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École des hautes études en sciences de l'information et de la communication 
Université de Paris-Sorbonne (Paris IV) 
MASTER PROFESSIONNEL 
Mention : Information et Communication 
Spécialité et Option : Journalisme 
« Le “ off ” : processus d'évolution et impact des médias sociaux » 
Conséquences sur la pratique et le journalisme 
Préparé sous la direction de Madame le Professeur Véronique Richard 
Nom : Rose 
Prénom : Cyprien 
Promotion : MSJ 2013-2014 
Soutenu le : 28 novembre 2014 
Mention : 
Note du mémoire : /20 
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REMERCIEMENTS 
Je tiens à remercier particulièrement Madame le Professeur Véronique Richard, Ma-dame 
Anne Soetemondt et Monsieur Hervé Demailly qui m'ont accordé leur confiance 
et dispensé leurs conseils pour l'élaboration de ce mémoire. 
Je tiens également à remercier Madame Armelle Sainton pour sa patience, ses relec-tures 
et ses conseils qui m’ont beaucoup apporté. 
J'associe dans ces remerciements toutes les personnes qui, de quelque manière que 
ce soit, ont contribué à son achèvement. 
!3
TABLE DES MATIÈRES 
!4
Remerciements Page 03 
Introduction Page 07 
1ère partie Page 15 
L'utilisation du « off » en dehors du tumulte des médias sociaux 
A - Un outil journalistique Page 17 
1. Le « off » comme instrument de contextualisation Page 17 
2. Le « off » comme instrument d’anticipation Page 21 
B - La transgression Page 23 
1. Un classique : la déclaration de Rome Page 23 
2. Le libre-arbitre du journaliste : le couac de Florange Page 27 
C - La communication d'abord Page 28 
1. Instrumentalisation politique : Page 28 
Le service presse de Lionel Jospin 
2. Instrumentalisation maîtrisée et transgressions assumées : Page 30 
Nicolas Sarkozy, François Hollande 
Conclusion 1ère partie Page 36 
!5
2ème partie Page 38 
L'utilisation du off depuis l'explosion des médias sociaux 
A - Des différences culturelles du « off » Page 40 
1. Les différences Page 40 
2. Amenuisement des différences Page 43 
B - Twitter : entre « on » et « off » Page 46 
1. L’affaire DSK : un traitement « on » Page 46 
2. Twitter en « off » Page 48 
C - La guerre de la communication déclarée Page 54 
1. Les politiciens Page 54 
2. Les communicants Page 62 
Conclusion 2ème partie Page 64 
Conclusion Page 66 
Bibliographie Page 73 
Table des annexes Page 86 
Résumé Page 143 
Mots-cléfs Page 144 
!6
Introduction 
“ Je ne confie un secret que si on me fait la promesse de le répéter à tout le monde “ 
Oscar Wilde1 
« Le chef de l’Etat s’arrête. "On est d’accord c’est off, j’ai votre parole." Silence autour 
de la table. Il cherche l’assentiment. "C’est bien clair, c’est totalement off. C’est unique-ment 
pour nourrir vos analyses, vos livres…" Les journalistes hochent la tête. Et Sarkozy 
de faire l’apologie du off. "Pour connaître un homme politique, il faut savoir lui parler off. 
Un homme politique qui est creux en off, c’est qu’il est nul." De retour de l’hôtel, les jour-nalistes 
du Monde, de Libération, du Figaro et du Parisien se réunissent : que faire de 
ces confidences ?2 » 
Paru sur Internet en septembre 2013, à l’occasion des quarante ans du journal 
Libération, l’extrait de cet article de presse expose une variante du « off ». Nicolas Sar-kozy 
le sollicite lors d’un échange avec plusieurs journalistes, alors que dans l’usage, la 
pratique du « off » permet à un journaliste de recueillir de l’information auprès d’une 
source, en tête-à-tête, de manière discrète. Pour Jean-Baptiste Legavre « Le off est un 
“signal”, un “indice” » entre le journaliste et son informateur. Il est un “instrument d'anti-cipation” 
sur la conduite à venir3 ». 
Rares sont les journées où un « off » n’est pas mentionné dans la presse. Rubriqué, il 
fait parler de lui sur les chaînes de télévision et les stations de radio, mais aussi dans 
les journaux, sur le web et les réseaux sociaux. Les coulisses du pouvoir, et de la socié-té, 
sont quotidiennement analysées et commentées dans la presse, et des propos issus 
d’échanges liés par la confidentialité sont ainsi régulièrement exploités. 
1 O. Wilde, Les Ailes du paradoxe, Poche, 1996. 
2 « “On est d’accord, c’est off, j’ai votre parole…” 40 ans de fausses confidences : je vous le dis mais 
vous ne l’écrivez pas… », Liberation, [disponible en ligne], 30 septembre 2013. 
3 JB. LEGAVRE, « Off the record. Mode d'emploi d'un instrument de coordination ». Politix. Vol. 5, N°19. 
Troisième trimestre 1992. pp. 135-158, [disponible en ligne]. 
!7
Toutefois, l’évolution du « off » est pointée du doigt par certains journalistes, dans un 
article paru sur le site de Slate , Gilles Bridier s’indigne 4 littéralement : 
« La pratique du “off” a progressivement dévié. Elle devient, dans certains cercles, un 
mode de communication pratiqué pour créer du buzz, détourner l’attention des médias 
et capter celle des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs en “enfumant” la presse.5 » 
Lors d’un sujet consacré au « off » pour l'émission Média, le magazine, Françoise De-gois6 
alors journaliste pour France Inter, évoque également cette notion « 
d’enfumage ». Elle deviendra ensuite conseillère auprès de Ségolène Royale. Selon 
Gilles Bridier, l’évolution de la pratique s’inscrit dans une dynamique dommageable 
pour la profession de journaliste : à défaut d’être à leur service, la corporation serait 
malmenée par les communicants. Le contexte historique dans lequel paraît cet article 
est particulièrement significatif, la France s'apprête alors à élire son 24ème président de 
la République et, de tout part, les services de communication sont plus que mobilisés. 
Quelques mois plus tôt, Benjamin Sportouch publiait « L'affaire DSK et les réseaux so-ciaux 
ont tué le off » sur le site Internet de L’Express7. Dans son article le journaliste 
évoque les idées développées par Gilles Bridier : « Le off permet aussi de faire passer 
des messages, quitte à les démentir si leur effet est trop important ou trop en décalage 
avec celui escompté », mais il parle également d’un fait encore plus récent, l'impact du 
contexte numérique sur l’évolution de la pratique, désormais mise à mal par les réseaux 
sociaux et plus particulièrement par les médias sociaux, fruits du web 2.0 : 
4 G. BRIDIER, « Journalisme : Les ravages du “off” », Slate, [disponible en ligne], 5 février 2012. 
5 Ibid. 
6 « Le "off", un "mal nécessaire" du journalisme ? », Média, le magazine, France 5, [disponible en ligne], 
22 janvier 2009. 
7 B. SPORTOUCH, « L'affaire DSK et les réseaux sociaux ont tué le off ». L’Express, [disponible en ligne] 
3 août 2011. 
!8
« Aussitôt entendu, aussitôt twitté ! "Le off est mort", juge même - en off bien entendu ! - 
le conseiller d'un ministre, qui “en fait beaucoup moins" et le regrette, parce que "ça 
permet aussi de décrypter une déclaration publique ou d'en donner le contexte"8 ». 
À l’échelle de l’histoire de la presse, le phénomène des médias sociaux est récent. Fa-cebook 
et Twitter, respectivement créés en 2004 et 2006, sont pratiquement absents de 
la campagne présidentielle de 2007. Et les rares détenteurs d‘un compte Twitter ac-cueillent 
la version Française à la fin de l’année 2009 seulement. À l’époque de la paru-tion 
de l’article de Benjamin Sportouch, l’expansion fulgurante des réseaux sociaux 
bouleverse déjà la vie de millions d’internautes dans le monde. Derrière leurs ordina-teurs 
et leurs smartphones, les utilisateurs créent du contenu en ligne bien sûr, mais ils 
participent comme jamais à la diffusion et à la propagation de l’information à travers leur 
réseau. Auparavant jamais autant de contenu n’avait été aussi rapidement et facilement 
accessible à tous. 
Problématique 
Dans ce contexte en mouvement, entre communication numérique en pleine ef-fervescence 
et stratégies de communication, le « Off The Record » traverse probable-ment 
la plus forte remise en cause de son usage depuis l’avènement de la presse. Ce 
qui nous amène à nous poser la question suivante : quelles peuvent être les consé-quences 
de l’évolution du « off », sublimée par le succès des médias sociaux, au regard 
de la pratique et du journalisme ? 
8 B. SPORTOUCH, art. cit., p. 6 
!9
Méthodologie 
À partir de cette problématique nous tenterons une analyse approfondie de la 
situation, à la lumière d’un corpus constitué de plusieurs matières. 
Dans un premier temps, une quinzaine d’entretiens semi-directifs, étalés sur une pé-riode 
de plusieurs mois, depuis mars 2014, ont majoritairement été menés auprès de 
journalistes dont les activités couvrent l’ensemble des supports de presse. Les per-sonnes 
interrogées lors de ces entretiens sont ici classées par ordre alphabétique. Ade-line 
Bruzat, diplômée de l’IUT de Tours en 2009 (Licence Professionnelle en Journa-lisme) 
; elle exerce actuellement en presse écrite à Leipzig, en Allemagne. Alain Duha-mel, 
journaliste politique et essayiste ; il est membre de l’académie des sciences mo-rales 
et politiques, et éditorialiste pour la station de radio RTL. Jean-Marc Four, direc-teur 
de la rédaction de France Culture lors de l’entretien pour cette recherche ; il dirige 
désormais la rédaction de France Inter. Florent Guignard, chef du service politique pour 
RFI. Franck Lagier, journaliste reporter pour Le Populaire du Centre à Limoges ; il est 
également correspondant pour Le Parisien / Aujourd’hui en France. Sylvain Lapoix, 
journaliste indépendant (politique et écologie). Gaël Legras, journaliste pour La Nou-velle 
Édition de Canal Plus. Hervé Liffran, journaliste pour Le Canard Enchaîné. Nicolas 
Ropert, journaliste correspondant ; auparavant correspondant à Kaboul, il couvre dé-sormais 
l’actualité d’Israel et de la Palestine pour les médias RFI, Radio France, BFM 
TV, RTS, Radio Canada, RTBF, Le Parisien, et M6. Ivan Valério, journaliste politique 
pour Le Scan chez Le Figaro, également formateur pour le CELSA, l’IFP, le CFPJ, et 
l’ESJ-Pro. Andrew Wolfe, américain, intervenant au CELSA ; aux USA il était journaliste 
spécialisé dans les faits divers. 
Nous avons également interrogé Arnaud Mercier, Professeur en Sciences de l’informa-tion 
et de la communication à l’Université de Lorraine. Ses thèmes de recherche sont : 
« sociologie du journalisme », « communication politique », « traitement médiatique », « 
guerre et médias » et « usage des réseaux sociaux ». Il est également responsable du 
!10
Master « Journalisme et médias numériques », et du projet de recherche pluridiscipli-naire 
portée par le CREM9 : « OBSWEB10». 
Enfin, deux derniers entretiens ont été réalisés avec deux personnalités politiques. Le 
traitement de ces informations se fera sous la forme d’une mise en abyme de notre su-jet 
de recherche. Ces deux élus ont accepté de voir leurs propos traités dans ce travail 
à la seule condition que leurs noms ne soient pas cités. Cette participation se fera donc 
sous le sceau du « off ». 
La mise en abyme de notre sujet de recherche sera double puisque nous avons égale-ment 
élaboré un questionnaire11 anonyme par la mise en place d’un formulaire en ligne 
dans une application dédiée de Google Drive. Il s’agit d’une enquête sur le « off », des-tinée 
à l’ensemble des personnes dont l’activité peut être liée à cette pratique. Au mo-ment 
où nous rédigeons ce travail cent cinquante personnes, majoritairement des jour-nalistes, 
y ont contribué. 
Des recherches sur le web ont bien entendu permis de compléter le corpus. Elles se 
divisent en deux catégories. Tout d’abord la recherche régulière et ciblée de documents 
en français et en anglais (articles, liens audio et vidéo), ainsi que l’utilisation de moteurs 
de recherche appropriés à Twitter, comme Topsy et Twinitor. La seconde existe via la 
mise en place de veilles appropriées. Une première veille s’inscrit dans l’enclenchement 
d’un service d’alertes mails quotidiennes utilisant les termes « off the record », « en off 
», « réseaux sociaux » et « médias sociaux », privilégiant la remontée d’articles en 
langue française. La seconde veille consiste en la création de « Widgets » sur la plate-forme 
Twitter, utilisant les mots-clés : « offtherecord » et « EnOff », afin de faire remon-ter 
tous les tweets consacrés à notre recherche. Il s’agit de tweets bruts, mais aussi de 
9 CREM : centre de recherche sur les médiations, [disponible en ligne]. 
10 OBSWEB : observatoire du webjournalisme, [disponible en ligne]. 
11 Enquête en ligne (annexe II.) 
!11
tweets comprenant des liens vers des articles web ou vers d’autres liens, audio ou vi-déo. 
Une bibliographie, qui se compose essentiellement de livres écrits par des journalistes, 
vient également éclairer notre problématique. 
Pour l’ensemble de ce corpus nous procéderons à l’analyse de discours. L’analyse de 
contenus de l’enquête en ligne nous permettra également de repérer des points de si-militude 
et de divergence entre les utilisateurs, dans leur usage de la pratique. 
Afin de répondre à la problématique, nous avons opté pour un plan en deux parties. La 
première consiste à présenter l'utilisation du « off » en dehors du phénomène des mé-dias 
sociaux. Il s’agira de décrire les rapports entre le journaliste et ses sources, et de 
comprendre les intérêts de chacun dans l’utilisation du « off ». À partir de l’article12 de 
Gilles Bridier, nous croiserons différents exemples de traitements du « off » avec les 
expériences des personnes sollicitées dans nos entretiens et dans notre enquête, ainsi 
qu’avec différents écrits sur le sujet. Plusieurs visages de la classe politico-médiatique 
seront alors mis en exergue afin de contextualiser la pratique et ses dérives dans les 
médias. Peut-on envisager que l’évolution du « off » conditionne le rôle du journaliste ? 
La seconde partie s’inscrit dans la même lignée en s’intéressant dans un premier temps 
aux différences culturelles du « off ». Nous aborderons ensuite l’évolution de la pratique 
depuis l’explosion des médias sociaux. À partir de l’article « L'affaire DSK et les réseaux 
sociaux ont tué le “off”13 » de Benjamin Sportouch, nous tenterons de comprendre 
comment les médias sociaux bouleversent le traitement de l’information. D’autres 
exemples nous permettront d’analyser la place du « off » et de ses transgressions sur 
ces nouveaux médias. Nous verrons également comment les politiques et les commu-nicants 
s’approprient ce nouvel environnement médiatique, et comment la presse se 
12 art. cit., G. BRIDIER, p. 6. 
13 art. cit., B. SPORTOUCH, p. 6. 
!12
positionne face aux stratégies de communication. Nous nous pencherons donc sur le 
rôle du journaliste 2.0. En quoi ces outils bouleversent-ils l’usage du « off », et 
amènent-ils la profession de journaliste à évoluer ? 
Mais avant tout, qu’entend-on par la pratique du « off » ? 
Lorsqu’un journaliste recueille de l’information auprès d’une source, soit les propos ne 
sont pas confidentiels, soit ils le sont. Dans le premier cas le journaliste peut travailler 
son sujet et identifier sa source. Le cas contraire suppose l’inverse, mais ce n’est pas si 
simple et tous les utilisateurs n’appréhendent pas la règle de la même manière. 
Selon Ivan Valério il s’agit de « raconter sans le mettre dans sa bouche14 », soit trans-mettre 
l’information sans en fournir sa source. Cela implique de revenir sur la règle des 
cinq W15 anglo-saxons (who?, what?, when?, where?, why?) en écartant de son travail 
le “qui” des “quoi”, “quand”, “où”, et “pourquoi”. Une autre méthode consiste à « ne pas 
le raconter, mais d’essayer de gratter ailleurs pour qu'on nous le dise dans une autre 
bouche. C'est vraiment un outil (...) qui nous sert à travailler16 », reconnaît Ivan Valério. 
Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’une source sollicite le « off » qu’un journaliste le res-pectera 
; et lorsqu’il s’agit de domaines sensibles aucun des protagonistes n’a réelle-ment 
besoin de préciser que c’est « off », c’est une évidence. Jean-Baptiste Legavre 
précise qu’une bonne utilisation de la pratique suppose de la situer dans un système 
d’échanges entre le journaliste et sa source. Selon lui, la confiance serait le principe ré-gulateur 
des pratiques. Le « off » suppose donc un certain confinement de la confiden-tialité. 
14 Entretien avec I. VALERIO (annexe I. 10. a.) 
15 E. NEVEU, Sociologie du journalisme, collection repères, p.65 
16 Entretien avec I. VALERIO (annexe I. 10. a.) 
!13
Lorsqu’on s'intéresse aux origines du « off », chacun s’accorde à dire qu’il n’a pas at-tendu 
la naissance de la presse pour exister. « On se doute bien qu'avant il y avait déjà 
des gens qui disaient : "on me dit que (...) mais je ne peux pas te dire qui m'a dit ça » 
nous dit Hervé Liffran, « ça doit exister depuis la nuit des temps, depuis cro-magnon17 
». L’hypothèse sollicite alors l'imaginaire ; les racines profondes du « off » pourraient 
trouver leurs sources dans l’apparition du langage articulé il y a de cela plus de deux 
millions d’années, se développant avec l’évolution du langage, elle-même liée à celle de 
l’écriture et de la syntaxe. Selon Alain Duhamel, le « off » dans le journalisme existe 
depuis « Théophraste Renaudot, depuis qu'il y a les premières gazettes18 19», et il est 
« consubstantiel à l'existence de la presse20 ». Le « off » dans la presse est un pro-blème 
éthique et professionnel, semblable à la notion de discrétion dans la vie privée, il 
permet de se poser ces mêmes questions : « Doit-on tout dire ? Est-ce que tout doit 
être transparent, et qui décide de la fin de la transparence ?21 ». 
17 Entretien avec H. LIFFRAN (annexe I. 8. a.) 
18 La Gazette est un périodique créé en 1631, le plus ancien des journaux publiés en France. 
19 Entretien avec A. DUHAMEL (annexe I. 2. a.) 
20 Ibid. 
21 Entretien avec A. DUHAMEL (annexe I. 2. b.) 
!14
Première partie 
L'utilisation du « off » en dehors du tumulte des médias sociaux 
!15
!16
Dans cette première partie nous nous intéresserons au traitement du « off » en 
dehors de l’explosion des médias sociaux. Tout d’abord nous verrons comment le « off 
» est un instrument qui permet d'appréhender un contexte, mais également d'anticiper 
les actions à venir. Avec l’exemple de la déclaration de Rome de Georges Pompidou, 
nous verrons comment la notion de transgression fait son apparition dans le paysage 
politico-médiatique. Afin de comprendre l'évolution des transgressions, nous aborderons 
d’autres exemples de « off » liés à des personnalités politiques. Ces situations seront 
croisées avec l’analyse de notre enquête et l’expérience des personnes interrogées lors 
de nos entretiens, ainsi que le témoignage de deux hommes politiques qui, dans le 
cadre de notre mise en abyme du sujet, partageront en « off » leur usage de la pratique. 
A - Un outil journalistique 
1. Le « off » comme instrument de contextualisation 
“ Il n'y a rien de si secret qui ne soit révélé dans le temps ” 
Proverbe latin22 
Nous avons créé une enquête en ligne dans le but de récolter davantage d’info-rmations 
sur le « off », et plus particulièrement sur son usage. Nous avons élaboré un 
questionnaire anonyme par le biais d’une application dédiée de Google Drive. Les jour-nalistes 
étant largement majoritaires parmi les participants, uniquement les données les 
concernant ont été exploitées. Une fois opérationnel, le formulaire a été envoyé à plu-sieurs 
rédactions nationales et régionales. Il a également été posté sur Internet par le 
biais de sites liés à la presse et sur des pages appropriées de réseaux sociaux. À ce 
jour 150 personnes ont participé à ce travail. Le choix des réponses est parfois multiple 
et les participants ne sont pas obligés de répondre à tout, ce qui explique que l’on 
puisse dépasser ou ne pas atteindre les 100% dans certaines réponses. Nous n’utilise-rons 
donc certains résultats qu’à titre indicatif. 
22 Proverbe latin ; OEuvre : Proverbia latina (1908) 
!17
! 
La première utilité du « off » est d’apporter plus de profondeur aux sujets sur lesquels le 
journaliste travaille, notamment dans l’univers de la politique. Selon Ivan Valério, le « off 
» occupe une place importante en politique, les informations recueillies par ce biais sont 
autant de pistes sur « des dossiers en cours de travail dont on ne peut pas tout livrer 
mais dont nous sommes demandeurs d'un certain nombre de renseignements23 ». Les 
participants à notre enquête pensent aussi que le « off » permet de comprendre le 
contexte général des affaires et des coulisses. Il leur permet d'instaurer une relation de 
confiance avec leurs interlocuteurs, notamment lorsqu’il s’agit d’expliquer ou de nuan-cer 
un propos « on » (par opposition au « off »), c’est aussi « parfois la version sous-ti-trée24 
» nous dit un journaliste. 
Certains journalistes confirment l’utilité du « off » dans le fait d'accroître leurs connais-sances 
d’un contexte : « Ça peut donner du background25, et être utilisé pour nourrir de 
futurs papiers26 ». C’est le cas de Nicolas Ropert, lorsqu’il était à Kaboul il s’est consti-tué 
son réseau militaire : « Il y a les mecs avec qui tu crées des affinités (...) et qui te 
disent : "la ligne officielle c'est ça, mais dans les faits c'est plus ça" (...) Tu ne peux pas 
le citer (...) et pour toi c'est vachement intéressant (...) ça peut te servir pour du “back- 
23 Entretien avec I. VALERIO (annexe I. 10. b.) 
24 Commentaire anonyme, enquête en ligne (annexe II. 3. c.) 
25 Mot anglais qui signifie arrière-plan, contexte. 
26 Commentaire anonyme, enquête en ligne (annexe II. 3. c.) 
!18
ground” ou pour poser la bonne question plus tard à la hiérarchie 27 ». En 2012 un kami-kaze 
tue cinq soldats. « L'armée avait comme consigne officielle de ne pas communi-quer, 
zéro com, ni à Paris, ni à Kaboul28 ». Des sources afghanes livrent l’information 
« on », et dès que l'AFP sort l'information les médias avec qui il collabore l’appellent, 
car il s’agit de soldats français. Pour alimenter ses directs sur les chaînes d'info en 
continu et sur les radios, le journaliste contacte le chargé de communication du Quai 
d’Orsay afin d’avoir des informations officielles sur le contexte de l’attaque et le nombre 
de victimes. : 
« Le mec me disait : "Nicolas, je t'ai vu sur BFM, ce que tu racontes ce n'est pas vrai" et 
je lui répondais : "Mais dis-moi ce qui n'est pas vrai” et il me disait : “Non je ne peux pas 
te le dire", et l'on jouait au jeu du ni oui ni non. “Est-ce que c'était sur une route ? - Oui 
c'était sur une route. - Est-ce que c'est sur un marché ? - Non ce n'est pas un marché” le 
mec ne disait rien mais nous permettait de corriger la version pour s'approcher au plus 
près de la vérité29 ». 
Lors de l’un de nos entretiens, Adeline Bruzat nous parle d’une expérience avec un 
jeune Syrien qui collecte des médicaments, des couvertures, des vêtements, et de 
l’argent pour aider les gens sur place. Elle écrit un article sur la préparation de son pé-riple 
en voiture jusqu'à Alep. Il s’agit d’un travail fait de « off », donc pour ne pas briser 
la confiance qu’il lui accorde elle n’exploite pas certaines informations, ce que ne font 
pas un journaliste indépendant et un photographe, originaires de Berlin. Ils persuadent 
le jeune Syrien de l’accompagner jusqu'à la frontière turque et se servent des informa-tions 
recueillies durant ce voyage pour rendre leur sujet plus attractif. « Ils ont utilisé 
jusqu'à la somme d'argent sur lui et des informations sur sa petite amie30 ». Sur place, 
le jeune Syrien est identifié et passé à tabac. À part Adeline Bruzat, il ne souhaite plus 
27 Entretien avec N. ROPERT (annexe I. 9. a.) 
28 Entretien avec N. ROPERT (annexe I. 9. b.) 
29 Entretien avec N. ROPERT (annexe I. 9. c.) 
30 Entretien avec A. BRUZAT (annexe I. 1. d.) 
!19
du tout entendre parler de journalistes. D’ailleurs, lorsqu’il a des informations à trans-mettre, 
il ne passe désormais que par cette journaliste qui revendique l’éthique profes-sionnelle. 
Cet exemple confirme qu’une confiance réciproque pérennise la relation entre le journa-liste 
et sa source. La confiance est nécessaire au journaliste dans la fabrication de son 
réseau de fournisseurs d'informations. Par ailleurs, une relation de confiance, assez 
longue, conforte le journaliste dans la fiabilité des informations reçues. Il y en a même 
parmi les informateurs qui partagent leur analyse sur les situations et les phénomènes 
de société, nous dit Franck Lagier . Les journalistes abordent le « off 31 » d’un point de 
vue professionnel et déontologique, mais un homme de pouvoir peut parfois avoir sa 
propre conception du « off », il faut alors faire preuve de prudence nous dit un journa-liste 
dans notre enquête en ligne : 
« J'ai eu à interviewer Bernard Tapie qui m'a expliqué la chose suivante. C'est "on" 
quand c'est bon pour moi, c'est "off" quand c'est mauvais. Et il ajoutait moi je pratique le 
on/off. En clair débrouilles-toi avec ce micmac32 ». 
Dans le cadre de la mise en abyme de notre sujet, “Jacques”, homme politique élu dans 
le département de l'Isère nous dit qu’il donne du « off » à France Bleu Isère, sous forme 
de conversations avec les journalistes. « C'est des potes et ils ont toujours bien fait leur 
boulot (...) Ils ne me citent pas mais chacun repart avec son analyse33 ». Il estime que la 
PQR34 de son secteur est mauvaise, « un véritable torchon35 ». Leur contact est un peu 
tendu, particulièrement avec une de leurs journalistes « qui nous dézingue à tout va. Il 
31 Entretien avec F. LAGIER (annexe I. 5. a.) 
32 Commentaire anonyme, enquête en ligne (annexe II, 5.) 
33 Entretien avec “JACQUES” (annexe I. 14. a.) 
34 PQR : presse quotidienne régionale 
35 Entretien avec “JACQUES” (annexe I. 14. a.) 
!20
n'est donc pas question de faire du “off” avec elle ». En revanche 36 il informe Le Pos-tillon37. 
« C'est un peu notre petit Canard Enchaîné à nous (...) du coup lorsqu'il se 
passe un truc intolérable, je lui envoie un mail anonyme, enfin il sait que c'est moi38 ». 
Ainsi, le rapport entre les sources et la presse dépend également de l’image que les in-formateurs 
se font de cette dernière. Des personnes, y compris les politiques, vont plus 
facilement parler à certains journaux qu'à d'autres, et de préférence des titres proches 
de leurs idées. Christian Jacob39, par exemple, n'est pas du genre à parler au Canard, il 
parlera plutôt au Figaro40, nous dit Hervé Liffran. 
2. Le « off » comme instrument d’anticipation 
“ La confiance n'exclut pas le contrôle ” 
Vladimir Lénine41 
Dans les commentaires de l’enquête, les participants abordent également le côté 
“boîte à outils” du journaliste en évoquant son “réseau” : « Le travail d'un journaliste dé-pend 
aussi de son carnet d'adresses, et pas de carnet sans un travail éthique. Le “off” 
appartient à cette éthique42 ». Entre 2002 et 2006 Jean-Marc Four est envoyé spécial 
permanent à Londres pour Radio France. En juillet 2005 des attentats frappent Londres 
: 
36 Entretien avec “JACQUES” (annexe I. 14. a.) 
37 Presse locale critique sur Grenoble, [disponible en ligne]. 
38 Entretien avec “JACQUES” (annexe I. 14. b.) 
39 C. JACOB, né le 4 décembre 1959 est un homme politique français, UMP. 
40 Entretien avec H. LIFFRAN (annexe I. 8. b.) 
41 V. LENIN, communiste, Homme d'état, Homme politique, Révolutionnaire (1870 - 1924) 
42 Commentaire anonyme, enquête en ligne (annexe II. 7.) 
!21
« On n’a pas compris immédiatement que c'était des attentats parce que d'abord on a 
eu comme information que le métro était à l'arrêt, ce qui à Londres peut arriver pour des 
motifs ayant peu de choses à voir avec un attentat, des feuilles sur les voies par 
exemple (...) Une source, dont je tairai évidemment le nom, mais dont je sais qu'elle est 
fiable et très bien informée auprès des services de sécurité britanniques, m'a appelé ; ce 
n'est même pas moi qui ai appelé ! Il m'a appelé pour me dire : “Jean-Marc ce sont des 
attentats”43 ». 
Sa source lui explique le contexte et lui demande de ne rien diffuser « le temps que cela 
devienne public44 ». Nous constatons dans cet exemple que grâce à son réseau, et 
dans des situations sensibles, le journaliste peut anticiper le travail à venir : « J'ai appe-lé 
la rédaction en chef de France Inter et de France Info à Paris pour leur dire "c'est des 
attentats, vous pouvez d'ores et déjà mettre deux ou trois reporters dans l'Eurostar 
parce que ça va chauffer. On ne peut pas encore le dire à l'antenne mais d'ici la fin de la 
matinée à mon avis on pourra le dire” ; et c'est ce qui s'est produit45 ». 
Si le « off » permet au journaliste d’anticiper son travail dans le temps présent, cela lui 
permet aussi d’anticiper sur les évènements à plus long terme. Il y a une dizaine 
d’années, une source de Franck Lagier lui indique qu’un membre de l’ETA est arrêté en 
Charente46, et lui signale qu'ils seraient nombreux en Limousin. Malgré quelques doutes 
de la part de ses collègues et de sa hiérarchie, le journaliste fait confiance à son infor-mateur 
et insiste pour écrire sur le sujet. Le journaliste évoque le fait que sa source a 
du recul face aux évènements et qu’il travaille depuis un certain nombre d’années avec 
lui. Depuis cet épisode, il y a eu de nombreuses arrestations, dix ans durant, à raison 
de deux par an. Franck Lagier évoque un autre fait, lorsqu’en 2003 un engin explosif est 
43 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. b.) 
44 Ibid. 
45 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. c.) 
46 Entretien avec F. LAGIER (annexe I. 5. b.) 
!22
retrouvé en Limousin, un acte revendiqué par le groupe terroriste AZF47. L’information 
« off » est brisée par un journaliste de la Dépêche du Midi, pour qui le fait que seul le 
pouvoir dispose de certaines informations liées à la sécurité de tous est une injustice 
qui doit être réparée sans aucun délai. Le contact de Franck Lagier lui a dit : 
« Je trouve ça dégueulasse qu'un colonel de gendarmerie ait la possibilité, parce-qu'il a 
l'info, de ne pas envoyer son propre enfant dans les trains parce-qu'il sait qu'il y a des 
risques d'explosion, alors que le mec qui est ouvrier envoie son fils à une mort pro-bable48 
». 
Ici, le journaliste anticipe sur un évènement qui aurait pu potentiellement avoir lieu, se-lon 
lui. Ainsi le journaliste se permet une incursion en tant que citoyen, estimant que le 
bon sens l’emporte sur le secret. 
B - La transgression 
1. Un classique : la déclaration de Rome 
“ Pour le couteau, il n'y a point de secret à l'intérieur de l'igname ” 
Proverbe béninois49 
Dans la mesure où il débute sa carrière en 1963 comme chroniqueur pour le 
journal Le Monde, il nous semble légitime de solliciter les souvenirs d’Alain Duhamel, 
l’un des rares spécialistes en activité à pouvoir nous parler d’une période sur plus de 
cinquante ans. Selon lui, c’est à la fin des années soixante que l’on commence à en-tendre 
parler du « off ». 
47 AZF : nom ayant signé plusieurs menaces d'attentats contre le réseau ferroviaire de la SNCF à partir 
du 11 décembre 2003 (avec une demande de rançon de 4 millions d'euros et de 1 million de dollars US). 
48 Entretien avec F. LAGIER (annexe I. 5.d.) 
49 Proverbe béninois ; OEuvre : Proverbes et dictons béninois (1992) 
!23
« La déclaration de Rome de Georges Pompidou laissant entendre qu'il serait candidat 
si le Général De Gaulle ne se présentait pas. Cela avait fait une histoire terrible. C'était 
une transgression du off déjà, bien sûr !50 » 
Le 17 janvier 1969 Georges Pompidou est en déplacement à Rome. À son hôtel, il re-çoit 
plusieurs journalistes français, et lorsque l’un d’eux demande s’il sera un jour can-didat 
à la présidence de la république, l’ancien Premier ministre répond que s’il y avait 
une élection un jour il le serait certainement, mais il précise que De Gaulle est toujours 
le chef de l’Etat. Seulement, une dépêche AFP51 ne reprend pas ses dires mot pour mot 
: « Ce n’est, je crois, un mystère pour personne que je serai candidat à la présidence de 
la République lorsqu’il y en aura une. Mais je ne suis pas pressé52 ». Nous constatons 
que, par respect pour le président en place, le premier ministre utilise un timide condi-tionnel 
alors que l’affirmation rapportée par le journaliste est de nature offensive. La 
subtilité disparaît et laisse place à l’affront. Dès le lendemain de cette rencontre avec 
les journalistes, Pompidou comprend qu’à Paris ses propos enflamment la classe politi-co- 
médiatique quand, au téléphone, Pierre Charpy ne lui cache pas que les journaux 
souhaitent en parler, et que Paris-Presse53 à l’intention d’en faire sa une. 
« À Paris, monsieur le Premier ministre, lui dit-il, votre déclaration de candidature à 
l’Élysée a fait sensation, pouvez-vous me dire ce qui vous a décidé ? - Comment ça ? 
J’ai déclaré ma candidature, moi ?54 » 
50 Entretien avec A. DUHAMEL (annexe I. 2. c.) 
51 AFP: Agence France Presse 
52 C. DELPORTE, La France dans les yeux: Une histoire de la communication politique de 1930 à nos 
jours, Paris, Flammarion, [disponible en ligne], 2007. 
53 Paris-Presse, quotidien français édité à Paris de 1944 à 1970. 
54 H. GIDEL, Les Pompidou, Paris, Flammarion, [disponible en ligne], 2014. 
!24
Le journaliste à l’origine de l’émotion suscitée par ces propos est correspondant pour 
l’AFP. Robert Mangin, qui semble-t-il « haïssait de Gaulle », traite 55 cette déclaration 
comme s’il s’agit d’un évènement sensationnel alors que Pompidou n’imagine pas dire 
quelque chose de nouveau. À cette époque l’ancien Premier ministre appartient au 
cercle restreint des présidentiables. Jacques Chirac estime qu’il n’y a, dans cette an-nonce, 
rien de choquant qui puisse être mal interprété : « Qui peut sérieusement douter 
que Georges Pompidou aura, un jour ou l’autre, un destin national ?56 ». Si le journaliste 
décide de traiter cette déclaration à sa façon, qu’en est-il de ses confrères ? Pour Pa-trick 
Girard cette déclaration « est si banale qu’ils ne se donnent pas la peine de la rele-ver. 
Contrairement à leur confrère qui a le sentiment de tenir un scoop57 ». La confi-dence 
de Pompidou n’en est pas totalement une, d’autant plus que tirée d’un « off » col-lectif, 
elle n’est traitée que par un seul journaliste à priori hostile à de Gaulle. Robert 
Mangin est à l’origine d’une transgression sémantique. En effet, lorsque avec ses mots 
il fait dire à Pompidou « mais je ne suis pas pressé », le lecteur visualise la fin du man-dat 
de De Gaulle, ce qui est pris comme un manque flagrant de respect. Cet évènement 
contribue ainsi à la mésentente entre De Gaulle et Pompidou. Cette célèbre transgres-sion 
participe manifestement à une évolution de la pratique du « off » dans la presse. 
Une autre particularité de cette transgression, c’est que Pompidou a face à lui plusieurs 
journalistes au lieu d’un, ce qui sort du cadre d’un face-à-face confidentiel entre un 
journaliste et son informateur. Il semble cependant que ces moments sont loin d’être 
inhabituels. « Des petits déjeuners ou des déjeuners » “collégiaux” entre un politique et 
plusieurs journalistes sont choses communes, écrit Benjamin Sportouch, qui précise 
que « c'est à table que les journalistes glanent le plus de off ». Les journalistes poli-tiques 
se regroupent « par six au maximum » car « à plusieurs, il est plus facile de dé-crocher 
un rendez-vous ». Cet aspect du « off » est également abordé par Ivan Valério 
lors de nos entretiens. 
55 P-M. DE LA GORCE, Charles de Gaulle: 1945-1970, Paris, Poche, [disponible en ligne], 2008. 
56 J. CHIRAC, Chaque pas doit être un but: Mémoires, Volume 1, Paris, NIL, [disponible en ligne], 2009. 
57 P. GIRARD, La République des coups bas: 50 ans de trahisons en politique, Paris, JC Gawsewitch, 
[disponible en ligne], 2012. 
!25
« On est cinq journalistes. On invite un politique, et puis il nous raconte des choses et 
l'on se met d'accord que tout le déjeuner est informel, c'est du off, c'est pour s'informer 
sur son travail, sur ce qu'il fait etc etc...58 ». 
Par le biais de ces rencontres Ivan Valério anticipe son travail et « va tirer des angles 
mais jamais s’en servir tels quels comme d'une matière brute59 ». 
En décidant seul de briser le caractère informel de l’échange avec l’ancien Premier mi-nistre 
et en ne lui attribuant pas ses propos exacts, le journaliste s’affranchit des règles 
recommandées par la Chartre d’éthique professionnelle des journalistes60, disponible 
sur le site Internet du syndicat61. 
« C’est dans ces conditions qu’un journaliste digne de ce nom : Tient l’esprit critique, la 
véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journa-listique 
; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la 
déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la cen-sure 
et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives profes-sionnelles62 
» 
Dans l’exemple suivant, nous verrons comment un groupe de journalistes prennent en-semble 
la décision de révéler une information dont l’informateur aurait souhaité qu’elle 
reste confidentielle. 
58 Entretien avec I. VALERIO (annexe I. 10. c.) 
59 Ibid. 
60 Chartre d’éthique professionnelle des journalistes, [disponible en ligne]. 
61 Syndicat national des journalistes, [disponible en ligne]. 
62 Chartre d’éthique professionnelle des journalistes, [disponible en ligne]. 
!26
2. Le libre-arbitre du journaliste : le couac de Florange 
“ Une extrême nécessité fait dévoiler le secret ” 
Proverbe burundais63 
Le prochain exemple se déroule à un moment où la situation est tendue entre le 
président de la République, Arnaud Montebourg et les employés de Florange. Les jour-nalistes 
qui suivent François Hollande le retrouvent lors d’une visite dans les locaux 
d’Emmaüs à Paris. Arnaud Montebourg avait remis sa démission deux jours aupara-vant, 
ce dernier était pour la nationalisation, mais pour François Hollande « il n’en n’a 
jamais été question64 ». Lorsqu’un journaliste lui demande, toujours entouré de gens 
dans les locaux d’Emmaüs, s’il n’est pas inquiet de perdre le vote des ouvriers, il ré-pond 
: « ce n'est pas grave65 ». Florent Guignard est présent pendant toute la durée de 
cet échange, même lorsque son conseiller en communication, Christian Gravel leur dit : 
« Bien entendu c'est “off”66 ». 
La règle du « off » est toujours la même : les journalistes qui suivent le président dans 
ses déplacements ne le citent pas nommément mais utilisent des formules comme 
“l'entourage”, “selon l'Élysée” ou “un proche”. On parle alors de métonymie67, procédé 
stylistique de substitution souvent utilisé pour éviter de se répéter ou d'alourdir le dis-cours 
: 
63 Proverbe burundais ; OEuvre : Proverbes et dictons burundais (1963). 
64 Entretien avec F. GUIGNARD (annexe I. 4. a.) 
65 Ibid. 
66 Entretien avec F. GUIGNARD (annexe I. 4. b.) 
67 Métonymie : figure de style qui permet de ne pas désigner un objet par son nom, mais par un autre qui 
le symbolise. "L'émissaire du Krémlin" = le représentant de la Russie. 
!27
« Comme c'est toujours les mêmes journalistes qui le suivent, on se connaît et ça fonc-tionne 
assez bien (...) Là ce n'était pas possible de ne pas citer nommément Hollande, 
donc on s'en fout et on craque le “off”, parce que l'expression est d'un cynisme absolu 
(...) il n'est pas honnête, là sur ce coup68 » 
Après chaque rencontre, les journalistes vérifient qu’ils ont tous bien compris et noté la 
même chose. Ils peuvent également s'entendre sur les phrases qu’ils vont, ou ne vont 
pas sortir. Lorsque François Hollande, toujours dans cette conversation, ajoute « oui 
moi j'y suis allé à Florange, je suis monté sur la camionnette, je leur ai parlé69 », la 
phrase est évidemment plus forte que si c’est “l’entourage” qui avait exprimé sa volonté 
de dialogue avec les ouvriers. Les journalistes sollicitent alors une approche éthique 
collective. Pour eux, la relation de confiance ne peut pas tenir. Ils brisent le « off ». 
C - La communication d'abord 
1. Instrumentalisation politique : 
Le service presse de Lionel Jospin 
“ Le secret le mieux gardé est celui qu'on ne dit à personne ” 
Proverbe chinois70 
Une communication malhabile et non maîtrisée peut s’avérer désastreuse pour 
l’homme politique qui a mal évalué la position de son curseur. Quand cela arrive, le ré-sultat 
s’éloigne généralement de l’objectif et la bourde devient compliquée à rattraper. 
En 2002, Lionel Jospin découvre l’arrière-goût amer que peut revêtir le « off » après un 
voyage en avion qui le ramène d’un déplacement à La Réunion. Lorsque pendant le vol, 
Jospin « décrit devant les journalistes de sa suite un Chirac “vieilli et usé”, ce n’est évi-dement 
pas pour que cette conversation se retrouve dans les journaux et sur les ondes 
68 Entretien avec F. GUIGNARD (annexe I. 4. d.) 
69 Entretien avec F. GUIGNARD (annexe I. 4. c.) 
70 Oeuvre : La Chine en proverbes (1905) 
!28
sitôt son atterrissage ». Selon Daniel Carton, les premiers articles 71 qui sortent ne men-tionnent 
pas les propos de Jospin, il faut attendre les dépêches AFP « après l’encoura-gement 
implicite du chargé de presse, Yves Colmou72 ». Si le but est de pimenter la 
campagne électorale, l’événement n’en provoque pas moins une affaire qui ne facilite 
en rien le parcours du candidat Jospin. Ce dernier n’assume pas sa déclaration et ne 
souhaite pas s’en prendre à la presse ; il lui paraît compliqué de devoir se passer des 
journalistes qui « ne sont plus tout à fait sûrs d’avoir entendu ce qu’ils ont rapporté73 ». 
L’auteur implique un choix de communication du chargé de presse et directeur adjoint 
de campagne de Lionel Jospin. Ce dernier, persuadé de faire un coup de communica-tion 
qui rendrait la figure de Jospin plus présidentiable que celle d’un Chirac dépassé, 
se trompe sur les conséquences de sa décision. 
Nous l’avons vu précédemment, après un échange informel avec un politique, les jour-nalistes 
se concertent sur les propos tenus et la manière dont ils vont les utiliser. Jean- 
Michel Aphatie, présent lors de ce vol, confirme que les journalistes font un point avant 
de prendre une décision sur le traitement de cette information. Il écrit également 
qu’Yves Colmou leur dit « dans une campagne présidentielle, il n’y a pas de “off” !74 ». Il 
démentira les propos stigmatisant le président par le biais d’un communiqué « invo-quant 
la confidentialité de propos tenus hors micro, sans véritable intention de nuire75 ». 
Nous constatons des similitudes avec la déclaration de Rome. Jospin s’exprime devant 
plusieurs journalistes et les premières fuites émanent de l’AFP. Le « off » brisé n’est 
cependant pas à attribuer à la seule initiative d’un journaliste en quête de scoop, mais 
résulte d’un contexte politico-médiatique plus ambiguë. Nous constatons, une fois en-core, 
que le « off collectif » a du mal à tenir. 
71 D. CARTON, Bien entendu… C’est off, Paris, Albin Michel, p.110 
72 loc. cit. 
73 loc. cit. 
74 J-M. APHATIE, Liberté, égalité, réalité, Paris, Stock, [disponible en ligne], 2006. 
75 J. SEGUELA, Autobiographie non autorisée, Paris, Plon, [disponible en ligne], 2009. 
!29
2. Instrumentalisation maîtrisée et transgressions assumées : 
Nicolas Sarkozy / François Hollande 
“ Plus un secret a de gardiens, mieux il s'échappe “ 
Jacques Deval76 
Au cours de son mandat Nicolas Sarkozy contribue à cette évolution du « off ». 
En novembre 2009 il reçoit six journalistes à l’Élysée en précisant que l’entretien est 
privé. Il s’exprime à propos de Rama Yade, de son parcours à mi-mandat et du grand 
emprunt. La presse traite ses propos en les attribuant à “ses collaborateurs”, “son en-tourage” 
ou encore précise que “l’Élysée dit que…”, mais le « off » est brisé par les ra-dios, 
puis par le site Internet du journal Le Monde qui formule « en privé Nicolas Sarko-zy… 
77 ». Parmi les journalistes présents à ce « off », deux sont interrogés par la rédac-tion 
de Rue8978. Henri Vernet fait le choix de nommer l’auteur de certaines citations, 
alors que Paul Quinio respecte le « deal79 ». Ce dernier, qui reconnaît que l’impact n’est 
pas tout à fait le même, aurait tout de même témoigné des contrariétés du président. 
Quand on interroge Thomas Legrand, éditorialiste politique pour France Inter, l’une des 
radios à avoir brisé le « off » de Sarkozy, ce dernier sollicite l’éthique professionnelle. 
Selon lui le « off » n’est valable que pour « des sujets très techniques, ou (...) des in-formations 
éminemment confidentielles80 ». Il encourage même le président à remplacer 
cette pratique par une conférence de presse lorsqu’il souhaite se plaindre de l’action de 
l’un de ses ministres. 
76 J. DEVAL, dramaturge, scénariste et réalisateur français (27-06-1890 / 19-12-1972) 
77 F. FRESSOZ, « Le chef de l'Etat distribue bons et mauvais points », Le Monde, [disponible en ligne], 5 
novembre 2009. 
78 A SCALBERT, « Sarkozy se confie à six journalistes : chut, c'est “off” », Rue 89, [disponible en ligne], 5 
novembre 2009. 
79 Ibid. 
80 art. cit., A SCALBERT, p. 30. 
!30
En novembre 2010, lorsqu’un journaliste pose une question sur l’affaire Karachi lors 
d’un « point presse off » à Lisbonne, le président de la République le traite de pédophile 
dans une démonstration censée dénoncer des accusations non fondées. Nous consta-tons 
qu’un paradoxe sémantique s’installe avec l’existence du terme « point presse off81 
», un paradoxe amplifié par des techniciens portugais qui n’ont « pas compris la nature 
de la rencontre (...) entre le président et les envoyés spéciaux français82 », et enre-gistrent 
cet échange. L’entourage du président aurait insisté pour le faire effacer : « 
c'était du off, rien que du off83 ». Le lien audio84 est toujours disponible sur la page Dai-lymotion85 
du journal Libération. On assiste alors à l’une des évolutions du « off » qui se 
traduit par la confusion des genres, “off collectif” et “conférence de presse”. Nous avons 
vu plus tôt que le « off » traditionnel se déroule entre un journaliste et son interlocuteur, 
puis qu’il existait une variante avec le « off collectif » qui s’effectue entre plusieurs jour-nalistes 
et une source, décrivant déjà une transition fragile de la pratique. Cette nou-velle 
étape du « point presse off » trouble davantage les rapports politico-médiatiques. 
En janvier 2012, à Cayenne, Nicolas Sarkozy réunit des journalistes pour un “briefing 
off”, l’expression anglo-saxonne pour désigner un « point presse off ». Le président en 
exercice révèle sa candidature et envisage sa défaite. Deux jours plus tard, le Figaro 
fait part des doutes du président qui dit : « Je suis confronté à la fin de ma carrière, si je 
suis battu je changerai de vie, vous n’entendrez plus parler de moi86 ». Ce dernier 
exemple s’inscrit également dans l’évolution de la pratique. Il ne s’agit pas d’une confé- 
81 D. DUFRESNE, « Il semblerait que vous soyez pédophile»: écoutez ce qu'a vraiment dit Nicolas Sar-kozy”, 
Libération, [disponible en ligne], 23 novembre 2010. 
82 « Polémique : quand Sarkozy traite en "off" les journalistes de "pédophiles" », La Tribune, [disponible 
en ligne], 23 novembre. 2010. 
83 « Le dérapage de Sarkozy contre un "journaliste pédophile », Tempsreel Nouvelobs, [disponible en 
ligne], 22 novembre. 2010. 
84 « ”Amis pédophiles": le "off" de Sarkozy à Lisbonne», [disponible en ligne], 24 novembre 2010. 
85 Dailymotion : service social de streaming vidéo français. 
86 F-O. GIESBERT, Derniers carnets, Scènes de la vie politique en 2012 (et avant), Paris, Flammarion, p. 
89. 
!31
rence de presse pourtant Frédéric Métézeau de France Culture recense « 21 confrères 
pour 21 médias ». Hervé Liffran du Canard Enchaîné considère 87 que ces situations ne 
sont pas tenables : 
« Il y a parfois des scènes, comme par exemple avec Sarko qui l'a fait plusieurs fois, 
Hollande également, devant quinze journalistes, et dire : “Je vous dis telle chose mais 
c'est “off”. Ça c'est de la blague. Quinze personnes, ce n'est plus un “off” ; ça n'a pas de 
sens ! On sait donc là que le “off” ne tiendra pas, il se fout du monde88 ». 
Gilles Bridier constate également que « le “off” devant plusieurs journalistes de médias 
concurrents89 » se pratique de plus en plus, et que l’information est très vite reprise et 
commentée dans toute la presse. Selon lui personne n’est dupe sur le fait qu’un « off » 
puisse être rompu : « Ces situations sont souvent créées de toutes pièces, avec des 
révélations calibrées pour servir un plan de communication90 ». 
Nicolas Sarkozy soigne sa communication avec Franck Louvrier, son responsable 
communication et des rapports avec la presse entre 1997 et 2012. Le communicant qui 
aurait un répertoire téléphonique de 13 000 noms91, sélectionne le journaliste « qui po-sera 
la bonne question92 » en conférence de presse. « ”Allo c’est Franck Louvrier”. Tous 
les journalistes politiques connaissent cette petite musique93 », précise même un repor-tage 
de Canal+ qui lui est consacré. On y apprend que, peu importe qu’il s’agisse d’un 
journal local ou d’un grand quotidien, il passe son temps au téléphone avec les médias. 
87 « Politiques : le off et le look. Qui manipule qui ? », France Culture, Le secret des sources, [disponible 
en ligne], 28 janvier 2012. 
88 Entretien avec H. LIFFRAN (annexe I. 8. c.) 
89 art. cit., G. BRIDIER, p. 6. 
90 Ibid. 
91 « Franck Louvrier invité du Supplément sur Canal+ le 24 février 2013 », chaîne Viméo de Franck Lou-vrier, 
[disponible en ligne] à partir de 3’53. 
92 Ibid., à partir de 2’24. 
93 Ibid., à partir de 4’09. 
!32
Il parle aux journalistes comme aux directeurs des médias. Pour Camille Pascal, un an-cien 
conseiller de Nicolas Sarkozy, ce grand professionnel maîtrise la langue de bois et 
est capable de manipuler les journalistes. Quand on lui demande si les journalistes 
étaient “les dindons de la farce”, Camille Pascal répond : « Il vous a pas mal toréé oui, 
c’est assez drôle ». Lorsqu’un journaliste du Monde le 94 surnomme « super-menteur95 », 
Franck Louvrier sourit et dit qu’il pouvait ne pas dire les choses mais qu’il ne disait ja-mais 
quelque chose de faux. 
En novembre 2013 le journal Les Echos lui propose de se mettre à la place du journa-liste 
pour écrire un papier. Lorsqu’on lui demande quels conseils il donnerait aux journa-listes, 
et quels écueils il faudrait éviter, il répond : « La langue de bois ; (...) trouver des 
infos intéressantes qui puissent nourrir le papier ; (...) on essaie d’avoir quelques infos 
supplémentaires ; il faut essayer d’agiter le maximum de ses sources, parce qu’au bout 
d’un moment on va trouver une pépite...96 ». 
Franck Louvrier maîtrise parfaitement le processus de traitement de l’information ; il 
connaît mieux ses interlocuteurs qu’ils ne le connaissent. 
Lors d’un déplacement de François Hollande au Brésil, Gaël Legras constate que les 
journalistes politiques qui suivent le président depuis deux jours sont insatisfaits d'être 
là car ils n’ont aucune information, jusqu’à ce que le service presse de l’Élysée déclare : 
« Vous allez être contents, vous n'avez pas fait le voyage pour rien, exceptionnellement 
sur ce voyage il y aura du “off”97 ». Tous se réunissent « micros fermés, caméras au 
sol98 », et le président Hollande arrive. La discussion dure quarante cinq minutes envi-ron, 
le chef de l’État est extrêmement courtois et se moque gentiment d’un journaliste 
94 Ibid. 
95 Ibid., à partir de 8’48. 
96 « La Relève : l'interview de Franck Louvrier par Julien Arnaud », Les Échos, [disponible en ligne], 17 
novembre 2013. 
97 Entretien avec G. LEGRAS (annexe I. 7. b.) 
98 Entretien avec G. LEGRAS (annexe I. 7. c.) 
!33
qui la veille avait fait un malaise. À ce moment précis le journaliste ressent « une forme 
de connivence (...) c'est-à-dire qu'auparavant » il avait l'impression « de voir deux 
mondes qui se fuyaient (...) et là il y avait quelque chose de très chaleureux, d'entre soi, 
qui était assez perturbant ». Selon Gaël Legras, le président 99 déclenche cette session 
de « off » afin de démentir une polémique à propos du rapport sur l’intégration qui les a 
tenus en haleine pendant soixante-douze heures, comme « un truc qui occupe tous les 
esprits pendant un certain temps100 » et qu’ils avaient presque oublié. 
Lors de notre entretien le journaliste sort un carnet où il consigne des souvenirs, 
comme ces mots du président : « Ce n'était pas un rapport, c'était un débat. En plus, ça 
fait un mois que c'est sur Internet. Vous connaissez ma position et celle du gouverne-ment 
sur le sujet. Il n'y aura donc aucune proposition sur l'intégration101 ». Gaël Legras 
s’interroge sur la valeur du « off collectif » ; il pense qu’en faisant leur travail les journa-listes 
se font piéger par la stratégie de communication du président ; « ils contribuent à 
diffuser une parole du pouvoir102 ». Gaël Legras pense que la position du journaliste 
peut alors contribuer à la défiance de l’opinion envers la presse : 
« Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, si on veut faire confiance aux journalistes il 
faut qu'ils soient transparents sur ce genre de truc (...) Il y a un rapport de séduction, il y 
a une drague. Je te rends important parce que je suis homme de pouvoir et je te dis des 
choses que je ne dis pas aux autres103 ». 
Comme Nicolas Sarkozy auparavant, François Hollande s’entoure de conseillers. Chris-tian 
Gravel a fait partie de l’équipe communication du chef de l’État. Comme Franck 
99 Ibid. 
100 Entretien avec G. LEGRAS (annexe I. 7. d.) 
101 Ibid. 
102 Entretien avec G. LEGRAS (annexe I. 7. f.) 
103 Entretien avec G. LEGRAS (annexe I. 7. g.) 
!34
Louvrier, il a distribué « les prises de parole » en conférence 104 de presse. Selon un 
membre du staff de Manuel Valls, pour qui Gravel travaille aujourd’hui « c'est l'oeil de 
Moscou105 ». Il l’informe de tout, et lui rapporte « les “on”, les “off”, les appels106 ». En 
mars 2013, Christian Gravel est prié de quitter la régie de France Télévisions où est 
réalisé un entretien avec le chef de l’État. ; le conseiller demande à ce qu'on « souffle 
une question dans l'oreillette de David Pujadas sur le thème de la sécurité107 ». Son in-sistance 
est si pressante que Thierry Thuillier, le directeur de l'information de France 
Télévision, le prie de sortir. Christian Gravel dément cette version, selon lui, après s’être 
assuré que les sujets allaient être abordés, il ressort des studios sans que personne 
n'ait besoin de le prier de sortir108. La réputation des communicants n’est pas toujours 
flatteuse et concernant la sienne, certains parlent de « publication de "off" attribués di-rectement 
à Christian Gravel109 ». 
Dans leur usage du « off », seuls ou avec leurs communicants, les politiques entre-tiennent 
leur relation avec la presse, car ils savent que pour nourrir leur travail, les jour-nalistes 
ont un besoin constant d’informations. Certains politiques se nourrissent alors 
de ce contexte pour pratiquer l’instrumentalisation, comme le confirme Claude Barto-lone 
dans le reportage110 de Médias le magazine. 
104 M. WESFREID, « Choses vues à l'Elysée: "Si je ne pose aucune question, je suis viré"», L’Express, 
[disponible en ligne], 14 novembre 2012. 
105 D. REVAULT d'ALLONNES et T. WIEDER « Manuel Valls, l'omniprésent », M le magazine du Monde, 
[disponible en ligne], 15 avril 2012. 
106 Ibid. 
107 « Hollande sur France 2: un des conseillers voulait souffler une question à Pujadas », Europe1, Le 
Lab, [diponible en ligne], 29 mars 2013. 
108 “Quand le chargé de com' de l'Elysée veut faire les questions”, Direct Matin, [disponible en ligne], 29 
mars 2013. 
109 art. cit., Europe1, Le Lab, p. 35. 
110 « Le "off", un “mal nécessaire" du journalisme ? », Média, le magazine, France 5, chaîne Youtube de 
Paul Theux, mise en ligne le 22 janvier 2009, à partir de 2’55. 
!35
Conclusion de la première partie 
“ Le secret se divulgue à le trop confier ” 
Proverbe mauritanien111 
L’un des commentaires de notre enquête résume l’évolution du « off » et s’acco-rde 
avec le déroulement de notre démonstration : 
« Au fil des années le “off” a évolué. La première époque consistait à éclairer la 
connaissance du journaliste. Il n'était pas diffusé. Pendant la seconde époque, le 
journaliste "trahissait" son interlocuteur et diffusait le “off“ comme une information of-ficielle. 
La troisième époque, celle que nous vivons actuellement, voit l'interlocuteur, 
en l'occurrence un homme politique, manipuler le journaliste en lui donnant des in-formations 
“off”... en le pressant insidieusement de les diffuser112 ». 
Dans le cadre de notre mise en abyme du sujet, l’entretien avec “Paul”, élu en Haute- 
Vienne, confirme que certaines personnalités politiques cultivent une démarche d’intr-umentalisation. 
Lorsqu’il évoque ses premiers « off », il se souvient avoir été envoyé 
par des plus vieux pour livrer des informations qu’ils souhaitent faire passer, mais qu’ils 
ne veulent pas dire eux-mêmes. Il s'agit d'informations précises qu’il doit donner à une 
personne en particulier, la plupart du temps dans le simple but de déstabiliser l'adversa-ire 
: « C'est une époque où j'étais tout feu tout flamme, jeune et passionné de politique, 
je n'avais pas froid aux yeux (...) je faisais à peu près tout ce que l'on me disait de faire, 
et avec grand plaisir113 ». 
Les différents exemples, ainsi que l’enquête et nos entretiens, nous permettent de ré-pondre 
à l’hypothèse proposée dans l’introduction de cette première partie. Le journa- 
111 Proverbe mauritanien ; OEuvre : Contes et proverbes mauritaniens (1962) 
112 Commentaire anonyme, enquête en ligne (annexe II. 3. c.) 
113 Entretien avec “PAUL”, (annexe I. 13. b.) 
!36
liste connaît les codes, les usages mais aussi les enjeux du « off » ; il est en position 
d’assumer son rôle. Qu’il soit solitaire ou solidaire, lors de « off » à plusieurs, le journa-liste 
est sensible à l’éthique alors qu’il fait face aux stratégies des communicants qu’il 
croise. Il se doit de rester vigilant. Ivan Valério précise qu’un journaliste objectif « ça 
reste un fantasme, il faut avant tout être un journaliste honnête, c'est la clé114 ». 
114 Entretien avec I. VALERIO, (annexe I. 10. g.) 
!37
2ème partie 
Différences culturelles / Utilisation du off depuis l'explosion des mé-dias 
sociaux 
!38
!39
Dans cette seconde partie, nous nous intéresserons dans un premier temps aux 
différences culturelles du « off », à travers des exemples dans les cultures française et 
anglo-saxonne, et nous verrons comment la pratique évolue. Nous aborderons ensuite 
le « off » et ses transgressions depuis “le boom” des médias sociaux, et plus particuliè-rement 
Twitter. À partir de l’article de Benjamin Sportouch, 115 nous tenterons de com-prendre 
comment l’affaire DSK permet à Twitter de s’imposer en France et pourquoi les 
spécificités de ce média permettent au « off » de franchir une nouvelle étape dans son 
évolution. Nous verrons également comment les politiques et les communicants s’appr-oprient 
les médias sociaux, et comment le journaliste se positionne face aux stratégies 
de communication. 
A - Des différences culturelles 
1. Les différences 
“ Tout ce qui est utile ne doit point demeurer secret ” 
Proverbe grec116 
Jean-Marc Four nous explique qu’il y a différents emplois culturels du « off ». À 
travers quelques exemples nous tenterons d’en situer les usages mais également de 
déterminer si l’évolution générale du « off » impacte ces spécificités culturelles. Selon 
Jean-Marc Four, l’usage français révèle l’existence d’une collusion entre journalistes et 
politiques, qui puise ses racines dans une “tradition latine”, alors que pour sa part le 
modèle anglo-saxon est « extrêmement codifié117 ». 
115 art. cit., B. SPORTOUCH, p. 6. 
116 Proverbe grec ; OEuvre : Proverbes et sentences grecques (1792). 
117 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. d.) 
!40
« Il y a la zone blanche “vous pouvez le dire” et puis il y a la zone noire “je vous le dis 
mais vous avez interdiction absolue de le répéter, et si je vous top en train de le répéter, 
vous êtes grillé” (...) publiquement vous n'en faites rien, en fait.118 » 
Jean-Marc Four nous explique que l’usage du modèle anglo-saxon est strict : le journa-liste 
se doit de respecter la règle s’il souhaite exercer son métier. S’il ne le fait pas il 
perd la confiance de son interlocuteur et prend le risque d’être “blacklisté”119, c’est-à-dire 
qu’il devra se passer des services de sa source. Benjamin Sportouch confirme que la 
pratique est plus codifiée aux États-Unis mais ajoute : « Il faut dire que la langue de 
bois y est un sport moins prisé que chez nous120 ». John Dickerson121 nous apprend que 
cette codification date du siècle dernier. Woodrow Wilson, vingt-huitième président des 
États-Unis, est habitué aux rencontres informelles avec les journalistes qu’il rencontre 
séparément. Cependant, son secrétaire particulier commet une erreur technique en in-vitant 
l’ensemble de la presse à la même heure ; cela marque le début des conférences 
de presse de la Maison-Blanche. En Juillet 1913 Wilson menace de les arrêter après 
que le New York Sun ait publié, sur le Mexique, des commentaires qui étaient censés 
être « off the record122 ». Par la suite, les journalistes obtiennent leur propre salle à la 
Maison-Blanche mais tous les commentaires y sont considérés « off », à moins que 
l’administration ne les déclare « on ». Cela donnera naissance en 1914 à la WHCA123. 
118 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. d.) 
119 Être “blacklisté” : être sur une liste noire, être banni. 
120 art. cit., B. SPORTOUCH, p. 6. 
121 J. DICKERSON, journaliste américain, correspondant en chef du service politique de Slate, directeur 
du service politique de CBS News. 
122 J. DICKERSON, « Meet the press », Slate, [disponible en ligne], mars 2013. 
123 WHCA, “White House Correspondents' Association”, association américaine des correspondants de la 
Maison Blanche, elle regroupe les journalistes accrédités à couvrir l'actualité du président des États-Unis. 
!41
Dans un article sur le sujet, Charlotte Rotman nous fait part du 124 témoignage d’un jour-naliste 
américain en poste à Paris. Lorsque à ses débuts, en France, on lui demande de 
respecter le « off », ce dernier obtempère : « Je n’avais pas compris qu’en fait, ceux qui 
me disaient ça voulaient que leurs propos soient rapportés125 ». Le journaliste ajoute 
qu’aux États-Unis il n’utiliserait pas des figures de style comme “dans l’entourage du 
chef de l’Etat” pour placer des propos présidentiels dans la bouche de ses conseillers. 
Selon lui « ce serait présenter une fiction comme une vérité, c’est-à-dire mentir126 ». 
Andrew Wolfe confirme ce système mais le nuance. Il est d’accord sur le fait qu’un jour-naliste 
qui collecte une information « off » aux États-Unis ne peut rien publier à ce sujet 
mais seulement l’utiliser pour enquêter. Cependant, il reconnaît qu’il y a des exceptions 
en politique notamment, où la pratique n’est pas hermétique aux formules « comme 
"source close to the administration"127 ». Selon lui les journalistes « sont probablement 
obligés de le faire, même s'ils n'aiment pas » ; en ce qui le concerne son avis est tran-ché 
: 
« Je déteste cela, lorsque j'écris je veux un nom, un visage, la vérité, et pas une histoire. 
Il y a des cas qui le justifient, mais cela doit être une exception pas une règle. Je ne me 
souviens même pas avoir eu à utiliser une information de ce genre128 ». 
Selon lui, le « off » est indispensable pour cultiver « son réseau de "whistle blowers"129 
», et le fait qu’il existe « des personnes qui "spills the beans"130 c'est normal pour le tra- 
124 C. ROTMAN, « Le “off” vu par les journalistes étrangers », Libération, [disponible en ligne], 25 janvier 
2012. 
125 Ibid. 
126 Ibid. 
127 source close to the administration : une source proche de l'administration. 
128 Entretien avec A. WOLFE (annexe I. 11. c.) 
129 Whistle blowers : lanceurs d'alertes, sources. 
130 To spill the beans : (distribuer les haricots) vendre la mèche. 
!42
vail de recherche », mais il préfère trouver quelqu'un d'autre à interroger que de ne pas 
pouvoir citer clairement une source ; il respecte donc une certaine éthique. 
2. Amenuisement des différences 
“ Ce monde est rempli de personnes fausses, 
mais avant de juger, assurez-vous de ne pas en faire partie ” 
Tupac131 
À partir des années soixante-dix le processus d’uniformisation est à ses premiers 
balbutiements. La presse américaine dévoile l’affaire du Watergate132 en 1974. Le jour-naliste 
Bob Woodward a mené son enquête grâce aux renseignements de « gorge pro-fonde 
», une source anonyme dont on apprenait bien des années plus tard qu’il s’agi-ssait 
de Mark Felt, le numéro deux du FBI133. Ce journaliste aurait d’ailleurs déclaré à 
des étudiants : « Il faut davantage de sources anonymes134 ». Selon lui, un article trop 
riche en citations « on » ne peut être complet. L’affaire du Watergate est le point de dé-part 
d’une trentaine d’années où les médias indépendants traquent toutes sortes 
d’abus, au point de parfois confondre de grandes affaires avec des révélations embar-rassantes 
sur la vie privée des politiciens. Dans son livre135 Bernard Poulet écrit que le 
candidat démocrate américain Gary Hart, pourtant promis à la victoire, doit se retirer de 
l’élection présidentielle de 1988 après des révélations de la presse sur sa liaison extra 
conjugale. Nous remarquons que le sens éthique dont parle Andrew Wolfe peut alors 
varier selon l’importance d’une information et ses possibles conséquences. 
131 Tupac : Tupac Amaru Shakur, “2Pac”, “Makaveli”, rappeur, activiste, poète, acteur américain 
(16-06-1971/13-09-1996). 
132 Le scandale du Watergate est une affaire d'espionnage politique qui aboutit, en 1974, à la démission 
du président des États-Unis. Richard Nixon. 
133 FBI : Federal Bureau of Investigation (Bureau fédéral d'enquête). 
134 J. COLLADO : « Quand le “off” français rejoint le “off” anglo-saxon. Et vice-versa ». Marianne, 25 avril 
2011. 
135 B. POULET, La fin des journaux et l’avenir de l’information, Paris, folio actuel, p117. 
!43
Par ailleurs, au Royaume-Uni la presse traque les politiques dès la fin des années 
1980, « les médias, aidés par le ras-le-bol des Britanniques, avaient fini par “avoir la 
peau” de Margaret Thatcher ». À cette époque, les politiques sont 136 contraints de faire 
preuve de plus de transparence, alors ils s’affaiblissent. Selon Bernard Poulet, c’est le 
moment où l’alliance « justice-police-médias137 » chamboule les conventions en France. 
C’est l’apogée des journalistes d’investigation qui sortent des révélations et des scoops 
grâce aux confidences des juges « et dans une moindre mesure, des policiers138 », qui 
dans le but d’affirmer leur indépendance face au pouvoir s’affranchissent du secret de 
l’instruction. Cette crise du pouvoir politique permet alors au pouvoir médiatique de do-miner 
: « C'était tous les jours “guignol”, le spectacle où chacun pouvait, sans risque, 
leur taper dessus139 ». 
Aujourd’hui le « off » semble davantage converger vers une uniformisation de la pra-tique. 
Dans notre première partie nous avons abordé le paradoxe du “point presse off” 
utilisé par les politiques français. Charlotte Rotman donne l’exemple de Manuel Valls 
qui lors d’un meeting de François Hollande briefe des journalistes avec ces mots : « 
C’est du off pour publication140 ». Le paradoxe est clair : le politique indique explicite-ment 
aux journalistes de se servir de l’aparté. Cette pratique n’est pas une spécialité 
hexagonale car la Maison-Blanche141 l’utilise également, comme lorsque l’administration 
a souhaité faire le point sur la situation de Benghazi. En effet la Maison-Blanche a or-ganisé 
un « briefing off » avec des journalistes avant la conférence de presse. L’admi-nistration 
américaine fait ainsi preuve de transparence lors d’une rencontre “formelle- 
136 loc. cit. 
137 op. cit, B. POULET, p. 41. 
138 id. 
139 id. 
140 art, cit., C. ROTMAN, p. 42. 
141 B. SHAPIRO, « White House meets privately with press to discuss Benghazi », Breitbart, 10 Mai 2013. 
!44
ment informelle”. Dans un article paru sur le site Internet 142 du journal Marianne, le jour-naliste 
Jérémy Collado écrit : 
« Les pratiques s’uniformisent. La presse française “s’anglo-saxonnise”. Ou l’inverse. 
(...) Internet et la concurrence internationale soumettent tous les journalistes aux mêmes 
contraintes du marché. Il faut tout dire, le plus vite possible, en temps réel143 ». 
Selon Raphaëlle Bacqué144, journaliste au Monde réputée pour briser les « off », l’usage 
culturel du « off » aurait évolué ces dernières années avec les chaînes d’information en 
continu et l’utilisation des médias sociaux tels que Twitter. Angélique Chrisafis, journa-liste 
correspondante du Guardian à Paris pense qu’« à l’âge de Twitter, il y a une trop 
forte probabilité pour que tout sorte145 ». 
142 art. cit., J. COLLADO, p. 43. 
143 Ibid. 
144 Ibid. 
145 Ibid. 
!45
B - Twitter : entre « on » et « off » 
1. L’affaire DSK : un traitement « on » 
“ De là où je suis, la France, c'est loin et c'est petit “ 
Dominique Strauss-Kahn146 
Nous avons choisi cet exemple car il illustre parfaitement l’éviction du « off » 
dans une situation d’urgence journalistique. Pour développer notre démonstration nous 
avons préféré Twitter aux autres médias sociaux car il est l’outil-même de « la parole 
super-publique, c'est très "top down"147 148 », nous dit Arnaud Mercier. Sur Twitter la pa-role 
est instantanée, il n’existe pas de filtre entre l’émetteur et les receveurs, et il n’y a 
pas de conditions optimales pour instaurer un débat. Par exemple, une actualité qui fait 
grand bruit sur le réseau va se répandre en escalier et peut devenir très rapidement 
hautement virale. L’information est jetée en pâture à tous les “twittos” qu’ils soient jour-nalistes, 
politiques, militants, détracteurs ou grand public. 
C’est ce qui s’est passé durant l’affaire DSK. De nombreuses rumeurs aussi infondées 
et fausses les unes que les autres deviennent des exclusivités sur Twitter et tous autres 
les autres supports. Twitter devient très vite le véhicule principal de l’information. En ef-fet, 
les télévisions et radios ne peuvent diffuser les échanges en direct mais seulement 
en différé car la Cour Suprême le leur interdit. Aux moments forts de l’affaire, globale-ment 
tous les supports traditionnels sont dépassés. Les chaînes d’informations en 
continu sont bouleversées. Il leur faut quelque chose à dire, au plus vite. 
146 Citation de Dominique Strauss-Kahn, Le Nouvel Observateur, 9-15 décembre 2010. 
147 Parole “top down” signifie un discours descendant, par exemple : l’origine est le pouvoir, la destina-tion 
est la base. 
148 Entretien avec A. MERCIER (annexe I. 12. d.) 
!46
« Heureusement qu'on a Twitter », reconnaît en direct la journaliste 149 Léa Salamé150 sur 
iTélé. Les médias s’organisent comme ils le peuvent et se positionnent sur le flux des 
messages postés en temps réel sur Twitter. Mais l’urgence du direct ne leur permet pas 
de faire un tri optima. « La source des “tweets” lus à l'antenne n'a pas toujours été clai-rement 
identifiée151 ». On parle alors de “messages sur Twitter” ou d’“informations en 
provenance de la salle d'audience” sans plus de précisions, et les messages lus sont 
souvent écrits par des journalistes d'autres médias. 
Certaines informations font office de remplissage. « On apprend grâce à Twitter que 
Dominique Strauss-Kahn est vêtu d’un costume gris et d'une chemise blanche et qu'il a 
souri à sa femme Anne Sinclair152 ». L'affaire DSK a tué le « off » en faisant du “tout « 
on »”. Interrogé par France2, Alain Duhamel admet que le cumul des tragédies poli-tiques 
et personnelles, instantanément amplifié par les nouveaux médias, appartient à 
un contexte « qui n’avait jamais existé153 ». 
La dimension internationale liée à l’affaire DSK et le “boom” des médias sociaux modi-fient, 
au moins temporairement, le travail du journaliste et de l’ensemble de la presse en 
France. 
149 B. FERRAN, « L'affaire DSK propulse Twitter au premier plan en France », Le Figaro, [disponible en 
ligne], 20 mai 2011. 
150 « iTélé : "Heureusement qu'on a Twitter" », chaîne Youtube du Figaro, [disponible en ligne], 20 mai 
2011. 
151 art. cit., B. FERRAN, p. 46. 
152 Ibid. 
153 « JT France2 : Affaire DSK, mesure de de l'institut TrendyBuzz du nouvel emballement du web social 
», page Youtube de Trendybuzz, [disponible en ligne], 5 juillet 2011. 
!47
2. Twitter en « off » 
“ Divulguer le secret des autres n'est pas de la franchise, 
mais de l'indiscrétion “ 
Eugène Marbeau154 
Nous remarquons que Twitter fonctionne en « on ». Lorsque nous demandons à 
Ivan Valério s’il pense que le « off » disparait sur les réseaux sociaux, il répond : 
« Ce dont je suis sûr c'est que les réseaux sociaux n'ont pas tué le “off”, à la rigueur ils 
l'ont légèrement fait changer de nature. Je pense qu'ils le sublime dans le sens où le 
“off” c'est toujours des éléments d'information hyper viraux, parce-que c'est le secret, 
c'est les coulisses. Et les réseaux sociaux ont cette capacité à viraliser beaucoup l'info-rmation, 
en particulier sur de l'info que l'on pourrait se raconter, comme ça, au café155 ». 
Si Twitter est fait de « on », le « off » est néanmoins structuré par la fonctionnalité de 
messagerie privée. « Quand on est en DM156 on peut l'envoyer très rapidement de son 
portable, (...) pendant des réunions, des rendez-vous, des allocutions, ça peut aller très 
vite157 », nous dit Sylvain Lapoix. Il se souvient avoir publié un tweet à propos d’une dé-claration 
de Cécile Duflot dans un article sur le gaz de houille, en la mentionnant dans 
le message sous son nom de profil Twitter. Elle aurait pu répondre en « on » mais elle 
l'a fait en « off », c’est-à-dire par le biais de la messagerie privée. Elle lui répond que 
l’article en question lui pose problème car il serait totalement parti pris et qu’elle a par 
ailleurs un contentieux avec son auteur. Au final Sylvain Lapoix nuance par un 
deuxième tweet le contenu de l’article, car des sources internes lui confirment qu’il y a 
154 E. MARBEAU, Remarques et Pensées, Philanthrope. - Conseiller d'Etat (1825 – XXe siècle) 
155 Entretien avec I. VALERIO (anexe I. 10. d.) 
156 DM = Direct message 
157 Entretien avec S. LAPOIX (annexe I. 6. a.) 
!48
bien un « micmac » à ce sujet. Par le biais de la messagerie privée, 158 le journaliste et la 
politique ont pu échanger sur le sujet. Cela permet au journaliste d’en savoir davantage 
sur le fond et cela permet à la ministre de ne pas ouvrir de porte à une éventuelle polé-mique. 
Selon Jean-Marc Four, ce système est très utile, particulièrement pour travailler avec 
des sources sur le terrain, à l'étranger. Quand les massacres interreligieux débutent en 
Centre Afrique, Jean-Marc Four est informé par quelqu'un d’extrêmement fiable via un 
message privé sur Twitter : « Il se passe des trucs horribles ici159 ». Dès lors qu’il a ces 
informations, il peut ensuite entamer le processus de vérification. Twitter est ici un outil 
qui, dans la transmission d’une information, permet d’anticiper le travail à venir, d’avoir 
un temps d'avance : 
« C'était un matin vers 10h ou 11h, on a été deux à recevoir l'info, quelqu'un du service 
étranger (...) et moi-même. Nous sommes allés voir le présentateur du journal de la mi-journée 
en lui disant il faut que tu te prépares à ouvrir une case sur la Centre Afrique, 
parce que l'on va avoir quelque chose à raconter160 ». 
Un journaliste qui a participé à notre questionnaire écrit que la messagerie lui permet de 
garder le contact avec des personnes qu’il voit peu dans l’année. Cela lui permet 
d’apprendre à mieux connaître les gens, leurs goûts, leurs affinités, leur humour aussi. 
Cela facilite ensuite les échanges quand le journaliste les rencontre sur le terrain, une 
idée partagée par un autre journaliste, qui précise que des sources parfois éloignées 
géographiquement se sentent valorisées lorsqu’il prend de leurs nouvelles via les ré-seaux 
sociaux. 
Les utilisateurs de Twitter peuvent échanger via la messagerie uniquement s’ils se 
suivent mutuellement. Arnaud Mercier estime qu’utiliser cette messagerie n’est pas 
158 Entretien avec S. LAPOIX (annexe I. 6. d.) 
159 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. g.) 
160 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. h.) 
!49
sans danger, car dans les faits c’est de l’écrit et cela laisse des traces. Cette situation 
ouvre également la porte au « off » de connivence. 
Cependant l'émergence des réseaux sociaux entraine un verrouillage de plus en plus 
généralisé de la communication selon Sylvain Lapoix. Il évoque la difficulté d’obtenir 
des entretiens car tout est filtré. Ainsi, un message privé n’aura pratiquement jamais de 
réponse, au mieux un courrier type renvoyant vers le service communication qui adopte 
généralement les codes du marketing commercial. Selon le journaliste, le principal 
risque est que derrière le verrouillage et derrière l'ouverture « c'est finalement l'enfuma-ge 
généralisé161 ». 
Par ailleurs, Twitter apporte aux journalistes des sources plus variées dont certaines ont 
un agenda ; elles sont là pour faire passer des messages, et parfois pour les tronquer. 
Les réseaux sociaux ouvrent ainsi le champ à la rumeur et aux choses difficilement véri-fiables, 
nous dit Jean-Marc Four. Cela dénature l'analyse de l'information et participe à 
la manipulation. Les médias sociaux ne changent finalement pas la base de travail du 
journaliste : « On en revient à la question de départ, c'est-à-dire est-ce que je fais 
confiance à la personne qui me parle, est-ce que je la considère comme source 
fiable ?162 ». 
Néanmoins, lors d’enquêtes d’investigations, quand l’information est sensible, les jour-nalistes 
et leurs sources utilisent rarement les médias sociaux pour communiquer. 
Lorsqu’ils souhaitent rester anonymes ou invisibles, certains utilisent des systèmes de 
communications cryptées. 
C’est effectivement le cas dans l’affaire Snowden, quand le journaliste Julian Assange 
échange163 avec lui par le biais du “deepweb”164, avec des outils non traçables comme 
161 Entretien avec S. LAPOIX (annexe I. 6. f.) 
162 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. i.) 
163 « Deep Web: que cache le côté sombre d'internet, où l'anonymat est roi? », RTBF, [disponible en 
ligne], 8 août 2013. 
164 Deepweb : web profond, web invisible, web caché, c’est la partie du web accessible en ligne, mais 
non indexée par des moteurs de recherche classiques généralistes. 
!50
le réseau Tor , ou encore le service de messagerie instantanée, 165 privée et cryptée : “Off 
the Record Messaging166”. 
Il arrive que des journalistes transgressent le « off » sur leur compte. C’est le cas de Mi-chaël 
Darmon167 qui, en plus de sa chronique quotidienne, alimente parfois son fil Twit-ter 
avec des informations sur les coulisses, et les petites phrases. 
!! 
!! 
Michaël Darmon n’est évidemment pas le seul journaliste à travailler de cette façon, 
c’est aussi le cas de Jean-Paul Ney, photo journaliste indépendant spécialisé en ma-tière 
de sécurité. 
165 Tor : acronyme de "The Onion Router", (le routeur oignon), logiciel libre qui peut rendre anonymes 
tous les échanges internet. [disponible en ligne]. 
166 “Off the Record Messaging”, [disponible en ligne]. 
167 M. DARMON, Chef du service politique de itele. 
!51
! 
Certains journalistes se servent de Twitter pour publier ou relayer une information, or, 
« ce n'est pas Twitter qui te paie mais ton média (...) cela peut te rendre plus célèbre 
mais pas plus riche », précise Nicolas Ropert. Les journalistes 168 s’en servent pour faire 
la promotion de leur travail en déclinant l’information issue d’un support initial. Ils s’en 
servent parfois comme d’un “teaser” afin d’encourager leurs followers à se rendre sur le 
support qui va sortir une information. C’est le cas de Greta Van Susteren169, une journa-liste 
américaine, qui sur Twitter annonce de manière « on » qu’elle livre des informa-tions 
« off » dans les actualités de Fox News, c’est-à-dire en « on ». 
La journaliste souhaite ainsi intéresser et fidéliser la base des gens qui la suivent. Elle 
participe néanmoins à l’audience de son journal, donc à la promotion de son média em-ployeur. 
« Ce n’est peut-être pas politiquement correct mais je vais le dire, le reste de 
mon commentaire “off the record” en ce moment sur la Fox » 
! 
168 Entretien avec N. ROPERT (annexe I. 9. d.) 
169 G. VAN SUSTEREN, [disponible en ligne]. 
!52
Cet exemple confirme qu’en utilisant Twitter, le journaliste 2.0 est engagé dans un jour-nalisme 
de communication, où la concurrence « favorise un journalisme dont le princi-pal 
objectif est de retenir le public ». De plus, partagé entre son travail 170 et la promotion 
de son travail, il devient un prescripteur d’informations aux petits soins pour sa “fan 
base”171. 
Par ailleurs, Sylvain Lapoix, nous dit qu’avoir beaucoup de followers sur Twitter est un « 
gage de crédibilité172 ». Cela ouvre un accès plus important pour des mises en relation 
avec des sources potentielles, quel que soit le domaine. Les utilisateurs regardent 
combien les autres ont de followers afin de mesurer l'impact que cela peut avoir. « Tu 
deviens potentiellement une caisse de résonance démesurée173 ». 
170 D. Cornu, Journalisme et vérité, L’éthique de l’information au défi du changement médiatique, Ge-nève, 
Labor et Fides, p316. 
171 “Fan Base” : groupes de suiveurs, abonnés. 
172 Entretien avec S. LAPOIX (annexe I. 6. g) 
173 Ibid. 
!53
C - La guerre de la communication déclarée 
1. Les politiciens 
“ Pour ceux d'entre nous qui gravitent au sommet de la chaîne alimentaire, 
il ne peut pas y avoir de pitié. Que la boucherie commence “ 
Frank Underwood174 
L’apparition de nouveaux médias oblige les politiques à se les approprier, mais 
cela se fait parfois à leurs dépends. « Je pense que les politiques se font courir des 
risques à eux-mêmes175 » nous dit Alain Duhamel. En effet certains hommes politiques 
n’ont pas toujours eu conscience des dégâts qu’ils pouvaient provoquer. Arnaud Mercier 
se souvient de ce que lui a dit une directrice de communication d’une collectivité territo-riale 
: 
« C'est une catastrophe, depuis que mon président s'est inscrit sur Twitter, ça fait deux 
fois au moins qu'il me saborde un plan de com ! Un jour il s'embêtait dans la voiture 
alors il s'est mis à tweeter qu'il allait faire “ça” alors que cela faisait un mois que l'on pré-parait 
un plan de communication pour sortir l'info au bon moment176 » 
Dans la sphère politique les dérapages sont nombreux. Quand François Fillon et Jean- 
François Copé se disputent la direction de l'UMP, le conflit est présent en direct sur les 
chaînes d’information en continu et sur les réseaux sociaux. Le contexte est si violent 
qu’ils disent tout haut sur Twitter ce que d'habitude ils racontent dans la salle des pas 
perdus, « mais pas devant les caméras177 », nous dit Arnaud Mercier. 
174 F. UNDERWOOD, personnage principal de la série télévisée House of Cards, interprété par Kevin 
Spacey. 
175 Entretien avec A. DUHAMEL (annexe I. 2. d.) 
176 Entretien avec A. MERCIER (annexe I. 12. b.) 
177 Entretien avec A. MERCIER (annexe I. 12. c.) 
!54
Nous constatons également qu’au-delà de collecter de l’information pour la traiter plus 
tard, certains journalistes, comme Pauline de St Remy et Astrid 178 de Villaines179, parti-cipent 
à l’instantanéité des réseaux en relayant les échanges sur Twitter. 
! 
! 
Selon Ivan Valério ce contexte indique que les temps changent. Ce qui s’est déroulé 
lors de cet épisode politique n’aurait jamais eu lieu de la même manière quelques an-nées 
plus tôt : 
« Ils se seraient foutus sur la gueule, violemment très violemment sans doute, les mé-dias 
n'auraient probablement rien su, ou quelques brèves dans le canard enchaîné, 
dans l'express... Là, ça s'est passé à micro-ouvert, et globalement sur BFMTV180 181 ». 
Les politiques se rendent-ils compte de la force de frappe des médias sociaux ? Selon 
Ivan Valério, cela peut leur faire comprendre qu’ils n'ont rien à gagner en agissant de la 
178 P. de St REMY, journaliste politique pour BFMTV. 
179 A. de VILLAINES, journaliste pour LCP. 
180 « UMP : dans les coulisses du duel Copé-Fillon », page Youtube de BFMTV, [disponible en ligne], 17 
novembre 2012, dès 11’56. 
181 Entretien avec I. VALERIO (annexe I. 10. e.) 
!55
sorte. Il déplore les injonctions verbales et parfois vulgaires sur les réseaux sociaux où 
l’on peut par exemple lire : « “j'en ai marre de ce mec etc etc." Je ne pense pas que ce 
soit très sain, en politique c'est la même chose (...) tu ne balances pas dans les médias 
que ton camarade est un connard182 ». 
Seulement la presse s’en charge parfois pour le politique. En octobre 2014 L’Express 
relaie une information du Canard Enchaîné qui révèle des mots prononcés par Nicolas 
Sarkozy : « Bruno Le Maire, ce "connard que j'ai fait ministre"183 ». 
L’exemple de la déclaration de Rome qui ouvre notre première partie trouve, le 9 mai 
2013, un écho dans la presse française et sur les médias sociaux. À cette date François 
Fillon est au Japon où il reçoit une décoration. Dans un hôtel, il déclare devant 
quelques journalistes qu'il sera, « quoi qu'il arrive184 », candidat à l'élection présiden-tielle 
de 2017, mais il tweete ensuite qu'il entend se soumettre à l'exercice des pri-maires 
au sein de l’UMP. Cette déclaration fait suite à des confidences livrées par les 
fidèles de Nicolas Sarkozy sur « l'envie de retour dans l'arène politique de l'ancien pré-sident185 
». 
Dans une archive186 sonore disponible sur son compte Soundcloud187, Joël Legendre, 
correspondant à Tokyo pour le groupe RTL, explique les conditions de cette révélation. 
Il est avec François Fillon et deux autres journalistes pour une courte interview dans le 
grand salon de l’hôtel, et après l’entretien, micros fermés, le journaliste demande à 
182 Entretien avec I. VALERIO (annexe I. 10. f.) 
183 « Nicolas Sarkozy épingle Bruno Le Maire, ce "connard [qu'il a] fait ministre" », L’Express, [disponible 
en ligne], 15 octobre 2014. 
184 « Depuis le japon Fillon lance la bataille à droite pour 2017 », L’Humanité, [disponible en ligne], 9 mai 
2013. 
185 art. cit. 
186 J. LEGENDRE, « Comment François Fillon a déclaré depuis Tokyo sa candidature pour 2017 », [dis-ponible 
en ligne], récit du 9 Mai 2013. 
187 Soundcloud est une plate-forme de distribution audio en ligne où les utilisateurs peuvent collaborer, 
promouvoir et distribuer leurs projets. En juin 2013, le site compte 40 millions d'utilisateurs inscrits et 200 
millions de visiteurs uniques par mois. 
!56
l’ancien Premier ministre s’il est en reconquête. « Je serai candidat en 2017 quoi qu’il 
arrive » lui répond François Fillon. Le journaliste précise qu’il a face à lui un homme dé-terminé, 
la caméra de BFMTV tourne encore quelques plans de coupes, une courte vi-déo 
montre François Fillon aborder le sujet. Le journaliste en est 188 persuadé, Fillon est 
conscient de la portée de ses paroles. Les trois journalistes se concertent pour décider 
du traitement de cette déclaration, et décident de la publier. L’un d’eux prévient l’ancien 
Premier ministre, et ce dernier précise sa pensée via Twitter, affirmant qu'il n'y avait rien 
de nouveau dans ses propos de Tokyo. 
! 
François Fillon entre dans la course aux présidentielles de 2017 dans un contexte de 
vives tensions avec l'ancien chef de l'État. Dans un documentaire189 sur le quinquennat 
de Nicolas Sarkozy, il évoque leurs divergences, tant sur la crise en 2007 que vis-à-vis 
du Front national. Sarkozy aurait réagi en traitant son ancien Premier ministre de « lo-ser190 
». Proche de Nicolas Sarkozy, Patrick Balkany fustige également Fillon. Selon lui, 
l’ancien Premier ministre devrait s'occuper davantage de ce qui se passe en France 
plutôt que d’envisager l’élection présidentielle, et ajoute : « Je vois beaucoup de gens, 
188 « François Fillon: "je serai candidat en 2017" », chaîne Dailymotion de BFMTV, [disponible en ligne], 9 
mai 2013. 
189 « François Fillon, “Nicolas Sarkozy - Secrets d'une présidence” », chaîne Youtube de Laurent Portes, 
extrait 18, [disponible en ligne], 29 avril 2013. 
190 art. cit., L’Humanité, p. 56. 
!57
les gens me disent toujours “Nicolas revient !”, ils ne me disent jamais “François Fillon 
revient !”191 ». 
Cette annonce depuis l'étranger ressemble à l'appel de Rome de Pompidou, qui, en 
1969, s'était posé en successeur de De Gaulle et, du coup, « avait accéléré sa chute192 
». Mais si Hervé Gattegno évoque l’envie de François Fillon de représenter la droite en 
2017, il fait aussi allusion aux Premiers ministres qui en ont rêvé auparavant, Michel 
Rocard souhaitait se présenter “quoi qu'il arrive” et s'est effacé devant François Mitte-rand, 
« Fillon se prend pour Pompidou..., il ressemble à Rocard193 », titre le journaliste. 
Les réactions sont rapides, et sur Twitter les journalistes commentent. Guillaume Tabard 
écrit que si la déclaration de Rome de Pompidou pouvait aider au départ de De Gaulle, 
celle de Fillon à Tokyo souhaite empêcher Sarkozy de revenir. Michaël Darmon précise 
que le “quoi qu’il arrive” fait référence à Nicolas Sarkozy, c’est-à-dire, quoi que décide 
de faire l’ancien chef de l'État. On peut également interpréter ce “quoi qu’il arrive” par le 
fait que primaires ou pas, il sera candidat à la prochaine présidentielle. Le « off », « en 
général François Fillon n'en est pas fan194 ». Benjamin Sportouch rend publics les pro-pos, 
censés être « off », de Myriam Lévy, une ancienne journaliste devenue conseillère 
en communication de l’ancien Premier ministre. À propos de la relation de François 
Fillon au « off », elle déclare : « Il en a fait au début mais s'est très vite rendu compte 
que tout sortait dans la presse195 ». Selon elle, un propos n’est valide que s’il est validé 
par l'image ou le son, et Benjamin Sportouch d’ironiser « Exit donc les commentaires off 
de François Fillon entre la poire et le fromage196 ». Pourtant l’ancien Premier ministre 
agit avec méthode. Il utilise clairement la formule “quoi qu’il arrive” lorsqu’il parle avec 
191 Ibid. 
192 H. GATTEGNO, « Fillon se prend pour Pompidou..., il ressemble à Rocard », Le Point, [disponible en 
ligne], 10 mai 2013. 
193 Ibid. 
194 art. cit., B. SPORTOUCH, p. 6. 
195 Ibid. 
196 Ibid. 
!58
les journalistes. Il ne cache pas ses intentions, et quand il sait que l’information va sortir 
il ne fait pas un communiqué par voie de presse mais utilise Twitter pour confirmer ses 
propos. 
La citation d’Henry Kissinger , utilisée par Benjamin Sportouch 197 dans son article, prend 
ici tout son sens « c'est “on”, mais si ça a plus de retentissement en étant “off”, c'est 
“off”198 ». Concrètement, et stratégiquement, par le biais de Twitter l’ancien Premier mi-nistre 
utilise les médias et les internautes pour amplifier l’audience de sa déclaration : il 
fait une utilisation politique du « off » sur les médias sociaux. Les médias d’information 
en continu et les réseaux sociaux participent à une forme d’emballement médiatique 
perpétuel, selon Audrey Pulvar : « Chaque évènement est monté en épingle et peut 
faire une affaire très rapidement199 ». Elle estime que les politiques en font trop, et que 
pour éviter les dérapages ils gagneraient à apprendre à s’exprimer différemment. 
Dans le cadre de notre mise en abyme du sujet “Jacques” et “Paul”, respectivement , 
élus dans l’Isère et en Haute-Vienne, interviennent en « off ». Hormis le fait qu’il soit 
parfois taggé200 sur des photos de son parti politique, “Jacques” dit ne pas se servir des 
médias sociaux et se demande s‘il s’en servira un jour. Il pense que son engagement 
pourrait être un problème dans le cadre de la vie professionnelle : « Avant je pouvais 
changer de boulot rapidement, mais cela change un peu (...) quand tu n’es pas un “élu 
professionnel”201 ». 
Parce-que c’est un médium extrêmement développé, “Paul” dit se faire « un peu vio-lence202 
» pour être visible sur Facebook, mais il n’aime pas tellement cette plate- 
197 H. KISSINGER, secrétaire d'état américain de 1973 à 1977. 
198 art. cit., B. SPORTOUCH, p. 6. 
199 « Audrey Pulvar: "Je suis contre le fait que les politiques tweetent », Médias, le magazine, France 5, 
[disponible en ligne], 24 octobre 2014. 
200 Taggé : identifié 
201 Entretien avec “JACQUES” (annexe I. 14. c.) 
202 Entretien avec “PAUL” (annexe I. 13. e.) 
!59
forme ; il préfère Twitter. Cet homme politique apprécie particulièrement les comptes 
parodiques : « Ce n'est pas toujours des “off” mais enfin ça contourne un peu la ques-tion 
et ça, c'est extrêmement jouissif je trouve203 ». 
! 
“Paul” pense que sur fond d’humour noir, les tweets de ces comptes permettent de faire 
passer une interprétation proche de la vérité, qui jouerait du coup le rôle d’un « off » bri-sé. 
Dans son département il cite204 quelques comptes dont celui du maire sortant de 
Limoges, Alain Rodet qui devient “Alain Gros Nez”205, celui d’une ancienne adjointe, 
Monique Boulestin qui devient “Monique Boutentrain”206, ou encore celui du nouveau 
maire de Limoges, Émile Roger Lombertie devient “Émile Rejet Lombertie”207. 
! 
203 Entretien avec “PAUL” (annexe I. 13. f.) 
204 Entretien avec “PAUL” (annexe I. 13. g.) 
205 ALAIN GROS NEZ [disponible en ligne]. 
206 MONIQUE BOUTENTRAIN [disponible en ligne]. 
207 ÉMILE REJET LOMBERTIE [disponible en ligne]. 
!60
! 
Beaucoup de gens cherchent à savoir qui se cachent derrière ces profils nous dit-il, y 
compris les journalistes : « Très souvent on m'a même demandé : “est-ce que c'est toi 
qui fais celui-là ?” ». Lorsqu’on aborde le sujet de la 208 messagerie privée sur les ré-seaux 
sociaux, “Paul” confirme la notion de dangerosité déjà évoquée dans notre re-cherche 
: « Ça laisse des traces209 ». Il dit ne pas envoyer de messages privés sur Twit-ter 
et d'une manière générale, il se méfie beaucoup de l'écrit. “Paul” se décrit comme 
quelqu’un qui a la langue bien pendue et admet qu’il parle parfois avant de réfléchir, 
particulièrement pour dire des choses à des moments où il ne devrait pas le faire ou à 
des gens à qui il ne devrait pas le dire. Lorsque nous lui demandons de réagir à l’hypo-thèse 
de vivre dans un monde fait de sociétés transparentes, un monde dans lequel le 
« off » n'existerait pas, “Paul” répond : « Ce serait horrible !210 ». À titre anecdotique, 
des six politiques qui ont répondu à cette question dans l’enquête, seule une accepte-rait 
de vivre sans « off ». 
Le fil Twitter est de l’ordre de la parole publique. Les politiques ont finalement compris 
les tenants et aboutissants de la communication sur ce réseau et certains font désor-mais 
appel à des conseillers et à des agences de communication qui intègrent les ré-seaux 
sociaux dans leur stratégie. 
208 Entretien avec “PAUL” (annexe I. 13. g.) 
209 Entretien avec “PAUL” (annexe I. 13. h.) 
210 Entretien avec “PAUL” (annexe I. 13. i.) 
!61
« Le "off" : processus d'évolution et impact des médias sociaux » - Conséquences sur la pratique et le journalisme
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« Le "off" : processus d'évolution et impact des médias sociaux » - Conséquences sur la pratique et le journalisme

  • 1. ! École des hautes études en sciences de l'information et de la communication Université de Paris-Sorbonne (Paris IV) MASTER PROFESSIONNEL Mention : Information et Communication Spécialité et Option : Journalisme « Le “ off ” : processus d'évolution et impact des médias sociaux » Conséquences sur la pratique et le journalisme Préparé sous la direction de Madame le Professeur Véronique Richard Nom : Rose Prénom : Cyprien Promotion : MSJ 2013-2014 Soutenu le : 28 novembre 2014 Mention : Note du mémoire : /20 !1
  • 2. !2
  • 3. REMERCIEMENTS Je tiens à remercier particulièrement Madame le Professeur Véronique Richard, Ma-dame Anne Soetemondt et Monsieur Hervé Demailly qui m'ont accordé leur confiance et dispensé leurs conseils pour l'élaboration de ce mémoire. Je tiens également à remercier Madame Armelle Sainton pour sa patience, ses relec-tures et ses conseils qui m’ont beaucoup apporté. J'associe dans ces remerciements toutes les personnes qui, de quelque manière que ce soit, ont contribué à son achèvement. !3
  • 5. Remerciements Page 03 Introduction Page 07 1ère partie Page 15 L'utilisation du « off » en dehors du tumulte des médias sociaux A - Un outil journalistique Page 17 1. Le « off » comme instrument de contextualisation Page 17 2. Le « off » comme instrument d’anticipation Page 21 B - La transgression Page 23 1. Un classique : la déclaration de Rome Page 23 2. Le libre-arbitre du journaliste : le couac de Florange Page 27 C - La communication d'abord Page 28 1. Instrumentalisation politique : Page 28 Le service presse de Lionel Jospin 2. Instrumentalisation maîtrisée et transgressions assumées : Page 30 Nicolas Sarkozy, François Hollande Conclusion 1ère partie Page 36 !5
  • 6. 2ème partie Page 38 L'utilisation du off depuis l'explosion des médias sociaux A - Des différences culturelles du « off » Page 40 1. Les différences Page 40 2. Amenuisement des différences Page 43 B - Twitter : entre « on » et « off » Page 46 1. L’affaire DSK : un traitement « on » Page 46 2. Twitter en « off » Page 48 C - La guerre de la communication déclarée Page 54 1. Les politiciens Page 54 2. Les communicants Page 62 Conclusion 2ème partie Page 64 Conclusion Page 66 Bibliographie Page 73 Table des annexes Page 86 Résumé Page 143 Mots-cléfs Page 144 !6
  • 7. Introduction “ Je ne confie un secret que si on me fait la promesse de le répéter à tout le monde “ Oscar Wilde1 « Le chef de l’Etat s’arrête. "On est d’accord c’est off, j’ai votre parole." Silence autour de la table. Il cherche l’assentiment. "C’est bien clair, c’est totalement off. C’est unique-ment pour nourrir vos analyses, vos livres…" Les journalistes hochent la tête. Et Sarkozy de faire l’apologie du off. "Pour connaître un homme politique, il faut savoir lui parler off. Un homme politique qui est creux en off, c’est qu’il est nul." De retour de l’hôtel, les jour-nalistes du Monde, de Libération, du Figaro et du Parisien se réunissent : que faire de ces confidences ?2 » Paru sur Internet en septembre 2013, à l’occasion des quarante ans du journal Libération, l’extrait de cet article de presse expose une variante du « off ». Nicolas Sar-kozy le sollicite lors d’un échange avec plusieurs journalistes, alors que dans l’usage, la pratique du « off » permet à un journaliste de recueillir de l’information auprès d’une source, en tête-à-tête, de manière discrète. Pour Jean-Baptiste Legavre « Le off est un “signal”, un “indice” » entre le journaliste et son informateur. Il est un “instrument d'anti-cipation” sur la conduite à venir3 ». Rares sont les journées où un « off » n’est pas mentionné dans la presse. Rubriqué, il fait parler de lui sur les chaînes de télévision et les stations de radio, mais aussi dans les journaux, sur le web et les réseaux sociaux. Les coulisses du pouvoir, et de la socié-té, sont quotidiennement analysées et commentées dans la presse, et des propos issus d’échanges liés par la confidentialité sont ainsi régulièrement exploités. 1 O. Wilde, Les Ailes du paradoxe, Poche, 1996. 2 « “On est d’accord, c’est off, j’ai votre parole…” 40 ans de fausses confidences : je vous le dis mais vous ne l’écrivez pas… », Liberation, [disponible en ligne], 30 septembre 2013. 3 JB. LEGAVRE, « Off the record. Mode d'emploi d'un instrument de coordination ». Politix. Vol. 5, N°19. Troisième trimestre 1992. pp. 135-158, [disponible en ligne]. !7
  • 8. Toutefois, l’évolution du « off » est pointée du doigt par certains journalistes, dans un article paru sur le site de Slate , Gilles Bridier s’indigne 4 littéralement : « La pratique du “off” a progressivement dévié. Elle devient, dans certains cercles, un mode de communication pratiqué pour créer du buzz, détourner l’attention des médias et capter celle des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs en “enfumant” la presse.5 » Lors d’un sujet consacré au « off » pour l'émission Média, le magazine, Françoise De-gois6 alors journaliste pour France Inter, évoque également cette notion « d’enfumage ». Elle deviendra ensuite conseillère auprès de Ségolène Royale. Selon Gilles Bridier, l’évolution de la pratique s’inscrit dans une dynamique dommageable pour la profession de journaliste : à défaut d’être à leur service, la corporation serait malmenée par les communicants. Le contexte historique dans lequel paraît cet article est particulièrement significatif, la France s'apprête alors à élire son 24ème président de la République et, de tout part, les services de communication sont plus que mobilisés. Quelques mois plus tôt, Benjamin Sportouch publiait « L'affaire DSK et les réseaux so-ciaux ont tué le off » sur le site Internet de L’Express7. Dans son article le journaliste évoque les idées développées par Gilles Bridier : « Le off permet aussi de faire passer des messages, quitte à les démentir si leur effet est trop important ou trop en décalage avec celui escompté », mais il parle également d’un fait encore plus récent, l'impact du contexte numérique sur l’évolution de la pratique, désormais mise à mal par les réseaux sociaux et plus particulièrement par les médias sociaux, fruits du web 2.0 : 4 G. BRIDIER, « Journalisme : Les ravages du “off” », Slate, [disponible en ligne], 5 février 2012. 5 Ibid. 6 « Le "off", un "mal nécessaire" du journalisme ? », Média, le magazine, France 5, [disponible en ligne], 22 janvier 2009. 7 B. SPORTOUCH, « L'affaire DSK et les réseaux sociaux ont tué le off ». L’Express, [disponible en ligne] 3 août 2011. !8
  • 9. « Aussitôt entendu, aussitôt twitté ! "Le off est mort", juge même - en off bien entendu ! - le conseiller d'un ministre, qui “en fait beaucoup moins" et le regrette, parce que "ça permet aussi de décrypter une déclaration publique ou d'en donner le contexte"8 ». À l’échelle de l’histoire de la presse, le phénomène des médias sociaux est récent. Fa-cebook et Twitter, respectivement créés en 2004 et 2006, sont pratiquement absents de la campagne présidentielle de 2007. Et les rares détenteurs d‘un compte Twitter ac-cueillent la version Française à la fin de l’année 2009 seulement. À l’époque de la paru-tion de l’article de Benjamin Sportouch, l’expansion fulgurante des réseaux sociaux bouleverse déjà la vie de millions d’internautes dans le monde. Derrière leurs ordina-teurs et leurs smartphones, les utilisateurs créent du contenu en ligne bien sûr, mais ils participent comme jamais à la diffusion et à la propagation de l’information à travers leur réseau. Auparavant jamais autant de contenu n’avait été aussi rapidement et facilement accessible à tous. Problématique Dans ce contexte en mouvement, entre communication numérique en pleine ef-fervescence et stratégies de communication, le « Off The Record » traverse probable-ment la plus forte remise en cause de son usage depuis l’avènement de la presse. Ce qui nous amène à nous poser la question suivante : quelles peuvent être les consé-quences de l’évolution du « off », sublimée par le succès des médias sociaux, au regard de la pratique et du journalisme ? 8 B. SPORTOUCH, art. cit., p. 6 !9
  • 10. Méthodologie À partir de cette problématique nous tenterons une analyse approfondie de la situation, à la lumière d’un corpus constitué de plusieurs matières. Dans un premier temps, une quinzaine d’entretiens semi-directifs, étalés sur une pé-riode de plusieurs mois, depuis mars 2014, ont majoritairement été menés auprès de journalistes dont les activités couvrent l’ensemble des supports de presse. Les per-sonnes interrogées lors de ces entretiens sont ici classées par ordre alphabétique. Ade-line Bruzat, diplômée de l’IUT de Tours en 2009 (Licence Professionnelle en Journa-lisme) ; elle exerce actuellement en presse écrite à Leipzig, en Allemagne. Alain Duha-mel, journaliste politique et essayiste ; il est membre de l’académie des sciences mo-rales et politiques, et éditorialiste pour la station de radio RTL. Jean-Marc Four, direc-teur de la rédaction de France Culture lors de l’entretien pour cette recherche ; il dirige désormais la rédaction de France Inter. Florent Guignard, chef du service politique pour RFI. Franck Lagier, journaliste reporter pour Le Populaire du Centre à Limoges ; il est également correspondant pour Le Parisien / Aujourd’hui en France. Sylvain Lapoix, journaliste indépendant (politique et écologie). Gaël Legras, journaliste pour La Nou-velle Édition de Canal Plus. Hervé Liffran, journaliste pour Le Canard Enchaîné. Nicolas Ropert, journaliste correspondant ; auparavant correspondant à Kaboul, il couvre dé-sormais l’actualité d’Israel et de la Palestine pour les médias RFI, Radio France, BFM TV, RTS, Radio Canada, RTBF, Le Parisien, et M6. Ivan Valério, journaliste politique pour Le Scan chez Le Figaro, également formateur pour le CELSA, l’IFP, le CFPJ, et l’ESJ-Pro. Andrew Wolfe, américain, intervenant au CELSA ; aux USA il était journaliste spécialisé dans les faits divers. Nous avons également interrogé Arnaud Mercier, Professeur en Sciences de l’informa-tion et de la communication à l’Université de Lorraine. Ses thèmes de recherche sont : « sociologie du journalisme », « communication politique », « traitement médiatique », « guerre et médias » et « usage des réseaux sociaux ». Il est également responsable du !10
  • 11. Master « Journalisme et médias numériques », et du projet de recherche pluridiscipli-naire portée par le CREM9 : « OBSWEB10». Enfin, deux derniers entretiens ont été réalisés avec deux personnalités politiques. Le traitement de ces informations se fera sous la forme d’une mise en abyme de notre su-jet de recherche. Ces deux élus ont accepté de voir leurs propos traités dans ce travail à la seule condition que leurs noms ne soient pas cités. Cette participation se fera donc sous le sceau du « off ». La mise en abyme de notre sujet de recherche sera double puisque nous avons égale-ment élaboré un questionnaire11 anonyme par la mise en place d’un formulaire en ligne dans une application dédiée de Google Drive. Il s’agit d’une enquête sur le « off », des-tinée à l’ensemble des personnes dont l’activité peut être liée à cette pratique. Au mo-ment où nous rédigeons ce travail cent cinquante personnes, majoritairement des jour-nalistes, y ont contribué. Des recherches sur le web ont bien entendu permis de compléter le corpus. Elles se divisent en deux catégories. Tout d’abord la recherche régulière et ciblée de documents en français et en anglais (articles, liens audio et vidéo), ainsi que l’utilisation de moteurs de recherche appropriés à Twitter, comme Topsy et Twinitor. La seconde existe via la mise en place de veilles appropriées. Une première veille s’inscrit dans l’enclenchement d’un service d’alertes mails quotidiennes utilisant les termes « off the record », « en off », « réseaux sociaux » et « médias sociaux », privilégiant la remontée d’articles en langue française. La seconde veille consiste en la création de « Widgets » sur la plate-forme Twitter, utilisant les mots-clés : « offtherecord » et « EnOff », afin de faire remon-ter tous les tweets consacrés à notre recherche. Il s’agit de tweets bruts, mais aussi de 9 CREM : centre de recherche sur les médiations, [disponible en ligne]. 10 OBSWEB : observatoire du webjournalisme, [disponible en ligne]. 11 Enquête en ligne (annexe II.) !11
  • 12. tweets comprenant des liens vers des articles web ou vers d’autres liens, audio ou vi-déo. Une bibliographie, qui se compose essentiellement de livres écrits par des journalistes, vient également éclairer notre problématique. Pour l’ensemble de ce corpus nous procéderons à l’analyse de discours. L’analyse de contenus de l’enquête en ligne nous permettra également de repérer des points de si-militude et de divergence entre les utilisateurs, dans leur usage de la pratique. Afin de répondre à la problématique, nous avons opté pour un plan en deux parties. La première consiste à présenter l'utilisation du « off » en dehors du phénomène des mé-dias sociaux. Il s’agira de décrire les rapports entre le journaliste et ses sources, et de comprendre les intérêts de chacun dans l’utilisation du « off ». À partir de l’article12 de Gilles Bridier, nous croiserons différents exemples de traitements du « off » avec les expériences des personnes sollicitées dans nos entretiens et dans notre enquête, ainsi qu’avec différents écrits sur le sujet. Plusieurs visages de la classe politico-médiatique seront alors mis en exergue afin de contextualiser la pratique et ses dérives dans les médias. Peut-on envisager que l’évolution du « off » conditionne le rôle du journaliste ? La seconde partie s’inscrit dans la même lignée en s’intéressant dans un premier temps aux différences culturelles du « off ». Nous aborderons ensuite l’évolution de la pratique depuis l’explosion des médias sociaux. À partir de l’article « L'affaire DSK et les réseaux sociaux ont tué le “off”13 » de Benjamin Sportouch, nous tenterons de comprendre comment les médias sociaux bouleversent le traitement de l’information. D’autres exemples nous permettront d’analyser la place du « off » et de ses transgressions sur ces nouveaux médias. Nous verrons également comment les politiques et les commu-nicants s’approprient ce nouvel environnement médiatique, et comment la presse se 12 art. cit., G. BRIDIER, p. 6. 13 art. cit., B. SPORTOUCH, p. 6. !12
  • 13. positionne face aux stratégies de communication. Nous nous pencherons donc sur le rôle du journaliste 2.0. En quoi ces outils bouleversent-ils l’usage du « off », et amènent-ils la profession de journaliste à évoluer ? Mais avant tout, qu’entend-on par la pratique du « off » ? Lorsqu’un journaliste recueille de l’information auprès d’une source, soit les propos ne sont pas confidentiels, soit ils le sont. Dans le premier cas le journaliste peut travailler son sujet et identifier sa source. Le cas contraire suppose l’inverse, mais ce n’est pas si simple et tous les utilisateurs n’appréhendent pas la règle de la même manière. Selon Ivan Valério il s’agit de « raconter sans le mettre dans sa bouche14 », soit trans-mettre l’information sans en fournir sa source. Cela implique de revenir sur la règle des cinq W15 anglo-saxons (who?, what?, when?, where?, why?) en écartant de son travail le “qui” des “quoi”, “quand”, “où”, et “pourquoi”. Une autre méthode consiste à « ne pas le raconter, mais d’essayer de gratter ailleurs pour qu'on nous le dise dans une autre bouche. C'est vraiment un outil (...) qui nous sert à travailler16 », reconnaît Ivan Valério. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’une source sollicite le « off » qu’un journaliste le res-pectera ; et lorsqu’il s’agit de domaines sensibles aucun des protagonistes n’a réelle-ment besoin de préciser que c’est « off », c’est une évidence. Jean-Baptiste Legavre précise qu’une bonne utilisation de la pratique suppose de la situer dans un système d’échanges entre le journaliste et sa source. Selon lui, la confiance serait le principe ré-gulateur des pratiques. Le « off » suppose donc un certain confinement de la confiden-tialité. 14 Entretien avec I. VALERIO (annexe I. 10. a.) 15 E. NEVEU, Sociologie du journalisme, collection repères, p.65 16 Entretien avec I. VALERIO (annexe I. 10. a.) !13
  • 14. Lorsqu’on s'intéresse aux origines du « off », chacun s’accorde à dire qu’il n’a pas at-tendu la naissance de la presse pour exister. « On se doute bien qu'avant il y avait déjà des gens qui disaient : "on me dit que (...) mais je ne peux pas te dire qui m'a dit ça » nous dit Hervé Liffran, « ça doit exister depuis la nuit des temps, depuis cro-magnon17 ». L’hypothèse sollicite alors l'imaginaire ; les racines profondes du « off » pourraient trouver leurs sources dans l’apparition du langage articulé il y a de cela plus de deux millions d’années, se développant avec l’évolution du langage, elle-même liée à celle de l’écriture et de la syntaxe. Selon Alain Duhamel, le « off » dans le journalisme existe depuis « Théophraste Renaudot, depuis qu'il y a les premières gazettes18 19», et il est « consubstantiel à l'existence de la presse20 ». Le « off » dans la presse est un pro-blème éthique et professionnel, semblable à la notion de discrétion dans la vie privée, il permet de se poser ces mêmes questions : « Doit-on tout dire ? Est-ce que tout doit être transparent, et qui décide de la fin de la transparence ?21 ». 17 Entretien avec H. LIFFRAN (annexe I. 8. a.) 18 La Gazette est un périodique créé en 1631, le plus ancien des journaux publiés en France. 19 Entretien avec A. DUHAMEL (annexe I. 2. a.) 20 Ibid. 21 Entretien avec A. DUHAMEL (annexe I. 2. b.) !14
  • 15. Première partie L'utilisation du « off » en dehors du tumulte des médias sociaux !15
  • 16. !16
  • 17. Dans cette première partie nous nous intéresserons au traitement du « off » en dehors de l’explosion des médias sociaux. Tout d’abord nous verrons comment le « off » est un instrument qui permet d'appréhender un contexte, mais également d'anticiper les actions à venir. Avec l’exemple de la déclaration de Rome de Georges Pompidou, nous verrons comment la notion de transgression fait son apparition dans le paysage politico-médiatique. Afin de comprendre l'évolution des transgressions, nous aborderons d’autres exemples de « off » liés à des personnalités politiques. Ces situations seront croisées avec l’analyse de notre enquête et l’expérience des personnes interrogées lors de nos entretiens, ainsi que le témoignage de deux hommes politiques qui, dans le cadre de notre mise en abyme du sujet, partageront en « off » leur usage de la pratique. A - Un outil journalistique 1. Le « off » comme instrument de contextualisation “ Il n'y a rien de si secret qui ne soit révélé dans le temps ” Proverbe latin22 Nous avons créé une enquête en ligne dans le but de récolter davantage d’info-rmations sur le « off », et plus particulièrement sur son usage. Nous avons élaboré un questionnaire anonyme par le biais d’une application dédiée de Google Drive. Les jour-nalistes étant largement majoritaires parmi les participants, uniquement les données les concernant ont été exploitées. Une fois opérationnel, le formulaire a été envoyé à plu-sieurs rédactions nationales et régionales. Il a également été posté sur Internet par le biais de sites liés à la presse et sur des pages appropriées de réseaux sociaux. À ce jour 150 personnes ont participé à ce travail. Le choix des réponses est parfois multiple et les participants ne sont pas obligés de répondre à tout, ce qui explique que l’on puisse dépasser ou ne pas atteindre les 100% dans certaines réponses. Nous n’utilise-rons donc certains résultats qu’à titre indicatif. 22 Proverbe latin ; OEuvre : Proverbia latina (1908) !17
  • 18. ! La première utilité du « off » est d’apporter plus de profondeur aux sujets sur lesquels le journaliste travaille, notamment dans l’univers de la politique. Selon Ivan Valério, le « off » occupe une place importante en politique, les informations recueillies par ce biais sont autant de pistes sur « des dossiers en cours de travail dont on ne peut pas tout livrer mais dont nous sommes demandeurs d'un certain nombre de renseignements23 ». Les participants à notre enquête pensent aussi que le « off » permet de comprendre le contexte général des affaires et des coulisses. Il leur permet d'instaurer une relation de confiance avec leurs interlocuteurs, notamment lorsqu’il s’agit d’expliquer ou de nuan-cer un propos « on » (par opposition au « off »), c’est aussi « parfois la version sous-ti-trée24 » nous dit un journaliste. Certains journalistes confirment l’utilité du « off » dans le fait d'accroître leurs connais-sances d’un contexte : « Ça peut donner du background25, et être utilisé pour nourrir de futurs papiers26 ». C’est le cas de Nicolas Ropert, lorsqu’il était à Kaboul il s’est consti-tué son réseau militaire : « Il y a les mecs avec qui tu crées des affinités (...) et qui te disent : "la ligne officielle c'est ça, mais dans les faits c'est plus ça" (...) Tu ne peux pas le citer (...) et pour toi c'est vachement intéressant (...) ça peut te servir pour du “back- 23 Entretien avec I. VALERIO (annexe I. 10. b.) 24 Commentaire anonyme, enquête en ligne (annexe II. 3. c.) 25 Mot anglais qui signifie arrière-plan, contexte. 26 Commentaire anonyme, enquête en ligne (annexe II. 3. c.) !18
  • 19. ground” ou pour poser la bonne question plus tard à la hiérarchie 27 ». En 2012 un kami-kaze tue cinq soldats. « L'armée avait comme consigne officielle de ne pas communi-quer, zéro com, ni à Paris, ni à Kaboul28 ». Des sources afghanes livrent l’information « on », et dès que l'AFP sort l'information les médias avec qui il collabore l’appellent, car il s’agit de soldats français. Pour alimenter ses directs sur les chaînes d'info en continu et sur les radios, le journaliste contacte le chargé de communication du Quai d’Orsay afin d’avoir des informations officielles sur le contexte de l’attaque et le nombre de victimes. : « Le mec me disait : "Nicolas, je t'ai vu sur BFM, ce que tu racontes ce n'est pas vrai" et je lui répondais : "Mais dis-moi ce qui n'est pas vrai” et il me disait : “Non je ne peux pas te le dire", et l'on jouait au jeu du ni oui ni non. “Est-ce que c'était sur une route ? - Oui c'était sur une route. - Est-ce que c'est sur un marché ? - Non ce n'est pas un marché” le mec ne disait rien mais nous permettait de corriger la version pour s'approcher au plus près de la vérité29 ». Lors de l’un de nos entretiens, Adeline Bruzat nous parle d’une expérience avec un jeune Syrien qui collecte des médicaments, des couvertures, des vêtements, et de l’argent pour aider les gens sur place. Elle écrit un article sur la préparation de son pé-riple en voiture jusqu'à Alep. Il s’agit d’un travail fait de « off », donc pour ne pas briser la confiance qu’il lui accorde elle n’exploite pas certaines informations, ce que ne font pas un journaliste indépendant et un photographe, originaires de Berlin. Ils persuadent le jeune Syrien de l’accompagner jusqu'à la frontière turque et se servent des informa-tions recueillies durant ce voyage pour rendre leur sujet plus attractif. « Ils ont utilisé jusqu'à la somme d'argent sur lui et des informations sur sa petite amie30 ». Sur place, le jeune Syrien est identifié et passé à tabac. À part Adeline Bruzat, il ne souhaite plus 27 Entretien avec N. ROPERT (annexe I. 9. a.) 28 Entretien avec N. ROPERT (annexe I. 9. b.) 29 Entretien avec N. ROPERT (annexe I. 9. c.) 30 Entretien avec A. BRUZAT (annexe I. 1. d.) !19
  • 20. du tout entendre parler de journalistes. D’ailleurs, lorsqu’il a des informations à trans-mettre, il ne passe désormais que par cette journaliste qui revendique l’éthique profes-sionnelle. Cet exemple confirme qu’une confiance réciproque pérennise la relation entre le journa-liste et sa source. La confiance est nécessaire au journaliste dans la fabrication de son réseau de fournisseurs d'informations. Par ailleurs, une relation de confiance, assez longue, conforte le journaliste dans la fiabilité des informations reçues. Il y en a même parmi les informateurs qui partagent leur analyse sur les situations et les phénomènes de société, nous dit Franck Lagier . Les journalistes abordent le « off 31 » d’un point de vue professionnel et déontologique, mais un homme de pouvoir peut parfois avoir sa propre conception du « off », il faut alors faire preuve de prudence nous dit un journa-liste dans notre enquête en ligne : « J'ai eu à interviewer Bernard Tapie qui m'a expliqué la chose suivante. C'est "on" quand c'est bon pour moi, c'est "off" quand c'est mauvais. Et il ajoutait moi je pratique le on/off. En clair débrouilles-toi avec ce micmac32 ». Dans le cadre de la mise en abyme de notre sujet, “Jacques”, homme politique élu dans le département de l'Isère nous dit qu’il donne du « off » à France Bleu Isère, sous forme de conversations avec les journalistes. « C'est des potes et ils ont toujours bien fait leur boulot (...) Ils ne me citent pas mais chacun repart avec son analyse33 ». Il estime que la PQR34 de son secteur est mauvaise, « un véritable torchon35 ». Leur contact est un peu tendu, particulièrement avec une de leurs journalistes « qui nous dézingue à tout va. Il 31 Entretien avec F. LAGIER (annexe I. 5. a.) 32 Commentaire anonyme, enquête en ligne (annexe II, 5.) 33 Entretien avec “JACQUES” (annexe I. 14. a.) 34 PQR : presse quotidienne régionale 35 Entretien avec “JACQUES” (annexe I. 14. a.) !20
  • 21. n'est donc pas question de faire du “off” avec elle ». En revanche 36 il informe Le Pos-tillon37. « C'est un peu notre petit Canard Enchaîné à nous (...) du coup lorsqu'il se passe un truc intolérable, je lui envoie un mail anonyme, enfin il sait que c'est moi38 ». Ainsi, le rapport entre les sources et la presse dépend également de l’image que les in-formateurs se font de cette dernière. Des personnes, y compris les politiques, vont plus facilement parler à certains journaux qu'à d'autres, et de préférence des titres proches de leurs idées. Christian Jacob39, par exemple, n'est pas du genre à parler au Canard, il parlera plutôt au Figaro40, nous dit Hervé Liffran. 2. Le « off » comme instrument d’anticipation “ La confiance n'exclut pas le contrôle ” Vladimir Lénine41 Dans les commentaires de l’enquête, les participants abordent également le côté “boîte à outils” du journaliste en évoquant son “réseau” : « Le travail d'un journaliste dé-pend aussi de son carnet d'adresses, et pas de carnet sans un travail éthique. Le “off” appartient à cette éthique42 ». Entre 2002 et 2006 Jean-Marc Four est envoyé spécial permanent à Londres pour Radio France. En juillet 2005 des attentats frappent Londres : 36 Entretien avec “JACQUES” (annexe I. 14. a.) 37 Presse locale critique sur Grenoble, [disponible en ligne]. 38 Entretien avec “JACQUES” (annexe I. 14. b.) 39 C. JACOB, né le 4 décembre 1959 est un homme politique français, UMP. 40 Entretien avec H. LIFFRAN (annexe I. 8. b.) 41 V. LENIN, communiste, Homme d'état, Homme politique, Révolutionnaire (1870 - 1924) 42 Commentaire anonyme, enquête en ligne (annexe II. 7.) !21
  • 22. « On n’a pas compris immédiatement que c'était des attentats parce que d'abord on a eu comme information que le métro était à l'arrêt, ce qui à Londres peut arriver pour des motifs ayant peu de choses à voir avec un attentat, des feuilles sur les voies par exemple (...) Une source, dont je tairai évidemment le nom, mais dont je sais qu'elle est fiable et très bien informée auprès des services de sécurité britanniques, m'a appelé ; ce n'est même pas moi qui ai appelé ! Il m'a appelé pour me dire : “Jean-Marc ce sont des attentats”43 ». Sa source lui explique le contexte et lui demande de ne rien diffuser « le temps que cela devienne public44 ». Nous constatons dans cet exemple que grâce à son réseau, et dans des situations sensibles, le journaliste peut anticiper le travail à venir : « J'ai appe-lé la rédaction en chef de France Inter et de France Info à Paris pour leur dire "c'est des attentats, vous pouvez d'ores et déjà mettre deux ou trois reporters dans l'Eurostar parce que ça va chauffer. On ne peut pas encore le dire à l'antenne mais d'ici la fin de la matinée à mon avis on pourra le dire” ; et c'est ce qui s'est produit45 ». Si le « off » permet au journaliste d’anticiper son travail dans le temps présent, cela lui permet aussi d’anticiper sur les évènements à plus long terme. Il y a une dizaine d’années, une source de Franck Lagier lui indique qu’un membre de l’ETA est arrêté en Charente46, et lui signale qu'ils seraient nombreux en Limousin. Malgré quelques doutes de la part de ses collègues et de sa hiérarchie, le journaliste fait confiance à son infor-mateur et insiste pour écrire sur le sujet. Le journaliste évoque le fait que sa source a du recul face aux évènements et qu’il travaille depuis un certain nombre d’années avec lui. Depuis cet épisode, il y a eu de nombreuses arrestations, dix ans durant, à raison de deux par an. Franck Lagier évoque un autre fait, lorsqu’en 2003 un engin explosif est 43 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. b.) 44 Ibid. 45 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. c.) 46 Entretien avec F. LAGIER (annexe I. 5. b.) !22
  • 23. retrouvé en Limousin, un acte revendiqué par le groupe terroriste AZF47. L’information « off » est brisée par un journaliste de la Dépêche du Midi, pour qui le fait que seul le pouvoir dispose de certaines informations liées à la sécurité de tous est une injustice qui doit être réparée sans aucun délai. Le contact de Franck Lagier lui a dit : « Je trouve ça dégueulasse qu'un colonel de gendarmerie ait la possibilité, parce-qu'il a l'info, de ne pas envoyer son propre enfant dans les trains parce-qu'il sait qu'il y a des risques d'explosion, alors que le mec qui est ouvrier envoie son fils à une mort pro-bable48 ». Ici, le journaliste anticipe sur un évènement qui aurait pu potentiellement avoir lieu, se-lon lui. Ainsi le journaliste se permet une incursion en tant que citoyen, estimant que le bon sens l’emporte sur le secret. B - La transgression 1. Un classique : la déclaration de Rome “ Pour le couteau, il n'y a point de secret à l'intérieur de l'igname ” Proverbe béninois49 Dans la mesure où il débute sa carrière en 1963 comme chroniqueur pour le journal Le Monde, il nous semble légitime de solliciter les souvenirs d’Alain Duhamel, l’un des rares spécialistes en activité à pouvoir nous parler d’une période sur plus de cinquante ans. Selon lui, c’est à la fin des années soixante que l’on commence à en-tendre parler du « off ». 47 AZF : nom ayant signé plusieurs menaces d'attentats contre le réseau ferroviaire de la SNCF à partir du 11 décembre 2003 (avec une demande de rançon de 4 millions d'euros et de 1 million de dollars US). 48 Entretien avec F. LAGIER (annexe I. 5.d.) 49 Proverbe béninois ; OEuvre : Proverbes et dictons béninois (1992) !23
  • 24. « La déclaration de Rome de Georges Pompidou laissant entendre qu'il serait candidat si le Général De Gaulle ne se présentait pas. Cela avait fait une histoire terrible. C'était une transgression du off déjà, bien sûr !50 » Le 17 janvier 1969 Georges Pompidou est en déplacement à Rome. À son hôtel, il re-çoit plusieurs journalistes français, et lorsque l’un d’eux demande s’il sera un jour can-didat à la présidence de la république, l’ancien Premier ministre répond que s’il y avait une élection un jour il le serait certainement, mais il précise que De Gaulle est toujours le chef de l’Etat. Seulement, une dépêche AFP51 ne reprend pas ses dires mot pour mot : « Ce n’est, je crois, un mystère pour personne que je serai candidat à la présidence de la République lorsqu’il y en aura une. Mais je ne suis pas pressé52 ». Nous constatons que, par respect pour le président en place, le premier ministre utilise un timide condi-tionnel alors que l’affirmation rapportée par le journaliste est de nature offensive. La subtilité disparaît et laisse place à l’affront. Dès le lendemain de cette rencontre avec les journalistes, Pompidou comprend qu’à Paris ses propos enflamment la classe politi-co- médiatique quand, au téléphone, Pierre Charpy ne lui cache pas que les journaux souhaitent en parler, et que Paris-Presse53 à l’intention d’en faire sa une. « À Paris, monsieur le Premier ministre, lui dit-il, votre déclaration de candidature à l’Élysée a fait sensation, pouvez-vous me dire ce qui vous a décidé ? - Comment ça ? J’ai déclaré ma candidature, moi ?54 » 50 Entretien avec A. DUHAMEL (annexe I. 2. c.) 51 AFP: Agence France Presse 52 C. DELPORTE, La France dans les yeux: Une histoire de la communication politique de 1930 à nos jours, Paris, Flammarion, [disponible en ligne], 2007. 53 Paris-Presse, quotidien français édité à Paris de 1944 à 1970. 54 H. GIDEL, Les Pompidou, Paris, Flammarion, [disponible en ligne], 2014. !24
  • 25. Le journaliste à l’origine de l’émotion suscitée par ces propos est correspondant pour l’AFP. Robert Mangin, qui semble-t-il « haïssait de Gaulle », traite 55 cette déclaration comme s’il s’agit d’un évènement sensationnel alors que Pompidou n’imagine pas dire quelque chose de nouveau. À cette époque l’ancien Premier ministre appartient au cercle restreint des présidentiables. Jacques Chirac estime qu’il n’y a, dans cette an-nonce, rien de choquant qui puisse être mal interprété : « Qui peut sérieusement douter que Georges Pompidou aura, un jour ou l’autre, un destin national ?56 ». Si le journaliste décide de traiter cette déclaration à sa façon, qu’en est-il de ses confrères ? Pour Pa-trick Girard cette déclaration « est si banale qu’ils ne se donnent pas la peine de la rele-ver. Contrairement à leur confrère qui a le sentiment de tenir un scoop57 ». La confi-dence de Pompidou n’en est pas totalement une, d’autant plus que tirée d’un « off » col-lectif, elle n’est traitée que par un seul journaliste à priori hostile à de Gaulle. Robert Mangin est à l’origine d’une transgression sémantique. En effet, lorsque avec ses mots il fait dire à Pompidou « mais je ne suis pas pressé », le lecteur visualise la fin du man-dat de De Gaulle, ce qui est pris comme un manque flagrant de respect. Cet évènement contribue ainsi à la mésentente entre De Gaulle et Pompidou. Cette célèbre transgres-sion participe manifestement à une évolution de la pratique du « off » dans la presse. Une autre particularité de cette transgression, c’est que Pompidou a face à lui plusieurs journalistes au lieu d’un, ce qui sort du cadre d’un face-à-face confidentiel entre un journaliste et son informateur. Il semble cependant que ces moments sont loin d’être inhabituels. « Des petits déjeuners ou des déjeuners » “collégiaux” entre un politique et plusieurs journalistes sont choses communes, écrit Benjamin Sportouch, qui précise que « c'est à table que les journalistes glanent le plus de off ». Les journalistes poli-tiques se regroupent « par six au maximum » car « à plusieurs, il est plus facile de dé-crocher un rendez-vous ». Cet aspect du « off » est également abordé par Ivan Valério lors de nos entretiens. 55 P-M. DE LA GORCE, Charles de Gaulle: 1945-1970, Paris, Poche, [disponible en ligne], 2008. 56 J. CHIRAC, Chaque pas doit être un but: Mémoires, Volume 1, Paris, NIL, [disponible en ligne], 2009. 57 P. GIRARD, La République des coups bas: 50 ans de trahisons en politique, Paris, JC Gawsewitch, [disponible en ligne], 2012. !25
  • 26. « On est cinq journalistes. On invite un politique, et puis il nous raconte des choses et l'on se met d'accord que tout le déjeuner est informel, c'est du off, c'est pour s'informer sur son travail, sur ce qu'il fait etc etc...58 ». Par le biais de ces rencontres Ivan Valério anticipe son travail et « va tirer des angles mais jamais s’en servir tels quels comme d'une matière brute59 ». En décidant seul de briser le caractère informel de l’échange avec l’ancien Premier mi-nistre et en ne lui attribuant pas ses propos exacts, le journaliste s’affranchit des règles recommandées par la Chartre d’éthique professionnelle des journalistes60, disponible sur le site Internet du syndicat61. « C’est dans ces conditions qu’un journaliste digne de ce nom : Tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journa-listique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la cen-sure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives profes-sionnelles62 » Dans l’exemple suivant, nous verrons comment un groupe de journalistes prennent en-semble la décision de révéler une information dont l’informateur aurait souhaité qu’elle reste confidentielle. 58 Entretien avec I. VALERIO (annexe I. 10. c.) 59 Ibid. 60 Chartre d’éthique professionnelle des journalistes, [disponible en ligne]. 61 Syndicat national des journalistes, [disponible en ligne]. 62 Chartre d’éthique professionnelle des journalistes, [disponible en ligne]. !26
  • 27. 2. Le libre-arbitre du journaliste : le couac de Florange “ Une extrême nécessité fait dévoiler le secret ” Proverbe burundais63 Le prochain exemple se déroule à un moment où la situation est tendue entre le président de la République, Arnaud Montebourg et les employés de Florange. Les jour-nalistes qui suivent François Hollande le retrouvent lors d’une visite dans les locaux d’Emmaüs à Paris. Arnaud Montebourg avait remis sa démission deux jours aupara-vant, ce dernier était pour la nationalisation, mais pour François Hollande « il n’en n’a jamais été question64 ». Lorsqu’un journaliste lui demande, toujours entouré de gens dans les locaux d’Emmaüs, s’il n’est pas inquiet de perdre le vote des ouvriers, il ré-pond : « ce n'est pas grave65 ». Florent Guignard est présent pendant toute la durée de cet échange, même lorsque son conseiller en communication, Christian Gravel leur dit : « Bien entendu c'est “off”66 ». La règle du « off » est toujours la même : les journalistes qui suivent le président dans ses déplacements ne le citent pas nommément mais utilisent des formules comme “l'entourage”, “selon l'Élysée” ou “un proche”. On parle alors de métonymie67, procédé stylistique de substitution souvent utilisé pour éviter de se répéter ou d'alourdir le dis-cours : 63 Proverbe burundais ; OEuvre : Proverbes et dictons burundais (1963). 64 Entretien avec F. GUIGNARD (annexe I. 4. a.) 65 Ibid. 66 Entretien avec F. GUIGNARD (annexe I. 4. b.) 67 Métonymie : figure de style qui permet de ne pas désigner un objet par son nom, mais par un autre qui le symbolise. "L'émissaire du Krémlin" = le représentant de la Russie. !27
  • 28. « Comme c'est toujours les mêmes journalistes qui le suivent, on se connaît et ça fonc-tionne assez bien (...) Là ce n'était pas possible de ne pas citer nommément Hollande, donc on s'en fout et on craque le “off”, parce que l'expression est d'un cynisme absolu (...) il n'est pas honnête, là sur ce coup68 » Après chaque rencontre, les journalistes vérifient qu’ils ont tous bien compris et noté la même chose. Ils peuvent également s'entendre sur les phrases qu’ils vont, ou ne vont pas sortir. Lorsque François Hollande, toujours dans cette conversation, ajoute « oui moi j'y suis allé à Florange, je suis monté sur la camionnette, je leur ai parlé69 », la phrase est évidemment plus forte que si c’est “l’entourage” qui avait exprimé sa volonté de dialogue avec les ouvriers. Les journalistes sollicitent alors une approche éthique collective. Pour eux, la relation de confiance ne peut pas tenir. Ils brisent le « off ». C - La communication d'abord 1. Instrumentalisation politique : Le service presse de Lionel Jospin “ Le secret le mieux gardé est celui qu'on ne dit à personne ” Proverbe chinois70 Une communication malhabile et non maîtrisée peut s’avérer désastreuse pour l’homme politique qui a mal évalué la position de son curseur. Quand cela arrive, le ré-sultat s’éloigne généralement de l’objectif et la bourde devient compliquée à rattraper. En 2002, Lionel Jospin découvre l’arrière-goût amer que peut revêtir le « off » après un voyage en avion qui le ramène d’un déplacement à La Réunion. Lorsque pendant le vol, Jospin « décrit devant les journalistes de sa suite un Chirac “vieilli et usé”, ce n’est évi-dement pas pour que cette conversation se retrouve dans les journaux et sur les ondes 68 Entretien avec F. GUIGNARD (annexe I. 4. d.) 69 Entretien avec F. GUIGNARD (annexe I. 4. c.) 70 Oeuvre : La Chine en proverbes (1905) !28
  • 29. sitôt son atterrissage ». Selon Daniel Carton, les premiers articles 71 qui sortent ne men-tionnent pas les propos de Jospin, il faut attendre les dépêches AFP « après l’encoura-gement implicite du chargé de presse, Yves Colmou72 ». Si le but est de pimenter la campagne électorale, l’événement n’en provoque pas moins une affaire qui ne facilite en rien le parcours du candidat Jospin. Ce dernier n’assume pas sa déclaration et ne souhaite pas s’en prendre à la presse ; il lui paraît compliqué de devoir se passer des journalistes qui « ne sont plus tout à fait sûrs d’avoir entendu ce qu’ils ont rapporté73 ». L’auteur implique un choix de communication du chargé de presse et directeur adjoint de campagne de Lionel Jospin. Ce dernier, persuadé de faire un coup de communica-tion qui rendrait la figure de Jospin plus présidentiable que celle d’un Chirac dépassé, se trompe sur les conséquences de sa décision. Nous l’avons vu précédemment, après un échange informel avec un politique, les jour-nalistes se concertent sur les propos tenus et la manière dont ils vont les utiliser. Jean- Michel Aphatie, présent lors de ce vol, confirme que les journalistes font un point avant de prendre une décision sur le traitement de cette information. Il écrit également qu’Yves Colmou leur dit « dans une campagne présidentielle, il n’y a pas de “off” !74 ». Il démentira les propos stigmatisant le président par le biais d’un communiqué « invo-quant la confidentialité de propos tenus hors micro, sans véritable intention de nuire75 ». Nous constatons des similitudes avec la déclaration de Rome. Jospin s’exprime devant plusieurs journalistes et les premières fuites émanent de l’AFP. Le « off » brisé n’est cependant pas à attribuer à la seule initiative d’un journaliste en quête de scoop, mais résulte d’un contexte politico-médiatique plus ambiguë. Nous constatons, une fois en-core, que le « off collectif » a du mal à tenir. 71 D. CARTON, Bien entendu… C’est off, Paris, Albin Michel, p.110 72 loc. cit. 73 loc. cit. 74 J-M. APHATIE, Liberté, égalité, réalité, Paris, Stock, [disponible en ligne], 2006. 75 J. SEGUELA, Autobiographie non autorisée, Paris, Plon, [disponible en ligne], 2009. !29
  • 30. 2. Instrumentalisation maîtrisée et transgressions assumées : Nicolas Sarkozy / François Hollande “ Plus un secret a de gardiens, mieux il s'échappe “ Jacques Deval76 Au cours de son mandat Nicolas Sarkozy contribue à cette évolution du « off ». En novembre 2009 il reçoit six journalistes à l’Élysée en précisant que l’entretien est privé. Il s’exprime à propos de Rama Yade, de son parcours à mi-mandat et du grand emprunt. La presse traite ses propos en les attribuant à “ses collaborateurs”, “son en-tourage” ou encore précise que “l’Élysée dit que…”, mais le « off » est brisé par les ra-dios, puis par le site Internet du journal Le Monde qui formule « en privé Nicolas Sarko-zy… 77 ». Parmi les journalistes présents à ce « off », deux sont interrogés par la rédac-tion de Rue8978. Henri Vernet fait le choix de nommer l’auteur de certaines citations, alors que Paul Quinio respecte le « deal79 ». Ce dernier, qui reconnaît que l’impact n’est pas tout à fait le même, aurait tout de même témoigné des contrariétés du président. Quand on interroge Thomas Legrand, éditorialiste politique pour France Inter, l’une des radios à avoir brisé le « off » de Sarkozy, ce dernier sollicite l’éthique professionnelle. Selon lui le « off » n’est valable que pour « des sujets très techniques, ou (...) des in-formations éminemment confidentielles80 ». Il encourage même le président à remplacer cette pratique par une conférence de presse lorsqu’il souhaite se plaindre de l’action de l’un de ses ministres. 76 J. DEVAL, dramaturge, scénariste et réalisateur français (27-06-1890 / 19-12-1972) 77 F. FRESSOZ, « Le chef de l'Etat distribue bons et mauvais points », Le Monde, [disponible en ligne], 5 novembre 2009. 78 A SCALBERT, « Sarkozy se confie à six journalistes : chut, c'est “off” », Rue 89, [disponible en ligne], 5 novembre 2009. 79 Ibid. 80 art. cit., A SCALBERT, p. 30. !30
  • 31. En novembre 2010, lorsqu’un journaliste pose une question sur l’affaire Karachi lors d’un « point presse off » à Lisbonne, le président de la République le traite de pédophile dans une démonstration censée dénoncer des accusations non fondées. Nous consta-tons qu’un paradoxe sémantique s’installe avec l’existence du terme « point presse off81 », un paradoxe amplifié par des techniciens portugais qui n’ont « pas compris la nature de la rencontre (...) entre le président et les envoyés spéciaux français82 », et enre-gistrent cet échange. L’entourage du président aurait insisté pour le faire effacer : « c'était du off, rien que du off83 ». Le lien audio84 est toujours disponible sur la page Dai-lymotion85 du journal Libération. On assiste alors à l’une des évolutions du « off » qui se traduit par la confusion des genres, “off collectif” et “conférence de presse”. Nous avons vu plus tôt que le « off » traditionnel se déroule entre un journaliste et son interlocuteur, puis qu’il existait une variante avec le « off collectif » qui s’effectue entre plusieurs jour-nalistes et une source, décrivant déjà une transition fragile de la pratique. Cette nou-velle étape du « point presse off » trouble davantage les rapports politico-médiatiques. En janvier 2012, à Cayenne, Nicolas Sarkozy réunit des journalistes pour un “briefing off”, l’expression anglo-saxonne pour désigner un « point presse off ». Le président en exercice révèle sa candidature et envisage sa défaite. Deux jours plus tard, le Figaro fait part des doutes du président qui dit : « Je suis confronté à la fin de ma carrière, si je suis battu je changerai de vie, vous n’entendrez plus parler de moi86 ». Ce dernier exemple s’inscrit également dans l’évolution de la pratique. Il ne s’agit pas d’une confé- 81 D. DUFRESNE, « Il semblerait que vous soyez pédophile»: écoutez ce qu'a vraiment dit Nicolas Sar-kozy”, Libération, [disponible en ligne], 23 novembre 2010. 82 « Polémique : quand Sarkozy traite en "off" les journalistes de "pédophiles" », La Tribune, [disponible en ligne], 23 novembre. 2010. 83 « Le dérapage de Sarkozy contre un "journaliste pédophile », Tempsreel Nouvelobs, [disponible en ligne], 22 novembre. 2010. 84 « ”Amis pédophiles": le "off" de Sarkozy à Lisbonne», [disponible en ligne], 24 novembre 2010. 85 Dailymotion : service social de streaming vidéo français. 86 F-O. GIESBERT, Derniers carnets, Scènes de la vie politique en 2012 (et avant), Paris, Flammarion, p. 89. !31
  • 32. rence de presse pourtant Frédéric Métézeau de France Culture recense « 21 confrères pour 21 médias ». Hervé Liffran du Canard Enchaîné considère 87 que ces situations ne sont pas tenables : « Il y a parfois des scènes, comme par exemple avec Sarko qui l'a fait plusieurs fois, Hollande également, devant quinze journalistes, et dire : “Je vous dis telle chose mais c'est “off”. Ça c'est de la blague. Quinze personnes, ce n'est plus un “off” ; ça n'a pas de sens ! On sait donc là que le “off” ne tiendra pas, il se fout du monde88 ». Gilles Bridier constate également que « le “off” devant plusieurs journalistes de médias concurrents89 » se pratique de plus en plus, et que l’information est très vite reprise et commentée dans toute la presse. Selon lui personne n’est dupe sur le fait qu’un « off » puisse être rompu : « Ces situations sont souvent créées de toutes pièces, avec des révélations calibrées pour servir un plan de communication90 ». Nicolas Sarkozy soigne sa communication avec Franck Louvrier, son responsable communication et des rapports avec la presse entre 1997 et 2012. Le communicant qui aurait un répertoire téléphonique de 13 000 noms91, sélectionne le journaliste « qui po-sera la bonne question92 » en conférence de presse. « ”Allo c’est Franck Louvrier”. Tous les journalistes politiques connaissent cette petite musique93 », précise même un repor-tage de Canal+ qui lui est consacré. On y apprend que, peu importe qu’il s’agisse d’un journal local ou d’un grand quotidien, il passe son temps au téléphone avec les médias. 87 « Politiques : le off et le look. Qui manipule qui ? », France Culture, Le secret des sources, [disponible en ligne], 28 janvier 2012. 88 Entretien avec H. LIFFRAN (annexe I. 8. c.) 89 art. cit., G. BRIDIER, p. 6. 90 Ibid. 91 « Franck Louvrier invité du Supplément sur Canal+ le 24 février 2013 », chaîne Viméo de Franck Lou-vrier, [disponible en ligne] à partir de 3’53. 92 Ibid., à partir de 2’24. 93 Ibid., à partir de 4’09. !32
  • 33. Il parle aux journalistes comme aux directeurs des médias. Pour Camille Pascal, un an-cien conseiller de Nicolas Sarkozy, ce grand professionnel maîtrise la langue de bois et est capable de manipuler les journalistes. Quand on lui demande si les journalistes étaient “les dindons de la farce”, Camille Pascal répond : « Il vous a pas mal toréé oui, c’est assez drôle ». Lorsqu’un journaliste du Monde le 94 surnomme « super-menteur95 », Franck Louvrier sourit et dit qu’il pouvait ne pas dire les choses mais qu’il ne disait ja-mais quelque chose de faux. En novembre 2013 le journal Les Echos lui propose de se mettre à la place du journa-liste pour écrire un papier. Lorsqu’on lui demande quels conseils il donnerait aux journa-listes, et quels écueils il faudrait éviter, il répond : « La langue de bois ; (...) trouver des infos intéressantes qui puissent nourrir le papier ; (...) on essaie d’avoir quelques infos supplémentaires ; il faut essayer d’agiter le maximum de ses sources, parce qu’au bout d’un moment on va trouver une pépite...96 ». Franck Louvrier maîtrise parfaitement le processus de traitement de l’information ; il connaît mieux ses interlocuteurs qu’ils ne le connaissent. Lors d’un déplacement de François Hollande au Brésil, Gaël Legras constate que les journalistes politiques qui suivent le président depuis deux jours sont insatisfaits d'être là car ils n’ont aucune information, jusqu’à ce que le service presse de l’Élysée déclare : « Vous allez être contents, vous n'avez pas fait le voyage pour rien, exceptionnellement sur ce voyage il y aura du “off”97 ». Tous se réunissent « micros fermés, caméras au sol98 », et le président Hollande arrive. La discussion dure quarante cinq minutes envi-ron, le chef de l’État est extrêmement courtois et se moque gentiment d’un journaliste 94 Ibid. 95 Ibid., à partir de 8’48. 96 « La Relève : l'interview de Franck Louvrier par Julien Arnaud », Les Échos, [disponible en ligne], 17 novembre 2013. 97 Entretien avec G. LEGRAS (annexe I. 7. b.) 98 Entretien avec G. LEGRAS (annexe I. 7. c.) !33
  • 34. qui la veille avait fait un malaise. À ce moment précis le journaliste ressent « une forme de connivence (...) c'est-à-dire qu'auparavant » il avait l'impression « de voir deux mondes qui se fuyaient (...) et là il y avait quelque chose de très chaleureux, d'entre soi, qui était assez perturbant ». Selon Gaël Legras, le président 99 déclenche cette session de « off » afin de démentir une polémique à propos du rapport sur l’intégration qui les a tenus en haleine pendant soixante-douze heures, comme « un truc qui occupe tous les esprits pendant un certain temps100 » et qu’ils avaient presque oublié. Lors de notre entretien le journaliste sort un carnet où il consigne des souvenirs, comme ces mots du président : « Ce n'était pas un rapport, c'était un débat. En plus, ça fait un mois que c'est sur Internet. Vous connaissez ma position et celle du gouverne-ment sur le sujet. Il n'y aura donc aucune proposition sur l'intégration101 ». Gaël Legras s’interroge sur la valeur du « off collectif » ; il pense qu’en faisant leur travail les journa-listes se font piéger par la stratégie de communication du président ; « ils contribuent à diffuser une parole du pouvoir102 ». Gaël Legras pense que la position du journaliste peut alors contribuer à la défiance de l’opinion envers la presse : « Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, si on veut faire confiance aux journalistes il faut qu'ils soient transparents sur ce genre de truc (...) Il y a un rapport de séduction, il y a une drague. Je te rends important parce que je suis homme de pouvoir et je te dis des choses que je ne dis pas aux autres103 ». Comme Nicolas Sarkozy auparavant, François Hollande s’entoure de conseillers. Chris-tian Gravel a fait partie de l’équipe communication du chef de l’État. Comme Franck 99 Ibid. 100 Entretien avec G. LEGRAS (annexe I. 7. d.) 101 Ibid. 102 Entretien avec G. LEGRAS (annexe I. 7. f.) 103 Entretien avec G. LEGRAS (annexe I. 7. g.) !34
  • 35. Louvrier, il a distribué « les prises de parole » en conférence 104 de presse. Selon un membre du staff de Manuel Valls, pour qui Gravel travaille aujourd’hui « c'est l'oeil de Moscou105 ». Il l’informe de tout, et lui rapporte « les “on”, les “off”, les appels106 ». En mars 2013, Christian Gravel est prié de quitter la régie de France Télévisions où est réalisé un entretien avec le chef de l’État. ; le conseiller demande à ce qu'on « souffle une question dans l'oreillette de David Pujadas sur le thème de la sécurité107 ». Son in-sistance est si pressante que Thierry Thuillier, le directeur de l'information de France Télévision, le prie de sortir. Christian Gravel dément cette version, selon lui, après s’être assuré que les sujets allaient être abordés, il ressort des studios sans que personne n'ait besoin de le prier de sortir108. La réputation des communicants n’est pas toujours flatteuse et concernant la sienne, certains parlent de « publication de "off" attribués di-rectement à Christian Gravel109 ». Dans leur usage du « off », seuls ou avec leurs communicants, les politiques entre-tiennent leur relation avec la presse, car ils savent que pour nourrir leur travail, les jour-nalistes ont un besoin constant d’informations. Certains politiques se nourrissent alors de ce contexte pour pratiquer l’instrumentalisation, comme le confirme Claude Barto-lone dans le reportage110 de Médias le magazine. 104 M. WESFREID, « Choses vues à l'Elysée: "Si je ne pose aucune question, je suis viré"», L’Express, [disponible en ligne], 14 novembre 2012. 105 D. REVAULT d'ALLONNES et T. WIEDER « Manuel Valls, l'omniprésent », M le magazine du Monde, [disponible en ligne], 15 avril 2012. 106 Ibid. 107 « Hollande sur France 2: un des conseillers voulait souffler une question à Pujadas », Europe1, Le Lab, [diponible en ligne], 29 mars 2013. 108 “Quand le chargé de com' de l'Elysée veut faire les questions”, Direct Matin, [disponible en ligne], 29 mars 2013. 109 art. cit., Europe1, Le Lab, p. 35. 110 « Le "off", un “mal nécessaire" du journalisme ? », Média, le magazine, France 5, chaîne Youtube de Paul Theux, mise en ligne le 22 janvier 2009, à partir de 2’55. !35
  • 36. Conclusion de la première partie “ Le secret se divulgue à le trop confier ” Proverbe mauritanien111 L’un des commentaires de notre enquête résume l’évolution du « off » et s’acco-rde avec le déroulement de notre démonstration : « Au fil des années le “off” a évolué. La première époque consistait à éclairer la connaissance du journaliste. Il n'était pas diffusé. Pendant la seconde époque, le journaliste "trahissait" son interlocuteur et diffusait le “off“ comme une information of-ficielle. La troisième époque, celle que nous vivons actuellement, voit l'interlocuteur, en l'occurrence un homme politique, manipuler le journaliste en lui donnant des in-formations “off”... en le pressant insidieusement de les diffuser112 ». Dans le cadre de notre mise en abyme du sujet, l’entretien avec “Paul”, élu en Haute- Vienne, confirme que certaines personnalités politiques cultivent une démarche d’intr-umentalisation. Lorsqu’il évoque ses premiers « off », il se souvient avoir été envoyé par des plus vieux pour livrer des informations qu’ils souhaitent faire passer, mais qu’ils ne veulent pas dire eux-mêmes. Il s'agit d'informations précises qu’il doit donner à une personne en particulier, la plupart du temps dans le simple but de déstabiliser l'adversa-ire : « C'est une époque où j'étais tout feu tout flamme, jeune et passionné de politique, je n'avais pas froid aux yeux (...) je faisais à peu près tout ce que l'on me disait de faire, et avec grand plaisir113 ». Les différents exemples, ainsi que l’enquête et nos entretiens, nous permettent de ré-pondre à l’hypothèse proposée dans l’introduction de cette première partie. Le journa- 111 Proverbe mauritanien ; OEuvre : Contes et proverbes mauritaniens (1962) 112 Commentaire anonyme, enquête en ligne (annexe II. 3. c.) 113 Entretien avec “PAUL”, (annexe I. 13. b.) !36
  • 37. liste connaît les codes, les usages mais aussi les enjeux du « off » ; il est en position d’assumer son rôle. Qu’il soit solitaire ou solidaire, lors de « off » à plusieurs, le journa-liste est sensible à l’éthique alors qu’il fait face aux stratégies des communicants qu’il croise. Il se doit de rester vigilant. Ivan Valério précise qu’un journaliste objectif « ça reste un fantasme, il faut avant tout être un journaliste honnête, c'est la clé114 ». 114 Entretien avec I. VALERIO, (annexe I. 10. g.) !37
  • 38. 2ème partie Différences culturelles / Utilisation du off depuis l'explosion des mé-dias sociaux !38
  • 39. !39
  • 40. Dans cette seconde partie, nous nous intéresserons dans un premier temps aux différences culturelles du « off », à travers des exemples dans les cultures française et anglo-saxonne, et nous verrons comment la pratique évolue. Nous aborderons ensuite le « off » et ses transgressions depuis “le boom” des médias sociaux, et plus particuliè-rement Twitter. À partir de l’article de Benjamin Sportouch, 115 nous tenterons de com-prendre comment l’affaire DSK permet à Twitter de s’imposer en France et pourquoi les spécificités de ce média permettent au « off » de franchir une nouvelle étape dans son évolution. Nous verrons également comment les politiques et les communicants s’appr-oprient les médias sociaux, et comment le journaliste se positionne face aux stratégies de communication. A - Des différences culturelles 1. Les différences “ Tout ce qui est utile ne doit point demeurer secret ” Proverbe grec116 Jean-Marc Four nous explique qu’il y a différents emplois culturels du « off ». À travers quelques exemples nous tenterons d’en situer les usages mais également de déterminer si l’évolution générale du « off » impacte ces spécificités culturelles. Selon Jean-Marc Four, l’usage français révèle l’existence d’une collusion entre journalistes et politiques, qui puise ses racines dans une “tradition latine”, alors que pour sa part le modèle anglo-saxon est « extrêmement codifié117 ». 115 art. cit., B. SPORTOUCH, p. 6. 116 Proverbe grec ; OEuvre : Proverbes et sentences grecques (1792). 117 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. d.) !40
  • 41. « Il y a la zone blanche “vous pouvez le dire” et puis il y a la zone noire “je vous le dis mais vous avez interdiction absolue de le répéter, et si je vous top en train de le répéter, vous êtes grillé” (...) publiquement vous n'en faites rien, en fait.118 » Jean-Marc Four nous explique que l’usage du modèle anglo-saxon est strict : le journa-liste se doit de respecter la règle s’il souhaite exercer son métier. S’il ne le fait pas il perd la confiance de son interlocuteur et prend le risque d’être “blacklisté”119, c’est-à-dire qu’il devra se passer des services de sa source. Benjamin Sportouch confirme que la pratique est plus codifiée aux États-Unis mais ajoute : « Il faut dire que la langue de bois y est un sport moins prisé que chez nous120 ». John Dickerson121 nous apprend que cette codification date du siècle dernier. Woodrow Wilson, vingt-huitième président des États-Unis, est habitué aux rencontres informelles avec les journalistes qu’il rencontre séparément. Cependant, son secrétaire particulier commet une erreur technique en in-vitant l’ensemble de la presse à la même heure ; cela marque le début des conférences de presse de la Maison-Blanche. En Juillet 1913 Wilson menace de les arrêter après que le New York Sun ait publié, sur le Mexique, des commentaires qui étaient censés être « off the record122 ». Par la suite, les journalistes obtiennent leur propre salle à la Maison-Blanche mais tous les commentaires y sont considérés « off », à moins que l’administration ne les déclare « on ». Cela donnera naissance en 1914 à la WHCA123. 118 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. d.) 119 Être “blacklisté” : être sur une liste noire, être banni. 120 art. cit., B. SPORTOUCH, p. 6. 121 J. DICKERSON, journaliste américain, correspondant en chef du service politique de Slate, directeur du service politique de CBS News. 122 J. DICKERSON, « Meet the press », Slate, [disponible en ligne], mars 2013. 123 WHCA, “White House Correspondents' Association”, association américaine des correspondants de la Maison Blanche, elle regroupe les journalistes accrédités à couvrir l'actualité du président des États-Unis. !41
  • 42. Dans un article sur le sujet, Charlotte Rotman nous fait part du 124 témoignage d’un jour-naliste américain en poste à Paris. Lorsque à ses débuts, en France, on lui demande de respecter le « off », ce dernier obtempère : « Je n’avais pas compris qu’en fait, ceux qui me disaient ça voulaient que leurs propos soient rapportés125 ». Le journaliste ajoute qu’aux États-Unis il n’utiliserait pas des figures de style comme “dans l’entourage du chef de l’Etat” pour placer des propos présidentiels dans la bouche de ses conseillers. Selon lui « ce serait présenter une fiction comme une vérité, c’est-à-dire mentir126 ». Andrew Wolfe confirme ce système mais le nuance. Il est d’accord sur le fait qu’un jour-naliste qui collecte une information « off » aux États-Unis ne peut rien publier à ce sujet mais seulement l’utiliser pour enquêter. Cependant, il reconnaît qu’il y a des exceptions en politique notamment, où la pratique n’est pas hermétique aux formules « comme "source close to the administration"127 ». Selon lui les journalistes « sont probablement obligés de le faire, même s'ils n'aiment pas » ; en ce qui le concerne son avis est tran-ché : « Je déteste cela, lorsque j'écris je veux un nom, un visage, la vérité, et pas une histoire. Il y a des cas qui le justifient, mais cela doit être une exception pas une règle. Je ne me souviens même pas avoir eu à utiliser une information de ce genre128 ». Selon lui, le « off » est indispensable pour cultiver « son réseau de "whistle blowers"129 », et le fait qu’il existe « des personnes qui "spills the beans"130 c'est normal pour le tra- 124 C. ROTMAN, « Le “off” vu par les journalistes étrangers », Libération, [disponible en ligne], 25 janvier 2012. 125 Ibid. 126 Ibid. 127 source close to the administration : une source proche de l'administration. 128 Entretien avec A. WOLFE (annexe I. 11. c.) 129 Whistle blowers : lanceurs d'alertes, sources. 130 To spill the beans : (distribuer les haricots) vendre la mèche. !42
  • 43. vail de recherche », mais il préfère trouver quelqu'un d'autre à interroger que de ne pas pouvoir citer clairement une source ; il respecte donc une certaine éthique. 2. Amenuisement des différences “ Ce monde est rempli de personnes fausses, mais avant de juger, assurez-vous de ne pas en faire partie ” Tupac131 À partir des années soixante-dix le processus d’uniformisation est à ses premiers balbutiements. La presse américaine dévoile l’affaire du Watergate132 en 1974. Le jour-naliste Bob Woodward a mené son enquête grâce aux renseignements de « gorge pro-fonde », une source anonyme dont on apprenait bien des années plus tard qu’il s’agi-ssait de Mark Felt, le numéro deux du FBI133. Ce journaliste aurait d’ailleurs déclaré à des étudiants : « Il faut davantage de sources anonymes134 ». Selon lui, un article trop riche en citations « on » ne peut être complet. L’affaire du Watergate est le point de dé-part d’une trentaine d’années où les médias indépendants traquent toutes sortes d’abus, au point de parfois confondre de grandes affaires avec des révélations embar-rassantes sur la vie privée des politiciens. Dans son livre135 Bernard Poulet écrit que le candidat démocrate américain Gary Hart, pourtant promis à la victoire, doit se retirer de l’élection présidentielle de 1988 après des révélations de la presse sur sa liaison extra conjugale. Nous remarquons que le sens éthique dont parle Andrew Wolfe peut alors varier selon l’importance d’une information et ses possibles conséquences. 131 Tupac : Tupac Amaru Shakur, “2Pac”, “Makaveli”, rappeur, activiste, poète, acteur américain (16-06-1971/13-09-1996). 132 Le scandale du Watergate est une affaire d'espionnage politique qui aboutit, en 1974, à la démission du président des États-Unis. Richard Nixon. 133 FBI : Federal Bureau of Investigation (Bureau fédéral d'enquête). 134 J. COLLADO : « Quand le “off” français rejoint le “off” anglo-saxon. Et vice-versa ». Marianne, 25 avril 2011. 135 B. POULET, La fin des journaux et l’avenir de l’information, Paris, folio actuel, p117. !43
  • 44. Par ailleurs, au Royaume-Uni la presse traque les politiques dès la fin des années 1980, « les médias, aidés par le ras-le-bol des Britanniques, avaient fini par “avoir la peau” de Margaret Thatcher ». À cette époque, les politiques sont 136 contraints de faire preuve de plus de transparence, alors ils s’affaiblissent. Selon Bernard Poulet, c’est le moment où l’alliance « justice-police-médias137 » chamboule les conventions en France. C’est l’apogée des journalistes d’investigation qui sortent des révélations et des scoops grâce aux confidences des juges « et dans une moindre mesure, des policiers138 », qui dans le but d’affirmer leur indépendance face au pouvoir s’affranchissent du secret de l’instruction. Cette crise du pouvoir politique permet alors au pouvoir médiatique de do-miner : « C'était tous les jours “guignol”, le spectacle où chacun pouvait, sans risque, leur taper dessus139 ». Aujourd’hui le « off » semble davantage converger vers une uniformisation de la pra-tique. Dans notre première partie nous avons abordé le paradoxe du “point presse off” utilisé par les politiques français. Charlotte Rotman donne l’exemple de Manuel Valls qui lors d’un meeting de François Hollande briefe des journalistes avec ces mots : « C’est du off pour publication140 ». Le paradoxe est clair : le politique indique explicite-ment aux journalistes de se servir de l’aparté. Cette pratique n’est pas une spécialité hexagonale car la Maison-Blanche141 l’utilise également, comme lorsque l’administration a souhaité faire le point sur la situation de Benghazi. En effet la Maison-Blanche a or-ganisé un « briefing off » avec des journalistes avant la conférence de presse. L’admi-nistration américaine fait ainsi preuve de transparence lors d’une rencontre “formelle- 136 loc. cit. 137 op. cit, B. POULET, p. 41. 138 id. 139 id. 140 art, cit., C. ROTMAN, p. 42. 141 B. SHAPIRO, « White House meets privately with press to discuss Benghazi », Breitbart, 10 Mai 2013. !44
  • 45. ment informelle”. Dans un article paru sur le site Internet 142 du journal Marianne, le jour-naliste Jérémy Collado écrit : « Les pratiques s’uniformisent. La presse française “s’anglo-saxonnise”. Ou l’inverse. (...) Internet et la concurrence internationale soumettent tous les journalistes aux mêmes contraintes du marché. Il faut tout dire, le plus vite possible, en temps réel143 ». Selon Raphaëlle Bacqué144, journaliste au Monde réputée pour briser les « off », l’usage culturel du « off » aurait évolué ces dernières années avec les chaînes d’information en continu et l’utilisation des médias sociaux tels que Twitter. Angélique Chrisafis, journa-liste correspondante du Guardian à Paris pense qu’« à l’âge de Twitter, il y a une trop forte probabilité pour que tout sorte145 ». 142 art. cit., J. COLLADO, p. 43. 143 Ibid. 144 Ibid. 145 Ibid. !45
  • 46. B - Twitter : entre « on » et « off » 1. L’affaire DSK : un traitement « on » “ De là où je suis, la France, c'est loin et c'est petit “ Dominique Strauss-Kahn146 Nous avons choisi cet exemple car il illustre parfaitement l’éviction du « off » dans une situation d’urgence journalistique. Pour développer notre démonstration nous avons préféré Twitter aux autres médias sociaux car il est l’outil-même de « la parole super-publique, c'est très "top down"147 148 », nous dit Arnaud Mercier. Sur Twitter la pa-role est instantanée, il n’existe pas de filtre entre l’émetteur et les receveurs, et il n’y a pas de conditions optimales pour instaurer un débat. Par exemple, une actualité qui fait grand bruit sur le réseau va se répandre en escalier et peut devenir très rapidement hautement virale. L’information est jetée en pâture à tous les “twittos” qu’ils soient jour-nalistes, politiques, militants, détracteurs ou grand public. C’est ce qui s’est passé durant l’affaire DSK. De nombreuses rumeurs aussi infondées et fausses les unes que les autres deviennent des exclusivités sur Twitter et tous autres les autres supports. Twitter devient très vite le véhicule principal de l’information. En ef-fet, les télévisions et radios ne peuvent diffuser les échanges en direct mais seulement en différé car la Cour Suprême le leur interdit. Aux moments forts de l’affaire, globale-ment tous les supports traditionnels sont dépassés. Les chaînes d’informations en continu sont bouleversées. Il leur faut quelque chose à dire, au plus vite. 146 Citation de Dominique Strauss-Kahn, Le Nouvel Observateur, 9-15 décembre 2010. 147 Parole “top down” signifie un discours descendant, par exemple : l’origine est le pouvoir, la destina-tion est la base. 148 Entretien avec A. MERCIER (annexe I. 12. d.) !46
  • 47. « Heureusement qu'on a Twitter », reconnaît en direct la journaliste 149 Léa Salamé150 sur iTélé. Les médias s’organisent comme ils le peuvent et se positionnent sur le flux des messages postés en temps réel sur Twitter. Mais l’urgence du direct ne leur permet pas de faire un tri optima. « La source des “tweets” lus à l'antenne n'a pas toujours été clai-rement identifiée151 ». On parle alors de “messages sur Twitter” ou d’“informations en provenance de la salle d'audience” sans plus de précisions, et les messages lus sont souvent écrits par des journalistes d'autres médias. Certaines informations font office de remplissage. « On apprend grâce à Twitter que Dominique Strauss-Kahn est vêtu d’un costume gris et d'une chemise blanche et qu'il a souri à sa femme Anne Sinclair152 ». L'affaire DSK a tué le « off » en faisant du “tout « on »”. Interrogé par France2, Alain Duhamel admet que le cumul des tragédies poli-tiques et personnelles, instantanément amplifié par les nouveaux médias, appartient à un contexte « qui n’avait jamais existé153 ». La dimension internationale liée à l’affaire DSK et le “boom” des médias sociaux modi-fient, au moins temporairement, le travail du journaliste et de l’ensemble de la presse en France. 149 B. FERRAN, « L'affaire DSK propulse Twitter au premier plan en France », Le Figaro, [disponible en ligne], 20 mai 2011. 150 « iTélé : "Heureusement qu'on a Twitter" », chaîne Youtube du Figaro, [disponible en ligne], 20 mai 2011. 151 art. cit., B. FERRAN, p. 46. 152 Ibid. 153 « JT France2 : Affaire DSK, mesure de de l'institut TrendyBuzz du nouvel emballement du web social », page Youtube de Trendybuzz, [disponible en ligne], 5 juillet 2011. !47
  • 48. 2. Twitter en « off » “ Divulguer le secret des autres n'est pas de la franchise, mais de l'indiscrétion “ Eugène Marbeau154 Nous remarquons que Twitter fonctionne en « on ». Lorsque nous demandons à Ivan Valério s’il pense que le « off » disparait sur les réseaux sociaux, il répond : « Ce dont je suis sûr c'est que les réseaux sociaux n'ont pas tué le “off”, à la rigueur ils l'ont légèrement fait changer de nature. Je pense qu'ils le sublime dans le sens où le “off” c'est toujours des éléments d'information hyper viraux, parce-que c'est le secret, c'est les coulisses. Et les réseaux sociaux ont cette capacité à viraliser beaucoup l'info-rmation, en particulier sur de l'info que l'on pourrait se raconter, comme ça, au café155 ». Si Twitter est fait de « on », le « off » est néanmoins structuré par la fonctionnalité de messagerie privée. « Quand on est en DM156 on peut l'envoyer très rapidement de son portable, (...) pendant des réunions, des rendez-vous, des allocutions, ça peut aller très vite157 », nous dit Sylvain Lapoix. Il se souvient avoir publié un tweet à propos d’une dé-claration de Cécile Duflot dans un article sur le gaz de houille, en la mentionnant dans le message sous son nom de profil Twitter. Elle aurait pu répondre en « on » mais elle l'a fait en « off », c’est-à-dire par le biais de la messagerie privée. Elle lui répond que l’article en question lui pose problème car il serait totalement parti pris et qu’elle a par ailleurs un contentieux avec son auteur. Au final Sylvain Lapoix nuance par un deuxième tweet le contenu de l’article, car des sources internes lui confirment qu’il y a 154 E. MARBEAU, Remarques et Pensées, Philanthrope. - Conseiller d'Etat (1825 – XXe siècle) 155 Entretien avec I. VALERIO (anexe I. 10. d.) 156 DM = Direct message 157 Entretien avec S. LAPOIX (annexe I. 6. a.) !48
  • 49. bien un « micmac » à ce sujet. Par le biais de la messagerie privée, 158 le journaliste et la politique ont pu échanger sur le sujet. Cela permet au journaliste d’en savoir davantage sur le fond et cela permet à la ministre de ne pas ouvrir de porte à une éventuelle polé-mique. Selon Jean-Marc Four, ce système est très utile, particulièrement pour travailler avec des sources sur le terrain, à l'étranger. Quand les massacres interreligieux débutent en Centre Afrique, Jean-Marc Four est informé par quelqu'un d’extrêmement fiable via un message privé sur Twitter : « Il se passe des trucs horribles ici159 ». Dès lors qu’il a ces informations, il peut ensuite entamer le processus de vérification. Twitter est ici un outil qui, dans la transmission d’une information, permet d’anticiper le travail à venir, d’avoir un temps d'avance : « C'était un matin vers 10h ou 11h, on a été deux à recevoir l'info, quelqu'un du service étranger (...) et moi-même. Nous sommes allés voir le présentateur du journal de la mi-journée en lui disant il faut que tu te prépares à ouvrir une case sur la Centre Afrique, parce que l'on va avoir quelque chose à raconter160 ». Un journaliste qui a participé à notre questionnaire écrit que la messagerie lui permet de garder le contact avec des personnes qu’il voit peu dans l’année. Cela lui permet d’apprendre à mieux connaître les gens, leurs goûts, leurs affinités, leur humour aussi. Cela facilite ensuite les échanges quand le journaliste les rencontre sur le terrain, une idée partagée par un autre journaliste, qui précise que des sources parfois éloignées géographiquement se sentent valorisées lorsqu’il prend de leurs nouvelles via les ré-seaux sociaux. Les utilisateurs de Twitter peuvent échanger via la messagerie uniquement s’ils se suivent mutuellement. Arnaud Mercier estime qu’utiliser cette messagerie n’est pas 158 Entretien avec S. LAPOIX (annexe I. 6. d.) 159 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. g.) 160 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. h.) !49
  • 50. sans danger, car dans les faits c’est de l’écrit et cela laisse des traces. Cette situation ouvre également la porte au « off » de connivence. Cependant l'émergence des réseaux sociaux entraine un verrouillage de plus en plus généralisé de la communication selon Sylvain Lapoix. Il évoque la difficulté d’obtenir des entretiens car tout est filtré. Ainsi, un message privé n’aura pratiquement jamais de réponse, au mieux un courrier type renvoyant vers le service communication qui adopte généralement les codes du marketing commercial. Selon le journaliste, le principal risque est que derrière le verrouillage et derrière l'ouverture « c'est finalement l'enfuma-ge généralisé161 ». Par ailleurs, Twitter apporte aux journalistes des sources plus variées dont certaines ont un agenda ; elles sont là pour faire passer des messages, et parfois pour les tronquer. Les réseaux sociaux ouvrent ainsi le champ à la rumeur et aux choses difficilement véri-fiables, nous dit Jean-Marc Four. Cela dénature l'analyse de l'information et participe à la manipulation. Les médias sociaux ne changent finalement pas la base de travail du journaliste : « On en revient à la question de départ, c'est-à-dire est-ce que je fais confiance à la personne qui me parle, est-ce que je la considère comme source fiable ?162 ». Néanmoins, lors d’enquêtes d’investigations, quand l’information est sensible, les jour-nalistes et leurs sources utilisent rarement les médias sociaux pour communiquer. Lorsqu’ils souhaitent rester anonymes ou invisibles, certains utilisent des systèmes de communications cryptées. C’est effectivement le cas dans l’affaire Snowden, quand le journaliste Julian Assange échange163 avec lui par le biais du “deepweb”164, avec des outils non traçables comme 161 Entretien avec S. LAPOIX (annexe I. 6. f.) 162 Entretien avec J-M. FOUR (annexe I. 3. i.) 163 « Deep Web: que cache le côté sombre d'internet, où l'anonymat est roi? », RTBF, [disponible en ligne], 8 août 2013. 164 Deepweb : web profond, web invisible, web caché, c’est la partie du web accessible en ligne, mais non indexée par des moteurs de recherche classiques généralistes. !50
  • 51. le réseau Tor , ou encore le service de messagerie instantanée, 165 privée et cryptée : “Off the Record Messaging166”. Il arrive que des journalistes transgressent le « off » sur leur compte. C’est le cas de Mi-chaël Darmon167 qui, en plus de sa chronique quotidienne, alimente parfois son fil Twit-ter avec des informations sur les coulisses, et les petites phrases. !! !! Michaël Darmon n’est évidemment pas le seul journaliste à travailler de cette façon, c’est aussi le cas de Jean-Paul Ney, photo journaliste indépendant spécialisé en ma-tière de sécurité. 165 Tor : acronyme de "The Onion Router", (le routeur oignon), logiciel libre qui peut rendre anonymes tous les échanges internet. [disponible en ligne]. 166 “Off the Record Messaging”, [disponible en ligne]. 167 M. DARMON, Chef du service politique de itele. !51
  • 52. ! Certains journalistes se servent de Twitter pour publier ou relayer une information, or, « ce n'est pas Twitter qui te paie mais ton média (...) cela peut te rendre plus célèbre mais pas plus riche », précise Nicolas Ropert. Les journalistes 168 s’en servent pour faire la promotion de leur travail en déclinant l’information issue d’un support initial. Ils s’en servent parfois comme d’un “teaser” afin d’encourager leurs followers à se rendre sur le support qui va sortir une information. C’est le cas de Greta Van Susteren169, une journa-liste américaine, qui sur Twitter annonce de manière « on » qu’elle livre des informa-tions « off » dans les actualités de Fox News, c’est-à-dire en « on ». La journaliste souhaite ainsi intéresser et fidéliser la base des gens qui la suivent. Elle participe néanmoins à l’audience de son journal, donc à la promotion de son média em-ployeur. « Ce n’est peut-être pas politiquement correct mais je vais le dire, le reste de mon commentaire “off the record” en ce moment sur la Fox » ! 168 Entretien avec N. ROPERT (annexe I. 9. d.) 169 G. VAN SUSTEREN, [disponible en ligne]. !52
  • 53. Cet exemple confirme qu’en utilisant Twitter, le journaliste 2.0 est engagé dans un jour-nalisme de communication, où la concurrence « favorise un journalisme dont le princi-pal objectif est de retenir le public ». De plus, partagé entre son travail 170 et la promotion de son travail, il devient un prescripteur d’informations aux petits soins pour sa “fan base”171. Par ailleurs, Sylvain Lapoix, nous dit qu’avoir beaucoup de followers sur Twitter est un « gage de crédibilité172 ». Cela ouvre un accès plus important pour des mises en relation avec des sources potentielles, quel que soit le domaine. Les utilisateurs regardent combien les autres ont de followers afin de mesurer l'impact que cela peut avoir. « Tu deviens potentiellement une caisse de résonance démesurée173 ». 170 D. Cornu, Journalisme et vérité, L’éthique de l’information au défi du changement médiatique, Ge-nève, Labor et Fides, p316. 171 “Fan Base” : groupes de suiveurs, abonnés. 172 Entretien avec S. LAPOIX (annexe I. 6. g) 173 Ibid. !53
  • 54. C - La guerre de la communication déclarée 1. Les politiciens “ Pour ceux d'entre nous qui gravitent au sommet de la chaîne alimentaire, il ne peut pas y avoir de pitié. Que la boucherie commence “ Frank Underwood174 L’apparition de nouveaux médias oblige les politiques à se les approprier, mais cela se fait parfois à leurs dépends. « Je pense que les politiques se font courir des risques à eux-mêmes175 » nous dit Alain Duhamel. En effet certains hommes politiques n’ont pas toujours eu conscience des dégâts qu’ils pouvaient provoquer. Arnaud Mercier se souvient de ce que lui a dit une directrice de communication d’une collectivité territo-riale : « C'est une catastrophe, depuis que mon président s'est inscrit sur Twitter, ça fait deux fois au moins qu'il me saborde un plan de com ! Un jour il s'embêtait dans la voiture alors il s'est mis à tweeter qu'il allait faire “ça” alors que cela faisait un mois que l'on pré-parait un plan de communication pour sortir l'info au bon moment176 » Dans la sphère politique les dérapages sont nombreux. Quand François Fillon et Jean- François Copé se disputent la direction de l'UMP, le conflit est présent en direct sur les chaînes d’information en continu et sur les réseaux sociaux. Le contexte est si violent qu’ils disent tout haut sur Twitter ce que d'habitude ils racontent dans la salle des pas perdus, « mais pas devant les caméras177 », nous dit Arnaud Mercier. 174 F. UNDERWOOD, personnage principal de la série télévisée House of Cards, interprété par Kevin Spacey. 175 Entretien avec A. DUHAMEL (annexe I. 2. d.) 176 Entretien avec A. MERCIER (annexe I. 12. b.) 177 Entretien avec A. MERCIER (annexe I. 12. c.) !54
  • 55. Nous constatons également qu’au-delà de collecter de l’information pour la traiter plus tard, certains journalistes, comme Pauline de St Remy et Astrid 178 de Villaines179, parti-cipent à l’instantanéité des réseaux en relayant les échanges sur Twitter. ! ! Selon Ivan Valério ce contexte indique que les temps changent. Ce qui s’est déroulé lors de cet épisode politique n’aurait jamais eu lieu de la même manière quelques an-nées plus tôt : « Ils se seraient foutus sur la gueule, violemment très violemment sans doute, les mé-dias n'auraient probablement rien su, ou quelques brèves dans le canard enchaîné, dans l'express... Là, ça s'est passé à micro-ouvert, et globalement sur BFMTV180 181 ». Les politiques se rendent-ils compte de la force de frappe des médias sociaux ? Selon Ivan Valério, cela peut leur faire comprendre qu’ils n'ont rien à gagner en agissant de la 178 P. de St REMY, journaliste politique pour BFMTV. 179 A. de VILLAINES, journaliste pour LCP. 180 « UMP : dans les coulisses du duel Copé-Fillon », page Youtube de BFMTV, [disponible en ligne], 17 novembre 2012, dès 11’56. 181 Entretien avec I. VALERIO (annexe I. 10. e.) !55
  • 56. sorte. Il déplore les injonctions verbales et parfois vulgaires sur les réseaux sociaux où l’on peut par exemple lire : « “j'en ai marre de ce mec etc etc." Je ne pense pas que ce soit très sain, en politique c'est la même chose (...) tu ne balances pas dans les médias que ton camarade est un connard182 ». Seulement la presse s’en charge parfois pour le politique. En octobre 2014 L’Express relaie une information du Canard Enchaîné qui révèle des mots prononcés par Nicolas Sarkozy : « Bruno Le Maire, ce "connard que j'ai fait ministre"183 ». L’exemple de la déclaration de Rome qui ouvre notre première partie trouve, le 9 mai 2013, un écho dans la presse française et sur les médias sociaux. À cette date François Fillon est au Japon où il reçoit une décoration. Dans un hôtel, il déclare devant quelques journalistes qu'il sera, « quoi qu'il arrive184 », candidat à l'élection présiden-tielle de 2017, mais il tweete ensuite qu'il entend se soumettre à l'exercice des pri-maires au sein de l’UMP. Cette déclaration fait suite à des confidences livrées par les fidèles de Nicolas Sarkozy sur « l'envie de retour dans l'arène politique de l'ancien pré-sident185 ». Dans une archive186 sonore disponible sur son compte Soundcloud187, Joël Legendre, correspondant à Tokyo pour le groupe RTL, explique les conditions de cette révélation. Il est avec François Fillon et deux autres journalistes pour une courte interview dans le grand salon de l’hôtel, et après l’entretien, micros fermés, le journaliste demande à 182 Entretien avec I. VALERIO (annexe I. 10. f.) 183 « Nicolas Sarkozy épingle Bruno Le Maire, ce "connard [qu'il a] fait ministre" », L’Express, [disponible en ligne], 15 octobre 2014. 184 « Depuis le japon Fillon lance la bataille à droite pour 2017 », L’Humanité, [disponible en ligne], 9 mai 2013. 185 art. cit. 186 J. LEGENDRE, « Comment François Fillon a déclaré depuis Tokyo sa candidature pour 2017 », [dis-ponible en ligne], récit du 9 Mai 2013. 187 Soundcloud est une plate-forme de distribution audio en ligne où les utilisateurs peuvent collaborer, promouvoir et distribuer leurs projets. En juin 2013, le site compte 40 millions d'utilisateurs inscrits et 200 millions de visiteurs uniques par mois. !56
  • 57. l’ancien Premier ministre s’il est en reconquête. « Je serai candidat en 2017 quoi qu’il arrive » lui répond François Fillon. Le journaliste précise qu’il a face à lui un homme dé-terminé, la caméra de BFMTV tourne encore quelques plans de coupes, une courte vi-déo montre François Fillon aborder le sujet. Le journaliste en est 188 persuadé, Fillon est conscient de la portée de ses paroles. Les trois journalistes se concertent pour décider du traitement de cette déclaration, et décident de la publier. L’un d’eux prévient l’ancien Premier ministre, et ce dernier précise sa pensée via Twitter, affirmant qu'il n'y avait rien de nouveau dans ses propos de Tokyo. ! François Fillon entre dans la course aux présidentielles de 2017 dans un contexte de vives tensions avec l'ancien chef de l'État. Dans un documentaire189 sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy, il évoque leurs divergences, tant sur la crise en 2007 que vis-à-vis du Front national. Sarkozy aurait réagi en traitant son ancien Premier ministre de « lo-ser190 ». Proche de Nicolas Sarkozy, Patrick Balkany fustige également Fillon. Selon lui, l’ancien Premier ministre devrait s'occuper davantage de ce qui se passe en France plutôt que d’envisager l’élection présidentielle, et ajoute : « Je vois beaucoup de gens, 188 « François Fillon: "je serai candidat en 2017" », chaîne Dailymotion de BFMTV, [disponible en ligne], 9 mai 2013. 189 « François Fillon, “Nicolas Sarkozy - Secrets d'une présidence” », chaîne Youtube de Laurent Portes, extrait 18, [disponible en ligne], 29 avril 2013. 190 art. cit., L’Humanité, p. 56. !57
  • 58. les gens me disent toujours “Nicolas revient !”, ils ne me disent jamais “François Fillon revient !”191 ». Cette annonce depuis l'étranger ressemble à l'appel de Rome de Pompidou, qui, en 1969, s'était posé en successeur de De Gaulle et, du coup, « avait accéléré sa chute192 ». Mais si Hervé Gattegno évoque l’envie de François Fillon de représenter la droite en 2017, il fait aussi allusion aux Premiers ministres qui en ont rêvé auparavant, Michel Rocard souhaitait se présenter “quoi qu'il arrive” et s'est effacé devant François Mitte-rand, « Fillon se prend pour Pompidou..., il ressemble à Rocard193 », titre le journaliste. Les réactions sont rapides, et sur Twitter les journalistes commentent. Guillaume Tabard écrit que si la déclaration de Rome de Pompidou pouvait aider au départ de De Gaulle, celle de Fillon à Tokyo souhaite empêcher Sarkozy de revenir. Michaël Darmon précise que le “quoi qu’il arrive” fait référence à Nicolas Sarkozy, c’est-à-dire, quoi que décide de faire l’ancien chef de l'État. On peut également interpréter ce “quoi qu’il arrive” par le fait que primaires ou pas, il sera candidat à la prochaine présidentielle. Le « off », « en général François Fillon n'en est pas fan194 ». Benjamin Sportouch rend publics les pro-pos, censés être « off », de Myriam Lévy, une ancienne journaliste devenue conseillère en communication de l’ancien Premier ministre. À propos de la relation de François Fillon au « off », elle déclare : « Il en a fait au début mais s'est très vite rendu compte que tout sortait dans la presse195 ». Selon elle, un propos n’est valide que s’il est validé par l'image ou le son, et Benjamin Sportouch d’ironiser « Exit donc les commentaires off de François Fillon entre la poire et le fromage196 ». Pourtant l’ancien Premier ministre agit avec méthode. Il utilise clairement la formule “quoi qu’il arrive” lorsqu’il parle avec 191 Ibid. 192 H. GATTEGNO, « Fillon se prend pour Pompidou..., il ressemble à Rocard », Le Point, [disponible en ligne], 10 mai 2013. 193 Ibid. 194 art. cit., B. SPORTOUCH, p. 6. 195 Ibid. 196 Ibid. !58
  • 59. les journalistes. Il ne cache pas ses intentions, et quand il sait que l’information va sortir il ne fait pas un communiqué par voie de presse mais utilise Twitter pour confirmer ses propos. La citation d’Henry Kissinger , utilisée par Benjamin Sportouch 197 dans son article, prend ici tout son sens « c'est “on”, mais si ça a plus de retentissement en étant “off”, c'est “off”198 ». Concrètement, et stratégiquement, par le biais de Twitter l’ancien Premier mi-nistre utilise les médias et les internautes pour amplifier l’audience de sa déclaration : il fait une utilisation politique du « off » sur les médias sociaux. Les médias d’information en continu et les réseaux sociaux participent à une forme d’emballement médiatique perpétuel, selon Audrey Pulvar : « Chaque évènement est monté en épingle et peut faire une affaire très rapidement199 ». Elle estime que les politiques en font trop, et que pour éviter les dérapages ils gagneraient à apprendre à s’exprimer différemment. Dans le cadre de notre mise en abyme du sujet “Jacques” et “Paul”, respectivement , élus dans l’Isère et en Haute-Vienne, interviennent en « off ». Hormis le fait qu’il soit parfois taggé200 sur des photos de son parti politique, “Jacques” dit ne pas se servir des médias sociaux et se demande s‘il s’en servira un jour. Il pense que son engagement pourrait être un problème dans le cadre de la vie professionnelle : « Avant je pouvais changer de boulot rapidement, mais cela change un peu (...) quand tu n’es pas un “élu professionnel”201 ». Parce-que c’est un médium extrêmement développé, “Paul” dit se faire « un peu vio-lence202 » pour être visible sur Facebook, mais il n’aime pas tellement cette plate- 197 H. KISSINGER, secrétaire d'état américain de 1973 à 1977. 198 art. cit., B. SPORTOUCH, p. 6. 199 « Audrey Pulvar: "Je suis contre le fait que les politiques tweetent », Médias, le magazine, France 5, [disponible en ligne], 24 octobre 2014. 200 Taggé : identifié 201 Entretien avec “JACQUES” (annexe I. 14. c.) 202 Entretien avec “PAUL” (annexe I. 13. e.) !59
  • 60. forme ; il préfère Twitter. Cet homme politique apprécie particulièrement les comptes parodiques : « Ce n'est pas toujours des “off” mais enfin ça contourne un peu la ques-tion et ça, c'est extrêmement jouissif je trouve203 ». ! “Paul” pense que sur fond d’humour noir, les tweets de ces comptes permettent de faire passer une interprétation proche de la vérité, qui jouerait du coup le rôle d’un « off » bri-sé. Dans son département il cite204 quelques comptes dont celui du maire sortant de Limoges, Alain Rodet qui devient “Alain Gros Nez”205, celui d’une ancienne adjointe, Monique Boulestin qui devient “Monique Boutentrain”206, ou encore celui du nouveau maire de Limoges, Émile Roger Lombertie devient “Émile Rejet Lombertie”207. ! 203 Entretien avec “PAUL” (annexe I. 13. f.) 204 Entretien avec “PAUL” (annexe I. 13. g.) 205 ALAIN GROS NEZ [disponible en ligne]. 206 MONIQUE BOUTENTRAIN [disponible en ligne]. 207 ÉMILE REJET LOMBERTIE [disponible en ligne]. !60
  • 61. ! Beaucoup de gens cherchent à savoir qui se cachent derrière ces profils nous dit-il, y compris les journalistes : « Très souvent on m'a même demandé : “est-ce que c'est toi qui fais celui-là ?” ». Lorsqu’on aborde le sujet de la 208 messagerie privée sur les ré-seaux sociaux, “Paul” confirme la notion de dangerosité déjà évoquée dans notre re-cherche : « Ça laisse des traces209 ». Il dit ne pas envoyer de messages privés sur Twit-ter et d'une manière générale, il se méfie beaucoup de l'écrit. “Paul” se décrit comme quelqu’un qui a la langue bien pendue et admet qu’il parle parfois avant de réfléchir, particulièrement pour dire des choses à des moments où il ne devrait pas le faire ou à des gens à qui il ne devrait pas le dire. Lorsque nous lui demandons de réagir à l’hypo-thèse de vivre dans un monde fait de sociétés transparentes, un monde dans lequel le « off » n'existerait pas, “Paul” répond : « Ce serait horrible !210 ». À titre anecdotique, des six politiques qui ont répondu à cette question dans l’enquête, seule une accepte-rait de vivre sans « off ». Le fil Twitter est de l’ordre de la parole publique. Les politiques ont finalement compris les tenants et aboutissants de la communication sur ce réseau et certains font désor-mais appel à des conseillers et à des agences de communication qui intègrent les ré-seaux sociaux dans leur stratégie. 208 Entretien avec “PAUL” (annexe I. 13. g.) 209 Entretien avec “PAUL” (annexe I. 13. h.) 210 Entretien avec “PAUL” (annexe I. 13. i.) !61