Communication dans le cadre de l'atelier LabCMO : La présence en ligne des savoirs non occidentaux/minoritaires : enjeux sociaux, politiques et techniques
10 novembre 2017
Florence.Piron@com.ulaval.ca
Computer Parts in French - Les parties de l'ordinateur.pptx
La représentation numérique des savoirs des suds : construction d’un problème
1. LA REPRÉSENTATION
NUMÉRIQUE DES
SAVOIRS DES SUDS :
CONSTRUCTION D’UN
PROBLÈME
ATELIER LABCMO : LA PRÉSENCE EN LIGNE DES SAVOIRS NON
OCCIDENTAUX/MINORITAIRES : ENJEUX SOCIAUX, POLITIQUES
ET TECHNIQUES
10 NOVEMBRE 2017
FLORENCE.PIRON@COM.ULAVAL.CA
Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la licence
creative commons attribution 4.0 canada
2. QU’EST-CE QU’UN SAVOIR?
(définition constructiviste et phénoménologique)
Un savoir est :
• un ensemble synthétique et inachevé de constructions
interprétatives du réel, socialement constituées, négociées
et transmises, et qui se manifeste au cours des pratiques
des acteurs sociaux, tantôt sous une forme discursive et
articulée, tantôt sous une forme pratique, inconsciente et
tacite.
Un savoir est à la fois commun (partagé par une communauté) et
individuel (propre à un individu), tout comme une langue qui
offre une grammaire et un vocabulaire communs pour créer
des paroles individuelles.
Le savoir individuel peut être compris comme le « style » (la
parole) que chaque acteur ou actrice sociale crée à partir du
savoir (de la langue) qu'il ou elle partage avec ses co-acteurs
sociaux, dans son groupe social, pour donner un sens à son
expérience, dans son contexte.
3. UN SAVOIR EST VIVANT ET INACHEVÉ,
UNE SYNTHÈSE PERPÉTUELLE
• Le savoir individuel se constitue et se renouvelle au fur et à
mesure des expériences vécues : il est une synthèse que
l'acteur ou l’actrice sociale réalise continuellement pour
donner un sens à la nouveauté qu’elle ou il expérimente.
• Le savoir commun est une grille d’interprétation utilisée par
les acteurs et actrices d’une communauté, mais il est lui-
même toujours immédiatement réinterprété et transformé par
l'activité sémiotique de production de sens des acteurs et
actrices.
• Un savoir se construit dans la langue qui le porte et qui lui
permet d’être partagé et transmis, mais aussi d’évoluer.
• Un savoir génère ou utilise une épistémologie (manière de
connaître) qui propose aux acteurs et actrices sociales une
procédure et des repères pour mener cette synthèse
interprétative, pour faire sens de leur expérience vécue.
4. LES FRONTIÈRES DES SAVOIRS
COMMUNS?
• Un savoir commun est intrinsèquement lié à une communauté
formée des personnes qui l’utilisent pour donner sens à leur
contexte de vie : il est contextuel, localisé, inscrit dans un lieu et
une histoire sociale qui lui donnent un sens, il est vivant
Sans ce travail du sens et de la pertinence, les savoirs
communs n'existeraient au mieux que sous la forme de livres
poussiéreux ou de légendes incompréhensibles.
• Tracer les frontières de ces savoirs communs n’est pas neutre :
c’est aussi un travail sur le sens et la pertinence qui inclut ou exclut
des idées, des interprétations, des liens entre elles
• Pas de traçage de frontières qui soit "au-dessus" des stratégies de
négociation de la réalité propres aux rapports sociaux à l'oeuvre
dans la communauté en question : délimiter un savoir commun est
un enjeu social collectif qui attribue ou retire de la légitimité à des
idées, des interprétations
5. SAVOIR ET POUVOIR
• Dans ce processus, des savoirs communs (et les savoirs
individuels qui s’en nourrissent) peuvent être subalternisés,
minorisés, méprisés, oubliés
si les personnes qui les utilisent pour penser et dire leur
monde sont elles-mêmes subalternisées.
• La norme dominante leur refuse alors le statut de « savoir ».
• Ces savoirs deviennent invisibles ou dévalorisés.
• La science est la norme dominante qui revendique le pouvoir
de délimiter la vraie vérité des fausses vérités (Fake news) :
elle s’érige en juge des savoirs = les scientifiques (docteurs)
portent cette faculté de juger et jugent les savoirs individuels
(opinions, croyances, etc.)
6. SUBALTERNISATION DES SAVOIRS
(SCIENTIFIQUES OU NON) DES SUDS
• La science, pour maintenir son pouvoir de définition
légitime de la réalité, tend à disqualifier la valeur des
autres savoirs et épistémologies, par exemple africaines,
narratives, surnaturelles, etc. Un processus lié à la
colonisation.
• Les savoirs communs africains et la langue dans laquelle
ils sont transmis deviennent honteux pour ceux et celles
qui, en Afrique, aspirent à incarner le modèle européen
valorisé par les institutions :
Extraversion, aliénation épistémique, épistémicide,
diglossie, exploitation, colonisation des savoirs
• Ceux et celles qui, au contraire, revendiquent le droit et
le plaisir de penser dans leur épistémologie, dans leur
LANGUE, rencontrent de grandes difficultés.
7. TRACER LES FRONTIÈRES DES
SAVOIRS COMMUNS
En délimitant un savoir commun par un contenu fixe ou
par des limites géographiques ou sociologiques
définitives,
• on laisse de côté toute sa dimension créative et
synthétique qui lui vient de l'activité sémiotique des
acteurs sociaux et qui fait en sorte que les idées
circulent, se transforment, se copient, s'abandonnent
• on lui fait violence en le réifiant, en le séparant du
contexte et des acteurs qui lui ont donné sens.
Le savoir commun peut devenir otage des rapports de
pouvoir identitaires qui luttent pour avoir le dernier mot
sur ses frontières et son sens (savoir qui devient une
ontologie).
9. ENJEU : COMMENT DÉ-SUBALTERNISER
LES SAVOIRS DES SUDS?
Le web 2.0 permet la dématérialisation,
l’archivage et le libre accès au matériel
en ligne (documents, images, vidéos), à
l’intérieur ou en dehors de la sphère
scientifique :
Les technologies numériques sont-elles
une solution?
10. LE PROBLÈME
Les technologies numériques pourraient-elles aider à :
• Représenter des savoirs de manière égalitaire, en
dé-subalternisant les savoirs minoritaires ou des
Suds, dans la science ou en dehors
• Rendre justice au caractère synthétique et inachevé
des savoirs à représenter et à transmettre
• Définir les frontières des savoirs commun de
manière démocratique, sans imposition ou effet de
véridiction
• Éviter la décontextualisation des savoirs
11. NUMÉRIQUE ET MISE EN VALEUR DES SAVOIRS
• Wikipedia
• Internet Archive
• les blogs
• YouTube
"Quand le village se
réveille" est un projet de
collecte et de diffusion
de traditions et de la
culture malienne à
travers des images, des
audios, des vidéos, et
textes et des
témoignages des
sages: la culture
malienne à la portée de
tous à travers les TIC.
12. QUESTIONS À CE TYPE DE PROJET
• Les savoirs communs = en langue locale? Oui à
l’oral, mais rares sont les langues des Suds qui ont
une tradition d’écriture…
• Le français reste la langue commune des pays
postcoloniaux d’Afrique francophone : comment
passer outre?
• D’innombrables variations locales de savoirs
(apparemment) communs : que faire? Comment
organiser l’information?
• Tentations de l’essentialisme, de l’ontologisation des
savoirs « traditionnels » pour définir des identités
par des symboles : conflits, folklorisation (nouvelle
forme de subalternisation), opposition modernité-
tradition non féconde (modernité africaine)
13. QUESTIONS ISSUES DE SOHA
• But : rendre visible la science africaine
la faire entrer dans les formats numériques de la
science en ligne
• Revues scientifiques (modèle très normé)
• Archives ouvertes faites avec x logiciel
Statu quo : Cette démarche continue de :
• Fixer les savoirs dans une formulation définitive
marquée par une date, ce qui les empêche
d’évoluer
• Montrer des savoirs décontextualisés, coupés de
l’expérience vécue de leurs porteurs et
porteuses, au nom de l’universalisme abstrait de
la science
14. WIKIPEDIA : PARADOXES
• Un commun participatif, articles évolutifs et vivants,
discussion visible, pluralité de versions en langues
variées, acceptation de fichiers sonores
MAIS
• Obligation de références publiées dans des
supports « légitimes » : cadre normatif occidental
• Ton positiviste et décontextualisé, reproche de
manque de neutralité
• Des portails et des catégories qui délimitent les
champs des savoirs et leurs frontières
• Pas de mélange des genres, de langues, de
créolisation des savoirs, de bazar : une vision
statique et essentialiste des savoirs
15. LES TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES NE
SONT PAS NEUTRES
• Elles peuvent rendre visible les savoirs
subalternisés, mais à condition de les reformater
selon une épistémologie/ontologie dominante
• L’archivage porte sur des savoirs « morts », non
évolutifs et séparés des personnes et des
contextes où ils ont eu un sens
• Les moteurs de recherche imposent un système
de catégories et de mots clés qui séparent et
catégorisent les savoirs, sans se soucier de la
pertinence
• L’anglais est dominant
• Fracture de littératie numérique : un problème
non résolu
16. TROIS EXPÉRIENCES EN COURS
1. Récits de vie d’immigrants et d’immigrantes à
Québec : pour lutter contre le racisme et faire
entendre les voix et les savoirs des immigrants sur
l’immigration et le Québec
2. Écriture numérique collaborative d’une pièce de
théâtre
3. Édition de livres évolutifs et plurilingues
Du potentiel, mais beaucoup de points à améliorer…
17. TROIS EXPÉRIENCES EN COURS
1. Récits de vie d’immigrants et d’immigrantes à
Québec :
pour lutter contre le racisme
Pour faire entendre les voix et les savoirs des
immigrants sur l’immigration et le Québec : la
dernière section de chaque entrevue de récit de
vie/portrait
18. 54 portraits
d’immigrants
et d’immigrantes
issus de 16 pays
d’Afrique
subsaharienne,
réalisés par autant
d’étudiants et
d’étudiantes du
cours Éthique de la
communication
publique,
Lancé le 22 février
2016
Projet
Québec,
ville
ouverte
19. 160 portraits d’immigrants et de réfugiés des pays
de culture arabe, de spécialistes et de bénévoles.
Sortie début novembre 2017.
Automne 2017 : Fabrication de Québec latina (volontaires encore recherchés)
20.
21. Version en ligne, en libre accès, grâce au logiciel
Pressbooks, dérivé de Wordpress, logiciel libre et gratuit
23. Le livre est en ligne sous licence Creative Commons CC-BY
24. Ces licences encouragent la
diffusion libre et gratuite, mais
aussi la réutilisation, le remix, en
toute légalité et légitimité
25.
26.
27. LA PUBLICATION DES PORTRAITS DE
QUÉBEC, VILLE OUVERTE SOUS CC-BY
Elle permet la fabrication et la commercialisation des livres
imprimés, mais aussi la réutilisation des portraits pour :
• Bande dessinée
• Livres pour enfants
• Manuels scolaires
• Livres audio
• Scénario de films, de spectacles, pièce de théâtre
• Nouvelle littéraire
• Recherche sur le racisme (consultation sur le racisme
systémique)
• Jeu de société DU SAVOIR VIVANT
• Conférences
28. TROIS EXPÉRIENCES EN COURS
2. Écriture numérique collaborative d’une pièce de
théâtre sur la justice cognitive par une équipe de 25
étudiants et étudiantes de 7 pays
29. ÉCRITURE COLLABORATIVE NUMÉRIQUE
D’UNE PIÈCE DE THÉÂTRE
Projet de recherche-création numérique (subventionné
par l’Université Laval) :
• Rédiger en équipe dématérialisée une pièce de
théâtre à partir des savoirs des étudiants et
étudiantes et de leur compréhension du concept de
justice cognitive
• Mettre ces savoirs en dialogue pendant le
processus d’écriture
• Analyser le processus d’écriture pour comprendre
ce qui est en jeu dans la participation à ce projet,
comment les savoirs circulent et sont accueillis
• Privilégier des formes littéraires locales, tout en leur
donnant une dimension universelle
30. ÉCRITURE COLLABORATIVE
NUMÉRIQUE : DÉFIS ET SOLUTIONS
Défis :
• Fracture numérique (accès difficile au web et à l’électricité)
• Fracture de littératie numérique (degré de maîtrise de l’écriture
numérique en ligne)
• Identifier le meilleur logiciel/ensemble de logiciels (abordable,
simple, efficace pour l’écriture et pour la recherche)
• Équité de la contribution de tous et toutes
• Maintenir l’intérêt malgré la distance
• Ne pas effacer les savoirs individuels dans la construction du
savoir commun porté par la pièce
• Trouver un équilibre entre local et universel
• Assujettir la technique à la dimension humaine du projet et non
l’inverse
31. ÉCRITURE COLLABORATIVE
NUMÉRIQUE : DÉFIS ET SOLUTIONS
Solutions :
• Fracture numérique : don financier
• Fracture de littératie numérique : formation personnalisée
nécessaire
• Identifier le meilleur logiciel/ensemble de logiciels :
essai/erreur : Google doc, whatsapp, trello
• Équité et intérêt : Animation d’une communauté
• Trouver un équilibre entre local et universel : intégrer des
formes littéraires et épistémologiques diversifiées
• Exemple : conte, chant, Ladyans
• Résister à la tentation de la domination épistémique
36. CE QUI EST ESSENTIEL POUR DÉ-
SUBALTERNISER LES SAVOIRS DES
SUDS À L’AIDE DU NUMÉRIQUE
• Faire d’un savoir commun un (bien) commun :
• Promouvoir une communauté qui décidera elle-même de la
valeur et des frontières des savoirs qu’elle génère, crée,
modifie, valide, rejette, = un système d’interprétation, d’idées
et de repères qui permet de donner un sens au monde
• Initier en douceur une communauté aux outils numériques et
suivre les progrès et demandes des unes et des autres,
s’adapter
• Soumettre le choix et l’usage des technologies à la finalité de
la communauté et non l’inverse, au-delà des critères
d’efficacité managériale
• Utiliser le numérique à la fois comme technologie, mais aussi
comme nouveau mode d’organisation du travail immatériel
37. CETTE
PRÉSENTATION
Est sous licence Creative Commons:
Vous pouvez l’utiliser, telle quelle ou en la modifiant, pour
vos activités d’enseignement ou de formation.
Elle fait partie des communs de la connaissance, elle
appartient à tous.
À vous de jouer!