Le Point C un service In Extenso pour les créateurs et repreneurs
Synthèse des travaux SEPL 2014-2015
1. SOCIÉTÉ D’ÉCONOMIE POLITIQUE ET
D’ÉCONOMIE SOCIALE DE LYON
COMPLÉTER LES DISPOSITIFS
DE FINANCEMENT POUR LA
CROISSANCE DES ENTREPRISES
DANS LA MÉTROPOLE
LYONNAISE
Synthèse des travaux de la session 2014-2015
Editeur : SEPL
2.
3. 3
SOCIÉTÉ D’ÉCONOMIE POLITIQUE ET D’ÉCONOMIE
SOCIALE DE LYON
Sommaire
1 – Note de synthèse des travaux 2014 – 2015........................... 7
2 – Comptes-rendus des conférences de l’année 2014 - 2015
6 Octobre 2014
Pierre du PELOUX, Directeur Régional Rhône-Alpes
de la Banque de France
« Dettes et fonds propres, banques et marchés : des
financements complémentaires ».................................. 13
1er
Décembre 2014
Christophe GRUY, Président du Groupe Maïa
« Des travaux publics à l’énergie renouvelable : une
transition économique ».................................................. 21
En partenariat avec LYON PLACE FINANCIÈRE ET
TERTIAIRE :
3 Février 2015
Sébastien TOUVRON, Président de Rhône-Alpes Création
Philippe VIAL-GRELIER, Président de V3D
« Les relations entreprises-investisseurs depuis
l’amorçage jusqu’à la cession ».................................... 25
4. 4
10 Mars 2015
Alain MARION, Professeur à l’IAE Université Lyon3,
Expert en Evaluation d’entreprise près la Cour d’Appel
de Lyon
Bertrand RAMBAUD, Président du Groupe SIPAREX
Philippe VALENTIN, Vice-Président de la CCI de Lyon,
Président de Place d’Echange
« Pourquoi et comment renforcer les fonds
propres des PME ? Revisitons quelques idées
reçues ».......................................................................... 33
27 Avril 2015
Bernard BUISSON, Président du Comité des Banques
Région Rhône-Alpes, Directeur Général Adjoint
du CRÉDIT AGRICOLE CENTRE EST
Arnaud PEYRELONGUE, Directeur du Réseau
Sud-Est de BPIFRANCE
Michel THOMAS, ancien chef d’entreprise BTP ,
Président d’audience au Tribunal de
Commerce de Lyon
« Les banques et les demandes de crédit :
vraies ou fausses difficultés »........................................ 39
Dîner de l’Hôte d’Honneur – 2 Juin 2015
Jean-Claude TRICHET, ancien Président de
la Banque Centrale Européenne, Gouverneur
Honoraire de la Banque de France
« La gouvernance économique et budgétaire
de la zone euro. Vers une fédération économique et
budgétaire par exception »............................................. 47
5 – Annexes.................................................................................. 91
5. 5
Contacts
Yves Minssieux, Président de la SEPL
e.mail : minssiye@gmx.fr
Marc Bonnet, Président d’Honneur
e.mail : bonnet@iseor.com
Marie-Christine CHALUS-SAUVANNET
e.mail : chalus-sauvannet@gmail.com
Renée JIMBERT, Secrétariat Administratif
e.mail : max.jimbert@numericable.fr
°°°°°°
Le travail de synthèse a été coordonné par Yves Minssieux et Marc
Bonnet, Présidents d’Honneur, en partenariat avec Lyon Place
Financière et Tertiaire et en lien avec l’I.A.E. Lyon.
6.
7. 7
NOTE DE SYNTHÈSE DES TRAVAUX DE LA SEPL
Session 2014-2015
Quelques réflexions sur le domaine financier
en région lyonnaise
°°°°°°°°
Le paysage financier est globalement assez bien couvert au
niveau de la région. Les réseaux bancaires se sont bien
redéployés et nous gardons un bon niveau de compétences et
une bonne réactivité par rapport aux besoins des entreprises.
Ceci est le fruit d’une longue pratique de décentralisation
financière dans notre région. Dans les années 80, les
établissements bénéficiaient déjà d’une forte délégation qui
leur permettait de traiter la quasi-totalité des dossiers en
région. L’émergence du Second Marché a fait la renommée de
la place de Lyon en matière de fonds propres et
d’accompagnement des entreprises.
Les crises successives (crise immobilière, crises financières)
dans les années 2008-2013 ont entraîné de sévères révisions
dans le suivi des risques et dans les contrôles. Le retour récent
à la liquidité, grâce à l’action de la BCE, a ramené une
meilleure souplesse au niveau des circuits financiers et l’écoute
de nos interlocuteurs montre que, globalement, les entreprises
parviennent à se financer dans des conditions satisfaisantes.
Dans les relations banques-entreprises, nos travaux ont
souligné l’importance de la qualité du management et du
travail en équipe. Ils mettent en valeur la nécessité d’une
pédagogie constante envers les dirigeants d’entreprise
TPE/PME pour rappeler les attentes du banquier en terme de
remontée d’informations sur le prévisionnel, comme sur les
réalisations. Ceci s’applique aussi au discours qui explique les
impacts réglementaires ou d’environnement de taux bas sur le
modèle économique des banques.
Pour les entreprises d’une certaine taille, la désintermédiation
a apporté des solutions et un financement qui a complété l’offre
8. 8
bancaire classique. Cette possibilité n’est pas accessible pour
les PME. Par ailleurs, le système bancaire n’a pas
véritablement innové dans les produits offerts à certaines
entreprises engagées dans de nouveaux modèles économiques,
comme « l’ubérisation » par exemple.
L’opportunité de rebondir et d’utiliser pleinement les moyens
qui existent passe par un retour à la confiance de la part des
acteurs économiques et financiers. D’une part les besoins en
fonds de roulement ont été mesurés du fait d’une insuffisance
de croissance et donc de chiffre d’affaires, d’autre part les
entreprises attentives sont restées précautionneuses dans leurs
investissements par manque de visibilité et par suite, de la
pression des donneurs d’ordre pour les sous-traitants. De fait,
la spirale positive investissement-innovation-exportation, n’a
pas pu véritablement s’enclencher. Les entreprises qui ont
surmonté la crise ont su prendre des mesures de gestion pour
s’adapter à leurs marchés en tenant les coûts et les prix,
notamment pour les entreprises familiales.
Le paysage des fonds propres reste contrasté. D’un côté, une
offre abondante en matière de développement et transmission
dédiée aux PME et ETI, qui tend à favoriser des valorisations
élevées sur les plus belles cibles par un mécanisme d’offre et de
demande. De l’autre côté, des start-up qui peinent à financer
leur développement, la faible présence du capital-risque ne
venant pas couvrir cette fameuse « vallée de la mort ». La
flexibilité entre les investisseurs et les substitutions
d’actionnaires sont insuffisantes.
Le domaine le moins bien pourvu aujourd'hui semble donc
celui de l’accompagnement des jeunes entreprises, en
particulier dans les nouvelles technologies où les
investissements nécessaires au départ sont importants. Il en va
de même pour les investissements immatériels de recherche-
développement. Dans les deux cas, il y a besoin de renforcer les
fonds propres, et nous sommes insuffisamment équipés au
niveau du territoire. Le crowdfunding ne peut apporter qu’une
partie des solutions à ce niveau. En France, en particulier,
l’épargne est davantage orientée vers les produits les mieux
sécurisés : assurance vie et immobilier, ce qui correspond à
9. 9
l’état d’esprit ambiant et à une culture d’épargne qui hésite
fortement à investir dans des actions. Même si un certain
nombre de bons projets innovants, correctement présentés,
parviennent à trouver les fonds propres nécessaires, il faut
encore renforcer sensiblement au niveau régional les moyens
financiers mis à la disposition des entreprises, autant au niveau
des fonds propres que des garanties (cautions pour
accompagner les entreprises). Les écarts par rapport à nos
concurrents étrangers, notamment allemands, sont très
conséquents.
Pourquoi nos entreprises familiales sont-elles trop souvent
cédées ? Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) familiales
et patrimoniales de notre région sont handicapées par la
fiscalité sur les transmissions et les anticipations sont souvent
difficiles et nécessitent du temps. Leur nombre reste
notablement insuffisant pour garantir un renouvellement
dynamique de la base industrielle métropolitaine. Leur sous-
capitalisation, voire leur sous-évaluation sur le second marché,
freinent leur développement.
Il faut aussi encourager l’esprit entrepreneurial au-delà des
déclarations. Ceci nécessite une prise de conscience collective
au niveau de tout le système de formation. Malgré la présence
de LPFT et du hub de la finance, l’écosystème financier reste
encore insuffisamment lisible ; il faudrait améliorer la mise en
relation entre les types d’entreprises, leur phase de croissance
(création, jeunes entreprises, entreprises matures seules ou
dans un clusters, entreprises leaders …..) et l’offre financière.
La présence d’une compétence à temps partagé au sein des
clubs d’entreprises de zones artisanales et industrielles, serait
sûrement de nature à renforcer ce couplage, en complément de
l’action des Conseils de l’entreprise.
13. 13
Conférence SEPL du 6 octobre 2014
« Dettes et fonds propres - Banques et marchés : des
financements complémentaires »
Pierre du PELOUX, Directeur Régional Rhône-Alpes
de la Banque de France
°°°°°°°
Le Président Yves Minssieux ouvre la conférence en indiquant qu’il
s’agit de la première séance de l’année 2014-2015, au cours de
laquelle la SEPL travaillera sur la question du financement de la
croissance des entreprises de la région lyonnaise. Cette réflexion
s’inscrit dans le prolongement du thème traité l’an dernier sur le
développement international des entreprises de la région.
L’assemblée générale de la SEPL venant de se tenir, Yves
Minssieux tient à rappeler l’engagement de la CCI de Lyon et de
LCL pour soutenir les activités de notre société de réflexion et de
prospective. Il remercie aussi l’IAE Lyon, qui contribue au travaux
de la SEPL, avec cette année la mobilisation des étudiants en
Master Finances d’entreprise, programme dirigé par Edouard
Chastenet et Alain Marion.
Il présente le grand témoin de ce jour, Monsieur Pierre du Peloux,
qui a rejoint Lyon il y a un an, après avoir été Directeur Régional
de la Banque de France à Dijon. Il a également passé une partie de
sa carrière à la Commission des Opérations de Bourse, à laquelle a
succédé l’Autorité des Marchés Financiers.
Exposé de Pierre du Peloux
Pierre du Peloux introduit son propos en indiquant que de
nombreux acteurs économiques se demandent si les entreprises
françaises sont trop endettées ou insuffisamment capitalisées, ou
encore si les contraintes bancaires vont se traduire par des
restrictions de crédits.
La structure des financements connaît des écarts considérables
selon les secteurs, et il convient de distinguer les Grandes
Entreprises, les Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI : de 250 à
14. 14
5000 salariés et/ou 1,5 milliard d’Euros de chiffre d’affaires) et les
Petites et Moyennes Entreprises (PME de 10 à 250 salariés) . Les
Très Petites Entreprises sont celles qui ont moins de 10 salariés. La
Banque de France recense les entreprises en prenant en compte le
critère d’unité économique, même lorsque l’entreprise est divisée
en plusieurs sociétés présentant des bilans distincts pour des raisons
juridiques ou fiscales. On estime qu’il y a en France 2,7 millions de
TPE, 182 000 PME, mais seulement 4800 ETI et 220 Grandes
Entreprises. Les chiffres d’affaires totaux de ces trois catégories
sont à peu près les mêmes, ainsi que les effectifs.
Les sources de financement sont d’abord internes au travers des
taux de marge brute qui étaient stables jusqu’en 2008, mais qui ont
connu une forte baisse depuis la crise financière. En moyenne, les
taux de marge brute à fin 2012 s’établissaient à 22% pour les
grandes entreprises, contre 20 % pour les PME. Il y a toutefois une
forte dispersion dans le cas des PME, à la différence des grandes
entreprises et des entreprises de taille intermédiaire : les 10 % les
plus performantes ( premier décile) ont une marge moyenne de
30 %, mais les 10 % les moins performantes ont un taux de marge
négatif, notamment parce que la crise a fait décrocher un certain
nombre de PME. La deuxième source de financement est le crédit
inter-entreprises. Il y a certes une loi qui limite à 90 jours le crédit
inter-entreprises, mais celui-ci représente un montant global de 500
milliards d’Euros, alors que l’encours de crédit bancaire s’élève à
120 milliards d’Euros seulement. Ce sont donc les entreprises qui
se financent entre elles. Si l’on passait à un encours de 60 jours au
lieu de 90 jours, les PME gagneraient 15 milliards d’Euros de
financement et il y aurait 6 milliards d’Euros de plus pour les
entreprises de taille intermédiaire. Toutefois, ce mouvement de
désintermédiation ne serait pas à l’avantage des grandes entreprises
qui bénéficient le plus du crédit inter-entreprises. Les taux
d’investissement en proportion des actifs immobilisés sont restés
constants depuis la crise, même si les PME investissent
relativement moins que les ETI et les grandes entreprises.
La Banque de France mesure aussi la solvabilité des entreprises
(endettement /fonds propres). Ce ratio de solvabilité est élevé avec
une moyenne de 34 % pour les PME, de 2 points supérieur à celui
des grandes entreprises et de 4 ou 5 points au dessus des ETI. Les
25 % de PME qui ont le ratio le plus élevé atteignent même 60 %
15. 15
de solvabilité contre 50 % pour le premier quartile des ETI et 45 %
dans le cas des grandes entreprises. En revanche, les écarts se
creusent entre les PME, puisque 25 % des PME les plus faibles
n’ont que 18 % de solvabilité et 7 % des PME ont même des fonds
propres négatifs. La structure de l’endettement connaît des écarts
considérables selon les secteurs. 60 % de l’endettement financier
vient du crédit bancaire dans les PME contre moins de 20 % pour
les grandes entreprises et 15 % pour les ETI. En effet, grandes
entreprises et ETI ont plus de facilité d’accès aux emprunts
obligataires, tandis que les PME restent dépendantes des banques.
Un enjeu important de politique économique est la
désintermédiation car plus des deux tiers des financements
proviennent du crédit inter-entreprises en France, contre un tiers
aux Etats-Unis. La politique de la Banque Centrale Européenne est
de faire baisser les taux d’intérêt en agissant sur les banques, en
espérant qu’il y aura transmission aux clients. Toutefois, la
proportion élevée de crédit inter-entreprises en France et en Europe
atténue l’effet de cette action, à la différence des Etats-Unis où les
impacts d’une baisse des taux d’intérêt sont plus rapides. La BCE
souhaite par conséquent une diminution de l’intermédiation. La
France a aussi un handicap car l’épargne est principalement
orientée vers l’assurance vie en grande majorité plutôt que vers les
entreprises :1400 milliards d’Euros sont investis en assurance-vie,
soit les deux tiers de l’épargne totale . Il faut aussi ajouter que la
nouvelle réglementation bancaire « Bâle 3 » exige que les banques
accroissent leurs fonds propres, ce qui les amène à restreindre les
crédits, risquant de freiner le recours aux crédits pour les PME si
l’activité reprend.
A la suite de cet exposé, Yves Minssieux ouvre le débat en donnant
alternativement la parole aux étudiants de l’IAE et aux autres
participants :
Q. : Vous avez expliqué que le crédit aux entreprises devenait de
plus en plus compliqué. On peut donc se poser la question des
financements alternatifs tels que le crowdfunding. Est-ce une
solution d’avenir pour les entreprises ou une source de
financement marginale ?
16. 16
R. : Le crowdfunding est une collecte de fonds via internet. Cela
peut prendre la forme de dons et en général ce sont des particuliers
qui souscrivent au profit des entreprises. Cela peut prendre aussi la
forme de prêts, avec ou sans intérêt, ou encore une souscription au
capital d’une entreprise qui se crée. Les prêts de crowdfunding sont
limités à un million d’euros. En outre, le montant ne peut pas
dépasser 1.000 euros par personne, sauf s’il s’agit d’un prêt sans
intérêt, dont le maximum peut s’élever à 4.000 euros. Ce mode de
financement a fait l’objet d’un encadrement afin que cela reste
raisonnable. Sur le principe, c’est formidable : via internet vous
pouvez toucher des dizaines de millions de personnes et si vous
communiquez bien, vous pouvez récolter beaucoup d’argent. C’est
un levier de financement des entreprises, surtout pour celles qui
démarrent mais il y a quand même un risque : comme le dispositif
transite par internet, des gérants peuvent mettre la clé sous la porte
ou encore être malintentionnés et partir avec les fonds. Ce fait s'est
déjà produit, et l’Autorité des Marchés Financiers s’en est inquiétée
afin d’éviter que les souscripteurs ne se méprennent pas sur le
degré de sécurité de leurs placements.
Q : Je parle au nom d’une PME de services et je souhaite vous
parler du crédit aux PME ; vous connaissez l’adage : « on ne prête
qu’aux riches » or depuis 2008, le taux de marge des PME a
diminué de façon sensible et j’aimerais savoir ce que vous pensez
de l’accès au crédit et du rôle des banques depuis cette période.
Notre sentiment est que l'on est confronté à un durcissement.
Pensez-vous que les banques jouent aussi bien leur rôle que dans
les périodes précédentes ?
R : C’est une question fréquente. En Rhône-Alpes nous suivons les
bilans et encours de crédit pour environ 20.000 PME et nous
constatons qu’il ne diminue pas, mais qu’il continue à augmenter
depuis la crise à un rythme de 2 ou 3% par an. J’en déduis que le
crédit bancaire aux PME ne s’est pas arrêté et qu’il n’y a pas une
coupure des crédits pour les PME. Par contre, il nous arrive en tant
que médiateurs d’être sollicités par des entreprises dont le crédit a
été refusé par leur banque ? Cela concerne seulement une
cinquantaine de dossiers par an. En règle générale, il s'agit
d'entreprises qui connaissent des difficultés. Les banques font leur
travail et doivent regarder avec pertinence à qui elles prêtent.
C’était moins le cas avant la crise de 2008 où le crédit était plus
17. 17
facile, d’autant plus qu’il y avait une forte concurrence entre les
banques. Aujourd’hui il y a toujours une concurrence bancaire
importante, surtout dans notre région, mais cela dépend de la
situation financière de l’entreprise et surtout de ses projets ou de la
manière dont elle souhaite faire face à ses difficultés. Ce qui est
jugé par les banquiers, ce n’est pas tant de savoir si vous êtes en
perte ou si vous avez une faible rentabilité, c’est surtout de savoir
par quel projet vous allez améliorer votre rentabilité.
Remarque complémentaire de Jean-Luc Duflot (LCL) : au niveau
macro-économique le PIB de la France est en croissance nulle,
c’est à dire qu’il n’y a pas de croissance en volume et on est en
inflation zéro, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de croissance en valeur
non plus. Il y a forcément un lien au niveau macro-économique
entre la somme de toutes les demandes de crédits des entreprises et
l’évolution du PIB. Ce zéro de croissance est une somme de
facteurs comprenant des entreprises en croissance très tournées vers
l’exportation et des sociétés qui pâtissent d’un marché domestique
déprimé. Les entreprises qui exportent sont celles qui sont
« désintermédiées », c’est-à-dire qui n’ont pas besoin des banques
pour financer leur croissance. Nous observons aujourd’hui que la
demande de crédit est globalement atone. Si l’on se pose la
question des financements alternatifs, il faut observer que les
français, peut-être par crainte de l’avenir, ont un taux d’épargne
parmi les plus élevés en Europe. Une des difficultés est d’orienter
les capitaux des particuliers vers le financement des entreprises.
Nous n’en sommes qu’au tout début et il est encore difficile de dire
si cela sera un succès ou non. En toute hypothèse, les banques
travaillent pour que la commercialisation du Plan d’Epargne en
Action orienté vers les PME et voulu par les pouvoirs publics,
puisse se faire dans de bonnes conditions. L’objectif est de donner
la possibilité à des PME d’avoir des micro-levées de fonds par
l’intermédiaire de fonds classiques. Cela va consister à proposer
aux épargnants d’investir dans ce type de produit pour pouvoir
après le réinjecter dans les entreprises avec une fiscalité
avantageuse en terme d’Impôt sur la Fortune et d’Impôt sur le
Revenu. Il y a la même problématique avec l’assurance vie qui est
aujourd’hui beaucoup trop investie en Euros sur le marché
financier, essentiellement pour financer les dettes souveraines de
l’Etat français et d’autres Etats. Il convient d’orienter une partie de
cette épargne vers les unités de compte avec des avantages fiscaux
18. 18
pour inciter les ménages à investir dans les entreprises malgré un
risque un peu plus grand. Il y a aussi la nécessité de la
désintermédiation en France et en Europe qui est beaucoup plus
lente qu’aux Etats-Unis. Les banques incitent à cette
désintermédiation et elles structurent l’accès aux marchés
financiers. A l’horizon de à 5 à 10 ans, nous aurons beaucoup
avancé mais l’amorçage est un peu long.
Remarque complémentaire de Michel Thomas (SEPL) : au travers
de mon prisme du Tribunal de Commerce qui est confronté aux
entreprises en difficulté, je constate que ces dernières ont beaucoup
de mal à expliquer leur situation, leur projet, ce qui est pourtant
indispensable pour obtenir un financement. Celles qui viennent au
tribunal ont fait tout ce parcours initiatique et ont malheureusement
beaucoup de mal à expliquer leur situation, à la comprendre et à
trouver des solutions. Une entreprise en difficulté peut se redresser
et heureusement nous en redressons quelques-unes. Par contre,
vous n’avez pas évoqué un autre mode de financement : les
cessions, le refinancement des créances clients et le factoring, qui
financent le court terme et qui connaissent une accélération
actuellement. Les banquiers proposent à leurs clients de remplacer
des lignes court terme ou des découverts autorisés par du factoring
ou par des produits équivalents avec une rentabilité bien meilleure
et avec beaucoup moins de risques : les banques ont alors du
papier, une facture, alors que de l’autre côté il n’y a rien ou
seulement la caution du dirigeant. C’est un vrai problème car cela
règle une difficulté à court terme mais pas celle du besoin de fonds
de roulement à long terme. Beaucoup d’entreprises viennent
actuellement devant le tribunal après avoir utilisé l’affacturage qui
les appauvrit petit à petit car il diminue la marge. En outre, ce
système obère les chances de redressement car lorsque l’entreprise
arrive au tribunal, il n’y a plus d’actif, les machines sont en leasing,
les bâtiments sont en location, et il n’y a plus de trésorerie. Nous
voyons des entreprises de plusieurs centaines de salariés qui se
présentent devant le tribunal sans un centime d’actif ni de
trésorerie. Dans ces conditions, on ne peut pas redresser
l’entreprise et il faut essayer de la céder dans l’urgence avec toute
la casse que cela entraîne.
Pierre du Peloux : vous avez raison sur le factoring, car dans mes
statistiques il n’y a pas l’affacturage. J’ai lu un rapport intéressant
19. 19
de l’Observatoire du Financement des Entreprises sur le
financement des TPE, paru cette année. Cet organisme a observé
que les TPE se financent de deux manières : découvert et
affacturage. Il est indiqué que l’affacturage, pour un certain nombre
de petites entreprises, est probablement inadapté car il est coûteux,
surtout lorsque les clients ne sont pas très connus, même s’il
apparaît pratique car il permet de se décharger sur un établissement
qui trie les créances clients en économisant un service de
recouvrement.
20.
21. 21
Conférence SEPL du 1er
décembre 2014
Des travaux publics à l’énergie renouvelable :
une transition économique
Christophe GRUY, Président du Groupe MAÏA
Le Président Yves Minssieux resitue la conférence de ce soir dans
le programme de l’année sur le financement des entreprises de la
région lyonnaise. Il présente le conférencier, Christophe GRUY,
Président du groupe MAÏA dont le parcours a été remarquable au
cours des dernières années.
Chistophe GRUY rappelle tout d’abord qu’il a été pendant
plusieurs années Trésorier de la CCI de Lyon et il se réjouit de
retrouver ces lieux.
Originaire du Pas de Calais, il a fait des études de topographe-
géomètre et a commencé son parcours professionnel comme
ouvrier pendant un an, ce qui lui a appris à bien connaître les
hommes et la vie de chantier. Il a ensuite dirigé pendant quatre ans
des chantiers de travaux publics ce qui l’a amené au management.
Il a finalement choisi de rejoindre le groupe Bouygues où il a
assuré la direction de nombreux chantiers importants, avec parfois
plus de mille hommes placés sous sa responsabilité : hôtels,
déviations, autoroutes, ponts et viaducs, ligne TGV dans la région
de Liège. Au cours de cette longue expérience enrichissante où il
fallait passer de nombreux week-ends en déplacement, il a appris à
partager la vie des équipes sur les chantiers, en prenant aussi en
compte leurs difficultés dans la vie hors du travail. De ces
expériences, Christophe GRUY passe deux messages : « tout
d’abord, au début de ma carrière, je ne pensais pas que je pouvais
reprendre une société » « il n’y a que le travail qui compte, il faut
apporter quelques chose : inventer, étonner et être courageux ».
Après 15 ans dans un grand groupe, l’occasion se présente de
reprendre une entreprise de la région lyonnaise : Maïa Sonnier, 180
personnes et 20 millions d’Euros de chiffre d’affaires. Christophe
Gruy a investi au départ 34.000 euros, est devenu mandataire social
puis a pris progressivement le contrôle de Maïa Sonnier grâce au
22. 22
soutien de ses banques. L’entreprise a connu une progression très
régulière en quelques années sous son pilotage.
La question s’est alors posée de la stratégie de l’entreprise, située
sur le marché cyclique du génie civil et du bâtiment. Une première
tentative a été de se renforcer dans le génie civil et dans le secteur
de l’énergie avec la construction de barrages, comme l’ont fait
Bouygues et Vinci. Il n’y a pas eu d’opportunités dans ce domaine
dans un premier temps. L’entreprise s’est alors tournée vers
l’éolien. Les montants d’investissement étaient énormes dans le cas
de la première affaire: 2 millions d’Euros par éolienne, et il fallait
en construire 6, ce qui a nécessité de solliciter les banques et
OSEO. La stratégie a été poursuivie dans ce domaine et l’entreprise
a maintenant 116 éoliennes, plus une trentaine en construction, et
de nouvelles opportunités ont permis d’avoir aussi maintenant 3
barrages et de lancer des investissements dans le domaine de
l’énergie solaire. Un associé à 49 % a été trouvé pour l’éolien, avec
une filiale créée pour arriver à 250 éoliennes. L’entreprise est
maintenant solidement structurée. Le dirigeant a gardé une relation
de confiance avec les banques et Christophe Gruy suit toujours la
trésorerie au jour le jour. Par ailleurs, le Groupe a maintenant son
Siège Social près de Fourvière et a lancé, par ailleurs, une
opération immobilière importante avec, notamment, un projet
d’hôtel de 37 chambres sur le parc des hauteurs.
Dans la partie construction, Christophe Gruy souhaite continuer à
orienter l’entreprise vers le métier de l’ingéniérie et le management
de projets comme a su le faire, à son échelle, le Groupe Technip.
Les effectifs actuels comportent déjà une moitié d’ingénieurs, la
réalisation étant de plus en plus sous-traitée. Une partie du groupe
sera en charge des projets de production d’énergie, et une autre
partie les exploitera.
Christophe Gruy présente enfin quelques photos de ses grandes
réalisations et remercie à cette occasion Bernard Sonnier. Ce
dernier intervient et explique que son grand-père est venu à Lyon
comme paveur. Il a repris l’entreprise en 1956 à l’âge de 23 ans et a
racheté Maïa en 1964, qui a notamment construit l’auditorium de
Lyon. Il y a eu des années difficiles, et l’entreprise a été rachetée en
1997. Il est heureux que le nom de la famille se perpétue sous le
pilotage de Christophe Gruy.
23. 23
Yves Minssieux intervient pour évoquer le contexte de sa première
rencontre avec Christophe Gruy. Ce dernier avait présenté et
argumenté son projet de 30 millions d’Euros dans l’éolien et une
solide relation de confiance s’est établie entre banque-entrepreneur.
°°°°°°°°°
En conclusion, Christophe Gruy s’adresse aux étudiants de l’I.A.E.
présents dans la salle et leur conseille de ne pas hésiter à démarrer
sur le terrain, par le bas dans les entreprises. « C’est celui qui passe
par le bas qui saura monter rapidement. Il faut avoir le diplôme,
mais l’oublier tout en se servant de son intelligence. Mes aînés
m’ont bien encadré et m’ont appris qu’il fallait toujours être
volontaire pour tout ».
24.
25. 25
Conférence de la SEPL et de LPFT du 3 Février 2015
« Les relations entreprises-investisseurs depuis l’amorçage
jusqu’à la cession »
Sébastien TOUVRON, Président de Rhône-Alpes Création
Philippe VIAL-GRELIER, Président de V3D
Le Président Yves Minssieux introduit la conférence en
présentant les participants de la table-ronde et le cycle des trois
conférences avec Lyon Place Financière et Tertiaire sur le financement
des entreprises. L’amorçage et le capital-risque seront étudiés dans le
cadre de cette première conférence. Les deux suivantes traiteront du
renforcement des fonds propres et du financement bancaire. Il donne la
parole à Jean-Pierre LAC, Président de Lyon Place Financière et
Tertiaire, qui rappelle que l’amorçage concerne l’univers des petites
entreprises. En France, il semble plus facile de trouver de l’argent pour la
phase d’incubation/amorçage que pour le développement. Dans un
premier temps, Nicolas MILLET nous présentera comment la CCI de
Lyon intervient aux côtés des créateurs dans leur phase de levée de fonds.
Ensuite, un témoignage à « deux voix » d’un tandem entrepreneur-
investisseur décrira leur relation : comment celle-ci se met en place,
comment elle fonctionne, comment elle se termine. Sont alors présentés
les participants à la table-ronde : Philippe VIAL-GRELIER, Président de
V3D nous apportera un témoignage côté entreprise avec son ressenti,
Sébastien TOUVRON, Président de Rhône-Alpes Création, permettra
d’appréhender le côté investisseur et Nicolas MILLET représentera la
CCI de Lyon qui joue le rôle d’intermédiaire.
1 – La réponse de la CCI de Lyon aux demandes des créateurs et porteurs
de projets et le crowdfunding
Yves Minssieux demande à Nicolas Millet quelles sont les
demandes qui sont faites par les créateurs ou porteurs de projets à la CCI
de Lyon et pourquoi et comment cette dernière a décidé de les
accompagner aussi, via le crowdfunding.
Nicolas Millet explique le contexte : il y a des entreprises qui connaissent
une phase de croissance normale suite à leur démarrage et des entreprises
qui surperforment. La problématique est de trouver des solutions adaptées
aux situations des différentes entreprises, selon la phase dans laquelle
26. 26
elles se trouvent et quel que soit le secteur dans lequel elles interviennent.
Environ 1000 entreprises sont accompagnées chaque année avec
différents programmes avec la Région, l’ADIE, etc….Aujourd’hui vient
s’ajouter l’économie désintermédiée avec internet et ses plates-formes de
crowdfunding. Cependant, les business angels continuent d’investir
quatre fois plus que les plates-formes de crowdfunding. La CCI de Lyon
a signé un partenariat avec WeSeed. Au début du partenariat, il y avait
24000 utilisateurs dont 10 % actifs et 200 en Rhône-Alpes. Un an plus
tard, ces chiffres atteignent 30000 internautes, dont 3200 en Rhône-
Alpes. Dans le montage, on associe à chaque levée une holding pour
structurer les 2ème
et 3ème
tours. Il existe une quarantaine de plates-formes
de crowdfunding (dons, prêts et fonds propres). La CCI de Lyon s’appuie
sur deux plates-formes : Deal Flow Avenue et Lyon Place d’Echange. La
CCI a en Deal Flow une centaine d’entreprises qualifiées et environ une
douzaine est en phase de vote par les internautes. Les projets reçoivent
une centaine d’avis des internautes qui sont jugés pertinents par les
dirigeants. Ensuite, viennent les phases d’audit et de levée de fonds.
L’ensemble du processus de levée de fonds prend 3 à 4 mois.
En conclusion, il y a bien des outils diversifiés et la nécessité
d’adapter l’outil de financement au type de projet et de créer les
conditions d’une relation de confiance. La parole est ensuite donnée à
Sébastien TOUVRON et Philippe VIAL-GRELIER qui vont débattre sur
les quatre phases de la vie du financement d’amorçage : l’incubation,
l’amorçage, le développement et la sortie.
2 – Témoignage « à deux voix » d’un tandem entreprise/investisseur
Après une brève présentation des intervenants, l’objectif est de
comprendre comment se construit le projet, pourquoi on fait ou pas appel
à un investisseur, comment on s’y prend pour que cela marche. La phase
d’amorçage se déroule en quatre temps : une première phase d’incubation
qui apporte la preuve du concept et la construction du business plan , la
seconde phase d’amorçage avec la mise au point du produit et la
validation du business model ; puis une phase de suivi de participation et
enfin la sortie de la période d’amorçage pour aller vers la période
développement.
Sébastien TOUVRON, préside Rhône-Alpes Création créée il y
a 20 ans par Alain MERIEUX pour apporter une solution de financement
pour les entreprises en développement. Bertrand RAMBAUD complètera
les propos lors d’une prochaine conférence. Au début des années 90,
quelques pionniers de l’investissement se sont installés en France. Rhône
Alpes Création a vocation à financer l’incubation de nouvelles entreprises
27. 27
qui vont créer de l’emploi qualifié et durable en Rhône-Alpes. La plupart
des banques sont aussi dans le capital, dans une logique de co-
investissement. Aujourd’hui une soixantaine d’entreprises sont financées
et suivies. Les investissements sont orientés sur quatre domaines : mise
au point du produit, lancement commercial, premiers développements et
reprise d’entreprise de façon marginale.
Philippe VIAL-GRELIER qui co-dirige la Société V3D. Cette
entreprise met au point des solutions pour les opérateurs leur permettant
d’évaluer la qualité de la voix. L’enjeu des opérateurs est de garder leurs
clients en mesurant la qualité des appels de ces derniers. V3D emploie
une trentaine de personnes pour une vingtaine de clients dont un certain
nombre à l’international.
a) incubation et amorçage
Philippe VIAL-GRELIER : en amont, il faut se poser la question si le
projet a plus de chances de se réaliser avec des financements bancaires et
s’il nécessite ou non un financement de capital-risque. Le métier du
logiciel informatique fait partie des projets qui nécessitent ce type de
financement. L’investisseur financier va ensuite participer au projet ; en
cela, il faut bien s’entendre avec lui, le projet se présente avec des miles
stones à atteindre pour la réalisation du projet.
Sébastien TOUVRON : Rhône-Alpes Création est en lien avec les
experts-comptables, les banquiers, les universités et les CCI. Ce réseau
lui permet d’identifier les entreprises qui peuvent avoir besoin de
financements. Leur métier ne peut s’appuyer sur des chiffres vérifiables.
La sélection va se faire davantage sur la base de l’équipe, sur des projets
qui présentent de vrais avantages concurrentiels, la composante
internationale, les projets qui se différencient par leur capacité à générer
des cash-flow. Le cycle d’investissement n’est pas linéaire : il y a des
moments avec plus ou moins de projets présentés. La structure va
solliciter son réseau, ses experts, des universitaires pour évaluer le
potentiel des projets présentés qui doivent apporter un plus par rapport à
l’existant (sélection dite incrémentale).
Philippe VIAL-GRELIER : quand un entrepreneur va lever des fonds,
c’est lui qui est confronté à un marché où il faut aller vite et maximiser
les chances de succès. Pour cela il faut plusieurs partenaires. Pour choisir
son partenaire financier, il faut connaître les contraintes (notamment
réglementaires) sur sa durée d’accompagnement financier, la stabilité et
ses interlocuteurs.
28. 28
Sébastien TOUVRON : le métier d’amorçage est un métier très sélectif.
Beaucoup de projets sont écartés pour des questions de forme, de
localisation. Si le Chargé d’Affaires est convaincu par les propos de
l’entrepreneur, il fera en sorte d’accélérer le processus et de faire pitcher
l’entrepreneur. Sur 250 dossiers, environ une centaine vont être écartés,
60 étudiés, 30 vont être pitchés et 15 passeront en Comité
d’Investissements, environ 10 projets seront finalisés. Rhône-Alpes
Création va ensuite mobiliser des co-investisseurs (business angels, autres
fonds d’amorçage). Il faut compter 1 à 3 mois pour la sélection et environ
3 mois pour le montage juridique. En tout, il faut 4 à 6 mois . Il faut deux
avis favorables minimum. Le principe est de donner environ 24 mois de
financement car il faudra ensuite 6 à 12 mois pour trouver les
financements pour un second tour de table.
Philippe VIAL-GRELIER : il faut limiter le nombre de lignes
d’investissements car c’est vite chronophage. Cette phase est une
véritable course contre la montre. Il est important d’avoir une équipe
autour de soi pour déléguer, faire en sorte que le quotidien et le projet
continuent d’avancer en parallèle de la levée de fonds.
b) le suivi de la participation
Nicolas MILLET interroge les intervenants sur les outils à mettre en
place pour gérer les relations entre l’entreprise et l’investisseur pendant
une fois la levée d’amorçage effectuée.
Sébastien TOUVRON : la relation repose sur la confiance. Cette relation
va être encadrée par un pacte d’actionnaires. L’entreprise devra
communiquer un certain nombre d’informations et aura une certaine
liberté de décision jusqu’à une certaine limite. Au-delà elle devra voir
l’accord du board. L’investisseur ne souhaite pas s’immiscer dans la
gestion de la société ; cependant, certains paramètres, comme le bonus du
dirigeant, peuvent être soumis à l’approbation de l’investisseur.
Philippe VIAL-GRELIER : cela conduit à mettre en place une
gouvernance qui est salutaire pour l’entreprise avec des comités du
Conseil de Surveillance ou du Conseil d’Administration. Un reporting
doit aussi être mis en place. Le reporting et le suivi permettent de se poser
les bonnes questions.
Nicolas MILLET : quelles surprises peuvent survenir ?
Sébastien TOUVRON : ils ont beaucoup appris en regardant les projets.
La première préoccupation est de structurer le Conseil d’Administration.
On peut arriver dans des situations où l’entrepreneur se referme sur son
29. 29
projet. Le rôle du Conseil d’Administration est de faire lever la tête au
Chef d’Entreprise et de lui ouvrir son carnet d’adresses si cela est
opportun.
Nicolas Millet : Qu’est-ce qui surprend du point de vue de
l’entrepreneur ?
Sébastien Touvron : le métier de capital-risque est très particulier et
compliqué avec un certain nombre de mécanismes qui protègent
l’investisseur et lui permet de maximiser ses gains. Lors d’un 2ème
tour, la
table de capitalisation se complexifie. C’est un métier difficile car le
capital-risque consiste à donner un prix à quelque chose qui n’en a pas.
Le but est de faire en sorte de satisfaire les actionnaires du 1er
tour tout en
maximisant la création de valeurs. Il est parfois difficile quand il faut
repartir avec une valorisation plus basse, alors que dans l’histoire
l’entreprise en a connu une meilleure. Il faut se fixer et se mettre d’accord
sur des conditions de sortie. L’expérience montre qu’en général cela ne se
passe jamais comme cela était prévu.
Le rôle du fonds d’amorçage est d’apporter aux entrepreneurs la
pédagogie sur les différentes étapes.
c) la sortie
Philippe VIAL-GRELIER : la sortie est prévue dès l’origine de la relation
dans le pacte d’entrée. L’objectif n’est pas de surperformer mais de faire
gagner de l’argent. La valeur d’entrée est en fait souvent calée sur la
valeur de sortie. Il faut faire abstraction pendant un certain temps à
beaucoup de chose. Cela donne un challenge d’aller chercher une certaine
valeur. Il faut s’intéresser à un business qui a une taille suffisante qui
intéressera des acteurs qui peuvent avoir un ticket minimum.
Sébastien TOUVRON : la durée de financement est au maximum de 14
ans. La sortie peut être provoquée par une offre de reprise opportuniste
acceptable par l’entrepreneur. En matière de pourcentage de réussite : sur
une dizaine de projets accompagnés, il y en a 3 à 4 qui vont échouer, 4 à
5 vont être dans le mou du portefeuille (le fonds récupérera sa mise et
couvrira les pertes des 3-4 précédents) et une « star ». Le segment du
capital-risque est structurellement déficitaire. La rentabilité est
légèrement négative sur 20 ans de – 0,6 %. Nous voyons aujourd’hui
l’émergence de nouveaux fonds de capital-risque par des « corporate
bencers ». Le but n’est pas la rentabilité, mais d’aller chercher des idées.
30. 30
3) Questions
1ère
question : est-ce que le crowdfunding peut devenir la première source
de financement du capital-risque ?
Nicolas MILLET : le crowdfunding va trouver son rythme de croisière
une fois qu’il aura trouvé son modèle. L’objectif est qu’il n’y ait pas
d’acteurs dominants. Les investisseurs internautes veulent vivre par
procuration une expérience de création. Chez WeSeed, après un 1er
tour,
les utilisateurs ont réinvesti dans de nouveaux projets.
LPFT émet un certain nombre de réserves quant à la capacité
d’émergence du crowdfonding. Un bémol est que ce dernier divise pour
régner et se prive de la richesse de la relation qui peut exister avec un
fonds d’amorçage.
2ème
question : ne pourrait-on pas investir plus ?
Sébastien TOUVRON : à l’échelle de Rhône-Alpes, on ne peut pas se
satisfaire d’une dizaine de financements par an, ce qui reste très faible.
Rhône-Alpes Création pourrait investir jusqu’à 40 % en nombre de
dossiers. Aujourd’hui, cette Société a environ 70 participations en
portefeuille qui sont suivies par 4 personnes. Sébastien Touvron nous met
en garde contre une augmentation du nombre de dossiers par personne
qui se ferait au détriment de la qualité du suivi des participations et de
leur performance. De plus, dans les projets, la part publique ne peut
excéder 50 % du fait des limites imposées par la Commission
Européenne. Ainsi, il faut pouvoir mobiliser davantage les investisseurs
privés.
3ème
question (IAE) : y a-t-il des synergies possibles entre les entreprises
dans lesquelles Rhône-Alpes Création a investi ?
Sébastien TOUVRON : il y a une volonté de faire bénéficier les
nouvelles participations de l’expérience des entreprises qui sont déjà
passées par là. La connaissance est aussi mutualisée en mettant en
relation le dirigeant d’une start-up avec un ancien entrepreneur. Par
contre, il n’y a pas de stratégie de « build-up »
4ème
question : qu’en est-il de la prise de risque pour les plates-formes de
crowdfunding ?
Nicolas MILLET : c’est l’AMF qui valide le statut de la plate-forme de
crowdfunding. Par ces plates-formes, il n’y a pas de dispositifs comme
Novacité qui accompagne pendant 3 à 5 ans les entreprises. Il est à noter
31. 31
au passage que le taux de pérennité à 5 ans est de 90 % dans le dispositif
Novacité, contre un taux de pérennité normal de 34 %. Les plates-formes
n’ont pas d’expertise dans tous les métiers. S’agissant d’un
investissement au capital d’entreprises, il y a toujours une part de risque.
Sébastien TOUVRON : c’est une bonne chose qu’il existe des plate-
formes de crowdfunding, mais tous les projets ne s’y prêtent pas. C’est le
cas de V3D. Par contre, pour des produits destinés au grand public, cela
peut aider à consolider l’étude de marché par la consultation du public.
Jean-Pierre LAC : la CCI de Lyon, même en faisant du « co-branding »
ne va pas prendre le risque de l’investisseur. Cela montre le dur métier de
banquier et d’investisseur.
Yves MINSSIEUX : avec un regard de banquier, l’investissement en
fonds propres est un vrai métier. Le crowdfunding est un complément qui
ne fera pas tout.
°°°°°°
Les Présidents Yves MINSSIEUX et Jean-Pierre LAC remercient
les intervenants et la nombreuse assistance.
.
32.
33. 33
CONFÉRENCE SEPL/ LPFT 10 MARS 2015
POURQUOI ET COMMENT RENFORCER
LES FONDS PROPRES DES PME :REVISITER
QUELQUES IDÉES REÇUES
Le Président Yves Minssieux (SEPL) et Jean-Pierre LAC,
Président de LYON PLACE FINANCIERE et TERTIAIRE
introduisent les conférenciers et rappellent que le thème de la
séance porte cette fois sur le financement des PME et ETI en
recherche de leviers de développement. Il s’agit par conséquent
d’une phase différente et d’une typologie d’entreprises autre que la
dernière conférence qui traitait surtout de création et de start up. Le
parti pris est de remettre en cause certaines idées reçues, en
s’appuyant pour cela notamment sur l’étude réalisée par Alain
Marion, porteuse d’enseignements sur l’usage des fonds levés. Le
président a préparé la séance avec les conférenciers en se
demandant dans un premier temps si la demande de capitaux
propres en PME de croissance est un impératif financier ou une
volonté stratégique. Il pose notamment la question de savoir si cette
demande de capitaux est ou non le reflet d’un impératif financier
ou d’une volonté stratégique. Quel est le bien-fondé du calendrier
choisi par les dirigeants d’entreprise pour augmenter leurs capitaux
propres ? Faut-il anticiper ou attendre d’avoir des besoins pressants
pour se préoccuper de lever des fonds ? Quel est le regard des
autres partenaires financiers que les banquiers ? Le chefs
d’entreprise ne craignent-il pas de modifier l’équilibre construit au
fil des années ? Les dirigeants ne vont-ils pas trouver au bout du
compte une somme de contraintes qu’ils vont juger rédhibitoires ?
Comment les dirigeants peuvent-ils s’orienter entre les différentes
solutions ? Rentrer en bourse, oui mais comment ? Les fonds ne se
ressemblent-ils pas tous, ou bien comment faire son choix ?
1) Présentation d’Alain Marion, Professeur de finance à l’IAE Lyon
Il y a une demande de capitaux propres des PME en croissance: elle
provient d’un impératif financier ou d’une volonté stratégique.
34. 34
L’appel à des investisseurs apparaît comme un impératif, mais la
réalité est plus complexe. L’étude réalisée en 2014 avec le FSI
(BPI) et la Caisse des Dépôts par l’Equipe de recherche en finance
de l’IAE s’est intéressée aux PME de la région en croissance de
2007 à 2010 pendant laquelle il y a eu la crise de 2008, mais avec
des entreprises dont la chiffre d’affaires a cru de 40 % sur cette
période. Plus de 2000 entreprises ont fait l’objet de l’étude, et leur
chiffre d’affaires allait de 2 à 50 Millions d’Euros. Leur taux de
croissance médian était de 17 %. L’analyse du comportement
financier de ces entreprises a été faite à partir d’un indicateur de
besoin de financements externes, notamment sur la base de
l’analyse de la croissance du besoin en fond de roulement.
L’observation du comportement des entreprises montre dans un
premier temps qu’il y a saturation des fonds propres, puis recours à
l’emprunt, puis un appel à des investisseurs dans la moitié des cas
d’entreprises en croissance. Sur les 2000 entreprises analysées, 2/3
sont performantes et 1/3 contre-performantes. Le quart des
entreprises ont procédé à un renforcement de leurs capitaux
propres. Il y a deux catégories paradoxales qui sont apparues dans
l’analyse: dans les PME en croissance qui n’ont pas de besoins, 226
ont quand même procédé à une levée de capitaux. 30 % ayant un
besoin ont renforcé leurs capitaux propres. Quand on s’intéresse
aux entreprises sans besoin, mais qui ont quand même levé des
capitaux, elles représentent 20 % de la population des entreprises,
dont certaines sont encore en phase de démarrage et ont de moins
de 5 ans tout en ayant un business plan crédible. La deuxième
catégorie est celle des PME en croissance mais sans besoin, et qui
ont malgré tout levé des capitaux propres. Ce renforcement des
capitaux propres s’explique par la volonté de maîtriser l’incertitude
et de réduire le risque. Certaines entreprises ont aussi voulu se
doter d’une réserve financière, pour mieux saisir des opportunités
afin d’accélérer la croissance. Certaines entreprises ont voulu se
faire accompagner par un actionnaire actif ayant un rôle
d’accompagnement stratégique, et un accès aux réseaux de ces
investisseurs. Dans le cas des entreprises en croissance, il y avait
un impératif de ressources externes.
L’étude a permis d’observer qu’un tiers des capitaux levés a été fait
par des entreprises contre-performantes et que certaines entreprises
prennent l’argent quand il est là, même quand elles n’en ont pas
besoin.
35. 35
2) Exposé de M. Bertrand Rambaud, Président du Groupe
SIPAREX
M. Bertrand Rambaud rappelle que Siparex est un groupe
d’origine lyonnaise créé il y a 40 ans pour financer les PME et ETI
en croissance. 800 sociétés ont été accompagnées. Au total, le
chiffre d’affaires des société qui ont été accompagnées est de 10
milliards d’Euros et emploient 70000 emplois. Le modèle de
SIPAREX est d’entrer au capital pour 4 à 6 ans, on de sortir en
doublant au moins le capital. Les sorties se font beaucoup par la
bourse, ou par d’autres investisseurs ou des industriels. Le capital a
besoin de respirer: tous les 5 ans, on se pose la question du contrôle
et de la participation des cadres dirigeants au capital. Il ne faut pas
être dépendant d’un calendrier rigide et être en alignement d’intérêt
avec le dirigeant.
M. Bertrand Rambaud apporte un éclairage sur le fait que des
entreprises lèvent des fonds à un moment où elles n’ont pas un
besoin pressant : l’argent aujourd’hui n’est pas cher, mais il faut
avoir des fonds propres pour saisir les opportunités. Quand le
dirigeant ne porte plus la totalité du risque, il est davantage libéré et
agile pour faire des acquisitions. C’est également structurant
d’avoir un investisseur comme SIPAREX dans son capital et ce
n’est pas vécu comme une contrainte. On a l’exemple d’une agence
de voyage où l’on a accompagné la transmission en amenant le
dirigeant à recruter un directeur financier. Dix ans après, c’est
devenu l’une des plus belles rentabilités du secteur et l’entreprise
avait décuplé son chiffre d’affaires. Les dirigeants ont pu faire des
acquisitions car ils étaient accompagnés.
Il faut aussi noter qu’ouvrir son capital prend au moins 4 ou 5 mois
et que l’on est dans une période de mutation au niveau des
techniques financières : avant, on allait voir son banquier pour un
emprunt, mais il faut maintenant une ingéniérie financière, et le fait
d’avoir des partenaires financiers aide à communiquer avec les
banquiers. Le monde de la finance a aussi beaucoup évolué depuis
5 ans. Il y a des fonds qui font des opérations spécialisées. Il y a
quelques années, les structures financières étaient déséquilibrées,
ce qui n’est plus le cas aujourd’hui car les dirigeants ont pris en
compte les connaissances financières. La désintermédiation est
aussi une réalité. La bourse est une solution complémentaire par
rapport à notre métier de Siparex et ouvrir une partie du capital
36. 36
permet de donner un rebond. Siparex a développé le Fonds régional
d’investissement à 50 % public et 50% privé, avec 30 millions
d’euros. Cela a permis de financer des entreprises en croissance. Le
levier entre les fonds propres et ce qui a été apporté par les banques
est de 1 à 4 car Siparex apporte la confiance. Siparex a un objectif
de rendement élevé. Siparex a aussi développé un produit
mezzanine, mi-fonds propres mi-dette. La finance, les banquiers,
les conseils, ont péché ces dernières années par des opérations trop
financières, et on a connu de l’excès jusqu’en 2010, car il y a des
abus quand on a des niveaux de dettes très élevés. Toutefois, la
profession bancaire se comporte bien dans l’ensemble sur la place
de Lyon, où les professionnels sont prudents.
3) Exposé de Philippe Valentin, Président de Place d’Echange,
Vice-Président de la CCI de Lyon
Philippe Valentin présente Place d’Echange : l’objectif de Place
d’Echange est de chercher, au travers des CCI régionales, une offre
originale par rapport à celle des banquiers en s’adressant aux PME
et PMI de taille moyenne, sans forcément une forte croissance de
chiffre d’affaires, mais à progression régulière, afin de les aider à
se développer. Chaque entreprise est valorisée par un expert, y
compris avec sa dimension immatérielle pour analyser sa valeur
intrinsèque. Nous mettons en place une équipe ad’hoc en prenant
en compte la proximité, car on est sur Rhône-Alpes, même si l’on
veut se déployer au niveau inter-régional, mais on fait de
l’accompagnement avec des dispositifs très efficients. Pour un chef
d’entreprise, ouvrir son capital n’est pas facile et on constate que
les dirigeants attendent souvent trop pour le faire. Place d’Echange
permet d’augmenter les fonds propres de façon simple afin de
financer des projets de développement tout en assurant la sécurité
et la liquidité. Cela permet aussi de donner un horizon à 4 ou 5 ans,
à la différence des prêts où il faut commencer à rembourser à court
terme. Quand on injecte 500 000 Euros sur une entreprise qui a un
vrai projet, cela change la donne et a un effet de booster en
permettant de multiplier au moins par un facteur de deux la levée
de fonds, ce qui permet d’avoir une ambition stratégique. Chez
Place d’Echange on parle de capital patient et on s’inscrit dans la
durée. Il faut donc la même constance de temps que dans
l’entreprise.
37. 37
- Remarque de Jean Pierre Lac : Siparex et Place d’Echange sont
tous deux utiles dans le cadre d’une véritable place financière
régionale pour offrir des solutions de financement aux PME et ETI.
Sur la région, il y a des solutions variées : la bourse, l’accès à
Euronext, Place d’Echange, les business angels et des organismes
de conseil. On a 15000 PME dans la région, dont 90 % détenues
par leurs fondateurs, alors qu’il y a 90 % des ETI de la région qui
sont détenues par des groupes externes à la région.
4) Débat
- Question de l’IAE: Quel est le rôle de l’investisseur dans la
gouvernance ?
B. Rambaud : Ce n’es pas à l’investisseur d’imposer les décisions.
Il faut être humbles. Quand on est minoritaires, on ne peut pas
bloquer les décisions. Je crois au rôle de poil à gratter et
d’accompagnement des dirigeants. I
- Question : quels sont les critères financiers pour LPE, et
comment prendre en compte la valeur du capital immatériel ?
P. Valentin : il faut que l’entreprise soit saine et mature avec une
structure de bilan correcte et qu’elle ait un projet. Je suis très
attaché à l’immatériel, mais le problème, c’est de mesurer. Dans
l’analyse de l’expert indépendant, le ressenti consiste à pondérer,
mais on ne peut pas tout quantifier. Une commission de LPE filtre,
puis Alternativa reprend en considération la valorisation. Il y a
aussi le réseautage. On est très vigilants et on sélectionne des
entreprises qui veulent passer une étape.
Question sur les critères de choix entre private equity et bourse ?
B. Rambaud : dans le cas d’une affaire encore très familiale, le
premier choix doit aller vers le dispositif de private equity. Si
l’entreprise est déjà d’une certaine taille, et qu’il y a de belles
perspectives de croissance, on peut aller vers la bourse. Beaucoup
d’affaires ont commencé par le private equity.
38. 38
Question : Quel coût pour être sur LPE ?
P. Valentin : Au départ, on voulait faire du low cost. Mais on
revisite. Il y a un coût forfaitaire, mais il faut apporter un service de
qualité. Le coût est de l’ordre de 12 à 13 % . On a bon espoir de
faire une levée de fonds en 9 semaines. Il y a un forfait initial de
l’ordre de 40 à 50 K€. Quand on lève 500 K€, cela n’est pas un
problème. Sur la cible des PME avec 3 à 15 millions d’Euros, la
levée de fonds nécessite un accompagnement.
J.P. Lac: Les levées de fonds on est jusqu’à 1 million d’Euros sur LPE,
alors qu’Alternext dépasse les deux millions d’Euros. Le coût du
crowdfunding est de 10 % sur quelques centaines de milliers d’Euros. Les
solutions de private equity sont moins chères que les solutions de
bourse sur les petites levées de fonds. Il faut aussi noter que la
désintermédiation a permis d’apaiser la relation avec les banquiers. Le
crédit inter-entreprises était possible pour les grandes entreprises
autrefois. La désintermédiation concerne maintenant les ETI et les plus
petites entreprises.
39. 39
Conférence du 27 Avril 2015
LES BANQUES ET LES DEMANDES
DE CRÉDIT / VRAIES OU FAUSSES DIFFICULTÉS
La séance est introduite par Jean-Roger Régnier, vice-président de
la CCI de Lyon. Il rappelle que la CCI a pour mission
d’accompagner les entreprises depuis la création jusqu’à la
transmission. En particulier, la CCI a des modules de formation et
des dispositifs d’accompagnement par des conseils en financement.
Elle a aussi un rôle d’innovation, par exemple pour la plate-forme
de crowdfunding. Un autre exemple est le dispositif de place
d’échange, dans un objectif de capitalisme de patience et de
proximité. Nous faisons en sorte de répondre à la demande des
entreprises, avec une mise en réseau pour aider les entreprises à
répondre aux problèmes de financement. La séance de ce soit va
porter sur une réflexion relative aux demandes de crédit faites aux
banquiers sur la place de Lyon.
Le Président Yves Minssieux positionne la problématique du débat
de ce jour, en partenariat avec Lyon Place Financière et Tertiaire. Il
constate qu’il y a une réelle convergence d’intérêt entre les
banquiers et les entreprises, mais qu’il y a une rumeur persistante
sur le fait que les banquiers ne sont pas toujours au rendez-vous
lors des demandes de crédits. Cette rumeur est contredite par les
chiffres, puisqu’il y a eu 13 % d’augmentation des soutiens aux
entreprises en volume financier l’an dernier. Il faut donc
comprendre les clés d’une relation équilibrée et expliquer les
bonnes pratiques. Il faut aussi rappeler que le cœur du métier de
banquier est la mesure du risque, en évoquant les clés de lecture
d’un dossier et la notation, ainsi que les garanties en tant
qu’amortisseur du risque. En matière de crédit, on ne peut pas
englober crédit de trésorerie et crédits d’investissements. Les
banques doivent aujourd’hui faire face à une complexité croissante
de l’environnement économique des entreprises, avec une
productivité accrue et une forte pression concurrentielle. Les
banquiers ne disent pas souvent non et n’aiment pas dire non, mais
ils le font quand même dans plusieurs cas, notamment quand le
40. 40
chef d’entreprise n’a pas anticipé les besoins ou ne sait pas quel
type de financement retenir :
- doute sur les capacités de remboursement.
- dossiers mal adaptés, notamment sur le montant et la durée des
prêts, mais les chefs d’entreprise sont de mieux en mieux éduqués
sur ces questions.
- financement des pertes. N’oublions pas que la banque peut être
poursuivie pour soutien abusif.
- difficulté pour apprécier la nature des difficultés : conjoncturelles
ou structurelles ? Présence de rupture de marché ou de rupture
technologique.
- Recours excessif au factoring, au risque de perdre toute capacité
ultérieure de découvert.
Au cours de ce débat, nous parlerons ainsi de la relation entre
banques et entreprises et de la question de la confiance.
1) Exposé de Bernard Buisson, Président du Comité des Banques
Région Rhône-Alpes, Directeur Général Adjoint du Crédit
Agricole Centre Est
Le métier de banquier consiste à collecter de l’argent de nos clients,
puis à faire des prêts. Il faut prendre en compte le poids des
assurances vie et des OPCVM. Les avantages fiscaux de ce
comportement d’épargne entraînent une augmentation de ces fonds.
La crise financière de 2008 nous a appris que les banques
pouvaient mourir du fait d’un risque de liquidité. Cette crise aurait
pu entraîner une baisse des crédits. Par ailleurs, la réglementation a
entraîné des nouvelles contraintes. Toutefois, la croissance des
encours a été supérieure à la croissance du PIB au cours des
dernières années. Le risque existe de ne pas être remboursé, ce qui
nécessite que la grande majorité des autres crédits soient honorés. Il
faut donc que les banques comprennent le marché sur lequel les
entreprises évoluent. Il faut aussi comprendre les forces de
l’emprunteur sur le marché. Les dirigeants sont considérés comme
un facteur-clé de succès, comme la cohérence du projet pour
l’entreprise. Le secteur bancaire a sans doute des progrès à faire
pour mieux financer l’innovation. On prend en compte la
transparence. On a fait l’erreur de laisser croire que le métier de
41. 41
banquier était en train de se banaliser. Il y a un vrai métier pour
comprendre l’histoire de l’entreprise et la capacité de l’entreprise à
rembourser un crédit. Il faut aussi instaurer un climat de confiance
entre les entreprises et les banquiers. Cela prend du temps, et il faut
bâtir cette relation par la transparence. Les dirigeants doivent
comprendre que l’on ne ment pas à son banquier comme à son
médecin. La transparence est nécessaire pour comprendre si la
difficulté est conjoncturelle ou structurelle. Si on sait que la
difficulté est structurelle, jamais un crédit d’investissement ne va
être une solution pour une entreprise qui perd son marché. Il faut
donc aller voir son banquier en amont. Les banquiers historiques
sont les premiers financeurs et les entreprises ont tout intérêt à
rester fidèles à leur banquier sur un projet risqué. Il faut aussi une
force d’écoute et une force de conviction des deux côtés.. Les
études les plus récentes montrent que 93 % des entreprises qui ont
sollicité un crédit l’ont obtenu. L’important, c’est la qualité
financière de l’emprunteur. Quand on demande la caution des
dirigeants, c’est que l’on a quelques doutes. Le pire, c’est de se
rendre compte qu’un crédit de trésorerie finance un déficit
d’exploitation.
2) Exposé d’Arnaud Peyrelongue , Directeur du Réseau Sud-Est de
BPIFRANCE
Je suis fier et heureux d’être banquier, car on aide les entrepreneurs
à réaliser leurs rêves. Un pays ne peut se développer que s’il a un
système bancaire puissant. La banque est un intermédiaire qui
prend le risque du financement. En France, on a la chance d’avoir
des banques puissantes. Une grande partie des financements en
France se fait par le crédit, ce qui nécessite la confiance. Le crédit
est un support associé au risque de financement, mais il est peu
associé à la réussite de la banque, puisque la marge bancaire est
très faible en France. Un million d’euros prêtés sur 7 ans, cela
rapporte en moyenne 6000 euros à la banque. Les banques doivent
toutes tenir compte d’un triangle pour accorder des crédits : le
risque, la garantie et la marge. Compte tenu de la compétition, le
marché ne permet plus de rémunérer correctement le risque.
L’amortisseur est donc la garantie. A BPI France, on essaie
d’apporter des fonds publics au départ, en essayant ensuite de
42. 42
passer le relais aux banques. Les solutions existent, mais il faut
développer l’accompagnement, avec la place des CCI et des
réseaux de dispositifs.
3) Intervention de Bruno Lacroix (Aldes)
Toute entreprise a besoin de son banquier. Il y a besoin de la
confiance entre la banque et l’entreprise. Cela se construit
progressivement dans le temps. Le dirigeant doit montrer ses
projets et montrer qu’il sait rebondir sur des échecs. La vie d’une
entreprise n’est pas un long fleuve tranquille. On a connu des
turbulences et on a été suivi par tous nos banquiers, sauf un, mais
tous les banquiers ne sont pas faits pour vous, et vous n’êtes pas
faits pour tous les banquiers. Au moment des états généraux de
l’industrie, on a constaté que l’offre de financement était
abondante, mais que les entreprises avaient du mal à s’y retrouver
dans ce maquis. On a donc créé une plate-forme avec la Banque de
France, la Fédération des Banques, l’Ordre des Experts-
comptables, etc….. On a défini des thématiques pour aider les
chefs d’entreprise à s’y retrouver : innovation, création,
international, reprise-transmission, reprise par les salariés,
croissance externe, etc…. ; pour chaque thématique, on a trouvé un
référent qui se met à jour des nouveautés, par exemple BPI France
pour l’innovation et on a ainsi une mise à jour des offres de
financement. On a voulu être plus qu’un catalogue. On a incorporé
une dimension pédagogique pour les dirigeants, par exemple sur la
notation Banque de France et du banquier. Même un directeur
financier ne peut connaître les 130 offres de financement qui
existent sur la région. Quand on boucle une nouvelle présentation
pour le haut de bilan, ce ne sont pas les mêmes types de
financement selon les stades de la vie de l’entreprise et le type
d’entreprise. Une des grandes forces, c’est de présenter chaque
financement sous forme de fiches, en indiquant les opérateurs de la
région sur www.hubfi.fr . On a 4 à 5000 visiteurs par mois, dont la
moitié venant de la région.
43. 43
4) Intervention de Michel Thomas , ancien chef d’entreprise BTP,
Président d’audience au Tribunal de Commerce de Lyon
Il faut prendre en compte des besoins de financement différenciés
selon que l’on vise une croissance externe ou une croissance
externe. Une majorité d’entreprises cherche une croissance
organique interne. L’un des avantages des augmentations de capital
dans les deux cas est qu’il n’y a pas de cautionnement ou de mise
en garantie, comme dans le cas des emprunts. La plus grosse
difficulté, c’est la sous-capitalisation. Si ce problème n’est pas
réglé au départ, le crédit n’est pas fait pour cela. Le crédit n’est pas
fait pour financer la création. Il y aussi des seuils de croissance qui
créent des difficultés. Il faut aussi parler des cas où le
développement se passe mal ou que l’entreprise dépend de facilités
de caisse. Quand un banquier a prêté de l’argent, et que ça explose
d’un coup, on l’accuse de soutien abusif et d’être compromis dans
la déconfiture de l’entreprise. Au Tribunal de Commerce, on voit
intervenir les banques : quand une banque a consenti un crédit pour
un projet et que l’entreprise va mal, on voit arriver le banquier qui
va appeler la caution en garantie. Quand il y a une procédure de
conciliation, avec un accord confidentiel pour sortir de la difficulté,
cela marche dans 70 % des cas. L’entreprise doit montrer qu’elle
sait d’où viennent ses difficultés et comment s’en sortir et ne doit
jamais raconter d’histoires à son banquier ni à son commissaire aux
comptes Le troisième cas, c’est le redressement judiciaire ou la
sauvegarde: dans ce dernier cas, le banquier va évidemment être
frileux, mais il va parfois soutenir dans la période de 6 mois ou un
an.
5) Débat
Y Minssieux à Bernard Buisson : pouvez-vous expliquer les cas où
vous répondez de façon négative aux demandes de crédit ?
Bernard Buisson : les études les plus récentes montrent que 93 %
des entreprises qui ont sollicité un crédit l’ont obtenu. L’important,
c’est la qualité financière de l’emprunteur. Quand on demande la
caution des dirigeants, c’est que l’on a quelques doutes. Le pire,
44. 44
c’est de se rendre compte qu’un crédit de trésorerie finance un
déficit d’exploitation.
Question d’Yves Minssieux à Bernard Buisson : on reproche aux
banquiers des changements d’interlocuteurs.
Bernard Buisson : je ne sais pas ce qu’est un comité de crédit. On
fait un métier de relation entre personnes. Je demande aux
collaborateurs de dire clairement en direct pourquoi on dit non à un
projet. Il faut expliquer. Quand on fait un métier d’accom-
pagnement global, le changement d’interlocuteur tous les cinq ans,
c’est très bien. En revanche, il n’est pas normal que le dirigeant
doive tout raconter à nouveau. Il y a donc des progrès à faire quand
on change d’interlocuteur. Il faut aussi mieux former les banquiers
à l’approche sectorielle : pouvoir poser les bonnes questions au
dirigeant. Par ailleurs, il faut une approche dans la durée, et faire un
bon bout de chemin ensemble. Si un dirigeant part pour un écart de
taux très faible, le banquier a une mémoire.
Nous avons aussi un problème avec la volonté de carrière des
jeunes. Par ailleurs, les besoins des clients évoluent : ils veulent
une réponse rapide aux courriels envoyés dans le week-end depuis
leur téléphone portable.
Question d’Y Minssieux à Arnaud Peyrelongue : pouvez-vous
expliquez les cas où vous répondez de façon négative aux
demandes de crédit ?
Arnaud Peyrelongue : quand on explique à un dirigeant que le
recours aux crédits est trop important : on lui dit qu’il faut
rééquilibrer les moyens de financement. La caution personnelle est
un vrai sujet. BPI France propose les garanties publiques, pour
rendre le crédit possible. Notre rôle est de rééquilibrer le montage.
Dans un monde qui va de plus en plus vite, il y a nécessité d’autres
sources de financement que le crédit.
Question sur les moyens de financement via le digital : tentation
du crowdfunding, la banque internet, le factoring, etc ?
45. 45
Bernard Buisson : Le digital est une vraie rupture pour le secteur
bancaire, même si cela concerne d’abord des particuliers. Cela
touche même les crédits immobiliers et l’assurance-vie. La banque
de détail en France doit réussir sa mutation. Il faut regarder avec
intérêt l’innovation du crowdfunding. Il y a des solutions
alternatives qui se développent. La désintermédiation a concerné
d’abord les ETI. Il y a maintenant des fonds qui peuvent être des
compléments par rapport au secteur bancaire. Le taux moyen des
crédits est en ce moment de 1, 98 %. Les taux levés dans le
crowdfunding sont de 8 %. On ne peut pas aller contre les
évolutions. Il faut savoir conseiller les entreprises clientes: on
accompagne les entreprises dans ce cas, et on oriente alors
davantage les crédits vers les PME et les TPE.
Question : Comment les banques classiques peuven-ellest mieux
aider à financer la création et l’innovation ?
Arnaud Peyrelongue : dans un réseau bancaire, il y a une difficulté
à irriguer l’ensemble de l’offre. Un chargé de clientèle particulier a
en gamme 150 produits. La création, c’est un segment sur lequel il
faut une spécialisation.
Bernard Buisson : il faut une force d’écoute et une force de
conviction des deux côtés. A BPI France, on essaie d’apporter des
fonds publics au départ, en passant ensuite le relais aux banques.
Les solutions existent, mais il faut développer l’accompagnement,
avec la place des CCI et des réseaux de dispositifs.
Question : quel est l’impact des fonds d’investissement pour
faciliter ensuite le crédit bancaire ?
Arnaud Peyrelongue : le financement par les fonds propres est
vertueux. Le financement par le haut de bilan permet de lever de la
dette.
Question d’un directeur financier : j’ai le sentiment qu’il faut aussi
améliorer la transparence de la part des banquiers, par exemple en
ce qui concerne la notation des entreprises. On manque de
dialogue là dessus.
46. 46
Bernard Buisson : oui, on se rejoint sur le besoin de communication
réciproque. Je lis toutes les réclamations. On n’a pas assez formé
les exploitants sur la facturation. Il faut expliquer la tarification de
nos services, ligne à ligne, ou pourquoi on ne suit pas des projets.
Les chefs d’entreprise doivent connaître la notation de la Banque
de France.
Question : En France, on a des taux d’intérêt très bas, mais en
Allemagne, ils sont plus élevés de 1 % Comment l’expliquez vous ?
Bernard Buisson : il y a des éléments de concurrence qui sont
différents. La concurrence joue pleinement en France.
Arnaud Peyrelongue : des marges un peu plus importantes
permettraient un taux d’acceptation un peu plus élevé. Certains
risques ne trouvent pas leur financement.
47. 47
SOCIÉTÉ D’ÉCONOMIE POLITIQUE ET
D’ÉCONOMIE SOCIALE DE LYON
– : –
DÎNER-DÉBAT du MARDI 2 JUIN 2015
En l’honneur de Monsieur Jean-Claude
TRICHET
Sur le thème :
« La gouvernance économique et budgétaire
de la zone euro. Vers une fédération
économique et budgétaire par exception ? »
(La séance est ouverte à 20h20)
M.BONNET.- Mesdames, Messieurs, je vous
demande quelques instants d'attention, s'il vous plaît, pour entamer
cette soirée. J’invite à me rejoindre à la tribune :
Monsieur Emmanuel Imberton, Président de la
Chambre de Commerce de Lyon
Monsieur Yves Minssieux, Président de la
Société d'Économie Politique et d'Économie Sociale de Lyon.
M. IMBERTON.- Merci de votre silence quasi
religieux, vous savez que cette salle de la Corbeille est absolument
magnifique, formidable, mais son acoustique malheureusement
laisse de temps en temps un peu à désirer.
Je voudrais accueillir très chaleureusement Monsieur
Jean-Claude TRICHET, ancien Président de la Banque Centrale
Européenne, Gouverneur Honoraire de la Banque de France et
48. 48
Président du Groupe des Trente, qui nous fait l'honneur ce soir de
venir partager avec nous sa vision sur le sujet ô combien d'actualité
qui est la gouvernance économique et budgétaire de la zone Euro.
Je voudrais aussi saluer Yves Minssieux, Président
de la SEPL qui nous fait le plaisir d'organiser à la CCI de Lyon
cette conférence pour la clôture des travaux de la saison 2014-
2015.
Clôturer un cycle sur le financement des entreprises
ne pouvait naturellement pas se dérouler ailleurs que dans cette
salle de la Corbeille, qui a abrité, vous le savez tous, pendant plus
d'un siècle, la Bourse de Lyon.
Je laisserai à Yves MINSSIEUX le privilège de
saluer les nombreuses personnalités qui sont ici présentes ce soir.
Simplement, avant de lui laisser la parole, je voudrais dire quelques
mots et saluer les élus de la Chambre de Commerce et d'Industrie,
présents ici, et bien sûr le premier d'entre eux,
Jean-Paul Mauduy, Président de la Chambre
Régionale de Commerce et d'Industrie.
Je voudrais également saluer un prédécesseur,
Jean Agnès, qui nous fait le plaisir d’être présent ce soir,
et en profiter pour remercier tous les élus, les Vice-
Présidents de la Chambre de Commerce qui sont à mes côtés.
Au nom de la Chambre de Commerce et d'Industrie
de Lyon, je suis très heureux de vous accueillir aussi nombreux ce
soir pour ce dîner-débat exceptionnel que nous propose la SEPL,
avec l'intervention de Jean-Claude TRICHET dans quelques
instants.
La Chambre de Commerce et d'Industrie a tissé de
longue date des liens très étroits avec la SEPL, qui est un lieu de
réflexion, un think tank de la première heure, créé il y a plus de 150
ans. La SEPL est une forte valeur ajoutée pour la Chambre de
Commerce et d'Industrie de Lyon, acteur de l'accompagnement des
entreprises et du rayonnement du territoire.
Par vos réflexions, mon cher Yves, et vos
propositions, vous permettez ici ou là l'ouverture de pistes et de
chantiers très utiles pour notre territoire et que nous sommes
capables, nous ensuite, avec nos équipes ici à la Chambre de
49. 49
Commerce et d'Industrie de Lyon, de traduire dans des actions
concrètes.
La SEPL s'est souvent penchée sur les dimensions
de l'activité économique et sociale, en faisant appel à des témoins
ou à des experts de renom. D'ailleurs, quand nous consultons la
liste de vos invités, nous voyons que les plus grandes personnalités
françaises et étrangères ont été vos invités, mon cher Yves.
En 2015, vous avez organisé un cycle de conférence
sur le thème du financement afin de révéler ce qui freine ou
accélère l'émergence des meilleures solutions et, dans ce cadre du
financement, les CCI ont bien sûr leur rôle à jouer et
particulièrement depuis quelques années, nous avons fait du
financement des entreprises une de nos priorités.
Je voudrais ici vous rappeler que nous sommes la
première Chambre de Commerce et d'Industrie à avoir lancé il y a
maintenant un an, une plate-forme de financement participatif avec
la société WiSEED, une plate-forme de crowdfunding qui a obtenu
ses premiers résultats en mettant en valeur un certain nombre
d’entreprises de la région lyonnaise. Nous avons levé, grâce à cette
plate-forme, depuis un mois, 1 million d’euros et je pense que nous
dépasserons d'ici la fin du mois, 1,5 million d’euros. Je voudrais
vous dire également que, près de 4 000 investisseurs potentiels
originaires de Rhône-Alpes sont devenus les clients de cette plate-
forme de crowdfunding.
Je voulais vous dire également que nous avons lancé
Place d'Échange, nouvelle bourse régionale, créée par des chefs
d'entreprise pour des chefs d'entreprise pour favoriser le
financement des projets de croissance des PME par du capital de
proximité en recréant du lien entre les entreprises, les investisseurs
et l’environnement économique et social. C'est un dispositif unique
en France qui a été compliqué à rendre opérationnel, qui l'est
depuis juillet 2014 avec les premières cotations en Rhône-Alpes.
C'est un modèle, il faut le dire également, dont s'inspire
actuellement le Gouvernement pour la création de bourses
régionales.
Enfin, je voudrais citer le programme Finances du
plan PME dont la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon
assure la mise en oeuvre opérationnelle pour les PME, et enfin bien
50. 50
sûr, notre partenariat avec les Business Angels lyonnais et Lyon
Place Financière et Tertiaire.
Je vous souhaite à tous une bonne soirée et laisse la
parole au président de la SEPL.
(Applaudissements)
M. MINSSIEUX.- Merci Monsieur le Président de
la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon, merci, cher
Emmanuel, d'avoir permis l'ouverture des portes de la Chambre
dans ce lieu effectivement si emblématique, si beau, et si adapté à
la soirée que nous organisons en l'honneur de Monsieur Jean-
Claude TRICHET.
C'est un grand plaisir, Monsieur TRICHET, et un
grand honneur de vous accueillir et vous voyez que le public est à
la dimension de nos espérances. Merci à tous d'avoir marqué par
votre engagement, votre implication, l'intérêt que vous portiez aux
propos (c'est un peu pour vous mettre la pression) que Monsieur
Jean-Claude TRICHET va tenir sur une actualité et des
perspectives qui nous passionnent tous.
Je voudrais dire quelques mots qui relèvent du
protocole, ainsi qu’il convient en début de réunion et saluer nos
personnalités.
D’abord, l’État, qui est bien présent parmi nous,
puisque nous en avons deux éminents représentants :
Monsieur Xavier Inglebert, Préfet, Secrétaire
Général de la Préfecture du Rhône, Préfet Délégué à l'égalité des
chances,
Monsieur Henri Reynaud, Ambassadeur de
France et nouveau Conseiller diplomatique auprès du Préfet de la
Région Rhône-Alpes.
Messieurs, soyez les bienvenus.
Messieurs les Maires – car il y a l’État et puis les
collectivités territoriales –
Monsieur Denis Broliquier, vous êtes chez vous,
ou bien nous sommes chez vous dans le 2è arrondissement.
51. 51
Monsieur Yves-Marie Uhlrich, vous êtes un
fidèle de la SEPL et vous pilotez le destin d'Écully avec
enthousiasme,
Monsieur Marc Grivel, vous êtes Maire de Saint-
Cyr au Mont-d’Or.
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants du monde
consulaire et du monde diplomatique, vous savez combien j'y suis
attaché,
Mon ami Gérard Herrbach, Consul du Grand-
Duché du Luxembourg,
Monsieur Michel-Pierre Deloche, Consul du
Danemark,
Monsieur Bruno Boccard, Consul d’Irlande,
Monsieur Peter Verplanken, Conseiller
diplomatique économique pour la Flandre dans le sud de la France
Le monde patronal et le monde économique est
présent à travers vous de façon très large, mais en premier chef,
autour de :
Jean-Paul Mauduy, Président de la Chambre de
Commerce et d'Industrie de la Région Rhône-Alpes. Cher Jean-
Paul, merci de ton appui régulier que nous apprécions et que
j'apprécie particulièrement. Merci à la Chambre de Commerce et
d'Industrie de Lyon, je veux le redire parce que, derrière Emmanuel
Imberton, il y a tout toute une équipe et je veux faire un clin d'œil
à Alain Fauveau, Directeur Général, qui a été un complice très
engagé dans cette réussite.
Et puis, nos amis du Medef, le Medef Rhône-
Alpes représenté par Monsieur Stéphane FLEX, Délégué Régional
Et le Medef Lyon-Rhône autour de Jean-Louis
Joly, Jean-Louis, merci de nous accompagner avec amabilité et
gentillesse.
Monsieur le représentant du CESER, Jean-Louis
Pivard en place de Madame Sybille Desclozeaux,
52. 52
Le monde universitaire est aussi présent, sur tes
épaules, cher Bernard Sinou ; tu es bien connu dans cette maison,
ancien Directeur Général et actuel Directeur Général de la
Fondation de l'Université de Lyon, tu représentes aujourd'hui Alain
Mérieux. Merci Bernard, car cette soirée ne serait pas celle-ci sans
ton implication.
Jérôme Rive, merci d’être là, nous avons noué un
partenariat très fort cette année. Vous voyez beaucoup de jeunes
présents ce soir, et c'est Jérôme RIVE, avec le partenariat que nous
avons tissé au niveau de l'Institut d’Administration des Entreprises,
qui nous a permis de les convier. Vive la jeunesse !
Et puis les diplômés de Science Po, nous allons
retrouver cela sur votre parcours, Monsieur TRICHET.
Le monde financier, l'espace financier est important
dans l’histoire à Lyon et sa forte présence marque tout son intérêt.
Merci à nos amis banquiers pour leur soutien.
La Banque de France, naturellement, tout
honneur passe par la Banque de France : Pierre du Peloux, merci
de t’être engagé avec les jeunes toi aussi dans cette organisation.
Lyon Place Financière et Tertiaire : nous avons
noué un partenariat qui a été très agréable et, à mon avis, très
efficace, pour parler de sujets financiers communs, mais avec des
prismes de lectures différents. Merci à Jean-Pierre Lac et à Béatrice
Varichon d'avoir rassemblé autour d'eux des représentants de la
profession bancaire ; votre engagement dans nos actions de cette
année a été vraiment très apprécié.
Le Comité des Banques de la Région Rhône-
Alpes, cher Bernard Buisson, tu es toujours très engagé aussi dans
nos opérations, tu as apporté l'appui du Crédit Agricole du Centre-
Est dont tu es le Directeur général adjoint. Merci de cette
complicité.
LCL, c’est le partenaire historique avec la
Chambre de Commerce de Lyon de la SEPL. Jean-Luc Duflot,
c’est ta dernière réunion à Lyon ce soir ou pratiquement la
dernière ; merci de nous la consacrer, tu nous quittes, tu vas partir
à Paris, mais merci pour ce que tu as continué à apporter au niveau
lyonnais.
53. 53
Le CIC, je ne peux pas cacher mes origines !
Merci à Isabelle Bourgade de son appui dans cette organisation,
dans la disponibilité dont je profite. Merci à Guirec Penhoat d’avoir
trouvé les clients qui l'accompagnent.
Merci à vous chers amis.
Et je voudrais citer les entrepreneurs qui nous ont
aussi donné leur appui.
ISEOR autour de Marc Bonnet, Président
d’Honneur de la SEPL.
Gaëtan de Sainte Marie, nom bien connu dans
cette ville, Gaëtan, merci pour ton appui.
Mon ami Pierre Voutay, merci d'avoir ouvert ta
table à des jeunes et merci de ta complicité pour les partages que
nous avons régulièrement.
Je voudrais aussi remercier ceux qui, en tant que
bénévoles, se sont bien engagés dans cette soirée.
Un mot pour Madame Jimbert. Vous la situez
tous, c'est elle qui est au cœur de la SEPL et de notre organisation.
Merci Madame Jimbert…
(Applaudissements)
Je crois que c'est ce soir votre dernier coup d'archet.
Il est magnifiquement travaillé.
Merci à Madame Ferrandez et à Madame
Meissonnier qui donnent de leur temps et de leur disponibilité.
Merci à vous tous, adhérents, ou futurs adhérents ;
vous êtes forcément l'un ou l'autre ce soir et en tous cas, merci pour
votre présence.
Ce sujet de protocole étant traité, et si j'ai fait
quelque oubli, ne m'en voulez pas car la qualité du public amène
parfois à l'erreur, mais je peux vous certifier qu’elle n’est pas
volontaire, bien évidemment, excusez la.
Je voudrais vous dire quelques mots sur la SEPL. Je
vais faire court car résumer 150 ans d'histoire, ou 149 ans
exactement, est un peu difficile, mais quand même, il faut savoir
pourquoi on est là et dans quel contexte.
54. 54
La SEPL a été créée en 1866, il y a donc près de 150
ans, et elle s’est inscrite dans un grand changement qu'a connu
notre pays dans la période libérale du Second Empire. Napoléon III
partageait l'enthousiasme Saint-Simonien pour le progrès industriel.
À cette époque, notre pays a connu une révolution économique
gigantesque, en particulier grâce aux transports. Le développement
des chemins de fer, qui avait démarré avec la monarchie de juillet,
a permis une croissance exceptionnelle, le paysage économique
ayant été complètement remodelé à cette occasion. Sur le plan
immobilier, nous en savons quelque chose à Lyon, la rue de la
République et la rue Édouard Herriot ont été tracées à cette
époque ; on sait que ce Palais du Commerce, cher Emmanuel, a été
ouvert en 1860, en plein dans cette période, tout comme le Parc de
la Tête d'Or… Bref, la Ville s'est refaçonnée à cette époque.
Les écoles, puisque l’on parlait de formation et
d'intérêt pour la formation, l'École Supérieure de Commerce que tu
connais mieux que quiconque maintenant, celles dans lesquelles les
uns et les autres nous travaillons notamment au niveau des élus de
la Chambre : la SEPR, la Martinière, l'École Centrale ; elles ont
trouvé leur fondement dans cette période.
L'activité industrielle, la soierie, je le dis pour rappel
à Monsieur TRICHET, battait son plein à Lyon à cette époque et
les trois quarts de l'emploi de la région émanaient de la soierie.
Et pour accompagner ce mouvement, il fallait des
banquiers. On retrouve toujours les banquiers ! Et les banquiers se
sont rendu compte à cette époque qu'il fallait faire la banque
autrement et donc, il n'est pas étonnant que nous ayons vu
apparaître des hommes comme Henri Germain qui, en 1863, a
lancé la fondation du Crédit lyonnais. Il était avocat lui-même et a
permis le positionnement de cette banque. Puis, en 1865, le CIC
Lyonnaise de Banque, qui n’avait pas cette raison sociale, a vu le
jour. Ce n'est pas par hasard que ces banques se sont constituées à
cette époque, c’est en raison d’un besoin d'accompagnement de
l'économie, d’ouverture sur le grand public, et d’un enracinement
dans notre terroir industriel lyonnais.
La SEPL a été créée le 13 janvier 1866, mon
successeur aura à gérer un anniversaire prestigieux ; cet
anniversaire c'est celui de la création de cette organisation dans un
restaurant qui s'appelait Casati installé, près d’ici, rue du Bât-
55. 55
d’Argent et qui a regroupé un certain nombre de personnes du
monde économique lyonnais qui partaient de l'analyse qu'il fallait
parler d'économie et d'économie politique pour que les patrons et
les salariés trouvent la bonne capacité d'échange dans le travail,
cette harmonie permettant d'éviter les conflits sociaux et de bien
développer la vie des entreprises.
Cette initiative tient à la Chambre de Commerce et
d’Industrie de Lyon. Le Secrétaire Général de la Chambre à
l'époque, Monsieur Jean TISSEUR, était allé chercher un
professeur à Genève qui s'appelait Henri DAMETH ; ils ont bâti
des cours d'économie politique et ont ensuite, avec d’autres
entrepreneurs, dont Henri GERMAIN et François-Barthélémy
ARLES-DUFOUR, contribué à former cette Société d'Économie
Politique de Lyon.
Je vous fais tout le parcours de cette société en une
phrase ; elle a survécu pendant 150 ans comme cercle de réflexions,
cercle de propositions qu’elle est toujours. L’année dernière nous
avons travaillé sur le sujet de l'international avec des entrepreneurs
qui sont dans la salle, Philippe EYRAUD que je reconnais, Bruno
Boccard et puis cette année, nous nous sommes intéressés, comme
nous l’avons évoqué tout à l'heure, au sujet de la finance à Lyon.
Nous avons choisi ce sujet de la finance en bonne
intelligence et en partenariat avec Lyon Place Financière et
Tertiaire et avec l'IAE, avec des thématiques sur :
Les dettes et fonds propres,
Banques et marchés,
Le problème de l'amorçage jusqu'à la cession,
Pourquoi et comment renforcer les fonds
propres ?
Les banques et les demandes de crédit.
Je cite ceux que je vois par complicité :
Pierre du Peloux, à nouveau,
Sébastien Touvron, Rhône-Alpes Création,
Alain Marion, professeur à l’IAE Lyon 3,
56. 56
Philippe Valentin dont on a parlé tout à l'heure au
titre de Lyon Place d’Échange
Bernard Buisson, à nouveau, Directeur général du
Crédit Agricole Centre Est,
Arnaud Peyrelongue, patron de BPI France,
Michel Thomas que vous reverrez sur les
questionnements tout à l'heure.
Dans ce contexte, Jean-Claude TRICHET, nous
sommes heureux que vous ayez accepté d'être notre hôte d'honneur.
Vous êtes lyonnais et vous êtes banquier, ce sont des choses qui
nous vont droit au cœur et je suis persuadé que votre témoignage va
nous passionner.
Maintenant, je vais vous donner un point
d'organisation, car lorsque l’on sait ce que l’on fait, la vie est plus
simple. Nous allons, vous allez partager l'entrée. Pendant ce temps,
pas de discours.
Ensuite, je reviendrai vous dire tout ce que je sais
sur Monsieur Jean-Claude TRICHET, il y a beaucoup de choses à
dire, mais je ferai très court car j'ai déjà abusé.
Puis, Monsieur TRICHET, vous serez à l'ouvrage.
Et vous allez intervenir sur une durée de 30 à 40 minutes. Nous
vous attendons sur cet exercice.
Ensuite, nous prendrons le plat chaud.
Vous aurez droit à préparer vos questions que nos
amis Nicolas Millet, Marc Bonnet et Michel Thomas collecteront et
synthétiseront autour de Michel Thomas.
Enfin, nous arrivons au moment du dessert et
nous libérerons la séance.
Merci pour votre attention et bonne entrée.
(Applaudissements)
On parlait tout à l'heure de la production de la SEPL,
Marc Bonnet qui est au cœur de ce travail, a fait ce petit recueil :
voilà ce qu'a produit la SEPL au cours des six dernières années à
travers les conférences qui sont reprises et les synthèses qui sont
57. 57
faites. Tout ceci est porté par les services administratifs de la
Chambre. Vous voyez que la cogitation a été élevée et tous ces
documents sont à votre lecture. Merci.
(La séance, suspendue à 20h55 est reprise à 21h10)
M. MINSSIEUX.- Je vous annonce et je vous
présente Monsieur Jean-Claude TRICHET que nous connaissons
tous assez bien, mais que nous ne connaissons pas très bien.
Jean-Claude TRICHET, ancien Président de la
Banque Centrale Européenne, Gouverneur Honoraire de la Banque
de France, vous êtes actuellement Président de deux think tanks, le
Groupe des Trente localisé à Washington, Président du Conseil de
l'Institut Bruegel à Bruxelles, vous présidez la Commission
Trilatérale Europe et vous êtes membre de l’Institut l’Académie des
Sciences Morales et Politiques.
Vous êtes né à Lyon, nous vous avons bien repéré
par rapport à ce point auquel, nous Lyonnais, sommes
naturellement très sensibles.
Vous êtes Inspecteur général des Finances
honoraire, ingénieur civil des Mines, vous êtes Diplômé de l'École
nationale des Mines de Nancy, de l'Institut d'Études Politiques de
Paris, de l'Université de Paris en Sciences Économiques, et de
l’ENA (École Nationale d'Administration).
Vous avez fait un début de vie professionnelle
dans le secteur privé, de 1966 à 1968 et vous avez été affecté à
l'Inspection Générale des Finances en 1976, en travaillant plus
directement au Trésor.
Vous devenez en 1976 Secrétaire général du
CIASI, c’est un nom que certains d'entre vous ont en tête, le
Comité Interministériel pour l'Assistance des Structures
Industrielles.
Alors, séquence émotion, c'est grâce à ceci que nous
nous sommes croisés il y a une quarantaine d’années. Jeune
employé ou attaché de direction d'une grande banque lyonnaise,
j'étais envoyé à la capitale pour soutenir, à l'instigation de mon
audacieuse direction générale, un point de vue qui allait à l'encontre
des choix politiques du moment concernant un grand dossier de
58. 58
place, dans le domaine du textile. Je n'en dirai pas plus pour éviter
toute histoire de famille ! Bref, j'ai rencontré Monsieur TRICHET à
deux ou trois reprises et j'ai particulièrement apprécié, surtout dans
mon rôle de relais, le fait d’avoir été écouté et que le projet défendu
par l'équipe lyonnaise a été retenu par le CIASI ; par voie de
conséquence, l'entreprise a survécu et, en plus, j’ai pu ouvrir le
compte de l'entreprise après. C’était affaire bien réussie. Excusez-
moi Monsieur TRICHET d’évoquer ce point de complicité. Mais je
pense que c'est ainsi qu’on tisse le fil de la confiance en matière
d’entreprise et de banque et aussi entre banquiers. Et c'est ce qui
nous a rapprochés à nouveau ce soir. Je voulais faire allusion à ce
petit point de complicité.
En 1978, Jean-Claude TRICHET est nommé
Conseiller Économique au cabinet du Ministre de l'Économie, puis
la même année Conseiller du Président de la République.
Jean-Claude TRICHET est président du Club de
Paris qui travaillait sur le rééchelonnement des dettes souveraines
de 1985 à 1993.
En 1986, vous devenez Directeur du Cabinet du
Ministre de l'Économie.
En 1987, vous êtes nommé Directeur du Trésor.
De 1992 à 1993, vous êtes nommé Président du
Comité Monétaire Européen.
Jean-Claude TRICHET est nommé Gouverneur de
la Banque de France en 1993, il met en oeuvre dans les années 81-
90 la stratégie française de désinflation compétitive.
Le 29 juin 2003, Jean-Claude TRICHET est élu
Président des Gouverneurs des Banques Centrales du Groupe des
Dix, il est également Président des Banquiers centraux de la
réunion de l’Économie Globale.
Et enfin, vous devenez Président de la Banque
Centrale Européenne le 16 octobre 2003. Votre nomination prend
effet à compter du 1er
novembre 2003 et se termine le 1er
novembre
2011.
On voit que vous avez chevauché la grande crise qui
a ébranlé le monde.
59. 59
Jean-Claude TRICHET a été nommé personnalité
de l’année par le Financial Times en 2007, par la revue
internationale économique en 1991 et 2007, « Policy Maker of the
year » par la revue International Economy Magazine en 1991 et en
2007, numéro 5 dans la liste des personnalités les plus influentes du
monde par Newsweek en 2008, l'une des personnalités les plus
influentes du monde par Time Magazine en 2011, vous avez reçu
naturellement d'autres prix, dont le prix franco-allemand de la
culture en 2006, la médaille d’or Ludwig-Erhardt en 2007, le prix
international Charlemagne 2011 d’Aix-la-Chapelle, vous avez reçu
le prix de l'économie mondiale en 2011 du Kiel Institute, et par
ailleurs, les universités de Liège, Montréal, Stirling, Tel-Aviv,
Bologne et Sofia vous ont conféré le titre de docteur honoris causa.
Voilà un formidable parcours, d’autant que vous
avez acquis une incomparable expérience, s'appuyant sur l'analyse
experte de situations, mais surtout les responsabilités assumées.
Vous avez vécu une période exceptionnelle de crise financière,
nous aussi d'ailleurs, mais vous l'avez vécue de façon active,
engagé à la tête de la Banque Centrale Européenne. Cette période a
bousculé l'économie mondiale et bien sûr européenne et vous avez
su y faire front.
Nous attendons donc de vous avec impatience votre
lecture actualisée des contextes mondiaux, européens et français,
sur le plan économique et financier aujourd'hui, l'injection massive
de liquidité, baisse massive de taux, jusqu'à quand ? Légère
remontée de taux, jusqu’à quand ?
Par ailleurs, vous avez pratiqué les institutions
politiques nationales, européennes, dans ce climat de vive tension,
quels enseignements en tirez-vous pour améliorer l'efficacité de nos
instances économiques et aussi la participation citoyenne dans nos
instances politiques et économiques ?
Alors que deux sujets – et il y en a d'autres -
bousculent particulièrement l'actualité : la crise grecque qui n'en
finit pas se dénouer et l'annonce du référendum britannique qui va
amener à remettre les cartes sur la table, ces réflexions sous-tendent
le thème de la conférence de ce soir :
La gouvernance économique et budgétaire de la
zone euro. Vers une fédération économique et budgétaire par
exception ?