L’actualité High-Tech de la semaine : Shazam, Yelp, Coursera, Pebble, Lyft
La Une du Quotidien de la Réunion - La Réunion a toutes ses chances
1. START-UP ET NOUVELLE ÉCONOMIE
« La Réunion
a toutes ses chances ! »
Didier Tranchier était de pas-
sage à La Réunion fin avril. Il a
répondu à l’invitation de l’asso-
ciation Web cup pour plusieurs
formations sur la nouvelle éco-
nomie. Ancien ingénieur des té-
lécoms, professeur à l’école des
Mines, il s’est pris de passion
pour le monde des start-up il y a
quinze ans, investissant dans
une quarantaine de ces entre-
prises. Décryptage d’un modèle
exponentiel.
– C’est quoi la différence
entre une start-up et une entre-
prise classique?
– C’est la différence entre l’an-
cienne et la nouvelle économie.
Avec l’usage du digital, la start-
up est une entreprise qui d’em-
blée a une portée mondiale.
Nous ne sommes plus dans une
logique de chalandise avec un
fond de commerce à un endroit
spécifique. Là, il s’agit d’aller
chercher partout dans le monde
des gens intéressés par sa
propre vision. On sort du pro-
duit et du service pour partager
des valeurs. Dans un second
temps, ces valeurs vont se con-
crétiser sous la forme de pro-
duits ou de services.
– On parle d’économie expo-
nentielle pour le modèle des
start-up en opposition au mo-
dèle linéaire des entreprises
classiques?
– La nouvelle économie est
née avec la révolution numé-
rique. Sur le web, les nouveaux
marchés sont parfois sans li-
mites. Sur n’importe quel intérêt
ou service, on peut trouver au-
jourd’hui à travers le monde
10 000, 100 000 ou 1 million de
personnes qui vont partager un
intérêt et sont des clients poten-
tiels. Ça fait quinze ans que je
suis dans la nouvelle économie
et je constate que ce n’est que le
début. Le plus gros reste à venir,
c’est celui des jeux vidéos, les
domaines du loisir, de la mai-
son... On réinvente de nouvelles
formes de services. Et la France
a toutes ses chances.
– Pensez-vous que La Réu-
nion soit faite pour les start-
up?
– Je pense que La Réunion a
tout pour réussir ! Il y a de la
jeunesse, une culture et des rela-
tions entre les personnes. Il y
aussi deux leviers qui peuvent
paraître étonnants, mais qui
sont essentiels : la gastronomie
et la fête. La gastronomie, c’est
le partage par excellence. Quand
on est capable de créer une
gastronomie, ça signifie qu’une
partie de la culture est fondée
sur ce lien. La fête, c’est le meil-
leur moyen de faire des ren-
contres, y compris des ren-
contres d’affaires, c’est le lieu où
on refait le monde.
– La Réunion est une île,
n’est-ce pas un handicap dans
cette course au monde?
– Les écosystèmes qui s’en
sortent le mieux sont parfois
ceux pour lesquels le marché et
la conception ne sont pas au
même endroit. Israël, et de plus
en plus la France, en sont de
beaux exemples. La conception
et la fabrication peuvent être
réalisées ici, mais le marketing
et le commerce peuvent l’être
ailleurs. En imaginant qu’il exis-
terait une diaspora de La Réu-
nion (large sourire complice,
NDLR), vous auriez déjà cons-
truit au fur et à mesure des
années votre propre modèle...
Les diasporas sont aujourd’hui
ce qui apporte le plus de va-
leurs. Ce sont des gens qui sont
multiculturels, qui ont des ré-
seaux. La diaspora qui est en
France ou en Europe a de l’ar-
gent, des canaux à proposer, des
relais à offrir, voire des compé-
tences à offrir.
La start up a une
portée mondiale
– Les entrepreneurs se plai-
gnent souvent de la réticence
des banques, est-ce que la nou-
velle économie a d’autres
modes de financements?
– Deux éléments fondamen-
taux : la première source de
financement, c’est l’entourage
(love money) et les business an-
gels. La partie love money, c’est
de la confiance personnelle.
Quand on a des amis et sa fa-
mille qui disent «oui, on a envie
de t’aider, on croit en toi », peu
importe la somme, c’est de la
confiance brute. Il y a deux
types de business angels : les
2000 personnes à La Réunion
qui peuvent être intéressées par
de la défiscalisation et les « seu-
lement » 300 000 personnes de
la diaspora réunionnaise qui
peuvent épauler les projets. Le
second élément, c’est la mise en
place du crowdfunding. J’ap-
prends qu’il y a trois ou quatre
plateformes existantes à La Réu-
nion ou en cours de création! Le
crowdfunding, c’est une manière
de prévendre biens et services,
d’élargir un marché et d’aller
chercher des clients supporters.
– Est-ce que les entreprises
classiques peuvent passer de
l’ancienne à la nouvelle écono-
mie?
– C’est possible mais difficile
pour des raisons de culture (les
start-up sont souvent de petites
entreprises qui fonctionnent
sans hiérarchie rigide, NDLR). Le
pire, c’est souvent pour les en-
treprises classique de penser :
« je suis un professionnel et je
connais mes clients». Il faut être
capable de se remettre en cause
et comprendre que le digital ce
sont de nouveaux clients, en très
grand nombre. Très souvent, ces
entreprises connaissent leurs
clients, leur ont vendu quelque
chose, sont capable d’améliorer
un produit, mais ne savent pas,
au contraire des start-up cons-
truire leurs projets à partir de
l’écoute de leurs clients. Il n’y a
que lors des périodes de crises,
que certaines entreprises sont
capables de se réinventer et pas-
ser de l’ancienne à la nouvelle
économie.
– Quelle start-up est un e-
xemple de création d’activité à
partir de l’écoute des besoins
du client?
– Uber a réinventé le taxi a-
près une expérience malheu-
reuse à Paris. Ce sont deux en-
trepreneurs californiens qui
viennent pour la conférence «le
Web » à Montreuil et qui subis-
sent les affres du taxi parisien.
Leur réponse, c’est de créer U-
ber pour s’emparer d’un marché
abandonné. Dans leur concept, il
est possible de savoir à l’avance
combien ça va coûter, combien
de temps on attend le taxi. On
évalue également la prestation
de service du transport et on est
évalué comme client ! Pour eux,
une course, ce n’est pas seule-
ment un déplacement, c’est un
service comme dans un avion.
Aujourd’hui, c’est une entre-
prise qui pèse plusieurs milliards
de dollars et est présente dans
soixante pays.
– Et la France?
– On a parmi les meilleures
start-up du monde, leader dans
leurs domaines et ce n’est que le
début. La première, c’est Criteo,
système de publicité qui suit
l’internaute. Elle a été introduite
en bourse sur le Nasdaq améri-
cain. La seconde, c’est « blabla
car » leader du covoiturage. La
troisième, c’est Sigfox, une start-
up qui monte et se positionne
sur l’internet des objets.
Nicolas BONIN
Les sept clés de réussite des start-up
A partir de l’exemple de sept
entreprises innovantes, Didier
Tranchier a identifié sept clés de
réussite pour les start-up qui
veulent réussir aujourd’hui.
I 1. Réinventer le service
client à partir de son besoin.
Uber, société de réservation de
taxis et de location de véhicules
de tourisme est née d’une mau-
vaise expérience à Paris. L’offre
est conçue autour de la notion de
service et en fournissant toutes
les informations clés au client.
I 2. Inventer des services ca-
pables de résoudre de grands
problèmes. Trouver une place de
parking à San Francisco est un
véritable casse-tête. La société
Zirx a imaginé un système de
voiturier personnalisé qui récu-
pèrent les véhicules pour les ga-
rer puis les ramener à la de-
mande. Leur action a fait baisser
la circulation (et donc les embou-
teillages) dans la ville.
I 3. Valoriser l’existant. A par-
tir de trois matelas et d’un petit
déjeuner convivial, les créateurs
de Airbn’b (comme Airbed and
breakfast) ont monté une entre-
prise aujourd’hui millionnaire.
Leur modèle permet à des per-
sonnes de louer un peu de places
chez elles contre de l’argent,
mais avec un échange convivial
autour du petit déjeuner.
I 4. Prendre le pouvoir digital.
Pour réserver un hôtel en ligne
aujourd’hui, il y a de forte
chance de passer par Booking.
com. Le site créé par un Hollan-
dais a été racheté 200 000 euros
en 2004 pèse aujourd’hui près de
2 milliards. Il est devenu incon-
tournable.
I 5. Réinventer les produits
industriels avec le digital. La voi-
ture électrique est aussi an-
cienne que la voiture à essence.
En 2004, Tesla motors a réinven-
té le concept et s’impose au-
jourd’hui sur le marché de la
voiture de luxe. Une des clés de
la réussite : le fait de commander
sa voiture avec son smartphone.
I 6. Fidéliser le client et pro-
duire ce qui l’intéresse. Simple
système de location de DVD par
la Poste, Netflix est devenu le
premier site de Video à la de-
mande. Au delà, l’entreprise a
réinventé le mode de conception
des films en finançant directe-
ment (et plus largement que
précédemment) la création. On
leur doit la série House of Cards
avec Kevin Spacey.
I 7. Sortir des modèles indus-
triels et identifier les clients sup-
porters. Kickstarter est une plate-
forme de crowdfunding, c’est-à-
dire de financement participatif.
Il est possible de faire financer
des projets par ce biais et d’iden-
tifier par la même occasion ses
premiers clients. Un signe, les
oeuvres artistiques les plus plé-
biscitées sont la danse et le
théâtre.
Si La Réunion le souhaite, elle a tout pour réussir dans la nouvelle économie à condition de croire en elle! C’est l’avis de Didier Tranchier,
dans plus d’une quarantaine de start-up. Entretien avec un optimiste qui annonce la mort de la vieille économie pour se réjouir de la nouvelle.
> ECO ACTU Le Quotidien de la Réunion - lundi 04/05/1521
Économie
Pour Didier Tranchier, gastronomie et culture sont des leviers de l’économie moderne. (Photo Emmanuel Grondin)
Les start up réinventent les services ou le commerce, Winewoo
application consacrée au vin.