SlideShare una empresa de Scribd logo
1 de 58
Descargar para leer sin conexión
CODEXFaits et Analyses
CHINELe virage électrique
Santé
Les hôpitaux malades
CongrèsPS
Les anciens de l’UNEF
à la manœuvre
Education
Enseignement laïc
des faits religieux
Exposition Universelle : Paris 2025 ?
2
CODEX
Publicité.
3
CODEX
Nouveaucycle. Adieuleconsensusmou,
place au 49-3. La génération qui dirigeait
l’UNEF-ID au début des années 80
s’installe à la direction du PS. Adieu les
cartables de 10 tonnes, remplacés par
les tablettes 10 pouces. Adieu le pétrole,
les qataris et les émissions à particules
fines. Que la lumière soit, l’électricité
est réinventée. La fin d’une génération,
d’une époque, d’une façon d’agir et
de penser, pour le meilleur et pour le
pire. Dernière édition d’une nouvelle
générationdejournalistes,quirêved’une
époque pourtant révolue. Backstages
de concerts de rock, grands reporters,
correspondants, nouveau Plantu. Mais
ainsi va la vie, et de toute façon, l’histoire
ne se répète pas, elle balbutie. L’actualité
de demain s’écrit aujourd’hui, et seuls
ceux qui ne savent pas la décrypter sont
surpris de la tournure que prennent les
évènements.Réveillez-vous:pourlecôté
voyeurisme, Internet vous a devancé. La
valeurajoutée,c’estl’analyse,l’enquête,le
décryptage, ce que le lecteur veut savoir,
même s’il n’en est pas conscient jusqu’à
ce qu’on le lui montre. Ah mais pardon,
c’était déjà le cas il y a 20 ans. Quand
on vous dit que tout n’est qu’un éternel
recommencement, on pèse nos mots.
sommaire
CODEX N°2
9 rue Alexandre Parodi
75010 – Paris
Dépôt légal : à parution
Directeur de la publication :
Michel Baldi
En bref dans le monde
Nemstov passe l’arme à gauche / Tsipras contre l’Eurogroupe
/ L’Europe bipolaire / Terrorisme, lois liberticides / Sida, la
troisième souche
Economie / Environnement
Chine : le poids lourd du marché automobile mondial
choisit le moteur électrique p10
Santé
Les hôpitaux de province gangrénés par les avoirs suisses p 17
APHP : entretien avec Pr. Bernard Granger, directeur du
service de psychiatrie de l’hôpital Tarnier et membre du
MDHP p 20
Politique
Congrès du PS : les ex-UNEF à la manœuvre p22
Défense
Le Charles de Gaulle entre en guerre p32
Education
Les bafouillages du plan numérique p 38
L’enseignement laïc des faits religieux fait débat p 42
Sciences / Média / Culture
INA : l’OTMédia, où est le financement ? p 48
Exposition Universelle : Paris, candidat pour 2025 p 54
Sir Culher
Directeur de la rédaction : Eric Ouzounian
Rédactrice en chef : Jade Toussay
Directrice artistique : Romane Ganneval
Maquette : Sophie Combot, Audrey Bouts, Nicolas Raulin
Secrétaires de rédaction : Sélène Agapé, Candice Cheuret
Rédacteurs : Sélène Agapé, Audrey Bouts, Candice Cheuret,
Romane Ganneval, Nicolas Merli, Nicolas Raulin,
Jade Toussay, Olivier Vagneux
L'Editorial
4
CODEX
L
a fin de l’ère Eltsine (1991-1999) a marqué l’his-
toire de la Russie. L’état, alors en guerre contre
les indépendantistes tchétchènes, est partagé entre
Boris Eltsine, alors président, et Vladimir Poutine,
chef du service de renseignement FSD (ex-KGB).
Nommé dauphin du chef de l’état en août 1999, ce
dernier arrive au pouvoir en mars 2000. Pourtant,
Boris Nemtsov était pressenti à la succession jusque-là  : réformateur
libéral proche du régime, il incarnait une vision démocrate et modérée,
idéale dans le projet d’Eltsine. Le krach boursier d’août 1998, qui met
à sac l’économie d’ouverture internationale, freine ces espérances et
plonge le pays dans une crise nationaliste. Les séries d’attentats qui
suivirent, notamment lors de la rébellion tchétchène, furent un terreau
fertile pour l’ascension de Poutine. Galvanisée par une image affaiblie
d’Eltsine (hospitalisé pour une carence cardiaque), l’opposition de-
vient de plus en plus féroce et demande sa démission, effective le 31
décembre 1999.
Le physicien et le guébiste
Limogé en août 1998, Boris Nemtsov, alors vice-Premier ministre
russe, rejoint l’opposition lorsque Poutine est nommé dauphin d’Elt-
sine. Nemtsov s’engage en 2000 auprès du parti libéral SPS, très cri-
tique envers le nouveau président. Selon lui  : «  Le gouvernement reflète la
volonté du peuple d’avoir un état fort, une économie en état de marche et la fin de la
tolérance pour les oligarques  ». Poutine, ex-guébiste, incarne alors l’image
d’un homme fort, nécessaire à la tête de l’Etat. Lors de l’annonce d’un
possible troisième mandat illégal, la critique de Nemtsov devient plus
virulente. Avec l’activiste Alexeï Navalny, il participe aux manifesta-
tions de 2011 qui secouèrent le Kremlin. Engagé dans une critique
violente de l’annexion de la Crimée et de la guerre ukraino-russe,
Nemtsov avait appelé l’opposition russe à manifester pour le retrait
immédiat des troupes russes en Urkaine le dimanche 1er mars.
Les circonstances de ce meurtre sont particulièrement inconfortables
pour le Kremlin, déjà accusé d’un énième assassinat politique par les
Etats-Unis et l’Europe. Pourtant, celui-ci a démenti toute implication
et s’est engagé à mener une enquête. Il est pourtant difficile de croire
qu’elle arrivera à des résultats concluants  : comme pour l’affaire Anna
Politkovskaïa, et d’autres avant elle, le verdict risque de mener à la
condamnation des exécutants sans que les commanditaires ne soient
jamais inquiétés.
N.M
Le nom de l’opposant russe Boris Nemtsov,
assassiné la nuit du 27 février, s’ajoute à la liste
des assassinats perpétrés sous le gouvernement
PoutineIII.Fermementopposés,lesdeuxhommes
poursuivaient cependant un but commun  :
assurer le sort de la Russie post-URSS d’Eltsine
au XXIe siècle.
Nemtsov/Poutine 
deux visions de la Russie
5
CODEX
L
es «  accords d’Avril  » permettent à la Grèce de re-
pousser l’échéance du remboursement de six mil-
liards d’euros à la Banque Centrale Européenne.
Sans ceux-ci, le pays se serait retrouvé en défaut de
paiement dès le 1er mars 2015 et aurait alors été
contraint de sortir de la zone euro. Alors «  Grèce  : le
gouvernement Tsipras se plie aux exigences européennes » se-
lon Le Monde du 25 février 2015  ? N’en soyez pas si sûrs. Rappelons
que jamais Syriza ne s’est placé en parti favorable à une sortie de la
ZE au contraire, il s’est même engagé à négocier le plus possible avant
d’atteindre ce point de non-retour. Alors non, la Grèce ne se plie pas
aux exigences de l’Eurogroupe, loin de là.
Accords sur un désaccord
«  Nous demandons l’aide de l’Europe, mais pas seulement pour nous donner
des leçons  » a déclaré Yanis Varoufakis, ministre des finances grec, à la
sortie des négociations. Il rappelle de fait qu’aucune solution viable
n’avait été trouvée depuis la mise sous tutelle de la Grèce par la Troï-
ka. Depuis 6 ans, le PIB grec a chuté de 26 % et sa dette publique est
passé de 113 à 176 %. Ces accords pourraient marquer la fin de cette
faillite. D’abord, l’Eurogroupe a cessé d’évoquer les mesures d’aus-
térité (diminution des pensions, coupes des budgets de la fonction
publique et hausse de la TVA) et laisse donc une marge de manœuvre
conséquente à Tsipras. Celui-ci s’est notamment engagé à réformer
la fiscalité en visant à contrôler la fraude et l’évasion, estimée à 600
milliards d’euros placés en Suisse et à taxer les plus hauts revenus  :
les armateurs et l’Eglise Orthodoxe, respectivement exonérés d’im-
pôts par la constitution de 1975 et plus gros propriétaire terrien du
pays. Aussi, l’Eurogroupe, sans reconnaître officiellement la situation
de crise humanitaire du pays, a maintenu les mesures de premières
urgences proposée par le gouvernement. Il reconnaît donc la situation
d’urgence publiquement mais rechigne à la financer. Si ces accords
peuvent être considérés comme perdus pour la Grèce, rappelons tout
de même que le gouvernement n’est installé que depuis un mois.
Syriza joue donc la carte de la provocation. Dès son installation au
pouvoir, Tsipras a su asseoir son projet et obtenir une négociation de
l’Eurogroupe. Rappelons que François Hollande, qui s’était engagé à « 
lutter contre son ennemi numéro un  : la finance  », était revenu bredouille de
sa visite en Allemagne, où il devait renégocier l’accord Sarkozy-Mer-
kel. Le parti anti-austerité a tout pour faire pression  : une potentielle
sortie de l’euro qui, bien que dédaignée par la zone, serait catastro-
phique si l’Espagne et l’Italie prenaient la même direction. Un risque
de crise bancaire généralisée et une favorisation des spéculations bour-
sières sur les dettes publiques pourraient aussi renforcer l’image d’une
Europe à deux vitesses. En définitive, Tsipras se place droit face à
l’Eurogroupe  : la faillite annoncée de sa politique sera la seule respon-
sabilité de l’Allemagne..
N.M
Grèce Etsil’Eurogroupe
étaitentraindeperdre ?
La Grèce d’Alexis Tsipras et du parti anti-austerité Syriza a pu négocier la poursuite du plan d’aide
financière européen jusqu’à fin avril. Les accords historiques entre l’Eurogroupe et le gouvernement
hellénique, signés le 24 février, permettent la mise en place d’une série de réformes absolument
nécessaires pour le pays. Celles-ci n’avaient jamais été proposées par les gouvernements
européens jusqu’à maintenant.
6
CODEX
L
es échéances électorales
de 2015 pourraient tout
remettre à plat. C’est en
tout cas l’espoir qu’en-
tretiennent les partis eu-
rosceptiques et anti-aus-
térité en Europe. Depuis
la crise des économies irlandaises, espa-
gnoles, grecques et portugaise, l’Europe
s’est dichotomisée. D’un côté, au Nord,
les pays dont le déficit public sont presque
inférieurs au PIB. Au Sud, les pays, qui
subissent deux tendances, commencent
à connaître une rogne populaire inédite.
Certains sont endettés par les choix poli-
tiques de leurs majorités. Les autres sont
gangrenés par la spéculation des marchés.
En outre, le taux d’emploi est en chute en
Europe du Sud, tandis qu’il avoisine plutôt
une situation de plein emploi au Nord. Ces
écarts flagrants ont favorisé l’essor de Po-
demos, le parti eurosceptique espagnol, qui
cumule aujourd’hui 30 % des intentions de
vote pour l’élection de novembre 2015.
L’Irlande et le Portugal connaissent égale-
ment ce revirement politique, comme le té-
moignent les succès du parti irlandais Sinn
Fein (Nous-mêmes) de Gerry Adams et
du Bloco de Esquerda (Bloc de la gauche)
portugais aux élections européennes de
2014.
Podemos – Syriza : la voix du Sud
Tout comme Syriza, Podemos propose une
nouvelle conduite des affaires européennes,
plus solidaire. Peu détaillé pour l’instant,
son programme recommande la fin des
politiques imposées par l’Eurogroupe et
une négociation à poids égal entre les ac-
teurs. Son argumentaire met aussi l’accent
sur la prédominance allemande dans les
décisions de la zone euro. La coordination
des politiques économiques serait, en ce
sens, une possibilité envisageable. Pour-
tant, dans les faits cette coordination existe
depuis 1983. Elle devrait garantir une lo-
gique économique complémentaire entre
les pays membres. Mais l’arrivée des pays
sud-européens dans l’Union l’a mise à mal.
Les nouveaux membres peinent à s’adapter
à cause de la disparité de leurs économies.
L’Eurogroupe doit aujourd’hui faire at-
tention à ses choix pour ne pas voir une
Europe jusqu’ici poussée par un élan de
solidarité, plonger dans un nationalisme
généralisé. Pour cela, les stratégies écono-
miques doivent sortir de leur dogmatisme.
Si l’économie libérale est aujourd’hui fri-
gide, rien ne l’empêche de s’ouvrir à la cha-
leur des politiques sociales.
N.M
Nord-Sud 
contoursd’uneEuropebipolaire
La récente élection d’Alexis Tsipras à la tête du gouvernement grec, la montée des partis
eurosceptiques en Espagne et en Irlande et l’ingérence toute avouée de l’Allemagne sur les pays
« périphériques » de la zone euro façonnent une idée bipolaire de l’économie européenne. Face à
cet état de fait, les économies en crise prennent du poids et commencent à poser les bases d’une
Europe solidaire.
7
CODEX
Le projet de loi anti-terrorisme
entériné le 23 octobre 2014 prévoit la
suspension de la nationalité pour les
françaissoupçonnésd’appartenance
à une filiale terroriste. A califourchon
sur les droits fondamentaux et les
politiquesdemigrationseuropéennes,
cette législation semble liberticide.
Mesuresnécessairesouillustrationde
lamontéeenpuissancedespolitiques
sécuritaires ?
B
ernard Cazeneuve, mi-
nistre de l’intérieur, a
annoncé la confiscation
temporaire de six pas-
seports français le 23
février dernier. Cette
mesure s’inscrit dans la
pléthore de quatorze lois anti-terrorisme que
promulgue l’état français depuis 1986. Ces six
ressortissants sont soupçonnés d’être volon-
tairesàundépartimminentverslaSyrie,où376
français se trouveraient actuellement. Selon les
propos du ministère rapporté par Le Monde,
cette mesure vise à endiguer les départs pour le
djihad des personnes «  soupçonnés d’appartenance
à un groupe terroriste qui projettent de se rendre sur les
théâtres d’opération  ». Contactés directement par
le renseignement, ces six candidats potentiels se
sont vus remettre un récépissé en échange de
leurs papiers d’identité. Aucune information les
concernant n’a été communiquée au public. Le
renseignement signale également que 1089 per-
sonnes seraient actuellement impliquées dans
ces réseaux en France.
Au dessus de tous soupçons  ?
Ces six confiscations s’inscrivent dans un
contexte particulier  : la montée parallèle des
politiques sécuritaires et des départs pour le dji-
had. En ce sens, il est nécessaire d’adopter une
conduite raisonnée de ces politiques pour ne
pas attiser un climat de tension. Ces six suspen-
sionstendentpourtantàlefavoriser.D’abord,les
conditions sont floues  : la définition de la «  me-
nace »tellequ’elleestprésentéedansletextedeloi
estlarge...trèslarge.Sontsoupçonnéesd’activités
terroristes, toutes personnes interpellées pour « 
détention de substances dangereuses et consultation régulière
desitewebfaisantl’apologieduterrorisme ».Rappelons
que la définition du concept de terrorisme pose
de nombreuses difficultés  : dans cette loi, pre-
nons garde à ce que cette notion ne renvoie pas
à une vision réductrice d’un terrorisme unique-
mentreligieux.Deplus,aucunjugement,aucune
condamnation n’est préalable à ces suspensions 
: elles ne sont basées que sur des soupçons. Or,
l’essence même du droit français réside dans la
présomption d’innocence. L’article 25 du Code
Pénal stipule qu’une «  déchéance de la nationalité
doit être motivée par la condamnation d’un délit ou d’un
crime constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux
de la nation  », tandis son référé 25-1 signale que
seules les nationalités acquises (et donc non ob-
tenueàlanaissance)sontrévocables.Danscecas
précis, ces confiscations semblent préventives
à un jugement et le terme de déchéance de na-
tionalité semble impropre. Pourtant, le caractère
reconductible de ces mesures peut inquiéter  : les
conditions de confiscation sont détaillées alors
que celles des restitutions restent vagues. Quid
alors de la constitutionnalité de cette loi  ? La
mise en garde à vue pour soupçons d’entreprise
terroristesontréglementéeetnepeuventpasdé-
passer36h.
Alors que Manuel Valls, Premier ministre, an-
noncequ’il« yenauraplus »,lanécessitédedivul-
gationdecesidentitésconfisquéesestincontour-
nable. Enfin, rappelons que la condamnation
systématique d’une population pour ses choix et
ses revendications participe amplement à sa stig-
matisation et sa propre exclusion. Aujourd’hui,
mieux vaut-il prévenir que guérir, surveiller que
punir ?
N.M
Loisanti-terrorisme cachezcesidentitésquejenesauraisvoir
8
CODEX
S
urunéchantillonde414sujetssains,leTruvadaapu
prévenir la contraction du virus chez 86% des par-
ticipants de l’étude Ipergay. Sur les 35 % de volon-
taires qui ont contracté une infection sexuellement
transmissible (IST), seuls 0,94 % du « bras » qui a
reçu le traitement a développé le sida contre 6 %
pour le « bras » sous placebo. Une étude antérieure,
Iprex, réalisée entre 2007 et 2011, avait obtenu des résultats similaires : le
médicamentagiraiten préventiondans44% descas.Lafourchettedeces
résultats montre que l’utilisation du traitement est efficace dans un peu
moins d’un cas sur deux.
L’autorisation de mise sur le marché (AMM), qui autorise la prescription
du Truvada en France, est pour l’instant restreinte au traitement curatif.
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a décidé de le
placer sous le régime des Recommandations temporaires d’utilisation
(RTU) pour sa forme préventive. Les médecins peuvent donc prescrire
le médicament sous surveillance médicale. Les résultats observés lors de
cette phase permettront, ou non, son utilisation en prévention du sida.
L’ANSM devrait rendre sa décision le 14 juillet 2015.
Risques décuplés
Une nouvelle souche du virus (CRF-19) a été découverte chez 52 % des
patients cubains sidéens. Son mode opératoire est inédit : jusqu’alors le
virus avait un mode d’infection mono-site, il ne se fixait que sur une seule
cellule et produisait ensuite ses copies. CRF-19 a abandonné ce premier
ancrage : son mode d’infection est multi-site. Le développement du virus
est donc accéléré et sa période d’incubation, estimée, à 3 ans contre 6 à
10 ans pour les souches plus anciennes. Aussi, la chance de contracter le
virus est décuplée puisque plusieurs infections mono-sites peuvent sévir
en même temps.
La recherche pour la lutte contre le sida évolue globalement mieux qu’à
ses débuts. Aujourd’hui, les traitements stabilisent la charge virale : on
peut rester séropositif plus longtemps sans développer le sida. La charge
destraitementsaégalementdiminuée.Ilya5ans,unequarantainedemé-
dicaments était nécessaire aux soins. Parallèlement, les recherches conti-
nuent pour trouver un vaccin. Enfin, la vie d’un malade est devenue, dans
certains cas, compatible avec un mode de vie normal. Rappelons tout de
même que l’utilisation du préservatif reste le moyen de protection le plus
efficace.
N.M
L’étude Ipergay montre l’efficacité d’un traitement
préventif au VIH grâce au médicament Truvada.
Jusqu’ici utilisé pour tenter de guérir l’infection,
il pourrait dès 2015 être indiqué en prévention.
Tandis que la nouvelle souche CRF-19 du virus
fait son apparition à Cuba, la recherche pour la
lutte contre le sida accumule les succès.
Truvadaversdestraitementspréventifsdusida
9
CODEX
Publicité.
10
CODEX
Le marché de l’automobile chinois se
porte bien. Et même plus que bien.
Si d’une façon générale dans le
monde, les chiffres sont plutôt en berne,
la Chine, elle, a vu son parc automobile
s’agrandir de façon exponentielle depuis
l’année dernière, avec un «  grand bond
en avant  » de 12%. Fin 2014, 264 mil-
lions de véhicules circulaient sur le terri-
toire chinois. Dans certaines métropoles,
comme Shanghai et Pékin, le parc automo-
bile a même atteint les 2 millions d’unités.
En quelques années, la Chine s’est donc
imposée comme le premier marché mon-
dial de l’automobile, et ce, sans surprise.
Car la nouvelle première puissance écono-
mique a vu apparaitre une nouvelle classe
de population, dite «  classe moyenne  »
dont le pouvoir d’achat a augmenté de
manière significative ces dernières années.
L’acquisition d’une voiture reste symbole
d’une certaine aisance sociale. Ainsi à Pé-
kin, on compte désormais 63 véhicules
pour 100 ménages, selon les chiffres du
Comité des Constructeurs Français d’Au-
tomobiles.
Mais cette avancée n’est pas sans consé-
quence. Considérée comme l’un des deux
plus grands pollueurs de la planète, la
Chine a du faire face récemment à plu-
sieurs pics de pollution et les images du
«  smog  » chinois ont choqué la planète.
Le 28 février dernier, un documentaire ré-
alisé par une ancienne présentatrice de la
télévision nationale a remis de l’huile sur
le feu. Intitulé «  Under the Dome - In-
vestigating China’s haze  » (Sous le Dôme
– Enquête sur le brouillard chinois), le
court-métrage met en avant les risques
de la pollution sur la santé, mais aussi
les conflits d’intérêts entre le gouverne-
ment et les entreprises chinoises aux ac-
tivités polluantes. En quelques jours, le
documentaire aurait été visionné plus de
30 millions de fois, témoignant ainsi des
préoccupations de la population chinoise.
Or, qui dit population mécontente dit
gouvernement en danger. Car le contrat
social chinois repose sur un principe
simple : des habitants avec un niveau et
des conditions de vie en baisse devient
vite synonyme d’une baisse de confiance
dans l’action du gouvernement, alors illé-
gitime. À cette première difficulté s’ajoute
pour le gouvernement chinois la pression
internationale pour réduire les émissions
de gaz à effet de serre, mais aussi et sur-
tout l’inexorable diminution des réserves
de pétrole. «  Les autorités chinoises savent que
les ressources pétrolières sont finies et ils voient
déjà plus loin. Ils ont encore du charbon, et n’ont
pas encore exploité le gaz de schiste, ce qu’ils fe-
ront sans doute si cela leur est indispensable.  »
explique Denis Astagneau, président de
l’Association Française de la Presse Auto-
mobile et journaliste spécialiste de l’auto-
mobile à France Inter. Mais aujourd’hui,
c’est vers le marché de l’automobile élec-
trique que se tourne le gouvernement.
Une solution qui sur le papier se vend
bien, mais qui dans les faits, semble plus
difficile à mettre en place.
Les mauvais choix du
gouvernement chinois
Dès 2011, le gouvernement chinois a
amorcé un premier pas vers le véhicule
électrique en demandant aux construc-
teurs locaux de concevoir une petite
voiture de moins de 3000€. Le résultat
avait été une «  voiturette  », allant jusqu’à
50km/h, d’une autonomie maximum de
100km, à l’intérieur spartiate, et inter-
dite de circulation sur les autoroutes et
les grands axes routiers des métropoles.
Mais malgré ce premier échec, le marché
automobile électrique chinois est long-
temps resté la chasse gardée des deux
grands constructeurs nationaux Build
Présentée comme une solution aux questions énergétiques et environnementales,
l’électricité comme nouvelle source d’énergie a su faire rêver. Dans le domaine de
l’automobile, le véhicule électrique est apparu comme une solution miracle. Pourtant
sa mise en place reste laborieuse et ce particulièrement en Chine. L’Empire du
Milieu est-il capable de réorienter son parc automobile? Et surtout, quelles seraient
les conséquences sur le marché économique mondial ?
Nouveau moyen de pression chinois?
Véhiculeélectrique
11
CODEX
Your Dreams (BYD) - qui en détient
55%- et Chery, 39%. « Parmi les voitures
électriques qui circulent en Chine, les
plus utilisées sont les voitures d’origine
chinoise elles-mêmes. Ce ne sont pas les
voitures étrangères, ce n’est pas la Nissan
Leaf, qui est la voiture électrique la plus
vendue à travers le monde.  » insiste De-
nis Astagneau.  «  Une industrie étrangère qui
veut vendre en Chine, sans taxe de 300%, doit
être associée à une entreprise chinoise. C’est le
cas de Nissan_Renault, PSA, qui sont associés
avec Dongfeng, un des deux grands distribu-
teurs chinois. Pour avoir un marché en Chine, il
faut s’associer à un chinois qui détient 51% du
capital.  » A À cette première clause, s’en
ajoute une deuxième, représentative de la
stratégie chinoise dans son ensemble : le
transfert de technologie. En s’implantant
sur le sol chinois, l’entreprise étrangère
s’engage à partager son savoir-faire. En-
fin, les subventions de 60 000 yuans -
soit 7 600 euros- allouées lors de l’achat
d’un véhicule électrique et réservées aux
seuls constructeurs chinois complètent
le tableau.
Ce protectionnisme assumé n’a pas aidé
à la promotion du véhicule électrique.
Car jusqu’à présent, la population s’est
montrée réticente. En 2013, seulement
17 600 véhicules électriques ou hybrides
ont été vendues en Chine. Et la légère
augmentation observée au premier se-
mestre 2014 est loin d’être suffisante
pour atteindre l’objectif des 500 000
véhicules électriques espéré pour 2015.
Pourtant, l’essor du véhicule électrique
fait partie des priorités du gouvernement
chinois et s’inscrit dans le douzième plan
quinquennal du ministère de la science et
de la technologie chinois, pour la période
2011-2015.
La Chine ouvre ses portes
Afin d’atteindre ses objectifs, le gouverne-
ment chinois s’est décidé à modifier de
fond en comble sa politique dans le do-
maine. Dans le courant de l’année 2014,
une série de mesures a été prise : l’ouver-
ture en septembre 2014 du marché aux
constructeurs étrangers, l’harmonisation
des subventions accordées aux véhicules
«  propres  », d’origine chinoise ou étran-
gère et l’exemption de la taxe de 10% du
prix de vente pour l’achat d’un d’entre
eux. Ces mesures, qui marquent un pre-
mier pas du gouvernement, pourraient
éventuellement redonner une chance aux
véhicules électriques sur le sol chinois.
Mais d’autres problèmes restent encore
à régler. Premier écueil, l’offre ne semble
pas correspondre à la demande : les
chinois, friands de berlines, n’avaient que
jusqu’à très récemment accès qu’à de pe-
tits modèles citadins.
Mais l’arrivée sur le marché de voitures
étrangères pourraient peut-être appor-
ter une réponse. L’allemand BMW s’est
d’ores et déjà positionné sur le marché
chinois, avec ses deux modèles électriques
i3 et i8. Ce dernier, type berline corres-
pondant plus aux attentes de la clientèle
chinoise. Mais les constructeurs français
ne sont pas en reste. En 2012, Carlos
Ghosn, président de Renault, annonçait
l’implantation en Chine de la marque. En
2013, naissait Dongfeng Renault Auto-
motive Compagny (DRAC), co-entreprise
chinoise de la marque au losange. Et c’est
dans la ville de Wuhan, sorte de Silicon
Valley asiatique, que l’usine devrait ouvrir
ses portes fin 2015. Au programme pour
le premier semestre 2016, la production
de la Fluence, première voiture électrique
de Renault en Chine, une berline élec-
trique qui correspondrait plus aux at-
tentes chinoises.«  Renault pourra profiter
de tout le réseau Nissan qui est déjà bien
implanté, puisque depuis 2014 Nissan est
En Chine, l’absence d’infrastructure de recharge constitue un véritable frein à l’essor du véhicule électrique © Wikimédia Commons
12
CODEX
lution électrique, et qu’on sera les premiers.
Quand on parlera de moteurs électriques,
on parlera de Renault.  « Pour l’instant, ce
n’est pas un succès, mais ils ont quand même de
vraies voitures toutes électriques. Et même s’ils
perdent de l’argent dessus, ils vont persister.  »
analyse Denis Astagneau. À noter que la
Fluence n’était pas destinée à l’origine au
marché chinois. Prévue pour l’Europe, la
production avait du être arrêtée suite à la
faillite de la société israëlo-américaine Bet-
ter Place, alors partenaire de Renault. Cette
société avait pour ambition de révolution-
ner le parc automobile électrique mondial,
en proposant un système de recharge de
batterie sous la forme d’un réseau de «  sta-
tion-service de l’électrique ». Une idée «  ir-
réalisable  », selon Julien Varin, responsable
de la communication du secteur Energie de
Bolloré, en raison des coûts pharamineux
qui auraient été nécessaires et des difficul-
tés techniques rencontrées pour changer
rapidement les batteries des véhicules.
Aujourd’hui, les interrogations autour des
batteries et des moyens de recharge sont
toujours au coeur du débat. Et en Chine,
c’est même le frein principal au dévelop-
pement du marché du véhicule électrique.
Les batteries, point faible
du véhicule électrique ?
Coût et autonomie. Deux mots qui, à eux
seuls peuvent décider de l’avenir du vé-
hicule électrique. Et ils se concentrent
tous les deux autour d’un élément clé
pour la voiture électrique : la batterie.
Aujourd’hui, deux types de batteries
sont proposés sur le marché : la batte-
rie Lithium-ion, la plus fréquemment
utilisée à l’échelle internationale, et la
batterie Lithium Métal Polymère (LMP)
produite par le groupe français Bolloré.
Cinq critères permettent de juger de leur
efficacité : l’intensité énergétique, l’inten-
sité de puissance, le cycle de vie, la sécu-
rité et le coût.
Pour Julien Varin, responsable de la
communication Bluecar chez Bolloré, la
batterie LMP répond déjà à la plupart de
ces critères «  La batteries LMP Bolloré a
trois avantages. Elle offre une plus grande sé-
curité, et peut supporter des températures allant
de -30° à 180°. Leur autonomie est également
supérieure à celle des batteries litihum-ion,
puisqu’on parle de 250 à 300 km d’autonomie.
Enfin, et c’est le plus important, la durée de
vie supérieure à 3000 cycles de charge est bien
plus longue que celle des batteries lithium-ion.
Si vous deviez changer la batterie de votre télé-
phone portable une fois par an, ce ne serait pas
très grave. En revanche, dans le cas d’une bat-
terie de voiture, le coût ne serait pas le même.  »
Mais en Chine, la batterie LMP fait en-
core figure d’exception et un véritable
fossé technologique la sépare des batte-
ries Lithium-ion, utilisées sur le marché
asiatique. Un rapport du Ministère des
Affaires Etrangères et du Développe-
ment International met en évidence les
failles des batteries chinoises : le système
de gestion de la batterie, incluant notam-
ment le système de contrôle de la tem-
pérature, le système de commande de la
charge et le système de sécurité sont loin
d’être satisfaisants et ne peuvent donc
répondre à la demande.
À ces points techniques s’ajoute une
contrainte de taille, primordiale pour le
consommateur : le coût. «  Pour l’instant la
population ne s’intéresse pas à l’électrique parce
que c’est cher, surtout à cause des batteries.
Même si les chinois sont les premiers producteurs
de batteries au monde –tout modèle confondus-,
une batterie de voiture revient encore trop cher.
Il ne s’agit pas d’une batterie de 12 Volts, c’est
Le groupe français Bolloré a développé un système de bus électriques au sein des universités d’Abidjan © Jonas Ehouman
13
CODEX
beaucoup plus important et donc le prix est élevé.
Et pour l’instant, les consommateurs chinois
regardent le prix, évidemment.  » explique
Denis Astagneau. Aujourd’hui, le prix
de la batterie représente environ le tiers
du coût total du véhicule. Ainsi, pour
rendre attractif les véhicules électriques,
en Chine mais aussi à l’échelle mondiale,
il faudrait parvenir à faire baisser les
coûts de production des batteries,
particulièrement onéreuses. «  Il faut qu’il
y ait d’importants investissements en recherche
pour alléger le prix des batteries.» explique
Jean-Pierre Genêt, journaliste à L’Argus.
«  Et puis aussi - et c’est fondamental - il
faut que les gains d’échelle soient importants,
ce qui veut dire qu’il faut que les volumes de
production soient suffisants pour faire en sorte
que le prix unitaire des véhicules soit baissé.  »
Des volumes de production importants
généreraient des économies d’échelle,
suffisantes pour abaisser les coûts et
rendre le moteur électrique compétitif.
«   Pour les distributeurs chinois comme
Dongfeng, l’électrique n’est pas une priorité.
Ce qui les intéresse, c’est le volume. Mais si le
gouvernement chinois veut que ses constructeurs
fassent de l’électrique, ils feront de l’électrique.
C’est un marché libéral, mais avec une forte
propension autoritaire du gouvernement.  »
précise Denis Astagneau. Si l’on ajoute
à ce facteur une éventuelle mesure
protectionniste que ne manquerait pas de
prendre le gouvernement chinois pour
lutter contre la pollution, et un passage
à la solution de batterie LMP, viable sur
le long terme, et envisagé par le groupe
Bolloré qui s’est dit «  intéressé par le marché
chinois  »,  le marché de automobile aurait
achevé sa révolution copernicienne.
La solution électrique,
envers et contre tout ?
En pleine interrogation sur l’avenir de
l’industrie pétrolière, l’électrique avait à
ses début fait figure de solution miracle
- sauf pour les Etats-Unis, bien évidem-
ment. Aujourd’hui encore, malgré des
débuts difficiles, les gouvernements pro-
meuvent encore les véhicules électriques.
En France, la ministre de l’Ecologie Ségo-
lène Royal a récemment annoncé le retour
des «  pastilles vertes  » à apposer sur les
véhicules «  propres  », mais aussi le ren-
forcement des aides pouvant aller jusqu’à
10 000 euros pour l’achat d’un de ces vé-
hicules, sous condition bien sûr. Mais si
en France la question écologique relève
plus d’une volonté politique et d’un souci
de l’avenir, le gouvernement chinois, lui,
a été mis au pied du mur, piégé par son
propre contrat social. Car la population,
de plus en plus sensible à la question de
pollution de l’air, pourrait remettre en
cause l’action du gouvernement, à moins
que ce dernier ne se décide à agir vite. Et
le virage vers l’électrique pourrait être une
réponse, à condition que soient réglées
les questions de batteries, de coût et de
bornes de recharge…
Parmi les problèmes du véhicule élec-
trique, se pose la question du recyclage
des batteries. Les écologistes pointent au-
jourd’hui du doigt leur fabrication, qu’ils
considèrent comme polluante, et plus en-
core leur recyclage, qui serait difficile. Là
encore, le groupe Bolloré se distingue  : « 
Quand les écologistes nous disent que les voitures
électriques sont plus polluantes que les voitures
thermiques, c’est grotesque. Dire que toutes les
batteries électriques sont polluantes, c’est un
gros raccourci. Dans nos batteries LMP, il n’y
a ni métaux lourds, ni solvants, elles sont à
Les pics de pollution dans les métropoles chinoises obligent à des mesures sanitaires ©Virginie Garin
Aujourd’hui,leprixdelabatteriereprésente
environletiersducoûttotalduvéhicule.
14
CODEX
99% recyclables.  ». En Chine, cependant,
ce n’est pas tant la question du recyclage
des batteries qui inquiéte que celle de
leur recharge. Peu présentes - voire qua-
si inexistantes- sur le territoire chinois,
les bornes de recharge sont un véri-
table frein à la promotion du véhicule
électrique. Pour pallier à ce manque,
l’agence Bloomberg avait annoncé en
2014 un projet gouvernemental chinois
d’un montant de 16 milliards de dollars,
destinés à intensifier le réseau.
Depuis des décennies, le charbon est la
principale source d’énergie de l’Empire
du Milieu. Mais aujourd’hui, la pollu-
tion qu’il génère dérange. Il faut donc
rapidement se tourner vers une autre
source d’énergie, propre cette fois-ci.
Pour les chinois, ce renouveau passe par
le développement du nucléaire, qui fait
pourtant débat ailleurs. En France par
exemple, le groupe Bolloré en reven-
dique l’utilisation, tout en la nuançant :
« L’électricité utilisée dans nos batteries est
d’origine éolienne, hydrogène et aussi nucléaire.
Nous avons la chance en France d’avoir misé
sur l’énergie nucléaire, il faut s’en servir.
C’est une source d’’énergie importante qui est
à notre disposition pour pas cher. » Dans le
cas de la Chine, l’utilisation du nucléaire
pourrait effectivement réduire les émis-
sions polluantes… à condition que les
normes de sécurité soient respectées.
Et pour l’instant, rien ne garantit que
le gouvernement chinois réussira à les
faire appliquer. Car dans le domaine de
l’énergie, la Chine doit encore faire ses
preuves. Les nombreuses polémiques
autour du barrages des Trois-Gorges,
considéré comme un échec économique
et environnemental par certains et à
propos duquel Pékin lui-même connait
quelques failles, ont rendu légitime la
question. Le gouvernement chinois
est-il prêt à gérer l’industrie nucléaire,
dont les conséquences en cas d’accident
pourraient prendre une ampleur inima-
ginable ?
Pourtant, malgré toutes ces interroga-
tions et variables, la simple éventualité
d’une réorientation du parc automo-
bile chinois a de quoi faire frémir le
monde entier. Premier marché automo-
bile mondial, la Chine pèse lourd dans
l’économie des pays producteurs de pé-
trole. Pire encore, un engouement vé-
ritable de la population chinoise pour-
rait faire basculer le marché mondial,
car les constructeurs qui fonctionnent
sur une logique d’économie d’échelle,
pourraient favoriser le marché de l’élec-
trique au détriment de celui du pétrole.
«  L’électrique ne va pas tout remplacer mais
évidemment, si tout d’un coup la demande de
pétrole chute, les pays producteurs vont en pâ-
tir(…) Si la Chine abandonne, il y aura un
trou. Et puis après la Chine, l’Europe. C’est
une sorte d’effet domino.  » décrypte Denis
Astagneau.
Le sort du marché automobile et de
l’économie pétrolière serait-il entre
le mains des chinois? Dans un avenir
proche, la question ne se pose pas. Mais
dans le cas de la Chine, la question de la
temporalité est à repenser. En lançant
aujourd’hui des mesures destinées à
favoriser l’essor de l’électrique, le gou-
vernement chinois parie sur un futur
«   proche  » d’une trentaine d’années.
Les magnants du pétrole devraient-ils
commencer à considérer la question
d’un œil nouveau ?
Jade Toussay
Le barrage des Trois-Gorges, censé favoriser la production d’hydroélectricité, est considéré comme un échec sur le plan environnemental et humain. © Harvey Mead
15
CODEX
Publicité.
16
CODEX
Dans plusieurs communes de France, les hôpitaux sentent monter la fièvre. Entre le rattrapage
des réductions du temps de travail (RTT) pour certains et celui des emprunts toxiques pour
d’autres, les administrateurs hospitaliers peinent à garder la forme. À cela s’ajoute les mots « 
déficit  », «  investissements  » ou encore «  objectifs budgétaires  ». L’entreprise médicale
est en crise... et les Français, eux aussi, se font porter pâles  : moins de médecins de ville de
secteur 1, moins de moyens, moins de lits. En France, la mauvaise santé des établissement
hospitaliersestaujourd’huiàdoubletranchant.Leservicehospitaliernetiendraitplusl’équilibre
entre aspects économique et humain. «  L’hôpital est un établissement public où les malades
ont leur maux à dire  », disait Serge Mirjean...Aussi bien sur les feuilles de soins que les
rapports d’activité.
dossier de Sélène Agapé
Hopitaux français :
S.O.S Santé en
danger
17
CODEX
«  Emprunts toxiques  », «  dettes pourries  », les
appellations sont nombreuses pour qualifier
le poison qui parasite les dettes des hôpitaux
publics français. Pourtant, ils ne sont pas in-
connus du grand public… et du gouverne-
ment français. En 2008, en pleine crise des
subprimes et post-municipales, la France
découvre que des milliers de communes
françaises sont touchées par les emprunts
toxiques. Les malheureux nouveaux maires
s’aperçoivent que leurs prédécesseurs ont
contracté ces emprunts sous forme de pro-
duit structuré qui évolue selon la fluctuation
des marchés financiers. Les crédits finan-
ciers risqués concernent 5 500 communes
– qui n’ont pas toujours été très attentives
et conscientes des conséquences – dont le
montant des dettes et des taux d’emprunts
est au bord de l’implosion. Du côté des
créanciers, on pointe du doigt des banques
peu scrupuleuses dont une qui représente les
deux tiers du marché des emprunts toxiques
des communes : Dexia. Cette banque fran-
co-belge-luxembourgeoise, ex-Crédit local
de France, aurait vendu à près de 5 000 col-
lectivités locales françaises 12 milliards d’eu-
ros de crédits structurés ou spéculatifs. Six
ans après le scandale, feu Dexia – démantelé
en 2012 – serait responsable du péril de 53
communes françaises. Cette affaire est une
illustration des dérives de la finance inter-
nationale… qui n’aura pas pourtant servi
de leçon à toutes les entités administratives
et gouvernementales, puisqu’aujourd’hui
ce sont les hôpitaux français qui sont pris
dans la tourmente. Et après les élus, ce sont
les administrateurs hospitaliers qui appa-
raissent comme les nouveaux «  pigeons  »
des opérations financières empoisonnées.
Le mot d’ordre  :
« investissement  » 
«  Dès 2009, nous – la fédération CFDT santé
sociaux – avons abordé le problème des emprunts
avec Annie Podeur qui était la directrice de l’organi-
sation et de l’offre de soins (DGOS) au ministère de
la Santé de l’époque. Il nous avait été dit de ne pas
nous inquiéter car très peu d’établissements étaient
concernés et qu’en cas de problème tout serait résolu
rapidement. Au fil des années, nous nous sommes
aperçus que c’était un leurre, se désole Dominique
Coiffard, secrétaire national CFDT santé sociaux.
De plus, un hôpital n’est aujourd’hui compétitif
que s’il investit.  » Les premiers rouages de
l’engrenage toxique se mettent en place dès
mai 2005 avec le futur Plan hôpital 2007. Un
ensemble de mesures pour lever  «  les freins
qui pèsent sur les hôpitaux  » mais aussi en fi-
ligrane pour pallier au sous-investissement
hospitalier. En octobre 2007, le président
de la République, Nicolas Sarkozy prend le
dossier à bras le corps et confie au sénateur
des Yvelines, Gérard Larcher, la mission de
mener à bien une concertation sur les mis-
sions de l’hôpital. Six mois après le chan-
tier, le sénateur rend son rapport et dévoile
une série de recommandations comme la
transformation du conseil d’administration
en conseil de surveillance, la modernisation
du statut de l’hôpital public mais surtout le
renforcement des pouvoirs des directeurs
d’hôpitaux. Le 22 octobre 2008, l’ensemble
des propositions est présenté sous la forme
de la loi Hôpital, patients, santé, territoire
(HSPT) en Conseil des ministres pour af-
finer les missions de l’hôpital et étudier les
modes d’administration. Le 21 juillet 2009,
la réforme de l’hôpital est adoptée et les di-
recteurs d’hôpitaux sont désignés comme
grands gagnants. Ils ravissent l’essentiel des
pouvoirs du conseil d’administration et dé-
sormais gèrent, entre autre, la politique gé-
nérale de l’hôpital, les dépenses et recettes
et les pôles d’activités de la structure. Du
côté du corps médical, certains ne cachent
pas leur crainte que les directeurs d’hôpitaux
se lancent dans une recherche de résultats
économiques, au détriment de probléma-
tiques médicales et de conséquences non
anticipées. «  Les fameuses mesures de 2007 puis
2012, prises par le gouvernement ont permis un in-
vestissement fort. C’est à ce moment que des banques
sont entrées en scène pour faire des propositions aux
hôpitaux, qui se sont engouffrés dans ces offres  »,
explique Dominique Coiffard. À l’instar
des maires, ils ont fait le choix de l’emprunt
pour pallier la baisse de régime des hôpitaux
et endiguer le sous-investissement, en fai-
sant fi des primes de risques à l’avenir.
15janvier2015,c’estlapaniquedansleshôpitauxfrançais.Lefrancsuisseestlibre…Libre
de s’échanger à sa guise contre l’euro. Ce qui coûte cher aux établissements hospitaliers.
Déjà englués dans leurs emprunts, ces derniers n’en finissent plus de s’enfoncer avec
des dettes qui flambent d’heures en heures. À qui la faute  ? Hôpitaux, créanciers,
gouvernements… Peu importe, dans cet horizon médical aux portes de la suffocation.
Emprunts toxiques
Hôpitaux publics à
bout de souffle
18
CODEX
Le rappel du 15 janvier
Les banques n’en finissent pas de mener la
vie dure aux établissements français. Le 15
janvier 2015, la Banque centrale suisse décide
de lâcher du lest sur sa monnaie. Le franc
suisse, libre de tout seuil d’appréciation par
rapport aux autres monnaies, grimpe face à
l’euro et le dollar, allant jusqu’à 20%. Un el-
dorado monétaire qui n’est pas au goût des
titulaires de prêts en euro-franc suisse et dol-
lar-franc suisse comme les hôpitaux français.
«  Nous avons au total 1,5  milliard d’euros d’em-
prunts toxiques. Pour solder ces produits structurés,
les conditions de sortie sont si draconiennes qu’il fau-
drait débourser du jour au lendemain le double, soit
3  milliards d’euros. Et voilà maintenant qu’on nous
rajoute 500  millions à payer !  », rapporte Frédé-
ric Valletoux, président de la Fédération Hos-
pitalière de France (FHF), à la rédaction des
Echos.fr. Le coup de poker helvétique a fait
monter les enchères qui sont passées de 730
millions à 1,2 milliard d’euros d’emprunts
toxiques. Ce qui n’améliore pas le jeu des
établissements publics de santé (EPS) dont
la dette globale pèse déjà 30 milliards d’eu-
ros. Selon le rapport de la Cour des comptes
pour la MECSS  «  La dette des établissements
publics de santé  »,  publié en avril 2014, en dix
ans, celle-ci, à moyen et long terme, a triplé pour at-
teindre 29,3 milliards d’euros fin 2012, soit 1,4%
du PIB. Le compte-rendu dénonce l’origine
cette «  progression spéculaire  » dans la «  politique
de soutien à l’investissement privilégiant le finance-
ment par l’endettement  » mais aussi à cause de
«  la vision exagérément optimiste de l’accroissement
de l’activité des établissements publics  » des ges-
tionnaires hospitaliers. «  Nous n’avons pas pris
assez tôt la mesure des risques  », tranche le Pr
Bernard Granger, du mouvement de défense
l’hôpital public (MDHP). Un avis que par-
tage Dominique Coiffard, «  puisqu’au-delà des
fameux emprunts toxiques, il y a un certain nombre
d’hôpitaux qui se trouvent en déficit budgétaire depuis
des années.  » Outre, une responsabilité diluée,
ce sont les dispositifs d’alerte qui ont peiné à
se mettre en place. Le réseau d’alerte des EPS
ne date que du 10 février 2010 et n’attribue
seulement qu’une note aux établissements
selon les niveaux du déficit, d’exploitation,
de la capacité d’autofinancement brute, de
la couverture des remboursements en capital
de dette et de l’encours de la dette rapporté
aux produits d’exploitations. Dans cette pers-
pective de désendettement, l’Etat a adopté
le 14 décembre 2011 un décret «  relatifs aux
limites et réserves du recours à l’emprunt par les éta-
blissements publics de santé  ». Désormais, pour
recourir à un emprunt, un directeur d’hôpital
doit saisir le directeur général de l’ARS, qui
consultera le directeur des finances publiques
avant de prendre une décision. De plus, la
création de comités régionaux de veille sur
la trésorerie des établissements publics de
santé est ratifiée le 14 septembre 2012. Pour
compléter le dispositif de contrôle, le 5 juin
2013 est crée un comité interministériel de la
performance et de l’offre de soin (COPER-
MO). Il assure le suivi financier prioritaire
des établissements sélectionnés par les indi-
cateurs des autres dispositifs d’alerte. Le 23
avril 2014, le ministère de la Santé posait de
premières réflexions sur l’augmentation du
fonds de soutien dédié aux hôpitaux – doté
de 100 millions sur 3 ans – , permettant de
les soutenir à réduire le taux de leur encours
de dettes. En réponse à l’affaire du 15 janvier
et l’appel à l’aide lancé par les représentants
du monde hospitaliers, la ministre de la San-
té, Marisol Tourraine a annoncé une rallonge
de 300 millions du fonds sur 10 ans. «  Ces
dernières semaines, nous avons commencé à faire re-
monter les dossiers via les Agences régionales de santé.
Les hôpitaux vont entrer dans le dispositif comme
prévu cette année, il y en aura des dizaines, peut-être
50, 70, 80… Ils seront aidés pour payer les intérêts,
mais aussi le coût de sortie de l’emprunt  », précise
la ministre dans un entretien aux Echos. Une
assistance qui pourrait peut-être dissuader
les établissements hospitaliers de s’engager
dans des poursuites judiciaires à l’égard de
leurs créanciers empoissonnés, à l’instar des
collectivités.
Sélène AGAPÉ
La flambée du franc suisse n’a pas épargné les hôpitaux dont le CHU de Saint-Etienne, l’un des hôpitaux les plus endettés de France. ©DR
19
CODEX
Publicité.
20
CODEX
La paupérisation rapide de l’Assistance Publique des
Hôpitaux de Paris a conduit à la fermeture des urgences
de l’Hôtel-Dieu, à une mobilisation des étudiants
infirmiers et à des grèves de médecins. La tension
croît depuis plusieurs mois dans les établissements de
l’AP-HP, où certains secteurs atteignent les limites de
la tension. Si les établissements parisiens ont toujours
bonne réputation, les économies de fonctionnement
deviennent trop contraignantes pour assurer un service
de soins satisfaisant. Entretien avec le professeur
Bernard Granger, directeur du service de psychiatrie
de l’hôpital Tarnier et membre actif du mouvement de
défense de l’hôpital public (MDHP).
« L’AP-HP n’est pas
une entreprise »
Le 10 juin 2014, l’AP-
HP a présenté son plan
de « stratégie globale
d’amélioration des
Urgences », pensez-vous
qu’il pourra améliorer
la gestion de ce service
souvent décrié ?
Je ne suis pas un spécialiste des Urgences
mais on a beaucoup insisté sur le délai
d’attente. C’est facile à mesurer. Mais les gens
ne vont pas aux Urgences pour attendre, ils
s’y rendent pour être bien soignés. Or, on ne
mesure pas bien cet aspect. Je pense qu’il faut
Le 5 mars dernier, l’AP-HP a annoncé une légère aggravation de son déficit autour de 10 millions d’euros pour un budget de près de 7 milliards d’euros.   © DR
21
CODEX
surtout insister sur la qualité des soins qui
sont donnés aux Urgences.
Le problème des Urgences est très complexe
: il y a ce qui se passe en amont et ce qui passe
en aval. En amont, c’est le fait que beaucoup
de passages aux Urgences pourraient être
évités si la médecine de ville était organisée
différemment. En aval, il y a toute la
problématique de la suppression de lits, pour
des raisons économiques principalement.
Dans ma discipline – la psychiatrie – plus de
la moitié des lits a été supprimée depuis les
années80.Danscertainsservices,notamment
dans les hôpitaux de secteur, les médecins ont
des difficultés à hospitaliser leurs patients. Ils
les font sortir trop vite pour faire de la place.
La baisse du nombre de lits parfois se justifie,
il y a par exemple des bilans qui sont faits en
hôpital de semaine qui pourraient être faits
en ambulatoire. Inversement, il faudrait qu’il
y ait un parc de lits modulables pour faire
face au pic. Regardez l’exemple récent avec la
grippe, on a du décommander des opérations
au profit d’hospitalisations.
Parmi les problèmes de
l’AP-HP, on cite souvent le
rattrapage des réductions
du temps de travail (RTT),
qu’en est-il ?
Les 35h appliquées à l’hôpital ont été un
facteur de désorganisation considérable parce
qu’elles ont été mises en œuvre de façon très
rapide sans prévoir toutes les conséquences
et dans un domaine où l’on travaille 24h/24.
La compensation qui a été donnée en RTT
provoque des complications extrêmes car
soit les RTT ne sont pas pris et sont mis dans
un compte épargne temps dans le but d’être
payés, ce qui coûte cher, soit ils sont pris et il
faut jongler avec les effectifs présents. C’est
pour le personnel une source de souffrance
au travail car pour combler un trou on doit
changer quelqu’un de service. On parle sans
arrêt de polyvalence et de flexibilité mais elles
ne sont pas réelles dans les faits. D’autant plus
que les soins sont de plus en plus techniques.
Un infirmier de diabétologie ne va pas être
aussi performant dans un service de chirurgie
où les soins n’ont rien à voir. Or pour des
raisons d’économie, on a quand même
beaucoup supprimé de postes en jouant sur
cette polyvalence.
La réduction du déficit
de l’AP-HP serait de 20
millions d’euros en 2013.
Comment et à quel
prix ?
Il y a eu énormément de sup-
pressiondepersonnels.Ilyaune
dette assez importante à l’AP-
HP. Heureusement, il n’y a pas
d’emprunts toxiques. C’est vrai
qu’il faut que les finances soient
tenues mais en regard, il faut en-
visager les conséquences. On ne
peut pas vouloir supprimer un
certain nombre de personnels
soignants et vouloir soigner plus
de personnes. La contradiction
principale, c’est que ce n’est pas
l’AP-HP qui fixe ses tarifs, ils
sont fixés à l’échelle nationale,
selon une enveloppe globale.
Cette année, il va y avoir une
réduction des tarifs pour que
l’objectif national des dépenses
d’assurance maladie (ONDAM)
soit respecté, et donc envisager
les déficits sans essayer de com-
prendre les mécanismes budgé-
taires, c’est un peu trop rapide.
L’AP-HP n’est pas une entreprise.
Onnepeutpasmettreleshôpitaux
en concurrence. Il y a une large dif-
férence entre les hôpitaux et les en-
treprises.Leshôpitauxdépendentdel’ARS.Ils
ont une autonomie très faible et ne fixent pas
leurs prix. Demain, ils ne seront jamais mis en
faillite, ils seront toujours secourus par l’Etat
s’ils ont de trop gros problèmes financiers, ils
ont des missions de service public. Appliquer
la mentalité d’une entreprise privée à l’hôpital
public c’est une absurdité. On se focalise sur
les déficits mais ils sont surtout provoqués par
les enveloppes globales, la politique nationale.
Certes il y a aussi des gaspillages et probable-
ment une bureaucratie trop envahissante au
niveau de l’AP-HP, mais justement rien n’a été
fait dans ce domaine.
Comment se portent les
hôpitaux parisiens
aujourd’hui ?
L’image de l’AP-HP auprès du public reste
plutôt bonne. Je pense que les conditions
de travail y sont de plus en plus difficiles.
D’ailleurs, il y a beaucoup de gens qui
quittent l’Assistance Publique. Je pense que
la qualité des soins n’est pas toujours au
rendez-vous malgré l’immense dévouement
des personnels soignants, en particulier
les aides-soignants, les infirmiers. Tout cet
aspect est d’ailleurs insuffisamment valorisé.
Il y a tout un aspect humain qui est capital
pour ce que vivent les patients qui nous
font confiance tous les jours. On a le nez
fixé sur des chiffres alors que le caractère
humain ne se mesure pas. À mes yeux c’est
tout aussi important. La visibilité à terme
est tout aussi réduite parce qu’il faudrait
moderniser les hôpitaux qui sont vétustes. Il
y a également d’immenses besoins en terme
d’équipements qui ne sont pas satisfaits à
cause des contraintes budgétaires, liées au
manque d’investissement criant. Ceux qui
sont attachés à une médecine de pointe
trouvent que dans certains domaines, l’AP-
HP n’est plus au niveau. Les radiologues, par
exemple, se plaignent beaucoup de ne pas
avoir les équipements les plus performants.
Etant donné que globalement les besoins
augmentent en raison des progrès de la
médecineetduvieillissementdelapopulation
et qu’en face le pays n’a plus les moyens de
mettre autant d’argent, il y a un décalage
qui se produit inévitablement. Même si en
France nous n’avons pas un mauvais système
de santé.
Sélène AGAPÉ
Le 13 mars prochain, le Mouvement de défense de l’hôpital public
(MDHP) dont fait Bernard Granger, célèbre ses 6 ans. ©DR
22
CODEX
Un congrès
de congr
23
CODEX
s PS aux airs
rès UNEF
Un congrès du PS durant une présidence socialiste est toujours un exercice périlleux. En
2008, celui de Reims s’était achevé dans les larmes de Ségolène Royal. Sept ans plus
tard, les socialistes redoutent « un nouveau congrès de Rennes » (1990) au cours duquel
LaurentFabiusetLionelJospins’étaientaffrontéssansvainqueur.Lecongrèsdemi-mandat
doit définir la ligne politique à tenir pour espérer se faire réélire à la prochaine échéance
présidentielle. Or, lorsque toute une aile du parti fronde déjà à l’Assemblée, au point de
forcer le Gouvernement à engager sa confiance pour faire voter une loi, rien ne va plus.
24
CODEX
De son long passage à l’Union Na-
tional des Etudiants de France
(UNEF), Jean-Christophe Cam-
badélis a laissé à certains le souvenir d’un
homme de consensus. Robi Morder, ancien
membre du Bureau national de l’UNEF le
décrit comme un homme « voulant maintenir
tout le monde ensemble », quitte à utiliser des
«  manœuvres  ». François Sabado, ancien
dirigeant de la LCR, chargé au Bureau Po-
litique des questions de jeunesse parle plu-
tôt de «  certaines méthodes  ». Et elles n’ont
pas manqué: « fausses cartes, menaces physiques,
résultats trafiqués  » avec des ajouts de vote
d’étudiants africains ou la pratique du « vote
polonais » (vote bloqué). Des pratiques qui
ne sont pas sans rappeler celles de certaines
fédérations du PS, notamment dans les
Bouches-du-Rhône. 
Au congrès du PS de Poitiers, « Camba »
retrouvera d’autres anciens de l’UNEF aux
caractères «  plus clivant  ». D’autant que
l’UNEF est actuellement représentée au
cœur du pouvoir en la personne de Bruno
Le Roux et Jean-Marie Le Guen. C’est aus-
si le cas de Manuel Valls, Premier ministre
et ancien chef de fil des jeunes rocardiens
qui a rejoint avec Alain Bauer et Stéphane
Fouks (qui deviendront respectivement pa-
tron d’Euro-RSCG et dirigeant du Grand
Orient de France). L’UNEF-ID (Indé-
pendante et Démocratique) se réunifie en
1980. Benoît Hamon est également arrivé
après les grandes batailles de 1986. Mais ces
hommes, selon Robi Morder, n’ont jamais
eu « qu’une carte de l’UNEF ». Pour lui, « cela
fait partie de l’ordinaire d’adhérer à des organi-
sations syndicales ou politiques, dans certains mi-
lieux ». Pour le sociologue, Valls et Hamon
avaient d’abord « un engagement politique avant
d’avoir un engagement syndical. Ce qui les inté-
ressait était d’avoir les mains dans le cambouis. »
Il poursuit : « Pour être recruté dans un cabinet
ministériel ou pour monter dans  l’organigramme
du PS, il y a deux solutions : sortir d’une grande
école ou venir d’un mouvement jeune, comme le MJS
(Mouvement des Jeunes Socialistes), SOS Racisme,
et l’UNEF. ».
En juin prochain, deux visions vont s’af-
fronter en Juin au congrès de Poitiers: d’une
part, celle du premier secrétaire qui tente
actuellement de rassembler autour une mo-
tion large. De là, lui vient aussi son surnom
de « président Wilson », à l’image du pré-
sident américain qui essaya de réconcilier
l’Europe de l’après-première Guerre mon-
diale. D’autre part, il faudra compter sur
l’aile gauche, divisée, dont les leaders sont
souvent issus de la jeune garde du PS, exfil-
trés des mouvements jeunes et notamment
de l’UNEF d’abord par Henri Emmanuel-
li puis par Benoît Hamon. Ces « rebelles »
qui forment aujourd’hui l’aile gauche du
PS sont bien décidés à se faire entendre.
Une attitude qui n’est pas sans rappeler le
congrès de Dijon (2003) à la fin duquel les
dissidents étaient rentrés dans le rang à la
promesse d’une meilleure représentation
dans le parti.
Le 77è congrès du Parti socialiste (PS) se tiendra à Poitiers du 5 au 7 juin 2015, sous la présidence
de Jean-Christophe Cambadélis. Face à lui, le premier secrétaire retrouvera plusieurs anciens
cadres de l’UNEF-ID, qui ont fait carrière au PS. Les mêmes qui militaient dans le premier syndicat
étudiant lorsque « Camba » en était président de 1980 à 1984.
Le Congrès de la réunification de l’UNEF en 1980
©DR
25
CODEX
La méthode Cambadélis
Robi Morder raconte qu’en 1980 : «Cambadé-
lis arrive, et il prend au coin d’une table un papier de
carré de sucre sur lequel il écrit la formule magique :
4 mitterrandistes, 3 rocardiens et 2 CCA  (comi-
tés communistes pour l’autogestion). Avec cela, il y
avait 5 autogestionnaires contre les 4 autres. Mais
encore ces 5 personnes devaient-elles réussir à s’en-
tendre. » Selon Robi Morder, l’Histoire et les
mémoires retiennent une autre histoire de
la réunification de l’UNEF, qui se serait dé-
roulée sans problèmes. Pourtant, « ce n’était
pas gagné et cela aurait pu échouer. Camba savait
aussi élever la voix quand cela devenait nécessaire. »
Mais la force de Jean-Christophe Camba-
délis est surtout d’avoir réussi à fédérer au
sein de l’UNEF-ID en 1980, l’UNEF-US
(trotskystes-lambertistes) et sa tendance
reconstruction syndicale, et le MAS (LCR)
et sa tendance syndicaliste autogestionnaire.
C’est lui encore qui réussit à faire évoluer les
relations entre le PS et les CCA (Comités
communistes autogestionnaires).
Outre les différences de positionnement
par rapport à la Quatrième Internationale,
l’opposition des lambertistes et des révo-
lutionnaires est alors très nette. François
Sabado, qui fréquentait les responsables
d’aujourd’hui, parle d’ailleurs d’une «  pro-
fonde méfiance » de la LCR vis-à-vis de l’OCI
(Organisation Communiste internationa-
liste) qui voudrait la détruire et l’absorber.
Robi Morder résume ainsi : « Si on se disait
trotskyste, tout allait bien mais si on se réclamait
de la Quatrième internationale, on croyait que vous
étiez anti-lambertiste. »
Pour Cambadélis, la parole donnée ne vaut
pas un engagement écrit. Combien de fois
n’a-t-il pas sorti de sa poche des documents
signés sur le coin d’une nappe en papier, ex-
plique Robi Morder. C’est aussi cela qui lui
permet d’éteindre des conflits avant qu’ils
ne s’embrasent trop. Comme dans l’affaire
du règlement intérieur du Bureau National
que certains commençaient à vouloir re-
mettre en cause après sa signature. Dans le
même temps, Cambadélis, comme nombre
d’autres futurs socialistes, ne semble pas
vraiment s’intéresser au fond des textes.
La priorité, c’est l’instauration d’un accord.
L’ancien cadre étudiant va même plus loin
dans ses propos. « Les futurs socialistes se
foutaient des textes ». Ainsi, la tendance au-
togestionnaire avait émis des avis de modifi-
cations sur certains textes, que « Camba » a
pris en compte sans aucune discussion.
C’est donc à un difficile numéro d’équili-
briste que s’est livré Jean-Christophe Cam-
badélis pendant six ans, d’abord à la prési-
dence de l’UNEF-US de 1978 à 1980 puis
à la présidence de l’UNEF-ID de 1980 à
1984. Un spectacle qui s’est également fait
au détriment des trotskystes de l’OCI qui
« représentaient 80 % des militants mais n’étaient
représentés qu’à 60 % », qui perdront la ma-
jorité voire ne survivront pas au départ de
leur chef Jean-Christophe Cambadélis pour
le PS début 1986.
L’UNEF, lieu d’affrontement
des gauches
Avant 1972 et le programme commun
d’union de la gauche, les socialistes (divi-
sés en rocardiens et mitterrandiens) sont
largement minoritaires et dépassés en
nombre par les trotskystes et les commu-
nistes staliniens. En 1971, les rocardiens
sont majoritaires au Bureau national grâce
à l’appui des maoïstes mais ils perdent le
pouvoir à la suite de l’alliance des mit-
terrandistes, des trotskystes et des commu-
nistes. À partir de là, l’UNEF se divise car
les communistes quittent le syndicat pour
fonder l’UNEF-Renouveau. Tandis que les
autres courants se réorganisent au sein de
l’UNEF-US à majorité lambertiste.
Mitterrand tente alors de s’imposer en
1975 au sein de l’UNEF-US grâce au CO-
SEF (Comité pour l’organisation d’un syn-
dicat étudiant de France) dirigé par Édith
Cresson puis par Jean-Marie Le Guen,
président du MJS – Mouvement des jeunes
socialistes. A l’époque, Michel Rocard en-
voyait ses pions tant à l’UNEF-US qu’au
MAS (Mouvement d’action syndicale) où
la LCR devint majoritaire. Ce fut finale-
ment un échec pour les deux hommes en
1979, deux ans avant la nomination du
candidat PS à l’élection présidentielle. Mais
tous deux avaient compris, qu’avec l’abais-
sement du droit de vote en 1974, ils gagne-
raient l’élection.
Vainqueur du 10 mai, Mitterrand a ensuite
besoin de soutien chez les jeunes, au dé-
triment du Parti communiste. Le président
entreprend alors des rapprochements
de plus en plus prégnants avec l’UNEF
par l’entremise et la négociation de Jean-
Louis Bianco, de Pierre Bérégovoy, de
Jacques Attali, de Lionel Jospin mais aussi
de Pierre Lambert. Mais à partir de 1984,
c’est Cambadélis et Stora eux-mêmes qui
se rendent au palais présidentiel pour né-
gocier, en passant par l’intermédiaire du
Jean-Christophe Cambadélis, président de l’UNEF-ID de 1980 à 1984
©INA
« Ce n’était pas gagné et cela aurait pu
échouer. Camba savait aussi élever la voix
quand cela devenait nécessaire. »
26
CODEX
secrétaire général de l’Élysée, Jean-Louis
Bianco. De fait, le futur ralliement des
cadres de l’UNEF au PS ne semble plus
faire de doute. «Cela se dessinait naturelle-
ment» confie Philippe Darriulat, président
de l’UNEF-ID de 1986 à 1988. Les enjeux
étaient déjà connus. Robi Morder se sou-
vient : « Tout était déjà sur le tableau. Un jour,
je suis arrivé dans une salle pour une réunion syn-
dicale et tout était déjà écrit. Il suffisait de lire. »
1986, les cadres
lambertistes passent au PS
Au long de l’année 1986, une décision va
donc faire grand bruit. Plus de 400 cadres
de l’UNEF jusque là trotskystes-lamber-
tistes (OCI devenue le PCI - Parti commu-
niste internationaliste) passent avec armes et
bagages au Parti socialiste. Le mouvement
est initié par Jean-Christophe Cambadélis
et Marc Rozenblat qui les premiers quittent
l’organisation. À l’époque, chacun donne
des prétextes idéologiques basés sur des
références trotskystes différentes pour se
justifier : « trouver le chemin des masses », « faire
de l’entrisme dans la social-démocratie », « créer une
aile gauche au sein du PS qui ferait sécession le mo-
ment venu pour former un grand parti trotskyste ».
Mais le mal est fait, les lambertistes perdent
quasiment tous leurs militants syndicaux et
ils ne parviendront plus à peser sur aucune
autre décision. Pire, le système de renouvel-
lement des jeunes lambertistes se fissure et
le courant perd une forte partie de son im-
plantation dans la jeunesse française.
La gauche est alors défaite aux élections
législatives de mars 1986, ce qui accélère le
passage des cadres favorable à l’idée d’union
des gauches au sein du PS, nécessaire pour
remporter les élections. La droite revient en
force et propose la réforme Devaquet pour
une plus grande autonomie financière des
universités françaises. C’est un échec, la loi
ne passera pas. Une aubaine pour François
Mitterrand qui espère beaucoup des étu-
diants pour discréditer le gouvernement de
droite. Ce projet, présenté en novembre de
la même année par le ministre de l’Ensei-
gnement supérieur Alain Devaquet, est for-
tement similaire à celui de Valérie Pécresse,
adopté en 2010. Philippe Darriulat a succé-
dé à Marc Rozenblat quelques mois plus tôt
et est alors président de l’UNEF-ID.
Les syndicats étudiants réagissent à la ré-
forme avec pour slogan «Pas de fac d’élite, pas
de fac poubelle». Mais la mobilisation ne se
créée pas les trois premières semaines. Puis
à Caen, un militant de l’UNEF, Daniel Ca-
bieu lance « l’appel de Caen » qui fait démar-
rer le mouvement en province. Suite à cela,
la France entière se met en action. En région
parisienne, il s’organise notamment avec
ceux qui ont quitté le PCI quelques mois
avant pour rejoindre le PS. Sous l’égide de
Philippe Darriulat, accompagné d’ Isabelle
Thomas, David Assouline, Christophe
Ramaux, se créent les «  AG du Mouv’  »
(assemblées générales du mouvement étu-
diant) qui se traduisent par l’occupation des
facs et le blocage des cours.
Les lycéens se joignent au mouvement qui
se radicalise jusqu’à ce qu’un jeune étudiant,
Malik Oussekine, décède après une mani-
festation, sur fonds de violences policières.
Alain Devaquet démissionne. René Monory,
ministre de l’Éducation nationale récupère
son portefeuille avec l’ambition de pour-
suivre la réforme. Le samedi 4 décembre
1986, plus d’un million de personnes dé-
Les jeunes Rocardiens en 1986, à l’UNEF : Stéphane Fouks, Manuel Valls, Alain Bauer
©DR
Une aubaine pour François Mitterrand
qui espère beaucoup des étudiants pour
discréditer le gouvernement de droite.
27
CODEX
filent dans les rues parisiennes, ce qui fait
prêter ce bon mot à Jacques Chirac, alors
Premier ministre «les lycéens, c’est comme
le dentifrice, quand ils sont sortis du tube,
on ne peut plus les faire rentrer.» Cette mo-
bilisation assiéra définitivement la stature
des futurs personnalités issues de l’UNEF
: Jean-Christophe Cambadélis, Philippe
Darriulat, Manuel Valls, Christophe Borgel,
Christophe Ramaux, Désormais, Jospin ne
sert plus d’intermédiaire puisque tout est
directement traité entre Mitterrand, Dray,
Bianco et Cambadélis.
Du milieu syndical au milieu
politique
Si l’engagement syndical découle bien sou-
vent d’un engagement politique, les deux sont
interdépendants et possèdent la capacité al-
truiste de l’engagement pour les autres. « Der-
rière toutes relations syndicales, il y a des relations
politiques avec l’intervention des différents partis qui
essaient de détourner les mouvements de jeunes en leur
faveur » assure François Sabado. À ce jeu, c’est
François Mitterrand qui se révèle le plus fort,
notamment lorsqu’il affirme en 1986 « Les étu-
diants savent bien de quel côté vont mes sympathies. »
Tout cela n’est que l’aboutissement du travail
initié en 1968 et dans les comités d’action
lycéens (par exemple celui présidé en 1973
par Michel Field contre la loi Debré). Mais
il avait fallu attendre 1976-1977 et la fin des
effets différés de mai 1968 pour effectuer un
travail de masse dans l’université. Pour ceux
de tendance autogestionnaire, l’engagement
au MAS était la voie royale. Mais les relations
de la LCR étaient aussi tendues avec les ro-
cardiens notamment à cause du COSEF. L’in-
tention de Mitterrand était claire : rassembler
des jeunes de gauche et les convertir au PS.
En cela, SOS Racisme, l’UNEF et le MJS
permettait de priver le Parti communiste du
renouvellement de ses futurs cadres en se les
appropriant.
En 1980, le milieu syndical étudiant désire
réaliser l’union de la gauche pour permettre
le changement de majorité présidentielle et
l’unité au pouvoir. Pour François Sabado,
« réellement, la société semblait tendre dans le sens
des engagements trotskystes.» La perspective uni-
taire alors très forte l’emporte donc, non sans
arrières pensées de part et d’autre. François
Sabado explique : « L’OCI a toujours regardé
la Ligue d’un mauvais œil. Lors de la réunification,
il voulait détruire la Ligue. Les deux n’avaient pas
réussi à se mettre d’accord sur un texte commun ni à
s’entendre sur un candidat commun pour les présiden-
tielles de 1981. »
Les courants politiques
dans les mouvements
étudiants
En mai 1968, l’UNEF est désorganisée, tiraillé
par ses divisions entre socialistes (SFIO, CERES,
PSU), communistes (staliniens du PCF), maoïstes
et trotskystes (pablistes et lambertistes). Alors
que les rocardiens du PSU tiennent le bureau
national grâce à une alliance avec les maoïstes,
l’ensemble des autres mouvements se liguent
contre eux et le syndicat historique se scinde en
1971 en deux syndicats étudiants. D’un côté, il y
a l’UNEF-Renouveau, émanation de l’UEC (Union
des étudiants communistes), le mouvement jeune
du Parti communiste. Ils sont alors soutenus par
les chevènementistes du CERES et les maoïstes.
De l’autre, on retrouve l’UNEF-US (Unité syndicale)
à majorité trotskyste-lambertiste qui regroupe les
socialistes (du PS et du PSU) et les lambertistes
de l’OCI (Organisation communiste internationale)
à tendance favorable à la refondation syndicale
(TRS). En 1976, les trotskystes de la Ligue
communiste révolutionnaire fondent un syndicat
étudiant indépendant : le MAS (Mouvement d’action
syndicale) à tendance syndicale autogestionnaire
(TSA).En1980,l’UNEF-USetleMASfusionnentpour
former l’UNEF-ID (Indépendance et démocratie)
lors du congrès de Nanterre. Les lambertistes de
l’OCI sont alors majoritaires à 55 %. Le MAS (LCR)
représente alors 35 % des adhérents. Enfin, les
socialistes du PS sont environ 10 %. Le rapport
de forces se modifiera en 1986 lorsque plus de
400 trotsksytes quittent l’OCI devenue PCI (Parti
communiste internationaliste) pour rejoindre le
PS. A partir de là, les socialistes sont et restent
majoritaires. En 2001, l’UNEF-ID et l’UNEF- RE se
réunifient.
28
CODEX
Les révolutionnaires sont unis par le contenu
de leur programme : contre la droite, contre
les institutions de la Ve République et contre
le capitalisme. À la Ligue, la stratégie est
claire : celle d’une indépendance nette pour
« féconder le front unique d’un contenu anticapitaliste
et révolutionnaire ». L’organisation de jeunesse
prône toujours le retour à l’usine. À l’OCI,
assumer les comportements des années 1980
est plus difficile. Robi Morder précise « Dans
l’éducation lambertiste, on se méfie des appareils. Là
encore, c’était une contradiction. On a beau être idéa-
liste, on n’est pas cons. » Car d’un côté, l’OCI
affirme ne pas pouvoir traiter avec les gou-
vernants. Tandis que de l’autre, Cambadélis
et Rozenblat négocient avec Alain Savary,
ministre de l’Éducation nationale.
Mais la Ligue résiste par son pragmatisme et
surtout grâce à l’activisme de ses militants.
Dans les luttes et dans les grèves des années
1980, ils sont toujours présents. François Sa-
bado se rappelle avec nostalgie le temps où ils
arrivaient à faire descendre « plusieurs centaines
de milliers de personnes dans les rues ». En 1986,
les têtes de la contestation sont issues de la
LCR: Isabelle Thomas à Paris XIII, Daniel
Cabieu qui lance le mouvement à la suite de
son « Appel de Caen », Julien Dray qui même
s’il l’a quitté en 1982 y reste toujours très atta-
ché, notamment à la minorité de la ligue par
Gérard Filoche.
Julien Dray, ancien de la Ligue, puis président
du MAS arrivait avec plusieurs milliers de
cartes. Mais le désavantage du MAS est qu’il
n’est soutenu par aucun syndicat « adulte ».
Alors que l’UNEF-US bénéficie de l’aide de
FO et du soutien officieux de François Mit-
terrand. Si en surface l’unité de l’UNEF ID
semble acquise, les relations internes sont
dures. La pression qu’exerce le pouvoir
socialiste sur le syndicat est d’autant plus
forte. Mitterrand tient à ce que le PS, « là
où se passent les choses sérieuses » soit représen-
té dans la jeunesse, selon le sentiment de
l’époque. Il encourage même ce qui repré-
sente une aile gauche au sein du PS. Il les
incite même à être plus radicaux que le parti
pour pouvoir rallier à eux une large partie de
l’extrême-gauche française. L’attrait des res-
ponsabilités intéresse également les jeunes
ambitieux comme Cambadélis. Mais l’eu-
phorie est de courte durée. Philippe Darriu-
lat souligne : « Deux ans après le ralliement, il
ne restait plus qu’une trentaine de personnes sur les
quatre cents qui étaient partis. Restaient ceux qui
voulaient faire carrière dans l’appareil du PS ».
Après 1986, l’échec de l’entrisme
dans la social-démocratie.
Pour Robi Morder, « toutes les tentatives d’en-
trisme dans un parti social-démocrate se sont sol-
dés par la dispersion ou la fusion de ceux qui en-
traient ». Plus grave pour le syndicat étudiant,
la proximité entre les deux structures qui a
profondément bouleversé le fonctionne-
ment de l’UNEF. Le sociologue précise « Ce
n’est pas le PS qui est devenue une succursale de
l’UNEF mais c’est plutôt l’inverse. L’UNEF a
adopté le système de fonctionnement du PS avec le
jeu des tendances. »
Dans les années 1970, les différents mou-
vements d’extrême-gauche appelle leurs
militants à faire de « l’entrisme dans la social-dé-
mocratie » pour aller au devant des masses.
Plusieurs agents avaient alors été envoyés
en «  sous-marins  » pour infiltrer le Parti
socialiste, comme Lionel Jospin. Toute-
fois, pour Robi Morder, l’histoire de l’an-
cien Premier ministre est plus compliquée
car Jospin n’a jamais milité à la base. Les
jeunes de la LCR rejoignent alors le MAS
dirigé par Julien Dray à partir de 1979, tan-
dis que les lambertistes se rassemblaient à
l’UNEF-US derrière la figure charismatique
de Jean-Christophe Cambadélis, choisi par
Pierre Lambert en personne, dissident de la
IVème Internationale, pour lui succéder un
jour.
Ainsi, une grande partie de ceux qui militent
dans un des deux grands partis trotskystes
ou une de leurs associations de jeunesse
parallèles rejoignaient ensuite le syndica-
lisme étudiant. Philippe Darriulat parle alors
de « suite logique et naturelle ». « Les jeunes de
l’OCI allait à l’UNEF-US, c’était ainsi. » Mais
au-delà de l’aspect d’engagement, rejoindre
l’UNEF permet aussi de se mettre en valeur
et d’obtenir une reconnaissance. Franchir
le pas peut aussi révéler des querelles d’ego
notamment entre les anciens dirigeants du
MAS et ceux de l’UNEF-US qui nourris-
saient des arrières pensées concernant leur
traitement et leur représentation au Bureau
national.
Philippe Darriulat parle de son passage au
PS à la fin 1986 comme d’une satisfaction
de faire de la politique sans être marginali-
sé. Certes, il est bien conscient que l’UNEF
Philippe Campricini, président de l’UNEFID de 1988 à  © Actuel
29
CODEX
qu’il dirige fait le jeu de tous les anti-com-
munistes trop contents de voir le PC s’affai-
blir. Car la jeunesse communiste des années
1980, très faible numériquement, se re-
trouve mal à l’aise avec le militantisme, une
force de l’UNEF-ID. Pour Robi Morder, ce
recul de l’action des jeunes communistes est
aussi à regarder en lien avec ce qui se passe
dans les pays de l’Est. Mais Darriulat in-
dique aussi avoir le « sentiment d’être de gauche
et d’avoir une prise directe et concrète sur la poli-
tique.  Nous avions la volonté d’être la gauche du
PS» « L’UNEF empêchait aussi l’épanouissement
de la carrière. Elle apparaissait à certains moments
comme une secte », affirme Philippe Darriulat.
C’est donc la fin d’une histoire collective,
d’autant que les militants n’ont pas toujours
réussi à se fondre aux enjeux d’appareils.
Les jeunes prennent d’autres dispositions
d’esprit, souhaitaient une autre réforme de
la société. François Sabado poursuit : « très
vite, les anciens de l’UNEF sont devenus des objets
de Mitterrand qui avait besoin dans son parti de
jeunes qui défendent des positions plus à gauche. »
C’est à partir des années 1990 que l’UNEF
devient un point de passage vers le PS, une
véritable école de cadres du parti. C’est
d’abord Henri Emmanuelli qui, rêvant de
réaliser de nouveau l’exploit de François
Mitterrand en 1981, essaie de rallier les
jeunes syndicalistes. Il dirige alors un cou-
rant jeune qui exfiltre doucement les per-
sonnalités charismatiques engagées dans le
syndicat. Libre ensuite à ceux pris plus ou
moins volontairement dans la toile de se
tisser une carrière dans l’organigramme du
parti.
Il est soutenu par les jeunes « poperenistes »
réunis autour de Jean Poperen et les jeunes
« chevènementistes » réunis autour de Jean-
Pierre Chevènement, qui ne soutiennent
plus la politique du Gouvernement depuis
l’intervention en Irak pendant la première
guerre du Golfe. Malgré ses nouvelles re-
crues qui sont aujourd’hui pour la plupart
frondeurs du PS (Borgel, Galut, Hamon,
Cherki...), Emmanuelli est battu par Jospin à
l’investiture PS pour l’élection présidentielle
de 1995. Pour peser alors au sein du parti
par le biais de sa tendance et de ses motions,
l’homme doit malgré tout continuer à recru-
ter et il est rejoint en 2005 par un homme
qu’il a lui-même appelé en 1993  : Benoît
Hamon. Ensemble, ces hommes consti-
tuent l’aile gauche actuelle du PS.
La vie après l’UNEF
Trente ans plus tard, les anciens cadres de
l’UNEF ont plutôt bien réussi, à commen-
cer par la génération du bureau National
de 1980. Pour ceux qui ont choisi de pour-
suivre leur engagement en politique, la
plupart ont trouvé des places dans l’appareil
socialiste confortable. Paradoxalement, Robi
Morder analyse que « ce ne sont pas les couches les
plus favorisées qui sont restées au PS. » Ils ont
donc monté les échelons du parti à l’instar
de Jean-Christophe Cambadélis qui a rem-
placé au pied levé l’ancien président de SOS
Racisme et ancien membre de l’UNEF,
Harlem Désir devenu ministre. Julien Dray
dit « Juju » est quant à lui Conseiller régional
d’Île-de-France et ancien député de 1988 à
2012. David Assouline est devenu séna-
teur de Paris. Isabelle Thomas, arrivée à
l’UNEF en 1983 et figure de la contestation
anti-Devaquet est députée européenne et
conseillère régionale de Bretagne. Laurence
Benoit Hamon et Henri Emmanuelli ©MaxPPP
Philippe Darriulat parle de son passage
au PS à la fin 1986 comme d’une
satisfaction de faire de la politique sans
être marginalisé.
30
CODEXCODEX©DRActuel
Pour François Sabado, c’était une période où la France
possédait une jeunesse « inventive, imaginative, super-radicale,
gonflée au possible ».
31
CODEXCODEX
Rossignol est secrétaire d’État à la Famille.
Philippe Darriulat est adjoint au maire dans
le XVIIIe arrondissement de Paris.
Mais si beaucoup de transfuges de l’UNEF
au PS ne sont pas restés (une trentaine sur
les 400 qui avaient pris la tangente en 1986 :
certains se sont lancés dans les affaires
comme Marc Rozenblat et Bernard Rayard
encore Stéphane Fouks, patron l’agence de
publicité EuroRSCG. D’autres ont choisi la
voie du journalisme à l’image de Denis Sief-
fert, rédacteur en chef de Politis ou de Syl-
via Zappi, journaliste au Monde. D’autres
encore ont pris le chemin de l’université
comme Benjamin Stora, professeur d’His-
toire à Paris I, Christophe Ramaux devenu
professeur d’économie à Paris I et membre
des économistes atterrés ou encore et enfin
Jean-Loup Salzmann devenu président de
l’université Paris XIII où la contestation de
1986 avait commencée, et président de la
Conférence des présidents d’université.
Le syndicalisme est aussi un engagement
que certains n’ont pas arrêté à l’image de
Robi Morder, juriste et sociologue devenu
syndicaliste enseignant ou encore Laurent
Zappi. Pourtant, beaucoup des acteurs de
cette époque n’ont plus envie de parler
de cela. Comme s’ils étaient désabusés de
l’évolution des événements. Pour beau-
coup, la période reste éminemment posi-
tive. Pour François Sabado, c’était une pé-
riode où la France possédait une jeunesse
« inventive, imaginative, super-radicale, gonflée au
possible  ». Pour autant, l’homme garde un
regard lucide sur cette époque : « On s’est ra-
conté des histoires. Comme des illusions d’optiques
sur les rapports de force dans l’université et dans
le pays. » Pour Benjamin Stora, le combat
doit se poursuivre de manière intellectuelle
et ses travaux historiques vont dans ce sens.
Pour François Sabado, c’est aussi l’union de
la gauche qui a fait « perdre la main au profit
des grands appareils. Il y a eu des compromis et
aussi des compromissions. Les jeunes ont été ga-
gnés par le PS. C’est notamment ce qui est arrivé
à Jospin qui a été transformé.» Oubliée donc
l’idée de l’entrisme originel pour former un
courant de gauche au sein du PS, qui aurait
représenté 1/3 du parti. « C’est aussi  la force
d’intégration de l’appareil social-démocrate qui s’est
révélée plus forte sur le plan idéologique, organisa-
tionnel et matériel. » L’ancien dirigeant de la
LCR porte un regard lucide sur les chan-
gements intervenus depuis, au sein de la
société française : « C’est la fin du mouvement
ouvrier et il y a quelque chose d’autre à construire.
Nous sommes dans le ‘déjà plus’ et le ‘pas en-
core’ du XIXe siècle et dans la contestation du
XXIe siècle. Nous sommes dans l’entre-deux, que
Gramsci appelle les monstres. Si notre idéal est in-
tact, nous avons moins de certitudes. » Pour Sylvia
Zappi, c’est plutôt la « réalité sociale n’a plus
rien à voir ». Benjamin Stora avoue même « Je
ne saurais même pas dire qui est l’actuel président
de l’UNEF ».
Le Bureau national de 1980 témoigne de
la fierté d’avoir participé à la conquête
du pouvoir et à la réunification du syndi-
cat. L’UNEF fut une grande famille  : de
l’époque de combat, beaucoup ont gardé ce
goût et cette appétence pour la « négocia-
tion systématique », qui pour certains était
naturel et précédait leur engagement. Mais
« la pratique a saboté le reste » affirme Robi
Morder. « On a appris beaucoup : la gauche révo-
lutionnaire était proposition de forces et de diversi-
tés. Enfin, la jeunesse avait une représentation po-
litique » poursuit Sabado. « C’était une période
très positive. J’ai développé beaucoup d’affections. Je
ne regrette rien. »
Olivier Vagneux
©DRActuel
32
CODEX
Les failles du
plan numérique
2015-2016
Depuis le mois de juillet 2014, François Hollande annonce régulièrement le lancement d’un
plan numérique. Inscrit dans le cadre de la refonte des programmes de 2016, ce projet a
pour ambition d’enseigner ‘le numérique‘ de l’élémentaire à la terminale. Les décisions à ce
sujet seront prises en mai 2015 après la synthèse de la consultation numérique prévue pour
mi-mars. Le chef de l’Etat a promis « une grande école du numérique ». Mais à quel prix ?
Les élèves savent se servir des nouvelles technologies de plus en plus jeunes © wikimedia commons
33
CODEX
L
e « numérique » à l’école est un vieux
serpent de mer. Du Thomson TO7
des années 80, ( le pré crétacé su-
périeur de l’ordinateur) aux tablettes ac-
tuelles, l’Education Nationale n’en finit
pas d’avoir les yeux de Chimène pour les
technologies soi disant avant-gardistes.
L’éternel marronnier du poids du cartable
informe les lectrices de Marie-Claire et leur
apprend que les 13 kg que porte quoti-
diennement leur cher bambin tiendrait sur
une clé USB. Mais de quoi parle t’on ? Les
manuels scolaires en PDF, l’utilisation des
smartphones, tablettes et PC à visée péda-
gogique, l’apprentissage ludo éducatif au
collège, ces idées éclosent régulièrement
chez les experts en psycho-pédagogie qui
encombrent le ministère de l’Education
Nationale, mais sont elles seulement utiles
et pertinentes. De l‘obsolescence du ma-
tériel à la formation des enseignants, les
écueils sont considérables et dans une pé-
riode crise ou les budgets s’amincissent, le
coût faramineux du « Plan numérique » est
tout simplement prohibitif, et l’ambition
purement démagogique, en ce sens ou il ne
s’agit pas d’améliorer l’enseignement, mais
de communiquer sur cette intention.
C’est l’une des promesses de campagne de
François Hollande. Cet e-plan a comme
principal objectif de fournir 70% des col-
légiens et écoliers en tablette PC d’ici 2020
avec, pour se faire, 60% des crédits pour les
ressources pédagogiques alloués au numé-
rique. « L’éducation doit garder les mêmes valeurs
mais s’ouvrir aux nouvelles technologies. C’est la
raison pour laquelle le numérique va être générali-
sé. Le plan numérique sera mis en œuvre dès 2016
dans les collèges. » expliquait François Hol-
lande lors de son discours du 18 septembre
2014. Selon le président français, ce plan
« est une chance pour les enfants et pour les ensei-
gnants d’utiliser ces moyens. Une chance pour avoir
un contenu. Une chance pour l’économie d’avoir
ces emplois préparés dès l’école. » Mais surtout,
une chance pour lui de se faire bien voir. Il
faut bien l’avouer, la modernisation, l’idée
d’une « grande école numérique » c’est vendeur.
Et c’est du plus bel effet dans le cadre d’un
mandat. Pourtant, ce 12ème grand plan nu-
mérique semble lui, avoir une réelle crédi-
bilité. En effet, il a l’avantage de se situer
dans un programme gouvernemental global
appelé : « les 34 plans de la nouvelle France
industrielle ». Cela permet, entre autre, la
ventilation des budgets. Il bénéficie d’une
enveloppe nationale pilotée et dotée par le
Ministère de l’économie, et non par l’Edu-
cation Nationale. Une bonne nouvelle en
soit puisque cela lui permet de ne pas puiser
dans son budget.
Le plan numérique ou
l’obsolescence programmée 
Depuis des décennies, l’Education Na-
tionale s’embourbe dans différents plans
numériques. A tel point que les col-
lectivités territoriales cherchent à tout
prix à moderniser leurs établissements.
Dans les années 80, déjà, l’arrivée du premier
plan numérique et, de ce fait, du Thomson
TO7 avaient fait du bruit dans les salles de
classe. Et du TO7, à la tablette il n’y a qu’un
pas. La preuve en est qu’aujourd’hui, plus
personne n’utilise cet ancêtre de l’ordina-
teur et les plus jeunes ne savent même pas à
quoi cela ressemble. « Le problème avec ce genre
de plan numérique, c’est que les machines sont très
rapidement obsolètes. On ne sait pas vérifier s’ils
sont véritablement bénéfiques à l’enseignement. Et
ce constat vaut également pour la tablette. Personne
ne sait comment elle aura évolué d’ici cinq ans et
si on l’utilisera toujours. » explique Jean-Rémi
Girard, secrétaire national à la pédagogie du
SNALC-FGAF.
S’en tenir aux besoins
des professeurs
Dans cette envie entêtée de modernisation
de l’école, les professeurs ne s’y retrouvent
pas toujours. Certains bénéficient de nou-
veaux outils de travail sans les avoir de-
mandés, mais avec l’obligation de l’utiliser
en classe, sans autre forme de discussion.
«  Il ne suffit pas d’organiser des grands plans sans
réfléchir aux besoins des professeurs et des élèves.
Il faut partir des besoins et des demandes des profes-
seurs. Il y en a qui demandent à avoir ces outils nu-
mériques mais d’autres y voit moins d’intérêt. Mal-
heureusement on a plutôt tendance à fonctionner dans
l’autre sens : c’est-à-dire que les collectivités rentrent
dans ces plans numériques et c’est les équipes sur le
terrain qui doivent se dépatouiller avec ce qu’elles ont
« Tous les enseignants sont concernés
par l’usage des outils propres aux
technologies de l’information et de la
communication (TIC) »
LeThomsonTO7©Wikipedia
34
CODEX
reçu.Aucunintérêt.»déploreJean-RémiGirard
Pourtant, l’Education Nationale a pré-
vu de former des professeurs. Oui,
mais uniquement les jeunes diplômés.
«  Tous les enseignants sont concernés par l’usage
des outils propres aux technologies de l’infor-
mation et de la communication (TIC) et leur
intégration dans les pratiques pédagogiques.
Au sortir de sa formation universitaire, tout nouvel
enseignant doit avoir acquis les compétences d’usage
et de maîtrise raisonnée de l’information et de la
communication dans sa pratique professionnelle. »
précise le Ministère sur son site. Le profes-
seur d’histoire-géographie avec simplement
quatre ou cinq ans de métier peut donc
complétement oublier sa belle formation.
Le mot d’ordre ici n’est pas la réussite sco-
laire, mais bel bien la modernité et surtout,
l’espoir d’une réélection à la clé. Un nouveau
mandat, ça se travaille en amont après tout.
Et puis c’est également un effet d’annonce
« L’idée de créer une école numérique, ça passe bien
dans les médias. Cette volonté de toujours vouloir
se moderniser. Et on ne m’enlèvera pas de la tête
qu’il existe des liens entre l’Education Nationale
et certains concepteurs de logiciel. Il y a donc très
certainement des intérêts financiers derrière ces plans
numériques. » continue Jean-Rémi Girard
Un désavantage pour les élèves
Cette vision illusoire de l’école moderne que
tente d’instaurer l’Etat est loin de coller à la
réalité. Une réalité douloureuse. Certains di-
recteurs interdisent tout bonnement à leurs
élèves d’apporter leur précieux ordinateur,
pour éviter la casse et/ou le racket. Il arrive
même que les objets qui leur sont généreu-
sement ‘prêtés’, se retrouvent sur la toile, sur
des sites de vente en ligne. « Dans l’ensemble,
je trouve cela très bien d’avoir du matériel
numérique mais pour que cela fonctionne, il
faut que les élèves respectent la matériel. Par
exemple,unétablissementduSuddelaFrance
avait offert à certains de ses élèves des ordi-
nateurs portables. La semaine suivante, ils en
ontretrouvéplusdelamoitiésurE-bay.Dans
ces conditions, cela ne peut pas fonctionner.
» constate tristement Baptiste Cornabs, pro-
fesseur d’histoire géographie et Youtubeur.
De plus, l’utilisation des tablettes pose
d’autres genres de problèmes. Par exemple,
elles ne peuvent être utilisées qu’à court
terme durant les cours car elles n’ont pas
une autonomie suffisante. « Elles sont cen-
sées remplacer les manuels scolaires, mais les
élèves ne peuvent lire qu’une page à la fois. »
poursuit Jean-Rémi Girard. « Et elles ne sont pas
verrouillées. Les élèves peuvent donc s’en servir pour
échanger entre eux et jouer. Le professeur est alors
impuissant puisqu’il ne peut pas tous les surveiller.
Mais limiter l’accès internet serait contre productif.
L’utilisation de l’engin serait donc nulle. » Autant
d’inconvénients constatés et évidents alors
même que le bénéfice pédagogique est en-
core loin d’être révélé.
Le retard numérique français
Si l’Education Nationale met autant d’ardeur
dans ce projet, c’est que la situation numé-
rique de l’Ecole française est en berne. Selon
l’étude Profetic publiée en 2014, plus de 90%
des enseignants jugent le numérique profi-
table à leur enseignement. Mais seulement
5% d’entre eux avouent ne pas l’utiliser quo-
tidiennement en classe.
Comme c’était déjà le cas en 2012, l’enquête
souligne que les professeurs les utilisent très
peu ou pour leur utilisation personnelle: les
notes, le cahier de textes, la réalisation de pré-
parations de cours, la diversification des pra-
tiques pédagogiques, l’attractivité des cours,
la conduite d’une séquence, l’intervention en
classe, le travail et le partage avec des collè-
gues, l’aide à la progression de l’élève dans
ses apprentissages. L’utilisation des technolo-
gies de l’information et de la communication
(TIC) pour faire travailler les élèves en auto-
nomie est en baisse. Pour expliquer cela voici
quelques raisons logiques comme l’augmen-
tation de la taille des groupes classes, l’équi-
pement informatique insuffisant, obsolète,
défectueux, ou inadapté. Et nouveaux facteur
introduit dans ce bilan : l’accès au réseau ou
à Internet qui pénalise incontestablement les
activités TIC lorsque les débits sont insuffi-
sants. En dépit de tout cela, le Ministère veut
équiper à tout prix les établissements (un prix
très souvent élevé).
La stratégie numérique éducative de l’État est
donc absurde. Le gouvernement propose des
solutions à des problèmes qui n’existent pas
ou qui ne sont pas réclamés partout. Bien que
ce plan s’inscrive dans un programme jugé
crédible, l’Etat dépense des sommes phara-
mineuses pour du matériel bientôt obsolète
et des logiciels dont certain n’ont pas besoin,
voire dont les professeurs et les élèves ne
savent absolument pas se servir. Pire : l’Etat
metàdisposition«uneformationmassivedes
enseignants » de seulement trois jours. Dans
le même temps, l’Etat est parfaitement inca-
pable d’assurer la maintenance du matériel
déjà utilisé dans les établissements scolaires.
Dans cette affaire, la solution la plus logique
serait donc de demander l’avis des ensei-
gnants et non des collectivités locales. Ces
dernières foncent et s’enfoncent dans ses
plans tête baissée, pensant bien faire. Il faut
donc voir ici un coup marketing de la part de
l’Etat en dépit du bon sens
Audrey Bouts
Pour ou contre la tablette numérique à l’école ? © wikipedia
35
CODEX
Publicité.
36
CODEX
Le 21 janvier dernier, François Hollande évoquait, à l’occasion de ses vœux à l’Education nationa
générale » en faveur des valeurs républicaines à l’école. Deux semaines après les attentats de Charli
l’Etat souhaite qu’ « une attention particulière » soit portée à l’enseignement du fait religieux. Dès la ren
devrait se voir renforcer dans les futurs programmes scolaires du primaire et du secondaire.
« La laïcité
de la sociét
37
CODEX
ale, la « mobilisation
ie Hebdo, le chef de
ntrée 2016, sa place
est l’essence
té française »
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex
Codex

Más contenido relacionado

Destacado

Linkedin SMS Marketing
Linkedin SMS MarketingLinkedin SMS Marketing
Linkedin SMS Marketing
Dennis Egan
 
[Citavi Backup] BachelorThesisEichkornJensM_final 2016-08-30 11-21-06+correct...
[Citavi Backup] BachelorThesisEichkornJensM_final 2016-08-30 11-21-06+correct...[Citavi Backup] BachelorThesisEichkornJensM_final 2016-08-30 11-21-06+correct...
[Citavi Backup] BachelorThesisEichkornJensM_final 2016-08-30 11-21-06+correct...
Jens M Eichkorn
 
youngerthanyouthink campaign
youngerthanyouthink campaignyoungerthanyouthink campaign
youngerthanyouthink campaign
Rachel DeLadesmo
 

Destacado (11)

Linkedin SMS Marketing
Linkedin SMS MarketingLinkedin SMS Marketing
Linkedin SMS Marketing
 
Bluezzoon
BluezzoonBluezzoon
Bluezzoon
 
Fort Myers Title Company
Fort Myers Title CompanyFort Myers Title Company
Fort Myers Title Company
 
[Citavi Backup] BachelorThesisEichkornJensM_final 2016-08-30 11-21-06+correct...
[Citavi Backup] BachelorThesisEichkornJensM_final 2016-08-30 11-21-06+correct...[Citavi Backup] BachelorThesisEichkornJensM_final 2016-08-30 11-21-06+correct...
[Citavi Backup] BachelorThesisEichkornJensM_final 2016-08-30 11-21-06+correct...
 
youngerthanyouthink campaign
youngerthanyouthink campaignyoungerthanyouthink campaign
youngerthanyouthink campaign
 
TECHNOLOGIE
TECHNOLOGIETECHNOLOGIE
TECHNOLOGIE
 
CT and MRI of Aortic Valve Disease: Clinical Update
CT and MRI of Aortic Valve Disease: Clinical Update CT and MRI of Aortic Valve Disease: Clinical Update
CT and MRI of Aortic Valve Disease: Clinical Update
 
Aortic Valve Cases
Aortic Valve CasesAortic Valve Cases
Aortic Valve Cases
 
Peripheral CTA Imaging
Peripheral CTA Imaging Peripheral CTA Imaging
Peripheral CTA Imaging
 
Tips and Tricks in Vascular Imaging (Lower Extremity CTA)
Tips and Tricks in Vascular Imaging (Lower Extremity CTA)Tips and Tricks in Vascular Imaging (Lower Extremity CTA)
Tips and Tricks in Vascular Imaging (Lower Extremity CTA)
 
PR FINAL PRESSKIT copy
PR FINAL PRESSKIT copyPR FINAL PRESSKIT copy
PR FINAL PRESSKIT copy
 

Similar a Codex

Gazette citygroup janvier2012
Gazette citygroup janvier2012Gazette citygroup janvier2012
Gazette citygroup janvier2012
francoisleray
 
Synthèse de la Crise en Ukraine
Synthèse de la Crise en Ukraine Synthèse de la Crise en Ukraine
Synthèse de la Crise en Ukraine
les_crises
 
Kit militant Syriza soutien au peuple grec
Kit militant Syriza soutien au peuple grecKit militant Syriza soutien au peuple grec
Kit militant Syriza soutien au peuple grec
Fanny Despouys
 
élaboration et organisation du monde d'aujourd'hui
élaboration et organisation du monde d'aujourd'huiélaboration et organisation du monde d'aujourd'hui
élaboration et organisation du monde d'aujourd'hui
origene
 
Le pôle news
Le pôle newsLe pôle news
Le pôle news
Paul Lome
 
Fiche 918
Fiche 918Fiche 918
Fiche 918
origene
 
Plaidoyer pour un nouveau projet socialiste
Plaidoyer pour un nouveau projet socialistePlaidoyer pour un nouveau projet socialiste
Plaidoyer pour un nouveau projet socialiste
Marc Jutier
 
La Presse Nouvelle Magazine 293 fevrier_2012
La Presse Nouvelle Magazine 293  fevrier_2012La Presse Nouvelle Magazine 293  fevrier_2012
La Presse Nouvelle Magazine 293 fevrier_2012
Tikoun38
 

Similar a Codex (20)

La Presse Nouvelle Magazine N°302 janvier 2013
La Presse Nouvelle Magazine N°302  janvier 2013La Presse Nouvelle Magazine N°302  janvier 2013
La Presse Nouvelle Magazine N°302 janvier 2013
 
La Presse Nouvelle Magazine numero 314 Mars 2014
La Presse Nouvelle Magazine numero 314 Mars 2014La Presse Nouvelle Magazine numero 314 Mars 2014
La Presse Nouvelle Magazine numero 314 Mars 2014
 
Pour l'emploi, ils ne trouvent pas d'argent, mais pour la guerre, ils ont des...
Pour l'emploi, ils ne trouvent pas d'argent, mais pour la guerre, ils ont des...Pour l'emploi, ils ne trouvent pas d'argent, mais pour la guerre, ils ont des...
Pour l'emploi, ils ne trouvent pas d'argent, mais pour la guerre, ils ont des...
 
La Presse Nouvelle Magazine 263 fevrier mars 2009
La Presse Nouvelle Magazine 263 fevrier mars 2009La Presse Nouvelle Magazine 263 fevrier mars 2009
La Presse Nouvelle Magazine 263 fevrier mars 2009
 
La Presse Nouvelle Magazine 263 fevrier mars 2009
La Presse Nouvelle Magazine 263 fevrier mars 2009La Presse Nouvelle Magazine 263 fevrier mars 2009
La Presse Nouvelle Magazine 263 fevrier mars 2009
 
L'Observateur FT - 4 octobre 2012
L'Observateur FT - 4 octobre 2012L'Observateur FT - 4 octobre 2012
L'Observateur FT - 4 octobre 2012
 
Archives: le réseau opaque de Luciano D'Onofrio
Archives: le réseau opaque de Luciano D'OnofrioArchives: le réseau opaque de Luciano D'Onofrio
Archives: le réseau opaque de Luciano D'Onofrio
 
De Groep G en de Bende van Nijvel
De Groep G en de Bende van NijvelDe Groep G en de Bende van Nijvel
De Groep G en de Bende van Nijvel
 
Gazette citygroup janvier2012
Gazette citygroup janvier2012Gazette citygroup janvier2012
Gazette citygroup janvier2012
 
Synthèse de la Crise en Ukraine
Synthèse de la Crise en Ukraine Synthèse de la Crise en Ukraine
Synthèse de la Crise en Ukraine
 
Un dirigeant allemand fort est imminent
Un dirigeant allemand fort est imminentUn dirigeant allemand fort est imminent
Un dirigeant allemand fort est imminent
 
Rdp 64-basdef
Rdp 64-basdefRdp 64-basdef
Rdp 64-basdef
 
L’Europe en dates et en figures. — 04. Quelle Europe voulons-nous ?
L’Europe en dates et en figures. — 04. Quelle Europe voulons-nous ?L’Europe en dates et en figures. — 04. Quelle Europe voulons-nous ?
L’Europe en dates et en figures. — 04. Quelle Europe voulons-nous ?
 
Kit militant Syriza soutien au peuple grec
Kit militant Syriza soutien au peuple grecKit militant Syriza soutien au peuple grec
Kit militant Syriza soutien au peuple grec
 
élaboration et organisation du monde d'aujourd'hui
élaboration et organisation du monde d'aujourd'huiélaboration et organisation du monde d'aujourd'hui
élaboration et organisation du monde d'aujourd'hui
 
Le pôle news
Le pôle newsLe pôle news
Le pôle news
 
Fiche 918
Fiche 918Fiche 918
Fiche 918
 
Plaidoyer pour un nouveau projet socialiste
Plaidoyer pour un nouveau projet socialistePlaidoyer pour un nouveau projet socialiste
Plaidoyer pour un nouveau projet socialiste
 
La Presse Nouvelle Magazine 293 fevrier_2012
La Presse Nouvelle Magazine 293  fevrier_2012La Presse Nouvelle Magazine 293  fevrier_2012
La Presse Nouvelle Magazine 293 fevrier_2012
 
Tohu bahu n1 - octobre 2016
Tohu bahu   n1 - octobre 2016Tohu bahu   n1 - octobre 2016
Tohu bahu n1 - octobre 2016
 

Codex

  • 1. CODEXFaits et Analyses CHINELe virage électrique Santé Les hôpitaux malades CongrèsPS Les anciens de l’UNEF à la manœuvre Education Enseignement laïc des faits religieux Exposition Universelle : Paris 2025 ?
  • 3. 3 CODEX Nouveaucycle. Adieuleconsensusmou, place au 49-3. La génération qui dirigeait l’UNEF-ID au début des années 80 s’installe à la direction du PS. Adieu les cartables de 10 tonnes, remplacés par les tablettes 10 pouces. Adieu le pétrole, les qataris et les émissions à particules fines. Que la lumière soit, l’électricité est réinventée. La fin d’une génération, d’une époque, d’une façon d’agir et de penser, pour le meilleur et pour le pire. Dernière édition d’une nouvelle générationdejournalistes,quirêved’une époque pourtant révolue. Backstages de concerts de rock, grands reporters, correspondants, nouveau Plantu. Mais ainsi va la vie, et de toute façon, l’histoire ne se répète pas, elle balbutie. L’actualité de demain s’écrit aujourd’hui, et seuls ceux qui ne savent pas la décrypter sont surpris de la tournure que prennent les évènements.Réveillez-vous:pourlecôté voyeurisme, Internet vous a devancé. La valeurajoutée,c’estl’analyse,l’enquête,le décryptage, ce que le lecteur veut savoir, même s’il n’en est pas conscient jusqu’à ce qu’on le lui montre. Ah mais pardon, c’était déjà le cas il y a 20 ans. Quand on vous dit que tout n’est qu’un éternel recommencement, on pèse nos mots. sommaire CODEX N°2 9 rue Alexandre Parodi 75010 – Paris Dépôt légal : à parution Directeur de la publication : Michel Baldi En bref dans le monde Nemstov passe l’arme à gauche / Tsipras contre l’Eurogroupe / L’Europe bipolaire / Terrorisme, lois liberticides / Sida, la troisième souche Economie / Environnement Chine : le poids lourd du marché automobile mondial choisit le moteur électrique p10 Santé Les hôpitaux de province gangrénés par les avoirs suisses p 17 APHP : entretien avec Pr. Bernard Granger, directeur du service de psychiatrie de l’hôpital Tarnier et membre du MDHP p 20 Politique Congrès du PS : les ex-UNEF à la manœuvre p22 Défense Le Charles de Gaulle entre en guerre p32 Education Les bafouillages du plan numérique p 38 L’enseignement laïc des faits religieux fait débat p 42 Sciences / Média / Culture INA : l’OTMédia, où est le financement ? p 48 Exposition Universelle : Paris, candidat pour 2025 p 54 Sir Culher Directeur de la rédaction : Eric Ouzounian Rédactrice en chef : Jade Toussay Directrice artistique : Romane Ganneval Maquette : Sophie Combot, Audrey Bouts, Nicolas Raulin Secrétaires de rédaction : Sélène Agapé, Candice Cheuret Rédacteurs : Sélène Agapé, Audrey Bouts, Candice Cheuret, Romane Ganneval, Nicolas Merli, Nicolas Raulin, Jade Toussay, Olivier Vagneux L'Editorial
  • 4. 4 CODEX L a fin de l’ère Eltsine (1991-1999) a marqué l’his- toire de la Russie. L’état, alors en guerre contre les indépendantistes tchétchènes, est partagé entre Boris Eltsine, alors président, et Vladimir Poutine, chef du service de renseignement FSD (ex-KGB). Nommé dauphin du chef de l’état en août 1999, ce dernier arrive au pouvoir en mars 2000. Pourtant, Boris Nemtsov était pressenti à la succession jusque-là  : réformateur libéral proche du régime, il incarnait une vision démocrate et modérée, idéale dans le projet d’Eltsine. Le krach boursier d’août 1998, qui met à sac l’économie d’ouverture internationale, freine ces espérances et plonge le pays dans une crise nationaliste. Les séries d’attentats qui suivirent, notamment lors de la rébellion tchétchène, furent un terreau fertile pour l’ascension de Poutine. Galvanisée par une image affaiblie d’Eltsine (hospitalisé pour une carence cardiaque), l’opposition de- vient de plus en plus féroce et demande sa démission, effective le 31 décembre 1999. Le physicien et le guébiste Limogé en août 1998, Boris Nemtsov, alors vice-Premier ministre russe, rejoint l’opposition lorsque Poutine est nommé dauphin d’Elt- sine. Nemtsov s’engage en 2000 auprès du parti libéral SPS, très cri- tique envers le nouveau président. Selon lui  : «  Le gouvernement reflète la volonté du peuple d’avoir un état fort, une économie en état de marche et la fin de la tolérance pour les oligarques  ». Poutine, ex-guébiste, incarne alors l’image d’un homme fort, nécessaire à la tête de l’Etat. Lors de l’annonce d’un possible troisième mandat illégal, la critique de Nemtsov devient plus virulente. Avec l’activiste Alexeï Navalny, il participe aux manifesta- tions de 2011 qui secouèrent le Kremlin. Engagé dans une critique violente de l’annexion de la Crimée et de la guerre ukraino-russe, Nemtsov avait appelé l’opposition russe à manifester pour le retrait immédiat des troupes russes en Urkaine le dimanche 1er mars. Les circonstances de ce meurtre sont particulièrement inconfortables pour le Kremlin, déjà accusé d’un énième assassinat politique par les Etats-Unis et l’Europe. Pourtant, celui-ci a démenti toute implication et s’est engagé à mener une enquête. Il est pourtant difficile de croire qu’elle arrivera à des résultats concluants  : comme pour l’affaire Anna Politkovskaïa, et d’autres avant elle, le verdict risque de mener à la condamnation des exécutants sans que les commanditaires ne soient jamais inquiétés. N.M Le nom de l’opposant russe Boris Nemtsov, assassiné la nuit du 27 février, s’ajoute à la liste des assassinats perpétrés sous le gouvernement PoutineIII.Fermementopposés,lesdeuxhommes poursuivaient cependant un but commun  : assurer le sort de la Russie post-URSS d’Eltsine au XXIe siècle. Nemtsov/Poutine  deux visions de la Russie
  • 5. 5 CODEX L es «  accords d’Avril  » permettent à la Grèce de re- pousser l’échéance du remboursement de six mil- liards d’euros à la Banque Centrale Européenne. Sans ceux-ci, le pays se serait retrouvé en défaut de paiement dès le 1er mars 2015 et aurait alors été contraint de sortir de la zone euro. Alors «  Grèce  : le gouvernement Tsipras se plie aux exigences européennes » se- lon Le Monde du 25 février 2015  ? N’en soyez pas si sûrs. Rappelons que jamais Syriza ne s’est placé en parti favorable à une sortie de la ZE au contraire, il s’est même engagé à négocier le plus possible avant d’atteindre ce point de non-retour. Alors non, la Grèce ne se plie pas aux exigences de l’Eurogroupe, loin de là. Accords sur un désaccord «  Nous demandons l’aide de l’Europe, mais pas seulement pour nous donner des leçons  » a déclaré Yanis Varoufakis, ministre des finances grec, à la sortie des négociations. Il rappelle de fait qu’aucune solution viable n’avait été trouvée depuis la mise sous tutelle de la Grèce par la Troï- ka. Depuis 6 ans, le PIB grec a chuté de 26 % et sa dette publique est passé de 113 à 176 %. Ces accords pourraient marquer la fin de cette faillite. D’abord, l’Eurogroupe a cessé d’évoquer les mesures d’aus- térité (diminution des pensions, coupes des budgets de la fonction publique et hausse de la TVA) et laisse donc une marge de manœuvre conséquente à Tsipras. Celui-ci s’est notamment engagé à réformer la fiscalité en visant à contrôler la fraude et l’évasion, estimée à 600 milliards d’euros placés en Suisse et à taxer les plus hauts revenus  : les armateurs et l’Eglise Orthodoxe, respectivement exonérés d’im- pôts par la constitution de 1975 et plus gros propriétaire terrien du pays. Aussi, l’Eurogroupe, sans reconnaître officiellement la situation de crise humanitaire du pays, a maintenu les mesures de premières urgences proposée par le gouvernement. Il reconnaît donc la situation d’urgence publiquement mais rechigne à la financer. Si ces accords peuvent être considérés comme perdus pour la Grèce, rappelons tout de même que le gouvernement n’est installé que depuis un mois. Syriza joue donc la carte de la provocation. Dès son installation au pouvoir, Tsipras a su asseoir son projet et obtenir une négociation de l’Eurogroupe. Rappelons que François Hollande, qui s’était engagé à «  lutter contre son ennemi numéro un  : la finance  », était revenu bredouille de sa visite en Allemagne, où il devait renégocier l’accord Sarkozy-Mer- kel. Le parti anti-austerité a tout pour faire pression  : une potentielle sortie de l’euro qui, bien que dédaignée par la zone, serait catastro- phique si l’Espagne et l’Italie prenaient la même direction. Un risque de crise bancaire généralisée et une favorisation des spéculations bour- sières sur les dettes publiques pourraient aussi renforcer l’image d’une Europe à deux vitesses. En définitive, Tsipras se place droit face à l’Eurogroupe  : la faillite annoncée de sa politique sera la seule respon- sabilité de l’Allemagne.. N.M Grèce Etsil’Eurogroupe étaitentraindeperdre ? La Grèce d’Alexis Tsipras et du parti anti-austerité Syriza a pu négocier la poursuite du plan d’aide financière européen jusqu’à fin avril. Les accords historiques entre l’Eurogroupe et le gouvernement hellénique, signés le 24 février, permettent la mise en place d’une série de réformes absolument nécessaires pour le pays. Celles-ci n’avaient jamais été proposées par les gouvernements européens jusqu’à maintenant.
  • 6. 6 CODEX L es échéances électorales de 2015 pourraient tout remettre à plat. C’est en tout cas l’espoir qu’en- tretiennent les partis eu- rosceptiques et anti-aus- térité en Europe. Depuis la crise des économies irlandaises, espa- gnoles, grecques et portugaise, l’Europe s’est dichotomisée. D’un côté, au Nord, les pays dont le déficit public sont presque inférieurs au PIB. Au Sud, les pays, qui subissent deux tendances, commencent à connaître une rogne populaire inédite. Certains sont endettés par les choix poli- tiques de leurs majorités. Les autres sont gangrenés par la spéculation des marchés. En outre, le taux d’emploi est en chute en Europe du Sud, tandis qu’il avoisine plutôt une situation de plein emploi au Nord. Ces écarts flagrants ont favorisé l’essor de Po- demos, le parti eurosceptique espagnol, qui cumule aujourd’hui 30 % des intentions de vote pour l’élection de novembre 2015. L’Irlande et le Portugal connaissent égale- ment ce revirement politique, comme le té- moignent les succès du parti irlandais Sinn Fein (Nous-mêmes) de Gerry Adams et du Bloco de Esquerda (Bloc de la gauche) portugais aux élections européennes de 2014. Podemos – Syriza : la voix du Sud Tout comme Syriza, Podemos propose une nouvelle conduite des affaires européennes, plus solidaire. Peu détaillé pour l’instant, son programme recommande la fin des politiques imposées par l’Eurogroupe et une négociation à poids égal entre les ac- teurs. Son argumentaire met aussi l’accent sur la prédominance allemande dans les décisions de la zone euro. La coordination des politiques économiques serait, en ce sens, une possibilité envisageable. Pour- tant, dans les faits cette coordination existe depuis 1983. Elle devrait garantir une lo- gique économique complémentaire entre les pays membres. Mais l’arrivée des pays sud-européens dans l’Union l’a mise à mal. Les nouveaux membres peinent à s’adapter à cause de la disparité de leurs économies. L’Eurogroupe doit aujourd’hui faire at- tention à ses choix pour ne pas voir une Europe jusqu’ici poussée par un élan de solidarité, plonger dans un nationalisme généralisé. Pour cela, les stratégies écono- miques doivent sortir de leur dogmatisme. Si l’économie libérale est aujourd’hui fri- gide, rien ne l’empêche de s’ouvrir à la cha- leur des politiques sociales. N.M Nord-Sud  contoursd’uneEuropebipolaire La récente élection d’Alexis Tsipras à la tête du gouvernement grec, la montée des partis eurosceptiques en Espagne et en Irlande et l’ingérence toute avouée de l’Allemagne sur les pays « périphériques » de la zone euro façonnent une idée bipolaire de l’économie européenne. Face à cet état de fait, les économies en crise prennent du poids et commencent à poser les bases d’une Europe solidaire.
  • 7. 7 CODEX Le projet de loi anti-terrorisme entériné le 23 octobre 2014 prévoit la suspension de la nationalité pour les françaissoupçonnésd’appartenance à une filiale terroriste. A califourchon sur les droits fondamentaux et les politiquesdemigrationseuropéennes, cette législation semble liberticide. Mesuresnécessairesouillustrationde lamontéeenpuissancedespolitiques sécuritaires ? B ernard Cazeneuve, mi- nistre de l’intérieur, a annoncé la confiscation temporaire de six pas- seports français le 23 février dernier. Cette mesure s’inscrit dans la pléthore de quatorze lois anti-terrorisme que promulgue l’état français depuis 1986. Ces six ressortissants sont soupçonnés d’être volon- tairesàundépartimminentverslaSyrie,où376 français se trouveraient actuellement. Selon les propos du ministère rapporté par Le Monde, cette mesure vise à endiguer les départs pour le djihad des personnes «  soupçonnés d’appartenance à un groupe terroriste qui projettent de se rendre sur les théâtres d’opération  ». Contactés directement par le renseignement, ces six candidats potentiels se sont vus remettre un récépissé en échange de leurs papiers d’identité. Aucune information les concernant n’a été communiquée au public. Le renseignement signale également que 1089 per- sonnes seraient actuellement impliquées dans ces réseaux en France. Au dessus de tous soupçons  ? Ces six confiscations s’inscrivent dans un contexte particulier  : la montée parallèle des politiques sécuritaires et des départs pour le dji- had. En ce sens, il est nécessaire d’adopter une conduite raisonnée de ces politiques pour ne pas attiser un climat de tension. Ces six suspen- sionstendentpourtantàlefavoriser.D’abord,les conditions sont floues  : la définition de la «  me- nace »tellequ’elleestprésentéedansletextedeloi estlarge...trèslarge.Sontsoupçonnéesd’activités terroristes, toutes personnes interpellées pour «  détention de substances dangereuses et consultation régulière desitewebfaisantl’apologieduterrorisme ».Rappelons que la définition du concept de terrorisme pose de nombreuses difficultés  : dans cette loi, pre- nons garde à ce que cette notion ne renvoie pas à une vision réductrice d’un terrorisme unique- mentreligieux.Deplus,aucunjugement,aucune condamnation n’est préalable à ces suspensions  : elles ne sont basées que sur des soupçons. Or, l’essence même du droit français réside dans la présomption d’innocence. L’article 25 du Code Pénal stipule qu’une «  déchéance de la nationalité doit être motivée par la condamnation d’un délit ou d’un crime constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation  », tandis son référé 25-1 signale que seules les nationalités acquises (et donc non ob- tenueàlanaissance)sontrévocables.Danscecas précis, ces confiscations semblent préventives à un jugement et le terme de déchéance de na- tionalité semble impropre. Pourtant, le caractère reconductible de ces mesures peut inquiéter  : les conditions de confiscation sont détaillées alors que celles des restitutions restent vagues. Quid alors de la constitutionnalité de cette loi  ? La mise en garde à vue pour soupçons d’entreprise terroristesontréglementéeetnepeuventpasdé- passer36h. Alors que Manuel Valls, Premier ministre, an- noncequ’il« yenauraplus »,lanécessitédedivul- gationdecesidentitésconfisquéesestincontour- nable. Enfin, rappelons que la condamnation systématique d’une population pour ses choix et ses revendications participe amplement à sa stig- matisation et sa propre exclusion. Aujourd’hui, mieux vaut-il prévenir que guérir, surveiller que punir ? N.M Loisanti-terrorisme cachezcesidentitésquejenesauraisvoir
  • 8. 8 CODEX S urunéchantillonde414sujetssains,leTruvadaapu prévenir la contraction du virus chez 86% des par- ticipants de l’étude Ipergay. Sur les 35 % de volon- taires qui ont contracté une infection sexuellement transmissible (IST), seuls 0,94 % du « bras » qui a reçu le traitement a développé le sida contre 6 % pour le « bras » sous placebo. Une étude antérieure, Iprex, réalisée entre 2007 et 2011, avait obtenu des résultats similaires : le médicamentagiraiten préventiondans44% descas.Lafourchettedeces résultats montre que l’utilisation du traitement est efficace dans un peu moins d’un cas sur deux. L’autorisation de mise sur le marché (AMM), qui autorise la prescription du Truvada en France, est pour l’instant restreinte au traitement curatif. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a décidé de le placer sous le régime des Recommandations temporaires d’utilisation (RTU) pour sa forme préventive. Les médecins peuvent donc prescrire le médicament sous surveillance médicale. Les résultats observés lors de cette phase permettront, ou non, son utilisation en prévention du sida. L’ANSM devrait rendre sa décision le 14 juillet 2015. Risques décuplés Une nouvelle souche du virus (CRF-19) a été découverte chez 52 % des patients cubains sidéens. Son mode opératoire est inédit : jusqu’alors le virus avait un mode d’infection mono-site, il ne se fixait que sur une seule cellule et produisait ensuite ses copies. CRF-19 a abandonné ce premier ancrage : son mode d’infection est multi-site. Le développement du virus est donc accéléré et sa période d’incubation, estimée, à 3 ans contre 6 à 10 ans pour les souches plus anciennes. Aussi, la chance de contracter le virus est décuplée puisque plusieurs infections mono-sites peuvent sévir en même temps. La recherche pour la lutte contre le sida évolue globalement mieux qu’à ses débuts. Aujourd’hui, les traitements stabilisent la charge virale : on peut rester séropositif plus longtemps sans développer le sida. La charge destraitementsaégalementdiminuée.Ilya5ans,unequarantainedemé- dicaments était nécessaire aux soins. Parallèlement, les recherches conti- nuent pour trouver un vaccin. Enfin, la vie d’un malade est devenue, dans certains cas, compatible avec un mode de vie normal. Rappelons tout de même que l’utilisation du préservatif reste le moyen de protection le plus efficace. N.M L’étude Ipergay montre l’efficacité d’un traitement préventif au VIH grâce au médicament Truvada. Jusqu’ici utilisé pour tenter de guérir l’infection, il pourrait dès 2015 être indiqué en prévention. Tandis que la nouvelle souche CRF-19 du virus fait son apparition à Cuba, la recherche pour la lutte contre le sida accumule les succès. Truvadaversdestraitementspréventifsdusida
  • 10. 10 CODEX Le marché de l’automobile chinois se porte bien. Et même plus que bien. Si d’une façon générale dans le monde, les chiffres sont plutôt en berne, la Chine, elle, a vu son parc automobile s’agrandir de façon exponentielle depuis l’année dernière, avec un «  grand bond en avant  » de 12%. Fin 2014, 264 mil- lions de véhicules circulaient sur le terri- toire chinois. Dans certaines métropoles, comme Shanghai et Pékin, le parc automo- bile a même atteint les 2 millions d’unités. En quelques années, la Chine s’est donc imposée comme le premier marché mon- dial de l’automobile, et ce, sans surprise. Car la nouvelle première puissance écono- mique a vu apparaitre une nouvelle classe de population, dite «  classe moyenne  » dont le pouvoir d’achat a augmenté de manière significative ces dernières années. L’acquisition d’une voiture reste symbole d’une certaine aisance sociale. Ainsi à Pé- kin, on compte désormais 63 véhicules pour 100 ménages, selon les chiffres du Comité des Constructeurs Français d’Au- tomobiles. Mais cette avancée n’est pas sans consé- quence. Considérée comme l’un des deux plus grands pollueurs de la planète, la Chine a du faire face récemment à plu- sieurs pics de pollution et les images du «  smog  » chinois ont choqué la planète. Le 28 février dernier, un documentaire ré- alisé par une ancienne présentatrice de la télévision nationale a remis de l’huile sur le feu. Intitulé «  Under the Dome - In- vestigating China’s haze  » (Sous le Dôme – Enquête sur le brouillard chinois), le court-métrage met en avant les risques de la pollution sur la santé, mais aussi les conflits d’intérêts entre le gouverne- ment et les entreprises chinoises aux ac- tivités polluantes. En quelques jours, le documentaire aurait été visionné plus de 30 millions de fois, témoignant ainsi des préoccupations de la population chinoise. Or, qui dit population mécontente dit gouvernement en danger. Car le contrat social chinois repose sur un principe simple : des habitants avec un niveau et des conditions de vie en baisse devient vite synonyme d’une baisse de confiance dans l’action du gouvernement, alors illé- gitime. À cette première difficulté s’ajoute pour le gouvernement chinois la pression internationale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi et sur- tout l’inexorable diminution des réserves de pétrole. «  Les autorités chinoises savent que les ressources pétrolières sont finies et ils voient déjà plus loin. Ils ont encore du charbon, et n’ont pas encore exploité le gaz de schiste, ce qu’ils fe- ront sans doute si cela leur est indispensable.  » explique Denis Astagneau, président de l’Association Française de la Presse Auto- mobile et journaliste spécialiste de l’auto- mobile à France Inter. Mais aujourd’hui, c’est vers le marché de l’automobile élec- trique que se tourne le gouvernement. Une solution qui sur le papier se vend bien, mais qui dans les faits, semble plus difficile à mettre en place. Les mauvais choix du gouvernement chinois Dès 2011, le gouvernement chinois a amorcé un premier pas vers le véhicule électrique en demandant aux construc- teurs locaux de concevoir une petite voiture de moins de 3000€. Le résultat avait été une «  voiturette  », allant jusqu’à 50km/h, d’une autonomie maximum de 100km, à l’intérieur spartiate, et inter- dite de circulation sur les autoroutes et les grands axes routiers des métropoles. Mais malgré ce premier échec, le marché automobile électrique chinois est long- temps resté la chasse gardée des deux grands constructeurs nationaux Build Présentée comme une solution aux questions énergétiques et environnementales, l’électricité comme nouvelle source d’énergie a su faire rêver. Dans le domaine de l’automobile, le véhicule électrique est apparu comme une solution miracle. Pourtant sa mise en place reste laborieuse et ce particulièrement en Chine. L’Empire du Milieu est-il capable de réorienter son parc automobile? Et surtout, quelles seraient les conséquences sur le marché économique mondial ? Nouveau moyen de pression chinois? Véhiculeélectrique
  • 11. 11 CODEX Your Dreams (BYD) - qui en détient 55%- et Chery, 39%. « Parmi les voitures électriques qui circulent en Chine, les plus utilisées sont les voitures d’origine chinoise elles-mêmes. Ce ne sont pas les voitures étrangères, ce n’est pas la Nissan Leaf, qui est la voiture électrique la plus vendue à travers le monde.  » insiste De- nis Astagneau.  «  Une industrie étrangère qui veut vendre en Chine, sans taxe de 300%, doit être associée à une entreprise chinoise. C’est le cas de Nissan_Renault, PSA, qui sont associés avec Dongfeng, un des deux grands distribu- teurs chinois. Pour avoir un marché en Chine, il faut s’associer à un chinois qui détient 51% du capital.  » A À cette première clause, s’en ajoute une deuxième, représentative de la stratégie chinoise dans son ensemble : le transfert de technologie. En s’implantant sur le sol chinois, l’entreprise étrangère s’engage à partager son savoir-faire. En- fin, les subventions de 60 000 yuans - soit 7 600 euros- allouées lors de l’achat d’un véhicule électrique et réservées aux seuls constructeurs chinois complètent le tableau. Ce protectionnisme assumé n’a pas aidé à la promotion du véhicule électrique. Car jusqu’à présent, la population s’est montrée réticente. En 2013, seulement 17 600 véhicules électriques ou hybrides ont été vendues en Chine. Et la légère augmentation observée au premier se- mestre 2014 est loin d’être suffisante pour atteindre l’objectif des 500 000 véhicules électriques espéré pour 2015. Pourtant, l’essor du véhicule électrique fait partie des priorités du gouvernement chinois et s’inscrit dans le douzième plan quinquennal du ministère de la science et de la technologie chinois, pour la période 2011-2015. La Chine ouvre ses portes Afin d’atteindre ses objectifs, le gouverne- ment chinois s’est décidé à modifier de fond en comble sa politique dans le do- maine. Dans le courant de l’année 2014, une série de mesures a été prise : l’ouver- ture en septembre 2014 du marché aux constructeurs étrangers, l’harmonisation des subventions accordées aux véhicules «  propres  », d’origine chinoise ou étran- gère et l’exemption de la taxe de 10% du prix de vente pour l’achat d’un d’entre eux. Ces mesures, qui marquent un pre- mier pas du gouvernement, pourraient éventuellement redonner une chance aux véhicules électriques sur le sol chinois. Mais d’autres problèmes restent encore à régler. Premier écueil, l’offre ne semble pas correspondre à la demande : les chinois, friands de berlines, n’avaient que jusqu’à très récemment accès qu’à de pe- tits modèles citadins. Mais l’arrivée sur le marché de voitures étrangères pourraient peut-être appor- ter une réponse. L’allemand BMW s’est d’ores et déjà positionné sur le marché chinois, avec ses deux modèles électriques i3 et i8. Ce dernier, type berline corres- pondant plus aux attentes de la clientèle chinoise. Mais les constructeurs français ne sont pas en reste. En 2012, Carlos Ghosn, président de Renault, annonçait l’implantation en Chine de la marque. En 2013, naissait Dongfeng Renault Auto- motive Compagny (DRAC), co-entreprise chinoise de la marque au losange. Et c’est dans la ville de Wuhan, sorte de Silicon Valley asiatique, que l’usine devrait ouvrir ses portes fin 2015. Au programme pour le premier semestre 2016, la production de la Fluence, première voiture électrique de Renault en Chine, une berline élec- trique qui correspondrait plus aux at- tentes chinoises.«  Renault pourra profiter de tout le réseau Nissan qui est déjà bien implanté, puisque depuis 2014 Nissan est En Chine, l’absence d’infrastructure de recharge constitue un véritable frein à l’essor du véhicule électrique © Wikimédia Commons
  • 12. 12 CODEX lution électrique, et qu’on sera les premiers. Quand on parlera de moteurs électriques, on parlera de Renault.  « Pour l’instant, ce n’est pas un succès, mais ils ont quand même de vraies voitures toutes électriques. Et même s’ils perdent de l’argent dessus, ils vont persister.  » analyse Denis Astagneau. À noter que la Fluence n’était pas destinée à l’origine au marché chinois. Prévue pour l’Europe, la production avait du être arrêtée suite à la faillite de la société israëlo-américaine Bet- ter Place, alors partenaire de Renault. Cette société avait pour ambition de révolution- ner le parc automobile électrique mondial, en proposant un système de recharge de batterie sous la forme d’un réseau de «  sta- tion-service de l’électrique ». Une idée «  ir- réalisable  », selon Julien Varin, responsable de la communication du secteur Energie de Bolloré, en raison des coûts pharamineux qui auraient été nécessaires et des difficul- tés techniques rencontrées pour changer rapidement les batteries des véhicules. Aujourd’hui, les interrogations autour des batteries et des moyens de recharge sont toujours au coeur du débat. Et en Chine, c’est même le frein principal au dévelop- pement du marché du véhicule électrique. Les batteries, point faible du véhicule électrique ? Coût et autonomie. Deux mots qui, à eux seuls peuvent décider de l’avenir du vé- hicule électrique. Et ils se concentrent tous les deux autour d’un élément clé pour la voiture électrique : la batterie. Aujourd’hui, deux types de batteries sont proposés sur le marché : la batte- rie Lithium-ion, la plus fréquemment utilisée à l’échelle internationale, et la batterie Lithium Métal Polymère (LMP) produite par le groupe français Bolloré. Cinq critères permettent de juger de leur efficacité : l’intensité énergétique, l’inten- sité de puissance, le cycle de vie, la sécu- rité et le coût. Pour Julien Varin, responsable de la communication Bluecar chez Bolloré, la batterie LMP répond déjà à la plupart de ces critères «  La batteries LMP Bolloré a trois avantages. Elle offre une plus grande sé- curité, et peut supporter des températures allant de -30° à 180°. Leur autonomie est également supérieure à celle des batteries litihum-ion, puisqu’on parle de 250 à 300 km d’autonomie. Enfin, et c’est le plus important, la durée de vie supérieure à 3000 cycles de charge est bien plus longue que celle des batteries lithium-ion. Si vous deviez changer la batterie de votre télé- phone portable une fois par an, ce ne serait pas très grave. En revanche, dans le cas d’une bat- terie de voiture, le coût ne serait pas le même.  » Mais en Chine, la batterie LMP fait en- core figure d’exception et un véritable fossé technologique la sépare des batte- ries Lithium-ion, utilisées sur le marché asiatique. Un rapport du Ministère des Affaires Etrangères et du Développe- ment International met en évidence les failles des batteries chinoises : le système de gestion de la batterie, incluant notam- ment le système de contrôle de la tem- pérature, le système de commande de la charge et le système de sécurité sont loin d’être satisfaisants et ne peuvent donc répondre à la demande. À ces points techniques s’ajoute une contrainte de taille, primordiale pour le consommateur : le coût. «  Pour l’instant la population ne s’intéresse pas à l’électrique parce que c’est cher, surtout à cause des batteries. Même si les chinois sont les premiers producteurs de batteries au monde –tout modèle confondus-, une batterie de voiture revient encore trop cher. Il ne s’agit pas d’une batterie de 12 Volts, c’est Le groupe français Bolloré a développé un système de bus électriques au sein des universités d’Abidjan © Jonas Ehouman
  • 13. 13 CODEX beaucoup plus important et donc le prix est élevé. Et pour l’instant, les consommateurs chinois regardent le prix, évidemment.  » explique Denis Astagneau. Aujourd’hui, le prix de la batterie représente environ le tiers du coût total du véhicule. Ainsi, pour rendre attractif les véhicules électriques, en Chine mais aussi à l’échelle mondiale, il faudrait parvenir à faire baisser les coûts de production des batteries, particulièrement onéreuses. «  Il faut qu’il y ait d’importants investissements en recherche pour alléger le prix des batteries.» explique Jean-Pierre Genêt, journaliste à L’Argus. «  Et puis aussi - et c’est fondamental - il faut que les gains d’échelle soient importants, ce qui veut dire qu’il faut que les volumes de production soient suffisants pour faire en sorte que le prix unitaire des véhicules soit baissé.  » Des volumes de production importants généreraient des économies d’échelle, suffisantes pour abaisser les coûts et rendre le moteur électrique compétitif. «   Pour les distributeurs chinois comme Dongfeng, l’électrique n’est pas une priorité. Ce qui les intéresse, c’est le volume. Mais si le gouvernement chinois veut que ses constructeurs fassent de l’électrique, ils feront de l’électrique. C’est un marché libéral, mais avec une forte propension autoritaire du gouvernement.  » précise Denis Astagneau. Si l’on ajoute à ce facteur une éventuelle mesure protectionniste que ne manquerait pas de prendre le gouvernement chinois pour lutter contre la pollution, et un passage à la solution de batterie LMP, viable sur le long terme, et envisagé par le groupe Bolloré qui s’est dit «  intéressé par le marché chinois  »,  le marché de automobile aurait achevé sa révolution copernicienne. La solution électrique, envers et contre tout ? En pleine interrogation sur l’avenir de l’industrie pétrolière, l’électrique avait à ses début fait figure de solution miracle - sauf pour les Etats-Unis, bien évidem- ment. Aujourd’hui encore, malgré des débuts difficiles, les gouvernements pro- meuvent encore les véhicules électriques. En France, la ministre de l’Ecologie Ségo- lène Royal a récemment annoncé le retour des «  pastilles vertes  » à apposer sur les véhicules «  propres  », mais aussi le ren- forcement des aides pouvant aller jusqu’à 10 000 euros pour l’achat d’un de ces vé- hicules, sous condition bien sûr. Mais si en France la question écologique relève plus d’une volonté politique et d’un souci de l’avenir, le gouvernement chinois, lui, a été mis au pied du mur, piégé par son propre contrat social. Car la population, de plus en plus sensible à la question de pollution de l’air, pourrait remettre en cause l’action du gouvernement, à moins que ce dernier ne se décide à agir vite. Et le virage vers l’électrique pourrait être une réponse, à condition que soient réglées les questions de batteries, de coût et de bornes de recharge… Parmi les problèmes du véhicule élec- trique, se pose la question du recyclage des batteries. Les écologistes pointent au- jourd’hui du doigt leur fabrication, qu’ils considèrent comme polluante, et plus en- core leur recyclage, qui serait difficile. Là encore, le groupe Bolloré se distingue  : «  Quand les écologistes nous disent que les voitures électriques sont plus polluantes que les voitures thermiques, c’est grotesque. Dire que toutes les batteries électriques sont polluantes, c’est un gros raccourci. Dans nos batteries LMP, il n’y a ni métaux lourds, ni solvants, elles sont à Les pics de pollution dans les métropoles chinoises obligent à des mesures sanitaires ©Virginie Garin Aujourd’hui,leprixdelabatteriereprésente environletiersducoûttotalduvéhicule.
  • 14. 14 CODEX 99% recyclables.  ». En Chine, cependant, ce n’est pas tant la question du recyclage des batteries qui inquiéte que celle de leur recharge. Peu présentes - voire qua- si inexistantes- sur le territoire chinois, les bornes de recharge sont un véri- table frein à la promotion du véhicule électrique. Pour pallier à ce manque, l’agence Bloomberg avait annoncé en 2014 un projet gouvernemental chinois d’un montant de 16 milliards de dollars, destinés à intensifier le réseau. Depuis des décennies, le charbon est la principale source d’énergie de l’Empire du Milieu. Mais aujourd’hui, la pollu- tion qu’il génère dérange. Il faut donc rapidement se tourner vers une autre source d’énergie, propre cette fois-ci. Pour les chinois, ce renouveau passe par le développement du nucléaire, qui fait pourtant débat ailleurs. En France par exemple, le groupe Bolloré en reven- dique l’utilisation, tout en la nuançant : « L’électricité utilisée dans nos batteries est d’origine éolienne, hydrogène et aussi nucléaire. Nous avons la chance en France d’avoir misé sur l’énergie nucléaire, il faut s’en servir. C’est une source d’’énergie importante qui est à notre disposition pour pas cher. » Dans le cas de la Chine, l’utilisation du nucléaire pourrait effectivement réduire les émis- sions polluantes… à condition que les normes de sécurité soient respectées. Et pour l’instant, rien ne garantit que le gouvernement chinois réussira à les faire appliquer. Car dans le domaine de l’énergie, la Chine doit encore faire ses preuves. Les nombreuses polémiques autour du barrages des Trois-Gorges, considéré comme un échec économique et environnemental par certains et à propos duquel Pékin lui-même connait quelques failles, ont rendu légitime la question. Le gouvernement chinois est-il prêt à gérer l’industrie nucléaire, dont les conséquences en cas d’accident pourraient prendre une ampleur inima- ginable ? Pourtant, malgré toutes ces interroga- tions et variables, la simple éventualité d’une réorientation du parc automo- bile chinois a de quoi faire frémir le monde entier. Premier marché automo- bile mondial, la Chine pèse lourd dans l’économie des pays producteurs de pé- trole. Pire encore, un engouement vé- ritable de la population chinoise pour- rait faire basculer le marché mondial, car les constructeurs qui fonctionnent sur une logique d’économie d’échelle, pourraient favoriser le marché de l’élec- trique au détriment de celui du pétrole. «  L’électrique ne va pas tout remplacer mais évidemment, si tout d’un coup la demande de pétrole chute, les pays producteurs vont en pâ- tir(…) Si la Chine abandonne, il y aura un trou. Et puis après la Chine, l’Europe. C’est une sorte d’effet domino.  » décrypte Denis Astagneau. Le sort du marché automobile et de l’économie pétrolière serait-il entre le mains des chinois? Dans un avenir proche, la question ne se pose pas. Mais dans le cas de la Chine, la question de la temporalité est à repenser. En lançant aujourd’hui des mesures destinées à favoriser l’essor de l’électrique, le gou- vernement chinois parie sur un futur «   proche  » d’une trentaine d’années. Les magnants du pétrole devraient-ils commencer à considérer la question d’un œil nouveau ? Jade Toussay Le barrage des Trois-Gorges, censé favoriser la production d’hydroélectricité, est considéré comme un échec sur le plan environnemental et humain. © Harvey Mead
  • 16. 16 CODEX Dans plusieurs communes de France, les hôpitaux sentent monter la fièvre. Entre le rattrapage des réductions du temps de travail (RTT) pour certains et celui des emprunts toxiques pour d’autres, les administrateurs hospitaliers peinent à garder la forme. À cela s’ajoute les mots «  déficit  », «  investissements  » ou encore «  objectifs budgétaires  ». L’entreprise médicale est en crise... et les Français, eux aussi, se font porter pâles  : moins de médecins de ville de secteur 1, moins de moyens, moins de lits. En France, la mauvaise santé des établissement hospitaliersestaujourd’huiàdoubletranchant.Leservicehospitaliernetiendraitplusl’équilibre entre aspects économique et humain. «  L’hôpital est un établissement public où les malades ont leur maux à dire  », disait Serge Mirjean...Aussi bien sur les feuilles de soins que les rapports d’activité. dossier de Sélène Agapé Hopitaux français : S.O.S Santé en danger
  • 17. 17 CODEX «  Emprunts toxiques  », «  dettes pourries  », les appellations sont nombreuses pour qualifier le poison qui parasite les dettes des hôpitaux publics français. Pourtant, ils ne sont pas in- connus du grand public… et du gouverne- ment français. En 2008, en pleine crise des subprimes et post-municipales, la France découvre que des milliers de communes françaises sont touchées par les emprunts toxiques. Les malheureux nouveaux maires s’aperçoivent que leurs prédécesseurs ont contracté ces emprunts sous forme de pro- duit structuré qui évolue selon la fluctuation des marchés financiers. Les crédits finan- ciers risqués concernent 5 500 communes – qui n’ont pas toujours été très attentives et conscientes des conséquences – dont le montant des dettes et des taux d’emprunts est au bord de l’implosion. Du côté des créanciers, on pointe du doigt des banques peu scrupuleuses dont une qui représente les deux tiers du marché des emprunts toxiques des communes : Dexia. Cette banque fran- co-belge-luxembourgeoise, ex-Crédit local de France, aurait vendu à près de 5 000 col- lectivités locales françaises 12 milliards d’eu- ros de crédits structurés ou spéculatifs. Six ans après le scandale, feu Dexia – démantelé en 2012 – serait responsable du péril de 53 communes françaises. Cette affaire est une illustration des dérives de la finance inter- nationale… qui n’aura pas pourtant servi de leçon à toutes les entités administratives et gouvernementales, puisqu’aujourd’hui ce sont les hôpitaux français qui sont pris dans la tourmente. Et après les élus, ce sont les administrateurs hospitaliers qui appa- raissent comme les nouveaux «  pigeons  » des opérations financières empoisonnées. Le mot d’ordre  : « investissement  »  «  Dès 2009, nous – la fédération CFDT santé sociaux – avons abordé le problème des emprunts avec Annie Podeur qui était la directrice de l’organi- sation et de l’offre de soins (DGOS) au ministère de la Santé de l’époque. Il nous avait été dit de ne pas nous inquiéter car très peu d’établissements étaient concernés et qu’en cas de problème tout serait résolu rapidement. Au fil des années, nous nous sommes aperçus que c’était un leurre, se désole Dominique Coiffard, secrétaire national CFDT santé sociaux. De plus, un hôpital n’est aujourd’hui compétitif que s’il investit.  » Les premiers rouages de l’engrenage toxique se mettent en place dès mai 2005 avec le futur Plan hôpital 2007. Un ensemble de mesures pour lever  «  les freins qui pèsent sur les hôpitaux  » mais aussi en fi- ligrane pour pallier au sous-investissement hospitalier. En octobre 2007, le président de la République, Nicolas Sarkozy prend le dossier à bras le corps et confie au sénateur des Yvelines, Gérard Larcher, la mission de mener à bien une concertation sur les mis- sions de l’hôpital. Six mois après le chan- tier, le sénateur rend son rapport et dévoile une série de recommandations comme la transformation du conseil d’administration en conseil de surveillance, la modernisation du statut de l’hôpital public mais surtout le renforcement des pouvoirs des directeurs d’hôpitaux. Le 22 octobre 2008, l’ensemble des propositions est présenté sous la forme de la loi Hôpital, patients, santé, territoire (HSPT) en Conseil des ministres pour af- finer les missions de l’hôpital et étudier les modes d’administration. Le 21 juillet 2009, la réforme de l’hôpital est adoptée et les di- recteurs d’hôpitaux sont désignés comme grands gagnants. Ils ravissent l’essentiel des pouvoirs du conseil d’administration et dé- sormais gèrent, entre autre, la politique gé- nérale de l’hôpital, les dépenses et recettes et les pôles d’activités de la structure. Du côté du corps médical, certains ne cachent pas leur crainte que les directeurs d’hôpitaux se lancent dans une recherche de résultats économiques, au détriment de probléma- tiques médicales et de conséquences non anticipées. «  Les fameuses mesures de 2007 puis 2012, prises par le gouvernement ont permis un in- vestissement fort. C’est à ce moment que des banques sont entrées en scène pour faire des propositions aux hôpitaux, qui se sont engouffrés dans ces offres  », explique Dominique Coiffard. À l’instar des maires, ils ont fait le choix de l’emprunt pour pallier la baisse de régime des hôpitaux et endiguer le sous-investissement, en fai- sant fi des primes de risques à l’avenir. 15janvier2015,c’estlapaniquedansleshôpitauxfrançais.Lefrancsuisseestlibre…Libre de s’échanger à sa guise contre l’euro. Ce qui coûte cher aux établissements hospitaliers. Déjà englués dans leurs emprunts, ces derniers n’en finissent plus de s’enfoncer avec des dettes qui flambent d’heures en heures. À qui la faute  ? Hôpitaux, créanciers, gouvernements… Peu importe, dans cet horizon médical aux portes de la suffocation. Emprunts toxiques Hôpitaux publics à bout de souffle
  • 18. 18 CODEX Le rappel du 15 janvier Les banques n’en finissent pas de mener la vie dure aux établissements français. Le 15 janvier 2015, la Banque centrale suisse décide de lâcher du lest sur sa monnaie. Le franc suisse, libre de tout seuil d’appréciation par rapport aux autres monnaies, grimpe face à l’euro et le dollar, allant jusqu’à 20%. Un el- dorado monétaire qui n’est pas au goût des titulaires de prêts en euro-franc suisse et dol- lar-franc suisse comme les hôpitaux français. «  Nous avons au total 1,5  milliard d’euros d’em- prunts toxiques. Pour solder ces produits structurés, les conditions de sortie sont si draconiennes qu’il fau- drait débourser du jour au lendemain le double, soit 3  milliards d’euros. Et voilà maintenant qu’on nous rajoute 500  millions à payer !  », rapporte Frédé- ric Valletoux, président de la Fédération Hos- pitalière de France (FHF), à la rédaction des Echos.fr. Le coup de poker helvétique a fait monter les enchères qui sont passées de 730 millions à 1,2 milliard d’euros d’emprunts toxiques. Ce qui n’améliore pas le jeu des établissements publics de santé (EPS) dont la dette globale pèse déjà 30 milliards d’eu- ros. Selon le rapport de la Cour des comptes pour la MECSS  «  La dette des établissements publics de santé  », publié en avril 2014, en dix ans, celle-ci, à moyen et long terme, a triplé pour at- teindre 29,3 milliards d’euros fin 2012, soit 1,4% du PIB. Le compte-rendu dénonce l’origine cette «  progression spéculaire  » dans la «  politique de soutien à l’investissement privilégiant le finance- ment par l’endettement  » mais aussi à cause de «  la vision exagérément optimiste de l’accroissement de l’activité des établissements publics  » des ges- tionnaires hospitaliers. «  Nous n’avons pas pris assez tôt la mesure des risques  », tranche le Pr Bernard Granger, du mouvement de défense l’hôpital public (MDHP). Un avis que par- tage Dominique Coiffard, «  puisqu’au-delà des fameux emprunts toxiques, il y a un certain nombre d’hôpitaux qui se trouvent en déficit budgétaire depuis des années.  » Outre, une responsabilité diluée, ce sont les dispositifs d’alerte qui ont peiné à se mettre en place. Le réseau d’alerte des EPS ne date que du 10 février 2010 et n’attribue seulement qu’une note aux établissements selon les niveaux du déficit, d’exploitation, de la capacité d’autofinancement brute, de la couverture des remboursements en capital de dette et de l’encours de la dette rapporté aux produits d’exploitations. Dans cette pers- pective de désendettement, l’Etat a adopté le 14 décembre 2011 un décret «  relatifs aux limites et réserves du recours à l’emprunt par les éta- blissements publics de santé  ». Désormais, pour recourir à un emprunt, un directeur d’hôpital doit saisir le directeur général de l’ARS, qui consultera le directeur des finances publiques avant de prendre une décision. De plus, la création de comités régionaux de veille sur la trésorerie des établissements publics de santé est ratifiée le 14 septembre 2012. Pour compléter le dispositif de contrôle, le 5 juin 2013 est crée un comité interministériel de la performance et de l’offre de soin (COPER- MO). Il assure le suivi financier prioritaire des établissements sélectionnés par les indi- cateurs des autres dispositifs d’alerte. Le 23 avril 2014, le ministère de la Santé posait de premières réflexions sur l’augmentation du fonds de soutien dédié aux hôpitaux – doté de 100 millions sur 3 ans – , permettant de les soutenir à réduire le taux de leur encours de dettes. En réponse à l’affaire du 15 janvier et l’appel à l’aide lancé par les représentants du monde hospitaliers, la ministre de la San- té, Marisol Tourraine a annoncé une rallonge de 300 millions du fonds sur 10 ans. «  Ces dernières semaines, nous avons commencé à faire re- monter les dossiers via les Agences régionales de santé. Les hôpitaux vont entrer dans le dispositif comme prévu cette année, il y en aura des dizaines, peut-être 50, 70, 80… Ils seront aidés pour payer les intérêts, mais aussi le coût de sortie de l’emprunt  », précise la ministre dans un entretien aux Echos. Une assistance qui pourrait peut-être dissuader les établissements hospitaliers de s’engager dans des poursuites judiciaires à l’égard de leurs créanciers empoissonnés, à l’instar des collectivités. Sélène AGAPÉ La flambée du franc suisse n’a pas épargné les hôpitaux dont le CHU de Saint-Etienne, l’un des hôpitaux les plus endettés de France. ©DR
  • 20. 20 CODEX La paupérisation rapide de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris a conduit à la fermeture des urgences de l’Hôtel-Dieu, à une mobilisation des étudiants infirmiers et à des grèves de médecins. La tension croît depuis plusieurs mois dans les établissements de l’AP-HP, où certains secteurs atteignent les limites de la tension. Si les établissements parisiens ont toujours bonne réputation, les économies de fonctionnement deviennent trop contraignantes pour assurer un service de soins satisfaisant. Entretien avec le professeur Bernard Granger, directeur du service de psychiatrie de l’hôpital Tarnier et membre actif du mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP). « L’AP-HP n’est pas une entreprise » Le 10 juin 2014, l’AP- HP a présenté son plan de « stratégie globale d’amélioration des Urgences », pensez-vous qu’il pourra améliorer la gestion de ce service souvent décrié ? Je ne suis pas un spécialiste des Urgences mais on a beaucoup insisté sur le délai d’attente. C’est facile à mesurer. Mais les gens ne vont pas aux Urgences pour attendre, ils s’y rendent pour être bien soignés. Or, on ne mesure pas bien cet aspect. Je pense qu’il faut Le 5 mars dernier, l’AP-HP a annoncé une légère aggravation de son déficit autour de 10 millions d’euros pour un budget de près de 7 milliards d’euros. © DR
  • 21. 21 CODEX surtout insister sur la qualité des soins qui sont donnés aux Urgences. Le problème des Urgences est très complexe : il y a ce qui se passe en amont et ce qui passe en aval. En amont, c’est le fait que beaucoup de passages aux Urgences pourraient être évités si la médecine de ville était organisée différemment. En aval, il y a toute la problématique de la suppression de lits, pour des raisons économiques principalement. Dans ma discipline – la psychiatrie – plus de la moitié des lits a été supprimée depuis les années80.Danscertainsservices,notamment dans les hôpitaux de secteur, les médecins ont des difficultés à hospitaliser leurs patients. Ils les font sortir trop vite pour faire de la place. La baisse du nombre de lits parfois se justifie, il y a par exemple des bilans qui sont faits en hôpital de semaine qui pourraient être faits en ambulatoire. Inversement, il faudrait qu’il y ait un parc de lits modulables pour faire face au pic. Regardez l’exemple récent avec la grippe, on a du décommander des opérations au profit d’hospitalisations. Parmi les problèmes de l’AP-HP, on cite souvent le rattrapage des réductions du temps de travail (RTT), qu’en est-il ? Les 35h appliquées à l’hôpital ont été un facteur de désorganisation considérable parce qu’elles ont été mises en œuvre de façon très rapide sans prévoir toutes les conséquences et dans un domaine où l’on travaille 24h/24. La compensation qui a été donnée en RTT provoque des complications extrêmes car soit les RTT ne sont pas pris et sont mis dans un compte épargne temps dans le but d’être payés, ce qui coûte cher, soit ils sont pris et il faut jongler avec les effectifs présents. C’est pour le personnel une source de souffrance au travail car pour combler un trou on doit changer quelqu’un de service. On parle sans arrêt de polyvalence et de flexibilité mais elles ne sont pas réelles dans les faits. D’autant plus que les soins sont de plus en plus techniques. Un infirmier de diabétologie ne va pas être aussi performant dans un service de chirurgie où les soins n’ont rien à voir. Or pour des raisons d’économie, on a quand même beaucoup supprimé de postes en jouant sur cette polyvalence. La réduction du déficit de l’AP-HP serait de 20 millions d’euros en 2013. Comment et à quel prix ? Il y a eu énormément de sup- pressiondepersonnels.Ilyaune dette assez importante à l’AP- HP. Heureusement, il n’y a pas d’emprunts toxiques. C’est vrai qu’il faut que les finances soient tenues mais en regard, il faut en- visager les conséquences. On ne peut pas vouloir supprimer un certain nombre de personnels soignants et vouloir soigner plus de personnes. La contradiction principale, c’est que ce n’est pas l’AP-HP qui fixe ses tarifs, ils sont fixés à l’échelle nationale, selon une enveloppe globale. Cette année, il va y avoir une réduction des tarifs pour que l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) soit respecté, et donc envisager les déficits sans essayer de com- prendre les mécanismes budgé- taires, c’est un peu trop rapide. L’AP-HP n’est pas une entreprise. Onnepeutpasmettreleshôpitaux en concurrence. Il y a une large dif- férence entre les hôpitaux et les en- treprises.Leshôpitauxdépendentdel’ARS.Ils ont une autonomie très faible et ne fixent pas leurs prix. Demain, ils ne seront jamais mis en faillite, ils seront toujours secourus par l’Etat s’ils ont de trop gros problèmes financiers, ils ont des missions de service public. Appliquer la mentalité d’une entreprise privée à l’hôpital public c’est une absurdité. On se focalise sur les déficits mais ils sont surtout provoqués par les enveloppes globales, la politique nationale. Certes il y a aussi des gaspillages et probable- ment une bureaucratie trop envahissante au niveau de l’AP-HP, mais justement rien n’a été fait dans ce domaine. Comment se portent les hôpitaux parisiens aujourd’hui ? L’image de l’AP-HP auprès du public reste plutôt bonne. Je pense que les conditions de travail y sont de plus en plus difficiles. D’ailleurs, il y a beaucoup de gens qui quittent l’Assistance Publique. Je pense que la qualité des soins n’est pas toujours au rendez-vous malgré l’immense dévouement des personnels soignants, en particulier les aides-soignants, les infirmiers. Tout cet aspect est d’ailleurs insuffisamment valorisé. Il y a tout un aspect humain qui est capital pour ce que vivent les patients qui nous font confiance tous les jours. On a le nez fixé sur des chiffres alors que le caractère humain ne se mesure pas. À mes yeux c’est tout aussi important. La visibilité à terme est tout aussi réduite parce qu’il faudrait moderniser les hôpitaux qui sont vétustes. Il y a également d’immenses besoins en terme d’équipements qui ne sont pas satisfaits à cause des contraintes budgétaires, liées au manque d’investissement criant. Ceux qui sont attachés à une médecine de pointe trouvent que dans certains domaines, l’AP- HP n’est plus au niveau. Les radiologues, par exemple, se plaignent beaucoup de ne pas avoir les équipements les plus performants. Etant donné que globalement les besoins augmentent en raison des progrès de la médecineetduvieillissementdelapopulation et qu’en face le pays n’a plus les moyens de mettre autant d’argent, il y a un décalage qui se produit inévitablement. Même si en France nous n’avons pas un mauvais système de santé. Sélène AGAPÉ Le 13 mars prochain, le Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP) dont fait Bernard Granger, célèbre ses 6 ans. ©DR
  • 23. 23 CODEX s PS aux airs rès UNEF Un congrès du PS durant une présidence socialiste est toujours un exercice périlleux. En 2008, celui de Reims s’était achevé dans les larmes de Ségolène Royal. Sept ans plus tard, les socialistes redoutent « un nouveau congrès de Rennes » (1990) au cours duquel LaurentFabiusetLionelJospins’étaientaffrontéssansvainqueur.Lecongrèsdemi-mandat doit définir la ligne politique à tenir pour espérer se faire réélire à la prochaine échéance présidentielle. Or, lorsque toute une aile du parti fronde déjà à l’Assemblée, au point de forcer le Gouvernement à engager sa confiance pour faire voter une loi, rien ne va plus.
  • 24. 24 CODEX De son long passage à l’Union Na- tional des Etudiants de France (UNEF), Jean-Christophe Cam- badélis a laissé à certains le souvenir d’un homme de consensus. Robi Morder, ancien membre du Bureau national de l’UNEF le décrit comme un homme « voulant maintenir tout le monde ensemble », quitte à utiliser des «  manœuvres  ». François Sabado, ancien dirigeant de la LCR, chargé au Bureau Po- litique des questions de jeunesse parle plu- tôt de «  certaines méthodes  ». Et elles n’ont pas manqué: « fausses cartes, menaces physiques, résultats trafiqués  » avec des ajouts de vote d’étudiants africains ou la pratique du « vote polonais » (vote bloqué). Des pratiques qui ne sont pas sans rappeler celles de certaines fédérations du PS, notamment dans les Bouches-du-Rhône.  Au congrès du PS de Poitiers, « Camba » retrouvera d’autres anciens de l’UNEF aux caractères «  plus clivant  ». D’autant que l’UNEF est actuellement représentée au cœur du pouvoir en la personne de Bruno Le Roux et Jean-Marie Le Guen. C’est aus- si le cas de Manuel Valls, Premier ministre et ancien chef de fil des jeunes rocardiens qui a rejoint avec Alain Bauer et Stéphane Fouks (qui deviendront respectivement pa- tron d’Euro-RSCG et dirigeant du Grand Orient de France). L’UNEF-ID (Indé- pendante et Démocratique) se réunifie en 1980. Benoît Hamon est également arrivé après les grandes batailles de 1986. Mais ces hommes, selon Robi Morder, n’ont jamais eu « qu’une carte de l’UNEF ». Pour lui, « cela fait partie de l’ordinaire d’adhérer à des organi- sations syndicales ou politiques, dans certains mi- lieux ». Pour le sociologue, Valls et Hamon avaient d’abord « un engagement politique avant d’avoir un engagement syndical. Ce qui les inté- ressait était d’avoir les mains dans le cambouis. » Il poursuit : « Pour être recruté dans un cabinet ministériel ou pour monter dans l’organigramme du PS, il y a deux solutions : sortir d’une grande école ou venir d’un mouvement jeune, comme le MJS (Mouvement des Jeunes Socialistes), SOS Racisme, et l’UNEF. ». En juin prochain, deux visions vont s’af- fronter en Juin au congrès de Poitiers: d’une part, celle du premier secrétaire qui tente actuellement de rassembler autour une mo- tion large. De là, lui vient aussi son surnom de « président Wilson », à l’image du pré- sident américain qui essaya de réconcilier l’Europe de l’après-première Guerre mon- diale. D’autre part, il faudra compter sur l’aile gauche, divisée, dont les leaders sont souvent issus de la jeune garde du PS, exfil- trés des mouvements jeunes et notamment de l’UNEF d’abord par Henri Emmanuel- li puis par Benoît Hamon. Ces « rebelles » qui forment aujourd’hui l’aile gauche du PS sont bien décidés à se faire entendre. Une attitude qui n’est pas sans rappeler le congrès de Dijon (2003) à la fin duquel les dissidents étaient rentrés dans le rang à la promesse d’une meilleure représentation dans le parti. Le 77è congrès du Parti socialiste (PS) se tiendra à Poitiers du 5 au 7 juin 2015, sous la présidence de Jean-Christophe Cambadélis. Face à lui, le premier secrétaire retrouvera plusieurs anciens cadres de l’UNEF-ID, qui ont fait carrière au PS. Les mêmes qui militaient dans le premier syndicat étudiant lorsque « Camba » en était président de 1980 à 1984. Le Congrès de la réunification de l’UNEF en 1980 ©DR
  • 25. 25 CODEX La méthode Cambadélis Robi Morder raconte qu’en 1980 : «Cambadé- lis arrive, et il prend au coin d’une table un papier de carré de sucre sur lequel il écrit la formule magique : 4 mitterrandistes, 3 rocardiens et 2 CCA (comi- tés communistes pour l’autogestion). Avec cela, il y avait 5 autogestionnaires contre les 4 autres. Mais encore ces 5 personnes devaient-elles réussir à s’en- tendre. » Selon Robi Morder, l’Histoire et les mémoires retiennent une autre histoire de la réunification de l’UNEF, qui se serait dé- roulée sans problèmes. Pourtant, « ce n’était pas gagné et cela aurait pu échouer. Camba savait aussi élever la voix quand cela devenait nécessaire. » Mais la force de Jean-Christophe Camba- délis est surtout d’avoir réussi à fédérer au sein de l’UNEF-ID en 1980, l’UNEF-US (trotskystes-lambertistes) et sa tendance reconstruction syndicale, et le MAS (LCR) et sa tendance syndicaliste autogestionnaire. C’est lui encore qui réussit à faire évoluer les relations entre le PS et les CCA (Comités communistes autogestionnaires). Outre les différences de positionnement par rapport à la Quatrième Internationale, l’opposition des lambertistes et des révo- lutionnaires est alors très nette. François Sabado, qui fréquentait les responsables d’aujourd’hui, parle d’ailleurs d’une «  pro- fonde méfiance » de la LCR vis-à-vis de l’OCI (Organisation Communiste internationa- liste) qui voudrait la détruire et l’absorber. Robi Morder résume ainsi : « Si on se disait trotskyste, tout allait bien mais si on se réclamait de la Quatrième internationale, on croyait que vous étiez anti-lambertiste. » Pour Cambadélis, la parole donnée ne vaut pas un engagement écrit. Combien de fois n’a-t-il pas sorti de sa poche des documents signés sur le coin d’une nappe en papier, ex- plique Robi Morder. C’est aussi cela qui lui permet d’éteindre des conflits avant qu’ils ne s’embrasent trop. Comme dans l’affaire du règlement intérieur du Bureau National que certains commençaient à vouloir re- mettre en cause après sa signature. Dans le même temps, Cambadélis, comme nombre d’autres futurs socialistes, ne semble pas vraiment s’intéresser au fond des textes. La priorité, c’est l’instauration d’un accord. L’ancien cadre étudiant va même plus loin dans ses propos. « Les futurs socialistes se foutaient des textes ». Ainsi, la tendance au- togestionnaire avait émis des avis de modifi- cations sur certains textes, que « Camba » a pris en compte sans aucune discussion. C’est donc à un difficile numéro d’équili- briste que s’est livré Jean-Christophe Cam- badélis pendant six ans, d’abord à la prési- dence de l’UNEF-US de 1978 à 1980 puis à la présidence de l’UNEF-ID de 1980 à 1984. Un spectacle qui s’est également fait au détriment des trotskystes de l’OCI qui « représentaient 80 % des militants mais n’étaient représentés qu’à 60 % », qui perdront la ma- jorité voire ne survivront pas au départ de leur chef Jean-Christophe Cambadélis pour le PS début 1986. L’UNEF, lieu d’affrontement des gauches Avant 1972 et le programme commun d’union de la gauche, les socialistes (divi- sés en rocardiens et mitterrandiens) sont largement minoritaires et dépassés en nombre par les trotskystes et les commu- nistes staliniens. En 1971, les rocardiens sont majoritaires au Bureau national grâce à l’appui des maoïstes mais ils perdent le pouvoir à la suite de l’alliance des mit- terrandistes, des trotskystes et des commu- nistes. À partir de là, l’UNEF se divise car les communistes quittent le syndicat pour fonder l’UNEF-Renouveau. Tandis que les autres courants se réorganisent au sein de l’UNEF-US à majorité lambertiste. Mitterrand tente alors de s’imposer en 1975 au sein de l’UNEF-US grâce au CO- SEF (Comité pour l’organisation d’un syn- dicat étudiant de France) dirigé par Édith Cresson puis par Jean-Marie Le Guen, président du MJS – Mouvement des jeunes socialistes. A l’époque, Michel Rocard en- voyait ses pions tant à l’UNEF-US qu’au MAS (Mouvement d’action syndicale) où la LCR devint majoritaire. Ce fut finale- ment un échec pour les deux hommes en 1979, deux ans avant la nomination du candidat PS à l’élection présidentielle. Mais tous deux avaient compris, qu’avec l’abais- sement du droit de vote en 1974, ils gagne- raient l’élection. Vainqueur du 10 mai, Mitterrand a ensuite besoin de soutien chez les jeunes, au dé- triment du Parti communiste. Le président entreprend alors des rapprochements de plus en plus prégnants avec l’UNEF par l’entremise et la négociation de Jean- Louis Bianco, de Pierre Bérégovoy, de Jacques Attali, de Lionel Jospin mais aussi de Pierre Lambert. Mais à partir de 1984, c’est Cambadélis et Stora eux-mêmes qui se rendent au palais présidentiel pour né- gocier, en passant par l’intermédiaire du Jean-Christophe Cambadélis, président de l’UNEF-ID de 1980 à 1984 ©INA « Ce n’était pas gagné et cela aurait pu échouer. Camba savait aussi élever la voix quand cela devenait nécessaire. »
  • 26. 26 CODEX secrétaire général de l’Élysée, Jean-Louis Bianco. De fait, le futur ralliement des cadres de l’UNEF au PS ne semble plus faire de doute. «Cela se dessinait naturelle- ment» confie Philippe Darriulat, président de l’UNEF-ID de 1986 à 1988. Les enjeux étaient déjà connus. Robi Morder se sou- vient : « Tout était déjà sur le tableau. Un jour, je suis arrivé dans une salle pour une réunion syn- dicale et tout était déjà écrit. Il suffisait de lire. » 1986, les cadres lambertistes passent au PS Au long de l’année 1986, une décision va donc faire grand bruit. Plus de 400 cadres de l’UNEF jusque là trotskystes-lamber- tistes (OCI devenue le PCI - Parti commu- niste internationaliste) passent avec armes et bagages au Parti socialiste. Le mouvement est initié par Jean-Christophe Cambadélis et Marc Rozenblat qui les premiers quittent l’organisation. À l’époque, chacun donne des prétextes idéologiques basés sur des références trotskystes différentes pour se justifier : « trouver le chemin des masses », « faire de l’entrisme dans la social-démocratie », « créer une aile gauche au sein du PS qui ferait sécession le mo- ment venu pour former un grand parti trotskyste ». Mais le mal est fait, les lambertistes perdent quasiment tous leurs militants syndicaux et ils ne parviendront plus à peser sur aucune autre décision. Pire, le système de renouvel- lement des jeunes lambertistes se fissure et le courant perd une forte partie de son im- plantation dans la jeunesse française. La gauche est alors défaite aux élections législatives de mars 1986, ce qui accélère le passage des cadres favorable à l’idée d’union des gauches au sein du PS, nécessaire pour remporter les élections. La droite revient en force et propose la réforme Devaquet pour une plus grande autonomie financière des universités françaises. C’est un échec, la loi ne passera pas. Une aubaine pour François Mitterrand qui espère beaucoup des étu- diants pour discréditer le gouvernement de droite. Ce projet, présenté en novembre de la même année par le ministre de l’Ensei- gnement supérieur Alain Devaquet, est for- tement similaire à celui de Valérie Pécresse, adopté en 2010. Philippe Darriulat a succé- dé à Marc Rozenblat quelques mois plus tôt et est alors président de l’UNEF-ID. Les syndicats étudiants réagissent à la ré- forme avec pour slogan «Pas de fac d’élite, pas de fac poubelle». Mais la mobilisation ne se créée pas les trois premières semaines. Puis à Caen, un militant de l’UNEF, Daniel Ca- bieu lance « l’appel de Caen » qui fait démar- rer le mouvement en province. Suite à cela, la France entière se met en action. En région parisienne, il s’organise notamment avec ceux qui ont quitté le PCI quelques mois avant pour rejoindre le PS. Sous l’égide de Philippe Darriulat, accompagné d’ Isabelle Thomas, David Assouline, Christophe Ramaux, se créent les «  AG du Mouv’  » (assemblées générales du mouvement étu- diant) qui se traduisent par l’occupation des facs et le blocage des cours. Les lycéens se joignent au mouvement qui se radicalise jusqu’à ce qu’un jeune étudiant, Malik Oussekine, décède après une mani- festation, sur fonds de violences policières. Alain Devaquet démissionne. René Monory, ministre de l’Éducation nationale récupère son portefeuille avec l’ambition de pour- suivre la réforme. Le samedi 4 décembre 1986, plus d’un million de personnes dé- Les jeunes Rocardiens en 1986, à l’UNEF : Stéphane Fouks, Manuel Valls, Alain Bauer ©DR Une aubaine pour François Mitterrand qui espère beaucoup des étudiants pour discréditer le gouvernement de droite.
  • 27. 27 CODEX filent dans les rues parisiennes, ce qui fait prêter ce bon mot à Jacques Chirac, alors Premier ministre «les lycéens, c’est comme le dentifrice, quand ils sont sortis du tube, on ne peut plus les faire rentrer.» Cette mo- bilisation assiéra définitivement la stature des futurs personnalités issues de l’UNEF : Jean-Christophe Cambadélis, Philippe Darriulat, Manuel Valls, Christophe Borgel, Christophe Ramaux, Désormais, Jospin ne sert plus d’intermédiaire puisque tout est directement traité entre Mitterrand, Dray, Bianco et Cambadélis. Du milieu syndical au milieu politique Si l’engagement syndical découle bien sou- vent d’un engagement politique, les deux sont interdépendants et possèdent la capacité al- truiste de l’engagement pour les autres. « Der- rière toutes relations syndicales, il y a des relations politiques avec l’intervention des différents partis qui essaient de détourner les mouvements de jeunes en leur faveur » assure François Sabado. À ce jeu, c’est François Mitterrand qui se révèle le plus fort, notamment lorsqu’il affirme en 1986 « Les étu- diants savent bien de quel côté vont mes sympathies. » Tout cela n’est que l’aboutissement du travail initié en 1968 et dans les comités d’action lycéens (par exemple celui présidé en 1973 par Michel Field contre la loi Debré). Mais il avait fallu attendre 1976-1977 et la fin des effets différés de mai 1968 pour effectuer un travail de masse dans l’université. Pour ceux de tendance autogestionnaire, l’engagement au MAS était la voie royale. Mais les relations de la LCR étaient aussi tendues avec les ro- cardiens notamment à cause du COSEF. L’in- tention de Mitterrand était claire : rassembler des jeunes de gauche et les convertir au PS. En cela, SOS Racisme, l’UNEF et le MJS permettait de priver le Parti communiste du renouvellement de ses futurs cadres en se les appropriant. En 1980, le milieu syndical étudiant désire réaliser l’union de la gauche pour permettre le changement de majorité présidentielle et l’unité au pouvoir. Pour François Sabado, « réellement, la société semblait tendre dans le sens des engagements trotskystes.» La perspective uni- taire alors très forte l’emporte donc, non sans arrières pensées de part et d’autre. François Sabado explique : « L’OCI a toujours regardé la Ligue d’un mauvais œil. Lors de la réunification, il voulait détruire la Ligue. Les deux n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur un texte commun ni à s’entendre sur un candidat commun pour les présiden- tielles de 1981. » Les courants politiques dans les mouvements étudiants En mai 1968, l’UNEF est désorganisée, tiraillé par ses divisions entre socialistes (SFIO, CERES, PSU), communistes (staliniens du PCF), maoïstes et trotskystes (pablistes et lambertistes). Alors que les rocardiens du PSU tiennent le bureau national grâce à une alliance avec les maoïstes, l’ensemble des autres mouvements se liguent contre eux et le syndicat historique se scinde en 1971 en deux syndicats étudiants. D’un côté, il y a l’UNEF-Renouveau, émanation de l’UEC (Union des étudiants communistes), le mouvement jeune du Parti communiste. Ils sont alors soutenus par les chevènementistes du CERES et les maoïstes. De l’autre, on retrouve l’UNEF-US (Unité syndicale) à majorité trotskyste-lambertiste qui regroupe les socialistes (du PS et du PSU) et les lambertistes de l’OCI (Organisation communiste internationale) à tendance favorable à la refondation syndicale (TRS). En 1976, les trotskystes de la Ligue communiste révolutionnaire fondent un syndicat étudiant indépendant : le MAS (Mouvement d’action syndicale) à tendance syndicale autogestionnaire (TSA).En1980,l’UNEF-USetleMASfusionnentpour former l’UNEF-ID (Indépendance et démocratie) lors du congrès de Nanterre. Les lambertistes de l’OCI sont alors majoritaires à 55 %. Le MAS (LCR) représente alors 35 % des adhérents. Enfin, les socialistes du PS sont environ 10 %. Le rapport de forces se modifiera en 1986 lorsque plus de 400 trotsksytes quittent l’OCI devenue PCI (Parti communiste internationaliste) pour rejoindre le PS. A partir de là, les socialistes sont et restent majoritaires. En 2001, l’UNEF-ID et l’UNEF- RE se réunifient.
  • 28. 28 CODEX Les révolutionnaires sont unis par le contenu de leur programme : contre la droite, contre les institutions de la Ve République et contre le capitalisme. À la Ligue, la stratégie est claire : celle d’une indépendance nette pour « féconder le front unique d’un contenu anticapitaliste et révolutionnaire ». L’organisation de jeunesse prône toujours le retour à l’usine. À l’OCI, assumer les comportements des années 1980 est plus difficile. Robi Morder précise « Dans l’éducation lambertiste, on se méfie des appareils. Là encore, c’était une contradiction. On a beau être idéa- liste, on n’est pas cons. » Car d’un côté, l’OCI affirme ne pas pouvoir traiter avec les gou- vernants. Tandis que de l’autre, Cambadélis et Rozenblat négocient avec Alain Savary, ministre de l’Éducation nationale. Mais la Ligue résiste par son pragmatisme et surtout grâce à l’activisme de ses militants. Dans les luttes et dans les grèves des années 1980, ils sont toujours présents. François Sa- bado se rappelle avec nostalgie le temps où ils arrivaient à faire descendre « plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues ». En 1986, les têtes de la contestation sont issues de la LCR: Isabelle Thomas à Paris XIII, Daniel Cabieu qui lance le mouvement à la suite de son « Appel de Caen », Julien Dray qui même s’il l’a quitté en 1982 y reste toujours très atta- ché, notamment à la minorité de la ligue par Gérard Filoche. Julien Dray, ancien de la Ligue, puis président du MAS arrivait avec plusieurs milliers de cartes. Mais le désavantage du MAS est qu’il n’est soutenu par aucun syndicat « adulte ». Alors que l’UNEF-US bénéficie de l’aide de FO et du soutien officieux de François Mit- terrand. Si en surface l’unité de l’UNEF ID semble acquise, les relations internes sont dures. La pression qu’exerce le pouvoir socialiste sur le syndicat est d’autant plus forte. Mitterrand tient à ce que le PS, « là où se passent les choses sérieuses » soit représen- té dans la jeunesse, selon le sentiment de l’époque. Il encourage même ce qui repré- sente une aile gauche au sein du PS. Il les incite même à être plus radicaux que le parti pour pouvoir rallier à eux une large partie de l’extrême-gauche française. L’attrait des res- ponsabilités intéresse également les jeunes ambitieux comme Cambadélis. Mais l’eu- phorie est de courte durée. Philippe Darriu- lat souligne : « Deux ans après le ralliement, il ne restait plus qu’une trentaine de personnes sur les quatre cents qui étaient partis. Restaient ceux qui voulaient faire carrière dans l’appareil du PS ». Après 1986, l’échec de l’entrisme dans la social-démocratie. Pour Robi Morder, « toutes les tentatives d’en- trisme dans un parti social-démocrate se sont sol- dés par la dispersion ou la fusion de ceux qui en- traient ». Plus grave pour le syndicat étudiant, la proximité entre les deux structures qui a profondément bouleversé le fonctionne- ment de l’UNEF. Le sociologue précise « Ce n’est pas le PS qui est devenue une succursale de l’UNEF mais c’est plutôt l’inverse. L’UNEF a adopté le système de fonctionnement du PS avec le jeu des tendances. » Dans les années 1970, les différents mou- vements d’extrême-gauche appelle leurs militants à faire de « l’entrisme dans la social-dé- mocratie » pour aller au devant des masses. Plusieurs agents avaient alors été envoyés en «  sous-marins  » pour infiltrer le Parti socialiste, comme Lionel Jospin. Toute- fois, pour Robi Morder, l’histoire de l’an- cien Premier ministre est plus compliquée car Jospin n’a jamais milité à la base. Les jeunes de la LCR rejoignent alors le MAS dirigé par Julien Dray à partir de 1979, tan- dis que les lambertistes se rassemblaient à l’UNEF-US derrière la figure charismatique de Jean-Christophe Cambadélis, choisi par Pierre Lambert en personne, dissident de la IVème Internationale, pour lui succéder un jour. Ainsi, une grande partie de ceux qui militent dans un des deux grands partis trotskystes ou une de leurs associations de jeunesse parallèles rejoignaient ensuite le syndica- lisme étudiant. Philippe Darriulat parle alors de « suite logique et naturelle ». « Les jeunes de l’OCI allait à l’UNEF-US, c’était ainsi. » Mais au-delà de l’aspect d’engagement, rejoindre l’UNEF permet aussi de se mettre en valeur et d’obtenir une reconnaissance. Franchir le pas peut aussi révéler des querelles d’ego notamment entre les anciens dirigeants du MAS et ceux de l’UNEF-US qui nourris- saient des arrières pensées concernant leur traitement et leur représentation au Bureau national. Philippe Darriulat parle de son passage au PS à la fin 1986 comme d’une satisfaction de faire de la politique sans être marginali- sé. Certes, il est bien conscient que l’UNEF Philippe Campricini, président de l’UNEFID de 1988 à © Actuel
  • 29. 29 CODEX qu’il dirige fait le jeu de tous les anti-com- munistes trop contents de voir le PC s’affai- blir. Car la jeunesse communiste des années 1980, très faible numériquement, se re- trouve mal à l’aise avec le militantisme, une force de l’UNEF-ID. Pour Robi Morder, ce recul de l’action des jeunes communistes est aussi à regarder en lien avec ce qui se passe dans les pays de l’Est. Mais Darriulat in- dique aussi avoir le « sentiment d’être de gauche et d’avoir une prise directe et concrète sur la poli- tique.  Nous avions la volonté d’être la gauche du PS» « L’UNEF empêchait aussi l’épanouissement de la carrière. Elle apparaissait à certains moments comme une secte », affirme Philippe Darriulat. C’est donc la fin d’une histoire collective, d’autant que les militants n’ont pas toujours réussi à se fondre aux enjeux d’appareils. Les jeunes prennent d’autres dispositions d’esprit, souhaitaient une autre réforme de la société. François Sabado poursuit : « très vite, les anciens de l’UNEF sont devenus des objets de Mitterrand qui avait besoin dans son parti de jeunes qui défendent des positions plus à gauche. » C’est à partir des années 1990 que l’UNEF devient un point de passage vers le PS, une véritable école de cadres du parti. C’est d’abord Henri Emmanuelli qui, rêvant de réaliser de nouveau l’exploit de François Mitterrand en 1981, essaie de rallier les jeunes syndicalistes. Il dirige alors un cou- rant jeune qui exfiltre doucement les per- sonnalités charismatiques engagées dans le syndicat. Libre ensuite à ceux pris plus ou moins volontairement dans la toile de se tisser une carrière dans l’organigramme du parti. Il est soutenu par les jeunes « poperenistes » réunis autour de Jean Poperen et les jeunes « chevènementistes » réunis autour de Jean- Pierre Chevènement, qui ne soutiennent plus la politique du Gouvernement depuis l’intervention en Irak pendant la première guerre du Golfe. Malgré ses nouvelles re- crues qui sont aujourd’hui pour la plupart frondeurs du PS (Borgel, Galut, Hamon, Cherki...), Emmanuelli est battu par Jospin à l’investiture PS pour l’élection présidentielle de 1995. Pour peser alors au sein du parti par le biais de sa tendance et de ses motions, l’homme doit malgré tout continuer à recru- ter et il est rejoint en 2005 par un homme qu’il a lui-même appelé en 1993  : Benoît Hamon. Ensemble, ces hommes consti- tuent l’aile gauche actuelle du PS. La vie après l’UNEF Trente ans plus tard, les anciens cadres de l’UNEF ont plutôt bien réussi, à commen- cer par la génération du bureau National de 1980. Pour ceux qui ont choisi de pour- suivre leur engagement en politique, la plupart ont trouvé des places dans l’appareil socialiste confortable. Paradoxalement, Robi Morder analyse que « ce ne sont pas les couches les plus favorisées qui sont restées au PS. » Ils ont donc monté les échelons du parti à l’instar de Jean-Christophe Cambadélis qui a rem- placé au pied levé l’ancien président de SOS Racisme et ancien membre de l’UNEF, Harlem Désir devenu ministre. Julien Dray dit « Juju » est quant à lui Conseiller régional d’Île-de-France et ancien député de 1988 à 2012. David Assouline est devenu séna- teur de Paris. Isabelle Thomas, arrivée à l’UNEF en 1983 et figure de la contestation anti-Devaquet est députée européenne et conseillère régionale de Bretagne. Laurence Benoit Hamon et Henri Emmanuelli ©MaxPPP Philippe Darriulat parle de son passage au PS à la fin 1986 comme d’une satisfaction de faire de la politique sans être marginalisé.
  • 30. 30 CODEXCODEX©DRActuel Pour François Sabado, c’était une période où la France possédait une jeunesse « inventive, imaginative, super-radicale, gonflée au possible ».
  • 31. 31 CODEXCODEX Rossignol est secrétaire d’État à la Famille. Philippe Darriulat est adjoint au maire dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Mais si beaucoup de transfuges de l’UNEF au PS ne sont pas restés (une trentaine sur les 400 qui avaient pris la tangente en 1986 : certains se sont lancés dans les affaires comme Marc Rozenblat et Bernard Rayard encore Stéphane Fouks, patron l’agence de publicité EuroRSCG. D’autres ont choisi la voie du journalisme à l’image de Denis Sief- fert, rédacteur en chef de Politis ou de Syl- via Zappi, journaliste au Monde. D’autres encore ont pris le chemin de l’université comme Benjamin Stora, professeur d’His- toire à Paris I, Christophe Ramaux devenu professeur d’économie à Paris I et membre des économistes atterrés ou encore et enfin Jean-Loup Salzmann devenu président de l’université Paris XIII où la contestation de 1986 avait commencée, et président de la Conférence des présidents d’université. Le syndicalisme est aussi un engagement que certains n’ont pas arrêté à l’image de Robi Morder, juriste et sociologue devenu syndicaliste enseignant ou encore Laurent Zappi. Pourtant, beaucoup des acteurs de cette époque n’ont plus envie de parler de cela. Comme s’ils étaient désabusés de l’évolution des événements. Pour beau- coup, la période reste éminemment posi- tive. Pour François Sabado, c’était une pé- riode où la France possédait une jeunesse « inventive, imaginative, super-radicale, gonflée au possible  ». Pour autant, l’homme garde un regard lucide sur cette époque : « On s’est ra- conté des histoires. Comme des illusions d’optiques sur les rapports de force dans l’université et dans le pays. » Pour Benjamin Stora, le combat doit se poursuivre de manière intellectuelle et ses travaux historiques vont dans ce sens. Pour François Sabado, c’est aussi l’union de la gauche qui a fait « perdre la main au profit des grands appareils. Il y a eu des compromis et aussi des compromissions. Les jeunes ont été ga- gnés par le PS. C’est notamment ce qui est arrivé à Jospin qui a été transformé.» Oubliée donc l’idée de l’entrisme originel pour former un courant de gauche au sein du PS, qui aurait représenté 1/3 du parti. « C’est aussi la force d’intégration de l’appareil social-démocrate qui s’est révélée plus forte sur le plan idéologique, organisa- tionnel et matériel. » L’ancien dirigeant de la LCR porte un regard lucide sur les chan- gements intervenus depuis, au sein de la société française : « C’est la fin du mouvement ouvrier et il y a quelque chose d’autre à construire. Nous sommes dans le ‘déjà plus’ et le ‘pas en- core’ du XIXe siècle et dans la contestation du XXIe siècle. Nous sommes dans l’entre-deux, que Gramsci appelle les monstres. Si notre idéal est in- tact, nous avons moins de certitudes. » Pour Sylvia Zappi, c’est plutôt la « réalité sociale n’a plus rien à voir ». Benjamin Stora avoue même « Je ne saurais même pas dire qui est l’actuel président de l’UNEF ». Le Bureau national de 1980 témoigne de la fierté d’avoir participé à la conquête du pouvoir et à la réunification du syndi- cat. L’UNEF fut une grande famille  : de l’époque de combat, beaucoup ont gardé ce goût et cette appétence pour la « négocia- tion systématique », qui pour certains était naturel et précédait leur engagement. Mais « la pratique a saboté le reste » affirme Robi Morder. « On a appris beaucoup : la gauche révo- lutionnaire était proposition de forces et de diversi- tés. Enfin, la jeunesse avait une représentation po- litique » poursuit Sabado. « C’était une période très positive. J’ai développé beaucoup d’affections. Je ne regrette rien. » Olivier Vagneux ©DRActuel
  • 32. 32 CODEX Les failles du plan numérique 2015-2016 Depuis le mois de juillet 2014, François Hollande annonce régulièrement le lancement d’un plan numérique. Inscrit dans le cadre de la refonte des programmes de 2016, ce projet a pour ambition d’enseigner ‘le numérique‘ de l’élémentaire à la terminale. Les décisions à ce sujet seront prises en mai 2015 après la synthèse de la consultation numérique prévue pour mi-mars. Le chef de l’Etat a promis « une grande école du numérique ». Mais à quel prix ? Les élèves savent se servir des nouvelles technologies de plus en plus jeunes © wikimedia commons
  • 33. 33 CODEX L e « numérique » à l’école est un vieux serpent de mer. Du Thomson TO7 des années 80, ( le pré crétacé su- périeur de l’ordinateur) aux tablettes ac- tuelles, l’Education Nationale n’en finit pas d’avoir les yeux de Chimène pour les technologies soi disant avant-gardistes. L’éternel marronnier du poids du cartable informe les lectrices de Marie-Claire et leur apprend que les 13 kg que porte quoti- diennement leur cher bambin tiendrait sur une clé USB. Mais de quoi parle t’on ? Les manuels scolaires en PDF, l’utilisation des smartphones, tablettes et PC à visée péda- gogique, l’apprentissage ludo éducatif au collège, ces idées éclosent régulièrement chez les experts en psycho-pédagogie qui encombrent le ministère de l’Education Nationale, mais sont elles seulement utiles et pertinentes. De l‘obsolescence du ma- tériel à la formation des enseignants, les écueils sont considérables et dans une pé- riode crise ou les budgets s’amincissent, le coût faramineux du « Plan numérique » est tout simplement prohibitif, et l’ambition purement démagogique, en ce sens ou il ne s’agit pas d’améliorer l’enseignement, mais de communiquer sur cette intention. C’est l’une des promesses de campagne de François Hollande. Cet e-plan a comme principal objectif de fournir 70% des col- légiens et écoliers en tablette PC d’ici 2020 avec, pour se faire, 60% des crédits pour les ressources pédagogiques alloués au numé- rique. « L’éducation doit garder les mêmes valeurs mais s’ouvrir aux nouvelles technologies. C’est la raison pour laquelle le numérique va être générali- sé. Le plan numérique sera mis en œuvre dès 2016 dans les collèges. » expliquait François Hol- lande lors de son discours du 18 septembre 2014. Selon le président français, ce plan « est une chance pour les enfants et pour les ensei- gnants d’utiliser ces moyens. Une chance pour avoir un contenu. Une chance pour l’économie d’avoir ces emplois préparés dès l’école. » Mais surtout, une chance pour lui de se faire bien voir. Il faut bien l’avouer, la modernisation, l’idée d’une « grande école numérique » c’est vendeur. Et c’est du plus bel effet dans le cadre d’un mandat. Pourtant, ce 12ème grand plan nu- mérique semble lui, avoir une réelle crédi- bilité. En effet, il a l’avantage de se situer dans un programme gouvernemental global appelé : « les 34 plans de la nouvelle France industrielle ». Cela permet, entre autre, la ventilation des budgets. Il bénéficie d’une enveloppe nationale pilotée et dotée par le Ministère de l’économie, et non par l’Edu- cation Nationale. Une bonne nouvelle en soit puisque cela lui permet de ne pas puiser dans son budget. Le plan numérique ou l’obsolescence programmée  Depuis des décennies, l’Education Na- tionale s’embourbe dans différents plans numériques. A tel point que les col- lectivités territoriales cherchent à tout prix à moderniser leurs établissements. Dans les années 80, déjà, l’arrivée du premier plan numérique et, de ce fait, du Thomson TO7 avaient fait du bruit dans les salles de classe. Et du TO7, à la tablette il n’y a qu’un pas. La preuve en est qu’aujourd’hui, plus personne n’utilise cet ancêtre de l’ordina- teur et les plus jeunes ne savent même pas à quoi cela ressemble. « Le problème avec ce genre de plan numérique, c’est que les machines sont très rapidement obsolètes. On ne sait pas vérifier s’ils sont véritablement bénéfiques à l’enseignement. Et ce constat vaut également pour la tablette. Personne ne sait comment elle aura évolué d’ici cinq ans et si on l’utilisera toujours. » explique Jean-Rémi Girard, secrétaire national à la pédagogie du SNALC-FGAF. S’en tenir aux besoins des professeurs Dans cette envie entêtée de modernisation de l’école, les professeurs ne s’y retrouvent pas toujours. Certains bénéficient de nou- veaux outils de travail sans les avoir de- mandés, mais avec l’obligation de l’utiliser en classe, sans autre forme de discussion. «  Il ne suffit pas d’organiser des grands plans sans réfléchir aux besoins des professeurs et des élèves. Il faut partir des besoins et des demandes des profes- seurs. Il y en a qui demandent à avoir ces outils nu- mériques mais d’autres y voit moins d’intérêt. Mal- heureusement on a plutôt tendance à fonctionner dans l’autre sens : c’est-à-dire que les collectivités rentrent dans ces plans numériques et c’est les équipes sur le terrain qui doivent se dépatouiller avec ce qu’elles ont « Tous les enseignants sont concernés par l’usage des outils propres aux technologies de l’information et de la communication (TIC) » LeThomsonTO7©Wikipedia
  • 34. 34 CODEX reçu.Aucunintérêt.»déploreJean-RémiGirard Pourtant, l’Education Nationale a pré- vu de former des professeurs. Oui, mais uniquement les jeunes diplômés. «  Tous les enseignants sont concernés par l’usage des outils propres aux technologies de l’infor- mation et de la communication (TIC) et leur intégration dans les pratiques pédagogiques. Au sortir de sa formation universitaire, tout nouvel enseignant doit avoir acquis les compétences d’usage et de maîtrise raisonnée de l’information et de la communication dans sa pratique professionnelle. » précise le Ministère sur son site. Le profes- seur d’histoire-géographie avec simplement quatre ou cinq ans de métier peut donc complétement oublier sa belle formation. Le mot d’ordre ici n’est pas la réussite sco- laire, mais bel bien la modernité et surtout, l’espoir d’une réélection à la clé. Un nouveau mandat, ça se travaille en amont après tout. Et puis c’est également un effet d’annonce « L’idée de créer une école numérique, ça passe bien dans les médias. Cette volonté de toujours vouloir se moderniser. Et on ne m’enlèvera pas de la tête qu’il existe des liens entre l’Education Nationale et certains concepteurs de logiciel. Il y a donc très certainement des intérêts financiers derrière ces plans numériques. » continue Jean-Rémi Girard Un désavantage pour les élèves Cette vision illusoire de l’école moderne que tente d’instaurer l’Etat est loin de coller à la réalité. Une réalité douloureuse. Certains di- recteurs interdisent tout bonnement à leurs élèves d’apporter leur précieux ordinateur, pour éviter la casse et/ou le racket. Il arrive même que les objets qui leur sont généreu- sement ‘prêtés’, se retrouvent sur la toile, sur des sites de vente en ligne. « Dans l’ensemble, je trouve cela très bien d’avoir du matériel numérique mais pour que cela fonctionne, il faut que les élèves respectent la matériel. Par exemple,unétablissementduSuddelaFrance avait offert à certains de ses élèves des ordi- nateurs portables. La semaine suivante, ils en ontretrouvéplusdelamoitiésurE-bay.Dans ces conditions, cela ne peut pas fonctionner. » constate tristement Baptiste Cornabs, pro- fesseur d’histoire géographie et Youtubeur. De plus, l’utilisation des tablettes pose d’autres genres de problèmes. Par exemple, elles ne peuvent être utilisées qu’à court terme durant les cours car elles n’ont pas une autonomie suffisante. « Elles sont cen- sées remplacer les manuels scolaires, mais les élèves ne peuvent lire qu’une page à la fois. » poursuit Jean-Rémi Girard. « Et elles ne sont pas verrouillées. Les élèves peuvent donc s’en servir pour échanger entre eux et jouer. Le professeur est alors impuissant puisqu’il ne peut pas tous les surveiller. Mais limiter l’accès internet serait contre productif. L’utilisation de l’engin serait donc nulle. » Autant d’inconvénients constatés et évidents alors même que le bénéfice pédagogique est en- core loin d’être révélé. Le retard numérique français Si l’Education Nationale met autant d’ardeur dans ce projet, c’est que la situation numé- rique de l’Ecole française est en berne. Selon l’étude Profetic publiée en 2014, plus de 90% des enseignants jugent le numérique profi- table à leur enseignement. Mais seulement 5% d’entre eux avouent ne pas l’utiliser quo- tidiennement en classe. Comme c’était déjà le cas en 2012, l’enquête souligne que les professeurs les utilisent très peu ou pour leur utilisation personnelle: les notes, le cahier de textes, la réalisation de pré- parations de cours, la diversification des pra- tiques pédagogiques, l’attractivité des cours, la conduite d’une séquence, l’intervention en classe, le travail et le partage avec des collè- gues, l’aide à la progression de l’élève dans ses apprentissages. L’utilisation des technolo- gies de l’information et de la communication (TIC) pour faire travailler les élèves en auto- nomie est en baisse. Pour expliquer cela voici quelques raisons logiques comme l’augmen- tation de la taille des groupes classes, l’équi- pement informatique insuffisant, obsolète, défectueux, ou inadapté. Et nouveaux facteur introduit dans ce bilan : l’accès au réseau ou à Internet qui pénalise incontestablement les activités TIC lorsque les débits sont insuffi- sants. En dépit de tout cela, le Ministère veut équiper à tout prix les établissements (un prix très souvent élevé). La stratégie numérique éducative de l’État est donc absurde. Le gouvernement propose des solutions à des problèmes qui n’existent pas ou qui ne sont pas réclamés partout. Bien que ce plan s’inscrive dans un programme jugé crédible, l’Etat dépense des sommes phara- mineuses pour du matériel bientôt obsolète et des logiciels dont certain n’ont pas besoin, voire dont les professeurs et les élèves ne savent absolument pas se servir. Pire : l’Etat metàdisposition«uneformationmassivedes enseignants » de seulement trois jours. Dans le même temps, l’Etat est parfaitement inca- pable d’assurer la maintenance du matériel déjà utilisé dans les établissements scolaires. Dans cette affaire, la solution la plus logique serait donc de demander l’avis des ensei- gnants et non des collectivités locales. Ces dernières foncent et s’enfoncent dans ses plans tête baissée, pensant bien faire. Il faut donc voir ici un coup marketing de la part de l’Etat en dépit du bon sens Audrey Bouts Pour ou contre la tablette numérique à l’école ? © wikipedia
  • 36. 36 CODEX Le 21 janvier dernier, François Hollande évoquait, à l’occasion de ses vœux à l’Education nationa générale » en faveur des valeurs républicaines à l’école. Deux semaines après les attentats de Charli l’Etat souhaite qu’ « une attention particulière » soit portée à l’enseignement du fait religieux. Dès la ren devrait se voir renforcer dans les futurs programmes scolaires du primaire et du secondaire. « La laïcité de la sociét
  • 37. 37 CODEX ale, la « mobilisation ie Hebdo, le chef de ntrée 2016, sa place est l’essence té française »