2. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
2
Ecole Européenne de Management reconnue par l’Etat. Diplôme visé bac +5, Grade
de master, Etablissement d’enseignement supérieur technique privé
3. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
3
« J’atteste sur l’honneur que ce document est le fruit d’un travail personnel et que les
emprunts à des documents externes sont tous cités ».
Hameau Constant
02/09/2013
4. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
4
VERS UNE FINANCE ETHIQUE :
L’EXEMPLE ISLAMIQUE
5. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
5
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ...........................................................................................................................7
1 LE MODELE FINANCIER ISLAMIQUE ET SA PLACE DANS L’ECONOMIE MONDIALE......... 10
1.1 FONDEMENTS ET PRINCIPES DE LA FINANCE ISLAMIQUE..............................................................................10
1.1.1 Le droit musulman...................................................................................................................................10
1.1.2 La théorie économique islamique......................................................................................................11
1.1.3 Cinq principes fondamentaux..............................................................................................................12
1.1.4 Evolutions du modèle entre 1950 et 1990.......................................................................................14
1.2 DIFFERENCES FONDAMENTALES ENTRE LE SYSTEME BANCAIRE ISLAMIQUE ET CONVENTIONNEL......16
1.2.1 Les différentes fonctions d’une banque............................................................................................16
1.2.2 Les caractéristiquesd’une banque islamique face à une banque conventionnelle.........18
1.2.3 Les principaux produits financiers islamiques..............................................................................20
1.3 PLACE ET POIDS DE LA FINANCE ISLAMIQUE DEPUIS LES ANNEES 2000...................................................22
1.3.1 L’internationalisationde la Finance Islamique............................................................................22
1.3.2 Les principaux acteurs............................................................................................................................24
1.3.3 Risques et nouvelles problématiques................................................................................................26
2 LES MODELES ISLAMIQUE ET CONVENTIONNEL FACE A LA CRISE DE 2007-2008 .......... 28
2.1 LES CAUSES MAJEURES DE LA CRISE BANCAIRE ET FINANCIERE DE 2007-2008.....................................28
2.1.1 La dérégulation financière aux Etats-Unis depuis 1980...........................................................28
2.1.2 L’apparition des produits dérivés.......................................................................................................29
2.1.3 La bulle du marché Immobilier et son éclatement......................................................................30
2.2 ETUDE COMPARATIVE DES DEUX MODELES FACE A LA CRISE........................................................................31
2.2.1 L’éthiqueet la morale comme premiers remparts......................................................................32
2.2.2 Analyse des cours des indices S&P500, FTSE 100 et DJIM entre 2006 et 2010.................33
2.2.3 Test statistique...........................................................................................................................................36
2.2.4 Conclusion....................................................................................................................................................37
3 LES PERSPECTIVES DE LA FINANCE ISLAMIQUE.............................................................. 39
3.1 DE NOMBREUX DEFIS A RELEVER.......................................................................................................................39
3.1.1 Standardisation des produits et normalisation comptable......................................................39
3.1.2 Gestion du risque religieuxou de non-conformité.......................................................................41
3.1.3 L’arrivée de nouveaux acteurs.............................................................................................................42
3.2 L’INTEGRATION DU MODELE ISLAMIQUE EN OCCIDENT.................................................................................43
3.2.1 La stratégie actuelledes paysoccidentaux....................................................................................44
3.2.2 La place de Londres.................................................................................................................................44
3.2.3 Le paradoxe français...............................................................................................................................45
CONCLUSION ............................................................................................................................ 48
7. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
7
Introduction
Les principes fondamentaux de la Finance Islamique (F.I) reposant sur le droit
musulman sont encore méconnus du grand public. Pourtant, depuis quelques
années, son développement est constant, dépassant aujourd’hui très largement les
frontières des pays musulmans. (Jouaber-Snoussi 2012).1
D’après Hasan et al (2012), en plus de la demande croissante provenant des pays
islamiques, trois facteurs sont à l’origine de l’engouement récent pour la F.I. Tout
d’abord, de nombreux progrès ont été réalisés pour renforcer les aspects légaux et
réglementaires du modèle. De plus, les investisseurs dits conventionnels se tournent
davantage vers les produits issus de la F.I pour répondre à des stratégies de
diversification de portefeuilles. Enfin, l’industrie financière islamique a développé un
nombre important d’instruments qui correspondent aujourd’hui à la plupart des
besoins des investisseurs particuliers et institutionnels.2 Le « Glogal Islamic Finance
Report » (GIFR 2011) évalue la taille de l’industrie financière islamique dans le
monde en 2011 à 1.13 billions de dollars et prévoit une augmentation de 30% sur 9
ans pour arriver a 4.4 billions de dollars en 2020.
Qu’est ce que la Finance Islamique? Quelles sont les caractéristiques propres à ce
modèle? Quelles sont les principales différences entre le système financier islamique
et conventionnel? Quelle place occupe la F.I dans l’économie mondiale? Son modèle
lui a t-il permis de mieux résister à la crise financière de 2008? Comment la F.I est-
elle implantée en occident? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles
nous tenterons de répondre tout au long de cette analyse.
Il y a près de 5 ans, une crise financière sans précédent a plongé le secteur financier
dans le chaos. Cette crise semble avoir eu, en apparence, moins d’effets sur les
banques islamiques essentiellement grâce à un ensemble de règles applicables aux
relations économiques et au commerce regroupés dans cinq principes
fondamentaux : L’interdiction de l’usure (riba), le partage des profits et des pertes
1 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.3, Paris, La découverte
2 Hasan et al, 2012, in : The effects of the Global Crisis on Islamic Finance and Conventional Banks : A
Comparative Study, p .7, International Monetary Fund
8. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
8
(PPP), l’interdiction de l’incertitude « gharar » et de la spéculation, l’adossement de
tout investissement à un actif tangible et l’interdiction de certains produits et activités
(Jouaber-Snoussi 2012). 3
Pourtant, certaines études, comme celle de Korwowski (2010) dénoncent le fait
qu’en Malaisie par exemple, où la F.I et ses principes dominent, la méthode dite de
« floating mark-up » (instrument indexé sur le taux de la banque centrale) a été
autorisée en 2004 sur les prêts immobiliers soumis aux principes de la charia pour
rendre le système bancaire islamique plus compétitif face au modèle conventionnel.
D’autre part, Hasan et al (2012), démontrent que si le « business model » des
banques islamiques a en effet permis de limiter l’impact sur leur profitabilité en 2008,
des faiblesses en terme de gestion des risques dans certaines de ces banques ont
mené à une baisse d’autant plus forte de leur profitabilité en 2009.4
Beaucoup d’interrogations et de contradictions entourent donc la F.I considérée par
certains, surtout depuis la crise de 2007-2008, comme la troisième voie évidente
entre le capitalisme et le communisme et par d’autres comme un modèle archaïque
non adapté à une économie globalisée.
Mais à l’heure où la fiabilité du modèle bancaire occidental est sans cesse remise en
question, la F.I apporte, au milieu de cette tourmente, une vision éthique et
responsable de la finance. Ce modèle peut-il donc être une alternative tangible au
modèle conventionnel occidental tant critiqué pour son immoralité? En effet, les
scandales financiers à répétition depuis la crise de 2008 comme l’affaire Kerviel ou
encore la manipulation du taux LIBOR au Royaume Uni en juillet 2012, en ont
entaché davantage la réputation. De plus, Il est intéressant de faire remarquer que
les produits financiers qui ont en partie provoqué cette crise, appelés « produits
dérivés », sont considérés comme non conformes aux principes de la FI. En effet,
l’un de ses cinq principes fondamentaux interdit l’incertitude ainsi que la spéculation.
Néanmoins, bien qu’en terme de performance la F.I affiche aujourd’hui une
croissance à deux chiffres, ses principes restent méconnus. Il sera donc important,
3 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.7, Paris, La découverte
4 Hasan et al, 2012, in : The effects of the Global Crisis on Islamic Finance and Conventional Banks : A
Comparative Study, p .7, International Monetary Fund
9. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
9
dans un premier temps, d’en comprendre les fondements et les principes
fondamentaux. D’après Jouaber-Snoussi (2012) ainsi que Pastré et al (2006), la F.I
trouve ses origines dès l’avènement de l’Islam au VIIe siècle.5 Il ne sera cependant
pas question d’analyser l’évolution de la F.I à travers les âges. La majeure partie de
cette étude sera, après un rapide retour dans les années 50, consacrée à la place
qu’occupe la F.I dans le monde depuis les années 2000, point de départ de son
internationalisation. Nous comparerons ensuite ses mécanismes avec ceux de la
Finance Conventionnelle (F.C), puis les conséquences qu’a eue la crise financière
de 2008 sur ces deux modèles qu’en apparence tout oppose. Enfin, nous
analyserons la réception de la F.I en Occident avec un exemple concret, celui de la
France.
5 Pastré et al, 2006, in : La finance Islamique à la croisée des chemins, p.197, Revue d’Economie Financière
10. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
10
1 Le Modèle Financier Islamique et sa Place dans
l’Economie Mondiale
1.1 Fondements et principes de la Finance Islamique
L’islam repose sur un large corpus de règles, que l’on nomme la charia,
destinées à encadrer tous les aspects de la vie des hommes, y compris ceux
touchant à l’économie et à la finance. (Jouaber-Snoussi, 2012, la finance islamique,
p. 5)
La théorie économique sur laquelle est basée le système financier islamique (SFI)
est donc elle-même construite sur les principes et les règles de la charia. La
dimension religieuse est essentielle et doit toujours être prise en compte en abordant
ce sujet. Il paraît, de ce fait, nécessaire d’aborder quelques spécificités du droit
islamique pour mieux comprendre ce modèle et ses principes fondamentaux.
1.1.1 Le droit musulman
Le Coran et la Sunna sont considérés comme les bases essentielles du droit
musulman. Le premier constituant la base juridique du droit musulman et sa
première source. Le second englobe l’ensemble des enseignements du prophète.
Ces enseignements ont été recueillis par voie de transmission et constituent une
source importante dans l’élaboration des lois. Cependant, des ajustements et
développements peuvent être apportés à ces textes par le biais de l’ « ijtihad ». Ces
ajustements sont dus à l’arrivée de problématiques nouvelles relatives à l’évolution
de la société. Ces problématiques n’étant évidemment pas traitées dans les textes
du Coran et de la Sunna, des juristes que l’on nomme « muftis » sont chargés de
répondre à ces questions et de promulguer de nouvelles règles pour encadrer ces
pratiques modernes.6
6 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.8, Paris, La découverte
11. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
11
1.1.2 La théorie économique islamique
Selon Causse (2012), le système économique et social islamique dispose d’un
certain nombre de particularités. Dans le processus de compréhension et
d’apprentissage de la FI, c’est une étape essentielle que de se pencher sur celles-
ci.7 8
Tout d’abord, le principe de « lieutenance » ou de « gérance » des biens. En tant que
lieutenant de Dieu sur terre, un individu ne peut être le propriétaire absolu d’un bien.
Cette notion, pourtant pleinement intégrée et reconnue en Occident, n’existe pas
dans les pays musulmans. Le but du principe de non possession exclusive est
d’éviter l’accumulation de capital et le gaspillage de richesse.
Puis, la deuxième particularité réside dans le fait que le travail est le seul et unique
facteur de production méritant une rémunération. C’est un devoir et même une
nécessité. Les déterminants de la croissance économique sont l’effort et la recherche
continuelle du progrès.
Viennent ensuite l’esprit communautaire et la solidarité, communément perçus
comme la troisième particularité de la théorie économique islamique. À l’heure où
l’individualisme dans les sociétés occidentales est devenu l’une des composantes de
la vie économique et sociale, le collectivisme et l’entraide semblent prédominer dans
le monde musulman.
Enfin, nous pouvons citer la notion de neutralité du temps ainsi que la valeur
accordée à l’argent. Le temps est une création de Dieu et ne peut donc pas faire
l’objet d’une transaction commerciale. L’argent, quant à lui, n’a pas de valeur
intrinsèque et ne peut servir que de moyen d’échange pour obtenir un bien matériel.
Toutes ces spécificités se retrouvent clairement dans les cinq principes
fondamentaux de la F.I.
7 Causse, 2012, in : Le sort des banques islamiques : De la difficulté de satisfaire des objectifs multiples, p.
113, Paris, La Revue des Sciences de Gestion n°255-256 - Finance
8 Saïdane, 2011, La finance islamique à l’heure de la mondialisation, p. 47, Paris, Revue Banque Editions
12. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
12
1.1.3 Cinq principes fondamentaux
La Finance Islamique s’appuie sur un modèle libre d’intérêt. Cet instrument, véritable
pilier du mode de fonctionnement de la F.C, est remplacé par la nécessité d’adosser
toutes ses transactions à un actif tangible et d’en partager les profits et les pertes.
Elle (la Finance Islamique) regroupe toutes les techniques qui permettent de
mettre des fonds à la disposition d’un agent économique pour répondre à ses
besoins à court et à long terme, sans violer l’interdiction absolue de recevoir une
rémunération sous forme d’intérêt ni les autres principes fondamentaux édictés par le
droit musulman. (Jouaber-Snoussi, 2012, la finance islamique, p.3)
Ces cinq principes que nous allons développer dans ce chapitre sont au cœur de la
réussite du modèle financier islamique et en ont accompagné la croissance depuis
sa naissance. Néanmoins, avant d’analyser les spécificités de chacun de ces
principes, il apparait nécessaire de faire remarquer que l’islam se rapproche de
l’idéologie libérale en encourageant l’esprit entrepreneurial, la prise de risques et en
cautionnant le profit. Cependant, la F.I est régie par un certain nombre de règles
tirées des enseignements de la loi coranique regroupées dans les cinq principes
fondamentaux suivant. 9 10
1.1.3.1 L’interdiction de l’usure (riba):
Ce premier fondement est considéré comme le principe essentiel du modèle
financier islamique. Le terme « riba » peut être défini de la manière suivante :
Tout intérêt stipulé contractuellement, calculé préalablement sur la base du
capital initial prêté et du temps, convenu sans aucune relation avec les résultats
éventuels de l’opération financée. (Causse, 2012, Le sort des banques islamiques :
De la difficulté de satisfaire des objectifs multiples, p. 114)
Le rôle donné à la monnaie dans le système économique islamique est très
important pour comprendre ce premier fondement. Selon Yahya et al. (2012), les
principes de l’islam mettent l’accent sur le fait que la monnaie ne peut avoir la même
9 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.8, Paris, La découverte
10 Saïdane, 2011, La finance islamique à l’heure de la mondialisation, p. 45, Paris, Revue Banque Editions
13. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
13
valeur qu’une « denrée physique ». En effet, la monnaie n’a pas de valeur
intrinsèque et n’a pour seul but que de constituer une mesure de valeur en échange
d’une « denrée physique ». L’argent est donc improductif et ne peut générer des
revenus du fait de l’écoulement du temps. Les auteurs distinguent deux types de
riba : Riba An Nasiah et Riba Al Fadl. Le premier, fait référence à l’intérêt perçu sur
le capital prêté. Le second, couvre le domaine des transactions commerciales et
interdit l’obtention de biens de qualité supérieure en l’échange de biens de qualité
inferieure mais en plus grande quantité.11
1.1.3.2 Le partage des profits et des pertes (PPP)
Si l’intérêt est interdit, le prêt ne l’est pas et passe par un système de financement
alternatif conforme aux valeurs du système économique islamique appelé le partage
des profits et des pertes (le PPP) en conséquence de l’interdiction de l’intérêt. La
rémunération du préteur doit donc se faire en fonction des résultats du projet qu’il
finance. A l’échelle d’une banque, on peut illustrer ce principe en disant que les
dépositaires, la banque elle même et les emprunteurs partagent les risques et les
revenus liés aux projets financés par les dépôts.12
1.1.3.3 L’interdiction de l’incertitude et de la spéculation
Il est important de comprendre que la spéculation et la prise de risques sont deux
notions distinctes. L’islam, nous fait remarquer Jouaber-Snoussi (2012), encourage
cette prise de risques car en l’absence de taux d’intérêt, la rentabilité ne peut
s’acquérir que ce cette façon. En revanche, le « gharar » qui signifie la dissymétrie
dans les termes d’un contrat est interdit. Un commerçant se doit de présenter les
défauts potentiels de ses produits. Si un accord comporte une part de doute ou
d’incertitude, il n’est pas valable. De plus, il est interdit de vendre un bien que l’on ne
possède pas. Ce principe interdit donc, de fait, le recours aux produits dérivés tels
que les contrats « futures » et « swaps ».13
11 Yahya et al, 2012, in : Chinks in the capitalism system – the pertinance of islamic finance, p. 195, Journal
of International Business and Cultural Studies, Volume 7
12 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.8, Paris, La découverte
13 Causse, 2012, in : Le sort des banques islamiques : De la difficulté de satisfaire des objectifs multiples, p.
113, Paris, La Revue des Sciences de Gestion n°255-256 - Finance
14. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
14
1.1.3.4 L’adossement de l’investissement à un actif tangible
Ce principe rejoint les précédents sur le fait que l’argent ne peut constituer l’objet
d’un échange commercial. L’argent ne devient réel qu’après son association à une
autre ressource. Cela signifie que les transactions purement financières sont
prohibées. En revanche, dans l’achat d’un bien immobilier, la garantie de l’existence
du bien est clairement identifiée et peut, de fait, garantir sa traçabilité.
1.1.3.5 Les activités et produits illicites
Certains secteurs d’activité ou produits sont considérés comme « haram », par
opposition au terme « halal » signifiant licite. Il s’agit de l’alcool, de la viande de porc,
des armes, des jeux de hasard et de la pornographie. Certains contrats sont aussi
considérés comme répréhensibles d’un point de vue éthique et religieux. Il s’agit de
contrats comportant une condition suspensive ou encore le rachat à une personne
d’un bien qu’on lui avait déjà vendu. Cela permet d’éviter les litiges éventuels sur des
contrats complexes.14
1.1.4 Evolutions du modèle entre 1950 et 1990
Pastré et al (2006), Hasan et al (2012) mais aussi Jouaber-Snoussi (2012)
distinguent chronologiquement deux grandes étapes. Les années 1950-1970
constituent pour ces auteurs la véritable naissance de la F.I moderne tout en faisant
remarquer, que la F.I trouve ses origines dès l’avènement de l’Islam au VIIe siècle.
Le prophète, qui était commerçant, avait d’ores et déjà financé ses expéditions
commerciales selon le principe de partage des profits et des pertes, sans recours au
prêt et à l’intérêt.15 Néanmoins, c’est bien plus tard que cette forme de Finance s’est
développée et qu’un véritable système financier alternatif à la F.C et conforme à la
loi islamique basée sur les textes du Coran s’est créé. La seconde, de 1970 à 1990,
marque un réel tournant pour l’industrie financière islamique grâce à plusieurs
facteurs déterminants pour son évolution.
14 Causse, 2012, in : Le sort des banques islamiques : De la difficulté de satisfaire des objectifs multiples, p.
114, Paris, La Revue des Sciences de Gestion n°255-256 - Finance
15 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.10, Paris, La découverte
15. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
15
1.1.4.1 1950-1970 : Naissance de la Finance Islamique moderne
A cette époque, plusieurs circuits financiers islamiques sont apparus mais sous des
formes très différentes ce qui, selon Pastré et al (2006) illustrait déjà à l’époque
l’hétérogénéité du modèle entre les différents pays. Les principaux objectifs étaient
cependant les mêmes, à savoir réduire l’exclusion bancaire dans les pays
musulmans tout en respectant la loi coranique mais aussi et surtout, selon Causse
(2012) de retrouver une unité nationale à la fin de la période coloniale. Cela
s’inscrivait donc dans une démarche de recherche identitaire de la part des
musulmans de tous pays anciennement colonisés par les pays d’Occident.16
En Malaisie fut donc fondé le Pilgrim’s Administration & Fund (Tabung Haji) en 1956
et le Mit Ghamr en 1963 en Egypte. Le premier avait pour but d’investir avec le
capital récolté de petits épargnants dans des projets industriels, agricoles et de
construction. L’initiative était venue des pouvoirs publics malaisiens. En revanche, en
Egypte, le Mit Ghamr était une initiative privée et reposait sur de petites coopératives
d’épargne/investissement opérant dans le Nord du pays. Le but était d’assurer
l’intermédiation des ressources financières entre épargnants et petits investisseurs
locaux. Les résultats de ces premières expériences de banques islamiques ont été
mitigés car si certaines structures ont réussi à perdurer comme le Tabung Haji qui
deviendra quelques années plus tard comme le signale Jouaber-Snoussi (2012)
après sa fusion avec The Pilgrims Affair Office, le Pilgrims Management and Fund
Board, cela n’a pas été le cas des coopératives égyptiennes, disparues en 1967 et
pour d’autres structures telles que la BCCI (Bank of Credit and Commerce
International) liquidée en 1991.17
1.1.4.2 1970-1990 : Crédibilité et Croissance
La seconde période définie par Pastré & Gecheva (2006) mais aussi par d’autres
auteurs tels que Jouaber-Snoussi (2010) ou encore Yahya et al. (2012) s’étend de
1970 à 1990 et marque un véritable tournant pour la FI. Le modèle commence à
obtenir une crédibilité et à croitre exponentiellement grâce sans nul doute aux
revenus liés à l’exploitation du pétrole. La demande se popularise aussi bien d’un
16 Causse, 2012, in : Le sort des banques islamiques : De la difficulté de satisfaire des objectifs multiples, p.
116, Paris, La Revue des Sciences de Gestion n°255-256 - Finance
17Pastré et al, 2006, in : La finance Islamique à la croisée des chemins, p.200, Revue d’Economie Financière
16. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
16
point de vue social que géographique et ouvre donc la voie à l’innovation financière.
Les progrès réalisés vont permettre de faciliter l’élaboration de nouveaux produits
intégrant les exigences de la F.I et répondant à la demande croissante des pays
musulmans.
Cette période va aussi marquer le départ de l’industrie bancaire islamique avec la
création de nombreuses organisations ayant toutes pour but de promouvoir le
développement économique des pays musulmans selon les principes de la F.I. La
première de ces institutions, nous dit Jouabert-Snoussi (2012), fut la Banque
Islamique de Développement (IDB) créée en 1974 et basée en Arabie Saoudite.
Cette première pierre à l’édifice posée, le processus de création de structures
bancaires islamiques aux Emirats Arabes Unis va s’accélérer. En 1975, la première
banque islamique privée voit le jour à Dubaï suivie la même année par la Kuwait
Finance House et de la Bahrain Islamic Bank. L’association internationale des
banques islamiques sera quant à elle créée en 1977. On note que la Dubaï Islamic
Banque est aujourd’hui une banque internationale avec plus de 30 milliards de
dollars d’actifs sous gestion en 2012 selon le rapport annuel 2012 de la DIB.
Cette effervescence va conduire d’autres pays musulmans à prendre des mesures
politiques radicales dès 1979, date de la révolution iranienne. Le Pakistan par
exemple, déclare sa volonté de transformer tout son système financier en un
système entièrement islamique. Cette initiative sera, en 1983, imitée par le Soudan
et l’Iran mais avec moins de réussite.18
1.2 Différences fondamentales entre le système bancaire islamique et
conventionnel
1.2.1 Les différentes fonctions d’une banque
Avant de se pencher sur ce qui fait qu’une banque islamique est particulière dans
son fonctionnement, il est important de rappeler le rôle d’une banque en général.
Selon l’article L311-1 du code monétaire et financier français (Livre III, Titre 1er,
18 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.12, Paris, La découverte
17. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
17
Chapitre 1er, Section 1), une banque est un établissement autorisé par la loi à
assurer des opérations de banque c'est-à-dire la réception de fonds du public, les
opérations de crédit, ainsi que la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion de
moyens de paiement. L’article L301-2, quant à lui, stipule que les établissements de
crédit peuvent aussi effectuer des opérations connexes à leur activité telles que : 19
- les opérations de change
- les opérations sur l’or, métaux précieux et pièces
- Le placement, la souscription, l'achat, la gestion, la garde et la vente de
valeurs mobilières et de tout produit financier
- Le conseil et l'assistance en matière de gestion de patrimoine
- Le conseil et l'assistance en matière de gestion financière, l'ingénierie
financière et d'une manière générale tous les services destinés à faciliter la
création et le développement des entreprises, sous réserve des dispositions
législatives relatives à l'exercice illégal de certaines professions
- Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les
établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail
- Les services de paiement mentionnés au II de l'article L. 314-1
- L'émission et la gestion de monnaie électronique.
Selon la loi française, les banques sont donc en mesure de fournir l’ensemble des
services énoncés ci-dessus. Une banque « islamique » peut donc être assimilée à
cette définition car elle remplit avant tout une fonction d’intermédiation financière
comme n’importe qu’elle autre banque. La première et la plus évidente des
différences est la prise en compte par les institutions islamiques d’une dimension
morale et religieuse. C’est la raison pour laquelle son fonctionnement est si singulier.
19 Source : http://legifrance.gouv.fr consultation le 16 juillet 2013
18. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
18
1.2.2 Les caractéristiques d’une banque islamique face à une banque
conventionnelle
1.2.2.1 Le Sharia Board
Le premier élément frappant lorsque l’on observe l’organisation d’une banque
islamique comparé à une banque conventionnelle est la présence d’un conseil de
conformité à la charia. Cette assemblée est constituée d’au moins trois experts
indépendants en FI, on les appelle les « Shariah Scholars ». Ils ont pour rôle
principal de vérifier et de certifier les contrats et les transactions financières de la
banque. Tout nouveau produit doit être passé au crible afin d’éviter toutes possibilité
de non-conformité avec les cinq principes fondamentaux de la F.I (cf. supra 2.1.3)
car dans la pratique, même si les produits bancaires islamiques sont par essence
assez simples, leurs combinaisons modernes les rendent plus complexes et le
recours à une instance de contrôle est de ce fait indispensable.20
Cependant, l’indépendance de ces experts est critiquée car leur nomination étant
votée en Assemblée Générale, ils peuvent se retrouver en situation de conflit
d’intérêt car, représentant les intérêts des clients de la banque, ils peuvent se heurter
à ceux des actionnaires qui les ont nommés. Des problèmes se posent aussi par
rapport à la trop forte diversité des écoles juridiques islamiques, ce qui peut par
conséquent entrainer des divergences dans les interprétations des différents
conseils. Mais la présence dans plusieurs « board » de mêmes experts tend, selon
l’auteur, à résorber ce phénomène.21 (cf. Graph 1)
Graph 1 – Shariah Scholars les plus populaires22
20 Saïdane, 2011, La finance islamique à l’heure de la mondialisation, p. 71, Paris, Revue Banque Editions
21 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.36, Paris, La découverte
22 Ünal, 2011, in : The Small World os Islamic Finance : Shariah Scholars and Gouvernance – A Network
Analytic Perspective, v. 6.0, p. 4, Funds@Work, The Investment Industry’s Strategy Consultant
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
Nazim Yacoubi
Abdul Satar Abu Ghuddah
Mohammed Elgari
Abdul Aziz Al Qassar
AbdullahAl Manee'a
Nombre de Positions dans les Institutions Financières Islamiques
19. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
19
1.2.2.2 La structure comptable d’une banque islamique et d’une banque
conventionnelle
Le bilan d’une banque islamique présente aussi plusieurs spécificités face à celui
d’une banque conventionnelle aussi bien du coté Actif que Passif. (cf. Tableau 1)
Tableau 1 – Le Bilan schématique d’une Banque Islamique (cf. Annexe X pour
détail Actif/Passif)23
Actif Passif
Transactions adossées à des actifs
- Mourabaha
- Ijara
- Istisna
- Salam
Dépôts exigibles
- Qard Hassan
Transactions avec partage des profits et des pertes
- Moudharaba
- Moucharaka
Comptes d’investissement
- Moudharaba
- Moucharaka
Services bancaires payants
- Kifala
- Amana
- Wakala
Fonds propres
Coté ressources, les comptes-courants islamiques ne sont bien évidemment pas
rémunérés et prennent la forment de « qard hassan ». Les banques doivent, comme
les banques conventionnelles, garantir les dépôts de leurs clients. Les comptes
d’investissement représentent la première ressources d’une banque islamique dont
les capitaux sont apportés, la plupart du temps, par des investisseurs institutionnels.
Ces comptes sont communément appelés PSIA (Profit Sharing Investment
Accounts). Coté emplois, comme le fait remarquer Jouaber-Snoussi (2012), les
produits fondés sur le partage des profits et des pertes restent très peu nombreux.
L’auteur fait référence au fait que malgré la grande diversité de produits financier
islamiques, seulement quelques uns se sont réellement popularisés. Il partage, en
cela, l’opinion d’autres auteurs comme Pastré et al (2012). (cf. infra 2.2.3)
23 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.42, Paris, La découverte
20. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
20
1.2.3 Les principaux produits financiers islamiques
1.2.3.1 Le sukuk
Le sukuk est considéré comme le produit le plus développé de l’industrie bancaire
islamique et est à l’origine de sa croissance depuis sa première émission en 1990
par la compagnie Shell MDS en Malaisie pour un montant de 30 millions de dollars.24
Les sukuk sont des produits financiers adossés à des actifs tangibles ou à leur
usufruit, à échéance fixe, et qui engendrent des flux financiers permettant la
rémunération des porteurs de ces titres. (Jouaber-Snoussi, 2012, la finance
islamique, p. 95)
En d’autres termes, il s’agit d’une opération de titrisation ou chacun des titres
représente une part d’un actif réel sous-jacent et dont la vente ou l’achat permet, à
terme, de rembourser l’investisseur. Dans la pratique, d’après un rapport du
gestionnaire d’actifs Amundi en 2012, les sukuk en circulation sur le marché ne sont
pas toujours adossés à des actifs tangibles à proprement parler mais plutôt à des
droits de jouissance - et non des droits de propriété - sur les actifs sous-jacents
même si aux yeux de la Charia, ce droit de jouissance constitue un actif.
Graph 2 – Emissions de Sukuk entre 2005 et 201125
1.2.3.2 Les produits bancaires
24 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.15, Paris, La découverte
25 Mohieldin, 2012, in : Realizing the Potential of Islamic Finance, p. 3, World Bank - Economic Premise
0
20
40
60
80
100
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Emissions Globales de Sukuk (en milliards de $)
21. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
21
Pastré et al (2012) mettent, plus généralement, en avant la grande variété de
produits proposés par les banques islamiques et l’expliquent par l’hétérogénéité des
principes de la F.I en fonction des pays. Cependant, deux mécanismes, hors sukuk
qui ne sont pas des produits purement bancaires, sont considérés comme les
produits les plus utilisés en F.I. Il s’agit de la « Murabaha » et de la « Musharakah ».
Ils peuvent tout deux être grossièrement apparentés à deux modes de financement
issus de la finance dite conventionnelle : Celui du financement par la dette et du
financement en fonds propres (cf. Graph 3).26
Pastré et al (2006) définissent le premier de ces instruments par l’achat par un
créancier (la banque) d’un actif qui sera revendu par la suite à un débiteur
moyennant des paiements échelonnés sur une période déterminée. Les principales
différences avec un contrat de dette traditionnel est que le créditeur est au départ
propriétaire du bien que le débiteur souhaite acquérir et que « l’intérêt » versé se
caractérise sous la forme d’une commission correspondant à une majoration du prix
d’achat. Le second produit peut être assimilé à une « joint-venture ». Il illustre bien
un des cinq principes fondamentaux de la FI, celui du partage du profit et des pertes
du projet d’investissement. Ce partage s’effectue au prorata de leur participation
financière respective au projet. Pastré et al (2006) font aussi remarquer que la
Musharakah pourtant plus en lien avec la loi coranique reste moins utilisée que la
Murabaha.
Graph 3 - Principaux contrats d’une banque islamique et conventionnelle27
26 Pastré et al, 2006, in : La finance Islamique à la croisée des chemins, p. 198, Revue d’Economie
Financière
27 Hasan et al, 2012, in : The effects of the Global Crisis on Islamic Finance and Conventional Banks : A
Comparative Study, p. 38 , International Monetary Fund
Conventional Banks
Derivatives
Short-selling
Interest-based deposits
Interest-based loans
Credit Default Sw aps (CDS)
Profit Sharing
(Mudharabah Investment)
Profit Sharing investment
Account ( Mudharabah deposits)
Cost plus Sale
(Murabahah)
Defered delivery
(Salam)
Safekeeping
(Wadiah)
Joint venture
(Musharakah)
Leasing
(Ijarah)
Islamic Banks
22. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
22
1.3 Place et poids de la Finance Islamique depuis les années 2000
Jusqu’en 2000, le modèle financier islamique était observé par le monde de la F.C
mais il était perçu comme peu compétitif et trop exotique bien qu’affichant une
croissance soutenue. Cependant, une série d’événements va venir bousculer les
mentalités et donner à la F.I un nouveau statut.
1.3.1 L’internationalisation de la Finance Islamique
1.3.1.1 Une date charnière : Le 11 septembre 2001
Même si tous les développements postérieurs à cette date ne sont pas la
conséquence directe des événements du 11 septembre 2001, ils en constituent le
point de départ de l’accélération de la croissance de la FI. Trois facteurs peuvent
expliquer ce phénomène. 28 29
Premièrement, cela a provoqué chez les ressortissants des pays du Golfe une
crainte du gel de leurs avoirs qu’ils avaient déposés dans des pays étrangers. Un
rapatriement massif de capitaux a donc été observé. Deuxièmement, ce mouvement
a coïncidé avec une augmentation significative des prix du pétrole et de son volume
de production. Troisièmement, il y eu un gonflement de l’épargne des pays du
Proche-Orient après cet épisode. Ces trois facteurs jumelés ont donc formé une
masse importante de liquidités et poches d’épargne ayant contribué à
l’accroissement rapide de la F.I.
En effet, les chiffres de l’épargne et de l’investissement mondiaux en diminution forte
ne reflètent pas la situation des pays émergents qui au contraire épargnent de plus
en plus. La courbe de l’investissement, quant à elle, s’inverse dans le sens opposé.
Le statut des pays en voie de développement et des pays musulmans en particulier,
a fondamentalement changé en faisant passer ces pays du statut d’importateurs au
statut d’exportateurs grâce aux exploitations du pétrole sur leurs sols. Cela va leur
donner un poids supplémentaire sur la scène internationale.
28 Pastré et al, 2006, in : La finance Islamique à la croisée des chemins, p. 202, Revue d’Economie
Financière
29 Causse, 2012, in : Le sort des banques islamiques : De la difficulté de satisfaire des objectifs multiples, p.
116, Paris, La Revue des Sciences de Gestion n°255-256 - Finance
23. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
23
1.3.1.2 L’intérêt grandissant des pays d’Occident
A titre d’exemple, même s’il semble difficile de le chiffrer précisément, on estime que
le marché de la F.I est passé d’un peu plus de 120 milliards de dollars d’actifs en
2001 à plus de 1 130 milliards de dollars en 2011. (cf. Graph 4)
Graph 4 – Montant total d’actifs financiers islamiques dans le monde (en billions
de Dollars)30
Cette courbe exponentielle est le résultat, non seulement des facteurs mis en avant
dans la partie précédente, mais aussi d’une volonté d’internationaliser le modèle de
la part de certains pays musulmans et des banques occidentales qui, voyant la
croissance du système islamique rejoindre celle du système conventionnel, ouvrirent
des « fenêtres islamiques » en plus de leurs activités classiques. En effet, la
croissance des actifs sous gestion entre 2006 et 2010 fut de +24% pour les banques
islamiques et de +15% pour les banques conventionnelles.31 Nous n’oublions pas
l’impact de la crise financière de 2008 sur l’industrie conventionnelle sur laquelle
nous nous pencherons un peu plus tard dans l’analyse (cf. infra 3.1 et 3.2)
Le modèle va donc s’exporter rapidement à l’étranger à partir des années 2000, en
Grande-Bretagne et aux Etats-Unis en particulier. En 2004, voit le jour en Grande-
Bretagne l’Islamic Bank of Britain, première banque privée de détail, entièrement
30 Mohieldin, 2012, in : Realizing the Potential of Islamic Finance, p. 3, World Bank - Economic Premise
31 Mohieldin, 2012, in : Realizing the Potential of Islamic Finance, p. 3, World Bank - Economic Premise
24. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
24
islamique, du pays. C’est une avancée considérable dans la perception du modèle
islamique en Occident. Les sukuk vont aussi se développer massivement en
Occident et la première émission d’un sukuk par un pays non musulman va intervenir
en 2004 en Allemagne par le Lander de Saxe-Anhalt pour un montant de 100
millions d’euros. Par ailleurs, à partir de 2001 vont se créer de nouvelles
organisations nationales et internationales visant à harmoniser, à normaliser et à
développer le système financier islamique. (cf. Tableau 2)
Tableau 2 – Dates de création des principales associations, instances de
régulation et de notation 32
2001
Création de l’international Islamic Financial Market (IIFM) et du General Council for Islamic
Banks and Financial Institutions (CIBAFI)
2002
Création de l’Islamic Financial Services Board (IFSB), une agence chargée de produire des
normes en matière de régulation, de contrôle et de gouvernance pour les acteurs du système
financier islamique
2005
Création de l’Islamic International Rating Agency (IIRA), de l’IICRA (International Islamic
Center for Reconciliation and Arbitration)
Grâce à la création de ces différentes instances, la F.I gagne en maturité et en
crédibilité. La finance que l’on définit de « charia compliant » est vue désormais par
les banques occidentales comme un moyen alternatif pour investir et une nouvelle
façon de lever des fonds importants.
1.3.2 Les principaux acteurs
Tableau 3 – Taille de l’industrie financière islamique (en milliards de dollars)33
Country 2008 2009 2010
Iran 293 369 406
Arabie Saoudite 128 161 177
Malaisie 87 109 120
EAU 84 106 116
Koweït 68 85 94
Bahreïn 46 58 64
Qatar 28 35 38
UK 19 24 27
Turquie 16 18 22
Bangladesh 8 9 10
* Ce total comprend l’ensemble des pays détenteurs d’actifs islamiques et non la simple addition des dix
pays présents dans ce tableau.
32 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.15, Paris, La découverte
33 Dar, 2011 in : Global Islamic Finance Report, p. 35, London, BMM Islamic Publications
25. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
25
TOTAL GENERAL* 822 1 036 1 139
Bien que l’engouement pour cette forme de finance dépasse depuis une dizaine
d’années les frontières des pays musulmans, la demande domestique reste la plus
forte. Cinq pays sur les six que compte le CCG (Conseil de Coopération du Golfe) à
savoir l’Arabie Saoudite, le Koweït, le Bahreïn, le Qatar et les EAU, à l’exception
d’Oman, font partie des dix premiers détenteurs d’actifs islamiques au monde. Le
plus grand détenteur étant l’Iran et on remarque quand même dans ce classement la
présence du Royaume Uni, seul représentant occidental qui se place en huitième
position. La volonté de l’ancien premier ministre anglais M. Gordon Brown de faire de
Londres « le portail occidental et le centre mondial de la finance islamique » a donc
été respectée au regard de ce tableau.
Les produits financiers islamiques sont aujourd’hui disponibles dans au moins
soixante-dix pays. Le plus développé de ceux-ci, le sukuk est de plus en plus
populaire en occident mais est émis majoritairement et même quasi exclusivement
par des pays musulmans. Son évolution a connu quelques rebondissements lors de
la crise financière mais nous y reviendrons plus tard dans l’analyse (cf. infra 3.2). Ici,
intéressons nous aux pays émetteurs. La Malaisie en a émis plus de la moitié entre
1996 et 2010. Suivi par les EAU avec 16% d’émission sur cette même période. En
quinze ans, à eux deux, ils ont émis les trois-quarts des sukuk à travers le monde.
Graph 5 – Emissions cumulées de sukuk entre 1996 et 201034
34 Mohieldin, 2012, in : Realizing the Potential of Islamic Finance, p. 3, World Bank - Economic Premise
26. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
26
1.3.3 Risques et nouvelles problématiques
Si l’essor considérable qu’a connu la F.I lors de la dernière décennie a bien entendu
été bénéfique pour la croissance des pays musulmans, un certain nombre de
questions se sont posées au début des années 2000, en raison de cette évolution
très rapide. Le fait d’être plus exposée l’oblige à répondre à de nouvelles attentes
provenant de nouveaux acteurs et aussi à être plus rigoureuse et harmonieuse dans
son fonctionnement.
1.3.3.1 Problématiques internes
Une banque islamique est par définition exposée aux mêmes risques qu’une banque
traditionnelle. Cependant, des risques spécifiques viennent s’y ajouter. Le risque de
crédit par exemple y est plus présent. En raison de l’interdiction de l’intérêt et donc
de la non possibilité de rééchelonner les emprunts impayés par exemple, les
banques s’exposent fortement à ce risque.35 Viennent s’y ajouter, entre autres, le
risque de taux de référence, le risque d’investissement spécifique et le risque
religieux. Une gestion adaptée et innovatrice a donc besoin d’être mise en place pour
répondre à ces nouveaux risques bancaires et selon Jawadi (2012) le manque de
formation dans ce domaine est important.
1.3.3.2 Problématiques externes
35 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.63, Paris, La découverte
63%
16%
8%
4%
3%
2%
2% 1% 1%
Malaisie
EAU
Arabie Saoudite
Bahreïn
Indonésie
Autres
Qatar
Pakistan
Koweït
27. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
27
Tout d’abord, les institutions islamiques ont fait face à des problèmes d’image. Pour
certains intellectuels musulmans, la multiplication des banques et d’institutions
islamiques ne fut qu’une manière déguisée de vendre des produits financiers
classiques et les faire passer comme des produits respectueux des règles dictées
par la charia. D’autre part, en Occident, des rumeurs circulaient sur l’implication des
banques islamiques dans le financement du terrorisme et furent perçues comme des
banques réservées aux musulmans conservateurs.36
Enfin, on a reproché à la F.I son manque de transparence. Le niveau d’information
donné aux dépositaires/actionnaires apparut insuffisant. La complexité de certains
produits entraina un questionnement sur les risques rattachés à ces produits.
L’exposition au risque et sa gestion devint donc très compliqué. Cette difficulté fut
aussi liée à un autre problème, celui de l’uniformisation des produits. L’absence
d’autorité commune pour tous les pays musulmans eu pour conséquence d’isoler les
pays mais aussi les établissements au sein même d’un seul pays.37
36 Causse, 2012, in : Le sort des banques islamiques : De la difficulté de satisfaire des objectifs multiples, p.
117, Paris, La Revue des Sciences de Gestion n°255-256 - Finance
37 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p.63, Paris, La découverte
28. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
28
2 Les Modèles Islamique et Conventionnel face à la crise
de 2007-2008
Depuis le début de cette analyse, il a été question de cerner le système financier
islamique sur ses fondements, ses caractéristiques, et son évolution. Depuis deux
décennies, nous avons montré que sa croissance soutenue, son internationalisation
et sa dimension morale et éthique basée sur des principes respectueux de la charia
comme l’interdiction de recevoir un intérêt ou encore l’interdiction de la spéculation,
en ont fait un modèle théoriquement fiable.
Il est important maintenant de s’attarder sur les raisons qui poussent aujourd’hui les
économistes du monde entier à trouver une alternative au modèle financier
conventionnel, qualifié d’immoral, où l’intérêt personnel prime plus que jamais sur
l’intérêt collectif. La crise financière de 2008 en a bien sûr été l’élément déclencheur
au vue des conséquences qu’elle eut sur l’économie mondiale. L’objectif de ce
chapitre sera donc d’analyser les causes de cette crise et son impact sur les
modèles islamique et conventionnel afin de vérifier sa fiabilité réelle en tant
qu’alternative au modèle occidental.
2.1 Les causes majeures de la crise bancaire et financière de 2007-2008
Pour comprendre la crise financière la plus dramatique jamais traversée, il ne suffit
pas de remonter au mois de septembre 2008, date à laquelle la banque
d’investissement américaine Lehman Brothers et le plus grand assureur mondial
AIG se sont déclarés en état de faillite, entrainant l’industrie financière puis le monde
entier dans une récession globalisée sans précédent. Les causes de cette crise sont
bien plus profondes et il faut remonter au début des années 1980 aux Etats-Unis
pour en comprendre les différentes spécificités.
2.1.1 La dérégulation financière aux Etats-Unis depuis 1980
Après la grande dépression correspondant à la période allant du krak boursier de
1929 jusqu’à la seconde guerre mondiale, les Etats Unis connurent quarante ans de
29. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
29
croissance économique. Au début des années 1980, le secteur de la finance était
étroitement surveillé et régulé pour éviter un nouveau krak. Il était, entre autres,
interdit aux banques de spéculer avec l’épargne de leurs clients. Mais au cours de
cette décennie, plusieurs événements vont transformer l’industrie de la finance au
Etats-Unis et en faire au cours des années 1990, la plus puissante et influente des
industries au monde.38
Ferguson (2012) ainsi que (Buckley 2011) s’accordent à dire que le premier facteur
de changement fut la période de près de 30 ans de dérégulation financière
qu’entama le gouvernement de Ronald Reagan avec l’appui de puissants
économistes au début des années 1980. Cela a, entre autres, permis aux banques
ainsi qu’aux sociétés d’épargne et de crédit d’effectuer des investissements à risque
avec l’argent des dépositaires. Cet événement est considéré comme le plus
important facteur dans la transformation de la finance et l’un des principaux
responsables de la crise financière de 2008.
2.1.2 L’apparition des produits dérivés
Au début des années 1990, la dérégulation financière liée au progrès technologique
a créé des produits financiers extrêmement complexes connus sous le nom de
« dérivés ». Selon certains économistes, ils étaient sensé stabiliser les marchés mais
en réalité leur utilisation à outrance a contribué significativement à la catastrophe de
2008. Ces produits, non conformes aux principes de la F.I, se sont, effectivement,
développés à une vitesse exceptionnelle et en l’espace de dix ans, ont représenté un
marché non réglementé de plus de cinquante billions de dollars.39 Les banques ont
déplacé massivement leurs activités vers les produits dérivés qui leur ont permis
d’engranger un maximum de profit. Dans le même temps, des lobbies financiers très
puissants aux Etats-Unis ont fait en sorte que les produits dérivés restent non
règlementés.40
38 Ferguson, 2012, in : Inside Job, p. 43, Oxford, Oneworld Publications Limited
39 Ferguson, 2012, in : Inside Job, p. 28, Oxford, Oneworld Publications Limited
40 Buckley, 2011, in : Financial Crisis : Causes, Context and Consequences, Harlow, Pearson Education
Limited
30. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
30
2.1.3 La bulle du marché Immobilier et son éclatement
Au début des années 2000, une grande vague de titrisation d’actifs débuta aux Etats-
Unis. Les prêts immobiliers en ont fait partie comme beaucoup d’autres pour créer
des produits appelés Collateralized Debt Obligations (CDOs). Le principe était de
transférer le risque des prêts vers une tierce personne en mixant ces prêts les uns
avec les autres et en les revendant sous la forme de titres. De plus, les agences de
notations payées, comme le fait remarquer Ferguson (2012), par les banques
émettrices de CDOs, attribuaient à cette époque la meilleure note d’investissement
possible, « AAA », à ces produits. A partir de ce moment là, les prêteurs immobiliers
ne se sont plus souciés de la solvabilité de leur contrepartie et commencèrent à
accorder des prêts immobiliers de plus en plus risqués et en plus grande quantité.
Cela a contribué de manière significative à la croissance du marché immobilier aux
Etats-Unis dans un premier temps et à son effondrement dans un second. Les prêts
les plus risqués appelés « subprimes » augmentèrent radicalement entre 2002 et
2006 (cf. Figure 2) du fait de leur taux élevés. Entre 1996 et 2006, les prix des biens
immobiliers grimpèrent de près de 196%.
Graph 1 : Prêts « subprime » entre 2002 et 200641
Début 2008, les saisies immobilières se multiplièrent du fait de ces prêts abusifs.
Cela entraina, dans un premier temps, l’arrêt brutal de la chaine de titrisation et la
faillite de milliers d’entreprises spécialisées dans les prêts immobiliers. Est venu
ensuite, par conséquent, l’effondrement du marché des CDOs. Les banques
d’affaires qui avaient investi des sommes colossales dans ces produits se
41 Barth J. R. et al, 2009, in : The Rise and Fall of the U.S. Mortgage and Credit Markets : A Comprehensive
Analysis of the Meltdown, p. 12, Hoboken, John Wiley & Sons
0%
10%
20%
30%
2002 2003 2004 2005 2006
Prêts Subprimes
(% du total des prêts accordés)
31. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
31
retrouvèrent rapidement à ne plus pouvoir les vendre sur les marchés. Puis vint le
vendredi 12 septembre 2008. La banque d’affaires Lehman Brothers se déclara en
état de faillite et entraina le secteur des banques d’affaires dans sa chute. Ce fut
donc l’ensemble du système financier mondial qui fut menacé par cet évènement.
Les bourses du monde entier se sont mises à chuter par crainte d’une récession
mondialisée. Les plans de relance successifs et les renflouements des banques
émettrices de CDOs n’auront pas suffit à calmer les marchés et auront surtout couté
très cher aux contribuables dans tous les sens du terme.
Graph 2 – Cours de l’action Lehman Brothers (LEHLQ) depuis 2003 42
2.2 Etude comparative des deux modèles face à la crise
Après le coup de massue extraordinaire reçu par l’économie occidentale et la
paralysie qui s’ensuivit, le réveil fut très difficile et une fois les causes (cf. supra 3.1)
clairement établies, il fallut réfléchir à des alternatives pour faire évoluer les
mentalités et le fonctionnement d’un modèle basé exclusivement sur l’endettement.
Malheureusement, aujourd’hui, rien ne semble avoir changé et les mêmes questions
se posent encore et toujours. Dernier exemple en date, la crise de la dette
42 Source : http://www.nasdaq.com/quotes/nasdaq-100-stocks.aspx consultation le 23 août 2013
32. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
32
souveraine en Europe et les renflouements successifs de la Grèce, de l’Irlande, de
l’Espagne et de l’Italie. La F.I apparaît pourtant comme une évidence dans ses
principes mais cela doit se vérifier dans les faits. Une étude comparative est donc
nécessaire pour évaluer ses atouts et sa résistance effective en temps de crise.
2.2.1 L’éthique et la morale comme premiers remparts
Si il fallait résumer les causes de cette crise, nous citerions deux principaux facteurs.
Les produits dérivés et la spéculation à outrance. Autant de notions que la F.I bannit.
C’est la raison pour laquelle plusieurs auteurs prônent le recours au modèle
islamique comme alternative au modèle conventionnel. C’est le cas par exemple de
l’étude menée par Jawadi (2012) et d’Hamza et al (2012). D’autres auteurs comme
Karwowski (2010) pensent, en revanche, que faire de la F.I un modèle de référence
n’est pas une solution.
En théorie pourtant, le système financier islamique paraît tout à fait à même de
répondre aux problématiques et aux dérives du modèle traditionnel. Le fait de
rappeler que les prêts immobiliers « subprimes » ne sont pas reconnus comme
produits licites dans les principes de la F.I suffit à penser que la catastrophe aurait pu
être évitée si l’économie globale avait fonctionné de cette façon. En effet, tout crédit
repose sur un actif réel et la spéculation est interdite.43 Ces produits n’auraient, par
conséquent, pas pu être créés. En plus des critères financiers, les investisseurs
appliquant les principes de la F.I attachent aussi beaucoup d’importance aux critères
« extrafinanciers ». Un certain nombre d’industries sont donc proscrites comme
l’industrie du jeu, du tabac, de l’alcool, de l’armement mais aussi des entreprises à
fort levier d’endettement.44
Le rapport Dodd-Frank, publié en décembre 2009 par l’administration Obama, visant
à réformer la place de Wall Street en instaurant de nouvelles normes de stabilité
financière et en améliorant la transparence a même fait référence à la F.I dans
plusieurs de ses propositions en suggérant par exemple « une émission d’obligations
convertibles en actions dès la réalisation d’un risque systémique. Ainsi, l’obligataire
43 Causse, 2012, in : Le sort des banques islamiques : De la difficulté de satisfaire des objectifs multiples, p.
115, Paris, La Revue des Sciences de Gestion n°255-256 - Finance
44 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p. 59, Paris, La découverte
33. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
33
deviendrait actionnaire afin de partager le risque auquel est confronté l’émetteur »
(Jouaber-Snoussi, 2012, la finance islamique, p.19). En Europe aussi les principes
de la F.I vont être repris plusieurs fois par des économistes de renom. En tête,
Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie et haut responsable à l’ONU, qui présida en
2009 la commission d’experts sur la réforme du système monétaire et financier
international, attira l’attention de la communauté internationale sur les bienfaits que
pourrait avoir la théorie financière islamique sur l’économie mondiale.
2.2.2 Analyse des cours des indices S&P500, FTSE 100 et DJIM entre 2006 et
2010
L’indice de référence pour mesurer la performance de la F.I est le Dow Jones Islamic
Market Index (DJIM). Cet indice fut créé en 1999 au Royaume du Bahreïn et
regroupe aujourd’hui 95% des titres dits « sharia compliant » de 44 pays. 45
L’utilisation des deux autres indices (S&P500 et FTSE 100) pour compléter l’analyse
n’est pas le fruit du hasard. L’indice S&P500, considéré comme le meilleur indicateur
de performance du marché américain, est le plus à même de mettre en lumière les
turbulences survenues en 2008. De plus, la crise ayant débuté aux Etats-Unis, la
présence de cet indice dans cette analyse paraît indispensable. Le FTSE 100 ou
« Footsie 100 » est le principal indice britannique regroupant les cent entreprises les
mieux capitalisées et le principal indice européen.
Graph 1 - S&P500, FTSE 100 et DJIM entre 2006 et 201046
45 Source : http://www.djindexes.com/islamicmarket/ consultation le 18 août 2013
46 Source : https://www.google.com/finance?q=DJIM&ei=LW0YUpjODcOXwQPsVQ consultation le 24 août
2013
34. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
34
Le graphique ci-dessus met donc en relation directe ces trois indices par rapport à
leur performance en pourcentage sur une période donnée (2006 à 2010). La séance
de référence étant celle du 13 janvier 2006. Sur l’année 2006, les indices sont très
fortement corrélés avec une volatilité faible et une croissance sur le deuxième
semestre de près de 10% pour les trois indices. L’année 2007 marque le
détachement du DJIM par rapport aux indices américain et britannique en terme de
performance de marché avec un pic à +25% d’augmentation par rapport au point de
référence. Malgré une contraction de l’activité en fin d’année, l’écart va s’intensifier et
le DJIM finira 2006 à +20% alors que le S&P 500 et le FTSE 100 finiront à +5%. On
note que ces derniers ne retrouveront plus ce niveau avant la fin de l’année 2012.
En 2008, les bourses du monde entier s’effondrent, à commencer par les indices
américains et européens. En première ligne, le S&P 500 va accuser un recul de près
de 25% sur l’année par rapport à son niveau en janvier 2006 suivi de près par le
FTSE 100 qui finira l’exercice 2008 à -20%. Sur la même année, nous pouvons voir
que si le DJIM a finalement terminé l’exercice en net recul (-20%) sa chute a été plus
tardive, ce qui nous donne un premier élément de réponse quant à son implication
dans cette crise. En effet, en juillet 2008, le DJIM enregistrait encore une croissance
de 18% par rapport à 2006 quand les deux autres indices étaient déjà passés en
négatif. Les premiers mois de l’année 2009 furent encore placés sous le signe de la
chute des places boursières mondiales. Le S&P 500 enregistra un record à -45% sur
le point de référence en février avant de rebondir au même titre que les autres places
pour terminer l’exercice 2009 à -10%. L’indice DJIM, malgré sa chute, termina 2009
35. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
35
au dessus du point de référence à +5% mais fut, tout de même, bousculé en raison
des conséquences de la crise sur l’économie réelle. Les deux années suivantes,
2010 et 2011, ont montré une capacité de reprise bien plus forte du DJIM et une
performance au dessus des +20% rapidement retrouvée contrairement aux S&P500
et au FTSE 100, qui ont eu beaucoup plus de mal à retrouver un niveau de
croissance stable durant cette période.
36. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
36
2.2.3 Test statistique
Le test statistique des rentabilités boursières réalisé par Jawadi (2012) sur la période
de 2001 à 2009 et sur plusieurs indices dont les trois que nous avons étudié
précédemment, s’avère très utile et nous permet d’affiner notre analyse.
Tableau 1 - Statistiques descriptives : Test des rentabilités boursières47*
RE RR RFI RA RF
Moyenne -0,0013 -0,0010 -0,0007 -0,0010 0,0017
Max. 0,1135 0,1258 0,1114 0,1494 0 .1258
Min. -0,2008 -0,2363 -0,2526 -0,2434 -0,2363
Ecart-Type 0,0264 0,0272 0,0258 0,0370 0.0272
Skewness -1,2683 -1,4009 -1,9759 -0,7248 -1,4009
Kurtosis 12,851 18,652 20,656 8,8530 18,652
* RE, RR, RFI, RA, RF : Rentabilité des indices boursiers américain, britannique, de la FI, allemand et français
respectivement.
Pour rappel, le coefficient de Skewness mesure le degré de d’asymétrie de la
distribution d’une variable aléatoire réelle dans la théorie des probabilités et en
statistique. Dans le cas où le coefficient est égal à zéro, la distribution est
symétrique. Supérieur à zéro, la distribution est asymétrique vers la droite. Inférieur à
zéro, la distribution est asymétrique vers la gauche. Le coefficient de Kurtosis, lui,
correspond au coefficient d’aplatissement de la distribution. Un coefficient positif
signifie que la distribution est « pointue » et un coefficient négatif, que la distribution
est « écrasée ».
Il ressort de ce test trois éléments importants. Tout d’abord, en terme de rentabilité
nette sur la période, la F.I a la plus faible moyenne. La F.I étant considérée comme
moins rentable que la F.C car basée sur le long-terme, l’information paraît avoir du
sens. En comparant maintenant la volatilité des indices présents dans ce tableau par
les biais de l’écart-type, nous constatons que la F.I obtient la valeur la plus faible.
Cela illustre bien la plus faible exposition au risque des produits financiers islamiques
par rapport aux produits conventionnels en raison de l’interdiction de la spéculation.
Les coefficients de Skewness et Kurtosis semblent suivre la même tendance pour
tous les indices. Distribution asymétrique vers la droite et fortement pointue
47 Jawadi, 2012, in : La finance islamique est-elle à l’abri de la crise globalisée, p.128, La revue des sciences
de gestion n°255-256 –Finance
37. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
37
(leptokurtique). En ce qui concerne l’indice DJIM, son coefficient de Kurtosis est un
peu plus élevé que les autres tout comme son coefficient de Skewness.48 (cf. Graph
2).
Graph 2 – Représentation graphique de la distribution pour l’indice DJIM
Ces informations peuvent avoir une signification dans le cadre d’un investissement.
On se sert du coefficient de Skewness pour mesurer les pertes extrêmes (Skewness
négatif élevé) et les gains extrêmes (Skewness positif élevé). L’excédent de Kurtosis
traduit, quant à lui, un risque élevé pour l’investisseur. De ce fait, en appliquant ce
principe sur nos distributions, les résultats démontrent un danger pour l’investisseur
sur cette période dû à la crise financière de 2008.
2.2.4 Conclusion
A travers ces différentes analyses théoriques et empiriques, nous avons pu
démontrer une résistance plus forte du système financier islamique face au système
conventionnel. En revanche, il serait inapproprié de dire que la F.I n’a pas été
touchée par cette crise. Pendant la période 2008-2009, on a observé un net recul de
l’indice DJIM ainsi qu’une diminution de l’émission de sukuk et une diminution des
cours des fonds d’investissements.
48 48 Jawadi, 2012, in : La finance islamique est-elle à l’abri de la crise globalisée, p.127, La revue des
sciences de gestion n°255-256 –Finance
-2
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
-0.15 -0.1 -0.05 0 0.05 0.1 0.15
38. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
38
Le fait est que les institutions financières islamiques n’ont tout simplement pas été
affectées de la même manière que les institutions traditionnelles. L’effet a été différé
jusqu’à ce que l’économie réelle soit fatalement emportée par la vague. Le principal
champ d’action du modèle islamique étant basé sur l’économie réelle, il est normal
que le ralentissement, suivi de la récession observée dans les économies
occidentales, l’ait affecté. Cependant, plusieurs facteurs sont à l’origine du rebond
plus rapide du modèle islamique en 2010 :
L’absence d’opérations purement spéculatives et de produits porteurs
d’intérêts, celle des subprimes, la traçabilité des opérations adossées à des actifs
tangibles et le filtrage islamique, en plus des vertus des produits de partage des
risques. (Jouaber-Snoussi, 2012, la finance islamique, p.16)
De plus, les institutions islamiques sont d’avantage considérées comme de vrais
partenaires commerciaux du fait de ce principe de partage des risques, cela implique
une évaluation plus profonde de chaque demande de financement. La banque
accordant un financement se positionne aux côtés de ses emprunteurs dans les
mauvais jours pour assurer la pérennité de l’investissement. Le but étant de protéger
le système contre une chute du prix des actifs et empêcher les faillites en cascades
des emprunteurs.49
49 Mohieldin, 2012, in : Realizing the Potential of Islamic Finance, p. 2, World Bank - Economic Premise
39. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
39
3 Les perspectives de la Finance Islamique
3.1 De nombreux défis à relever
Bien que le potentiel de la F.I pour résoudre les problèmes d’éthique du système
financier conventionnel ait été jusqu’ici démontré, la F.I présente tout de même un
certain nombre de contraintes et d’imperfections qui devront être corrigées pour
pouvoir réellement prétendre à un rôle plus important dans les années à venir. En
plus des problématiques énoncées précédemment (cf. supra 2.3.3), le fait que ce
modèle soit encore très jeune sous sa forme moderne, un peu moins de soixante
ans, lui induit un caractère fragmenté. Aucune entité n’a encore assez de poids
internationalement pour coordonner cette industrie. De plus, en terme de
réglementation et d’homogénéité des normes comptables, la F.I a encore des
progrès à faire. Le chantier s’avère donc lourd et les défis, nombreux.
3.1.1 Standardisation des produits et normalisation comptable
C’est un élément primordial pour le développement de la F.I. Sans une homogénéité
parfaite des produits entre les pays et même entre les institutions financières
islamiques d’un même pays, ce modèle ne pourra pas s’installer sur le long terme
comme une alternative au modèle conventionnel sur la scène internationale.
« Il n’y aurait pas une finance conforme à la Charia, mais autant de finances
islamiques qu’il existerait de marchés locaux ».50 En revanche, lorsque l’on parle de
standardisation des produits, il ne s’agit pas d’empêcher la principe de diversification.
Cela n’aurait pas de sens à l’heure ou l’innovation financière en F.I est en plein
essor. Il s’agit plutôt de standardiser les caractéristiques techniques des produits. De
cet objectif dépend la fluidification du marché dans son ensemble.51 Par exemple, le
marché des sukuk, dont la croissance est impressionnante, aurait un réel besoin
d’être standardisé.
50 Laramée, 2008, in : La finance islamique à la française, p. 112, Paris, Secure Finance
51 Pastré et al, 2006, in : La finance Islamique à la croisée des chemins, p. 211, Revue d’Economie
Financière
40. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
40
D’unu point de vue comptable, les nombreuses études menées ces dernières
années ont démontré une hétérogénéité importante entre les pays et un besoin
urgent de standardiser les normes. C’est ce que reflète par exemple l’ « Accounting
for Islamic Financial Transactions and Entities » publiée en décembre 2011 par
l’Asian-Oceanian Standard-Setters Group.
Trois organismes nationaux et internationaux sont en charge de ce projet de
normalisation. Tout d’abord, l’IFSB (Islamic Financial Services Board), organisation
internationale chargée de favoriser et d’améliorer la solidité et la stabilité de
l’industrie des services financiers islamiques par l’émission de normes mondiales
ainsi que des principes directeurs pour le secteur de la banque, des marchés
financiers et de l’assurance. L’IFSB a été créée en 2002 et est basée à Kuala
Lumpur.52
L’ AAOIFI (Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial Institutions)
est, quant à elle, basée au Barheïn et a été établie en 1991. Cette organisation est
considérée comme le normalisateur comptable international de la F.I. En tant
qu’organisation internationale, sa mission principale est de définir les règles en
matière de finance islamique applicables à la comptabilité, l’audit, la gouvernance, la
déontologie et les règles de la charia applicables aux institutions financières
islamiques. Cette organisation compte plus de 200 membres répartis dans 45 pays
incluant des banques centrales et des institutions financières islamiques. L’AAOIFI
s’efforce de mettre en place des normes comptables pour répondre au besoin
d’uniformisation du modèle. Ces normes ont jusqu’ici été adoptées par le Royaume
du Bahreïn, le centre financier international de Dubaï, le Liban, la Jordanie, le Qatar,
le Soudan, et la Syrie. D’autres pays ont publié des recommandations basées sur
ces normes. Il s’agit de l’Australie, de l’Indonésie, du Pakistan, de la Malaisie, du
Royaume d’Arabie Saoudite.53
Le normalisateur de Malaisie joue aussi un rôle dans ce processus. En décembre
2011, le MASB (Malaysian Accounting Standards Board) a engagé une procédure
de normalisation comptable suivant les principes de la F.I par le biais de documents
52 Source : http://www.ifsb.org/background.php consultation le 20 août 2013
53 Source : http://www.aaoifi.com/aaoifi/TheOrganization/Overview/tabid/62/language/en-
US/Default.aspx consultation le 20 août 2013
41. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
41
consultatifs relatifs à un certain nombre de produits dont les sukuk et les contrats de
partage des bénéfices. Le but n’étant pas d’imposer ses propres normes mais plutôt
d’exposer son point de vue sur les problèmes comptables qui se posent et de
solliciter les instances internationales pour obtenir des réponses.54
À travers ces derniers paragraphes, nous constatons que les initiatives pour
remédier à ce problème déterminant pour le développement de la F.I à travers le
monde sont bien insuffisantes. Les pays concernés ont du mal à s’accorder sur la
marche à suivre et se contentent de publier des rapports et d’organiser des ateliers
sur le sujet sans faire de propositions concrètes susceptibles d’être approuvées
internationalement. Il peut, tout de même, y avoir une explication à cela nous fait
remarquer Laramée (2008). La F.I serait partisane d’une harmonisation « soft » par
des efforts collectifs provenant de différentes organisations. L’harmonisation « hard »
apparaît impossible car elle signifierait que celle-ci doive être pilotée par une seule
organisation suffisamment légitime pour faire converger les opinions et les pratiques
propres à chaque pays. Le problème étant que dans le monde musulman, il semble
difficile d’accorder cette « toute-puissance » en raison du caractère religieux des
décisions. Le manque d’harmonisation est donc une conséquence directe du second
défi pour le système financier islamique, à savoir, la définition du cadre institutionnel
(religieux).
3.1.2 Gestion du risque religieux ou de non-conformité
Si l’interprétation de la plupart des textes religieux est unanimement reconnue par les
différentes écoles de pensée musulmanes, les avis et les décisions peuvent parfois
varier sur un même questionnement juridique. Ces situations, même peu courantes,
peuvent retarder ou définitivement annihiler le lancement d’un nouveau produit sur le
marché.55
En effet, la plus grande place laissée à l’ « ijtihad » qui est, rappelons-le, l’effort de
réflexion des juristes musulmans pour répondre aux problématiques nouvelles
posées par les sociétés modernes, induit forcément une plus grande part
d’incertitude pouvant conduire à des divergences d’opinions selon les écoles et cela
54 Source : http://www.masb.org.my/ consultation le 20 août 2013
55 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p. 57, Paris, La découverte
42. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
42
peut se retrouver au sein même d’un comité de conformité à la charia dans une
banque. L’institution financière islamique qui conçoit un produit peut donc faire face à
ce risque de désaccord dans les interprétations du droit musulman contemporain et
se retrouver dans une impasse idéologique qui pourra potentiellement réduire
l’implantation géographique du dit produit. Jouaber-Snoussi (2012) prend l’exemple
du « Tawarruq », produit qui avait été adopté par les banques malaisiennes mais
refusé par la plupart des autres places financières islamiques mondiales. Les
banques sont donc en permanence dans l’expectative en redoutant une
« disqualification ex post » qui signifie qu’un produit peut être retiré du marché même
après avoir été implanté et reçu la bénédiction du « sharia board ». Cela peut avoir
des conséquences néfastes sur l’image de la banque et peut donc entraver sa
crédibilité face à ses clients. 56
Cela dit, la mixité au sein des comités de conformité à la charia qui tend à se
développer dans les banques islamiques semble, d’après Jouaber-Snoussi, atténuer
ce risque et favoriser les compromis. Cependant, « le recours à des services
extérieurs proposés par des organismes de conseil charia opère pour une
normalisation dans ce domaine. »57
3.1.3 L’arrivée de nouveaux acteurs
La F.I étant devenu un marché très attractif n’en finit plus, grâce à une rentabilité
maximale, d’attirer de nouveaux acteurs. On assiste à une multiplication des
banques islamiques principalement dans les pays du Golfe ainsi qu’en Asie
musulmane. Pour ne citer que quelques exemples, la banque saoudienne Bank
Albilad a atteint son seuil de rentabilité après seulement 18 mois d’activité. A Dubaï,
la Noor Islamic Bank dispose d’un capital d’entrée de 300 millions de dollars et à Abu
Dhabi, Al Hilal Bank est déjà en concurrence avec la très reconnue et établie Abu
Dhabi Islamic Bank.58
56 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p. 56, Paris, La découverte
57 Jouaber-Snoussi, 2012, in : La finance islamique, p. 56, Paris, La découverte
58 Laramée, 2008, in : La finance islamique à la française, p. 108, Paris, Secure Finance
43. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
43
Le deuxième défi pour la F.I est donc de limiter la réduction des marges que pourrait
provoquer l’arrivée de nouveaux acteurs par effet de cannibalisation. Cependant, il
semblerait à en croire les estimations de croissance du marché (+30% sur 9 ans),
que la concurrence ne pèse pas trop sur les rendements de l’industrie en général. De
plus, le fait que le segment des particuliers soit appelé à croitre démographiquement
de manière soutenue dans ces pays ne fera qu’augmenter la capacité du marché
bancaire islamique à résorber l’effet néfaste que la nouvelle concurrence pourrait
avoir sur les marges.59
Graph 1 – Taille des dix premières banques exclusivement islamiques en 201060
3.2 L’intégration du modèle islamique en Occident
La globalisation jumelée à la crise financière a plus que jamais instauré un
engouement particulier pour la F.I à travers le monde et particulièrement en Occident
toujours à la recherche d’un nouveau modèle plus éthique et plus responsable. Les
pays non-musulmans contribuent depuis des années à son développement.61
59 Laramée, 2008, in : La finance islamique à la française, p. 109, Paris, Secure Finance
60 Mohieldin, 2012, in : Realizing the Potential of Islamic Finance, p. 3, World Bank - Economic Premise
61 Saïdane, 2011, La finance islamique à l’heure de la mondialisation, p. 95, Paris, Revue Banque Editions
0.00 10.00 20.00 30.00 40.00 50.00 60.00
Al Rajhi Bank
Koweït Finance House
Dubaï Islamic Bank
Bank Rakyat
Abu Dhabi Islamic Bank
Al Baraka Banking Group
Maybank Islamic Berhad
Qatar Islamic Bank
CIMB Islamic Bank Berhad
BIMB Holdings
Classement par actifs sous gestion
(Mds de Dollars)
44. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
44
3.2.1 La stratégie actuelle des pays occidentaux
Saïdane (2011) analyse la F.I moderne du point de vue de la banque de détail (B.D)
et de la banque d’investissement (B.I). Concernant la BD, même si elle s’adresse
aussi aux non-musulmans, le potentiel de la F.I pour la population musulmane
mondiale est considérable. On estime aujourd’hui à 1,3 milliards le nombre de
musulmans dans le monde dont 13 millions en Europe et 5 millions en Amérique du
Nord. Pourtant, la demande reste non satisfaite en terme de produits bancaires
conformes à la charia dans beaucoup de pays. En ce qui concerne la BI, les revenus
pétroliers représentent une source financière importante pour la clientèle dite
« corporate ». Les fonds d’investissements Moyen-Orientaux sont donc à la
recherche de produits financiers respectueux de la charia pour placer leurs capitaux.
Pour le moment, en Occident, l’offre de produits financiers islamique se fait
majoritairement par voie d’outsourcing ou « fenêtres islamiques » comme l’ont
expérimenté plusieurs banques internationales comme HSBC, Deutsche Bank ou
Citigroup. C’est une véritable opportunité pour elles d’obtenir de nouvelles parts de
marché dans cette industrie florissante. Cela représente aussi un formidable outil
d’intégration pour les populations immigrées musulmanes.
3.2.2 La place de Londres
La Grande-Bretagne (G.B), à l’image de la City de Londres, est un cas à part en
Occident. Le pays est déjà opérationnel depuis plusieurs années avec, rappelons-le,
la création de l’Islamic Bank of Britain (IBB) en 2004. C’est l’une des rares structures
bancaires islamiques d’Europe et l’unique à proposer une offre aux particuliers. En
2011, la banque comptait plus de 40 000 clients et son capital s’élevait à 14 millions
de livres (16,2 millions d’euros). La stratégie de la G.B a toujours été d’assurer une
bancarisation maximale de sa population. La Financial Services Authority (FSA)
veille à ce que cette stratégie soit respectée aussi bien d’un point de vue « retail »
(B.D) que « wholesale » (B.I). Coté wholesale justement, le pays a vite compris que
les excédents de liquidité provenant des pays du Golfe allaient avoir besoin d’être
déposés et investis. En se positionnant rapidement sur ce marché, Londres a pu
attirer une partie de ces fonds sous la forme d’Investissement Direct à l’Etranger
(I.D.E) et d’investissement de portefeuille.
45. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
45
Londres s’est aussi sérieusement positionnée sur le marché des sukuk et plus
particulièrement des Euro-sukuk. Un grand nombre d’avantages compétitifs comme
la taille de son marché, sa notoriété internationale lui a permis de réfléchir à la
possibilité d’émettre un sukuk souverain britannique.62 Ce projet aurait dû voir le jour
une première fois en 2009 puis en 2011 mais les turbulences observées sur les
marchés financiers européens ont contraint le pays à abandonner cette idée de peur
que les attentes des investisseurs ne soient pas satisfaites. C’est malheureusement
un premier échec dans la stratégie d’expansion du marché de la F.I en G.B. Le projet
est cependant toujours d’actualité et les spécialistes s’accordent toujours pour dire
que cela constituerait une étape essentielle pour renforcer la percée du modèle en
Occident.
Le pays n’a pas hésité à faire évoluer ses lois et son cadre juridique pour permettre
un accueil favorable aux investisseurs musulmans. 63 Tout d’abord et en
conséquence du fait que « les montages financiers des banques islamiques
nécessitent plusieurs transferts et mutations », chaque transfert supposant une
taxation (stamp duty), « la juridiction britannique a supprimé cet effet de double
taxation sur les opérations de financement islamique. 64 De plus, les comptes
d’investissement de partage des profits (Profit-Sharing Investment Account ou PSIA)
ont fait l’objet d’une étude précise par la FSA et bénéficient donc aujourd’hui d’une
protection juridique au titre du régime de la garantie des dépôts des particuliers. En
revanche, les clients ont toujours le devoir moral d’absorber les pertes éventuelles.65
Tous ces avantages permettent aujourd’hui à Londres de faire office de portail
occidental pour la F.I et apparaît comme la candidate la plus sérieuse pour en
devenir le centre mondial.
3.2.3 Le paradoxe français
62 Laramée, 2008, in : La finance islamique à la française, p. 123, Paris, Secure Finance
63 Saïdane, 2011, La finance islamique à l’heure de la mondialisation, p. 105, Paris, Revue Banque Editions
64 Saïdane, 2011, La finance islamique à l’heure de la mondialisation, p. 105, Paris, Revue Banque Editions
65 Laramée, 2008, in : La finance islamique à la française, p. 123, Paris, Secure Finance
46. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
46
Contrairement à la Grande-Bretagne, le processus de réception de la F.I est plus lent
en France bien que le pays dispose d’un avantage compétitif certain par rapport aux
autres pays d’Europe. Sa proximité culturelle avec les pays musulmans pourrait
surement lui permettre de prétendre au leadership mondial en terme de F.I au prix
d’un petit nombre de réformes nous précise Saïdane (2011).
« Nous adapterons notre environnement juridique pour que la stabilité et
l’innovation de notre place puisse bénéficier à la Finance Islamique » (Christine
Lagarde, 02/07/2008)
Dans un contexte purement juridique, la France serait tout à fait compatible avec les
problématiques de la F.I. En terme d’aménagements fiscaux, Christine Lagarde,
alors Ministre des Finances, avait en 2008, proposé plusieurs mesures pour accueillir
la F.I en France. Premièrement, l’absence de prélèvement à la source des capitaux
étrangers redistribués à leurs actionnaires d’origine. Deuxièmement, la déductibilité
de la rémunération versée par le Sukuk et troisièmement, la neutralité fiscale sur les
opérations de Mourabaha (principe d’achat-revente à caractère non spéculatif). Ces
dernières ont par la suite fait l’objet d’instructions datées du 23 juillet 2010, relatives
au régime applicable sur les transactions de ces produits.
De plus, sur le marché français, une étude a été menée en 2011 sur le potentiel de la
B.D islamique en France. Près de 10% des musulmans résidant en France seraient
intéressés par les produits bancaires respectant la loi islamique. Le panel comprenait
530 individus de confession musulmane vivant en France et provenant de toutes les
catégories socio-professionnelles. Cela représenterait donc 600 000 individus si l’on
en croit les chiffres avancés par l’IFOP qui estime la population totale d’origine
musulmane à environ six millions d’individus en France en 2011. Les statistiques
ethniques n’étant pas autorisées en France, il ne s’agit que d’une vague estimation
mais si les chiffres peuvent être affiné, il n’en reste pas moins que les musulmans de
France constituent la grande communauté islamique du monde occidental. Le fort
potentiel de la France sur ce marché apparaît donc clairement. Roux (2012) met
aussi l’accent sur le fait que, généralement, la volonté de se conformer à sa religion
dans le processus est une manière d’affirmer son identité. La croissance annuelle de
15% des achats de produits « halal » en France, dont le chiffre d’affaires dépasse les
47. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
47
6 milliards d’euros en 2011 (le double du « bio ») illustre bien cette dynamique qui
pourrait peut être se retrouver dans la B.D islamique française.
Pourtant, une étude de la société de conseil Equinox Consulting dont les conclusions
ont été rendues publiques en 2010 et retranscrites par Roux (2012) montre que la
B.D islamique serait moins à même de trouver son positionnement en France que la
B.I. En effet, l’analyse estime que son potentiel en terme d’agences dans le pays se
situe entre 500 et 700 d’ici une quinzaine d’années sur les 39 000 agences que
compte l’ensemble des banques françaises. La véritable raison à cela pourrait
émerger des domaines politique et social plutôt que juridique et fiscal. En effet,
comme dit précédemment (cf. supra 2.3.3.2), la F.I souffre d’un important problème
d’image. Dans l’inconscient collectif, elle est encore trop souvent associée au
financement du terrorisme et non à un système alternatif pouvant répondre aux
problématiques d’ordre éthiques à la F.C . C’est donc plus sur le champ socio-
psychologique que devrait se poser la réflexion.66 Pastré et al (2008) confirment cette
analyse en insistant sur le fait que la France doit assumer son avantage comparatif
politique et géographique vis-à-vis des pays arabes et développer des structures
capables de canaliser l’épargne des musulmans résidant en France qui fait
malheureusement trop souvent le bonheur d’entreprises comme Fedex ou Western
Union.67
« Toutes les pistes de réflexion ne reviennent, pour la France, qu’à lui faire
assumer son histoire et assurer son avenir. » (Pastré et al, 2008, la finance islamique
à la croisée des chemins, p. 213)
66 Roux, 2012, in : Finance éthique, finance islamique : quelles convergences et potentialités de
développement dans la banque de détail française ?, p. 109, La revue des sciences de gestion, Direction de
Gestion n°255-256 - Finance
67
48. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
48
Conclusion
Les crises et scandales successifs observés dans le monde depuis près de dix ans
n’ont eu de cesse de remettre en question un modèle financier conventionnel
immoral basé sur une recherche de profit exacerbée au détriment de l’intérêt
collectif. Pourtant, en 2013, les réformes sont au point mort et les Etats préfèrent
renflouer les banques et même plus récemment certains pays avec, en définitive,
l’argent des contribuables plutôt que de s’attaquer au fond du problème : le retour de
l’éthique dans le système financier mondial.
Pour toutes les raisons évoquées au cours de cette analyse, les banques
conventionnelles ont totalement perdu le sens de leurs responsabilités vis-à-vis de
leurs clients. Le produit financier « Abacus » développé en 2007 par la banque
d’affaires américaine Goldman Sachs et destiné à spéculer sur l’effondrement des
produits type « subprime » que la banque, elle même, proposait à ses clients ou
encore la spéculation sur la dette Grecque (2011) et plus récemment Chypriote
(2012) son autant d’exemples qui soulignent l’urgence de trouver des alternatives
tangibles à ce système financier plus que jamais à la dérive.
Avec une croissance de 15% par an et un développement à la fois interne aux pays
respectant historiquement ses principes mais aussi en Occident, le modèle financier
islamique ne peut plus être ignoré et a d’ailleurs fait l’objet de beaucoup de
discussions et de travaux au cours de ces dernières années. Son système basé sur
le droit musulman s’oppose clairement au modèle conventionnel par cinq principes
fondamentaux, plus que jamais d’actualité, prenant racines au VII siècle :
l’interdiction de percevoir un intérêt par le simple écoulement du temps ; l’interdiction
de l’incertitude et de la spéculation ; le principe de partage des profits et des pertes
(PPP) ; l’adossement de toute transaction à un actif tangible et l’interdiction de
certains produits et activités comme le jeu, l’alcool ou le tabac.
D’un point de vue purement théorique, en se focalisant sur ses principes, ses
caractéristiques propres et son évolution, nous avons pu démontrer le potentiel dont
la F.I disposait face à la F.C, s’appuyant sur des principes moraux de partage et de
49. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
49
solidarité forts mais aussi en bannissant la plupart des produits issus de la
dérégulation financière occidentale et de la spéculation ayant causé la plus
dramatique des crises financières.
Le but de cette analyse était aussi de présenter les impacts de cette crise sur les
deux modèles en se basant sur des données empiriques. Une simple étude
théorique n’aurait évidemment pas suffi pour affirmer la viabilité du modèle islamique
face au modèle occidental. Les outils utilisés pour comparer le comportement des
deux systèmes face à la crise furent le test statistique de rentabilité boursière entre
2000 et 2009 à l’aide des données récoltées par Jawadi (2012) et la mise en relation
des courbes des principaux indices américains, européens et islamiques entre 2006
et 2012. Les résultats ont montré une meilleure résistance de la F.I malgré un recul
similaire de son indice de référence (DJIM) face aux indices américains et
européens. L’industrie financière islamique a plutôt été emportée par la deuxième
vague qui frappa de plein fouet l’économie réelle. Nous avons également observé un
rebond bien plus vif du modèle islamique en retrouvant son niveau de rentabilité pré-
crise en 2010. Depuis, sa croissance est constante autour de 15% chaque année et
elle affiche une stabilité convaincante face aux turbulences qui secouent les bourses
occidentales depuis 2008.
Il ne faut, en revanche, pas croire un seul instant que cette forme de finance pourrait
se substituer au modèle conventionnel. Rappelons que cette industrie est jeune et
encore fragile. Le montant des actifs sous gestion de ses banques, bien qu’en
perpétuelle augmentation, paraît dérisoire si nous le rapportons aux montants gérés
par les plus grandes banques occidentales. A titre d’exemple, Al Rahji Bank, la plus
importante banque entièrement islamique basée à Kuala Lumpur mais saoudienne
d’origine, gérait un peu moins de 50 milliards de dollars d’actifs en 2010 quand la
banque américaine JP Morgan avait sous gestion, à la même période, plus de 1 300
milliards de dollars.68 De plus, la F.I a encore beaucoup de chemin à faire en terme
de standardisation de ses produits et d’uniformisation de son industrie dans son
ensemble pour pouvoir évoluer à l’international. En effet, la détermination de son
cadre institutionnel semble être le principal défi à relever pour la F.I car de la création
68Source : https://www.jpmorganfunds.com/blobcontent/695/792/1268955532160_pr-lipper2011.pdf
consultation le 28 août 2013
50. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
50
d’une instance internationale faisant l’unanimité d’un point de vue « juridico-
religieux » découlera la résolution de la majorité des problèmes que la F.I rencontre
aujourd’hui.
Si le principe de substitution paraît impossible, la cohabitation ou même une sorte
d’absorption serait tout à fait possible mais la perception du modèle islamique en
Occident est encore floue. Si certains pays, comme la G.B, ont compris l’apport tant
idéologique qu’économique que pouvait apporter la F.I dans leur société, d’autres
comme la France en sont encore au stade de la réflexion quant à la place à donner à
cette forme de finance nouvelle qui, pour le moment, effraie plus qu’elle ne fascine.
En effet, le marché français constitue une véritable niche pour l’implantation de cette
industrie, la communauté musulmane réunie dans le pays étant la plus importante du
monde occidental. Cependant, la prise de position politique sur le sujet serait
susceptible de relancer une énième polémique sur la place de l’islam en France et
dans une période pour le moins difficile politiquement et économiquement, le
gouvernement français ne semble pas vouloir s’y risquer.
Enfin, sur le thème de la crise financière, l’éditorialiste du magazine Challenges,
Vincent Beaufils, titrait même en 2008 : « C’est plutôt le Coran qu’il faut relire » en
ajoutant que « si nos banquiers, avides de rentabilité sur fonds propres, avaient
respecté un tant soit peu les principes de la charia, nous n’en serions pas là ». Sans
tomber dans la caricature, il y aurait effectivement beaucoup à retenir dans ses
principes pour faire de la finance une industrie éthique et pour éviter qu’une
catastrophe comparable à celle de 2008 ne se reproduise.
51. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
51
BIBLIOGRAPHIE
Livres cités
Barth, J. R. et al (2009) The Rise and Fall of the U.S. Mortgage and Credit
Markets : A Comprehensive Analysis of the Meltdown, Hoboken : John Wiley
& Sons
Buckley, A. (2011) Financial Crisis : Causes, Context and Consequences,
Harlow : Pearson Education Limited
Ferguson, C. (2012) Inside Job, Oxford: Oneworld Publications Limited.
Jouabert-Snoussi, K. (2012) La finance islamique, Paris : La Découverte
Laramé, J. P. (2008) La finance islamique à la française : Un moteur pour
l'économie, une alternative éthique, Paris : Bruno Leprince
Saïdane, D. (2011) La finance islamique à l’heure de la mondialisation, Paris :
La Revue Banque
Articles de revue
Causse G. (2012) « Le sort des banques islamiques : De la difficulté de
satisfaire des objectifs multiples », La revue des sciences de gestion n°255-
256 –Finance, mai-août, pp. 111-121
Elhiri A. (2012) « L’innovation en ingénierie financière islamique », Revue
Scientifique du Centre de Recherches Juridiques, Economiques et Sociales,
Université Mohamed V, pp. 1-38
Hamza H. & Guermazi-Bouassida S. (2012) « Financement bancaire
islamique : une solution éthique à la crise financière », La revue des sciences
52. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
52
de gestion n°255-256 –Finance, mai-août, pp. 161-166
Jawadi F. (2012) « La finance islamique est-elle à l’abri de la crise
généralisée », La revue des sciences de gestion n°255-256 –Finance, mai-
août, pp. 123-132
Karwowski E. (2010) « Bringing Islamic Banking into the Mainstream is not an
Alternative to Conventional Finance », Journal of Financial Transformation,
vol. 30, pages 155-161
Mohieldin M. (2012) « Realizing the Potential of Islamic Finance », World
Bank - Economic Premise, issue 77, pp. 1-7
Pastré O., Gecheva K. (2006) « La Finance Islamique à la croisée des
chemins », Revue d’Economie Financière, pp. 197-213
Roux M. (2012) « Finance éthique, finance islamique : quelles convergences
et potentialités de développement dans la banque de détail française ? », La
revue des sciences de gestion n°255-256 –Finance, mai-août, pp. 103-109
Yahya M. H., Muhammad J., Abdullah A. and Nasir A. M. (2012) « Chinks in
the Capitalism System – The Pertinence of Islamic Finance », Journal of
International Business and Cultural Studies, Volume 7, pp. 192-206
Rapports consultés
AOSSG Working Group on Islamic Finance (2011), « Accounting for Islamic
Financial Transactionsand Entities », Asian-Oceanian Standard-Setters Group
Dar H. (2011) « Global Islamic Finance Report », London, BMM Islamic
Publications
Hasan M. & Dridi J. (2010) « The Effect of the Global Crisis on Islamic and
Conventional Banks: A Comparative Study », Monetary and Capital Markets
53. Constant Hameau Mémoire Master - EBS Paris 02 /09/2013
53
Department & Middle East and Central Asia Department, IMF Working Paper,
September 2010
Ünal M. (2011) « The Small World os Islamic Finance : Shariah Scholars and
Gouvernance – A Network Analytic Perspective, v. 6.0 », Funds@Work, The
Investment Industry’s Strategy Consultant