Nouveau usages du Web avec l'Avenèment des réseaux sociaux " Cas du centre de...
Emerit57
1. Expériences de Médiation et d'Évaluation dans
la Recherche et l'Innovation Technologique
Trimestriel d'information
sur l'évaluation des choix
technologiques, édité
par la Fondation
Travail-Université
Premier trimestre 2009
Numéro 57
Le web 2.0, Bureau de dépôt: Namur 1
Numéro d’agréation P401118
un phénomène de société
C
L’appellation “web 2.0” e sont les blogs web 2.0 : web participatif,
désigne un ensemble de individuels qui ont contributif, interactif, coo-
Numéro spécial
nouveaux usages du popularisé, dès pératif, communautaire.
Web 2.0
web, qui ont pour trait 2004, l’expression web 2.0.
commun la production La possibilité de publier La dimension
contributive et créative
de contenu par les utilisa- soi-même des carnets per- Le web 2.0, un 1
teurs. On y range les ré- sonnels sur internet et d’y La valeur des sites et des phénomène de
seaux de socialisation, interagir avec les visiteurs a services du web 2.0 repose société
comme Facebook ou ouvert la voie à une nou- sur les contributions des
La mise en scène 3
MySpace, les blogs, les velle vague d’usages du utilisateurs. Il s’agit d’une
numérique de soi
sites de partage de musi- web, où les internautes ont caractéristique commune
que et d’images, les outils pris la parole. Peu de temps aux sites de rencontre, de
Une nouvelle vague 4
collaboratifs de produc- après, les réseaux de socia- socialisation, de blogs,
d’outils collaboratifs
tion de contenus, comme lisation (social software) ont d’enchères, de partage de
les wikis, les mondes vir- permis de faire un pas de vidéos, d’exploration de
Le business de la 7
tuels, comme Second plus dans l’établissement de mondes virtuels, etc. Dans
gratuité, un nouveau
Life, les plateformes liens personnels à travers
modèle
comme Google. Le web internet et dans le partage
économique ?
2.0 n’est pas une révolu- d’informations et d’images
tion technique. C’est avec des groupes d’amis,
avant tout une transfor- voire avec des inconnus.
mation progressive des Les “contenus générés par
usages du web, qui repo- les utilisateurs” (UGC, user
saient depuis près de generated contents) se sont
quinze ans sur un modèle rapidement étendus à la
de diffusion, structuré par photo et à la vidéo. Aucune
les fournisseurs de servi- innovation technologique
ces et de contenus. majeure n’a provoqué ni certains cas, la dimension
soutenu cette expansion; la contributive peut débou-
Le développement du
plupart des logiciels du web cher sur un projet explicite-
web 2.0 est un phéno-
2.0 sont des versions amé- ment participatif (partis
mène de société, partiel-
liorées de logiciels existants, politique, associations, etc.)
lement obscurci par un
déjà expérimentés à plus ou sur des réalisations
nuage d’effets de mode.
petite échelle. L’innovation coopératives, dont l’ency-
Ce numéro thématique
réside dans les usages du clopédie Wikipédia est sans
de la Lettre EMERIT
web; elle se repère à travers doute l’exemple le plus
contribue à y jeter un
les adjectifs qui qualifient le achevé. Les sites véritable-
peu de clarté.
2. ment coopératifs ou communautaires tion, le calcul, la mise en pages, le en place à grand peine dans les an-
ne représentent toutefois qu’une pe- courrier, la gestion de fichiers, la pho- nées 1990 se trouvent démunis face à
tite portion du web 2.0, car de nom- to et la vidéo, la plateforme Google l’étalage et à la dissémination d’infor-
breux utilisateurs font du contributif préfigure le développement d’une mations personnelles, livrées par les
comme Monsieur Jourdain faisait de nouvelle génération d’interfaces, que gens eux-mêmes, sans beaucoup de
la prose, sans le savoir. certains auteurs dénomment déjà souci de leur confidentialité. Vu que
“écosystèmes numériques”. L’utilisa- l’évolution des pratiques sociales et
Au-delà de la dimension simplement
teur d’internet peut, en quelque sorte,
contributive, les outils du web 2.0
s’affranchir de l’informatique.
peuvent aussi favoriser l’expression
créative des utilisateurs, à travers de Les outils web 2.0 sont modulaires. Il
nouvelles formes de récit multimédia existe déjà des centaines d’applica-
ou d’art numérique: musique, images, tions pour Facebook ou pour Google,
installations virtuelles. En favorisant qui sont en perpétuel chantier, dans
l’auto-publication et le partage de la tradition des logiciels open source.
ressources créatives, le web 2.0 boule- Pour une même activité, par exemple
verse les codes de la diffusion cultu- gérer et échanger des photos dans un
relle. Ces formes d’expression et de groupe d’amis, il existe un grand
l’évolution technologique sont toutes
diffusion sont particulièrement prisées choix de plateformes, qui offrent cha-
deux beaucoup plus rapides que
par les jeunes, comme le montre, par cune des fonctionnalités complémen-
l’évolution des cadres juridiques, le
exemple, la plateforme 16plus.be. taires pour fidéliser leurs utilisateurs.
web 2.0 se développe dans un flou
réglementaire presque total.
Une architecture à la fois Quelles formes de régulation
systémique et modulaire pour le web 2.0 ? La régulation de la propriété intellec-
tuelle se trouve elle aussi confrontée à
Les plateformes web 2.0 créent un Le foisonnement des activités réalisa-
de nouveaux défis, qui vont bien au-
environnement virtuel unique où on bles en ligne et la quantité d’informa-
delà de la question des droits d’au-
peut passer facilement d’une activité à tions mises en réseau par les utilisa-
teur. La création collective, de même
l’autre, sans se soucier de devoir ou- teurs soulèvent des problèmes de ré-
que le partage de productions intellec-
vrir telle ou telle application … pour gulation, qui ne sont pas nouveaux
tuelles et culturelles, requièrent de
autant que l’on dispose d’une ma- en soi mais qui prennent aujourd’hui
nouvelles règles du jeu, à construire.
chine performante. Elles sont indé- une dimension inattendue.
pendantes des systèmes d’exploitation
C’est le cas de la protection des don-
(Mac, Windows ou Linux) et des logi- Après le web 2.0, le web 3.0 ?
nées personnelles et de la vie privée.
ciels bureautiques habituels. Avec ses Le consortium W3C, qui préside aux
Les dispositifs juridiques (lois, com-
outils les plus récents pour la rédac- destinées d’internet au niveau mon-
missions consultatives) qui ont été mis
dial, n’a jamais fait sienne l’appella-
tion web 2.0, car il n’y voit pas une
Quelques dossiers de synthèse sur les enjeux du web 2.0 nouvelle version technique du web.
Le W3C travaille actuellement sur le
Il existe une bibliographie abondante sur le web 2.0. On trouvera ici une sélection de
dossiers de synthèse, qui sont destinés à un large public et qui reflètent à la fois la variété projet du “web sémantique”, rebapti-
des usages et les différentes dimensions des enjeux sociétaux du web 2.0.
sé web 3.0, qui permettrait de sélec-
Courrier international, Révolution 2.0 – Comment le Net va (encore) changer la vie, tionner et d’agréger l’information non
numéro hors série, décembre 2007 (www.courrierinternational.com).
plus au niveau des pages web, mais à
Instituut Samenleving en Technologie, Web 2.0, de nieuwe sociale ruimte ?, VIWTA
partir d’une analyse intelligente du
dossier n° 11, 2007 (www.viwta.be).
contenu détaillé de celles-ci. Tous les
Média Animation, Internet, c’est vous – Les nouvelles pratiques de l’internet social,
série “Les dossiers de l’éducation aux médias”, 2008 (www.media-animation.be). contenus du web seraient ainsi mis en
Problèmes économiques, Les défis de la Net économie, n° 2965, La Documentation réseau, indépendamment des sites qui
Française, février 2009 (www.ladocumentationfrancaise.fr/revues/pe/).
les hébergent. Les ingénieurs du
La Recherche, Web 3.0, l’internet du futur – Ce qui va changer dans l’accès à
W3C, qui vivent toujours dans l’uto-
l’information, n° 413, novembre 2007 (www.larecherche.fr).
pie originelle du web, soupçonnent-ils
Revue Louvain, Google, to be or not to be, n° 175, octobre 2008 (www.uclouvain.be/
qu’ils travaillent ainsi à optimiser le
revue-louvain).
modèle économique élaboré par les
Sciences humaines, Vers un monde 2.0 ?, dans le n° spécial 200 “Pensées pour
demain”, janvier 2009 (www.scienceshumaines.com). acteurs du web 2.0 ?
Page 2 La lettre EMERIT n° 57
3. Que montre-t-on finalement de soi
La mise en scène numérique aux autres dans ce monde virtuel ?
Comment ces apparences numériques
de soi sont-elles rendues visibles ?
Dans l’univers numérique, l’expres-
A
nel. On existe, en effet, d’autant plus
vec l’avènement du web 2.0 sion “rendre public” prend un sens
sur le web que l’on affiche un nombre
et le développement impres- différent par rapport au monde des
impressionnant d’“amis” en ligne.
sionnant des sites de réseaux médias traditionnels. Dans celui-ci, le
sociaux qui l’accompagne, la multi- fait même de publier donne une visi-
Cette nouvelle génération de sites,
plication des échanges et des publica- bilité directe et uniforme. Dans l’uni-
appelée par certains “toile vivante”,
tions d’informations personnelles en vers du web 2.0, cette visibilité est
participe d’une dynamique expres-
tous genres est un phénomène en beaucoup moins immédiate, notam-
pleine expansion. Derrière les aspects ment parce que les internautes dispo-
ludiques, cette “mise en réseau de sent d’outils pour définir le périmètre
Extérioriser, théâtraliser ou
soi” pose pourtant une question fon- de visibilité de ce qu’ils montrent
rationaliser son identité : la
damentale : qu’est-ce que cette iden- d’eux-mêmes : filtres, sélection de
mise en scène numérique de
tité numérique ? facettes, stratégies d’anonymisation,
soi peut suivre plusieurs
etc. Cette plasticité du web conduit à
scénarios.
La manifestation d’une s’interroger sur ces mises en scène
dynamique expressive
numériques de soi.
Facebook, MySpace, YouTube, Ne- sive, caractéristique des sociétés
tlog, LinkedIn... On ne compte plus Extérioriser son identité
contemporaines. “Vous”, “moi”,
le nombre de social network sites qui “nous” internautes, pouvons désor- Une première forme de relation entre
ont envahi le web ces derniers temps. mais afficher notre singularité et pren- l’identité de la personne réelle, en
Depuis peu de temps, des millions dre le pouvoir sur le web, en passant chair et en os, et son identité virtuelle
d’internautes ont en effet cédé à la du statut de simple récepteur à celui est celle d’une domination du “moi
frénésie de s’exposer sur une page d’émetteur-récepteur. Le schéma do- virtuel” sur le “moi réel”. Cette dyna-
personnelle pour y poster photos, minant des théories de la communica- mique consiste à présenter une identi-
films vidéo, CV et activités de toute tion (source – message – récepteur) té libérée des contraintes des normes
sorte, pour regarder celles des autres s’en trouve d’ailleurs brouillé. habituelles de la vie sociale. L’anony-
et se créer un réseau d’amis parta- mat numérique facilite en effet le dé-
Cette nouvelle dynamique bouscule
geant leurs goûts et leurs envies du voilement intime et donne parfois aux
les frontières entre l’identité privée et
moment. internautes le sentiment que c’est
publique. Sur les plateformes relation-
leur personnalité profonde qu’ils li-
Avec ce nouvel “internet social”, plus nelles, les internautes s’exposent par-
vrent à des inconnus. Dans le cadre
rien ne semble désormais intime fois de manière complètement désin-
puisque tout s’expose au vu et au su hibée, mettant en péril leur intimité.
de tous. Les internautes se rendent, Alors qu’il existe de nombreux dispo-
certes, identifiables par les caractéris- sitifs pour limiter l’accès à son profil
tiques habituelles de l’identité, au seul réseau d’amis proches, il est
comme la photo, le sexe, l’âge et la frappant d’apprendre que 61% des
profession, mais aussi et surtout par utilisateurs de Facebook rendent leur
une série d’indices moins stables, page personnelle visible à tous. Sur
comme les images qu’ils aiment, Flickr, pour prendre un autre exem-
leurs vidéos personnelles, leurs déli- ple, 69% des photos publiées sont
res de la veille ou encore leurs hu- rendues publiques par leur auteur. Le
meurs et autres états du moment. succès des blogs et autres médias so-
N’importe quelle information – aussi ciaux a souvent été perçu comme
futile qu’elle soit – devient un vérita- l’expression d’une certaine tendance
d’un espace où les règles qui régissent
ble instrument de reconnaissance et narcissique ou exhibitionniste. Faut-il
la vie réelle sont provisoirement sus-
de socialisation, au premier rang des- pour autant conclure à la confusion
pendues, l’occasion leur est donnée
quelles l’ampleur du réseau relation- incontrôlée entre le privé et le public ?
d’exposer une identité plus authenti-
Premier trimestre 2009 Page 3
4. que et d’exprimer leurs tendances choses les plus délirantes, ceci afin de té d’user de multiples stratégies pour
censurées. C’est le cas classique d’une tester les réactions ou simplement créer de la distance entre leur person-
personne timide qui, dans un jeu en faire de l’autodérision. Ce travestisse- nalité réelle et leur identité numéri-
ligne, prend l’identité d’un grand sé- ment ou figuration de soi permet ainsi que. C’est sans aucun doute cette
aux personnes de prendre des rôles capacité à ajuster cette distance au
qui échappent au contrôle social réel qui caractérise le mieux les straté-
éprouvé dans leur quotidien. gies de mise en scène numérique de
soi sur ces sites de socialisation.
Rationaliser son identité
De manière générale, les nouveaux
Du simple grossissement d’un trait de usages des plateformes relationnelles
la personnalité au travestissement pur du web 2.0 suscitent donc des ques-
et simple, l’endossement d’un rôle sur tions de fond sur le format de présen-
le web est bien entendu limité. De tation de soi dans cet espace virtuel,
nombreux internautes se bornent à ainsi que sur le sens et la profondeur
utiliser cet espace comme tout autre des relations qu’on y noue. Face à
ducteur ou dévoile ses préférences espace public classique. Il n’en reste cette rationalisation ou théâtralisation
sexuelles inavouées publiquement. pas moins que la plasticité de l’uni- identitaire, les interlocuteurs ne peu-
Sur les sites de socialisation comme vers du web 2.0 donne à cette capaci- vent, en effet, jamais être certains de
Facebook, il est fréquent de voir des té à « faire comme si » la possibilité de l’identité de la personne qui est de
internautes créer des profils dans les- s’étendre et de se diversifier. L’identi- l’autre côté de l’écran. Dans quelle
quels ils projettent des penchants ina- té numérique est une sorte de copro- mesure les internautes sont-ils réelle-
voués de leur personnalité. Tout se duction où se rencontrent les possibi- ment ce qu’ils prétendent être ? Y a-t-
passe comme si ces pans de leur iden- lités innovantes des interfaces et les il une personne réelle derrière le per-
tité pouvaient prendre leur envol calculs que font les utilisateurs pour sonnage virtuel ? Voilà autant de
parce que le caractère fictif du web produire la meilleure image d’eux- questions qui invitent à user modéré-
autorise à lever certaines barrières. mêmes. Ceux-ci ont ainsi l’opportuni- ment – et en toute conscience des
Toutefois, il serait naïf de croire que
enjeux – de ces nouveaux moyens de
ces expériences et identités présentent
communication.
toujours un caractère réaliste. Il ne
Cardon D., Le design de la visibilité –
faut pas sous-estimer une hypothèse
un essai de cartographie du web 2.0,
plus simple : dans beaucoup de cas, dans Réseaux 2008/6, n° 152, pp. 93-
les personnes ont simplement envie 137.
Zizek S., Mais qui peut bien être mon
de ne pas être tout à fait elles-mêmes
moi numérique ?, dans le Courrier in-
sur le web.
ternational, hors série “Révolution 2.0“,
décembre 2007, p. 83.
Théâtraliser son identité
À l’autre extrême, une seconde forme
Une nouvelle vague d’outils
de fabrication identitaire, facilitée par
les sites de socialisation et les mondes
collaboratifs
virtuels, consiste à prendre des rôles
qui n’ont que peu ou prou à voir avec
C
les traits identitaires réels. Les inter- ollaborer à distance est de- L’univers changeant des outils
nautes peuvent ainsi modeler, à loisir, venu fréquent sur internet et collaboratifs
leur identité pour créer des personna- des outils collaboratifs, faci- Les logiciels de collaboration font
ges qui n’ont parfois que des liens les à utiliser, sont aujourd’hui à la partie des plus anciens domaines de
incertains avec ce qu’ils sont dans la disposition d’individus isolés, de tra- l’informatique. Les premières commu-
vraie vie. C’est le cas notamment de vailleurs ou de groupes communau- nautés virtuelles remontent aux an-
personnes qui sculptent une image taires. Que ce soit dans leur vie quoti- nées 1960, dans les laboratoires et les
d’eux-mêmes en personnage gothi- dienne, leur travail ou leur action mi- universités. Le principe du courrier
que, en amateur de cuir, en collec- litante, ils offrent de nouvelles possibi- électronique date de 1966 et les pre-
tionneur de bisounours, en idole de la lités d’expression, de participation et miers newsgroups ont été crées entre
star-academy ou fétichiste d’autres d’émancipation. 1978 et 1988, avec l’ancêtre d’inter-
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5. net. Un pas décisif a été franchi à la programme. Construire et éditer un veurs locaux migrent progressivement
fin des années 1980 avec le dévelop- blog personnel ne nécessite plus de vers des espaces de stockage et de
pement des logiciels de Computer compétence technique particulière. partage en ligne.
Supported Cooperative Work Dans le monde professionnel, la facili-
(CSCW), dont l’exemple le plus té avec laquelle les utilisateurs du web Des outils plus participatifs
connu est sans doute la plateforme peuvent générer eux-mêmes du conte- Le web 2.0 a favorisé le développe-
Lotus Notes. Toutefois, les usages de nu favorise des interactions plus fré- ment d’outils collaboratifs plus partici-
ce type de plateforme resteront long- quentes et plus transparentes, horizon- patifs, offrant à leurs utilisateurs la
temps limités au monde profession- tales plutôt que hiérarchiques. L’ex- possibilité de s’impliquer davantage
nel. pansion des blogs d’entreprise, mis en
place par certains responsables de
Les outils collaboratifs comprennent à
Deux tendances caractérisent
communication interne, est un indice
la fois des outils de communication et
l’évolution actuelle des outils
de cette évolution.
d’échange d’information, des outils
collaboratifs: la simplification
de travail partagé, des outils de ges- La deuxième grande tendance est la
technique et la migration vers
tion des contenus et des connaissan- migration fréquente de ces outils vers
des plateformes web.
ces, des outils de coordination et de internet. Les plateformes internet of-
planification. Le tableau 1 illustre ces frent, de manière centralisée, des fonc-
dans la création, la publication, le
tionnalités de plus en plus intégrées et
partage, la modification ou la valida-
de plus en plus étendues : consulter de
tion de contenus, dans la limite des
l’information, la valider, la partager,
règles d’usage des applications. Ces
l’imprimer, la publier. Cette centralisa-
outils ont modifié la manière de tra-
tion sur internet offre l’avantage, pour
vailler, de collaborer, d’interagir et
les utilisateurs, de pouvoir utiliser ces
d’échanger avec les autres. Ils permet-
outils de manière plus flexible, sans
tent une collaboration de masse et
contrainte de lieu et de temps, et de
favorisent la capacité d’innovation
pouvoir travailler de manière plus
des utilisateurs.
fluide, sans devoir se soucier de la
compatibilité des applications ou des
quatre catégories d’outils et repère les Les wikis, de même que les blogs col-
systèmes. Des données stockées à l’o-
innovations liées au web 2.0. lectifs, constituent de bons exemples
rigine sur des ordinateurs ou des ser- de cette plus large participation. Leur
Le développement du web 2.0 a vu
apparaître deux grandes tendances
dans le développement de ces outils
Tableau 1
collaboratifs.
Une nouvelle vague d’outils de collaboration à distance
La première tendance est la simplifi-
Outils web traditionnels Outils web 2.0
cation dans la gestion et l’utilisation
de ces outils qui étaient complexes à Courrier électronique Chat rooms, chat channels
Outils de communi-
Listes de diffusion Flux de syndication (RSS)
cation et d’échange
développer, à installer et à manipuler,
Messagerie instantanée (MSN) Réseaux sociaux
d’information
si bien qu’ils étaient souvent laissés
Vidéoconférence sur internet Sites de partage multimédia
aux mains d’un personnel informati-
que qualifié. Aujourd’hui, le proces- Groupware (Computer Sup- Espaces de travail collaboratifs
Outils de travail
partagé ou de travail ported Cooperative Work) (CWE)
sus de mise en ligne de contenus est
Gestion électronique de docu- Plateformes de collaboration
en groupe
devenu accessible à un plus grand
ments en ligne (Google Docs)
nombre, grâce à des applications et
des interfaces simplifiées. Des systè- Outils de gestion Systèmes experts Wikis
Moteurs de recherche Plateformes e-learning
mes de gestion de contenu prêts à des connaissances
Bases de solutions (FAQ) Blogs professionnels
l’emploi permettent aux utilisateurs de
Encyclopédies en ligne Wikipédia
générer du contenu et de le mettre en
ligne, sans avoir besoin de connais- Outils de Logiciels de workflow Agendas en ligne (Doodle)
sances informatiques particulières, coordination
comme, par exemple, connaître le
Source: d’après O’Reilly, 2005
langage HTML ou développer un
Premier trimestre 2009 Page 5
6. objectif est de faciliter la communica- leur usage ne va pas toujours de soi.
De nouveaux enjeux
tion et la collaboration entre différen- Le premier facteur de succès de l’im-
Les nouveaux espaces collaboratifs ne
tes personnes impliquées dans un plantation de tels outils est d’abord
sont pas figés. Ils se parcourent, s’a-
même projet. L’encyclopédie en ligne que leurs utilisateurs se les appro-
ménagent et s’organisent en perma-
Wikipédia est sans doute l’exemple le prient et s’y investissent. Pour que
nence. Leur disposition, leur organi-
plus connu de création collective de cette appropriation soit réussie, il faut
sation et leur alimentation sont en
contenu, ouverte à toutes les contri- que les utilisateurs aient les moyens
constante négociation. Dans l’univers
butions, avec des responsabilités très d’utiliser les nouveaux outils et que
professionnel ou dans le monde asso-
décentralisées. ceux-ci trouvent un sens dans leurs
ciatif, ces espaces soulèvent des en-
propres pratiques. Un accompagne-
jeux à la fois communicationnels,
La facilité d’emploi des systèmes de
ment à l’apprentissage et à ’adoption
sociaux et technologiques.
gestion de contenu (CMS), logiciels
de ces applications peut s’avérer
permettant de concevoir et de mettre L’enjeu communicationnel est la co- utile. L’encouragement à la participa-
à jour des sites web dynamiques ou habitation de communications ascen- tion de tous est un autre facteur de
des applications multimédia, facilitent dantes (user generated contents), à succès. Par ailleurs, certains problè-
également une plus large participa- coté de contenus produits par la hié- mes juridiques doivent être résolus,
tion. rarchie. Jusqu’où peut-on encourager notamment en matière de propriété
ou accepter, dans une organisation, la intellectuelle. De nouvelles formes de
La production de contenus par production de ces contenus ascen- reconnaissance et de protection de la
les utilisateurs ne signifie pas dants ? Jusqu’où les contrôler ou les propriété intellectuelle, comme par
la fin des politiques de surveiller ? exemple les licences Creative Com-
publication, ni des politiques mons, peuvent lever certains obsta-
Au niveau social se pose la question
d’accès aux contenus, pas plus cles à la coopération et au partage
du degré de participation des diffé-
que l’indifférenciation des rôles d’informations.
rents acteurs aux systèmes d’échange
dans les pratiques de
et aux réseaux mis en place autour de L’émergence de la production de
collaboration.
ces outils collaboratifs. Qu’est-ce qui contenus par les utilisateurs ne signifie
va stimuler la production de contenus pas la fin des politiques de publica-
Enfin, les “tags” ou mots clés choisis dans des blogs ou des wikis à la place tion, ni des politiques d’accès aux
par les utilisateurs pour marquer ou de leur simple consultation ? Qui sera contenus, pas plus que l’indifférencia-
catégoriser eux-mêmes des docu- actif, qui sera passif ? tion des rôles dans les modalités prati-
ments, des liens ou des photos, sont
ques de collaboration.
aussi une illustration de cette implica-
tion toujours plus grande des utilisa- Goldenberg A., L’équipement technolo-
teurs dans la gestion de contenus. gique des pratiques collaboratives, in
Proulx S., Couture S. et Rueff J. (eds),
Certains sites typiquement représenta-
L’action communautaire québécoise à
tifs du web 2.0, comme le portail d’é- l’heure du numérique, Presse de l’Uni-
change de photos Flickr ou le portail versité du Québec, 2008, pp 163-181.
de liens Del.icio.us, exploitent les pos- McAfee A.P., Entreprise 2.0 : the dawn
of emergent collaboration, in MIT Sloan
sibilités ouvertes par cette “catégori-
Management Review, Spring 2006, pp.
sation par les utilisateurs”, à l’aide de
21-28.
tags. Enfin, au niveau technologique, il y a
O’Reilly T., What is web 2.0: design
la question de la sécurisation des ac- patterns and business models for the
Selon certains auteurs, le web 2.0
cès et des espaces d’hébergement. next generation of software, O’Reilly
illustre la transition entre une taxono- Radar Publications, 2005.
Comment mettre au point des solu-
mie des informations, c’est-à-dire une
tions techniques qui garantissent à la
classification structurée selon des ar-
fois la sécurisation des contenus et la
borescences logiques, et une
participation la plus large à la produc-
“folksonomie”, c’est-à-dire une caté-
tion de ces contenus ?
gorisation effectuée directement “par
les gens”, plus précisément par les
Les facteurs de succès
utilisateurs directs des portails contri-
Si les outils collaboratifs du web 2.0
butifs ou participatifs.
favorisent bel et bien la coopération,
Page 6 La lettre EMERIT n° 57
7. Le business de la gratuité, un nouveau modèle
économique ?
C
clients avant de faire son choix sera Le web 2.0 apporte des éléments
omment faire des affaires
lui-même incité à donner son avis, car nouveaux à ce modèle, car il permet
avec du gratuit ? Les nouvel-
il voit que la qualité du service s’amé- de passer d’une publicité de masse à
les fonctionnalités du web
liore au prorata des contributions re- une publicité ciblée. Sur le premier
2.0, souvent basées sur l’échange ou
çues. versant, un site d’échange ou un ré-
la mise en commun de ressources,
seau de socialisation sera d’autant
ainsi que la panoplie de services of- Le financement de la gratuité est assu-
plus performant pour ses utilisateurs
ferts gratuitement par Google ou Ya- ré par les acteurs économiques qui se
qu’il permettra une sélection fine des
hoo, donnent l’apparence d’un uni- situent sur l’autre versant du marché,
centres d’intérêt, des préférences, des
vers où l’internaute échappe aux rè- c’est-à-dire essentiellement les annon-
appariements, des attentes des uns et
gles économiques habituelles. Pour- ceurs publicitaires. Ils bénéficient éga-
des autres. La performance d’une
tant, d’énormes sommes d’argent sont lement d’externalités de réseau positi-
plateforme web 2.0 se mesure non
mises en jeu lorsque, par exemple, ves, proportionnelles à l’audience sur
seulement au nombre de contacts
Google rachète la plateforme d’é- le premier versant. Plus l’audience du
qu’elle rend possibles, mais aussi et
change de vidéos YouTube (1.1 mil- premier versant est nombreuse et
liard €), puis la régie publicitaire en mieux elle est identifiée, plus les ac-
Le modèle économique du
ligne DoubleClick (2.1 milliards €), teurs économiques du second versant
web 2.0 peut être caractérisé
détentrice du brevet du logiciel qui seront disposés à payer pour y avoir
comme une nouvelle forme de
génère des cookies quand on visite accès. La valeur du service pour les
“marché à deux versants”, tel
des sites commerciaux. Le chiffre d’af- acteurs situés sur un versant du mar-
qu’on en connaît déjà dans les
faires d’une entreprise comme Google ché est corrélée au nombre et à la
médias.
est composé pour 95% de ressources qualité des acteurs présents sur l’autre
publicitaires; c’est dans cette direction versant: les économistes parlent
surtout à la qualité et à la finesse de
qu’il faut chercher le modèle écono- d’“externalités de réseau croisées”.
ces contacts. Tout sera donc mis en
mique sous-jacent au web interactif et
Si l’on s’en tient à cette explication, il œuvre pour que, sur ce premier ver-
contributif.
s’agit d’un modèle économique déjà sant, les utilisateurs se dévoilent de
connu, qui s’applique notamment à la manière précise, volontaire et gra-
Un marché à deux versants
presse quotidienne gratuite. La gratui- tuite. Cette information a une grande
Les économistes caractérisent le web
té du quotidien Métro repose à la fois valeur pour les acteurs présents sur le
2.0 comme une nouvelle forme de
second versant, qui financeront d’au-
marché “à deux versants” ou
tant mieux la plateforme web 2.0 que
“biface”. La théorie des marchés bifa-
celle-ci leur fournit à la fois une base
ces se rapporte à des produits et des
de données et un corpus de connais-
services qui sont proposés simultané-
sances.
ment à deux catégories d’utilisateurs,
sur deux versants. Les plateformes web 2.0 sont en me-
sure d’imposer aux acteurs du second
Sur l’un des versants, les consomma-
versant des modes de tarification ori-
teurs ont un accès gratuit aux services.
ginaux, différents de ceux en vigueur
Ils bénéficient d’externalités de réseau
dans la publicité de masse ou dans la
positives: plus ils sont nombreux, plus sur un coût minimal d’accès à une
publicité destinée à une clientèle sé-
les services sont intéressants pour eux. information produite par d’autres (il
lectionnée (marketing segmenté). Les
C’est typiquement le cas des forums, s’agit d’un coupé collé des communi-
“liens sponsorisés” de Google sont un
des sites de rencontres, des réseaux qués de plusieurs agences de presse)
bon exemple. Les acteurs du second
de socialisation. Plus les consomma- et sur un financement par les annon-
versant achètent à Google, aux en-
teurs contribuent à alimenter le ser- ceurs publicitaires, auxquels Métro
chères, des mots clés qui génèrent des
vice, plus celui-ci leur sera utile. Par fournit une audience qui n’aurait pas
recettes chaque fois qu’ils sont cliqués
exemple, celui qui consulte un site de pu être atteinte, à coût équivalent, via
suite à une requête; en contrepartie,
voyages et qui lit les avis des autres d’autres médias.
Premier trimestre 2009 Page 7