-up
d’Innov’Health. « Il peut ainsi indi-
quer comment éviter les obstacles »,
avanceFlorentGuyon.« Ilyaicitout
ce qu’il faut : des circuits courts, de
l’expérience cumulée, des compéten-
ces techniques »,ajoute l’intéressé.
« Oui, clairement, il y a une vraie
nombreux projets. Entre l’outil
CIC-IT (unité mixte de recherche
hospitalière labellisée Inserm,
créée en 2006), destiné à industria-
liser des procédés ou processus,
quedirigeleprofesseurEmmanuel
Haffen, et l’équipe Inserm (UMR
1098) de l’EFS, par exemple, le cou-
rant passe très bien. « L’EFS déve-
loppe des innovations en recherche
préclinique que nous testons chez
des premiers malades avant d’élar-
gir. Et, de plus en plus, nous cher-
chons à associer de nouveaux dispo-
sitifs médicaux aux nouveaux
médicaments. C’est le cas, par exem-
ple, avec le projet Smart Transfuser,
qui automatise la transfusion san-
guine avec tests au lit du malade. »
Directeur de l’EFS Bourgogne-
Franche-Comté, Pascal Morel se
félicite lui aussi du cercle vertueux
local dans lequel est venu s’impli-
quer Femto-ST, notamment avec
Biom’@x, un axe de recherche plu-
ridisciplinaire. « Nous avons main-
tenant le terrain de jeu dont nous
avons besoin. » Il évoque un projet
en gestation, structurant, et qui
impliquera chercheurs et entrepri-
ses. Nom de code : MiMedI, pour
« microtechniques pour médica-
mentsinnovants ».« Nousvendrons
un concept complet : la licence du
médicamentetlesentrepriseslocales
qui viendront installer, sur place,
l’outil industriel pour fabriquer le
médicament. Ce sera un nouveau
modèle en santé. » Une piste pour
l’industrie 5.0, peut-être ? n
FILIÈRES//Structures de recherche, organismes de formation, entreprises et collectivités se sont rapprochés pour
constituer un cercle vertueux et développer les dispositifs médicaux et médicaments de demain. A Besançon, le
terreau local des microtechniques et recherches en biothérapie a facilité l’émergence d’un écosystème innovant.
Entreprises,collectivités,enseignement :
danslasanté,unionsacréepourl’innovation
Despatchssouples,desinstruments
chirurgicaux,desvalvescardiaques,
des prothèses actives, des maté-
riaux biorésorbables… Dispositifs
médicauxetimplantsdetoutessor-
tes s’affichent dans les couloirs de
cette école d’ingénieurs à taille
humaine(156étudiants),spécialisée
dans le dispositif médical. L’ISIFC
avait été créée par l’Université de
Franche-Comté en 2001 et forme
chaqueannée50ingénieursbiomé-
dicaux,dont50 %sontembauchésà
la fin de leur stage de troisième
annéeet80 %deuxmoisaprèsavoir
été diplômés. Parmi eux, 22 % res-
tent dans le tissu local, 22 % partent
en Suisse et 22 % partent en Rhône-
Alpes. « Nos élèves sont très deman-
dés. L’un d’entre eux est parti au
CNES,enHollande,unautreàSinga-
pour, à l’Institut Pasteur », explique
VincentArmbruster,ledirecteur.
Anticiper la réglemen-
tation européenne
Alors que l’UT Compiègne et l’Isis
de Castres forment respectivement
des spécialistes de l’ingénierie hos-
pitalière et de l’e-santé, l’originalité
de l’ISIFC réside dans sa triple cul-
ture : technique, médicale et régle-
mentaire. Cette dernière matière
est enseignée par Stéphanie Fran-
çois.Enseignante-chercheuseasso-
ciée, elle partage son temps entre
l’ISIFC et le CHU Jean-Minjoz, où
elle pilote des essais cliniques. « On
essaie d’anticiper la réglementation
européenne pour les dispositifs
médicauxquidevraittomberd’icifin
2017. A l’ISIFC, on prend une petite
avance. C’est l’avantage d’avoir un
pied dans le monde du travail, on est
danslecircuitcourt »,indique-t-elle.
Responsable des stages indus-
triels, Florent Guyon, lui aussi, par-
tage son temps entre l’ISIFC et Sta-
tice, entreprise locale pionnière
(voir page 5). Lui s’occupe de bâtir
des ponts entre l’école et le monde
économique,dutissulocalàl’inter-
national. En troisième année, ils
sont 80 % à partir en stage à l’étran-
ger, sur toute la planète. Florent
Guyon a fait partie des fondateurs
de l’école et il est à l’initiative de
la Rentrée du dispositif médical,
une rencontre professionnelle et
technique qui réunit 200 person-
nes chaque année.
L’ISIFC dispose de ses propres
locaux depuis 2009, sur Témis, à
quelques centaines de mètres de
l’ENSMM. A l’étage, une salle de tra-
vaux pratiques avec colon artificiel,
vidéoscope, fibroscope… « Les élèves
reproduisent les gestes du chirur-
gien », raconte le directeur. « Pour
cette maquette de colon, par exemple,
ils vont aller chercher les polypes qui
sont à l’intérieur. Le but est de com-
prendre le jargon du métier et les
besoins. » A côté, une salle électroni-
que pour la mise en œuvre de systè-
mes comme le pacemaker ou l’éthy-
lotest.Plusloin,unesallepourtoutce
qui touche à la physique des ondes,
puisuneautredédiéeauprototypage
3D,équipéededeuximprimantes.
Le dernier bureau est celui de
Biotika, une junior entreprise dont
leconceptetlenomontétédéposés
à l’Inpi, qui recrute sur CV et lettre
de motivation et est éligible au cré-
ditimpôt-recherche.« C’estaussiun
bureau d’études, un module de fin
d’études et une cellule de préincuba-
tion », explique sa responsable,
Nadia Butterlin. — M. Cl.
L’école forme chaque année
50 ingénieurs très deman-
dés pour la complémenta-
rité de leur bagage.
Autre originalité : Biotika,
son entreprise intégrée.
L’ISIFC,l’écoled’ingénieursàlatripleculture
FORMATION
L’école d’ingénieurs spécialisée dans le dispositif médical
et installé sur Temis compte 156 étudiants. Photo F-Zahra Ait Aqqa
Recherche : trois exemples de nouvelles solutions
L’anti-inflammatoire naturel de Med’in’Pharma
Trois ans après avoir déposé son brevet, Sylvain
Perruche, chercheur intégré à l’UMR 1098 de l’Inserm,
rattachée à l’EFS, à Besançon, vient tout juste de créer
Med’Inn’Pharma, la start-up qui lui permettra de lancer
SuperMApo, un médicament de thérapie innovante pour
traiter les maladies inflammatoires, telles que la poly-
arthrite rhumatoïde ou la maladie de Crohn. SuperMApo
est issu d’un phénomène naturel : la mort naturelle des
cellules, ou apoptose, qui produit des facteurs anti-
inflammatoires. Les essais cliniques pourraient
commencer dans dix-huit mois.
UCPVax, le vaccin thérapeutique anticancer
Depuis 2009, une équipe bisontine d’une quinzaine de
chercheurs et médecins oncologues du CHRU, de
l’Inserm, du CIC et de l’EFS travaille sur un vaccin anti-
cancer universel. Baptisé « UCPVax », ce vaccin est en
phase clinique, testé sur 54 patients atteints d’un cancer
des poumons dans les CHU de Besançon, Dijon, Paris et
Strasbourg. Conçu pour activer des cellules du système
immunitaire particulièrement efficaces contre la tumeur,
il cible la télomérase, une enzyme présente dans la
plupart des cancers et qui leur confère un pouvoir
d’immortalité.
Le gène suicide de Side by CIDe
L’UMR 1098 (encore elle) est à l’origine d’un médicament
de thérapie génique qui a obtenu en 2016 le feu vert de
l’Agence nationale de sécurité du médicament pour la
phase de production du protocole. Le premier patient en
bénéficiera avant l’été dans le service de greffe du CHU
Minjoz. Développé par Marina Deschamps et Christophe
Ferrand, Side by CIDe est destiné à prévenir les fréquen-
tes complications des greffes de moelle osseuse.
« L’idée est d’inclure un gène suicide déclenché
par une molécule-médicament », explique Pascal Morel,
directeur de l’EFS Bourgogne-Franche-Comté.
EmmanuelEme
DR
DR
convergence et une politique de site
de tous les acteurs », confirme
Macha Woronoff, vice-présidente
du CHU Jean-Minjoz en charge de
larecherchecliniqueetdel’innova-
tion.« Unvraisystèmequinouscon-
forte les uns les autres : le Centre
d’investigation clinique avec un
module technologique et un
deuxième axe sur les biothérapies ;
l’EFSet sa plate-forme de développe-
ment de médicaments de thérapies
innovantes;l’institutFemtoquiestla
plus grosse concentration en France
de recherche en sciences de l’ingé-
nieur ; le CHU ; les politiques… Cette
convergence, c’est notre force. Quant
aux circuits courts, ils nous permet-
tent de nous mobiliser très vite. »
De cet écosystème naissent de
« Il y a [à Besançon]
tout ce qu’il faut :
des circuits courts,
de l’expérience
cumulée,
des compétences
techniques. »
FLORENT GUYON
Chargé de développement
chez Statice Santé
04//SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos
CAS D’ÉCOLE
Docteur en biochimie, Philippe
Dulieu est en train de constituer
unpetitgroupequicomptedansle
monde des anticorps monoclo-
naux. Ces molécules issues d’une
seulesouchedelymphocytes–les
mêmes que le système immuni-
taire produit naturellement –
étaient, à l’origine, destinées à des
méthodesdediagnostic,maissont
de plus en plus utilisées comme
solutionsthérapeutiques.
Complémentarité
En 2002, Philippe Dulieu avait
fondé à Besançon RD-Biotech.
Cette société de services s’adresse
à l’industrie pharmaceutique et
aux industriels des biotechnolo-
gies en France, en Suisse, en
Europe et aux Etats-Unis : de très
gros industriels comme Sanofi, et
destoutpetits,quin’ontpasencore
de laboratoire, mais ont déjà levé
desfonds,etpourlesquelsl’équipe
bisontine construit des prototy-
pes. « Notre savoir-faire, c’est d’éla-
borerdesmoléculesaustadeprécli-
nique, puis des médicaments »,
explique-t-il. Dix ans plus tard, en
2012, RD-Biotech rachetait Dia-
clone, un « spin-off » de l’EFS
Bourgogne-Franche-Comté,
repris quelques années plus tôt
RD-Biotechs’impose
danslesanticorps
monoclonaux
La PME de Besançon a
racheté Diaclone en 2012,
puis participé à la
création d’une start-up
belge en 2015. Elle est
en pleine croissance.
CAS D’ÉCOLE
Monique Clemens
@mo_clemens
—Correspondante à Besançon
Chez Statice, l’industrie 4.0, « on y
est », assure son président. Le tra-
vail à la main côtoie les machines
« tout-numérique », notamment
pour la transformation de la
matière. En février 2016, la société
spécialisée dans les implants et les
dispositifs mini-invasifs avait
investi dans une machine d’électro-
filage (électrospinning) permettant
de réaliser de l’ingénierie tissulaire
et,parexemple,dereconstituerdes
organes. « Avant, nous utilisions du
silicone médical ; aujourd’hui, nous
avons des matériaux plus pointus :
des polymères techniques, transfor-
més par moulage ou électrofilage, et
dontlemaillagealéatoirepermetaux
cellules souches de bien s’accrocher,
explique Benoît Studlé, président
de Statice. Le corps accepte mieux ce
type de matériaux. »
Statice avait été créé en 1978 par
CharlesNalyetSergePiranda,deux
ex-ingénieurs de Lip, l’entreprise
horlogère dont la lutte sociale
venait de faire vibrer toute la
France. Ce sont sans doute eux qui,
les premiers, avaient senti le poten-
tiel de diversification des micro-
techniques horlogères dans le
médical. En 1991, Serge Piranda
avait d’ailleurs lancé Statice Santé,
une filiale spécialisée dans les dis-
positifs médicaux qui, depuis, joue
un rôle de chef de file de la filière
locale.
Trente ans après la création, les
fondateursonttransmislasociétéà
trois de leurs cadres, qui l’ont réor-
ganiséeen2012 :plusdefilialesanté
désormais mais une R & D com-
mune, microtechniques et bioma-
tériaux, au sein de Statice Innova-
tion, d’une part, et toute la
productionréunieauseindeStatice
Manufacturing, d’autre part. Ainsi
structurée, la société vend du ser-
vice et sait produire, essentielle-
ment pour des start-up (les deux
tiersdesesclients).« Lesdeuxactivi-
téssont raresdansunemêmesociété
et s’enrichissent mutuellement :
ainsi, on connaît les comportements
des procédés en production », ajoute
Benoît Studlé.
Aujourd’hui, Statice emploie
100 personnes, dont 30 en R & D et
70 à la production, et a réalisé, en
2016,unchiffred’affairesde10mil-
lions d’euros, dont 18 % à l’export.
« Nous sommes à 10 millionsdepuis
trois ans, mais nous devrions faire
2 % de mieux en 2017. Quant à
l’export, nous visons un tiers d’ici à
cinqans.Nousavonsunebonnecote
en France, nous devons maintenant
nous faire connaître à l’extérieur
avec nos implants polymères
implantables, par exemple. »
Une centaine
de projets par an
Labellisé SRC (société de recher-
che sous contrat), Statice est
impliqué dans une centaine de
projets par an, et, parmi eux, quel-
ques-uns très prometteurs : le
projet de pancréas artificiel Mail-
pan, mené depuis 1998 avec la
société alsacienne Defymed et le
Centre de transfert de technologie
du Mans (CTTM), qui en est au
stade des essais cliniques ; le pro-
jet retenu par le FUI et baptisé
« Fassil », en collaboration avec
Lyonbiopôle, Alsace BioValley et
le pôle Microtechniques, qui vise
un prototype d’imprimante 3D
pour du silicone médical implan-
table ; ou encore le projet euro-
péen Esotrac, qui vient de démar-
rer et a pour objectif d’intégrer,
dans des cathéters, deux techno-
logies complémentaires, ultra-
sons et opto-acoustique. n
Dispositifsmédicaux:Statice
toujoursenpoleposition
Fondée par deux anciens
de Lip, la société de R&D et
de production d’implants et
de dispositifs mini-invasifs
vient d’investir dans une
machine d’électrofilage.
CAS D’ÉCOLE
Onefit Medical, Stemcis, Smaltis,
Miravas, Amarob… Elles sont
encore petites et, pour certaines, à
peine nées, mais ces start-up sont
promises à un bel avenir. Comme
Covalia, qui s’était spécialisé dans
les solutions de télémédecine et
avait intégré le groupe IDO-in en
2014 (qui vient à son tour d’être
repris par l’éditeur de solutions
dédiées aux établissements de
santé Maincare), les deux premiers
ont déjà été rachetés par plus gros
qu’eux : Onefit Medical, le bébé de
SébastienHenry,quiavaitconçuun
logiciel de planification et de gui-
dage3Dpourlachirurgiedelapro-
thèse de hanche, avait rejoint la
société parisienne EOS Imaging en
2013,deuxansaprèssacréation.Un
an plus tard, il obtenait l’agrément
de la FDA pour aborder le vaste
marché américain et employait
20 salariés.
Néen2008surl’îledelaRéunion,
oùs’étaientrencontrésRégisRoche
et Franck Festy, ses deux créateurs
docteurs en biologie cellulaire,
Stemcis s’était finalement implanté
àBesançonen2013pourserappro-
cher d’Alcis et Statice, ses partenai-
res industriels. Son credo : le tissu
adipeux, qu’il prélève, traite et réin-
jecte au patient dans le même
temps opératoire pour des applica-
tions esthétiques ou de régénéra-
tion,enchirurgiemusculo-squelet-
tique ou en urologie, par exemple.
« On a également une étude clinique
encourspourletraitementdel’arth-
rose, et on développe aussi, avec
l’UMR 1098, un nouveau produit
permettant de purifier les plaquettes
sanguines », confie Régis Roche.
C’est lui qui a créé et pilote le site
bisontinemployant7des13salariés
du petit groupe racheté en 2015 par
le français DMS (Diagnostic Medi-
cal System), un concurrent d’EOS
Imaging, justement. Stemcis a réa-
lisé 0,5 million d’euros de chiffre
d’affaires en 2016, mais vise le dou-
ble pour 2017 et devrait recruter
deux personnes supplémentaires
cette année, notamment pour le
développement international.
Smaltis est juste en face, sur le
même palier, au deuxième étage de
Bioparc 1, sur Témis Santé. Cette
troisièmestart-up,quiemploiedéjà
six personnes, a été créée en
avril 2014 par Cédric Muller et
Sophie Guénard, tous deux doc-
teursenbactériologie–etpurspro-
duits de l’université de Franche-
C o m t é – , p o u r a s s u r e r d e s
prestations de services en bactério-
logie et en biologie moléculaire et
cellulaire. « Nos clients, ce sont des
laboratoirespublicsouprivésquitra-
vaillent dans ces trois domaines et
nous confient des prestations sur
mesure », explique Sophie Gué-
nard. « Pour l’un d’eux, nous testons
une nouvelle molécule antibacté-
rienne. Nous sommes aussi en train
dedévelopperunetechniqueparticu-
lièred’inactivationgéniquedesbacté-
ries pour identifier les fonctions
d’une protéine, et nous travaillons
également avec l’EFS sur des kits de
diagnostics pour choisir la meilleure
thérapie pour un cancer. » En 2016,
pour son deuxième exercice, Smal-
tis a pulvérisé son business plan en
réalisant 336.000 euros de chiffre
d’affaires en prestation, contre
220.000 attendus.
Le prix Galien 2016
Plus jeunes, Miravas et Amarob
sonttoutaussiprometteurs.Lepre-
mier a été fondé par Nicolas
Rauber, ingénieur microtechnique
formé au génie biomédical, qui a
mis au point la Vbox, un dispositif
de traitement des varices par
vapeur d’eau. Créée début 2015, la
start-up a été sélectionnée pour le
prestigieuxprixGalien2016récom-
pensantlarecherchepharmaceuti-
que et les innovations thérapeu-
tiques,etelleestenpleindéveloppe-
ment commercial. Quant à Ama-
rob, en incubateur sur Témis, il
peaufine une solution de chirurgie
laser pour réparer les cordes voca-
les grâce à un endoscope équipé
d’un microrobot. C’est d’ailleurs la
microrobotique, une expertise de
Femto-ST, qui avait attiré ce Péru-
vien installé à Paris dans la ville
microtechnique. n
Biotech,medtech,e-santé :
placeauxjeunespousses
Une solution de téléméde-
cine, un guidage 3D pour
la chirurgie orthopédique,
un traitement des varices
par vapeur d’eau ou une
méthode de chirurgie
pour cordes vocales…
Les start-up arrivent.
Statice emploie aujourd’hui 100 personnes, dont 30 en R&D
et 70 à la production. Photo Statice
Plusieurs start-up bisontines
ont déjà été reprises par de
grands groupes. Photo Shutterstock
par un groupe américain, Gen
Probe, qui n’avait pas su le valori-
ser. Le holding Biotech Investisse-
ment est né cette année-là pour
porterlesdeuxstructures.
Ce retour à des capitaux fran-
çais et à une stratégie claire allait
redonner à Diaclone toute sa
dimension.Crééen1986,Diaclone
produit des tests de diagnostic et
des anticorps qui font référence.
« Les savoir-faire de RD-Biotech et
de Diaclone sont complémentaires,
les deux entreprises sont clients-
fournisseurs l’une de l’autre »,
ajoute Philippe Dulieu, président
deBiotechInvestissement.Letroi-
sième étage de la fusée est venu
s’ajouterfin2015aveclaparticipa-
tion du groupe à la création de
Synabs, une start-up belge qui
exploite une licence pour d’autres
anticorpsdéveloppésparl’univer-
sitédeLouvain.« Nousavonsainsi
une expertise complète, une com-
plémentarité de marchés et une
synergiedanslestechnologies. »
Basé à Besançon, le groupe
emploie55personnes.Ilaréalisé
6 millions d’euros de chiffre
d’affaires en 2016, marqué par la
croissance de 50 % de RD-Bio-
techcesdeuxdernièresannéeset
par une petite croissance retrou-
vée, depuis son rachat, pour Dia-
clone, grâce à des économies de
gestion et à l’apport en sous-
traitancedugroupe.Aveclamon-
tée en puissance des biothéra-
pies,RD-Biotechadebeauxjours
devant lui. Prochaine étape : des
locaux propres. — M. Cl.
Les Echos Mercredi 15 mars 2017 SPÉCIAL TERRITOIRES//05
Monique Clemens
@mo_clemens
— Correspondante à Besançon
Le luxe change de visage.
L’enjeu, aujourd’hui, est
celui de la transparence et
de la traçabilité. « C’est ce que
demandent les générations X, Y et
Millennium, en plus d’une qualité
irréprochable et, désormais, d’un
moindreimpactdesfabricationssur
l’environnement », explique
Mathilde Passarin, directrice de
l’association Luxe & Tech, qui
fédère 30 PME locales, entre
Besançon et la Suisse, soit près de
1.500 emplois et 18 % de l’emploi
total du luxe en Franche-Comté,
indique-t-elle. Des découpeurs,
polisseurs, spécialistes de micro-
techniques qui, après avoir long-
tempsvécudanslaplusgrandedis-
crétion, sans souci du lendemain,
se positionnent aujourd’hui
comme apporteurs de solutions
avec des savoir-faire ultra-précis et
complémentaires.
Pendant ce temps, à Besançon,
une nouvelle génération d’horlo-
gers est en train de naître, qui
répond à cette aspiration à plus de
transparenceetderaison.Lesmar-
ques Lornet, Phenomen, Hum-
bert-Droz, M. Benjamin… com-
mencent à se faire un nom chez les
amateurs de belles mécaniques.
Ellesneremplacerontpaslesgran-
des marques suisses, ne créeront
pas des dizaines de milliers
d’emplois, comme l’ancienne capi-
tale horlogère a pu en connaître
avant la crise du quartz, mais elles
sont les nouveaux visages de l’hor-
logerie :descréateursquiaimentle
produit, associent leurs sous-trai-
tants à leur image, visent un prix
juste et plus astronomique, et utili-
sent les réseaux de distribution
qu’ils ont sous la main : la vente
directe, Internet, les réseaux
sociaux.
« Prises de risques »
C’estceliendirectavecleclientqu’a
voulu créer Philippe Lebru,
l’homme qui a réveillé l’horloge
comtoise et l’auteur, aussi, d’horlo-
gesmonumentalescommecellede
la gare TGV de Besançon. Fin 2015,
il a ouvert une boutique-atelier en
face du Musée du Temps pour
montrer son travail et celui
d’autres créateurs de sa trempe.
« Des créateurs comme FOB, Mar-
chLab ou Olivier Jonquet, qui
assemblent leurs montres à Besan-
çon et qui, comme moi, sont dans la
droite ligne d’une nouvelle horloge-
riefrançaiserespectantlepluspossi-
ble la fabrication locale », explique-
t-il. Lui croit au renouveau porté
par des créateurs indépendants et
inscrits dans une démarche quali-
tative et artistique. « Une démarche
qui a du sens, avec des prises de ris-
ques, de petites entreprises d’une à
dix personnes, mais des personnes
physiquement atteignables, et pas
un concept de groupe. »
Dans son concept-store, les hor-
logers bisontins viennent rencon-
trer leurs clients. On y trouve la
HD1, sortie en juin 2016 et que son
créateur, Julien Humbert-Droz,
vientdéjàderééditer,maisaussiles
chronos de légende Dodane qu’a
ressortis le représentant de la
sixième génération. Quant à la
marque Lornet, lancée en novem-
bre 2016 et vendue exclusivement
sur Internet, elle a bien démarré et
vientdeprésenterunmodèlefémi-
nin. Pendant ce temps, Phenomen
prépare son premier modèle futu-
riste en pépinière, sur Témis, et
SMBcartonneaveclarééditiondes
modèles mythiques de Lip.
Arrivé par l’horlogerie, le luxe a
peu à peu coloré le tissu industriel
local. Le polissage a attiré ici bijou-
tiersetjoailliers.Lafabricationdes
bracelets demontre s’est élargie au
travail du cuir, comme en témoi-
gne la success-story de SIS, entre
Besançon et la Suisse. SIS emploie
680 salariés,dont400formésdans
son école intégrée, pour coudre les
jolis sacs de grandes marques de
luxe française, mais aussi faire du
gainage, une opération qui con-
sisteàhabillerdecuir,pourlesren-
drepluschics,stylosoutéléphones
portables. Dans sa compétence
économique, le Grand Besançon
jouelacartedecesprécieuxsavoir-
faire pour attirer de nouvelles
entreprises. C’est ainsi que vient
d’arriver Hadoro, une société pari-
siennequiconçoitdescoquespour
téléphones portables ou tablettes
et des bracelets pour les Apple
Watch en métaux précieux, cuir
d’autruche, galuchat... L’objectif,
avec ce site, est d’intégrer au maxi-
mumlaproductionjusque-làréali-
sée en sous-traitance.
Remettre de l’humain
Née en 2006, Luxe & Tech a mis
autour d’une même table des PME
qui n’avaient pas l’habitude de
communiquer entre elles, a parti-
cipé à la création du diplôme
« Microtechniques et design » de
l’ENSMM (voir ci-dessous), tissé
desliensaveclesstructureslocales
et communiqué, surtout, sur les
savoir-faire. « L’enjeu, aujourd’hui,
c’est aussi d’expliquer le temps
nécessaire au luxe », ajoute
Mathilde Passarin. « Il faut mon-
trerlepetithorlogerdanssonatelier,
le séchage de l’émail. » Remettre de
l’humaindansdesrelationsdéshu-
manisées « et passer de l’image du
sous-traitant à celle d’experts réac-
tifs et porteurs de valeur ajoutée ».
Tout un programme. n
TRANSFORMATION//Les grandes heures horlogères de Besançon se sont envolées avec Lip. Mais les savoir-faire sont
restés, qui inspirent de jeunes créateurs indépendants ou qui se sont diversifiés dans le cuir, la bijouterie ou la joaillerie.
Lesnouveauxvisages
del’horlogerieetduluxe
Installé entre Besançon et la Suisse, SIS s’est spécialisé dans
le travail du cuir. L’entreprise a formé dans son école intégrée
une partie de ses 680 salariés. Photo SIS
Dans sa compétence
économique, le Grand
Besançon joue la carte
de ces précieux savoir-
faire pour attirer de
nouvelles entreprises.
Ce cursus d’ingénieur en alter-
nance « microtechniques et
design » – unique en France et sans
doute en Europe – avait été créé en
2010 pour satisfaire aux besoins
des entreprises locales, horlogères,
mais pas seulement. Il s’agissait
d’ajouter aux précieuses compé-
tences microtechniques des con-
naissances en micromatériaux,
travail du cuir, gemmologie, taille
desmétauxprécieux…etdeformer
des ingénieurs aptes à dialoguer
avec des designers, voire aptes à
jouer un rôle de designer. C’est à
Guy Monteil, qui enseignait les
s c i e n c e s d e s m a t é r i a u x à
l’ENSMM, l’Ecole nationale supé-
rieure de micromécanique de
Besançon, qu’avait été confié la
création de la maquette pédagogi-
que et le pilotage de la filière. Elle
accueille 14 nouveaux élèves à cha-
que rentrée, dont une moitié vient
de Franche-Comté et l’autre de
toute la France. La première pro-
motion avait été parrainée par la
responsable design des mouve-
ments de Cartier. Un bon début.
Partenaires historiques
La formation est adossée au CFAI
Sud Franche-Comté, qui n’est qu’à
deux battements d’ailes de
l’ENSMM,surletechnopôleTémis,
etquis’occupedesrelationsavecles
entreprises – locales ou non. Parmi
elles, des partenaires historiques
comme Silvant, le groupe Cœur
d’Or ou encore le maroquinier SIS,
à Avoudrey, pour ceux qui accep-
tent d’être cités. Car, dans le luxe, la
nécessité de transparence n’a pas
encore convaincu tout le monde...
Au-delà des PME locales, les gran-
des marques françaises commen-
cent elles aussi à s’intéresser à ces
ingénieurs formés à leurs codes.
« Les grands donneurs d’ordre du
luxe commencent à nous prendre
desapprentis »,confirmeGuyMon-
teil. « Face à la montée en compé-
tence de leurs sous-traitants, ils leur
confient de plus en plus de missions
de conception. Du coup, l’autre ten-
dance lourde, c’est que les PME se
mettent à embaucher des bac + 5. »
Pourmieuxcollerauxréalitésdu
terrain, celles de PME horlogères
localesqui,pourcontrercemarché
capricieux, se diversifient de plus
en plus dans le médical, la forma-
tion vient de lancer une nouvelle
option. Depuis la rentrée de sep-
tembre, les élèves peuvent choisir
entre « luxe et précision », l’option
« historique », et désormais
« microtechniques et santé ».
Concrètement, les apprentis ingé-
nieurssuiventtroissemestrescom-
munspuistroisautres,oùleurspé-
cialité monte en puissance. Ainsi,
par exemple, la gemmologie est
remplacée par la réglementation
spécifique aux produits de santé,
qui répondent à des normes de
qualité très sévères. Et l’enseigne-
mentdesmétauxprécieuxpardela
biochimie pour la santé. « Cela cor-
respond à 254 heures sur la totalité
de la formation, c’est vraiment une
grosse option », poursuit Guy Mon-
teil.
Unepartiedescoursestmutuali-
sée avec l’Isifc, l’école d’ingénieurs
biomédicale voisine. « Jusqu’à
maintenant, les entreprises embau-
chaient un ingénieur ENSMM avec
ses compétences en fabrication, con-
ception, R&D, et un ingénieur ISIFC
davantage tourné vers l’hôpital et les
médecins. Désormais, nos ingé-
nieurs seront plus spécialisés en
médical. » — M. Cl.
Pour accompagner
la diversification des PME
vers les métiers du luxe,
l’ENSMM avait lancé un
cursus sur mesure. Objectif :
préparer des ingénieurs
formés au design.
« Microtechniquesetdesign »,uneformation
d’ingénieurenapprentissageuniqueensongenre
Dans l’atelier d’horlogerie, douze
postes attendent les stagiaires. A
côté des hauts établis, avec leurs
repose-coudes et leur éclairage
impeccable, une machine à net-
toyer les mouvements, un chrono
comparateur pour vérifier la mar-
che et deux postes de microscopes
pour mieux analyser les pièces
complètent l’équipement pédago-
gique. L’atelier voisin compte six
postes de polissage, ce métier que
l’on apprend généralement sur le
tas, très recherché en horlogerie,
mais pas seulement, et qui consiste
à apporter une finition parfaite.
P2R Formations vient d’ouvrir
ses portes dans l’immeuble Le
Cadran, à Palente, l’ancien quartier
horloger de Besançon, où fut
notamment implanté Lip. Passion-
nés d’horlogerie, Arnaud Rollier,
horloger formateur, David Ronsin,
polisseur depuis vingt-cinq ans et
Benjamin Perruche, chargé de
clientèle, avaient ce projet en tête
depuis plus d’un an. Les deux pre-
miers s’étaient rencontrés dans un
centredeformationbisontinquine
leuravaitpassemblésérieux.Aleur
frustation s’était ajouté le constat
d’une trop longue attente à l’Afpa
pour se former à l’horlogerie et la
demande toujours plus forte, dans
les PME de la région, mais aussi en
Suisse, pour de bons polisseurs.
« C’était le bon moment », estime
Arnaud Rollier.
Organisme privé au statut de
SAS,P2RFormationsestentrainde
se faire connaître auprès de plu-
sieurs entreprises locales. Ses
modules de formation sont en
cours de validation dans les bases
de données des différents organis-
mes. Pour la première année sco-
laire pleine, 2017-2018, les forma-
teurs prépareront les stagiaires à
passer le CAP horloger en candi-
dats libres au lycée Edgar-Faure de
Morteau. Ils assurent aussi des for-
mationsenentrepriseetdespresta-
tions de sous-traitance.
Objectif : une nouvelle
spécialité par an
Les trois associés sont confiants :
les besoins sont réels et leur busi-
ness plan modeste. Dès que l’acti-
vité décollera, ils compléteront le
catalogue de formations avec, dans
l’idéal, une nouvelle spécialité par
an :sertissage,tribofinition,taillage
de pierres. A l’atelier de polissage,
Ingrid est la première stagiaire. En
reconversion, elle semble avoir
trouvésavoieetadéjàsuiviunefor-
mation en horlogerie qu’elle sou-
haitait compléter. « Il faut être poly-
valent aujourd’hui », estime-t-elle.
— M. Cl.
Le centre de formation
vient d’ouvrir dans le
quartier de Palente.
Passionnés d’horlogerie,
ils veulent former
les professionnels
dont les PME ont besoin.
P2RFormations,unpetit
nouveaudansl’horlogerie
etlepolissage
L’Ecole nationale supérieure de micromécanique de Besançon a été créée en 2010 pour répondre
aux besoins des entreprises locales, horlogères ou autres. Photo ENSMM/P1br
Les chiffres clefs
12POSTES DE STAGIAIRE
à l’atelier d’horlogerie
de P2R Formations.
6POSTES
à l’atelier polissage. Un métier
très recherché en horlogerie,
qui consiste à apporter
une finition parfaite.
« Les grands
donneurs d’ordre du
luxe commencent
à nous prendre
des apprentis.
Ils leur confient
de plus en plus
de missions
de conception. »
GUY MONTEIL
Enseignant à l’ENSMM
et pilote de la filière
« microtechniques et design »
06//SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos
INTERVIEW // JEAN KALLMANN Président de Breitling Services
« Ilyaunecarteàjoueràtravaillerensous-traitance »
Propos recueillis par
Monique Clemens
@mo_clemens
— Correspondante à Besançon
Le patron de Breitling Servi-
ces est arrivé à Besançon il y
a plus de vingt ans. Il nous
parle de la nécessité de transpa-
rence et porte un regard plutôt
bienveillant sur le tissu microtech-
nique local. En 1995, attirée par la
qualité de la main-d’œuvre, la mai-
son horlogère suisse avait créé ici
sa filiale France dédiée au service
après-venteetàlaformation.Ellea
confirmé son ancrage en 2013 en
s’installant dans des locaux signés
AlainPorta,l’architectedusiègede
Breitling et de sa manufacture, en
Suisse. Jean Kallmann a été de
toute l’aventure.
Breitling était arrivé
à Besançon sur la pointe
des pieds, avant d’avoir pignon
sur rue. Qu’est-ce qui a changé ?
Ce qui a changé, c’est l’image qu’on
veut donner du service après-
vente. Nous avions créé l’antenne
de Breitling à Besançon pour orga-
niser ce nouveau service, nous
étions sept à l’époque et nous nous
étions installés dans d’anciens
locaux de Lip. Nous y sommes res-
tés jusqu’en 2013. Aujourd’hui,
nous sommes 47, dont 24 horlo-
gers et une formatrice qui forme
nos horlogers aux évolutions du
produit, mais aussi les écoles
d’horlogers et nos détaillants.
Entre-temps, Breitling est monté
en gamme et en qualité, la marque
a désormais son propre mouve-
ment et les locaux ne répondaient
plus à ces exigences. La décision
avait alors été prise de trouver un
terrain et de construire un bâti-
ment à son image. Et puis com-
ment demander à du personnel de
travailler sur du haut-de-gamme
sans lui offrir un environnement
de qualité ?
Il est désormais possible,
pour une marque suisse, de
revendiquer une implantation
française ? La transparence
est-elle devenue nécessaire ?
O n p a r l e p l u s v o l o n t i e r s
aujourd’hui de service clients que
de service après-vente. Nous trai-
tons avec les détaillants qui vien-
nent ici, nous parlons de belles
montres, ils veulent voir les horlo-
gers, et nos nouveaux locaux ont
été conçus pour offrir une vue sur
l’atelier. On peut faire le parallèle
avec les grands restaurants qui
m o n t r e n t l e u r s c u i s i n e s .
Aujourd’hui, chez Breitling, tout
est absolument transparent, le
clientestdevenuextrêmementexi-
geant, et le service, lui, est devenu
essentiel.L’exigencequelamarque
s’impose, elle l’impose aussi à ses
points de vente et les forme à pré-
senter le produit, à accueillir le
client, à raconter son histoire, à
porter l’héritage de la marque.
Quel regard portez-vous
sur le paysage microtechnique
bisontin et sur la montée
en puissance de la filière luxe ?
Quelques autres marques sont
venues s’installer à Besançon, atti-
rées peut-être par Breitling… Il y a
ici les SAV d’Audemars-Piguet et
Swatch, par exemple. En matière
de formation, les choses ont bien
évolué : l’Afpa a développé sa for-
mation en horlogerie, le lycée
Edgar-Faure de Morteau a étoffé
son diplôme métiers d’art. De ce
point de vue-là, par rapport à
d’autres pays, on est assez gâtés en
France. L’environnement indus-
triel de Besançon est également
intéressant.Denoslocaux,àdroite,
nous voyons l’ENSMM, l’école
d’ingénieurs en microtechniques,
qui est au milieu de la zone Témis.
A gauche, les entreprises iX-Blue,
Sophysa… qui ont besoin de leurs
ingénieurs – nous aussi, nous pre-
nons des élèves en stage comme
« chasseurs de qualité ». Avec son
histoire microtechnique, Besan-
çon joue la bonne carte : celle de la
sous-traitance.
Besançon accueille
un nouveau venu, P2R, qui va
former à l’horlogerie mais aussi
au polissage. Un métier
très demandé, non ?
Le polissage, c’est un métier diffi-
cile, qui demande beaucoup de
précision et des qualités manuel-
les indéniables. Les polisseurs se
forment sur le tas, jusqu’à mainte-
nant il n’y avait pas d’école, donc
oui, ça peut être intéressant. La
demande est large et dépasse
l’horlogerie, elle intéresse de
nombreux sous-traitants et
notamment ceux de la maroqui-
nerie, qui se développe bien ici.
Nous avons Hermès, pas très loin
de Besançon…
On annonce régulièrement
la renaissance imminente
de l’horlogerie française à
Besançon. De jeunes horlogers
se sont lancés.
Qu’en pensez-vous ?
Je pense qu’on n’arrivera pas, ici, à
relancer une grande marque, et
que le haut de gamme restera de
l’autre côté de la frontière. Par
contre, avec la proximité de la
Suisse,ilyaunecarteàjoueràtra-
vaillerensous-traitance.Jetrouve
la démarche d’un jeune horloger
comme Lornet extrêmement cou-
rageuse mais, pour lancer une
marque, il faut des moyens consi-
dérables ou accrocher une
vedette… Mais il y a sans doute
quelques petits créneaux et de la
place pour de belles initiatives. Ce
qui attire ici, ce sont les micro-
techniques. Dans le bassin local, il
y a énormément de compétences
e t d e s é r i e u x , q u i a t t i r e n t
aujourd’huilesacteursdesfilières
aérospatiale et médicale. n
Jean Kallmann : « Le client est devenu extrêmement exigeant, et le service, lui, est devenu essentiel. »
Photo Breitling
Aujourd’hui, 500 mouvements sont produits chaque mois dans la
manufacture qui s’est recentrée sur le cœur du métier : l’emboutis-
sage, le pliage et les pièces mécaniques. Photo Denis Bringard/Hemis.fr
PATRIMOINE
Fin mars, la manufacture Vuille-
minexposerapourlapremièrefois
au Salon mondial de l’horlogerie, à
Bâle, où son label « entreprise du
patrimoine vivant » devrait faire
son petit effet auprès des visiteurs
étrangers. Ce dernier fabricant
d’horloges comtoises traditionnel-
les à mouvement dit « cage fer » a
retrouvéunaveniren2010,lorsque
Philippe Vuillemin, grossiste ins-
tallé dans le Haut-Doubs, a accepté
de reprendre son fournisseur
bisontin qui s’apprêtait à fermer
boutique. L’entreprise avait été
créée ici, en 1969, sous le nom de
« Seramm ». Dans les années 1970,
elle a compté jusqu’à 45 salariés et
produit jusqu’à 1.000 mouvements
LamanufactureVuillemin
poursuitl’aventure
del’horlogecomtoise
Horloges traditionnelles
et contemporaines
se côtoient désormais
à l’atelier. Reprise
par Philippe Vuillemin,
la PME de Châtillon-le-Duc
avait failli disparaître.
Installée à Dannemarie-sur-Crête,
dans le Grand Besançon, la société
Leboeuf réalise aujourd’hui 80 %
d’un chiffre d’affaires de 2 millions
d’euros auprès de clients horlogers
etjoailliersdeluxe.Auprèsdedeux
grands noms principalement, qui
exigent la confidentialité de leur
sous-traitant. D’ailleurs, chacun
dispose de son showroom dans
l’entreprise…« Lerestedel’activitése
partage entre des contreparties pour
les imprimeurs, pour réaliser des
impressionsgaufrées,etdesobjetsde
décoration ou œuvres d’artistes
comme Renato Montenaro, Agnès
Descamps ou Claudi Florentina »,
explique le responsable commer-
cial.
L’activité avait été lancée en 1961
par Jean Leboeuf, le grand-père de
ChristopheLeboeuf,l’actuelgérant.
Au départ, elle se limitait aux mou-
lesetmodelagespourl’automobile,
avec la technologie du rotomou-
lage. Leboeuf s’était ensuite diversi-
fiédanslesvalisespourconvoyeurs
defond,encarbone,puislespotsde
cancoillotte en plastique thermo-
formé… jusqu’à ce qu’un grand hor-
loger suisse la contacte pour du
modelage,enrésine,deprésentoirs
de vitrines. C’était il y a une quin-
zaine d’années, lorsque Michel
Leboeuf,lefilsdufondateur,étaiten
train de passer la main à Christo-
phe, son propre fils, la troisième
génération.
La mise au point des techniques
de moulage et du coulage de résine
a pris près de deux ans. « Le lance-
mentaétédifficile,maisensuiteilya
e u d u vo l u m e , a ve c j u s q u ’ à
100.000 pièces par mois à certaines
périodes », poursuit le responsable
commercial qui, depuis trois ans,
expose au Salon EPHJ de Genève.
« C’est très difficile d’entrer sur ces
marchés, et l’objectif, c’est de trouver
deuxoutroisautresgrosclients,pour
diversifier notre portefeuille. » Dans
les ateliers, le moule d’un portrait
3D de Marylin Monroe côtoie le
futur décor lunaire d’un horloger.
20 salariés et imprimante 3D
Plusloin,descorauxenrésine,puis
l’atelier de finition de bustes pour
présenter les bijoux d’un grand
joaillier, le deuxième client impor-
tant de l’entreprise. Chaque pièce
est réalisée de A à Z : sculptée, puis
moulée, coulée en résine, et enfin
polie, peinte, gainée de cuir ou
recouverte d’un film, selon l’effet
voulu. Leboeuf emploie 20 salariés
plutôt polyvalents, qui font tourner
les ateliers de moulage, coulage
de résine, peinture, gainage, sculp-
ture… Une imprimante 3D permet
de gagner du temps pour les proto-
types de petite taille et un robot
de sculpture de grande dimension
(investissement : 100.000 euros)
va bientôtêtrelivrépourpermettre
encore davantage de diversifica-
tion.
— M. Cl.
Le secteur du luxe
représente aujourd’hui 80 %
du chiffre d’affaires
de ce spécialiste de la résine,
du moulage et du cuir.
Leboeufsculpteetmoulelesprésentoirsd’horlogersetjoailliers
7 %LA PART DES VENTES
EN LIGNE
environ, sur le chiffre d’affaires
total de 272.000 euros réalisé
l’an dernier par l’entreprise.
par mois, contre 500 par an
aujourd’hui. « Ils faisaient tout : les
caisses, les cadrans », explique Phi-
lippe Vuillemin. « Moi, je n’ai gardé
que le cœur, les parties emboutis-
sage, pliage et pièces mécaniques.
Monobjectifétaitdegarderlesavoir-
faire mais aussi de repartir sur un
produit moderne, avec du métal
thermolaqué, des rouages en palla-
dium ou plaqué or, des axes en Inox
qui peuvent s’exporter… »
Dansl’atelier,autourdespresses,
outils de découpe, tours d’horloge
et tailleuses des années 1970, les
horloges contemporaines ont un
peu poussé les comtoises au cof-
frage de bois vers le fond. Mais les
deux générations se mêlent sans
heurts : le mouvement est toujours
le même, qu’il soit caché sous un
cadran ou qu’il dévoile son délicat
squelette. La manufacture ne
compte que 4 salariés (2 horlogers
et 2 mécaniciens), mais son diri-
geant prend soin de bien s’entou-
rer : il a gardé avec lui André
Daclin,l’undescréateursdel’usine,
qui devait ne rester que deux
semaines, mais n’est finalement
jamais reparti. C’est lui qui, depuis
deux ans, lui apprend le métier : le
taillage des roues, le découpage, le
montage des outils, le réglage des
mouvements…
Vuilleminaccueilleaussidessta-
giaires du Greta de Morteau, ravis
d’apprendre ici le métier de A à Z,
du laiton brut à l’horloge prête à
expédier. Et depuis 2012, il a été
rejoint par André Blachon, qui
avaitdéveloppélesiteInternetdela
société avant de s’y plonger tout
entier.« Ilyavaitbeaucoupàfaire »,
expliquel’associédevenucogérant.
« On a déménagé l’usine dans ces
locaux plus petits, rationalisé les
coûts de production et développé de
nouveaux modèles, ainsi qu’un site
Internet qui marche de mieux en
mieux. »
Frémissement de l’export
Environ 7 % d’un chiffre d’affaires
2016 de 272.000 euros (250.000 en
2015) provient en effet de la vente
Internet,oùVuillemincommercia-
lise aussi des coucous. Les diri-
geants ne manquent ni de projets
ni d’idées : ils travaillent sur des
prototypes avec les designers
Vincent Calabrese et Jean-Baptiste
Viot, espèrent bientôt ouvrir une
boutiquedanslevieuxBesançonet
pouvoir construire une nouvelle
usine pour mieux accueillir les
autocaristes. En attendant, l’atelier
a de quoi doubler sa production.
Depuis le Salon Maison & Objets,
oùlamanufactures’estmontréeen
septembre 2016, puis en jan-
vier 2017, l’export frémit (de 5 % en
2015 à 8 % en 2016) avec des com-
mandes pour la Chine, le Japon, le
Mexique, la Thaïlande…
— M. Cl.
Les Echos Mercredi 15 mars 2017 SPÉCIAL TERRITOIRES//07
Monique Clemens
@mo_clemens
—Correspondante à Besançon
Pour insuffler technologies,
savoir-faire et savoirs au
tissu industriel et économi-
que local, rien de mieux qu’un gros
laboratoire. En 2004, l’institut
Femto-ST avait justement été cons-
tituépourregroupersesforces :des
compétences en automatique et
systèmes mécatroniques, en éner-
gie, informatique des systèmes
complexes, mécanique appliquée,
optique,micro-nanosciencesetsys-
tèmes, temps-fréquence. Quelque
700 chercheurs ou doctorants au
total,cequienfaitleplusgroslabo-
ratoire français en sciences de
l’ingénieur. Et, avec ses cinq plates-
formes technologiques, un parte-
naire idéal des entreprises locales,
nationales, voire internationales.
Spécialiste d’optique et de systè-
mes dynamiques non linéaires,
Laurent Larger a dû, un peu à
regret,laisserdecôtésestravauxde
recherche pour prendre la direc-
tion de Femto-ST, début 2017. Il en
était auparavant le directeur
adjoint, au côté de Nicolas Chaillet,
parti présider la toute nouvelle
ComUE (Communauté d’universi-
tés et établissements) Bourgogne-
Franche-Comté.Maisl’aventureest
tout aussi passionnante.
Trophées Inpi
Son projet est de hisser l’institut au
niveau international. Un premier
partenariat avait été lancé en 2013
avec l’EPFL de Lausanne dans le
cadre du projet Smyle (voir ci-con-
tre).Unautreestencoursdeforma-
lisation avec l’institut de technolo-
giedeKarlsruhe(KIT),prestigieuse
université allemande spécialisée,
elleaussi,ensciencesdel’ingénieur.
Unesériedeséminairesvientd’être
lancéeavecdesprofesseurs,dontle
premierestvenuàBesançonenjan-
vier.Femto-STespèrepouvoirinsti-
tutionnaliser cette relation, par
exemple en échangeant des étu-
diantsdemaster2.« Nouscommen-
çons à jouer dans la cour des grands,
au niveau international », se félicite
son nouveau directeur.
Pour se hisser au niveau interna-
tional, Femto-ST s’appuie aussi sur
les appels à projets de type Interreg
– des programmes européens pro-
mouvantdescoopérationsentreles
régions européennes. Rien d’insur-
montablepourlelaboratoirefranc-
comtois,quiaunetraditiondevalo-
risation ancienne, les sciences de
l’ingénieur se prêtant plutôt bien
aux transferts de technologie.
D’ailleurs, plusieurs entreprises
issues de ses rangs, qui ont déposé
des brevets, ont ramené des tro-
phées Inpi : Photline, par exemple,
racheté par iX-Blue et qui vient
d’inaugurer ses nouveaux locaux ;
ou Silmach, avec lequel l’institut
travaille à un projet de « spécialisa-
tionintelligente ».Cettethéorieéco-
nomique pour laquelle la Franche-
Comté a répondu à un appel à
manifestationd’intérêtdel’Europe,
et qui vise à développer des domai-
nes prioritaires pour transformer
l’économie locale, a abouti à trois
projets impliquant des start-up ou
PME locales et, à chaque fois,
Femto-ST. Il est question d’objets
avec composants de silicium, de
décolletage et de temps-fréquence,
pour un budget total de 9 millions
d’euros, dont 4,6 pour des équipe-
ments Femto. « Il y a même un qua-
trièmeprojetdanslestuyauxsurdes
médicaments de thérapie inno-
vante », confie Laurent Larger. n
ÉCOSYSTÈMES//L’institut franc-comtois est le plus gros laboratoire de recherche français en sciences
de l’ingénieur. Un modèle né d’une dynamique à l’échelle de plusieurs secteurs d’activité.
Sciencesdel’ingénieur :Femto-ST,
uninstitutderechercheXXL
L’association numérique franc-comtoise organise régulièrement
des ateliers et des partenariats. Photo Olivier Testault
ASSOCIATIONS
Dans le quartier sensible de Pla-
noise, à Besançon, la première des
cinq« AccessCodeSchools »lancée
enmars2016parl’organismedefor-
mation Onlineformapro et labelli-
sée« Fabriquedelagrandeécoledu
numérique » est ouverte aux parte-
nariats et aux ateliers, comme ceux
SiliconComté,facilitateur
delatransformationnumérique
L’association de profession-
nels du numérique
interpelle collectivités
et politiques sur le virage
à prendre d’urgence.
Le haut débit est partout,
mais les usages tardent
à arriver.
Avec ses cinq plates-formes technologiques, Femto-ST
constitue un partenaire idéal des entreprises locales, nationales,
voire internationales. Photo Femto-ST
tion, côté français, des plates-for-
mes technologiques Mimento
(pour Microfabrication pour la
mécanique,lathermiqueetl’opti-
que), Oscillator-IMP (dédiée à la
stabilité des fréquences) et bien-
tôt, sans doute, µRobotex (carac-
térisation, manipulation et
assemblage de systèmes infé-
rieurs à 10 micromètres).
« Le programme s’est récem-
mentétenduauxobjetsintelligents
connectés, notamment avec un
projet de vêtements pour les servi-
ces de secours, munis de capteurs
physiologiques permettant au PC
qui coordonne les actions de limi-
terlesrisques »,explique Laurent
Larger, directeur de Femto-ST.
« Pourlarobotiquemédicale,ilya
un projet sur la détection de
tumeursdureinchezl’enfant,avec
une problématique informatique
de modélisation. Smyle comprend
aussiunvoletformationetinterac-
tions industrielles, avec des visites
d’entreprises des élèves de CMI
[cursus master en ingénierie,
NDLR], ainsi que des échanges de
formation en salle blanche pour
les équipements complémentaires
enmatériauxetprocédés. »Lenio-
bate de lithium pour Femto-ST,
par exemple, le silicium sur des
opérationspointuespourl’EPFL.
Des échanges sont également en
cours entre les deux équipes sur
l’énergie autour de la question de
lapileàcombustible,surlaquelle
Femto-ST est très en pointe à
Belfort.— M. Cl.
Le collegium franco-suisse Smyle
aétélancéenoctobre2013etpour
quatre ans par Femto-ST (ou plus
exactement ses tutelles) et l’Ecole
polytechnique fédérale de Lau-
sanne (EPFL). Il est l’acronyme
souriant de « Smart systems for a
betterlife »,unprogrammestraté-
gique souriant lui aussi. Ce parte-
nariat entre deux importantes
structures de recherche en scien-
ces de l’ingénieur et qui a de gran-
des chances d’être renouvelé con-
crétise la coopération scientifique
dans l’Arc jurassien via un pro-
gramme orienté formation et
transfertdetechnologie.Lepostu-
lat : à elles deux, les deux structu-
ressontplusvisibles,plusforteset
plus attractives. Pour Femto-ST,
institutencorejeune,l’occasionest
belledemontrersesmusclesdans
unecoopérationinternationale.
Deux axes de recherche
Lorsdelasignature,en2013,deux
activités avaient été ciblées : le
temps fréquence et la robotique
médicale. Deux axes de recher-
che pertinents de chaque côté du
massif jurassien avec l’implica-
L’institut Femto-ST
et l’EPFL de Lausanne
travaillent ensemble
à inventer des systèmes
intelligents. Au pro-
gramme : des vêtements
connectés, mais aussi
des solutions de détection
de tumeurs chez l’enfant.
Smylerapproche
BesançondeLausanne
AFULudine, le beau bébé de Femto-ST et d’Utinam
Un lubrifiant sec et sans huile ? Les décou-
peurs en ont rêvé, AFULudine l’a fait. La
start-up est née en septembre 2016 et est
encore hébergée par l’Université de Fran-
che-Comté, où elle a reproduit une usine
chimique à l’échelle 1/2. Elle est le fruit du
croisement de deux expertises : celle
d’Utinam (institut de recherche de l’Uni-
versité de Franche-Comté réunissant as-
trophysiciens, physiciens et chimistes),
d’où sont issus l’organicien Jean-Marie
Melot et le spécialiste des traitements de
surface Fabrice Lallemand, et celle de
Femto-ST, d’où sort le tribologue (mécani-
que des frottements) Xavier Croizard.
Leurs travaux de recherche remontent à
2008, et ça y est, ils tiennent leur innova-
tion : un lubrifiant qui n’est pas une huile,
mais une solution à base d’eau, d’alcool et
de molécules qui se fixent sur les surfaces.
« Nous avions découvert tout le potentiel de la
formule par un jeu de hasard, puis nous avons
travaillé sur un composé qui respecte l’envi-
ronnement », explique Fabrice Lallemand.
« Notre lubrifiant n’affiche pas un seul picto-
gramme dangereux. Le concept est différent :
il ne s’agit plus d’hydrodynamique des huiles,
mais de traitement de surface. »
Le brevet de la formule a été déposé en
France en 2014, puis au niveau mondial en
2015. Des essais ont ensuite été menés chez
des industriels locaux pour l’affiner. Le
cœur de cible d’AFULudine, qui vient de le-
ver 400.000 euros auprès d’Invest PME (Si-
parex) pour lancer l’industrialisation, ce
sont les découpeurs et emboutisseurs qui
rêvent de se débarrasser du gras. Le marché
est énorme.
qu’organise régulièrement Silicon
Comté, l’association numérique
franc-comtoise. D’autres Access
Code Schools, sur le même modèle
– pédagogie inversée et tutorat –
vontouvrirenBourgogne-Franche-
Comté et plus loin. Leur directeur,
ChristopheBoutet,estaussileprési-
dent de l’association. Le lien s’arrête
là, mais Silicon Comté n’est pas tout
à fait étrangère au frémissement
numériquebisontin.
Label French Tech
L’association était née début 2014, à
l’initiative d’une dizaine d’entrepre-
neurs, pour structurer un écosys-
tème régional, retenir les déve-
loppeurs et créateurs de contenus
tentés par de grandes métropoles,
faire reconnaître le numérique
comme filière de relance et susciter
unecandidatureFrenchTech.Trois
ans plus tard, le Grand Besançon a
obtenu un label French Tech pour
lestechnologiesdelasanté,àdéfaut
d’un label complet. L’association
compte une centaine d’adhérents et
ses missions restent inchangées :
« Fédérer l’écosystème et apporter
une dynamique à travers différents
axesquesontlegrandpublic,laveille
etlespartenariats »,résumeChristo-
pheBoutet.« Ilyaunbesoindemuta-
tion, la région est plutôt en retard sur
ce point. Il faut faire de la pédagogie,
du lobbying auprès des institutions,
tout en localisant la main-d’œuvre
qui pourra amener de la croissance
auxentreprisesdelafilière. »
Silicon Comté s’était fait connaî-
tre en interpellant l’Arcep sur la
couverture numérique régionale,
après avoir mis en place un outil
gratuit de diagnostic de perfor-
mancenumérique.Puis,pendantla
campagne des régionales, en 2015,
l’associationavaitinterrogélescan-
didatssurleurvisiondudéveloppe-
ment numérique. « Aujourd’hui,
noussommestoujoursdansunelogi-
que de montée en compétences. Le
déploiement des infrastructures se
poursuitpartout,maislesusagesres-
tentàinventer.Lessujetsquiarrivent
sont ceux de la réalité augmentée et
virtuelle.Ilyadesopportunitésàsai-
sir pour les entreprises et pour le
monde de la formation. »
— M. Cl.
Femto-ST et l’EPFL de Lausanne ont noué un partenariat pour
être plus visibles et attractifs. Photo CC Ludovic Godard - UFC
700CHERCHEURS
ET DOCTORANTS
travaillent pour l’institut
franc-comtois.
08//SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos

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Le Grand Besançon, laboratoire de l'industrie 4.0

  • 1. Al’avant- garde Arnaud Le Gal Latransformationnumériqueestlaclef de l’avenir de l’industrie, et le levier le plusefficientpourqueladésindustriali- sation, contrairement à ce que l’on a beaucoup entendu depuis quelques années,nesoitfinalementpasunefata- lité pour l’économie française. Vous ne trouverez plus grand monde pourcontestercetaxiome.Maisau-delà de ce nouveau consensus, que fait-on ? Comme aurait pu le dire le général de Gaulle, il ne suffit pas de sauter sur sa chaise comme un cabri en disant : « Transformons ! Transformons ! Trans- formons ! » pour réussir cette digitalisa- tion. La courbe d’apprentissage, il est vrai,estabrupte.Ils’agitcertesdemettre à profit les solutions numériques afin d’apporter à son offre de produits et de services une valeur ajoutée perceptible entermed’usageparsesclients.Maisce n’est que la partie émergée de l’iceberg. En fait, les implications sont bien plus nombreuses et amples. Les entreprises industrielles doivent se (re)mettre en situation de prendre des risques, de trouver les idées, les process, les talents, les ressources leur permettant de gagner le fameux « quart d’heure d’avance ». Et l’innovation étant perva- sive,illeurfaudraaupassageremettreà plat leur façon de travailler, en interne, mais aussi avec les autres maillons de leur chaîne de valeur : clients, partenai- res, investisseurs acteurs publics de la recherche ou de l’aménagement du ter- ritoire… L’immensité du chantier expli- quequemaintsacteursensoientencore àunstadeexploratoire.Tous ?Non.Cer- tainsn’ontpasattenduquel’industriedu futur devienne une priorité nationale pourenfaireleurprésent.Etforceestde constater que le territoire du Grand Besançon possède une singulière den- sité de ces innovateurs. En toute discré- tion, à la franc-comtoise serait-on tenté d’écrire, entrepreneurs, chercheurs et élusontdepuisplusieursannéessufaire converger leurs efforts, fédérer les éner- gies et les compétences, non seulement pour réinventer un avenir aux activités traditionnelles du territoire, telles que l’horlogerie et les microtechniques, maisaussiaborderdenouveauxdomai- nesd’excellencecommel’e-santé. Un événement, les Journées Gran- velle, du 19 au 21 mars, va faire clignoter Besançonunpeuplusqu’àl’accoutumée sur le radar des professionnels de l’industrie. « Les Echos » ne pouvaient manquerunetelleoccasiondefairepar- tagerl’expériencedecetécosystèmetrès avancé.Iln’yadécidémentpasquedans la Silicon Valley, les mégapoles des pays émergents ou les « start-up nations » quelespassionnésd’innovationpeuvent benchmarker des idées « pour action ». Le Doubs, ce n’est pas mal non plus ! Visiteguidée. n EnjeuxBaliserleparcoursdel’industriedufutur// P. 2 | Témoignage iXblue ou l’art de naviguer dans les torrents de l’industrie high-tech // P. 3 | Filières Unionsacréepourl’innovationdanslasanté// P. 4 | Cas d’école Statice, RD-Biotech et d’autres jeunes pousses // P. 5 | TransformationLesnouveaux visagesdel’horlogerieetduluxe// P. 6 | InterviewJeanKallmann,deBreitlingServices// P. 7 | EcosystèmesFemto-ST,uninstitutderechercheXXL// P. 8 | LeGrandBesançon laboratoiredel’industrie4.0 L’institut Femto-ST, le plus gros laboratoire de recherche français en sciences de l’ingénieur. Photo CC Ludovic Godard - UFC SPÉCIAL MERCREDI 15 MARS 2017 // SUPPLÉMENT GRATUIT AU NUMÉRO 22404 | ISSN 0.153.4831 | NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT LESECHOS.FR/ TERRITOIRES
  • 2. La 4e révolution industrielle est en marche, et ça va tout chan- ger, affirme Bruno Teboul, senior vice-président science et innovation du groupe Keyrus (société de conseil en data intelli- gence et transformation numéri- que).Al’origine,l’industrie4.0estun concept venu d’Allemagne qui a décidédenumériseretd’automatiser ses process industriels avec notam- mentlarobotiqueindustrielle,lacon- nectique intelligente et le traitement du Big Data. » Mais, au-delà de cette nouvelle donne technologique, c’est toute l’architecture du secteur industriel qui s’en trouve boule- versé, estime l’expert. « L’automati- sationducognitifredéfinitl’organisa- tion de l’usine, modifie les rapports managériaux et sociaux, redessine la matrice des compétences », ajoute BrunoTeboul,quipointeégalement les nouvelles relations qui s’établis- sent entre donneurs d’ordres et sous-traitants. Outre-Rhin, on parie « sur l’effi- cience, la diversification, la multipli- cation des relations et une nouvelle forme de compétitivité : la compétiti- vité relationnelle », expliquent Doro- thée Kohler et Jean-Daniel Weisz. Il s’agit de construire « une nouvelle économie des complémentarités », soulignent les auteurs, qui notent que« lesindustrielsallemandsfontle choix de s’allier pour croître plus vite, trouver de nouvelles sources de créa- tion de valeur, mutualiser les compé- tences et les moyens d’innovation, multiplier les gains d’opportunités et conquérirdenouveauxmarchés ». Le modèle bisontin Un modus operandi qui inspire à l’évidence la renaissance indus- trielle de Besançon. L’aggloméra- tion franc-comtoise a surmonté les crises du passé qui ont miné son économie (Lip, Kelton-Timex dans l’horlogerie, Weil, Rhodiaceta dans le textile), pour reconstruire un tissu industriel performant dans une sorte de laboratoire grandeur nature de l’industrie 4.0. Le Grand Besançon affiche un taux de chômage de 9 %, bien en deçà de la moyenne nationale, et compte « plus de 10.000 entrepri- ses, ETI, PME et start-up », se féli- cite Jean-Louis Fousseret, maire (PS) et président de la commu- nauté d’agglomération. « Nous l’industrie, notamment avec l’institut Femto ST », souligne Jacques Bahi, président de l’UFC. « C’est le plus grandlaboratoiredesciencesdel’ingé- nieurenFrance,centrésurlamaîtrise des micros et nanotechnologies et le développement de nouveaux compo- santsetsystèmes »,seféliciteJacques Bahi, qui note que « 93 start-up ont été créées par des enseignants-cher- cheurs ou des étudiants de l’UFC, depuis l’an 2000 ». Surtout, l’univer- sitéestaucœurdecequifaitlaspéci- ficité industrielle de Besançon, à savoirleslienscréésentrelesmicro- techniques et le biomédical dans une logique de complémentarité propreàl’industrie4.0. Temis « L’agglomération a pour cela forte- mentinvestidanssonpôled’enseigne- mentsupérieuretdanslesinfrastruc- tures adéquates », revendique Jean- Louis Fousseret, qui donne en exemple les deux technopoles Temis (microtechniques et biotech- nologies), qui regroupent campus universitaire,entreprises,centresde recherche et laboratoires pour encourager la fertilisation croisée du territoire industriel. « A l’origine, en 2001, Temis était centré sur les microtechniques, constate Jean- Louis Fousseret. Il a permis la créa- tion de 250 entreprises et de plus de 3.000 emplois. Aujourd’hui, nous sommes en train de reproduire ce modèle dans le biomédical pour faire de Besançon une des capitales euro- péennesdusecteur. »Unedimension internationalefondatricedel’indus- trie du futur, qui s’exprime dans les communautés transfrontalières de la recherche appliquée existant entre la Franche-Comté et la Suisse, et dans le projet de développement d’un triangle des microtechniques qui mobiliserait le FemtoST de Besançon, l’Ecole polytechnique de LausanneetleKarlsruheInstituteof Technologyallemand. — PhilippeFlamand « Industrie 4.0. Les défis de la transfor- mation numérique du modèle indus- triel allemand », La Documentation française, Paris, mars 2016. ENJEUX//Négocier le virage numérique de l’industrie 4.0 est une priorité économique pour la France. Sur le territoire du Grand Besançon, acteurs privés et publics n’ont pas attendu que le sujet soit en vogue pour fédérer les énergies autour des entreprises locales. Un cas d’école à découvrir. Baliserleparcoursdel’industriedufutur Olivier Bourgeois est à la tête d’une ETI franc-comtoise (R-Bourgeois, 800 salariés et 140 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel) emblé- matiquedel’industriedufuturdont ilest,parailleurs,porte-étendard.Ce chef d’entreprise quadragénaire, directeur général de l’entreprise familiale créée en 1929 à Besançon, pilote l’un des leaders mondiaux du découpage haute précision de tôle- ries pour moteurs électriques et transformateurs. Depuis 2016, il est également l’ambassadeur régional de l’Alliance pour l’industrie du futur. Sa mission : mobiliser les entreprises de Bourgogne-Franche- Comté, de toutes tailles et de tous secteurs d’activité, pour les aider à prendre conscience de l’urgence qu’il y a pour elles à se moderniser. « L’industrie française a pris beau- coup de retard et le saut à faire est d’autant plus important, estime l’industriel, alors que la mondialisa- tionestplusfortequejamais. » L’Alliance pour l’industrie du futur est née de la volonté des pou- voirs publics de moderniser l’appa- reil productif et d’accompagner les entreprises industrielles dans la transformation de leurs modèles d’affaires, de leur organisation, de leurs modes de conception et de commercialisation par le numéri- que. Cette fameuse « nouvelle France industrielle » appelée de ses vœuxparleprésidentdelaRépubli- que, François Hollande, en septembre 2013. C’est pour mieux accompagner ce mouvement de modernisation qu’a été créée l’Alliance qui réunit des industriels, desécolesd’ingénieurs,desorganis- mes de recherche. Objectifs : aider les entreprises à entrer dans la 4e révolution industrielle pour pro- duire autrement, gagner en réacti- vité et en compétitivité, relocaliser enFrancelesactivitésenagissantsur toutes les étapes de la chaîne de valeur, de la conception au service après-vente en passant par la pro- ductionetlalogistique.Septgrandes priorités d’actions ont été définies pour soutenir le développement de projets industriels (digitalisation, virtualisation et Internet des objets ; placedel’hommedansl’usine,cobo- tique et réalité augmentée ; fabrica- tionadditive(impression3D) ;moni- toring et contrôle ; composites, nouveauxmatériauxetassemblage ; automatiqueetrobotique ;efficacité énergétique) et des programmes d’accompagnement ont été mis en placedepuismai2015danslatotalité des régions avec pour objectif d’accompagner2.000PMIetETI. « L’Alliancedisposepourcefaireen région de correspondants techniques capables de réaliser des diagnostics personnalisés et de faire connaître auxchefsd’entrepriselestechnologies disponibles, explique Olivier Bour- geois. Il s’agit également d’identifier les verrous existants, humains ou organisationnels,limitantl’accèsàces innovations, d’intégrer les nouveaux concepts dans une vision “chaîne de valeur”etderéinventerlemodèleéco- nomiquedesentreprisesdufutur. » Création d’une dynamique Autre mission : faire connaître aux industriels les solutions de finance- ment existantes (prêts de bpifrance, dispositifs fiscaux d’aide à l’investis- sement) pour « lever les freins à l’investissementenmobilisantlesres- sources et les compétences », précise Olivier Bourgeois. L’ambassadeur régional de l’Alliance note égale- ment que le dispositif doit « faire remonter aux conseils régionaux les préoccupations des chefs d’entreprise pour parvenir à mettre en place un plan d’action. Une bonne dynamique s’estainsicrééequinousadéjàpermis d’accompagner une cinquantaine d’entreprises franc-comtoises », se féliciteOlivierBourgeois. — P.F. L’Alliance pour l’industrie du futur se déploie en régions pour accompagner les ETI et PMI à prendre le virage numérique de la 4e révolution industrielle. Diagnostic de l’un de ses représentants en régions. S’allierpouraiderlesentreprisesàentrer dansla4e révolutionindustrielle COOPÉRATION Ils ont dit « L’Université de Franche-Comté joue un rôle essentiel pour initier et accompagner le passage à l’industrie 4.0 en favorisant la création de start-up et les transferts de technologies vers l’industrie. » JACQUES BAHI Président de l’Université de Franche-Comté Photo UFC, Ludovic Godard — CC « Il faut moderniser l’appareil productif des PME en portant la vision d’une usine innovante, compéti- tive, performante, sûre et attractive, en balisant l’accès aux financements et en encourageant les alliances pour le portage de projets collaboratifs ponctuels à haute valeur ajoutée. » DOMINIQUE ROY Président de la CCI du Doubs Photo CCI Doubs « Nous sommes toujours une terre d’innovation technologique et industrielle […] Aujourd’hui, il s’agit d’aider les entreprises à réussir les paris du numéri- que et de la montée en compétences. » JEAN-LOUIS FOUSSERET Maire (PS) et président de la communauté d’agglomération Photo AFP sommes toujours une terre d’inno- vation technologique et indus- trielle », s’enorgueillit l’élu, pour qui l’industrie locale a su capitali- ser sur ses savoir-faire ancestraux (micro-mécanique et micro-tech- nologie) et ses capacités (adapta- bilité, circuits courts…) pour se réinventer. « Aujourd’hui, il s’agit d’aider les entreprises à réussir les paris du numérique et de la montée encompétences »,notel’élu.Ambi- tion partagée par la CCI du Doubs, dont le président Dominique Roy veut « moderniser l’appareil pro- ductif des PME en portant la vision d’uneusineinnovante,compétitive, performante, sûre et attractive, en balisant l’accès aux financements et en encourageant les alliances pour le portage de projets collabo- ratifs ponctuels à haute valeur ajoutée. » L’Université de Franche-Comté (UFC)« joueégalementunrôleessen- tiel dans cette stratégie pour initier et accompagner le passage à l’industrie 4.0 en favorisant la création de start- upetlestransfertsdetechnologiesvers 450START-UP ont participé aux conventnios BigUp for Startup en 2016. sélectionnés ont ainsi la certitude de pouvoir rencontrer en one to one les directeurs innovation des grands groupes »,précise Lucie Phaosady. « En 2016, 450 start-up ont parti- cipéauxconventionsd’affairesBigUp for Startup qui ont généré quelque 388tête-à-têteavec,enmoyenne,trois rendez-vous avec des grands groupes parjeunepousse,pourplusde25con- trats signés »,détaille Pierre Billet. Rendez-vous régionaux Ces événements sont désormais organisés à l’échelon des régions avec des appels à projets lancés sur lesprincipalesvillesmêmesileren- dez-vous BigUp est, lui, forcément localisé géographiquement. Le 9 février, une convention a ainsi eu lieuàNancyquandlesappelsàpro- jets préalables avaient été diffusés surStrasbourg,MetzetReims.Pro- chains rendez-vous en 2017 : Mont- pellier-Toulouse, Nantes pour le Grand Ouest, Marseille, Lille, Lyon pour Auvergne-Rhône-Alpes en octobre et Bordeaux en décembre. — P. F. LesJournéesGranvelleorganiséesà Besançon des 19 au 21 mars accueilleront la convention d’affai- res BigUp for Startup. Cet événe- ment parrainé par le Groupe La Poste vise à faire se rencontrer d’un côté des start-up et des PME inno- vantes et de l’autre de grands grou- pesayantdesbesoinsnumériquesà satisfaire. Lancé en 2015 dans le cadre de la French Tech à Montpel- lier, BigUp for Startup mobilise, outre La Poste, le groupe Cisco, Orange,EDFetlaCaissedesDépôts. « Généralement ce sont les start-up qui tentent de rencontrer les grands groupes pour développer un volume d’affaires. Nous avons voulu renver- ser les choses en amenant les grands groupesdanslesterritoirespourleur permettre de sourcer efficacement et rapidement les start-up répondant à leurs besoins d’innovation », expli- quent Lucie Phaosady et Pierre Billet, qui pilotent le programme pour La Poste. Cesentrepriseslancentenamont des appels à projets relayés sur le terrain par l’écosystème auprès des jeunes pousses susceptibles d’être concernées. « Les entrepreneurs La convention d’affaires visant à mettre en relation les jeunes pousses et des poids lourds de l’économie fait étape à Besançon. Partenariatentre entreprises :l’exemple BigUpforStartup Les rencontres entre start-up et PME innovantes, d’une part, et de grands groupes, d’autre part, se dérouleront à Besançon des 19 au 21 mars. Photo Pierre Gleizes/RÉA « Il faut identifier les verrous existants, humains ou organisationnels, limitant l’accès aux innovations. » OLIVIER BOURGEOIS Ambassadeur de l’Alliance pour l’industrie du futur 02//SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos
  • 3. économie innovation société 19-20-21 mars 2017 www.investinbesancon.fr Comment l’industrie et les serviCes se réinventent grâCe au numérique ? JC.AUGÉ-2017 TÉMOIGNAGES Patricia Salentey Pour cet ancien directeur de rechercheaulaboratoired’optique du CNRS à Besançon, devenu entrepreneur, les dix-sept derniè- res années sont riches en expé- riences et en rebondissements. Henri Porte, comme beaucoup de créateursembarquésparlemaels- tröm d’Internet et des télécoms au tout début de ce siècle, a vu son marché s’effondrer un an seule- mentaprèss’êtrelancé.« J’aicrééà Besançon Photline Industries en 2000avecd’autreschercheurs,dans le cadre de la loi sur l’innovation et la recherche (incubateurs). C’était à la demande d’Alcatel, intéressé alorsparnotretechnologiephotoni- que.Or,dès2001,j’aiconstatéquece marché s’effondrait. Trop d’acteurs et pas encore de revenus à la clef. A posteriori, je me dis que c’était fina- lement une chance pour nous, qui avions développé une technologie qu’on pouvait adapter à d’autres applications, parce que cela nous a permis d’aller plus loin », raconte celui qui est devenu directeur de la division photonique de la société qui a intégré puis racheté Photline en 2013 : iXblue (550 salariés, 100 millions d’euros de chiffre d’affaires). 1 PREMIÈRE RÈGLE : N’ÊTRE JAMAIS MONOMARCHÉ ! Parce que les composants optiques fabriqués par Photline pouvaient être utilisés dans d’autres applica- tions,lastart-upestcontactéedèsla création en 2000 par iXSea, l’ancê- tre d’iXblue, qui entre même au capital de la société bisontine. iXSea, spécialiste des capteurs à fibre optique pour systèmes de navigation inertiels, a besoin des modulateurs optiques développés et fabriqués par Photline. « Cette n o u v e l l e a c t i v i t é , m ê m e s i aujourd’hui encore nous travaillons (environ 10 %) pour les télécoms, nous a offert une tout autre orienta- tion stratégique et donné accès aux marchés de la navigation maritime, la défense et l’industrie spatiale. iXSea est alors devenu notre princi- pal client et nous a ouvert les portes du CNES, de l’Agence spatiale euro- péenne, la Nasa, l’agence spatiale japonaise etc. », raconte l’entrepre- neur marqué par « la leçon cruelle des télécoms ». 2 ACCEPTER DE SE VENDRE POUR RÉUSSIR LE REPOSITIONNEMENT « Pour aborder le marché forcément international du spatial, ce n’est pas évident quand on est une petite PME de 40 personnes. Même si 20 % de l’équipe est dédiée à la R&D, qu’on publie des brevets et que notre tech- nologieestreconnueauniveaumon- dial, c’est mieux d’être un groupe de 550 personnes qui réalise 80 % de son chiffre d’affaires à l’internatio- nal,commec’estlecaspouriXblue », reconnaît Henri Porte, qui durant ces dernières années négociera l’absorptiondePhotlinepariXblue. « Le plus compliqué a été de détrico- terlastructurecapitalistiquemiseen place à l’origine de la création, raconte Henri Porte. Je connaissais le créateur d’iXblue, fédérateur de PME dans les technologies de fibres optiques, depuis 1984, nous avons des liens industriels et personnels et partageons les mêmes aspirations technologiques. Nous sommes deve- nus filiale en 2013 et avons intégré totalement le groupe iXblue en 2015. C’était le bon choix pour continuer notre développement ! » 3 JOUER LA SYNERGIE DES UNITÉS STRATÉGIQUES REGROUPÉES EN FILIÈRE « iXbluefonctionnecommeunefédé- ration de PME constitutives d’une filière industrielle et technologique tournéeversl’océanetlemondedela mer. Les fonctions marketing, finan- ces, budget RH etc. sont regroupées à Saint-Germain-en-Laye, mais nous restons autonomes pour notre déve- loppement stratégique et technologi- que. Et, depuis un an et demi, nous enregistrons les bénéfices de notre choix avec des signatures de contrat pour l’optique dans l’espace impor- tant », explique Henri Porte ajou- tant : « Sur notre site de Besançon, sur la Technopole microtechnique et scientifique (Temis), qui a été inau- guré le 9 mars 2017, nous maîtrisons tout de A à Z. Ce sont des marchés de petits volumes à valeur ajoutée, les opérations d’intégration sous bino- culaire ne sont pas robotisées. Pour nous, l’industrie 4.0, c’est l’industrie spatiale, l’exploration océanique, les satellites qui communiquent entre eux par faisceaux laser… mais aussi l’héritage du savoir-faire en matière de microtechnique de la filière horlo- gère locale. » n iXblueoul’artdenaviguer danslestorrentsdel’industriehigh-tech De l’explosion de la bulle Internet au développement d’iXblue, groupe animé comme une fédération de PME présent dans le spatial, la défense et le maritime, le parcours d’Henri Porte illustre les capacités de résilience des entrepre- neurs de l’industrie. Confrontés aux difficultés de Photline Industries, Henri Porte a rebondi avec iXSea, l’ancêtre de iXblue. Quand il crée Crystal Device Tech- nology en 2011 à Besançon, Marc Bouvrot-Parratte (4 salariés, 200.000 euros de chiffre d’affaires) vise le marché des télécoms par fibre optique. Fort du développe- ment d’une technologie originale de microcomposants électro-opti- ques,développéedanslecadredesa thèse de physique, il réalise au bout dedeuxansquelemarchéenques- tionestdéjàmatureetdécided’anti- ciper sans plus attendre une recon- version sur des marchés plus porteurs. « En 2013 et pendant un an, accompagnés par un cabinet exté- rieur, nous avons regardé ce qu’on pouvait faire avec notre technologie pour d’autres matériaux et usages. La grande tendance qui s’imposait était le tout connecté », observe-t-il. « Aussi nous nous sommes inscrits dans la problématique de l’énergie auto-rechargeable, pour rendre autonomes ces objets. C’est devenu le cœur de notre nouveau champ d’action. Notre technologie est com- patible avec les matériaux intelli- gents,aussinousproposonsdessolu- tions innovantes et performantes pour améliorer la récupération d’énergie. » Un premier exemple concret : recharger la batterie d’un smartphone avec des semelles de chaussures connectées. « Nous avonsréalisélepremierprototypeen 2016 », explique le CEO de la start-up qui développe également des solutions pour l’horlogerie (montres suisses) et le biomédical. Tributaire des choix des gros acteurs « Nous avons anticipé la fermeture dumarchédestélécomsetdoncaccé- léré notre repositionnement », expli- que le jeune président. « Nos solu- tions de récupération de l’énergie produitelorsdedéplacements(mou- vements,marche,voiture…)pourdes objetsconnectésontimmédiatement suscité de l’intérêt et généré de nom- breux contacts. Mais le temps des gros acteurs de l’électronique n’est pas le même que celui des start-up. Les commandes fermes ne sont pas venues vite. Pendant six mois, il a fallu s’autofinancer et absorber les ressources que nous avions. Si cela avait duré deux mois de plus, on n’existait plus ! » constate rétros- pectivement Marc Bouvrot-Par- ratte, qui enregistre une remontée du chiffre d’affaires depuis le début de l’année. Et d’ajouter « c’est extrê- mement difficile pour une start-up de se repositionner, on se met situa- tion de fragilité extrême. On ne maî- trise pas notre avenir qui dépend des choix de gros clients. L’industrie 4.0, c’estcompliquépourlestechnologies en amont. Aussi innovantes et per- formantes soient-elles, on est tribu- taire des tendances que décident les grands industriels ». — P. S. « Quandonserepositionne,onsemet ensituationdefragilitéextrême » Les dirigeants de start-up industrielles doivent souvent faire pivoter leur stratégie et leur organisa- tion par rapport à leur projet initial pour trouver leur place sur des marchés en transformation perma- nente. Le témoignage de Marc Bouvrot, CEO de Crystal Device Technology. `SUR LESECHOS.FR •L’usine du futur sera numérique : Internet des objets, cobotique, simulation... lesechos.fr/ thema/cloud-2016 •Les « smart buildings » réorganisent et bousculent l’industrie du bâtiment lesechos.fr/thema Marc Bouvrot-Parratte a créé Crystal Device Technology en 2011. Photo Crystal Device Technology « Aborder le marché forcément international du spatial, ce n’est pas évident quand on est une petite PME de 40 personnes. » HENRI PORTE Directeur de la division photonique d’iXblue Ixblue « Il a fallu s’autofinancer pendant six mois et absorber les ressources que nous avions. Si cela avait duré deux mois de plus, on n’existait plus ! » MARC BOUVROT-PARRATTE CEO de Crystal Device Technology Les Echos Mercredi 15 mars 2017 SPÉCIAL TERRITOIRES//03
  • 4. Monique Clemens @mo_clemens —Correspondante à Besançon S’il est un domaine qui fait des pas de géant, c’est bien celui de la santé. L’avenir est aujourd’hui aux biomédica- ments, aux implants biorésorba- bles, à la chirurgie mini-invasive. Mais suivre le mouvement et industrialiserdefaçonréactiveces nouveaux médicaments et dispo- sitifsmédicauxsupposeunécosys- tème,uneconvergencedevuesdes organismes de recherche, des industriels, et des acteurs publics, dont les collectivités. Cette conver- gence et cette union sacrée exis- tent à Besançon, elles sont ici liées à l’histoire : un savoir-faire micro- technique–toujourslui–,héritéde l’horlogerie et dont la grande pré- cision a trouvé une voie de diversi- fication dans le médical, gour- mand de petit, mini, micro et même nano, d’une part ; et l’implantation de l’Etablissement françaisdusang(EFS)Bourgogne- Franche-Comté, d’autre part, très actifsurlescellulessoucheshéma- topoïétiques.Ilestsituétoutcontre le CHU Jean-Minjoz, précieux par- tenaire, sur le site des Hauts-de- Chazal, qui est en train de se trans- former en un pôle Santé. Ou, plus précisément, en une déclinaison santé de Témis, le parc technologi- que et scientifique que pilote le Grand Besançon. Un cercle vertueux A l’histoire s’ajoutent souvent des histoires d’hommes. Florent Guyon,àluiseul,incarneassezbien l’écosystème local. Chargé de déve- loppement chez Statice Santé, une « grande sœur » pour de nombreu- ses PME et start-up venues s’instal- ler dans l’ex-capitale horlogère, il a participé à la création de l’ISIFC, l’Institut de formation d’ingénieurs de Franche-Comté spécialisé en biomédical, où il occupe un poste d’enseignantàmi-temps.Maisilest aussileprésidentd’Innov’Health,le cluster impulsé par le pôle de com- pétitivité Microtechniques, lancé en 2016, après la labellisation FrenchTechduGrandBesançonen catégorie « biotech medtech », et qui rassemble 95 start-up ou PME de Bourgogne-Franche-Comté. Deshistoiresd’hommesetdecer- clesvertueuxcommecelle-ci,ilyen a beaucoup d’autres entre Temis et lesHaut-de-Chazal.MêmesiStatice fait figure de pionnier : son fonda- teur, Serge Piranda, avait, le pre- mier, initié une commission santé aupôledecompétitivitéMicrotech- niques. Benoît Studlé, son actuel président, fait d’ailleurs partie de la commi ssion sta rt-up d’Innov’Health. « Il peut ainsi indi- quer comment éviter les obstacles », avanceFlorentGuyon.« Ilyaicitout ce qu’il faut : des circuits courts, de l’expérience cumulée, des compéten- ces techniques »,ajoute l’intéressé. « Oui, clairement, il y a une vraie nombreux projets. Entre l’outil CIC-IT (unité mixte de recherche hospitalière labellisée Inserm, créée en 2006), destiné à industria- liser des procédés ou processus, quedirigeleprofesseurEmmanuel Haffen, et l’équipe Inserm (UMR 1098) de l’EFS, par exemple, le cou- rant passe très bien. « L’EFS déve- loppe des innovations en recherche préclinique que nous testons chez des premiers malades avant d’élar- gir. Et, de plus en plus, nous cher- chons à associer de nouveaux dispo- sitifs médicaux aux nouveaux médicaments. C’est le cas, par exem- ple, avec le projet Smart Transfuser, qui automatise la transfusion san- guine avec tests au lit du malade. » Directeur de l’EFS Bourgogne- Franche-Comté, Pascal Morel se félicite lui aussi du cercle vertueux local dans lequel est venu s’impli- quer Femto-ST, notamment avec Biom’@x, un axe de recherche plu- ridisciplinaire. « Nous avons main- tenant le terrain de jeu dont nous avons besoin. » Il évoque un projet en gestation, structurant, et qui impliquera chercheurs et entrepri- ses. Nom de code : MiMedI, pour « microtechniques pour médica- mentsinnovants ».« Nousvendrons un concept complet : la licence du médicamentetlesentrepriseslocales qui viendront installer, sur place, l’outil industriel pour fabriquer le médicament. Ce sera un nouveau modèle en santé. » Une piste pour l’industrie 5.0, peut-être ? n FILIÈRES//Structures de recherche, organismes de formation, entreprises et collectivités se sont rapprochés pour constituer un cercle vertueux et développer les dispositifs médicaux et médicaments de demain. A Besançon, le terreau local des microtechniques et recherches en biothérapie a facilité l’émergence d’un écosystème innovant. Entreprises,collectivités,enseignement : danslasanté,unionsacréepourl’innovation Despatchssouples,desinstruments chirurgicaux,desvalvescardiaques, des prothèses actives, des maté- riaux biorésorbables… Dispositifs médicauxetimplantsdetoutessor- tes s’affichent dans les couloirs de cette école d’ingénieurs à taille humaine(156étudiants),spécialisée dans le dispositif médical. L’ISIFC avait été créée par l’Université de Franche-Comté en 2001 et forme chaqueannée50ingénieursbiomé- dicaux,dont50 %sontembauchésà la fin de leur stage de troisième annéeet80 %deuxmoisaprèsavoir été diplômés. Parmi eux, 22 % res- tent dans le tissu local, 22 % partent en Suisse et 22 % partent en Rhône- Alpes. « Nos élèves sont très deman- dés. L’un d’entre eux est parti au CNES,enHollande,unautreàSinga- pour, à l’Institut Pasteur », explique VincentArmbruster,ledirecteur. Anticiper la réglemen- tation européenne Alors que l’UT Compiègne et l’Isis de Castres forment respectivement des spécialistes de l’ingénierie hos- pitalière et de l’e-santé, l’originalité de l’ISIFC réside dans sa triple cul- ture : technique, médicale et régle- mentaire. Cette dernière matière est enseignée par Stéphanie Fran- çois.Enseignante-chercheuseasso- ciée, elle partage son temps entre l’ISIFC et le CHU Jean-Minjoz, où elle pilote des essais cliniques. « On essaie d’anticiper la réglementation européenne pour les dispositifs médicauxquidevraittomberd’icifin 2017. A l’ISIFC, on prend une petite avance. C’est l’avantage d’avoir un pied dans le monde du travail, on est danslecircuitcourt »,indique-t-elle. Responsable des stages indus- triels, Florent Guyon, lui aussi, par- tage son temps entre l’ISIFC et Sta- tice, entreprise locale pionnière (voir page 5). Lui s’occupe de bâtir des ponts entre l’école et le monde économique,dutissulocalàl’inter- national. En troisième année, ils sont 80 % à partir en stage à l’étran- ger, sur toute la planète. Florent Guyon a fait partie des fondateurs de l’école et il est à l’initiative de la Rentrée du dispositif médical, une rencontre professionnelle et technique qui réunit 200 person- nes chaque année. L’ISIFC dispose de ses propres locaux depuis 2009, sur Témis, à quelques centaines de mètres de l’ENSMM. A l’étage, une salle de tra- vaux pratiques avec colon artificiel, vidéoscope, fibroscope… « Les élèves reproduisent les gestes du chirur- gien », raconte le directeur. « Pour cette maquette de colon, par exemple, ils vont aller chercher les polypes qui sont à l’intérieur. Le but est de com- prendre le jargon du métier et les besoins. » A côté, une salle électroni- que pour la mise en œuvre de systè- mes comme le pacemaker ou l’éthy- lotest.Plusloin,unesallepourtoutce qui touche à la physique des ondes, puisuneautredédiéeauprototypage 3D,équipéededeuximprimantes. Le dernier bureau est celui de Biotika, une junior entreprise dont leconceptetlenomontétédéposés à l’Inpi, qui recrute sur CV et lettre de motivation et est éligible au cré- ditimpôt-recherche.« C’estaussiun bureau d’études, un module de fin d’études et une cellule de préincuba- tion », explique sa responsable, Nadia Butterlin. — M. Cl. L’école forme chaque année 50 ingénieurs très deman- dés pour la complémenta- rité de leur bagage. Autre originalité : Biotika, son entreprise intégrée. L’ISIFC,l’écoled’ingénieursàlatripleculture FORMATION L’école d’ingénieurs spécialisée dans le dispositif médical et installé sur Temis compte 156 étudiants. Photo F-Zahra Ait Aqqa Recherche : trois exemples de nouvelles solutions L’anti-inflammatoire naturel de Med’in’Pharma Trois ans après avoir déposé son brevet, Sylvain Perruche, chercheur intégré à l’UMR 1098 de l’Inserm, rattachée à l’EFS, à Besançon, vient tout juste de créer Med’Inn’Pharma, la start-up qui lui permettra de lancer SuperMApo, un médicament de thérapie innovante pour traiter les maladies inflammatoires, telles que la poly- arthrite rhumatoïde ou la maladie de Crohn. SuperMApo est issu d’un phénomène naturel : la mort naturelle des cellules, ou apoptose, qui produit des facteurs anti- inflammatoires. Les essais cliniques pourraient commencer dans dix-huit mois. UCPVax, le vaccin thérapeutique anticancer Depuis 2009, une équipe bisontine d’une quinzaine de chercheurs et médecins oncologues du CHRU, de l’Inserm, du CIC et de l’EFS travaille sur un vaccin anti- cancer universel. Baptisé « UCPVax », ce vaccin est en phase clinique, testé sur 54 patients atteints d’un cancer des poumons dans les CHU de Besançon, Dijon, Paris et Strasbourg. Conçu pour activer des cellules du système immunitaire particulièrement efficaces contre la tumeur, il cible la télomérase, une enzyme présente dans la plupart des cancers et qui leur confère un pouvoir d’immortalité. Le gène suicide de Side by CIDe L’UMR 1098 (encore elle) est à l’origine d’un médicament de thérapie génique qui a obtenu en 2016 le feu vert de l’Agence nationale de sécurité du médicament pour la phase de production du protocole. Le premier patient en bénéficiera avant l’été dans le service de greffe du CHU Minjoz. Développé par Marina Deschamps et Christophe Ferrand, Side by CIDe est destiné à prévenir les fréquen- tes complications des greffes de moelle osseuse. « L’idée est d’inclure un gène suicide déclenché par une molécule-médicament », explique Pascal Morel, directeur de l’EFS Bourgogne-Franche-Comté. EmmanuelEme DR DR convergence et une politique de site de tous les acteurs », confirme Macha Woronoff, vice-présidente du CHU Jean-Minjoz en charge de larecherchecliniqueetdel’innova- tion.« Unvraisystèmequinouscon- forte les uns les autres : le Centre d’investigation clinique avec un module technologique et un deuxième axe sur les biothérapies ; l’EFSet sa plate-forme de développe- ment de médicaments de thérapies innovantes;l’institutFemtoquiestla plus grosse concentration en France de recherche en sciences de l’ingé- nieur ; le CHU ; les politiques… Cette convergence, c’est notre force. Quant aux circuits courts, ils nous permet- tent de nous mobiliser très vite. » De cet écosystème naissent de « Il y a [à Besançon] tout ce qu’il faut : des circuits courts, de l’expérience cumulée, des compétences techniques. » FLORENT GUYON Chargé de développement chez Statice Santé 04//SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos
  • 5. CAS D’ÉCOLE Docteur en biochimie, Philippe Dulieu est en train de constituer unpetitgroupequicomptedansle monde des anticorps monoclo- naux. Ces molécules issues d’une seulesouchedelymphocytes–les mêmes que le système immuni- taire produit naturellement – étaient, à l’origine, destinées à des méthodesdediagnostic,maissont de plus en plus utilisées comme solutionsthérapeutiques. Complémentarité En 2002, Philippe Dulieu avait fondé à Besançon RD-Biotech. Cette société de services s’adresse à l’industrie pharmaceutique et aux industriels des biotechnolo- gies en France, en Suisse, en Europe et aux Etats-Unis : de très gros industriels comme Sanofi, et destoutpetits,quin’ontpasencore de laboratoire, mais ont déjà levé desfonds,etpourlesquelsl’équipe bisontine construit des prototy- pes. « Notre savoir-faire, c’est d’éla- borerdesmoléculesaustadeprécli- nique, puis des médicaments », explique-t-il. Dix ans plus tard, en 2012, RD-Biotech rachetait Dia- clone, un « spin-off » de l’EFS Bourgogne-Franche-Comté, repris quelques années plus tôt RD-Biotechs’impose danslesanticorps monoclonaux La PME de Besançon a racheté Diaclone en 2012, puis participé à la création d’une start-up belge en 2015. Elle est en pleine croissance. CAS D’ÉCOLE Monique Clemens @mo_clemens —Correspondante à Besançon Chez Statice, l’industrie 4.0, « on y est », assure son président. Le tra- vail à la main côtoie les machines « tout-numérique », notamment pour la transformation de la matière. En février 2016, la société spécialisée dans les implants et les dispositifs mini-invasifs avait investi dans une machine d’électro- filage (électrospinning) permettant de réaliser de l’ingénierie tissulaire et,parexemple,dereconstituerdes organes. « Avant, nous utilisions du silicone médical ; aujourd’hui, nous avons des matériaux plus pointus : des polymères techniques, transfor- més par moulage ou électrofilage, et dontlemaillagealéatoirepermetaux cellules souches de bien s’accrocher, explique Benoît Studlé, président de Statice. Le corps accepte mieux ce type de matériaux. » Statice avait été créé en 1978 par CharlesNalyetSergePiranda,deux ex-ingénieurs de Lip, l’entreprise horlogère dont la lutte sociale venait de faire vibrer toute la France. Ce sont sans doute eux qui, les premiers, avaient senti le poten- tiel de diversification des micro- techniques horlogères dans le médical. En 1991, Serge Piranda avait d’ailleurs lancé Statice Santé, une filiale spécialisée dans les dis- positifs médicaux qui, depuis, joue un rôle de chef de file de la filière locale. Trente ans après la création, les fondateursonttransmislasociétéà trois de leurs cadres, qui l’ont réor- ganiséeen2012 :plusdefilialesanté désormais mais une R & D com- mune, microtechniques et bioma- tériaux, au sein de Statice Innova- tion, d’une part, et toute la productionréunieauseindeStatice Manufacturing, d’autre part. Ainsi structurée, la société vend du ser- vice et sait produire, essentielle- ment pour des start-up (les deux tiersdesesclients).« Lesdeuxactivi- téssont raresdansunemêmesociété et s’enrichissent mutuellement : ainsi, on connaît les comportements des procédés en production », ajoute Benoît Studlé. Aujourd’hui, Statice emploie 100 personnes, dont 30 en R & D et 70 à la production, et a réalisé, en 2016,unchiffred’affairesde10mil- lions d’euros, dont 18 % à l’export. « Nous sommes à 10 millionsdepuis trois ans, mais nous devrions faire 2 % de mieux en 2017. Quant à l’export, nous visons un tiers d’ici à cinqans.Nousavonsunebonnecote en France, nous devons maintenant nous faire connaître à l’extérieur avec nos implants polymères implantables, par exemple. » Une centaine de projets par an Labellisé SRC (société de recher- che sous contrat), Statice est impliqué dans une centaine de projets par an, et, parmi eux, quel- ques-uns très prometteurs : le projet de pancréas artificiel Mail- pan, mené depuis 1998 avec la société alsacienne Defymed et le Centre de transfert de technologie du Mans (CTTM), qui en est au stade des essais cliniques ; le pro- jet retenu par le FUI et baptisé « Fassil », en collaboration avec Lyonbiopôle, Alsace BioValley et le pôle Microtechniques, qui vise un prototype d’imprimante 3D pour du silicone médical implan- table ; ou encore le projet euro- péen Esotrac, qui vient de démar- rer et a pour objectif d’intégrer, dans des cathéters, deux techno- logies complémentaires, ultra- sons et opto-acoustique. n Dispositifsmédicaux:Statice toujoursenpoleposition Fondée par deux anciens de Lip, la société de R&D et de production d’implants et de dispositifs mini-invasifs vient d’investir dans une machine d’électrofilage. CAS D’ÉCOLE Onefit Medical, Stemcis, Smaltis, Miravas, Amarob… Elles sont encore petites et, pour certaines, à peine nées, mais ces start-up sont promises à un bel avenir. Comme Covalia, qui s’était spécialisé dans les solutions de télémédecine et avait intégré le groupe IDO-in en 2014 (qui vient à son tour d’être repris par l’éditeur de solutions dédiées aux établissements de santé Maincare), les deux premiers ont déjà été rachetés par plus gros qu’eux : Onefit Medical, le bébé de SébastienHenry,quiavaitconçuun logiciel de planification et de gui- dage3Dpourlachirurgiedelapro- thèse de hanche, avait rejoint la société parisienne EOS Imaging en 2013,deuxansaprèssacréation.Un an plus tard, il obtenait l’agrément de la FDA pour aborder le vaste marché américain et employait 20 salariés. Néen2008surl’îledelaRéunion, oùs’étaientrencontrésRégisRoche et Franck Festy, ses deux créateurs docteurs en biologie cellulaire, Stemcis s’était finalement implanté àBesançonen2013pourserappro- cher d’Alcis et Statice, ses partenai- res industriels. Son credo : le tissu adipeux, qu’il prélève, traite et réin- jecte au patient dans le même temps opératoire pour des applica- tions esthétiques ou de régénéra- tion,enchirurgiemusculo-squelet- tique ou en urologie, par exemple. « On a également une étude clinique encourspourletraitementdel’arth- rose, et on développe aussi, avec l’UMR 1098, un nouveau produit permettant de purifier les plaquettes sanguines », confie Régis Roche. C’est lui qui a créé et pilote le site bisontinemployant7des13salariés du petit groupe racheté en 2015 par le français DMS (Diagnostic Medi- cal System), un concurrent d’EOS Imaging, justement. Stemcis a réa- lisé 0,5 million d’euros de chiffre d’affaires en 2016, mais vise le dou- ble pour 2017 et devrait recruter deux personnes supplémentaires cette année, notamment pour le développement international. Smaltis est juste en face, sur le même palier, au deuxième étage de Bioparc 1, sur Témis Santé. Cette troisièmestart-up,quiemploiedéjà six personnes, a été créée en avril 2014 par Cédric Muller et Sophie Guénard, tous deux doc- teursenbactériologie–etpurspro- duits de l’université de Franche- C o m t é – , p o u r a s s u r e r d e s prestations de services en bactério- logie et en biologie moléculaire et cellulaire. « Nos clients, ce sont des laboratoirespublicsouprivésquitra- vaillent dans ces trois domaines et nous confient des prestations sur mesure », explique Sophie Gué- nard. « Pour l’un d’eux, nous testons une nouvelle molécule antibacté- rienne. Nous sommes aussi en train dedévelopperunetechniqueparticu- lièred’inactivationgéniquedesbacté- ries pour identifier les fonctions d’une protéine, et nous travaillons également avec l’EFS sur des kits de diagnostics pour choisir la meilleure thérapie pour un cancer. » En 2016, pour son deuxième exercice, Smal- tis a pulvérisé son business plan en réalisant 336.000 euros de chiffre d’affaires en prestation, contre 220.000 attendus. Le prix Galien 2016 Plus jeunes, Miravas et Amarob sonttoutaussiprometteurs.Lepre- mier a été fondé par Nicolas Rauber, ingénieur microtechnique formé au génie biomédical, qui a mis au point la Vbox, un dispositif de traitement des varices par vapeur d’eau. Créée début 2015, la start-up a été sélectionnée pour le prestigieuxprixGalien2016récom- pensantlarecherchepharmaceuti- que et les innovations thérapeu- tiques,etelleestenpleindéveloppe- ment commercial. Quant à Ama- rob, en incubateur sur Témis, il peaufine une solution de chirurgie laser pour réparer les cordes voca- les grâce à un endoscope équipé d’un microrobot. C’est d’ailleurs la microrobotique, une expertise de Femto-ST, qui avait attiré ce Péru- vien installé à Paris dans la ville microtechnique. n Biotech,medtech,e-santé : placeauxjeunespousses Une solution de téléméde- cine, un guidage 3D pour la chirurgie orthopédique, un traitement des varices par vapeur d’eau ou une méthode de chirurgie pour cordes vocales… Les start-up arrivent. Statice emploie aujourd’hui 100 personnes, dont 30 en R&D et 70 à la production. Photo Statice Plusieurs start-up bisontines ont déjà été reprises par de grands groupes. Photo Shutterstock par un groupe américain, Gen Probe, qui n’avait pas su le valori- ser. Le holding Biotech Investisse- ment est né cette année-là pour porterlesdeuxstructures. Ce retour à des capitaux fran- çais et à une stratégie claire allait redonner à Diaclone toute sa dimension.Crééen1986,Diaclone produit des tests de diagnostic et des anticorps qui font référence. « Les savoir-faire de RD-Biotech et de Diaclone sont complémentaires, les deux entreprises sont clients- fournisseurs l’une de l’autre », ajoute Philippe Dulieu, président deBiotechInvestissement.Letroi- sième étage de la fusée est venu s’ajouterfin2015aveclaparticipa- tion du groupe à la création de Synabs, une start-up belge qui exploite une licence pour d’autres anticorpsdéveloppésparl’univer- sitédeLouvain.« Nousavonsainsi une expertise complète, une com- plémentarité de marchés et une synergiedanslestechnologies. » Basé à Besançon, le groupe emploie55personnes.Ilaréalisé 6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2016, marqué par la croissance de 50 % de RD-Bio- techcesdeuxdernièresannéeset par une petite croissance retrou- vée, depuis son rachat, pour Dia- clone, grâce à des économies de gestion et à l’apport en sous- traitancedugroupe.Aveclamon- tée en puissance des biothéra- pies,RD-Biotechadebeauxjours devant lui. Prochaine étape : des locaux propres. — M. Cl. Les Echos Mercredi 15 mars 2017 SPÉCIAL TERRITOIRES//05
  • 6. Monique Clemens @mo_clemens — Correspondante à Besançon Le luxe change de visage. L’enjeu, aujourd’hui, est celui de la transparence et de la traçabilité. « C’est ce que demandent les générations X, Y et Millennium, en plus d’une qualité irréprochable et, désormais, d’un moindreimpactdesfabricationssur l’environnement », explique Mathilde Passarin, directrice de l’association Luxe & Tech, qui fédère 30 PME locales, entre Besançon et la Suisse, soit près de 1.500 emplois et 18 % de l’emploi total du luxe en Franche-Comté, indique-t-elle. Des découpeurs, polisseurs, spécialistes de micro- techniques qui, après avoir long- tempsvécudanslaplusgrandedis- crétion, sans souci du lendemain, se positionnent aujourd’hui comme apporteurs de solutions avec des savoir-faire ultra-précis et complémentaires. Pendant ce temps, à Besançon, une nouvelle génération d’horlo- gers est en train de naître, qui répond à cette aspiration à plus de transparenceetderaison.Lesmar- ques Lornet, Phenomen, Hum- bert-Droz, M. Benjamin… com- mencent à se faire un nom chez les amateurs de belles mécaniques. Ellesneremplacerontpaslesgran- des marques suisses, ne créeront pas des dizaines de milliers d’emplois, comme l’ancienne capi- tale horlogère a pu en connaître avant la crise du quartz, mais elles sont les nouveaux visages de l’hor- logerie :descréateursquiaimentle produit, associent leurs sous-trai- tants à leur image, visent un prix juste et plus astronomique, et utili- sent les réseaux de distribution qu’ils ont sous la main : la vente directe, Internet, les réseaux sociaux. « Prises de risques » C’estceliendirectavecleclientqu’a voulu créer Philippe Lebru, l’homme qui a réveillé l’horloge comtoise et l’auteur, aussi, d’horlo- gesmonumentalescommecellede la gare TGV de Besançon. Fin 2015, il a ouvert une boutique-atelier en face du Musée du Temps pour montrer son travail et celui d’autres créateurs de sa trempe. « Des créateurs comme FOB, Mar- chLab ou Olivier Jonquet, qui assemblent leurs montres à Besan- çon et qui, comme moi, sont dans la droite ligne d’une nouvelle horloge- riefrançaiserespectantlepluspossi- ble la fabrication locale », explique- t-il. Lui croit au renouveau porté par des créateurs indépendants et inscrits dans une démarche quali- tative et artistique. « Une démarche qui a du sens, avec des prises de ris- ques, de petites entreprises d’une à dix personnes, mais des personnes physiquement atteignables, et pas un concept de groupe. » Dans son concept-store, les hor- logers bisontins viennent rencon- trer leurs clients. On y trouve la HD1, sortie en juin 2016 et que son créateur, Julien Humbert-Droz, vientdéjàderééditer,maisaussiles chronos de légende Dodane qu’a ressortis le représentant de la sixième génération. Quant à la marque Lornet, lancée en novem- bre 2016 et vendue exclusivement sur Internet, elle a bien démarré et vientdeprésenterunmodèlefémi- nin. Pendant ce temps, Phenomen prépare son premier modèle futu- riste en pépinière, sur Témis, et SMBcartonneaveclarééditiondes modèles mythiques de Lip. Arrivé par l’horlogerie, le luxe a peu à peu coloré le tissu industriel local. Le polissage a attiré ici bijou- tiersetjoailliers.Lafabricationdes bracelets demontre s’est élargie au travail du cuir, comme en témoi- gne la success-story de SIS, entre Besançon et la Suisse. SIS emploie 680 salariés,dont400formésdans son école intégrée, pour coudre les jolis sacs de grandes marques de luxe française, mais aussi faire du gainage, une opération qui con- sisteàhabillerdecuir,pourlesren- drepluschics,stylosoutéléphones portables. Dans sa compétence économique, le Grand Besançon jouelacartedecesprécieuxsavoir- faire pour attirer de nouvelles entreprises. C’est ainsi que vient d’arriver Hadoro, une société pari- siennequiconçoitdescoquespour téléphones portables ou tablettes et des bracelets pour les Apple Watch en métaux précieux, cuir d’autruche, galuchat... L’objectif, avec ce site, est d’intégrer au maxi- mumlaproductionjusque-làréali- sée en sous-traitance. Remettre de l’humain Née en 2006, Luxe & Tech a mis autour d’une même table des PME qui n’avaient pas l’habitude de communiquer entre elles, a parti- cipé à la création du diplôme « Microtechniques et design » de l’ENSMM (voir ci-dessous), tissé desliensaveclesstructureslocales et communiqué, surtout, sur les savoir-faire. « L’enjeu, aujourd’hui, c’est aussi d’expliquer le temps nécessaire au luxe », ajoute Mathilde Passarin. « Il faut mon- trerlepetithorlogerdanssonatelier, le séchage de l’émail. » Remettre de l’humaindansdesrelationsdéshu- manisées « et passer de l’image du sous-traitant à celle d’experts réac- tifs et porteurs de valeur ajoutée ». Tout un programme. n TRANSFORMATION//Les grandes heures horlogères de Besançon se sont envolées avec Lip. Mais les savoir-faire sont restés, qui inspirent de jeunes créateurs indépendants ou qui se sont diversifiés dans le cuir, la bijouterie ou la joaillerie. Lesnouveauxvisages del’horlogerieetduluxe Installé entre Besançon et la Suisse, SIS s’est spécialisé dans le travail du cuir. L’entreprise a formé dans son école intégrée une partie de ses 680 salariés. Photo SIS Dans sa compétence économique, le Grand Besançon joue la carte de ces précieux savoir- faire pour attirer de nouvelles entreprises. Ce cursus d’ingénieur en alter- nance « microtechniques et design » – unique en France et sans doute en Europe – avait été créé en 2010 pour satisfaire aux besoins des entreprises locales, horlogères, mais pas seulement. Il s’agissait d’ajouter aux précieuses compé- tences microtechniques des con- naissances en micromatériaux, travail du cuir, gemmologie, taille desmétauxprécieux…etdeformer des ingénieurs aptes à dialoguer avec des designers, voire aptes à jouer un rôle de designer. C’est à Guy Monteil, qui enseignait les s c i e n c e s d e s m a t é r i a u x à l’ENSMM, l’Ecole nationale supé- rieure de micromécanique de Besançon, qu’avait été confié la création de la maquette pédagogi- que et le pilotage de la filière. Elle accueille 14 nouveaux élèves à cha- que rentrée, dont une moitié vient de Franche-Comté et l’autre de toute la France. La première pro- motion avait été parrainée par la responsable design des mouve- ments de Cartier. Un bon début. Partenaires historiques La formation est adossée au CFAI Sud Franche-Comté, qui n’est qu’à deux battements d’ailes de l’ENSMM,surletechnopôleTémis, etquis’occupedesrelationsavecles entreprises – locales ou non. Parmi elles, des partenaires historiques comme Silvant, le groupe Cœur d’Or ou encore le maroquinier SIS, à Avoudrey, pour ceux qui accep- tent d’être cités. Car, dans le luxe, la nécessité de transparence n’a pas encore convaincu tout le monde... Au-delà des PME locales, les gran- des marques françaises commen- cent elles aussi à s’intéresser à ces ingénieurs formés à leurs codes. « Les grands donneurs d’ordre du luxe commencent à nous prendre desapprentis »,confirmeGuyMon- teil. « Face à la montée en compé- tence de leurs sous-traitants, ils leur confient de plus en plus de missions de conception. Du coup, l’autre ten- dance lourde, c’est que les PME se mettent à embaucher des bac + 5. » Pourmieuxcollerauxréalitésdu terrain, celles de PME horlogères localesqui,pourcontrercemarché capricieux, se diversifient de plus en plus dans le médical, la forma- tion vient de lancer une nouvelle option. Depuis la rentrée de sep- tembre, les élèves peuvent choisir entre « luxe et précision », l’option « historique », et désormais « microtechniques et santé ». Concrètement, les apprentis ingé- nieurssuiventtroissemestrescom- munspuistroisautres,oùleurspé- cialité monte en puissance. Ainsi, par exemple, la gemmologie est remplacée par la réglementation spécifique aux produits de santé, qui répondent à des normes de qualité très sévères. Et l’enseigne- mentdesmétauxprécieuxpardela biochimie pour la santé. « Cela cor- respond à 254 heures sur la totalité de la formation, c’est vraiment une grosse option », poursuit Guy Mon- teil. Unepartiedescoursestmutuali- sée avec l’Isifc, l’école d’ingénieurs biomédicale voisine. « Jusqu’à maintenant, les entreprises embau- chaient un ingénieur ENSMM avec ses compétences en fabrication, con- ception, R&D, et un ingénieur ISIFC davantage tourné vers l’hôpital et les médecins. Désormais, nos ingé- nieurs seront plus spécialisés en médical. » — M. Cl. Pour accompagner la diversification des PME vers les métiers du luxe, l’ENSMM avait lancé un cursus sur mesure. Objectif : préparer des ingénieurs formés au design. « Microtechniquesetdesign »,uneformation d’ingénieurenapprentissageuniqueensongenre Dans l’atelier d’horlogerie, douze postes attendent les stagiaires. A côté des hauts établis, avec leurs repose-coudes et leur éclairage impeccable, une machine à net- toyer les mouvements, un chrono comparateur pour vérifier la mar- che et deux postes de microscopes pour mieux analyser les pièces complètent l’équipement pédago- gique. L’atelier voisin compte six postes de polissage, ce métier que l’on apprend généralement sur le tas, très recherché en horlogerie, mais pas seulement, et qui consiste à apporter une finition parfaite. P2R Formations vient d’ouvrir ses portes dans l’immeuble Le Cadran, à Palente, l’ancien quartier horloger de Besançon, où fut notamment implanté Lip. Passion- nés d’horlogerie, Arnaud Rollier, horloger formateur, David Ronsin, polisseur depuis vingt-cinq ans et Benjamin Perruche, chargé de clientèle, avaient ce projet en tête depuis plus d’un an. Les deux pre- miers s’étaient rencontrés dans un centredeformationbisontinquine leuravaitpassemblésérieux.Aleur frustation s’était ajouté le constat d’une trop longue attente à l’Afpa pour se former à l’horlogerie et la demande toujours plus forte, dans les PME de la région, mais aussi en Suisse, pour de bons polisseurs. « C’était le bon moment », estime Arnaud Rollier. Organisme privé au statut de SAS,P2RFormationsestentrainde se faire connaître auprès de plu- sieurs entreprises locales. Ses modules de formation sont en cours de validation dans les bases de données des différents organis- mes. Pour la première année sco- laire pleine, 2017-2018, les forma- teurs prépareront les stagiaires à passer le CAP horloger en candi- dats libres au lycée Edgar-Faure de Morteau. Ils assurent aussi des for- mationsenentrepriseetdespresta- tions de sous-traitance. Objectif : une nouvelle spécialité par an Les trois associés sont confiants : les besoins sont réels et leur busi- ness plan modeste. Dès que l’acti- vité décollera, ils compléteront le catalogue de formations avec, dans l’idéal, une nouvelle spécialité par an :sertissage,tribofinition,taillage de pierres. A l’atelier de polissage, Ingrid est la première stagiaire. En reconversion, elle semble avoir trouvésavoieetadéjàsuiviunefor- mation en horlogerie qu’elle sou- haitait compléter. « Il faut être poly- valent aujourd’hui », estime-t-elle. — M. Cl. Le centre de formation vient d’ouvrir dans le quartier de Palente. Passionnés d’horlogerie, ils veulent former les professionnels dont les PME ont besoin. P2RFormations,unpetit nouveaudansl’horlogerie etlepolissage L’Ecole nationale supérieure de micromécanique de Besançon a été créée en 2010 pour répondre aux besoins des entreprises locales, horlogères ou autres. Photo ENSMM/P1br Les chiffres clefs 12POSTES DE STAGIAIRE à l’atelier d’horlogerie de P2R Formations. 6POSTES à l’atelier polissage. Un métier très recherché en horlogerie, qui consiste à apporter une finition parfaite. « Les grands donneurs d’ordre du luxe commencent à nous prendre des apprentis. Ils leur confient de plus en plus de missions de conception. » GUY MONTEIL Enseignant à l’ENSMM et pilote de la filière « microtechniques et design » 06//SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos
  • 7. INTERVIEW // JEAN KALLMANN Président de Breitling Services « Ilyaunecarteàjoueràtravaillerensous-traitance » Propos recueillis par Monique Clemens @mo_clemens — Correspondante à Besançon Le patron de Breitling Servi- ces est arrivé à Besançon il y a plus de vingt ans. Il nous parle de la nécessité de transpa- rence et porte un regard plutôt bienveillant sur le tissu microtech- nique local. En 1995, attirée par la qualité de la main-d’œuvre, la mai- son horlogère suisse avait créé ici sa filiale France dédiée au service après-venteetàlaformation.Ellea confirmé son ancrage en 2013 en s’installant dans des locaux signés AlainPorta,l’architectedusiègede Breitling et de sa manufacture, en Suisse. Jean Kallmann a été de toute l’aventure. Breitling était arrivé à Besançon sur la pointe des pieds, avant d’avoir pignon sur rue. Qu’est-ce qui a changé ? Ce qui a changé, c’est l’image qu’on veut donner du service après- vente. Nous avions créé l’antenne de Breitling à Besançon pour orga- niser ce nouveau service, nous étions sept à l’époque et nous nous étions installés dans d’anciens locaux de Lip. Nous y sommes res- tés jusqu’en 2013. Aujourd’hui, nous sommes 47, dont 24 horlo- gers et une formatrice qui forme nos horlogers aux évolutions du produit, mais aussi les écoles d’horlogers et nos détaillants. Entre-temps, Breitling est monté en gamme et en qualité, la marque a désormais son propre mouve- ment et les locaux ne répondaient plus à ces exigences. La décision avait alors été prise de trouver un terrain et de construire un bâti- ment à son image. Et puis com- ment demander à du personnel de travailler sur du haut-de-gamme sans lui offrir un environnement de qualité ? Il est désormais possible, pour une marque suisse, de revendiquer une implantation française ? La transparence est-elle devenue nécessaire ? O n p a r l e p l u s v o l o n t i e r s aujourd’hui de service clients que de service après-vente. Nous trai- tons avec les détaillants qui vien- nent ici, nous parlons de belles montres, ils veulent voir les horlo- gers, et nos nouveaux locaux ont été conçus pour offrir une vue sur l’atelier. On peut faire le parallèle avec les grands restaurants qui m o n t r e n t l e u r s c u i s i n e s . Aujourd’hui, chez Breitling, tout est absolument transparent, le clientestdevenuextrêmementexi- geant, et le service, lui, est devenu essentiel.L’exigencequelamarque s’impose, elle l’impose aussi à ses points de vente et les forme à pré- senter le produit, à accueillir le client, à raconter son histoire, à porter l’héritage de la marque. Quel regard portez-vous sur le paysage microtechnique bisontin et sur la montée en puissance de la filière luxe ? Quelques autres marques sont venues s’installer à Besançon, atti- rées peut-être par Breitling… Il y a ici les SAV d’Audemars-Piguet et Swatch, par exemple. En matière de formation, les choses ont bien évolué : l’Afpa a développé sa for- mation en horlogerie, le lycée Edgar-Faure de Morteau a étoffé son diplôme métiers d’art. De ce point de vue-là, par rapport à d’autres pays, on est assez gâtés en France. L’environnement indus- triel de Besançon est également intéressant.Denoslocaux,àdroite, nous voyons l’ENSMM, l’école d’ingénieurs en microtechniques, qui est au milieu de la zone Témis. A gauche, les entreprises iX-Blue, Sophysa… qui ont besoin de leurs ingénieurs – nous aussi, nous pre- nons des élèves en stage comme « chasseurs de qualité ». Avec son histoire microtechnique, Besan- çon joue la bonne carte : celle de la sous-traitance. Besançon accueille un nouveau venu, P2R, qui va former à l’horlogerie mais aussi au polissage. Un métier très demandé, non ? Le polissage, c’est un métier diffi- cile, qui demande beaucoup de précision et des qualités manuel- les indéniables. Les polisseurs se forment sur le tas, jusqu’à mainte- nant il n’y avait pas d’école, donc oui, ça peut être intéressant. La demande est large et dépasse l’horlogerie, elle intéresse de nombreux sous-traitants et notamment ceux de la maroqui- nerie, qui se développe bien ici. Nous avons Hermès, pas très loin de Besançon… On annonce régulièrement la renaissance imminente de l’horlogerie française à Besançon. De jeunes horlogers se sont lancés. Qu’en pensez-vous ? Je pense qu’on n’arrivera pas, ici, à relancer une grande marque, et que le haut de gamme restera de l’autre côté de la frontière. Par contre, avec la proximité de la Suisse,ilyaunecarteàjoueràtra- vaillerensous-traitance.Jetrouve la démarche d’un jeune horloger comme Lornet extrêmement cou- rageuse mais, pour lancer une marque, il faut des moyens consi- dérables ou accrocher une vedette… Mais il y a sans doute quelques petits créneaux et de la place pour de belles initiatives. Ce qui attire ici, ce sont les micro- techniques. Dans le bassin local, il y a énormément de compétences e t d e s é r i e u x , q u i a t t i r e n t aujourd’huilesacteursdesfilières aérospatiale et médicale. n Jean Kallmann : « Le client est devenu extrêmement exigeant, et le service, lui, est devenu essentiel. » Photo Breitling Aujourd’hui, 500 mouvements sont produits chaque mois dans la manufacture qui s’est recentrée sur le cœur du métier : l’emboutis- sage, le pliage et les pièces mécaniques. Photo Denis Bringard/Hemis.fr PATRIMOINE Fin mars, la manufacture Vuille- minexposerapourlapremièrefois au Salon mondial de l’horlogerie, à Bâle, où son label « entreprise du patrimoine vivant » devrait faire son petit effet auprès des visiteurs étrangers. Ce dernier fabricant d’horloges comtoises traditionnel- les à mouvement dit « cage fer » a retrouvéunaveniren2010,lorsque Philippe Vuillemin, grossiste ins- tallé dans le Haut-Doubs, a accepté de reprendre son fournisseur bisontin qui s’apprêtait à fermer boutique. L’entreprise avait été créée ici, en 1969, sous le nom de « Seramm ». Dans les années 1970, elle a compté jusqu’à 45 salariés et produit jusqu’à 1.000 mouvements LamanufactureVuillemin poursuitl’aventure del’horlogecomtoise Horloges traditionnelles et contemporaines se côtoient désormais à l’atelier. Reprise par Philippe Vuillemin, la PME de Châtillon-le-Duc avait failli disparaître. Installée à Dannemarie-sur-Crête, dans le Grand Besançon, la société Leboeuf réalise aujourd’hui 80 % d’un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros auprès de clients horlogers etjoailliersdeluxe.Auprèsdedeux grands noms principalement, qui exigent la confidentialité de leur sous-traitant. D’ailleurs, chacun dispose de son showroom dans l’entreprise…« Lerestedel’activitése partage entre des contreparties pour les imprimeurs, pour réaliser des impressionsgaufrées,etdesobjetsde décoration ou œuvres d’artistes comme Renato Montenaro, Agnès Descamps ou Claudi Florentina », explique le responsable commer- cial. L’activité avait été lancée en 1961 par Jean Leboeuf, le grand-père de ChristopheLeboeuf,l’actuelgérant. Au départ, elle se limitait aux mou- lesetmodelagespourl’automobile, avec la technologie du rotomou- lage. Leboeuf s’était ensuite diversi- fiédanslesvalisespourconvoyeurs defond,encarbone,puislespotsde cancoillotte en plastique thermo- formé… jusqu’à ce qu’un grand hor- loger suisse la contacte pour du modelage,enrésine,deprésentoirs de vitrines. C’était il y a une quin- zaine d’années, lorsque Michel Leboeuf,lefilsdufondateur,étaiten train de passer la main à Christo- phe, son propre fils, la troisième génération. La mise au point des techniques de moulage et du coulage de résine a pris près de deux ans. « Le lance- mentaétédifficile,maisensuiteilya e u d u vo l u m e , a ve c j u s q u ’ à 100.000 pièces par mois à certaines périodes », poursuit le responsable commercial qui, depuis trois ans, expose au Salon EPHJ de Genève. « C’est très difficile d’entrer sur ces marchés, et l’objectif, c’est de trouver deuxoutroisautresgrosclients,pour diversifier notre portefeuille. » Dans les ateliers, le moule d’un portrait 3D de Marylin Monroe côtoie le futur décor lunaire d’un horloger. 20 salariés et imprimante 3D Plusloin,descorauxenrésine,puis l’atelier de finition de bustes pour présenter les bijoux d’un grand joaillier, le deuxième client impor- tant de l’entreprise. Chaque pièce est réalisée de A à Z : sculptée, puis moulée, coulée en résine, et enfin polie, peinte, gainée de cuir ou recouverte d’un film, selon l’effet voulu. Leboeuf emploie 20 salariés plutôt polyvalents, qui font tourner les ateliers de moulage, coulage de résine, peinture, gainage, sculp- ture… Une imprimante 3D permet de gagner du temps pour les proto- types de petite taille et un robot de sculpture de grande dimension (investissement : 100.000 euros) va bientôtêtrelivrépourpermettre encore davantage de diversifica- tion. — M. Cl. Le secteur du luxe représente aujourd’hui 80 % du chiffre d’affaires de ce spécialiste de la résine, du moulage et du cuir. Leboeufsculpteetmoulelesprésentoirsd’horlogersetjoailliers 7 %LA PART DES VENTES EN LIGNE environ, sur le chiffre d’affaires total de 272.000 euros réalisé l’an dernier par l’entreprise. par mois, contre 500 par an aujourd’hui. « Ils faisaient tout : les caisses, les cadrans », explique Phi- lippe Vuillemin. « Moi, je n’ai gardé que le cœur, les parties emboutis- sage, pliage et pièces mécaniques. Monobjectifétaitdegarderlesavoir- faire mais aussi de repartir sur un produit moderne, avec du métal thermolaqué, des rouages en palla- dium ou plaqué or, des axes en Inox qui peuvent s’exporter… » Dansl’atelier,autourdespresses, outils de découpe, tours d’horloge et tailleuses des années 1970, les horloges contemporaines ont un peu poussé les comtoises au cof- frage de bois vers le fond. Mais les deux générations se mêlent sans heurts : le mouvement est toujours le même, qu’il soit caché sous un cadran ou qu’il dévoile son délicat squelette. La manufacture ne compte que 4 salariés (2 horlogers et 2 mécaniciens), mais son diri- geant prend soin de bien s’entou- rer : il a gardé avec lui André Daclin,l’undescréateursdel’usine, qui devait ne rester que deux semaines, mais n’est finalement jamais reparti. C’est lui qui, depuis deux ans, lui apprend le métier : le taillage des roues, le découpage, le montage des outils, le réglage des mouvements… Vuilleminaccueilleaussidessta- giaires du Greta de Morteau, ravis d’apprendre ici le métier de A à Z, du laiton brut à l’horloge prête à expédier. Et depuis 2012, il a été rejoint par André Blachon, qui avaitdéveloppélesiteInternetdela société avant de s’y plonger tout entier.« Ilyavaitbeaucoupàfaire », expliquel’associédevenucogérant. « On a déménagé l’usine dans ces locaux plus petits, rationalisé les coûts de production et développé de nouveaux modèles, ainsi qu’un site Internet qui marche de mieux en mieux. » Frémissement de l’export Environ 7 % d’un chiffre d’affaires 2016 de 272.000 euros (250.000 en 2015) provient en effet de la vente Internet,oùVuillemincommercia- lise aussi des coucous. Les diri- geants ne manquent ni de projets ni d’idées : ils travaillent sur des prototypes avec les designers Vincent Calabrese et Jean-Baptiste Viot, espèrent bientôt ouvrir une boutiquedanslevieuxBesançonet pouvoir construire une nouvelle usine pour mieux accueillir les autocaristes. En attendant, l’atelier a de quoi doubler sa production. Depuis le Salon Maison & Objets, oùlamanufactures’estmontréeen septembre 2016, puis en jan- vier 2017, l’export frémit (de 5 % en 2015 à 8 % en 2016) avec des com- mandes pour la Chine, le Japon, le Mexique, la Thaïlande… — M. Cl. Les Echos Mercredi 15 mars 2017 SPÉCIAL TERRITOIRES//07
  • 8. Monique Clemens @mo_clemens —Correspondante à Besançon Pour insuffler technologies, savoir-faire et savoirs au tissu industriel et économi- que local, rien de mieux qu’un gros laboratoire. En 2004, l’institut Femto-ST avait justement été cons- tituépourregroupersesforces :des compétences en automatique et systèmes mécatroniques, en éner- gie, informatique des systèmes complexes, mécanique appliquée, optique,micro-nanosciencesetsys- tèmes, temps-fréquence. Quelque 700 chercheurs ou doctorants au total,cequienfaitleplusgroslabo- ratoire français en sciences de l’ingénieur. Et, avec ses cinq plates- formes technologiques, un parte- naire idéal des entreprises locales, nationales, voire internationales. Spécialiste d’optique et de systè- mes dynamiques non linéaires, Laurent Larger a dû, un peu à regret,laisserdecôtésestravauxde recherche pour prendre la direc- tion de Femto-ST, début 2017. Il en était auparavant le directeur adjoint, au côté de Nicolas Chaillet, parti présider la toute nouvelle ComUE (Communauté d’universi- tés et établissements) Bourgogne- Franche-Comté.Maisl’aventureest tout aussi passionnante. Trophées Inpi Son projet est de hisser l’institut au niveau international. Un premier partenariat avait été lancé en 2013 avec l’EPFL de Lausanne dans le cadre du projet Smyle (voir ci-con- tre).Unautreestencoursdeforma- lisation avec l’institut de technolo- giedeKarlsruhe(KIT),prestigieuse université allemande spécialisée, elleaussi,ensciencesdel’ingénieur. Unesériedeséminairesvientd’être lancéeavecdesprofesseurs,dontle premierestvenuàBesançonenjan- vier.Femto-STespèrepouvoirinsti- tutionnaliser cette relation, par exemple en échangeant des étu- diantsdemaster2.« Nouscommen- çons à jouer dans la cour des grands, au niveau international », se félicite son nouveau directeur. Pour se hisser au niveau interna- tional, Femto-ST s’appuie aussi sur les appels à projets de type Interreg – des programmes européens pro- mouvantdescoopérationsentreles régions européennes. Rien d’insur- montablepourlelaboratoirefranc- comtois,quiaunetraditiondevalo- risation ancienne, les sciences de l’ingénieur se prêtant plutôt bien aux transferts de technologie. D’ailleurs, plusieurs entreprises issues de ses rangs, qui ont déposé des brevets, ont ramené des tro- phées Inpi : Photline, par exemple, racheté par iX-Blue et qui vient d’inaugurer ses nouveaux locaux ; ou Silmach, avec lequel l’institut travaille à un projet de « spécialisa- tionintelligente ».Cettethéorieéco- nomique pour laquelle la Franche- Comté a répondu à un appel à manifestationd’intérêtdel’Europe, et qui vise à développer des domai- nes prioritaires pour transformer l’économie locale, a abouti à trois projets impliquant des start-up ou PME locales et, à chaque fois, Femto-ST. Il est question d’objets avec composants de silicium, de décolletage et de temps-fréquence, pour un budget total de 9 millions d’euros, dont 4,6 pour des équipe- ments Femto. « Il y a même un qua- trièmeprojetdanslestuyauxsurdes médicaments de thérapie inno- vante », confie Laurent Larger. n ÉCOSYSTÈMES//L’institut franc-comtois est le plus gros laboratoire de recherche français en sciences de l’ingénieur. Un modèle né d’une dynamique à l’échelle de plusieurs secteurs d’activité. Sciencesdel’ingénieur :Femto-ST, uninstitutderechercheXXL L’association numérique franc-comtoise organise régulièrement des ateliers et des partenariats. Photo Olivier Testault ASSOCIATIONS Dans le quartier sensible de Pla- noise, à Besançon, la première des cinq« AccessCodeSchools »lancée enmars2016parl’organismedefor- mation Onlineformapro et labelli- sée« Fabriquedelagrandeécoledu numérique » est ouverte aux parte- nariats et aux ateliers, comme ceux SiliconComté,facilitateur delatransformationnumérique L’association de profession- nels du numérique interpelle collectivités et politiques sur le virage à prendre d’urgence. Le haut débit est partout, mais les usages tardent à arriver. Avec ses cinq plates-formes technologiques, Femto-ST constitue un partenaire idéal des entreprises locales, nationales, voire internationales. Photo Femto-ST tion, côté français, des plates-for- mes technologiques Mimento (pour Microfabrication pour la mécanique,lathermiqueetl’opti- que), Oscillator-IMP (dédiée à la stabilité des fréquences) et bien- tôt, sans doute, µRobotex (carac- térisation, manipulation et assemblage de systèmes infé- rieurs à 10 micromètres). « Le programme s’est récem- mentétenduauxobjetsintelligents connectés, notamment avec un projet de vêtements pour les servi- ces de secours, munis de capteurs physiologiques permettant au PC qui coordonne les actions de limi- terlesrisques »,explique Laurent Larger, directeur de Femto-ST. « Pourlarobotiquemédicale,ilya un projet sur la détection de tumeursdureinchezl’enfant,avec une problématique informatique de modélisation. Smyle comprend aussiunvoletformationetinterac- tions industrielles, avec des visites d’entreprises des élèves de CMI [cursus master en ingénierie, NDLR], ainsi que des échanges de formation en salle blanche pour les équipements complémentaires enmatériauxetprocédés. »Lenio- bate de lithium pour Femto-ST, par exemple, le silicium sur des opérationspointuespourl’EPFL. Des échanges sont également en cours entre les deux équipes sur l’énergie autour de la question de lapileàcombustible,surlaquelle Femto-ST est très en pointe à Belfort.— M. Cl. Le collegium franco-suisse Smyle aétélancéenoctobre2013etpour quatre ans par Femto-ST (ou plus exactement ses tutelles) et l’Ecole polytechnique fédérale de Lau- sanne (EPFL). Il est l’acronyme souriant de « Smart systems for a betterlife »,unprogrammestraté- gique souriant lui aussi. Ce parte- nariat entre deux importantes structures de recherche en scien- ces de l’ingénieur et qui a de gran- des chances d’être renouvelé con- crétise la coopération scientifique dans l’Arc jurassien via un pro- gramme orienté formation et transfertdetechnologie.Lepostu- lat : à elles deux, les deux structu- ressontplusvisibles,plusforteset plus attractives. Pour Femto-ST, institutencorejeune,l’occasionest belledemontrersesmusclesdans unecoopérationinternationale. Deux axes de recherche Lorsdelasignature,en2013,deux activités avaient été ciblées : le temps fréquence et la robotique médicale. Deux axes de recher- che pertinents de chaque côté du massif jurassien avec l’implica- L’institut Femto-ST et l’EPFL de Lausanne travaillent ensemble à inventer des systèmes intelligents. Au pro- gramme : des vêtements connectés, mais aussi des solutions de détection de tumeurs chez l’enfant. Smylerapproche BesançondeLausanne AFULudine, le beau bébé de Femto-ST et d’Utinam Un lubrifiant sec et sans huile ? Les décou- peurs en ont rêvé, AFULudine l’a fait. La start-up est née en septembre 2016 et est encore hébergée par l’Université de Fran- che-Comté, où elle a reproduit une usine chimique à l’échelle 1/2. Elle est le fruit du croisement de deux expertises : celle d’Utinam (institut de recherche de l’Uni- versité de Franche-Comté réunissant as- trophysiciens, physiciens et chimistes), d’où sont issus l’organicien Jean-Marie Melot et le spécialiste des traitements de surface Fabrice Lallemand, et celle de Femto-ST, d’où sort le tribologue (mécani- que des frottements) Xavier Croizard. Leurs travaux de recherche remontent à 2008, et ça y est, ils tiennent leur innova- tion : un lubrifiant qui n’est pas une huile, mais une solution à base d’eau, d’alcool et de molécules qui se fixent sur les surfaces. « Nous avions découvert tout le potentiel de la formule par un jeu de hasard, puis nous avons travaillé sur un composé qui respecte l’envi- ronnement », explique Fabrice Lallemand. « Notre lubrifiant n’affiche pas un seul picto- gramme dangereux. Le concept est différent : il ne s’agit plus d’hydrodynamique des huiles, mais de traitement de surface. » Le brevet de la formule a été déposé en France en 2014, puis au niveau mondial en 2015. Des essais ont ensuite été menés chez des industriels locaux pour l’affiner. Le cœur de cible d’AFULudine, qui vient de le- ver 400.000 euros auprès d’Invest PME (Si- parex) pour lancer l’industrialisation, ce sont les découpeurs et emboutisseurs qui rêvent de se débarrasser du gras. Le marché est énorme. qu’organise régulièrement Silicon Comté, l’association numérique franc-comtoise. D’autres Access Code Schools, sur le même modèle – pédagogie inversée et tutorat – vontouvrirenBourgogne-Franche- Comté et plus loin. Leur directeur, ChristopheBoutet,estaussileprési- dent de l’association. Le lien s’arrête là, mais Silicon Comté n’est pas tout à fait étrangère au frémissement numériquebisontin. Label French Tech L’association était née début 2014, à l’initiative d’une dizaine d’entrepre- neurs, pour structurer un écosys- tème régional, retenir les déve- loppeurs et créateurs de contenus tentés par de grandes métropoles, faire reconnaître le numérique comme filière de relance et susciter unecandidatureFrenchTech.Trois ans plus tard, le Grand Besançon a obtenu un label French Tech pour lestechnologiesdelasanté,àdéfaut d’un label complet. L’association compte une centaine d’adhérents et ses missions restent inchangées : « Fédérer l’écosystème et apporter une dynamique à travers différents axesquesontlegrandpublic,laveille etlespartenariats »,résumeChristo- pheBoutet.« Ilyaunbesoindemuta- tion, la région est plutôt en retard sur ce point. Il faut faire de la pédagogie, du lobbying auprès des institutions, tout en localisant la main-d’œuvre qui pourra amener de la croissance auxentreprisesdelafilière. » Silicon Comté s’était fait connaî- tre en interpellant l’Arcep sur la couverture numérique régionale, après avoir mis en place un outil gratuit de diagnostic de perfor- mancenumérique.Puis,pendantla campagne des régionales, en 2015, l’associationavaitinterrogélescan- didatssurleurvisiondudéveloppe- ment numérique. « Aujourd’hui, noussommestoujoursdansunelogi- que de montée en compétences. Le déploiement des infrastructures se poursuitpartout,maislesusagesres- tentàinventer.Lessujetsquiarrivent sont ceux de la réalité augmentée et virtuelle.Ilyadesopportunitésàsai- sir pour les entreprises et pour le monde de la formation. » — M. Cl. Femto-ST et l’EPFL de Lausanne ont noué un partenariat pour être plus visibles et attractifs. Photo CC Ludovic Godard - UFC 700CHERCHEURS ET DOCTORANTS travaillent pour l’institut franc-comtois. 08//SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos