Dans le domaine des relations sociales, les facteurs qui y interviennent étant multiples et chaque situation étant spécifique, il n’existe pas de « solution idéale » (la solution miracle ?) applicable en toutes circonstances. Cela étant, outre le respect du droit social tant au niveau de la lettre que de l’esprit, les dix points d’attention de base d’une gestion optimale de cette matière dans l’entreprise sont les suivants …
Extrait de ", La gestion des relations sociales" 2012, Kluwer
1. Relations sociales et performance de l’entreprise
Dans l’entreprise, le fonctionnement des différents organes sociaux – délégation syndicale (DS),
comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT), conseil d’entreprise (CE) – fait l’objet de
normes légales qu’il convient d’appliquer consciencieusement. Cependant, les échanges au sein de
ces instances ne constituent qu’une partie des interactions entre les représentants patronaux et
syndicaux. Leur fonctionnement n’est qu’une des facettes, la partie émergée de l’iceberg que
constituent les rapports entre les interlocuteurs sociaux. Ce n’est pas parce que les débats sont
sereins à ces endroits que les relations sociales au sein de l’entreprise sont « saines » ! Comme le
dit le proverbe : « une hirondelle ne fait pas le printemps » !
Les relations sociales, que l’on appelle également les relations collectives de travail ou la
concertation sociale, recouvrent en effet des domaines complexes, formalisés ou non. Elles sont
constituées d’échanges d’informations, de consultations, de concertations, de négociations. Au-delà
de la prévention des conflits sociaux, elles visent à générer une synergie entre les exigences de
l’entreprise et celles de son personnel par la recherche permanente d’une situation d’équilibre entre
les attentes respectives qui se traduit en solutions concrètes, précises, adaptées aux circonstances
spécifiques et qui conviennent aux parties en présence tant dans les aspects individuels que
collectifs des relations de travail.
Fixer les conditions de travail
Les relations sociales sont omniprésentes de façon informelle et se concrétisent ponctuellement, au
travers de processus formels, par la détermination conjointe de normes et de règles qui régissent le
fond et la forme des relations de travail de même que les rapports entre les parties. Elles ont donc
pour objet de règlementer les conditions de travail, périodiquement, par le biais de conventions
collectives de travail (CCT) conclues au niveau de l’entreprise, du secteur ou de l’interprofessionnel
et, en permanence, par la recherche d’un consensus sur tout ce qui n’est pas réglé par ces
conventions et qui doit l’être.
Le cadre juridique des relations sociales, aussi complet et contraignant qu’il soit, ne préjuge pas de
leur qualité. En effet, il ne suffit pas d’appliquer les règlementations à la lettre pour en respecter
l’esprit et l’obligation légale de créer des structures particulières n’induit pas automatiquement le
respect, l’écoute, l’échange, le débat, la consultation ou la négociation. Or, ces attitudes ont un
impact indéniable sur la communication entre les interlocuteurs patronaux et syndicaux, sur leur
aptitude à comprendre les positions respectives, sur leur capacité à générer et à adopter ensemble
les mesures d’évolution adéquates et, in fine, sur l’efficience de l’entreprise.
Des relations systématiquement conflictuelles, une multiplication des sources de tensions, une
évolution négative de l’absentéisme ou des paramètres de production sont autant de signes de la
dégradation du climat social. A l’extrême, la détérioration des rapports entre les acteurs se traduira
en démonstrations plus ou moins spectaculaires, parfois impromptues, et qui sont très souvent
répercutées par la presse : des mouvements de grève annoncés ou spontanés, des négociations
sociales qui s’éternisent, des interlocuteurs sociaux qui ne parviennent pas à conclure des accords
dans les délais imposés, certaines enseignes de la grande distribution qui accueillent les clients le 2
mai 2008 alors que d’autres sont fermées … autant d’exemples manifestes de relations « grippées »
entre les acteurs sociaux.
Quelle que soit leur nature, ces dérives ont un coût important pour tous les acteurs à différents
niveaux. Outre l’évolution du contexte socio-économique global ou particulier, elles peuvent
notamment avoir pour origine le degré de partenariat entre les parties, les compétences, les
comportements, les objectifs - d’individus ou de groupes de personnes -, tant au niveau des
représentants de l’entreprise que des représentants du personnel ou encore du personnel lui-même,
etc. Vous l’aurez deviné, la plupart du temps, ce n’est pas un seul de ces éléments mais une
accumulation de plusieurs de ceux-ci, simultanément ou successivement, qui ont contribué à la
situation problématique.
P. Namotte « La gestion des relations sociales » KLUWER 2013 1/4
2. Dix points d’attention
Dans le domaine des relations sociales, les facteurs qui y interviennent étant multiples et chaque
situation étant spécifique, il n’existe pas de « solution idéale » (la solution miracle ?) applicable en
toutes circonstances. Cela étant, outre une probité irréprochable de ses gestionnaires - dont le
respect du droit social tant au niveau de la lettre que de l’esprit -, les dix points d’attention de base
d’une gestion optimale de cette matière dans l’entreprise sont les suivants …
1. La place et le respect de l’Homme
Le contenu de la présente démarche étant essentiellement axé sur l’être humain, il ne
saurait être exempt d’humanisme. Même si cela nous convient et ravira ses partisans, c’est
cependant sans angélisme ni naïveté car dans le domaine concerné, cette position
philosophique n’est pas une fin en soi mais un moyen. Elle facilite la nécessaire prise en
compte du facteur humain pour atteindre au mieux les buts de l’entreprise et par là-même
ses impératifs de rentabilité, mais elle ne saurait constituer la finalité ultime des décisions
de gestion.
Au-delà de cette considération de fond, pragmatiquement, si la structure de l’entreprise ne
prend pas suffisamment en compte les aspects humains, ils seront tôt ou tard convertis en
revendications individuelles puis collectives. Celles-ci seront rapidement relayées par les
organisations syndicales dont c’est la vocation première, ce qui confortera leur rôle dans
l’entreprise au détriment de la structure hiérarchique. Comme l’a souvent répété M. Robert
Wauters1 : « les représentants du personnel sont des partenaires économiques et des
concurrents sociaux ! ».
2. Le système de gestion des ressources humaines (GRH)
Les différentes composantes du système de GRH doivent manifester les principes de base
suivants : transparence et clarté, objectivité maximale, équité externe2 et interne3 de
traitement entre les personnes, justice procédurale4 et enfin, uniformité d’application dans
toute l’entreprise.
Le système comprendra notamment une gestion prévisionnelle des compétences et des
effectifs, des critères de recrutement et de rétention, des moyens d’évaluation individuelle
et collective, un processus d’évolution et de développement des personnes. Ce dernier
aspect sera complété d’une politique de formation tant en termes de savoir-faire que de
savoir-être, ce qui permettra de développer les compétences individuelles et donc,
l’employabilité.
3. Le relationnel
Dans nombre de situations, l’autonomie, la responsabilisation, l’adhésion à la démarche de
l’entreprise constituent des facteurs qui soutiennent voire stimulent la motivation
individuelle, un engagement fort ou plus élevé que d’ordinaire. La motivation et
l’engagement - qui ont un impact important avéré sur l’efficience de l’organisation – sont
essentiellement basés sur le dialogue, la coopération, la concertation, le partenariat, en
bref, sur la « co-élaboration »5 au lieu de la simple collaboration et ce, à tous les niveaux
de l’entreprise.
4. La hiérarchie
Le rôle des cadres, à tous les niveaux - y compris les responsables de proximité, de terrain
-, est d’assurer la gestion des techniques d’organisation utiles au fonctionnement de l’entité
dont ils ont la responsabilité.
Leur impact sur les relations sociales est conditionné par la façon dont ils manifestent les
propriétés suivantes : cohésion et loyauté, crédibilité, une certaine autonomie, des
capacités relationnelles, des capacités d’écoute et d’expression, une gestion des problèmes
1 Robert Wauters, licencié en Sciences Commerciales et Financières, a notamment occupé les fonctions de membre du Comité
de Direction en charge des Relations humaines et sociales de Glaverbel, de directeur des Relations syndicales à Belgacom, de «
démineur » social à la Sabena et de consultant en relations collectives. Il a par ailleurs largement contribué à affiner la
réflexion sur le contenu de cet article
2 Equité externe = par rapport à des situations semblables hors de l’entreprise
3 Equité interne = appliqués de façon identique entre les différents membres du personnel d’une même entreprise
4 La justice procédurale concerne la perception de justice en regard des règles et des procédures d’allocation utilisées
notamment pour déterminer la rétribution
5 Robert Wauters, op. cit.
P. Namotte « La gestion des relations sociales » KLUWER 2013 2/4
3. par niveau et par la personne directement concernée, un équilibre des rôles par rapport aux
représentants du personnel.
5. L’exercice de l’autorité
Si, confronté à un événement tel qu’un incendie, un risque imminent d’explosion ou
d’accident, il est indispensable de faire preuve d’autorité, la majorité des situations ne
nécessite pas cette façon de mener les Hommes. A l’opposé, le « laisser-faire » n’est pas
non plus la panacée. L’une et l’autre attitude sont généralement contreproductives.
Pour être efficace sur le long terme, l’exercice de l’autorité doit être juste, ni laxiste, ni
rigoriste, adapté aux circonstances, dans le respect des droits et devoirs réciproques. En
d’autres mots, il convient de faire preuve d’assertivité, c'est-à-dire, de s’exprimer et de
défendre ses droits sans empiéter sur ceux des autres, d’avoir une attitude de fermeté par
rapport aux événements et ce que l’on considère comme acceptable ou non.
6. La communication
En matière de relations sociales, le contenu de la communication vise à donner un sens à la
contribution de chacun et permet la compréhension de la situation, de son contexte, de son
environnement ainsi que des perspectives positives ou négatives.
À travers toute l’organisation, tant à l’égard de la hiérarchie que du personnel et de ses
représentants, la communication sera verticale et transversale, bidirectionnelle, fluide,
complète, fiable, congruente, permanente et pédagogique.
7. Les représentants du personnel
Dans notre système de relations sociales, les représentants du personnel ont un rôle
majeur, à multiples facettes, et l’entreprise qui souhaite avoir des interlocuteurs pertinents
attend notamment d’eux des compétences d’analyse, de compréhension des situations et
de leur contexte, de proposition, d’expression tant à l’égard de l’entreprise, de la hiérarchie
que de leurs collègues ou mandants.
Les représentants du personnel doivent pouvoir agir dans le cadre de règles claires,
connues et appliquées uniformément dans l’entreprise, partout et par tous. Ce sont aussi
des mandataires formés - au besoin par l’entreprise - qui exercent entièrement leur(s)
mission(s), sans privilège, ni préjudice et qui sont traités avec la même rigueur que les
autres membres du personnel.
8. Le suivi de certains paramètres
Le climat social est une expression qui renvoie à la météo et, comme celle-ci, les
entreprises vivent des périodes de troubles ou de calme. Il est donc intéressant de pouvoir
suivre son évolution, de l’interpréter et si possible, de façon proactive, d’adopter les
mesures susceptibles de le stabiliser voire de l’améliorer et donc, d’en limiter les
conséquences négatives.
L’évolution du climat social peut être partiellement objectivée par le suivi de systèmes
d’évaluation, notamment de la motivation ou de la satisfaction du personnel, et par le suivi
d’indicateurs spécifiques - absentéisme, qualité, productivité -, l’ensemble de ces données
étant réunies dans un tableau de bord spécifique.
9. Une veille sociale
Dans de nombreux domaines, il ne nous est pratiquement pas possible de connaître tous
les éléments pertinents à la décision, d’anticiper toutes les options possibles mais aussi
leurs conséquences et quand bien même, d’en maîtriser totalement leur déroulement6.
Les « incidents » sociaux sont des symptômes de dysfonctionnement et constituent une
opportunité d’évolution de l’organisation pour autant que nous prenions la peine de les
relever, de les analyser et d’appliquer les conclusions qui en découlent non seulement par
une réaction à court terme (curative), mais surtout par des ajustements pertinents qui
auront un impact à moyen et long terme (préventifs).
6 Voir à cet égard le concept de « rationalité limitée » développé par Herbert A. Simon in J. Igalens et C. Loignon « Prévenir
les conflits et accompagner les changements ; l’observation sociale au service des entreprises et des administrations », Ed.
Maxima Laurent Du Mesnil, 1997 pg 34 ainsi que M. De Coster, A. Cornet et C. Delhaye, « Sociologie du travail et gestion
des ressources humaines », De Boeck, 1999 pg 187
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4. 10. La négociation sociale
En complément de la concrétisation des points évoqués ci-avant, des relations sociales
performantes nécessitent des négociateurs, non seulement qui connaissent les principes de
négociation, leurs limites personnelles et celles du mandat mais surtout, qui recherchent un
résultat gagnant / gagnant.
« L’entreprise a les syndicats qu’elle mérite »7 !
Si les concepts évoqués ne sont pas exhaustifs, leur concrétisation a incontestablement un impact
sur le moral, la motivation, les comportements de l’encadrement, du personnel, des acteurs
syndicaux et sur le degré de conflictualité.
Nous pouvons par ailleurs ajouter que le conflit est rarement totalement absent, qu’il peut parfois
être exacerbé par la volonté d’une des parties de rétablir un certain équilibre du pouvoir et enfin,
qu’il constitue une opportunité d’évolution.
Les entreprises où les points d’attention développés ci-avant sont mis en oeuvre depuis un certain
temps, de façon proactive, vivent des relations sociales plus favorables à des rapports équilibrés
entre les interlocuteurs et plus respectueuses de l’intérêt de toutes les parties, ce qui contribue à
l’optimalisation de leur efficience économique et sociale.
Enfin, des rapports sociaux de ce type reposent sur la confiance. Celle-ci met du temps à s’établir,
est relativement fragile et nécessite une attention permanente.
Les entreprises, qui veulent évoluer dans le domaine des relations sociales, s’interrogeront utilement
sur la meilleure façon de concrétiser, dès que possible, les différents items évoqués, de telle sorte
qu’à terme, elles soient mieux positionnées tant dans leurs rapports quotidiens avec les
représentants du personnel, que lors de négociations sociales futures qui ne manqueront pas
d’intervenir ou encore, lors des prochaines élections sociales.
Extrait de l’ouvrage « La gestion des relations sociales » paru de 2009 à 2013
http://www.kluwer.be/home/
Patrick Namotte, Licencié en Management des Ressources Humaines (ISC St Louis) après avoir
été permanent syndical et juge social auprès d’un tribunal du travail, est à présent consultant
indépendant en gestion des ressources humaines - spécialisé en relations sociales -, médiateur
agréé par le Service public fédéral Justice et coach.
http://www.linkedin.com/in/namottepatrick
namotte-patrick@skynet.be
7 Robert Wauters, op. cit.
P. Namotte « La gestion des relations sociales » KLUWER 2013 4/4