Si on refuse le débat national nécessaire pour trouver le chemin de l'avenir, on n'ira aucune part. La démocratie ne saurait être réduite à un choix entre OUI et NON et surtout à deux discours convergents de l'extrême gauche et de l'extrême droite qui tous deux disent: le choix c'est entre moi et rien d'autre, avec en plus la simple menace de bloquer le pays et de massacrer des flics, j'entends des policiers, mais ils ont le langage raccourci. Pas plus d'une minute par orateur et la synthèse en cinq minutes faites par un organisateur de la "révolution sociale" ou de la "révolution nationale". Nous ne sommes pas à un rond point de l'histoire mais à un carrefour dont la bonne route vers l'avenir n'existe pas encore. Il faut la choisir ensemble et la construire ensemble. Cela s'appelle la démocratie avec tous et pas seulement avec ceux qui veulent bien venir sur les ronds-points urbains ou routiers dans une espèce de nostalgie d'u temps passé.
2. TROIS QUESTIONS DU GRAND DÉBAT
TROIS CONTRIBUTIONS PERSONNELLES
Dr. Jacques COULARDEAU
Beaucoup de questions sont posées, et donc beaucoup de réponses sont proposées
aussi. C’est la preuve même que la diversité est la règle humaine la plus importante depuis que
l’homme a pointé sa tête hors de l’Afrique Noire, il y a très longtemps. Je vais prendre trois
questions dans la formulation des débatteurs de LaREM de Clermont Ferrand qui les ont posées,
telles qu’elles ont été résumées dans le compte rendu bien sûr public d’une des réunions.
La démocratie oui, mais comment mieux accueillir la différence : handicap,
enfants en difficultés… ? Peut-être un débat dans les classes pour sensibiliser…
Il semble que l’on ne pense qu’à l’école. C’est un lieu où la différence doit être le moteur de la
dynamique pédagogique, mais cela ne peut pas être si la société elle-même ne reconnaît pas la diversité,
et il ne s’agit pas d’une diversité négative, la diversité des handicaps, des difficultés, etc. Il s’agit de la
diversité positive, celle qui permet de construire un terrain de travail commun non pas au-delà des
diversités mais en comprenant que la diversité est un moyen d’être plus performant, plus productif. Il y a
belle lurette que les GAFA et autres ont compris cela. Microsoft a une directrice de la diversité, noire
d’ailleurs, et Microsoft a une cinquantaine de commissions qui regroupent les employés volontaire en
fonction de leurs diversités, toutes.
Je ne vais pas les lister mais pour ne prendre que l’école qui semble intéresser beaucoup de
monde, parlons de la diversité au niveau des enseignants (je ne suis pas pour l’orthographe multigenres,
c’est un gadget, et même un cache misère comme auraient dit mes parents.
Les mères célibataires enseignantes, les pères célibataires enseignants, les enseignants de
diverses orientations sexuelles, religieuses, culturelles (ces orientations sont des choix loin, très loin d’être
assumés et portés, pour certains c’est même une accusation). Ne parlons pas de veufs et veuves, et aussi
des différences ethniques, raciales, et les handicaps.
Nous posons-nous souvent la question de cette diversité au niveau des personnels non
enseignants ? Bien sûr que oui dirons-nous, mais c’est faux nous ignorons totalement qui dans un lycée
est le technicien de surface qui est un parent célibataire ou un parent veuf.
Et posons-nous la question au niveau des élèves. Là c’est la panique : on ne doit pas savoir, les
enfants ne doivent pas dire, etc. Comment un enseignant peut-il répondre à la question d’un élève en tête
à tête demandé par l’élève : « Ma copine est enceinte, qu’est-ce qu’on peut faire ? » Si l’élève (dans ce
cas de première industrielle, à 17 ans) demande à un professeur c’est qu’il ne veut ni ne peut demander
à ses parents et il ne veut ni ne peut demander à l’infirmière du lycée. Il choisit sa personne de confiance.
A la Sorbonne très systématiquement les étudiants Juifs et Gays venaient me le dire, probablement
pas tous, mais certains. Pourquoi ? Parce que sur l’Internet ils avaient vu que j’étais Juif et ils avaient vu
que je soutenais la cause des gays, les associations comme AIDES, etc.
La différence c’est cela. Les élèves, les étudiants cherchent la personne à qui ils ou elles vont faire
confiance. Sommes-nous prêts à accepter cette confiance et non à la rejeter sur l’infirmière, la conseillère
d’éducation, ou qui sait qui d’autre. C’est cela la différence. Nous devons être prêts à répondre un élève
ou étudiant musulman sur une question de religion et de reconnaître qu’on ne peut pas quand on ne sait
pas la réponse. Un enfant musulman qui soulève la question de Sodome et Gomorrhe, et dieu seul sait
combien souvent ils soulèvent cette question, on doit pouvoir répondre et si on ne peut pas, on propose à
l’étudiant de chercher Sodome et Gomorrhe dans la Bible qui est un livre saint pour les Musulmans et de
discuter avec lui (ce ne sera jamais elle si vous êtes un homme pour les Musulmans). Nous aurions des
surprises.
3. Comment garantir le respect par tous de la compréhension réciproque et des
valeurs intangibles de la République ?
NON les valeurs de la République ne sont pas intangibles. Elles ont changé régulièrement depuis
la Révolution, tout au long des deux siècles qui nous séparent de cet évènement. La laïcité est une idée
récente : 1881. La Révolution dans sa forme la plus montagnarde a pratiqué le Culte de l’Être Suprême.
Et qu’on ne vienne pas me dire que la première guerre mondiale, cette boucherie comme ont dit de
nombreux intellectuels et hommes simples dans les années 20 et 30, était la réalisation des valeurs
intangibles de la république.
Si nous devons discuter de ces valeurs républicaines, encore faudrait-il les lister et les relativiser.
Le mariage pour tous, qui soit dit en passant n’est que pour ceux qui veulent se marier sans aucune
discrimination mais non un obligation pour tous, est-il une valeur intangible de la République ? Pourquoi
alors n’a-t-il été mis en place que si récemment ?
Et le refus d’intégrer à la constitution le droit de chaque citoyen et résident de parler sa langue et
que cette langue soit reconnue comme une DES langues de la République et non ce diktat intolérable que
seul le Français est la langue de la République. Je ne suis pas de langue française de naissance et toute
ma vie il y aura eu des professeurs et autres finauds pour me signaler que j’emploie encore en français
des tournures syntaxiques typiquement occitanes, et comme ma langue véhiculaire quotidienne, ma
langue de communication internationale et de recherche n’est pas le français, suis-je un citoyen inférieur ?
Le PDG de Renault en prison au Japon respectait-il les valeurs intangibles de la république ?
On ne pourra pas avancer si on ne définit pas ces valeurs de la République et si on n’arrête pas
de les dire intangibles. Le droit de vote des femmes n’a jamais été reconnu par la Révolution Française et
ne le sera dans la République qu’en 1945, un des derniers pays occidentaux à prendre la décision.
Intangible vous avez dit ?
Comment mettre en place une éducation aux réseaux sociaux dès l’école ?
Avant d’éduquer sur les réseaux sociaux, encore faudrait-il que l’on comprenne que l’Internet, dont
les réseaux sociaux sont une partie incontournable, est le cœur même de toute éducation, de toute
recherche du savoir dans une société du savoir, dans une économie du savoir et que le seul concept qui
importe est celui de la propriété intellectuelle.
Quand donc allons-nous ne pas faire la même erreur que nous avons faite avec la radio (qui n’a
jamais pénétré à l’école), avec la télévision (qui n’a jamais eu droit de citer à l’école), et ne parlons pas de
l’ordinateur et donc de l’Internet.
Savez-vous que j’ai eu mon premier branchement (sans les appareils, à moi de venir avec MON
ordinateur portable) d’ordinateur dans mes classes à la Sorbonne en 2008. Avant nous n’avions qu’un
lecteur de CASSETTES VHS et parfois un lecteur de DVD, et encore il fallait le transporter de la salle de
réserve à la salle de classe, du 7ème
étage au 21ème
étage par exemple.
Comment voulez-vous faire galoper des jeunes dans le monde de la connaissance sur Martin
Luther King, si vous ne pouvez pas avoir accès immédiat à ses discours principaux et bien d’autres
choses. Comment découvrir Rosa Parks si je ne peux pas référer les étudiants aux sources nécessaires
disponibles sur l’Internet et qu’ils peuvent ainsi vérifier et consulter eux-mêmes, ce qui veut dire que je
dois intégrer leur parole sur ce qu’ils ont découvert et je risque de tomber de haut.
Ils trouveront que MLK a plagié sa thèse de doctorat et les auteurs plagiés seront cités. Bien sûr
ils ne peuvent pas savoir qu’avant 1965 aux USA le plagiat n’était pas un crime pour un doctorat car un
doctorat était fondé sur le collectage d’opinions déjà exprimées et qu’ils se devaient de discuter avec des
faits de rechercher personnelle.
4. Aujourd’hui à l’âge de l’Internet on demande de ne pas citer longuement ces sources mais de
donner les références où nous pouvons les consulter facilement, et un bon professeur ou directeur de
recherche (ils sont loin de l’être tous) passera du temps à vérifier ces sources.
Une dernière remarque : quand allons-nous supprimer les crayons et le papier et autoriser, mieux
exiger que les élèves rendent leurs devoirs sous forme virtuelle. Le problème est de s’assurer que tous
les élèves et étudiants ont accès aux machines nécessaires pour le faire. Quand j’enseignais à des
tchniciçens de la paye, je ne ramassais pratiquement plus de devoirs, même fait en classe. Les étudiants
le faisaient sur l’ordinateur dont ils étaient dotés et m’envoyaient leur travail à mon adresse email, là devant
moi. Et ils recevaient en tant utiles la correction de la même façon à leur boîte email.
Croyez-vous que mes étudiants actuels qui sont des cadres d’entreprises startup dans le domaine
des objets connectés de santé accepteraient de remettre un travail sur papier quand entre eux et moi il y
a cinq cents kilomètres ? C’est cela l’enseignement de demain et en fait il pourrait déjà être là si nous le
voulions.
Notre monde est en train de changer de base. Un de mes articles est en évaluation pour publication
aux USA justement sur ce problème, ce que j’appelle le « Guided Self Learning », l’auto-apprentissage
guidé. Nous sommes si loin du but. Et comme disent certains optimistes : dans vingt ans 60% des emplois
dsponibles n’existent pas encore et nous ne savons pas ce qu’ils seront. Alors comment préparer les
étudiants et élèves d’aujourd’hui à des emplois que nous ne connaissons même pas ?
Et que dire de ce titre du Figaro d’hier (lundi 21 janvier) :
Trois millions de jeunes totalement oisifs, dont 40%
issus de l'immigration
ANALYSE - Ces chiffres de l'OCDE sur les 15-34 ans résument tout le
mal français.
Oui, certes, et quel mal, et ils ne sont ni inscrits à Pole Emploi, ni en cycle d’études,
ni en activités professioonnelles indépendantes du moins déclarées – et déclarables.
Quand j’étais à Roubaix en 1976-1995 on évaluait que les activités mercantiles de marché
noir étaient aussi importantes que les revenus légitimes déclarées aux impôts. La seule
question qu’on se posait c’était de savoir si les bénéficves de La Redoute devaient ou ne
devaient pas être inclus dans ces revenus légitimes déclarés aux impôts. Rien n’a changé
fondamentalement.
S’il doit y avoir une révolution en marche ce devra être celle qui remettra ces trois
millions d’oisifs au travail et en même temps qui remettra au travail tous les chômeurs. La
France peut-elle ainsi remettre près de cinq millions de gens au travail ? Et avec
l’Intelligence Artificielle qui arrive ? Et avec 60% des emplois que cette IA va créer qu’on
ne connaît même pas encore ? Voilà les vraies questions de fond, et qui sont aussi des
questions de fonds. Il n’y aura pas de « révolution » tant que l’objectif ne sera pas de
remettre au travail tous ceux qui sont « privés d’emploi » parfois par eux-mêmes.