Successions et enfants handicapés : comment assurer leur avenir ?
1. INFO
e s t a t e
Planification successorale et enfants handicapés :
p l a n n i n g quelques éléments de réflexion…
En présence d’un enfant handicapé, les parents se chargent généralement eux-mêmes de régler les questions matérielles
touchant au quotidien de leur enfant. De leur vivant, ils représentent de facto l’enfant handicapé, et souvent même
après que celui-ci soit devenu majeur. Mais qu’en est-il lorsque les parents ne sont plus en mesure d’assurer cette
fonction, en raison de difficultés liées à l’âge ou par suite de leur décès ? Comment organiser la sécurité financière de
l’enfant handicapé, source de son bien-être matériel ? Nous vous livrons ci-dessous quelques réflexions orientées plus
particulièrement vers les questions d’ordre patrimonial et successoral afin d’organiser au mieux les conditions d’un
passage en douceur vers la période post parentale.
De quel handicap parle-t-on ? Position de la question
On distingue généralement les handicaps physiques et Partons d’une hypothèse : un enfant handicapé, nous
mentaux. l’appellerons « Jean » dans la suite de cet article, vit au sein
d’une famille composée de ses parents, d’un frère et d’une
Dans le cas d’un handicap physique, léger ou lourd, les
soeur. En cas de décès de son père, Jean en devient héritier
facultés mentales restent intactes ; seule une entrave
et bénéficiera de la part successorale que la loi applicable
physique empêche d’aller et de venir comme souhaité.
à la succession lui attribue automatiquement2. La question
Cette entrave n’enlève pas à la personne handicapée
des actes patrimoniaux, notamment les actes de gestion, à
sa capacité juridique ou sa liberté de décider, lesquelles
accomplir par un enfant handicapé se pose dès le moment
continuent de s’exprimer d’une manière ou d’une autre1.
où il devient propriétaire d’un patrimoine, qu’il soit le fruit
Une planification successorale des parents de la personne
de son travail ou la suite d’un héritage.
handicapée peut toutefois être envisagée si le handicap
est lourd au point qu’il soit nécessaire de pourvoir Sur la question de la gestion du patrimoine vient se greffer
financièrement aux conditions de vie particulières de la une autre question à ne pas négliger, celle de la dévolution
personne handicapée (aménagement du logement, mesures successorale de Jean. Un enfant handicapé étant rarement
particulières pour assurer les déplacements, dépendance capable de rédiger un testament, ses avoirs passeront en
extérieure, etc.). principe à ses héritiers légaux. Or, la plupart du temps, les
enfants handicapés n’ont pas eux-mêmes de descendance
Notre propos porte davantage sur la personne handicapée
ni de conjoints. Par conséquent, ce sont les frères et
mentale. Dans ce cas, l’altération des facultés mentales de la
soeurs qui hériteront le plus souvent en payant des droits
personne handicapée entraîne une perte de la capacité de
de succession en ligne collatérale. En l’absence de tels
discernement dans les actes de la vie courante et nécessite
héritiers, la loi désigne des héritiers plus lointains. Est-ce
la mise en place d’un statut juridique de protection.
là le souhait des parents ?
Ici aussi, l’handicap peut être lourd ou léger. Selon la nature
de celui-ci, la personne handicapée disposera d’une relative
autonomie dans sa vie quotidienne, pourra éventuellement
exercer un travail dans le cadre d’un statut de travailleur
protégé, percevra un revenu ou une allocation ou, au
contraire, sera totalement dépendante de son entourage
extérieur.
2. Planification successorale
et enfants handicapés :
quelques éléments de réflexion…
Partant des hypothèses que Jean est propriétaire d’un Une fois le représentant désigné, le patrimoine actuel et
patrimoine, qu’il n’est pas en mesure de le gérer et qu’il les avoirs futurs de Jean seront administrés et gérés dans
n’aura probablement pas de descendance ni de conjoint, un cadre officiel et les questions juridiques pourront
nous résumons ci-dessous les principales questions à poser être traitées tant vis-à-vis d’un notaire, d’un banquier, de
et les analysons ensuite l’une après l’autre. l’administration publique, voire même des autres membres
de la famille.
„„ Qui va se charger de gérer le patrimoine de Jean
aujourd’hui et à l’avenir ?
quelques éléments de solution
„„ En l’absence de testament de Jean, à qui son patrimoine
(en résumé) dont l’opportunité est à
va-t-il revenir ? Les parents de Jean peuvent-ils éviter examiner au cas par cas et selon les
des situations regrettables, ont-ils des souhaits à ce règles civiles et fiscales du pays de
propos ? Quelle sera le poids de la fiscalité applicable résidence.
à la succession des parents, et plus tard à la succession
n La donation de residuo ou le legs de residuo à l’enfant
de Jean ? handicapé. La partie non utilisée par le premier bénéficiaire
– le residuum – revient au second bénéficiaire désigné.
„„ N’est-il pas préférable de planifier au mieux la Peut être intéressant fiscalement.
succession des parents de Jean en vue de lui assurer la
n La donation à charge ou le legs à charge de verser une
sécurité matérielle et financière dont il a besoin, tout
rente viagère à l’enfant handicapé : la donation ou le
en gardant un oeil sur les aspects fiscaux ? legs est fait à un tiers qui peut être un frère, une soeur,
l’institution prenant en charge l’hébergement de l’enfant
handicapé, une fondation, etc.
Qui va gérer le patrimoine de l’enfant n Assurance viagère souscrite par les parents en faveur de
handicapé ? l’enfant handicapé : dès la souscription du contrat ou à
partir du décès des parents, une rente régulière est payée
A la majorité de l’enfant3, la capacité juridique est la règle. Si à l’enfant handicapé jusqu’à son décès.
aucune procédure particulière n’est entamée par les parents, n Création d’un patrimoine d’affectation dont l’objet est de
Jean est présumé capable sur le plan juridique. Il arrive veiller aux intérêts de l’enfant handicapé, notamment en lui
souvent que les parents, toujours en vie et peu préoccupés versant une rente régulière. Peut se faire dans le cadre d’une
convention fiduciaire, une fondation privée ou un trust.
par les aspects juridiques de la situation, ne diligentent
aucune procédure particulière et se muent en gestionnaire n Logement de l’enfant handicapé : donation d’un bien
immeuble en pleine propriété à l’enfant handicapé.
de fait du patrimoine de leur enfant handicapé.
Variante : donation d’avoirs mobiliers à l’enfant handicapé
Il est toutefois à recommander de veiller au plus tôt à suivie d’un achat immobilier en pleine propriété.
donner un statut juridique précis à l’enfant handicapé de n Logement : achat en démembrement d’un bien immeuble.
manière à anticiper toute situation juridique qui mènerait L’usufruit (ou le droit d’usage et d’habitation) par l’enfant
handicapé et la nue-propriété par les parents. L’usufruit
à un blocage4.
s’éteint au décès de l’usufruitier.
Chaque pays dispose de sa propre législation sur le sujet et n Logement : donation du droit d’usufruit (ou du droit
de son propre régime juridique plus ou moins protecteur, d’usage et d’habitation) d’un immeuble à l’enfant
le cas échéant accompagné d’une surveillance judiciaire. Ce handicapé. L’usufruit s’éteint au décès de l’usufruitier.
statut portera un nom différent selon le pays concerné5. n Logement : bail à vie au profit de l’enfant handicapé.
A noter que certaines législations permettent aux parents de n Logement : procédé du double acte. Dans un premier acte,
l’immeuble qui servira au logement de l’enfant handicapé
l’enfant handicapé (ou au survivant d’entre eux) de désigner
est transmis en indivision aux enfants, y compris l’enfant
par testament la personne qu’ils souhaitent voir devenir le handicapé. Un contrôle familial est ainsi organisé sur
représentant de l’enfant handicapé après leur décès. l’immeuble durant la vie de l’enfant handicapé. A son
décès, un deuxième acte permet de sortir d’indivision à
faible coût fiscal.
2
3. Planification successorale
et enfants handicapés :
quelques éléments de réflexion…
Quelle dévolution successorale au la présence ou non de frères et soeurs et leur capacité à
décès de l’enfant handicapé ? prendre Jean en charge, le degré d’autonomie de Jean, ses
besoins financiers, l’intention des parents sur la répartition
En l’absence de toute planification, le patrimoine de Jean
future du patrimoine familial et, pourquoi pas, sur les
passera à ses héritiers légaux : vu notre hypothèse d’absence
avantages fiscaux que l’on peut tirer d’une planification
d’enfant et de conjoint, il s’agit des père et mère, s’ils sont
successorale bien préparée.
encore en vie, son frère et sa soeur. En ligne collatérale, les
droits de succession sont déjà nettement plus élevés qu’en Nous évoquons ci-dessous quelques éléments de solution.
ligne directe. Si Jean a hérité de ses parents, son patrimoine Ces pistes doivent, bien entendu, faire l’objet d’un examen
peut s’avérer important et comprendre des valeurs attentif au regard de la loi applicable dans le pays de résidence
mobilières, des immeubles, des oeuvres d’art… Si le frère concerné afin d’en vérifier l’opportunité et l’efficacité sur le
et la soeur de Jean sont ses seuls héritiers, les droits de plan civil et fiscal.
succession en ligne collatérale seront sensiblement élevés6.
Si Jean n’avait ni frère ni soeur, ses parents étant prédécédés,
les héritiers légaux seraient sans doute plus éloignés. Dans 1er objectif : assurer la prise en charge quotidienne
ce cas, les droits de succession sont souvent prohibitifs ! Souvent, les parents ont déjà fait le choix d’une personne
Dans ce contexte, et pour autant que la sécurité matérielle ou d’une institution qu’ils jugent le plus apte à prendre en
et financière de Jean soit assurée, faut-il vraiment lui charge l’enfant handicapé après leur décès.
transmettre un patrimoine important, patrimoine dont il En contrepartie de la prise en charge, pour soutenir
n’aura pas nécessairement besoin et dont la transmission en financièrement la personne désignée ou l’institution et
ligne collatérale ou vers des héritiers plus lointains risque en même temps la remercier, les parents de Jean peuvent
d’être coûteuse sur le plan fiscal. A chacun de répondre envisager la technique du legs de residuo. Cette technique
à la question en fonction de sa situation personnelle. De permet aux parents – ou au survivant des parents- de prévoir
nombreux éléments entrent en effet en ligne de compte : la par testament que leurs biens, en tout ou en partie, seront
composition familiale, le degré d’autonomie de la personne attribués à Jean et qu’au décès de Jean, ce qu’il reste des
handicapée, le degré de discernement et de compréhension biens (le residuum) reviendra à la personne ou à l’institution
des actes patrimoniaux, l’importance du patrimoine des qui a pris Jean en charge. Dans ce cadre, les parents peuvent
parents, la personnalité des intervenants… choisir d’appliquer la clause de residuo sur la part d’héritage
Ces quelques réflexions mettent en évidence le besoin revenant à Jean ou sur la quotité disponible de la succession.
d’organiser une planification au niveau des parents de Jean. Une telle clause peut également être limitée à un bien précis
(la maison familiale, par exemple). La réserve des frères et
soeurs doit bien entendu être respectée.
La planification au niveau des parents
Si la clause de residuo porte sur la réserve légale de Jean, n’y
de l’enfant handicapé
a-t-il pas un risque de porter atteinte au droit de l’héritier
Avec le temps, la question de la succession des parents réservataire d’utiliser librement la part successorale qui lui
est inévitable. Eux-mêmes auront à coeur de prendre les revient ? La doctrine et la jurisprudence7 s’orientent vers
mesures nécessaires pour assurer à leur enfant handicapé l’idée que la clause de residuo ne porte pas atteinte à la
la meilleure protection qui soit, après leur départ vers l’au- réserve de l’enfant si celui-ci garde la libre disposition des
delà. En général, les objectifs à atteindre sont de trois ordres avoirs légués, que cette libre disposition prenne la forme
: assurer la prise en charge de Jean au quotidien, lui assurer d’un acte à titre onéreux (vente) ou celle d’un acte à titre
un logement, lui assurer la sécurité financière. Les mesures à gratuit (donation, testament).
prendre par les parents pourront varier sensiblement selon
3
4. Planification successorale
et enfants handicapés :
quelques éléments de réflexion…
Une donation de residuo peut également être envisagée si
les parents sont prêts à se dépouiller de leur vivant. Petit lexique
Dans ce même contexte de la prise en charge de Jean par Donation ou legs de residuo : libéralité faite
par donation ou par testament au profit de deux
une personne ou une institution, vous pouvez également
bénéficiaires successifs. Le premier bénéficiaire peut
songer à la technique de la donation à charge ou du legs disposer entièrement des avoirs et n’est pas tenu
à charge de prendre soin de l’enfant handicapé. Exemple : de les conserver. Au décès du premier bénéficiaire,
par testament, les parents (ou le survivant d’entre eux) de le residuum, c’est-à-dire ce qui restera des avoirs
Jean peuvent stipuler qu’une partie de leur patrimoine sera donnés ou légués, reviendra au second bénéficiaire
attribuée à une personne ou à une institution déterminée à désigné initialement.
charge pour elle de prendre soin de Jean. De cette manière,
Droit d’usufruit : droit de jouissance d’un bien
la personne ou l’institution de confiance disposera des appartenant au nu-propriétaire. Concrètement,
moyens financiers pour accomplir sa tâche. C’est une forme l’usufruitier dispose des intérêts du capital, des
d’encouragement et de contrepartie à la prise en charge coupons d’obligations et dividendes d’actions, des
de Jean. Une telle clause doit être rédigée de manière très loyers d’un immeuble, etc. Le nu-propriétaire ne
précise, ne peut pas être trop lourde pour le donataire ou peut disposer du bien sans l’accord de l’usufruitier.
le légataire et doit respecter les principes concernant la
Héritier réservataire : héritier pour lequel la
protection de la réserve légale. loi réserve une part successorale minimale. C’est
En comparaison avec un legs, une donation implique un la loi applicable à la succession qui détermine qui
transfert de propriété immédiat alors qu’avec un legs, les est héritier réservataire et pour quelle part de la
succession. Dans nos régions, il s’agit en général
parents (ou le survivant d’entre eux) restent propriétaires
des enfants du défunt ; le conjoint survivant est
des biens jusqu’à la fin de leurs jours. De plus, un legs est souvent héritier réservataire mais pas toujours. A
révocable à tout moment, ce qui implique que les parents défaut d’enfant, les parents du défunt sont souvent
(ou le survivant d’entre eux) peuvent encore à tout moment héritiers réservataires mais pas toujours. Le cercle
adapter le testament aux circonstances changeantes. des héritiers réservataires ne s’étend pas au-delà.
L’avantage d’une donation, par contre, est de faire débuter un Nue-propriété : propriété d’un bien dont l’usufruit
engagement immédiat dans le chef du donataire, ce qui n’est appartient à une autre personne.
pas le cas avec un legs. C’est pourquoi, dans le cas du legs, il
est recommandé de prévoir une forme de surveillance pour Quotité disponible : partie du patrimoine dont
une personne peut disposer librement par donation
garantir l’exécution de la charge, comme la désignation d’un
ou testament. Il s’agit de la masse successorale totale
exécuteur testamentaire, par exemple. dont on a retiré la (les) part(s) réservataire(s).
Réserve légale : la part successorale minimum que
2e objectif : assurer un logement la loi réserve à un héritier réservataire. Cette part
se calcule habituellement sur les avoirs existant au
Prévoir que Jean sera propriétaire ou usufruitier d’un bien jour de la succession auxquels on ajoute le montant
immeuble s’il n’est pas en mesure d’y vivre d’une manière des donations faites par le défunt de son vivant.
indépendante n’a pas de sens. Si une vie autonome n’est pas
possible, il faut envisager un placement chez un membre Réduction : droit reconnu à l’héritier réservataire,
de la famille, un particulier ou auprès d’une institution dont la part réservataire n’aurait pas été respectée,
de faire réduire les libéralités (donations, legs) faites
spécialisée où Jean pourra s’installer au mieux, du vivant
par le défunt de sorte qu’il puisse recevoir sa part
de ses parents ou après leur décès. Dans cette hypothèse, réservataire.
il faut s’assurer que Jean dispose des moyens financiers
nécessaires pour payer les frais de ce logement ou que
4
5. Planification successorale
et enfants handicapés :
quelques éléments de réflexion…
la personne qui assurera la charge du logement de Jean immobilière, par la conclusion d’une convention ou, après
dispose de tels moyens. A nouveau, la donation à charge ou leur décès, via un testament.
le legs à charge peuvent être envisagés. La charge consistera
3e objectif : assurer la sécurité financière
cette fois à assurer le logement de l’enfant. De même, le legs
de residuo est à envisager en désignant ce membre de la Pour pouvoir développer une planification successorale
famille, ce particulier ou cette institution spécialisée comme adéquate, les parents doivent se poser la question suivante :
second bénéficiaire. est-il préférable de transmettre à Jean le plus d’avoirs
possible afin qu’il ne manque de rien ou vaut-il mieux ne lui
Si Jean est capable de vivre d’une manière indépendante, les
transmettre que la part réservataire et veiller par d’autres
parents peuvent prévoir d’attribuer à Jean un bien immeuble
mesures complémentaires à ce qu’il ne manque de rien ? En
soit en pleine propriété soit en usufruit, la nue-propriété
effet, il faut tenir compte de l’impact du patrimoine sur le
étant attribuée dans ce cas à d’autres personnes (ses frères
droit aux allocations sociales. Certaines législations lient les
et soeurs, par exemple). Ils peuvent encore envisager un
deux éléments et réduisent le montant des allocations en
droit d’usage et d’habitation ou la conclusion d’un bail à
présence d’un patrimoine important. D’autre part, suivant
vie. L’attribution d’un tel droit peut se faire durant la vie
les postulats de départ, Jean n’aura pas rédigé de testament,
des parents par une donation, au moment d’une acquisition
n’aura ni conjoint ni enfant de sorte que sa dévolution
BON A SAVOIR
Évitez de faire entrer dans le patrimoine de l’enfant handicapé des actifs qui nécessitent une gestion suivie et régulière, des
travaux d’entretien ou une charge administrative importante (un immeuble, des oeuvres d’art, des brevets…). Autant éviter
ce travail au représentant de l’enfant handicapé. Attribuez plutôt des biens faciles à gérer et qui ont un rendement fixe.
Dans la mesure où le niveau des revenus déclarés par l’enfant handicapé peut avoir une incidence sur le niveau de ses
allocations sociales, il est préférable d’éviter de produire des revenus dont la mention dans la déclaration annuelle est
obligatoire. Un portefeuille de valeurs mobilières doit être pensé en conséquence : titres de capitalisation, titres soumis à un
précompte mobilier libératoire, etc.
En cas de succession d’un parent, et selon la loi applicable, il est possible que l’enfant handicapé recueille la nue-propriété
d’un bien immeuble (le logement familial, par exemple). Le parent survivant, bénéficiaire de l’usufruit, ne pourra procéder
à aucun acte de gestion ou de disposition sur cet immeuble sans le consentement de l’enfant handicapé. Une planification
appropriée peut être utile si, en pareille hypothèse, le parent survivant souhaite conserver une totale liberté dans la gestion
du patrimoine immobilier.
Prévoir que l’enfant handicapé devra disposer de liquidités en suffisance pour payer les droits de succession au décès de ses
parents.
Lorsque la loi du pays de résidence le permet, il peut être utile pour les parents de désigner dans leur testament la personne
qui est pressentie pour devenir le représentant de l’enfant handicapé après leur décès.
Les questions de la gestion d’un patrimoine et de la dévolution successorale en rapport avec ce patrimoine ne se posent
que si l’enfant handicapé en est propriétaire. Une manière de gérer la situation -sans toutefois la régler- consiste à retarder
le moment où l’enfant handicapé deviendra héritier et propriétaire du patrimoine des parents. En principe, un enfant hérite
à la succession de son parent décédé.Toutefois, par contrat de mariage, les parents peuvent adapter leur régime matrimonial
de telle sorte que tous les avoirs des parents soient apportés en communauté et qu’au décès du premier conjoint, ladite
communauté revienne entièrement et en pleine propriété au conjoint survivant. Celui-ci gardera ainsi le contrôle des actifs
familiaux, assurera lui-même l’assistance dont l’enfant handicapé a besoin et évitera les problèmes liés au démembrement
éventuel de la propriété des avoirs entre nue-propriété et usufruit (notamment les difficultés liées à l’obligation de recueillir
l’accord de l’enfant handicapé en cas d’opération ultérieure portant sur l’actif démembré). Il est clair qu’une solution reste à
trouver pour la période postérieure au décès du conjoint survivant.
5
6. Planification successorale
et enfants handicapés :
quelques éléments de réflexion…
successorale sera régie par les règles légales, lesquelles attribuent une partie de leur patrimoine à un autre enfant
désignent, à défaut des parents présumés prédécédés, ses que Jean ou à une personne de confiance à charge de lui
frères et soeurs. Ceux-ci paieront à nouveau des droits de verser une rente mensuelle. Il convient néanmoins de
succession sur la valeur des avoirs transmis initialement à mettre en place un système de contrôle afin de garantir le
Jean. paiement de cette rente. L’intervention d’une banque peut
être fort utile à cet égard : ordre permanent, instruction
Si l’attribution d’avoirs importants à Jean présente un risque
irrévocable, mise en gage, fiducie…
par rapport au droit aux allocations sociales, les parents
peuvent envisager par testament de réduire la part de Jean Enfin, une dernière alternative pourrait consister en la
dans la succession à la seule réserve légale et stipuler en création d’un patrimoine d’affectation. En créant un tel
même temps que la quotité disponible (en tout ou en par- patrimoine, on peut affecter une partie de son patrimoine
à un but spécifique, tel que la prise en charge d’un enfant
tie) de leur succession sera attribuée en pleine propriété
handicapé dans le sens le plus large du terme. La fiducie,
à une personne de confiance à charge pour elle de payer à
la fondation privée ou le trust répondent à cette notion
Jean une rente régulière.
de patrimoine d’affectation. Dans le cadre d’une telle
Pour éviter à Jean des soucis administratifs ou des problèmes structure, il est possible de prévoir un système de paiements
d’entretien d’immeuble, il est possible que les parents mensuels. Toutefois, cette structure implique souvent une
préfèrent éviter de créer une indivision entre Jean et les administration importante et des frais élevés de sorte que
autres enfants et décident de l’écarter dans la succession de cette solution n’est envisageable que pour des patrimoines
la maison familiale. Les parents (ou le survivant des parents) importants.
peuvent prévoir dans un testament que leurs autres héritiers
Attention : pour les trois solutions suggérées, les principes
recevront la maison en pleine propriété à charge pour eux
concernant la protection de la réserve sont également à
de payer un montant compensatoire à Jean.
respecter.
Des parents cherchent souvent à assurer les besoins
Si Jean est enfant unique, l’option du patrimoine d’affectation
financiers de leur enfant handicapé en prévoyant le paiement
paraît une solution intéressante. En l’absence de frère et de
d’une rente mensuelle jusqu’à son décès. Plusieurs techniques
soeur, les parents ne sont pas tenus par une obligation de
peuvent être envisagées pour atteindre cet objectif.
respecter la part réservataire des autres enfants et peuvent
Une première option consiste à souscrire un contrat librement apporter une partie de leur patrimoine dans une
d’assurance de type assurance viagère. Les parents versent structure comme la fondation privée. Le but désintéressé
une prime à l’assureur qui, en contrepartie, s’engage à de la fondation sera la prise en charge de l’enfant handicapé.
verser une rente mensuelle à Jean jusqu’à son décès. La Après le décès des deux parents, la fondation prendra soin
prime variera selon le montant de la rente, la date du début de Jean de A à Z.
des versements (à la souscription du contrat ou au décès
Les statuts de la fondation peuvent prévoir que la fondation
des parents), l’âge et l’état de santé de Jean, etc.
prendra fin avec le décès de Jean et régler le sort des avoirs
Attention toutefois : suivant une interprétation prudente restants. Au contraire, les statuts peuvent prévoir que la
des textes de loi, il n’est pas possible d’attribuer la fondation continuera d’exister avec un objectif d’intérêt
part réservataire sous forme d’une rente mensuelle. général comme, par exemple, soutenir tous projets visant à
En conséquence, les parents seront tenus de prévoir améliorer la qualité de vie des personnes handicapées.
l’attribution d’autres biens (par testament ou autrement) en
pleine propriété de manière à remplir sa part d’héritage.
Autre option déjà évoquée plus haut: le legs à charge.
Par testament, les parents (ou le survivant d’entre eux)
6
7. Planification successorale
et enfants handicapés :
quelques éléments de réflexion…
Conclusions
Les parents d’un enfant handicapé ne sont pas 1 A titre d’exemple, une personne invalide ou ayant d’importantes difficultés
physiques pour se déplacer ou s’exprimer peut choisir de se faire représenter
éternels. Il leur revient de mettre en place en temps dans les actes de la vie courante par un mandataire désigné dans le cadre
voulu les conditions d’une protection matérielle d’un mandat notarié.
et financière qui permettra à leur enfant d’être à 2 C’est la part réservataire légale. La situation sera toutefois différente dans
l’abri du besoin. A cette fin, ils veilleront à organiser les pays anglo-saxons qui ne connaissent pas le principe de la réserve. Une
de manière réfléchie leur propre dévolution planification successorale y sera dès lors plus aisée en l’absence d’obligation
légale d’attribuer à l’enfant handicapé une part de la succession.
successorale de manière à garder un équilibre
entre les héritiers, dont l’enfant handicapé, tout en 3 18 ans le plus souvent mais cela peut varier d’un pays à l’autre.
assurant la sécurité matérielle de ce dernier jusqu’à 4 Comment, par exemple, régler la succession inopinée d’un membre de sa
la fin de sa vie. Ils veilleront également à ce que le famille si Jean, devenu majeur mais dénué de tout statut particulier, n’est pas
apte à comprendre les documents qu’il devra signer ou n’est pas à même
patrimoine de l’enfant handicapé soit administré et d’apprécier les conditions d’un partage qui pourrait se faire à ses dépens ?
géré dans son intérêt exclusif. Quel notaire accepterait de liquider une succession en pareilles circonstances
sans risquer la mise en cause ultérieure de sa responsabilité ?
Diverses techniques offrent des éléments de réponse
5 Tutelle, curatelle, mise sous sauvegarde de justice, administration provisoire,
à ces questions. Une combinaison de celles-ci est minorité prolongée, conseil ou assistance judiciaire, etc.
parfois possible, voire souhaitable, afin d’atteindre
6 A titre d’exemple : en Belgique (Région de Bruxelles-Capitale), le taux
les objectifs recherchés, tout en bénéficiant dans progressif des droits de succession en ligne collatérale est de 30 % pour la
certains cas d’une optimisation fiscale. tranche entre 25.000 et 50.000 € ; il est de 65 % au-delà de 250.000 €.
La donation ou le legs de residuo, la donation ou 7 Cour de Cassation française, 31 janvier 1995 : dans un contexte semblable,
la Cour a estimé que le legs de residuo ne portait pas atteinte à la réserve
le legs à charge, la fondation privée, l’assurance de l’enfant handicapé car le legs ne mettait aucune obligation à sa charge
viagère, le bail à vie… constituent quelques pistes de et qu’en particulier, le premier bénéficiaire n’était pas tenu de conserver les
biens reçus.
réflexion qui présentent chacune des avantages mais
aussi des contraintes et des limites, notamment à
cause de la réserve légale.
Bien que l’aspect fiscal ne se présente pas comme un
élément prioritaire dans la planification en faveur des
enfants handicapés, il est parfois avantageusement
présent, comme dans le cas d’une transmission de
type de residuo.A chacun d’en tirer parti en fonction
des dispositions légales en vigueur dans son propre
pays de résidence.
l’équipe Estate Planning
KBL European Private Bankers S.A.
43 boulevard Royal, L-2955 Luxembourg
Élaborée aux meilleures sources, cette documentation ne se veut pas exhaustive du sujet abordé, mais donne un bref aperçu des
bases juridiques du sujet concerné. Elle ne saurait donc constituer un avis, un conseil de nature juridique, économique ou sociale, et
ne saurait engager la responsabilité de ses rédacteurs. Il est dès lors conseillé au lecteur de prendre contact avec un professionnel
03.2012
en la matière s’il souhaite analyser la question plus en profondeur, au regard notamment de sa situation personnelle.
A cet effet, KBL European Private Bankers à Luxembourg reste à son entière disposition pour l’orienter au mieux de ses besoins.