Similar a COURS PUBLIC DE L’ECOLE URBAINE DE LYON « QU’EST-CE QUE L’ANTHROPOCÈNE ? » Episode 5: Le système-terre et son gouvernement. Michel Lussault. (20)
COURS PUBLIC DE L’ECOLE URBAINE DE LYON « QU’EST-CE QUE L’ANTHROPOCÈNE ? » Episode 5: Le système-terre et son gouvernement. Michel Lussault.
1. Qu’est-ce que l’Anthropocène?
Cours public, saison 1 : 2019
Episode 5.
Le système-terre et son gouvernement (1)
Michel Lussault
Université de Lyon (Ecole normale supérieure de Lyon)
Directeur de l’Ecole urbaine de Lyon
michel.lussault@ens-lyon.fr
Qu’est-ce que l’Anthropocène? Cours public Michel Lussault, saison 1-2019.
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2. Qu’est-ce que l’Anthropocène? Cours public Michel Lussault, saison 1-201
Trois principaux courants [qui peuvent s’hybrider, se
recouper et dont le développement est quasiment
synchrone] qui font de la relation entre toutes les parties un
fondement épistémologique et une heuristique de
l’approche de la terre :
- La science du système-terre proprement dite (Earth
System Science).
- Les approches « écologiques » — le système est pensé à
partir du vivant. Néo-organicisme très inspirant pour les
sciences sociales.
- Les paradigmes de la relationnalité systématique des
approches philosophiques et de sciences sociales.
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4. Qu’est-ce que l’Anthropocène? Cours public Michel Lussault, saison 1-201
3. La relationnalité entre toutes les réalités humaines et non humaines
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5. Bulles, [1998] Paris, Pauvert, 2003 ; Globes. Sphères II [1999] Paris, Maren Sell,
2010 ; Écumes. Sphères III [2004] Paris, Maren Sell, 2005.
« L’ère du cercle de l’unité, l’unique, le plus grand, celui qui enveloppe toute
chose et celle de ses exégètes courbés est irrévocablement passée. L’image
morphologique du monde que nous habitons n’est plus la sphère mais
l’écume. La mise en réseau actuel qui encercle la terre entière ne représente
pas tant d’un point de vue structurel une globalisation qu’une écumisation ».
Sphère 1. Bulles, 2005 p. 80.
« (…) Par “société”, nous entendons un agrégat de microsphères de
différents formats (couples, foyers, entreprises, associations) qui se jouxtent
comme les bulles dans une montagne d’écume et se glissent par dessus ou
par dessous sans être, les unes pour les autres, ni véritablement
atteignables, ni effectivement séparables ». (idem, 2005, p. 51-52)
Qu’est-ce que l’Anthropocène? Cours public Michel Lussault, saison 1-201!5
6. Objectif de son premier cours au Collège de France « Figure des relations entre humains et
non humains » en 2000-2001 : « proposer un cadre général d’analyse permettant de rendre
compte des différentes configurations ontologiques et cosmologiques au sein desquelles
s’organisent et prennent corps les interactions entre les hommes et les objets de leur
environnement ».
Cours 2017-2018 : « La composition des collectifs : formes d’hybridation ». Analyse des
« assemblages d’êtres et de relations qui semblent relever simultanément d’au moins deux
régimes ontologiques distincts ».
Ph. Descola entend examiner « (…) les conséquences pour les sciences sociales (…) d’un
découpage nouveau de leur objet dans lequel humains et non-humains ne sont plus soumis
à des régimes de description et d’explication séparés, mais sont réunis dans des collectifs à
la composition très diverse, dont il convient de mettre en lumière les logiques d’association
et les modalités transformation ». (Intro, Les Natures en question, 2017).
Qu’est-ce que l’Anthropocène? Cours public Michel Lussault, saison 1-201!6
7. Tim Ingold
- The Appropriation of Nature. Essays on human ecology and social
relations, Manchester University Press, 1996
- The Perception of the Environment: Essays on Livelihood, Dwelling
and Skill, Londres, Routledge, 2000.
- Une brève histoire des lignes, Bruxelles, Zones sensibles, 2011.
"Les champignons, voyez-vous, ne se comportent tout
simplement pas comme des organismes devraient se
comporter. Mais il en va également ainsi avec les hommes. Ils
ne vivent pas à l'intérieur de leurs corps, comme les théoriciens
de la société se plaisent à l'affirmer. Leurs traces s'impriment
sur le sol, via leurs empreintes, leurs sentiers et leurs pistes ;
leur souffle se mêle à l'atmosphère. C'est pourquoi j'en suis
venu à interroger ce que nous entendons par "environnement",
pour finalement ne plus le concevoir comme ce qui entoure (ce
qui est "là-dehors" et non "ici dedans") mais comme une zone
d'interpénétration à l'intérieur de laquelle nos vies et celles des
autres s'entremêlent en un ensemble homogène »
Marcher avec les Dragons, Bruxelles, Zones sensibles, 2013, page
10.
Qu’est-ce que l’Anthropocène? Cours public Michel Lussault, saison 1-2019.!7
8. Qu’est-ce que l’Anthropocène? Cours public Michel Lussault, saison 1-201
Humains et non humains inextricablement liés
dans des pratiques « tentaculaires ». Ces
réalités tentaculaires cultivent la « response-
ability »
Donna Harraway en appelle à rejeter l’auto-
poeisis (self-making) pour la Sym-poiesis =
(making-with) dans le cadre de processus
dynamiques où interviennent molécules, cellules,
organismes, écosystèmes ou assemblages
techno-naturels.
Making kin (des « parents »)
Les humains ne sont pas les seuls acteurs (d’où
chtulucene et non pas anthropocène).
« My Chthulucene, even burdened with its
problematic Greek-ish tendrils, entangles myriad
temporalities and spatialities and myriad intra-
active entities-in-assemblages—including the
more-than-human, other-than-human, inhuman,
and human-as-humus. »
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9. Dans le premier chapitre, “Thinking Big,” Timothy
Morton présente le concept de Mesh : “the
interconnectedness of all living and non-living
things.” (page 13).
Pour Morton, cette pensée décentre et souligne
notre commune fragilité.
« All life forms are the mesh, and so are all dead
ones, as are their habitats, which are also made up
of living and nonliving beings...Death and the mesh
go together in another sense, too, because natural
selection implies extinction. » (page 18)
Cela expose à l’incertitude et à la rencontre
inquiétante, dans ce foisonnement, d’étranges
étrangers (strange strangers).
“Just as the two World Wars were appropriate
disasters for the age of nationalism, so global
warming is appropriate to the age of globalization.”
p.121.
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10. !10
« Devant l’Anthropocène, une fois écartée la tentation d’y voir
simplement un nouvel avatar du schème de «l’Homme face à la
Nature », il n’y a probablement plus de meilleure solution que de
poursuivre la désagrégation des figures habituelles jusqu’à ce qu’on
parvienne à une nouvelle distribution des agents de la géohistoire. De
nouveaux peuples pour lesquels le terme d’humain n’a pas forcement de
sens et dont l’échelle, la forme et le territoire sont à redessiner. Vivre à
l’époque de l’Anthropocène, c’est se forcer à redéfinir la tâche politique
par excellence : quel peuple formez-vous, avec quelle cosmologie et sur
quel territoire ? Une chose est sûre, ces acteurs qui font leurs débuts sur
scène n’ont jamais tenu auparavent de rôle dans une intrigue aussi
dense et aussi énigmatique. Il faut s’y faire, nous sommes entrés
irréversiblement dans une époque à la fois postnaturelle, posthumaine
et postépistémologique ! Cela fait beaucoup de « posts » ? Oui, mais
c’est que tout a changé autour de nous. Nous ne sommes plus
exactement des humains modernes à l’ancienne. Nous ne vivons plus à
l’époque de l’Holocène ! »
Bruno Latour, Face à Gaïa, La Découverte, 2015, p.189.
Qu’est-ce que l’Anthropocène? Cours public Michel Lussault, saison 1-20