Depuis 2012, Crédit Agricole Assurances a souhaité interroger avec Ipsos les Européens sur leur rapport au risque, afin de comprendre notamment comment la crise économique qui touche l’Europe depuis 2008 a transformé leurs perceptions et leurs anticipations de l’avenir.
C’est dans ce cadre qu’Ipsos a interrogé, du 12 au 22 mai 2015, 7000 Européens dans 7 pays emblématiques de l’Union Européenne : la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Italie, la Pologne et la Suède.
Cette nouvelle vague d’enquête met en évidence un impact toujours très important du contexte économique sur le rapport au risque des Européens, même si certaines craintes tendent aujourd’hui à s’atténuer. Les Européens restent dans leur ensemble marqués par une forte aversion pour le risque, même si des spécificités nationales, culturelles et sociales subsistent.
Mais si le contexte économique exacerbe les peurs et la tentation du repli, il a aussi pour conséquence la mise en place de nouvelles stratégies de la part d’individus qui tentent de contourner les institutions défaillantes. Les initiatives se multiplient, aidées par les progrès technologiques et l’ingéniosité des nouvelles générations, s’illustrant notamment dans le développement de la consommation collaborative.
Un sentiment de déclassement un peu moins prégnant
Si une majorité relative d’Européens a toujours le sentiment d’être en régression sociale par rapport à leurs parents à leur âge (40%), ce sentiment est en net recul par rapport à 2013 (-10 points).
Cette évolution masque des tendances très contrastées selon les pays observés :
le reflux de ce sentiment est particulièrement marqué en Pologne (35% ; -23) et en France (49% ; -11), même si cette opinion reste très largement partagée.
En revanche, ce sentiment de déclassement progresse fortement en Italie (60% ; +10), mais aussi en Allemagne (24% ; +17), même si cette opinion y reste très minoritaire.
Au-delà de ces évolutions, on note que c’est en Italie (60%) et en Espagne (51%) que ce sentiment de régression est ressenti de la manière la plus violente. Respectivement 29% des Italiens et 19% des Espagnols s’estiment même « en forte régression sociale ».
La France n’est pas très loin de ces niveaux, avec 49% qui ont le sentiment de connaître une régression dont 18% une forte régression.
Le spectre du chômage, toujours présent mais un peu moins menaçant
Interrogés sur les risques qui les inquiètent le plus, les Européens ne mentionnent plus le chômage dans le trio de tête. Ils le citent en 4ème position (29%), très loin derrière les risques de santé -dont la perte d’autonomie- (66%), les risques financiers (37%) ou encore les risques de la route (31%). On observe ainsi le retour d’une hiérarchie des risques un peu moins marquée par la crise économique.
D’ailleurs, si une part significative d’Européens considèrent toujours qu’ils ont plus de risques qu’il y a 5 ans de connaître des difficultés financières (59%), de basculer dans la précarité (53%) ou de perdre leur emploi (44%), ces sentiments sont plutôt en recul (de -3 à -7 points par rapport à 2013 selon les items).
Ces évolutions sont néanmoins à nuancer en fonction des pays considérés : en Espagne, en Italie et en Pologne, le risque de chômage est toujours l’un des trois risques les plus craints. En Europe du Sud, perdre son emploi est même le 2ème risque le plus anxiogène, devant le risque de perdre son patrimoine financier. Il s’agit d’un événement d’autant plus inquiétant que sa survenue est jugée plausible : 65% des Polonais considèrent qu’ils ont plus de risques de perdre leur emploi qu’il y a 5 ans (dont 40% « beaucoup plus »), 59% des Italiens (dont 37% « beaucoup plus ») et 48% des Espagnols (dont 28% « beaucoup plus »).
En France et en Allemagne, la perspective du chômage (citée par respectivement 25% des Français et 22% des Allemands) inquiète moins que la possibilité d’une agression ou d’un vol (citée par respectivement 34% et 30%. Ce risque figure dans le trio de tête des risques les plus anxiogènes des deux côtés du Rhin.
En Grande-Bretagne, le chômage (24% de citations) est même devancé par les risques informatiques, comme le piratage de ses coordonnés bancaires ou une atteinte à sa réputation sur internet (30%).
Le sentiment d’une vulnérabilité importante, mais qui tend lui aussi à s’atténuer
Si les Européens restent majoritairement convaincus qu’ils ont plus de risques de connaître des difficultés financières (59%) ou de basculer dans la précarité (53%) qu’il y a 5 ans, ces sentiments reculent néanmoins (de respectivement -3 points et -6 points par rapport à 2013).
La crainte de connaître une situation précaire reflue notamment là où elle est la plus forte : en Pologne (72% craignent un tel basculement ; -9 points par rapport à 2013), en Espagne (57% ; -15 points) ou en France (53% ; -8). En Italie, cette inquiétude reste stable par rapport à 2013 (69%) mais en deçà de la mesure effectuée en 2012 (76%).
Le sentiment de protection face à ces risques évolue en revanche assez peu : 41% des Européens s’estiment toujours moins bien protégés qu’il y a 5 ans (+1 point par rapport à 2013).
Les Italiens restent à ce titre les plus critiques (67% constatent une dégradation ; -2 points néanmoins par rapport à 2013 ; -6 points par rapport à 2012), devant les Français qui s’estiment aujourd’hui majoritairement moins bien protégés (52% ; +11 points par rapport à 2013 ; +15 points par rapport à 2012).
Le sentiment d’être moins bien protégé régresse partout sauf en France où il augmente encore.
Une aversion toujours aussi forte pour le risque
Aux yeux d’une majorité d’Européens, le risque est toujours considéré comme un danger à éviter (60% ; +1 point par rapport à 2013). Seuls 40% d’entre eux l’appréhendent plutôt comme un stimulant.
L’aversion pour le risque reste particulièrement forte et se renforce même en Espagne (75% ; +2 points par rapport à 2013 ; +9 points par rapport à 2012), en France (70% ; +3 et +8 par rapport à 2012), en Allemagne (66% ; +4 et +9) et en Italie (63% ; +4 et +5 par rapport à 2012). Elle reste relativement stable en Grande-Bretagne (58% ; -1 point par rapport à 2013 ; +6 points par rapport à 2012)
Cette attitude de rejet du risque est en revanche minoritaire en Suède (42% ; stable par rapport à 2013) et désormais en Pologne (48% ; -3).
Au-delà des nationalités, des différences d’appréhension du risque importantes existent en fonction du profil sociodémographique des individus, et des rôles sociaux qu’ils ont intégré : les femmes considèrent ainsi davantage le risque comme un danger (63% contre 58% des hommes), tout comme les séniors (66% des 55 ans et plus contre 53% des moins de 35 ans).
Si le niveau de revenus influe peu sur la perception du risque, le niveau d’éducation a en revanche un impact très important sur la conception que l’on a de la prise de risques (72% des Européens au niveau d’éducation faible considèrent le risque comme un danger, contre 58% de ceux qui ont un niveau moyen ou fort).
Les Européens ont par ailleurs encore moins le sentiment qu’en 2013 que la prise de risques est valorisée dans l’Union Européenne (46% ; -4 points) et dans leurs pays respectifs (39% ; -2).
Mais quel que soit leur pays de résidence, les Européens ont toujours le sentiment que le risque est bien moins valorisé qu’aux Etats-Unis : 75% (-2 points néanmoins) estiment en effet que la prise de risques est valorisée de l’autre côté de l’Atlantique.
C’est en France que l’on a le moins le sentiment que le risque est valorisé (27% ; -2 points par rapport à 2013 ; -5 points par rapport à 2012).
Seuls les Espagnols (48%) et les Italiens (36%) ont le sentiment que le risque est davantage valorisé qu’en 2013.
Dans tous les autres pays, ce sentiment est en recul, ou tout au plus stable (en Pologne et en Suède).
La relation au risque des Européens reste très ambivalente, entre aversion et attirance. Ils sont d’ailleurs divisés quant à l’attitude à adopter pour connaître la réussite: si 52% d’entre eux considèrent que pour réussir, il faut plutôt faire attention à ne pas prendre trop de risques, 48% pensent qu’il vaut mieux prendre beaucoup de risques. Ces chiffres restent très stables dans presque tous les pays.
En France, la tendance est néanmoins à plus de prudence : 55% des Français considèrent ainsi qu’il vaut mieux ne pas prendre trop de risques pour réussir (+2 points par rapport à 2013 ; +4 points par rapport à 2011).
Les Français sont d’ailleurs moins nombreux qu’en 2013 à déclarer qu’ils prennent des risques à titre individuel (51% ; -8 points). La France devient cette année le pays dans lequel les individus déclarent prendre le moins de risques.
L’Allemagne reste le pays où l’on déclare en prendre le plus, mais les Allemands sont malgré tout bien plus prudents que les années précédentes (66% ; -6 points par rapport à 2013 ; -11 points par rapport à 2012).
Pour prendre des risques, mieux vaut être bien armé : les Européens qui disent prendre le plus de risques à titre individuel sont en effet plus diplômés que la moyenne et plus riches.
Il faut aussi avoir le sentiment que la prise de risques est socialement encouragée compte tenu de son profil : les hommes, les jeunes, mais aussi les individus qui ont le sentiment que la prise de risques est valorisée dans leur pays sont plus nombreux à dire prendre des risques à titre individuel.
Pour être prêt à prendre des risques, savoir que l’on est bien protégé est également impératif.
A l’heure où les Européens constatent de plus en plus que leurs systèmes nationaux de protection sociale respectifs fonctionnent mal, les Européens sont face à un choix : éviter le risque à tout prix, avec pour conséquence possible de se priver de toute chance de réussir, ou mettre en place de nouvelles stratégies pour contourner les systèmes défaillants.
L’essor de la consommation collaborative fait partie de ce mouvement.
Cf. Vague 2 de l’Observatoire portant sur la thématique de la protection sociale en Europe
Dans certains domaines, posséder ne fait plus forcément rêver
En 2015, posséder sa résidence secondaire ne fait plus rêver que 35% des Européens (contre 65% qui préfèrent emprunter ou louer ce type de bien). Pas étonnant dans ce contexte que le marché immobilier de la résidence de vacances soit devenu aussi difficile. Y compris chez les Européens aux revenus les plus élevés, la préférence pour la location ou l’emprunt est très majoritaire (61%). Les Français (76%) et les Allemands (73%) sont ceux qui plébiscitent le plus cette solution. Cette tendance touche aussi bien les plus jeunes que les plus âgés : même les séniors préfèrent aujourd’hui majoritairement louer ou emprunter leur résidence de vacances (62% des 55 ans et plus).
Si dans les 6 autres domaines testés, la préférence pour l’emprunt ou la location est moins massive, les niveaux observés reflètent néanmoins une transformation du rapport des Européens aux objets, l’usage primant désormais de plus en plus sur la propriété.
Les biens dont l’utilisation n’est le plus souvent qu’occasionnelle, et qui encombrent le reste du temps les Européens, sont également concernés par cette tendance : 36% d’entre eux déclarent ainsi préférer emprunter ou louer les accessoires automobiles dont ils ont besoin (coffre de toit, porte-vélo, siège enfant...), 34% le matériel de jardinage (tondeuse, motoculteur...) et 26% le matériel de bricolage (ponceuse, perceuse...).
Les biens culturels (livres, CD, DVD...) viennent ensuite, avec 23% des Européens qui déclarent désormais préférer les emprunter ou les louer que de les posséder, une proportion qui varie peu en fonction de l’âge des répondants, mais davantage en fonction de leur niveau de revenus : les Européens dont les revenus sont les plus modestes sont ceux qui recourent le plus à l’emprunt ou la location.
Si l’on considère l’ensemble des biens testés, c’est en moyenne en Espagne et en Suède que la préférence pour l’emprunt ou la location est la plus forte, et en Pologne et en Grande-Bretagne que l’on reste le plus attaché à la propriété. Avec en moyenne 2,1 types de biens sur 7 que les Européens préfèrent emprunter ou louer, la propriété individuelle a certes encore de beaux jours devant elle. Mais de nouvelles pratiques émergent, en tête desquelles l’achat d’occasion.
Interrogés sur l’évolution de leurs comportements de consommation depuis 5 ans, 51% des Européens déclarent avoir plus souvent loué, échangé, emprunté et/ou acheté d’occasion des objets. Ces pratiques se développent particulièrement en Europe du Sud, en France et en Pologne.
C’est avant tout l’achat d’occasion qui a augmenté de manière exponentielle (39% l’ont fait plus souvent dont 11% « beaucoup plus souvent »), facilité par le recours à des sites tels que le Bon Coin, eBay... Parmi ceux qui optent de plus en plus pour l’achat d’occasion : les femmes (41% y ont davantage eu recours) et les jeunes (45% des moins de 35 ans), les plus éduqués (41%) mais aussi les plus modestes (43% y ont eu davantage recours). La France apparaît comme la championne d’Europe du développement de l’achat d’occasion, devant l’Italie, la Pologne et l’Espagne.
Les Européens ont également pour 27% d’entre eux davantage eu recours à l’emprunt d’objets au cours des 5 dernières années. Cette pratique augmente particulièrement chez les jeunes (33% des moins de 35 ans y ont davantage eu recours), en Espagne, en Italie et en France.
L’échange et la location se sont un peu moins développés (respectivement 19% et 17% des Européens déclarent les avoir davantage pratiqués). Les Italiens et les Espagnols sont les plus nombreux à avoir eu davantage recours à ces pratiques.
Un phénomène massivement remarqué par les Européens, mais variable en fonction des pratiques considérées
Près des deux tiers des Européens ont constaté l’émergence de nouvelles formes de consommation collaborative (65% dont 14% « Oui, beaucoup »).
Ce phénomène a été particulièrement remarqué en France (83%), en Espagne (79%), en Italie (68%) et en Pologne (65%), ce qui corrobore les déclarations des Européens sur leur recours plus fréquent à la location, l’échange, l’emprunt ou l’achat d’occasion dans ces pays.
Les Britanniques sont ceux qui ont le moins constaté ce phénomène (44% seulement).
Sur 17 pratiques testées relevant de la consommation collaborative, les Européens ont en moyenne déjà expérimenté 4,6 d’entre elles.
Les Européens qui ont tenté le plus grand nombre de pratiques sont les ressortissants de 3 pays sévèrement impactés par la crise : Espagnols (5,3), les Italiens (5,2) mais aussi les Polonais (5,9).
Les pratiques qui ont été adoptées par une majorité d’Européens sont celles qui touchent à l’achat et à la vente : l’achat à de petits producteurs locaux (65% l’ont déjà fait), et l’achat/vente de biens culturels d’occasion (54%). L’achat ou la vente des produits électroménagers, vidéo ou hi-fi d’occasion ont déjà été expérimentés par 46% et l’achat groupé de biens ou de services par 30%.
Les actions relevant de l’échange ou du partage viennent ensuite. Elles sont un peu moins fréquentes que l’achat ou la vente, mais sont d’ores et déjà fréquentes : le recours à un tutoriel (48%), l’échange ou le troc avec des particuliers (33%), le partage/ l’échange de biens avec des personnes près de chez soi (32%), le partage de services avec ses voisins (25%) ou encore l’échange de services (19%). Leur potentiel de développement est par ailleurs important : les Européens sont nombreux à compter les adopter s’ils ne l’ont pas déjà encore fait. Concernant l’échange de services par exemple, si moins d’un Européen sur 5 l’a déjà fait, 30% ont l’intention d’y recourir.
Les comportements évoluent un peu plus lentement en ce qui concerne la voiture et le logement, pour lesquels la préférence pour la propriété reste importante : 19% des Européens ont néanmoins déjà demandé directement à un particulier de leur louer sa voiture ou de les covoiturer, 10% l’ont déjà fait eux-mêmes avec leur voiture et 13% ont déjà utilisé une voiture en libre-service.
En ce qui concerne le logement, 9% ont déjà échangé leur logement avec un particulier, 17% ont déjà loué le logement d’un particulier pour les vacances et 12% ont déjà loué leur propre logement dans le même contexte. Lorsqu’ils n’ont pas encore tentés l’expérience, les Européens sont néanmoins nombreux à être prêts à tenter l’expérience : 19% ont ainsi l’intention d’essayer l’échange de logement, 15% la location du logement d’un particulier et 20% la location de leur propre logement.
Enfin, les pratiques relevant du financement sont celles qui ont le moins été expérimentées par les Européens, même si une part non négligeable de la population a déjà réalisé ce type d’investissements : 16% ont déjà réalisé des placements financiers dans des produits d’épargne solidaire et 14% ont déjà participé au financement d’un projet ou d’une activité d’une personne (via un site de financement participatif pour financer des créateurs d’entreprises, des artistes...).
Le profil des adeptes de la consommation collaborative : jeunes et diplômés, mais pas seulement
Les Européens qui ont adopté le nombre moyen le plus important de pratiques relevant de la consommation collaborative sont avant tout jeunes (5,6 / 17 en moyenne déjà effectuées pour les moins de 35 ans contre 4,2 chez les 35 ans et plus).
Autre caractéristique : ils sont aussi plus diplômés que la moyenne (5,1 pratiques pour les plus diplômés contre 3,8 pour les moins diplômés).
Le profil type des adeptes de la consommation collaborative n’est pas pour autant celui du geek tel qu’il est souvent caricaturé : de sexe masculin et célibataire.
Les parents sont en réalité plus férus de ces nouveaux modes de consommation (5,4 pratiques en moyenne quand il y a au moins un enfant de moins de 18 ans au sein du foyer, contre 4,3 quand il n’y en a pas). La durée d’utilisation limitée des produits pour enfants les poussent sans doute à se convertir à ce type de pratiques.
Ces nouveaux modes de consommation touchent par ailleurs autant les hommes que les femmes, et on observe très peu de différences de comportements en fonction du sexe, quel que soit le type d’action considérée.
Les Européens sont d’ailleurs très conscients du rôle joué par internet dans le développement de la consommation collaborative : 91% d’entre eux jugent que le web joue en la matière un rôle important voire primordial.
Le contexte économique, première cause de l’émergence de la consommation collaborative
Si internet joue aux yeux des Européens un rôle décisif dans l’essor de ces nouveaux modes de consommation, ils ne considèrent pas pour autant les évolutions technologiques comme ce qui explique le mieux l’émergence de ces pratiques.
A leurs yeux, c’est en effet avant tout le contexte économique qui provoque ce changement des comportements : avec la crise, les individus cherchent à dépenser le moins possible.
Cette raison est avancée par 52% des Européens, et plus massivement encore dans les pays qui ont le plus adopté ces nouveaux codes de la débrouillardise : la France (69% citent le contexte économique), l’Italie (66%) et l’Espagne (59%).
Elle devance donc largement l’explication technologique, citée par 30% des Européens qui pensent que c’est avant tout internet qui offre de nouvelles opportunités de consommer différemment (45% en Suède et 37% en Allemagne).
Enfin, seuls 18% l’expliquent avant tout par une véritable transformation de nos sociétés traduisant un besoin de retrouver du lien, de se passer des intermédiaires. Les Suédois sont les plus sensibles à cet argument (29%) qu’ils placent derrière l’explication technologique, mais devant le contexte économique.
Il ne faudrait pas en conclure que ce phénomène est purement conjoncturel aux yeux des Européens : 73% pensent au contraire qu’il s’agit d’une tendance de fond et qu’il va s’accroître. Les Français en sont particulièrement convaincus (77%).
Des pratiques qui bousculent les contours de la solidarité
Interrogés sur la nature solidaire (ou non) d’un certain nombre de pratiques de consommation collaborative, les Européens considèrent globalement qu’elles relèvent de la solidarité, au moins en partie.
C’est le cas des échanges de services (82% jugent qu’ils relèvent de la solidarité, dont 29% « complètement » et 53% « en partie »), du fait de sensibiliser ses contacts sur les réseaux sociaux à propos de l’action d’un organisme ou d’une personne (80% dont 56% «en partie » solidaire), de la participation à la création d’un tutoriel sur internet (76% dont 52% « en partie »), du fait de proposer à des gens de les covoiturer en échange d’une petite participation aux frais (76% dont 54% « en partie ») ou même du prêt d’argent via un site de financement participatif en percevant des intérêts (53% le considèrent comme relevant de la solidarité dont 42% « en partie »).
Aux yeux d’une majorité d’Européens, pour relever pleinement de la solidarité, une action doit toujours apparaître désintéressée. Or la consommation collaborative ne répond qu’en partie à cette condition : le plus souvent, elle est la rencontre d’intérêts convergents (par exemple se débarrasser d’un objet en gagnant un peu d’argent pour le vendeur et faire un achat à un prix attractif pour l’acheteur).
L’émergence de ces pratiques vient bousculer la conception traditionnelle (et plus restrictive) de la solidarité, héritée d’une conception de la charité qui suppose un acte unilatéral, pour la transformer en une multiplicité de relations où chacun peut trouver son compte.
D’ailleurs, ces pratiques, de l’avis même des Européens, ont pour conséquence de conduire à une société plus solidaire (69% le pensent dont 11% « tout à fait »). Les Espagnols (84%), Italiens (76%), Polonais (76%) et Français (74%) en sont les plus convaincus. Dans ces pays où le système étatique de protection sociale apparaît comme défaillant ou en perte de vitesse, ces nouvelles pratiques apparaissent comme une nouvelle façon d’être solidaire, et de reprendre le contrôle sur son destin.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces pratiques se développent le plus dans les pays dans lesquels on craint le plus aujourd’hui de basculer dans la précarité : la Pologne, l’Italie, l’Espagne... et la France.