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Les élections législatives 2012 au défi de la parité et de la diversité
1. Les élections législatives 2012 au défi de la parité
et de la diversité
Réjane Sénac
Chercheure CNRS
CEVIPOF
Centre de recherches
politiques de Sciences Po
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2. Les élections législatives 2012 au défi de la parité et de la diversité
ü Ce que dit l’Histoire
ü Ce que dit la Constitution de la Ve République du régime parlementaire
ü Ce que dit la loi électorale
ü Représentation parlementaire : entre représentation nationale et représentation
de groupes d’intérêt ?
ü Profil des députés de la XIIIe législature sortante
ü De la promotion de la parité à celle de la diversité: ce qu’en dit la presse écrite
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3. Histoire de l’Assemblée nationale : de 1789 à 2012
- La dénomination d’Assemblée nationale, choisie dans la ferveur
de 1789, ne réapparaîtra - si l'on excepte la brève parenthèse de
1848 - qu'en 1946. Se succéderont entre temps des appellations
plus ou moins réductrices (« Chambre des représentants »,
« Corps législatif », « Chambre des députés » ...) qui traduisent, à
des degrés divers les réticences, voire l'hostilité déclarée des
gouvernants à l'égard du principe de la souveraineté du peuple.
- Un parlementarisme rationalisé: La Constitution de 1958 a été
rédigée en réaction contre les abus du parlementarisme qui
caractérisent les IIIe et IVe République, en rationalisant les
procédures afin de permettre au gouvernement de mener à bien
sa politique dès lors qu’il ne rencontrerait pas l’opposition d’une
majorité absolue de membres de l’Assemblée nationale.
- A la différence du régime d’assemblée, en régime
parlementaire, le gouvernement émane du parlement, est
responsable devant lui, et peut le dissoudre.
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4. Titre IV: Le Parlement
L’article 24: choix du bicaméralisme
- Le bicamérisme a longtemps été considéré dans l’histoire
constitutionnelle française soit comme un recours contre les
excès des assemblées uniques (ainsi, en 1795, en réaction à la
toute puissance de la Convention, ou sous le Second Empire,
après la parenthèse républicaine de 1848-1851), soit comme un
facteur d’affermissement de l’Exécutif par le fractionnement du
pouvoir législatif (les constitutions du Consulat et de l’Empire,
mettant en place un parlement tricaméral).
- Le choix du bicaméralisme: coexistence d’une Assemblée
nationale, élue au suffrage universel direct et représentant les
citoyens, et d’un Sénat élu au suffrage universel indirect
représentant les collectivités territoriales de la République.
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5. Un bicaméralisme asymétrique:
Comme dans la plupart des autres parlements composés de deux assemblées
(à l’exception notable du Parlement italien), le bicamérisme français est
inégalitaire, l’Assemblée nationale disposant de pouvoirs plus étendus que
ceux du Sénat :
1. Elle seule peut mettre en cause la responsabilité du Gouvernement en lui
refusant sa confiance ou en votant une motion de censure (dans la même
logique, seule l'Assemblée nationale est susceptible d'être dissoute par le
Président de la République) ;
2. En cas de désaccord avec le Sénat, le Gouvernement peut décider de
donner à l'Assemblée nationale le « dernier mot » dans la procédure
législative (sauf pour les lois constitutionnelles et les lois organiques relatives
au Sénat) ;
3. La Constitution attribue à l'Assemblée nationale une place prépondérante
dans l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement
de la sécurité sociale se traduisant, d'une part, par une exigence de dépôt en
première lecture devant l'Assemblée et, d'autre part, par l'octroi de délais
d'examen plus longs à l'Assemblée.
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6. L’élection des députés
- Ce que dit la Constitution: suffrage universel direct (article
24), le nombre de 577 a été figé par la réforme
constitutionnelle de 2008;
- Ce que dit la loi organique: Les élections législatives ont lieu
tous les 5 ans, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le
régime des inéligibilités et des incompatibilités.
- Ce que dit la loi ordinaire dans le Code électoral: suffrage
universel direct majoritaire uninominal à deux tours.
Lors du premier tour de scrutin, si un candidat obtient la majorité absolue des
suffrages exprimés et au moins 25 % des suffrages des inscrits, il est élu.
Dans le cas contraire, un second tour est organisé entre tous les candidats ayant
obtenu un nombre de suffrages égal au moins à 12,5 % des électeurs inscrits. Si
un seul ou aucun candidat ne remplit cette condition les deux candidats ayant
obtenu le plus de voix au premier tour sont retenus pour le deuxième tour. Le
candidat ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés au second tour est élu.
En cas d'égalité du nombre de suffrages obtenus, le candidat le plus âgé des deux
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7. Représentation parlementaire : entre représentation nationale et
représentation de groupes d’intérêt
ü Article 27: « Tout mandat impératif est nul » issu de la théorie de la souveraineté
nationale (article 3)
Bernard Manin, Le gouvernement représentatif, Paris, Flammarion, 1996 :
1. « Ce qui définit la représentation, ce n’est pas qu’un petit nombre d’individus
gouvernent à la place du peuple, mais qu’ils soient désignés par élection
exclusivement » (p. 61)
2. Le double visage de la démocratie au sens où « le fait fondamental concernant
l’élection réside en ce qu’elle est à la fois et indissolublement égalitaire et
inégalitaire, aristocratique et démocratique. » (p. 191)
ü Représentation descriptive/substantive et symbolique :
1. Sous couvert d’apparente discussion rationnelle entre égaux, la mise entre
parenthèse des différences est interrogée comme légitimant le maintien du contrat
social fraternel. (Carole Pateman, The sexual contract, Stanford, Stanford University
Press, 1988.)
2. Hanna Fenichel Pitkin, The concept of representation,
Berkeley, Calif., University of California Press, 1967: la question se pose alors de
savoir si le fait de représenter un groupe au sens descriptif de standing for est
suffisant pour être garant de la représentation de « ses » intérêts au sens substantif
d’acting for.
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8. Profil des députés de la XIIIe législature:
ü Sexe: 451 hommes, 108 femmes (18,1%);
UMP: 298 membres dont 41 femmes;
Socialiste, radical, citoyen et divers gauche: 197 membres dont 53 femmes;
Nouveau Centre: 24 membres dont 0 femme
Gauche démocrate et républicaine: 20 membres dont 5 femmes
Non inscrits: 13 membres dont 2 femmes
ü Âge moyen des députés au 9 mars 2012 : 59 ans 8 mois/ âge moyen en
France : 40,4 ans en 2012
de 30 à 40 ans (10), de 40 à 50 ans (67), de 50 à 60 ans (179); de 60 à 70 ans
(253); de 70 à 80 ans (49); de 80 à 90 ans (1)
ü Catégorie socioprofessionnelle: une professionnalisation élitiste ?
5 agents techniques et techniciens; 1 fonctionnaire de catégorie C; 1 salarié
agricole (Jean Lasalle); permanents politiques (15); sans profession
déclarée (17):
Proportion dans la population active en 2010: agriculteurs (2%); artisans,
commerçants, chefs d’entreprise 6,7%); cadres, professions intellectuelles
supérieures (16,7%); professions intermédiaires (24,4%); employés
(28,9%); ouvriers (21,3%)
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9. Panorama des stratégies mises en place pour compenser la sous-
représentation des femmes en politique
I. Pas de contrainte légale: des quotas partisans
1. Les pays nordiques : Suède (47%), Danemark (38%), Norvège (36,1%) et Islande (33,3%),
2. L’expérience allemande (32,2%) et l’Europe post-communiste
3. L’Espagne (36,3%) et le Royaume-Uni (19,5%)
II. De l’obligation légale d’une proportion de candidat de chaque sexe: des quotas légaux
1. En Europe : la Belgique (35,3%), le Portugal (28,3%) et l’Italie (21,3%)
2. En Amérique latine : l’Argentine (40%), le Costa Rica (36,8%), le Pérou (29,2%), le Mexique
(23,2%), la Bolivie (16,9%) et le Brésil (9%).
III. De l’obligation légale d’une proportion d’élu de chaque sexe: des « sièges réservés
femmes »
1. En Asie : le Pakistan (22,5%), le Bangladesh (6,3% - 45 sièges réservés restent à pourvoir), l’Inde
(9,1%).
2. En Afrique : Rwanda (56,3%), Ouganda (30,7%), Niger (12,4%), Maroc (10,5%) et Egypte (1,8%)
Source: Cf. Réjane Sénac-Slawinski, La parité, Paris, PUF, « Que sais-je ? », n°3795, 2008, p. 25-58; Informations sociales, « Genre et pouvoir en Europe », n°151, 2009;
Union interparlementaire, février 2009.
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10. La parité à la française: De l’échec des quotas à la parité
Comment expliquer que la France, qui n’accorda le droit de vote aux femmes qu’en 1944 et qui compte
encore plus de 80% de députés masculins en 2010, a été le premier pays à adopter en 2000 une loi fondée
sur l’application du principe paritaire ?
ü Des quotas légaux:
1979: La loi instaurant un quota maximum de 80% de candidat de chaque sexe sur les listes
municipales dans les communes de 9000 habitants et plus est adoptée par l’Assemblée
nationale, mais pas soumise par le Sénat.
1982: L’amendement instaurant un quota de 75% de chaque sexe pour les élections
municipales est déclaré inconstitutionnel (article 3).
ü Des quotas partisans:
1994: Listes paritaires aux élections européennes par les Verts (déjà en 1989), le Parti Socialiste,
le Parti Communiste Français, le Mouvement des Citoyens et Lutte Ouvrière
1998: Parité des listes d’union de la gauche aux élections régionales
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11. Et la parité devint française: un habile « salto de stigmate »
ü Enjeux des arguments en présence:
- L’universalisme républicaine: hypocrisie d’une neutralité virile
- Dilemme: la différence au nom de l’égalité et inversement ?
- Vers une démocratie communautaire ?
- Dimension centrale du pouvoir pour déconstruire les inégalités de genre dans leur fondement (lien entre potentia
et potentas) qui court-circuite les débats sur la hiérarchie des luttes et des discriminés.
ü Emergence de la parité sur la scène associative et médiatique
1992: Publication d’Au pouvoir citoyennes: liberté, égalité, parité de Françoise Gaspard, Claude Servan-Schreiber et Anne
Le Gall
1993: Le premier réseau dédié à la parité « Femmes pour la parité » est à l’origine du « Manifeste des 577 pour une
démocratie paritaire » publié dans le Monde le 19 novembre signé par des intellectuels demande une loi
organique.
ü Dimension transpartisane du mouvement paritaire français
1996: Le « Manifeste pour la parité » est publié dans l’Express le 6 juin. A l’initiative d’Yvette Roudy, il est signé par
des ministres et anciennes ministres de gauche et de droite dont Edith Cresson et Simone Veil.
Cette alliance stratégique isole la question du partage du pouvoir des divergences partisanes en terme de
conception de « l’ordre sexué », au sens d’assignation normative hiérarchique.
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12. Les lois dites sur la parité:
ü La réforme constitutionnelle de 1999:
La loi constitutionnelle n°99-569 du 8 juillet 1999 rajoute un alinéa :
- à l’article 3 « la loi favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et
fonctions électives »;
- à l’article 4, les partis et groupements politiques « contribuent à la mise en œuvre du principe
énoncé au dernier alinéa de l’article 3 dans les conditions déterminées par la loi ».
ü Des lois spécifiques et limitées: du 6 juin 2000, 4 juillet 2000, 31 janvier 2007
- Alternance des candidatures de chaque sexe pour les élections au scrutin de liste :
élections municipales dans les communes de 3 500 habitants et plus, élections régionales,
élections européennes et élections sénatoriales dans les départements élisant 4 sénateurs et
plus. + Parité des exécutifs municipaux et régionaux à partir de 2008.
- Pour les élections au scrutin uninominal: pénalisation financière pour les élections
législatives (la moitié de l’écart entre le pourcentage de candidat de chaque sexe, cela deviendra
les trois quarts en 2012), suppléance paritaire pour les cantonales depuis la loi de 2007.
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13. Un bilan logiquement contrasté
ü Les conseils municipaux et régionaux, et la délégation française au
Parlement européen font vivre la parité :
- Dans les communes de 3 500 habitants et +: de 25,7% à 47,5% conseillères
municipales, effet d’entraînement pour les autres communes de 21 à 30%
- Dans les conseils régionaux: de 27,5% (1998) à 48% (2010)
- Dans la délégation française au Parlement européen: de 40,2% à 44,4% (2009)
ü Persistance de la virilité du pouvoir :
- Les femmes maires: 10,9% dont 11,2% dans les communes de mois de 3 500
habitants et 6,7% dans les communes de 3 500 habitants et plus
- Parlements: 18,5% des députés (2007) et 22,1% des sénateurs (2011)
- Elections cantonales: 8,6% en 1998 et 12,3% en 2008 avec 5,1% présidentes
- Structures intercommunales: moins de 7,2% de femmes présidentes d’EPCI
- 2 femmes présidentes de Conseil Régional sur 22 : Marie-Guite Dufay en France-
Comté et Ségolène Royal en Poitou-Charentes
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14. Montants des retenues sur la dotation des partis politiques
au titre de la parité
ü La dotation financière publique comprend deux tranches:
- La première - d'un montant de 33 millions d'euros en 2007 - est proportionnelle
aux résultats obtenus par le parti au premier tour des législatives
précédentes. Chaque formation politique ayant présenté des candidats ayant
obtenu chacun au moins 1% des suffrages exprimés dans au moins
cinquante circonscriptions, touche 1,63 euro par voix obtenue, chaque année
pendant cinq ans.
- La deuxième tranche - d'un montant de 40 millions d'euros en 2007 - est
proportionnelle au nombre de parlementaires se déclarant inscrits au parti
concerné (44 000 euros par député)
ü Montants des retenues sur la dotation des partis politiques
au titre de la parité (Loi du 6 juin 2000 et loi du 31 janvier 2007):
UMP plus de 4 millions d’euros de retenue; PS: plus de 500 000 euros
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15. Des articles de presse sur les législatives au défi de la parité et de la
diversité
ü Rue 89, 2 novembre 2011: « Législatives : le complexe de la
diversité »
ü Le Parisien, 11 novembre 2011: « Quand les socialistes oublient la
diversité »
ü Le Monde, 29 décembre 2011: « Le PS veut imposer la diversité
parmi ses députés »
ü Le Monde, 7 février 2012: « Fronde de femmes aux législatives
parisiennes »
ü Terrafemina, 13 février 2012: « Législatives 2012: où sont les
femmes ? »
ü Le Monde, 24 février 2012: « Nora Berra déplore "des réflexes très
conservateurs" à l'UMP »
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