BLSTK Replay n°295 la revue luxe et digitale 04.09 au 10.09.19
Zara&hm
1. Zara et H&M: Deux modèles qui tentent
de rapprocher le luxe de la grande
consommation
2. SOMMAIRE
SOMMAIRE................................................................................................................ 2
INTRODUCTION ........................................................................................................ 3
LE MODELE DE ZARA.............................................................................................. 4
I. EMERGENCE DU MODELE ZARA .................................................................... 4
II. UNE METHODE A PART DANS LE SECTEUR DU TEXTILE ........................... 5
A. ROMPRE AVEC LES SAISONS, ETRE LE PLUS RAPIDE ............................................... 5
1. La production locale et l’intégration verticale................................................ 5
2. La puissance logistique ................................................................................ 5
3. Le contrôle de la distribution......................................................................... 5
4. Un lead time de 15 jours .............................................................................. 5
B. MARKETING DE LA RARETE .................................................................................. 6
III. ANALYSE DE LA CHAINE DE VALEUR ........................................................... 6
A. LES GRANDS PRINCIPES DE L’INTEGRATION VERTICALE DE LA CHAINE DE VALEUR
TEXTILE .................................................................................................................... 7
B. L’INTEGRATION DE LA CHAINE DE VALEUR SELON ZARA......................................... 7
1. Un système d’information puissant............................................................... 7
2. La chaîne logistique ..................................................................................... 8
3. Le réseau de distribution .............................................................................. 8
LE MODELE DE H&M................................................................................................ 9
I. LES LEVIERS DU MARKETING DU LUXE........................................................ 9
A. PRIX SERRES POUR UNE COLLECTION GRIFFEE ...................................................... 9
B. ORIGINE DU SUCCES DE L’OPERATION .................................................................10
C. MARKETING DE LA RARETE .................................................................................10
II. LA COLLABORATION AVEC KARL LAGERFELD..........................................11
A. QUAND L’OFFRE RENCONTRE LA DEMANDE ..........................................................11
B. UN AVANTAGE COMPETITIF POUR LE CONSOMMATEUR. .........................................12
C. UNE LOGIQUE WIN-WIN.......................................................................................12
III. UN INTERET CROISSANT POUR LE « MASSTIGE » .....................................13
CONCLUSION ..........................................................................................................13
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................15
3. INTRODUCTION
Le secteur européen du textile est une des premières victimes de la
globalisation et de la discrimination par les prix. Les plus importants marchés du
textile sont l’Europe (135 milliards d’euros), les USA (100 milliards d’euros) et la
Chine avec le Japon (35 milliards d’euros). Dans cet environnement
hyperconcurrentiel, les marques comme ZARA et H&M ont compris la nécessité
d’entreprendre d’importants changements afin de rester compétitives. Ces
entreprises partagent peu de caractéristiques si ce n’est qu’elles distribuent des
produits à la pointe de la mode à un très large public
Les entreprises de l’industrie du textile évoluent donc dans un environnement
chaotique. En effet, la mode est, par définition, en mouvement constant : elle
représente les goûts du moment. En plus de l’incertitude liée au temps, il existe de
nombreuses autres variables dont il faut tenir compte lors de l’élaboration de la
stratégie de l’entreprise. Alors comment combattre ces phénomènes ? Pour parvenir
à séduire la clientèle et à s'imposer dans un secteur hyperconcurrentiel ils
n'emploient pas les mêmes stratégies. Gestion d'entreprise, production des
collections, marketing et communication, tout oppose les deux enseignes.
Pour se protéger d’un marché de la mode incertain, ZARA a, par exemple,
choisi une stratégie propre qui tranche avec celle de ces principaux concurrents.
C’est l’intégration verticale de la chaîne de valeur. Cette stratégie est possible grâce
à une organisation et une logistique millimétrée. Tout cela permet à ZARA de
pratiquer un management de la rareté, c'est-à-dire que le renouvellement des
collections est quasi mensuel.
Parallèlement, H&M surfe sur une nouvelle tendance appelée « masstige ».
En pratique, ce phénomène permet aux consommateurs de s'offrir un produit griffé à
un prix très accessible. Le terme "masstige" provient de la contraction de deux mots :
« mass market » et « prestige ». Le masstige, c'est donc l'alliance d'une marque
prestigieuse et d'une marque de grande consommation.
En 2004, c’est avec Karl Lagerfeld que H&M s’est associé pour proposer une
toute nouvelle collection. Ainsi, la marque issue de l'univers de la grande
consommation voit le nombre de ses ventes considérablement augmenter, surtout
lorsqu'en amont une campagne de publicité est astucieusement orchestrée. Quant à
la marque dite de prestige, cette opération lui permet de faire connaître sa griffe, son
univers à un plus large public en lui donnant, dans le même temps, l'illusion d'entrer
dans le monde très convoité du luxe. Ce phénomène, s'il devient de plus en plus
courant, n'est pas totalement nouveau puisque dans les années 90 déjà, de grands
couturiers tels que Karl Lagerfeld et Sonia Rykiel posèrent pour une campagne de
publicité Kookaï. Depuis, les cas de masstige se multiplient dans la mode avec
notamment Jean-Paul Gaultier qui a dernièrement revisité sa célèbre marinière pour
La Redoute (catalogue été 2004) et, plus récemment, Madonna pour H&M.
Le luxe et la grande consommation ne sont donc pas deux mondes aussi
antinomiques puisque l’on retrouve certaines caractéristiques qui définissent le luxe
aussi bien chez ZARA que H&M. Au travers de l’exemple de ces deux entreprises
4. nous essayerons donc de comprendre quelles sont les méthodes de la
démocratisation du luxe. Autrement dit, quels sont les leviers sur lesquels les
entreprises du textile peuvent jouer pour proposer des vêtements à forte valeur
ajoutée pour le consommateur tout en maintenant une politique tarifaire au plus
bas ?
LE MODELE DE ZARA
Créée en 1975 par Amancio ORTEGA, la marque de vêtements ZARA s’est
développée jusqu’à devenir aujourd’hui un véritable empire textile valant plus de 9
milliards d’euros. Le modèle d’affaires de ZARA est de réduire au minimum les
cycles de production pour les produits les plus « mode » grâce à une chaîne
logistique tendue vers la réactivité, le but étant d’offrir à leurs clients des produits de
qualité qui suivent ou même devancent la mode à un prix modéré. Le modèle est
unique en son genre. Alors que toute l’industrie textile ne jure que par la
délocalisation, ZARA fabrique en Espagne un peu plus de la moitié de ses articles,
les plus mode. Le reste, les basiques, sont délocalisés, mais à plus de 70% en
Europe. L’enseigne gère également en direct ses 625 magasins.
Contrôler à la fois la production et la distribution lui donne de nombreux avantages :
une parfaite optimisation des flux d’information circulant d’un bout à l’autre de
la chaîne
limiter les risques de stocks, et les délais grâce à une politique des séries
limitées (marketing de la rareté)
pouvoir livrer tous ses magasins depuis leur usine à La Corogne, grâce à son
système de production centralisée (l’enseigne limite ainsi les niveaux
intermédiaires, réduisant les stocks incompressibles, et les délais)
I. EMERGENCE DU MODELE ZARA
Toute société du secteur textile doit répondre à l’incertitude d’une clientèle très
changeante ainsi qu’aux aléas climatiques. Le risque majeur étant que la production
ne trouve pas son marché. De plus, ZARA est confronté à une double concurrence :
celle des produits basiques en provenance de pays de production à bas coûts ;
celle d’entreprises mondiales sur les produits de gammes supérieures telle que
H&M.
Dans ce contexte, la concurrence frontale avec les produits bon marché est
impensable. La seule solution est de proposer des produits de gammes supérieures
en se différenciant le plus possible. ZARA doit donc devenir le marchand le plus
rapide d’Europe. Pour cela, ZARA impose un renouvellement permanent des
collections à ses concurrents et offre, ainsi, la dernière mode au meilleur prix.
5. II. UNE METHODE A PART DANS LE SECTEUR DU TEXTILE
A. Rompre avec les saisons, être le plus rapide
1. La production locale et l’intégration verticale
Pour être le plus réactif possible dans ce marché concurrentiel, ZARA a choisi
de privilégier la production locale et l’intégration verticale. En effet, ZARA a choisi de
regrouper ses activités près de son siège à la Corogne en ayant pour objectif un gain
de temps et un meilleur contrôle. La production est en lien direct avec le pôle de
création qui compte 400 stylistes. ZARA a également investi dans des appareils de
coupe dernier cri qui fonctionnent jours et nuits : 200 000 unités sortent chaque jour
des usines ZARA. Ces appareils entièrement automatisés peuvent tailler n’importe
quel dessin à partir des patrons qui leur sont transmis numériquement. Enfin, la
confection est réalisée par un réseau d’ateliers exclusifs qui apportent le savoir-faire
et complètent la flexibilité de ZARA. Il est, en effet, hors de question pour ZARA de
perdre du temps avec de multiples intermédiaires, c’est pourquoi, ZARA traite
directement avec son réseau de fournisseurs attitrés.
2. La puissance logistique
A peine produits, les articles transitent par le centre logistique de La Corogne.
Les chiffres sont éloquents : 1 million d’articles par semaine sont traités par cette
plate-forme au travers d’un réseau de 200 kilomètres de câbles aériens sur une
surface de 400 000 m² entièrement automatisés. L’atelier est intégralement vidé 2
fois par semaine.
3. Le contrôle de la distribution
Même au bout de la chaîne, ZARA garde le contrôle. En effet, ZARA est
propriétaire de la quasi intégralité de ses magasins, tous placés dans des endroits
stratégiques. Les avantages sont nombreux, et notamment, un contrôle total de son
image et une grande réactivité.
Tous ces éléments assemblés permettent à ZARA d’offrir aux consommateurs
12 collections par an là où ses concurrents ne peuvent en distribuer que 3 ou 4. Une
saison dure donc, chez ZARA, un mois et colle voire devance la mode !
4. Un lead time de 15 jours
C’est le délai minimal qu’il existe entre la création et la mise en rayon. ZARA met
seulement 15 jours pour dessiner de nouveaux modèles, les fabriquer et les livrer
dans n’importe quel magasin dans le monde. Les différentes étapes de ce lead time
sont les suivantes :
J-15 Création
Un styliste dessine le modèle en s’inspirant des vêtements de luxe et des attentes
des clients.
J-13 Coupe
La coupe des tissus gérée par ordinateur, a lieu dans une usine appartenant au
groupe de La Corogne.
6. J-5 Confection
Cousu par un sous-traitant, le vêtement revient ensuite dans une usine maison pour
les finitions.
J-3 Expédition
Le départ se fait par camion si le vêtement est destiné à l’Europe, par avion s’il va en
Asie ou aux Etats-Unis.
J-0 Mise en vente
Une heure avant l’ouverture, les vendeurs étiquettent le modèle livré au petit matin et
l’installent en rayon.
La flexibilité de la chaîne logistique permet donc de proposer un produit « en
vogue » et toujours plus nouveau par rapport aux concurrents. Zara bénéficie donc
d’une image de marque mode et gagne ainsi quelques parts de marchés
supplémentaires. Cela permet aussi de réduire les coûts : l’amélioration de la marge
donne un avantage prix à ZARA qui permet aussi de gagner des parts de marchés
supplémentaires. Le tout contribue à une expansion agressive de la marque.
B. Marketing de la rareté
Une collection qui colle à la demande grâce à l’intégration d’un système
d’information performant et d’un outil de production dernier cri, les collections ZARA
ont toujours trouvées leur public. Une optimisation des allers-retours ZARA optimise
la fréquence des visites de ces clients (entre 8 et 12 visites par an). Le client ZARA
vient donc souvent pour profiter des dernières nouveautés et achète en petite
quantité (2 à 3 articles par visite) Le renouvellement des collections est tel que ZARA
fait très peu de publicité et n’a quasiment aucun stock : c’est le marketing de la
rareté.
III. ANALYSE DE LA CHAINE DE VALEUR
Le succès de ZARA s’explique notamment par son organisation : ZARA
maîtrise ses approvisionnements en intégrant tous les éléments de sa chaîne de
valeur.
Avec un système d’information intégré à toute sa filière, ZARA a développé
une telle excellence dans la gestion de sa chaîne logistique, qu’il est devenu un
7. modèle pour de nombreux PDG, désireux d’améliorer la performance de leur
entreprise. L’innovation technologique contribue largement à la création de nouvelles
opportunités d’amélioration de la chaîne de valeur en mettant à disposition du
management des outils permettant de capturer, partager et analyser les données et
informations nécessaires pour synchroniser les processus de l’ensemble de la
chaîne opérationnelle. Enfin, le contexte actuel de ralentissement économique et le
secteur textile hyperconcurrentiel renforcent les actions de réduction des coûts
notamment de la chaîne logistique et industrielle. Tous ces facteurs expliquent une
nouvelle fois les choix de ZARA et contribuent à renforcer l’attention que portent
certaines directions générales à intégrer la chaîne de valeur.
A. Les grands principes de l’intégration verticale de la chaîne de valeur
textile
L’intégration de la chaîne de valeur permet d’optimiser les échanges tout au
long de la chaîne logistique- du fournisseur au client- en améliorant la réactivité et les
performances de l’entreprise. Outre la recherche de diminution des coûts et des
besoins de financement issue d’une rotation plus rapide des stocks, l’objectif
principal visé est l’amélioration du niveau de service à la clientèle grâce à la
disponibilité des produits attendus, dans un large réseau de distribution (y compris à
terme l’e-commerce), un renouvellement fréquent de l’offre tout en conservant les
best-sellers et les basiques, un service après vente efficace. Les entreprises
engagées dans l’intégration de la chaîne de valeur doivent respectés certaines
règles de bases.
la gestion des stocks ne vise pas leur réduction systématique mais leur
optimisation. Il faut éviter les ruptures de stocks et saisir les opportunités de
baisse des prix des matières premières.
pour atteindre la satisfaction client, la première règle réside en la capacité du
groupe à assurer la disponibilité des produits attendus dans les points de vente
et aux périodes clés. Cela vise ainsi à minimiser les délais de livraison sur
toute la chaîne logistique.
ce modèle impose une transformation des modes d’organisation interne et
externe de l’entreprise. La réussite de tels projets passe donc par une structure
transversale afin de faciliter la circulation des flux d’information.
B. L’intégration de la chaîne de valeur selon ZARA
1. Un système d’information puissant
Chaque jour, l’information remonte jusqu’au siège de la Corogne et permet à
la direction de voir les modèles qui marchent et qui ne marchent pas. Le reporting
journalier ne serait rien grâce à la réactivité dans la gestion des approvisionnements
et dans la réalisation des commandes. Pour atteindre un process de 15 jours entre la
décision de créer un produit et sa mise en vente dans les magasins, l’ensemble de la
filière et les sous-traitants exclusifs sont intégrés grâce à un ECR (efficient consumer
response). Les sous-traitants et fournisseurs sont donc reliés en permanence avec le
siège et travaillent en exclusivité pour ZARA. Ils peuvent donc répondre
immédiatement à la demande (contrairement à d’autres groupes qui ne travaillent
pas en exclusivité et qui doivent attendre leur tour sur les plannings des soustraitants ; entre 2 et 3 mois). Pour éviter les freins de résistance, car quand il y a
8. commerce il y a forcément négociation entre l’acheteur et le fournisseur ou
prestataire ; ZARA dans son process doit avoir négocié les prix avant de passer
commande. Le groupe a donc mis en place des cross functionnal team. Ces équipes
transversales suivent la chaîne de valeur, négocient régulièrement les coûts et les
prix. Elle traverse toute la chaîne d’approvisionnement et repère les
dysfonctionnements qui feraient perdre du temps. Ces équipes permettent aussi de
transférer les stocks des invendus de magasins en magasins. Aucun article ne
revient dans les dépôts de ZARA.
2. La chaîne logistique
La chaîne logistique est surdimensionnée pour répondre aux pics de
demande. ZARA optera pour l’avion contre le bateau. Après que les articles soient
conçus ils sont emmagasinés dans deux centres logistiques, un se situe à la
Corogne l’autre à Saragosse. Ces énormes centres de 400000 m2 et qui ont coûté à
ZARA 100 millions € par centre sont vidés entièrement deux fois par semaine. Il faut
24 à 48 heures pour que ZARA atteigne partout dans le monde un de ces magasins
à partir des centres logistiques. Ensuite les articles sont éclatés au niveau des HUBS
vers les magasins.
3. Le réseau de distribution
Propriétaire de 475 magasins sur plus des 500 magasins ZARA, le groupe a fait le
choix de la maîtrise du réseau de distribution. Chaque année, le groupe réinvestit 80
% de son résultat dans la distribution. Ceci explique une croissance d’activité plus
lente que prévue. De plus le choix des magasins est primordial en particulier dans la
localisation géographique. ZARA veut les meilleurs emplacements en centre ville.
Cela évite ainsi d’avoir à faire des campagnes de publicité et les consommateurs ne
peuvent éviter de passer devant un magasin ZARA.
9. LE MODELE DE H&M
En novembre 2004, la chaîne de magasins H&M a réalisé une opération
commerciale osée et innovante. L’enseigne a soigneusement préparé un « coup »
qui bouleverse les cadres et les frontières de l’univers du luxe et de la distribution
spécialisée. Pendant quelques jours, le distributeur de vêtement a commercialisé une
ligne de d’articles dessinée par le couturier Karl Lagerfeld dans 20 pays (Europe et
Amérique du Nord).
I. LES LEVIERS DU MARKETING DU LUXE
Pour définir un produit de luxe, on considère généralement 5 critères majeurs :
une supériorité technique ou technologique
une valeur esthétique
un phénomène de rareté
un prix relativement élevé
une représentation symbolique amenée par l’image de la marque
Ces 5 leviers constituent les fondements du marketing du luxe. Chaque Maison
les actionnent ensuite différemment en fonction de la segmentation de son marché et
de ses cibles. Cependant, la collaboration entre H&M et Karl Lagerfeld brouille les
fondements de ces stratégies traditionnelles. Le cobranding repose en effet sur un
genre nouveau : baisser fortement le levier « prix » et actionner à fond le levier «
représentation symbolique ». Le tout est associé avec une dramatisation
commerciale forte, notamment à travers un effet rareté.
A. Prix serrés pour une collection griffée
Le concept d’ H&M est proche de celui de son confrère suédois Ikea. Son
business model repose sur la vente de produits au design innovant mais à un prix
raisonnable.
L’activité d’enseignes comme le suédois H&M, les espagnols Zara et Mango
et l’américain Gap est aussi décrite comme du « fast fashion ». Cela caractérise des
articles vite achetés, vite délavés et vite jetés. Maragreta Van den Bosch,
responsable du design pour H&M, présente les clef de réussite d’une telle activité : «
avoir peu d’intermédiaires, acheter des tissus en volumes importants et utiliser un
système de distribution bien rodé ». La collaboration entre H&M et Karl Lagerfeld
s’appuie sur le positionnement prix de l’enseigne. Les articles dessinés par le
couturier ont été proposés à la vente à des prix comparables aux autres produits
textiles de l’enseigne.
Avec un tel positionnement tarifaire, H&M créé un premier brouillage des
frontières dans la tête des consommateurs. Ces derniers peuvent se procurer des
10. articles qui ne sont pas des imitations mais des articles s’inspirant du haut luxe,
dotés d’une valeur esthétique élevée, mais à des prix accessibles. En marketing, on
considère habituellement que le segment du « haut luxe traditionnel », dont fait partie
la haute couture et une Maison comme Chanel, commence à partir de la somme de 2
000 euros. Chez H&M, la collection dessinée par Karl Lagerfeld a été
commercialisée avec un prix plancher fixé aux alentours de 20 euros.
B. Origine du succès de l’opération
La représentation symbolique est un ensemble non objectivable. Elle est
constituée d’un ensemble d’images et de mots déclenchés par la perception d’un
objet, d’une personne ou bien l’évocation d’un nom. Cette sensation fait appel aux 5
sens, est activé de manière inconsciente et s’appuie sur des référents matériels et
immatériels. En marketing du luxe, la symbolique rassure et légitime l’appartenance
du consommateur à un univers haut de gamme. Elle légitime aussi le supplément de
prix.
Karl Lagerfeld est une personnalité complexe et très riche. Dans l’imaginaire
collectif, il a su capitaliser l’attention du consommateur pour deux raisons majeures:
il est tout d’abord associé à la maison Chanel depuis 1983
c’est une personnalité complexe, médiatique et plutôt excentrique.
En l’occurrence, H&M apparaît comme un effet
d’aubaine pour le consommateur ordinaire. En proposant
une collection signée Karl Lagerfeld dans ses linéaires,
l’enseigne permet à des segments de population à revenu
moyen de rentrer en contact avec l’univers complexe des
symboles associés au couturier. Il y a en premier lieu la
maison de couture Chanel mais aussi le luxe, la recherche
de l’élégance, la femme parisienne, le bon goût, son égérie
Claudia Schiffer… Karl Lagerfeld décrit sa collaboration
comme le fait de « faire du snobisme à l’envers en donnant
à l’accessible ses lettres de noblesse » ou encore « s’offrir
l’idée d’un univers ». Pour Christian Bagnoud, directeur
marketing d’H&M Canada, « beaucoup de clients sont
motivés par le fait d’acheter un article dessiné par Karl Lagerfeld mais ses créations
sont, en règle générale, très chères. Maintenant, tout le monde peut se le permettre
».
C. Marketing de la rareté
Officiellement, l’équipe de Karl Lagerfeld n’avait pas prévu qu’ H&M créée un «
phénomène collector » autour de cette collection. En effet, le groupe suédois a
organisé la rareté et, à titre d’exemple, on peut évoquer les chiffres de la production
France de la fameuse veste à paillettes qui s’élèvent à 300 unités pour 28 magasins.
La stratégie de communication d’H&M s’appuie sur la rareté. Dans son plan média
11. précédant l’événement, la marque utilise un effet d’annonce bien orchestré mais
classique. Nous avons évoqué dans les paragraphes précédents en quoi les leviers
« prix » et « symbolique » sont les facteurs clés de succès de la campagne amont.
La stratégie aval, elle, permet de faire parler de l’enseigne après l’événement.
En l’occurrence, on peut évoquer l’article du quotidien Libération présentant
l’opération commerciale comme un compte à rebours. L’article décrit la ruée des
consommateurs (ou plutôt, des consommatrices) dans des magasins H&M parisiens.
Ainsi, on apprend que « les premiers sont arrivés à six heures du matin », « les
vendeurs montrent leurs mains couvertes d’égratignures et osent à peine ramener
quelques vêtements de la réserve ». En outre, le magasin de la rue de Rivoli est «
dévalisé en 13 minutes ». Cet étalement de la période de communication est
stratégique pour le groupe. En effet, il met en avant la dynamique commerciale
d’H&M dans 20 pays d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord et relève de
plusieurs objectifs à caractère économique et financier. Derrière le « coup
commercial », on trouve des motivations liées au fait que :
de nombreuses analyses s’accordent à dire que le groupe suédois peine à
s’imposer sur le marché américain malgré un marketing de masse (la taille de
certains magasins a été réduite et la succursale de Chicago a été fermée)
l’enseigne cherche à développer sa notoriété à l’échelle mondiale dans la
perspective de nouvelles implantations
l’enseigne cherche à renforcer son image de marque à travers un
positionnement marketing milieu de gamme chic et abordable
II. LA COLLABORATION AVEC KARL LAGERFELD
A. Quand l’offre rencontre la demande
Quand on étudie le comportement des acheteurs de luxe aujourd’hui, on
observe le passage d’une consommation quotidienne par une élite à la
consommation ponctuelle d’un très grand nombre. Au delà de cette tendance, on
observe aussi ce que Karl Lagerfeld lui-même appelle une « troisième voie » qui
consiste à « mélanger des choses chères et pas chères ». Martine Leherpeur, dans
L.S.A, parle de « diagonale du fou » avec « un consommateur qui est le matin chez
Dior et le soir chez H&M ». Le succès de la collaboration entre Karl Lagerfeld et H&M
est symptomatique de cette nouvelle façon de consommer. Elle utilise une évolution
des modes de consommation pour bâtir une stratégie: les consommateurs mélangent
les segments du luxe traditionnel et le distributeur tente de répondre à ce besoin,
quitte à brouiller les repères traditionnels. Au final, l’enseigne espère que la force de
la représentation symbolique couvre la désacralisation par le prix.
Pour la clientèle régulière d’ H&M, le cobranding avec Karl Lagerfeld est
globalement positif. Même si l’enseigne suédoise a utilisé une stratégie marketing
agressive, le consommateur a la sensation de sortir gagnant de l’opération. Nous
avons évoqué précédemment l’effet d’aubaine que constitue cette possibilité de
rentrer en contact avec l’univers du luxe.
En outre, au-delà du renforcement de l’image de marque, le succès de
l’opération laisse présager de nouvelles collaborations entre le distributeur et des
12. couturiers célèbres. Le consommateur est tenu en haleine. D’ailleurs, une
collaboration avec Stella McCartney a eu lieu un an après.
B. Un avantage compétitif pour le consommateur.
En décembre 2004, H&M a annoncé une croissance de ses ventes en
novembre 2004 de 24% par rapport à novembre 2003. Il s’agit de la plus forte
progression mensuelle du groupe depuis octobre 2002. L’effet de la collection «
Lagerfeld for H&M » pèserait de l’ordre de 6 à 8 points de ces 24%. Globalement, le
distributeur a fortement profité de l’opération commerciale « Karl Lagerfeld for H&M
». Nous avons également évoqué précédemment que la stratégie de communication
entourant le cobranding était un signe fort pour l’enseigne, en particulier dans le
cadre de sa stratégie d’expansion.
Cependant, il est intéressant de revenir sur l’image prix du distributeur. Juliette
Garnier, dans la revue LSA, évoque « la bipolarisation du marché de l’habillement
autour du luxe et de l’entrée de gamme, fragilisant les marques et les enseignes
moyen de gamme ». Pour des enseignes comme H&M, ZARA ou encore MANGO, il
est nécessaire de casser ce positionnement en milieu de gamme :
soit en tirant le positionnement commercial par le haut (bien-aller, bien coupé,
bien stylé, bon tissu, prix juste…)
soit en tirant le positionnement commercial vers le bas (le moins cher,
merchandising réduit, moins de style, moins de qualité)
soit en maintenant une position médiane qui joue « le plus » par rapport aux
hard discounters (plus de mode, plus de renouvellement, plus de plaisir
d’achat, plus de segmentation…)
H&M a une stratégie qui s’inscrit dans ce dernier segment. L’enseigne n’a pas
intérêt à relever son positionnement tarifaire mais elle se doit de maintenir une image
qualitative forte, tendant vers le haut de gamme (réellement ou fictivement). En
l’occurrence, la collaboration avec des couturiers reconnus sert cet objectif. Le
cobranding permet de concilier les paramètres prix et qualité. Dans ce cadre, un
facteur clé de succès majeur réside dans la capacité de l’enseigne à traduire les
tendances en collections pour le grand public. Jusqu’à aujourd’hui, c’est ce qui a
permis l’expansion du groupe suédois.
C. Une logique win-win
Un cobranding est une collaboration entre deux parties et suppose une
logique win-win afin d’en tirer la pleine quintessence. Tout d’abord, pour Chanel, Karl
Lagerfeld lui-même reconnaît que des retombées commerciales ne sont pas à
exclure. Le couturier déclare ainsi que « celles qui vont acheter Karl Lagerfeld chez
H&M ont aussi envie d’un rouge à lèvres ou d’un parfum Chanel ». Le « brand
stretching » de la maison de haute couture lui permet d’être présent sur les segments
du haut luxe mais aussi du luxe intermédiaire et du luxe accessible. C’est ce dernier
qui peut bénéficier au mieux des retombées du cobranding Lagerfeld-H&M.
Quant à l’image de marque de la maison de haute couture, les segments de
clientèle « exclusifs » ou « réguliers » (en particulier la clientèle « bourgeoise »), la
13. collection « Lagerfeld for H&M » est assimilée à une forme de diversification que la
marque mère Chanel pratique déjà sous d’autres formes. Savoir innover, oser et
dépasser les préjugés est un gage de dynamisme en économie. Ces règles
s’appliquent aussi dans le secteur de la mode, mais à des degrés variés bien
entendu. Ensuite, pour le couturier, la collaboration avec H&M est une opportunité
supplémentaire pour avoir accès aux médias et se livrer à son jeu favori : la
provocation.
III. UN INTERET CROISSANT POUR LE « MASSTIGE »
L’opération commerciale que nous étudions n’est pas un phénomène isolé.
Elle s’inscrit comme une nouvelle façon de consommer. En l’occurrence, il s’agit d’un
intérêt croissant des consommateurs de masse pour les marques de luxe. Ce terme
est issu de la contraction de « mass market » et « prestige ».
Dans leur cobranding, H&M et Karl Lagerfeld ont utilisé l’ensemble des
facteurs clés de succès du masstige qui sont constitués de :
collaboration entre une marque de luxe et une marque de grande
consommation
adoption de codes de communication propres à la grande consommation et
adaptation de ceux-ci en fonction des marchés (les marques de luxe n’utilisent,
en général, qu’un seul discours pour le monde entier)
caractère éphémère des opérations commerciales qui s’appuient énormément
sur l’effet d’annonce ;
appel aux créateurs des grandes maisons de couture
cible marketing plus jeune et plus féminin que pour les produits de luxe
Ainsi, on note qu’ H&M a su dans un premier temps comprendre la nouvelle
tendance de consommation et dans un deuxième temps utiliser à bon escient
l’ensemble des facteurs clés de succès du masstige. Il reste cependant à voir
désormais quelles peuvent être les limites de cette évolution de l’offre et de la
demande.
CONCLUSION
Nombre de magasins quasiment identiques, segments concurrents, chiffres
d'affaires similaires : depuis une décennie, H&M et Zara se concurrencent avec des
méthodes de marketing radicalement opposées.
D’un coté, ZARA et son modèle stratégique de l’intégration verticale, réussit à
offrir aux consommateurs des vêtements toujours à la pointe de la mode tout en ne
communiquant quasiment pas. En effet, seulement 0.3% de son chiffre d’affaires est
dépensé pour la communication contre 3.5% pour H&M. Cela s’inscrit sans doute
dans un politique de maîtrise parfaite des coûts sachant que le géant espagnol
internalise plus de 60% de sa production.
Pourtant, cela ne l’empêche pas d’être un des leaders de son marché, en
proposant des renouvellements de gamme tous les mois. Ce système a pu réussir en
14. grande partie grâce au bon fonctionnement de leur système d’information mais aussi
grâce aux nombreux designers qui scrutent les tendances de demain.
Face à cette concurrence, H&M s’est positionnée sur le marché moyen/haut
de gamme. Ses produits ont du coup une plus forte valeur ajoutée et profitent d'une
une image de marque de qualité. C'est le masstige, l'union d'un nom de prestige
avec une marque de grande consommation. Et quand ces alliances se doublent
d'une communication efficace, le résultat est implacable. Rumeur tout d'abord,
annonce ensuite avec une date d'arrivage, l'opération est un succès.
Cet automne, la marque lance une collection
mère et fille avec les mêmes vêtements déclinés du 6
ans à la taille 38. C'est Madonna, égérie 2006 de H&M
qui aurait mis au goût du jour cette manie d'assortir la
tenue des enfants avec leurs parents. Des campagnes
largement relayées par H&M Magazine qui propose
une vue d'ensemble sur la mode et sur les dernières
tendances à l'adresse des collaborateurs du groupe et
de la clientèle.
Que ce soit par le « masstige » ou par le
marketing de la rareté, H&M et ZARA ont très bien su
se démarquer de la concurrence et réussir à proposer
des modèles à forte valeur ajoutée pour le client tout en
respectant un cahier des charges strict. On peut donc
dire que la démocratisation du luxe ne s’effectue pas seulement dans les grandes
maisons mais aussi dans le domaine de la grande consommation.
Mais non contents d'avoir bousculé les équilibres sur le marché de la mode
vestimentaire, H&M et Zara ont aussi chacun entrepris de diversifier leurs activités
marchandes. Inditex, s'est lancé dans la décoration de la maison avec le concept de
Zara home. La dernière mode de déco disponible en un minimum de temps. Le
Suédois offre de son côté et depuis quelques années des lignes de produits
cosmétiques, compléments évidents d'un magasin de vêtement.
15. BIBLIOGRAPHIE
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septembre 2005
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Pourquoi H&M s’offre Karl Lagerfeld pour Noël, Largeur.com, Mary Vakaridis, 3
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