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20 Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 14 septembre 2022 – N° 37
Île-De-FRAnce
enViRonneMent
Comment l’activisme actionnarial amène
les grandes entreprises à travailler leurs
engagements environnementaux ?
Les dirigeants et les Conseils
d’administration peinent à
intégrer le risque climatique
en France. Tant le sondage de
l’Institut français des administrateurs
réalisé auprès de ses adhérents
avec Carbone 4 que le « Baromètre
grandes entreprises » d’Eurogroup
Consulting en janvier 2019 démontrent
que le risque « climat » n’est une
préoccupation que pour un quart
(24 %) des dirigeants des grandes
entreprises françaises. Dans ce
contexte, la montée d’un activisme
actionnarial environnemental
pour influencer une direction trop
peu proactive est une question
d’importance.
Il y a trois ans, nous avions dessiné
le profil d’un nouvel engagement
actionnarial en Europe à partir des
acteurs, de leurs méthodes et des
thèmes portés2
. Depuis, nous avons
poursuivi des recherches en lien avec
la directive droits des actionnaires 2 et
la loi PACTE. Si l’activisme est
jeune dans la culture actionnariale
du continent, il se structure et
devient un canal d’influence dont les
dirigeants ne peuvent plus faire fi,
qu’il soit dialogué ou plus incisif. La
plupart du temps, il se pratique par
le questionnement en Assemblée
Générale, plus facile à utiliser que le
dépôt de résolutions qui demande
de rassembler un pourcentage
conséquent de droits de vote (art.
R. 225-71 du Code de commerce). Le
questionnement permet de soulever
des sujets précis, tout en donnant
à l’interpellation une exposition
publique pour attirer l’attention des
citoyens et consommateurs, hors
même de l’entreprise. Ainsi, l’art de
la question s’érige comme alternative
aux instruments plus contraignants
ou à la voie contentieuse, et quelques
actionnaires minoritaires, en se
coordonnant, tentent d’influencer
les choix de l’équipe dirigeante, à la
lumière de sujets qui les préoccupent,
dont l’écologie.
Depuis 2020, le Forum pour
l’Investissement Responsable (FIR) a
lancé une campagne d’engagement
lors des AG. Nous avons mené une
recherche relative à la portée de
celle-ci en 20213
, en ayant en miroir la
première de 2020 et en perspective
celle de 2022, et exposons ici les
résultats sur le thème de l’écologie.
Le « say on climate », pratique qui
émerge depuis 2020, est encore
trop balbutiante pour tirer une leçon
documentée. Aussi nous l’évoquerons
dans la conclusion prospective.
La montée de la démocratie
actionnariale comme moteur
de la mobilisation ESG
La vie actionnariale dans les grands
groupes semble mue par une tendance
comparable à celle des élans citoyens
de notre démocratie, avec des velléités
de transparence et de dialogue structuré,
notamment autour de consultations
comme le Grand débat ou la conférence
sur l’avenir de l’Europe. Et si l’influence
des grands fonds US a en son temps
consolidé la théorie de l’agence selon
laquelle le dirigeant est responsable
à l’égard des investisseurs, en tant
qu’agent chargé de prendre soin de leurs
placements, une compréhension élargie
de la vocation de l’entreprise, actée en
France par la modification du Code civil,
conduit désormais à questionner son
activité à la lumière de préoccupations
sociales, sociétales et environnementales
dont son incidence sur le réchauffement
Viviane de Beaufort,
Professeure à l’ESSEC,
Docteure en Droit
Avec le soutien d’Hichâm Ben Chaïb, alumnus ESSEC (CEDE1
)
1)https://cede.essec.edu/
2)VivianedeBeaufortL’engagementactionnarialenFrance,vecteurdegouvernancepérenne?Revue des sociétés-Juin2019-numéro6.
3)https://www.frenchsif.org/isr_esg/publication/le-cac-40-est-il-responsable-rapport-d-engagement-ag2021/
triBune
Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 14 septembre 2022 – N° 37 21
Île-de-France
Environnement
climatique et la biodiversité. Si les
sujets d’interpellation classiques en AG
demeurent, ils cèdent du terrain à la RSE.
Et tandis que le législateur cadre de plus
en plus ces sujets (exemple : devoir de
vigilance) devenus facteurs de risques
stratégiques, des actionnaires activistes
s’en font les hérauts activant, à minima,
un risque réputationnel. En parallèle de
la diversification des thèmes d’activisme,
on constate une diversification des
acteurs et des méthodes : l’influence
traditionnelle des institutionnels sur un
mode discret mais efficace, à partir de
critères RSE intégrés dans leur politique
d’investissement, se complète de celle
de petits actionnaires se coordonnant et
utilisant les conseils de proxies engagés
ou des fonds ESG (qui investissent selon
des critères environnementaux, sociaux
et de gouvernance). Des ONG achètent
même une action pour pouvoir s’exprimer
en assemblée. Le questionnement des
groupes duCAC 40, lors des assemblées
générales de 2021par le FIR, a été choisi
pour mener une évaluation du degré
de priorité accordée aux questions
environnementales par les grands
groupes français. Un questionnement sur
la pertinence des questions adressées
par le FIR, mais également les processus
de réponse des groupes complètent les
travaux.Maximiserl’impactdecetteaction
renouvelée par le FIR en 2022 et qui a
vocationàsedéployerétaitl’objectiffinal.
Note de méthodologie
Les travaux qui suivent ont été
menés d’avril 2021à avril 2022avec
la promotion 13 du Women Board
Ready ESSEC dans le cadre
du programme « gouvernance
d’entreprise pérenne » du Centre
Européen de Droit et Economie4
. Trois
des treize questions écrites portaient
sur le thème environnemental. Les
réponses des groupes ont été
comparées aux rapports annuels des
entreprises mais aussi à des prises
de parole des dirigeants dans la
presse, des rapports et commentaires
d’ONG, des prises de position de
fondsESGdontparexemplePhitrust5
,
le benchmark d’Axylia6
, ainsi que le
précédent rapport du FIR de 20207
,
afin d’évaluer leur pertinence. Les
travaux bruts se présentent sous
forme de fichiers Excel et un working
paper du CERESSEC8
a pu être
finalisé.
Climat : l’Accord de Paris face aux
montants de CAPEX pour 2025 ?
La première question posée concernait
le climat et était formulée comme suit :
« Pour être en ligne avec l’Accord
de Paris, quels sont les montants de
CAPEX (dépenses en capital) à horizon
2025 ? Comment ces CAPEX seront
répartis sur l’ensemble de la chaîne de
valeur entre CAPEX de maintenance et
CAPEX de croissance ? »
Les bonnes pratiques se retrouvent
dans les groupes qui ont défini une
stratégie claire, un plan d’action et
des capex spécifiés qui tendent à
prouver qu’une démarche concrète
est en cours. Généralement, dans ces
groupes, la prise en compte du volet
environnemental s’est faite depuis
plusieurs années et s’est transformée
en vrai levier de développement. Les
scopes 1 (tous les gaz à effet de serre
émis directement par l’entreprise)
et 2 (émissions indirectes et liées
à l’énergie) sont particulièrement
bien documentés. Pour certaines
entreprises, l’implication en scope 3
(toutes les émissions indirectes) paraît
même naturelle. Les mauvaises
pratiques sont corrélées à une absence
ou insuffisance de communication,
par exemple au sujet du capex ; pas
de stratégie d’entreprise claire, de
données précises et quantitatives,
description de quelques démarches
isolées.
D.R.
4)CEDE:https://cede.essec.edu/
5)https://www.phitrust.com/nous-connaitre/notre-approche-esg/
6)Vérité40d’Axylia:https://www.axylia.com/v%C3%A9rit%C3%A940
7)Rapportd’engagement2020:https://www.frenchsif.org/isr-esg/publications/
8)WP2202CERESSEC:https://www.academia.edu/80055267/WP_2202_travaux_sur_le_questionnement_du_Forum_Pour_lInvestissement_Responsable
22 Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 14 septembre 2022 – N° 37
Île-De-FRAnce
enViRonneMent
Top best
Hermès International décrit
une stratégie très claire
avec un plan d’action et des
capex spécifiés qui tendent à prouver
qu’une démarche concrète globale est
en implémentation ; Schneider Electric
également et la prise en compte du volet
environnemental, intervenue depuis
plusieurs années, s’est transformée en
vrai levier de développement. C’est un
atout très différenciant à l’égard des
concurrents aujourd’hui. Saint Gobain
énonce aussi une stratégie claire et
documentée pour les scopes 1 et
2(fonctionnement des sites) mais aussi
le scope 3avec la prise en compte de
l’impact des produits proposés. De la
même manière, l’implication du volet
environnemental dans le scope 3 est
lié à un positionnement ancien dans
la rénovation des bâtiments. Danone,
seule société à mission, se distingue par
un accompagnement des producteurs
agricoles, premiers fournisseurs de
Danone, ce qui crée un impact sociétal
positifmajeur.
Les flops
À ces pionniers dont
l’engagementestévidentetqui
l’expriment de manière lisible
avec un reporting construit et amélioré pas
àpas,onopposerauntopflopavecAlstom
quinecommuniquesurrien,enphaseavec
la réponse de 2020et semble ne pas se
sentir concernée par les problématiques
climat. Publicis, société de service, indique
quelesujetn’estpaspertinentpourelle–ce
qui est faux a minima pour les bâtiments
qu’elleoccupeetnefaitaucuneproposition,
à la différence des banques, pour indiquer
ce qui pourrait être considéré pertinent
dans son secteur d’activité. Enfin, Stellantis
n’apporte pas d’informations précises,
évoquant l’électrification des véhicules mais
pas à quelle échéance, et n’indique rien sur
l’efficacité énergétique alors que ses sites
deproductionsontdegrosconsommateurs
d’énergie. Quant à Renault, la groupe
manque de données précises quantitatives,
et si quelques démarches isolées sont
évoquées,ilestbienimpossibled’entirerune
leçonpourunpland’actionglobal.
Les solutions des entreprises
pour limiter leur impact sur la
biodiversité
La seconde question adressée aux
répondants portait sur la biodiversité.
Il leur a été demandé : « Comment
limitez-vous l’impact de la perte de
biodiversité sur vos revenus futurs ?
Précisez les indicateurs et moyens mis
en place ? »
Les trois meilleures entreprises ont
développé une stratégie globale
qu’elles pilotent pour la restauration
de la biodiversité et s’inscrivent dans
une démarche d’action collective.
Elles cherchent notamment à basculer
l’ensemble de la chaîne de valeur
pour faire bouger les lignes au-delà de
leur propre périmètre. Les mauvaises
pratiques se retrouvent dans les
entreprisesquin’ontprisaucunemesure
sur la biodiversité, soit considérant
que leur business model ne s’y prête
pas ou oubliant tout simplement
cette dimension dans leur politique
environnementale. Il faut souligner
que le pan réglementaire autour de la
biodiversité est loin d’être aussi mature
que pour d’autres domaines même
si l’Union européenne a commencé
à œuvrer en la matière, une difficulté
supplémentaire pour apprécier la
pertinence des démarches de chaque
entreprise et mesurer son impact dans
laprotectiondelabiodiversité9
.
Top best
Kering montre un fort
engagement en termes
d’impact net positif sur
la biodiversité d’ici 2025 avec la
protection d’un million d’hectares
d’habitat essentiels et irremplaçables,
en dehors même de leur chaîne
d’approvisionnement soutient des
pratiques agricoles régénératrices
pour un million d’hectares liés cette
fois directement à sa chaîne de valeur.
Kering a créé le Kering Generating
fund for nature avec une dotation
de 5 millions d’euros. Le groupe a
également mis en place un compte de
résultat environnemental EPL en open
source depuis 2019. Danone travaille
concrètement à la préservation et au
développement des variétés locales
et rares dans leurs produits. Elle est
investie depuis 1992 sur toute la
protection des impluviums avec les
agriculteurs, associations et pouvoirs
publics (protection des zones humides
fragiles à travers les pratiques). En 2019,
l’entreprise a initié la création d’une
une coalition « one planet business
for Biodiversity » de 26 entreprises de
grande ampleur. Avec ses partenaires
et fournisseurs, le groupe a démarré la
mise en place de systèmes d’agriculture
régénératrice, représentant 15 % des
ingrédients agricoles en 2021. Hermès
International a initié des partenariats
et s’inscrit dans des dispositifs
internationaux, dont Act4Nature qui
s’appuie sur des ONG comme WWF et
le Global Biodiversity, se réfère au score
prôné par IPBES (Intergovernmental
science policy platform on biodiversity
and ecosystem service), l’équivalent du
GIEC sur la Biodiversité. Hermès travaille
de multiples scenarios opérationnels en
parallèle afin de ne pas s’enfermer dans
uneseulevoie.
9)A«SilentSpring»fortheFinancialSystem?ExploringBiodiversity-RelatedFinancialRisksinFrance-August2021,WP#826BanquedeFrance.
Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 14 septembre 2022 – N° 37 23
Île-De-FRAnce
enViRonneMent
Les flops
Compte tenu du modèle de
banque d’affaire diversifiée, la
Société Générale considère
sonimpactsurlesrevenusfuturstrèslimité.
Or, il est évident, et le débat difficile sur la
taxonomie européenne le démontre s’il en
était besoin, que le choix de financer ou
non certaines entreprises ou secteurs a
un impact direct sur leur développement.
Ainsi, choisir de servir des entreprises
contributives à la biodiversité ou celles à
impact négatif, orienter les flux financiers
vers celles qui sont vertueuses et font des
efforts est loin d’être neutre. Alstom, elle,
ne semble pas concernée eu égard à la
réponse suivante formulée : « La perte de
labiodiversitén’estpasconsidéréecomme
unrisquematérielpourleGroupe.»
Comment anticiper la raréfaction de
certaines ressources naturelles et les
difficultés d’approvisionnement ?
La dernière question du FIR portant sur
les enjeux environnementaux concernait
la raréfaction de ressources naturelles : il a
été demandé aux répondants Comment
ils anticipaient la raréfaction de certaines
ressources naturelles et les difficultés
d’approvisionnement de leurs ressources
stratégiques. Le FIR s’est également
interrogé sur l’impact, les modèles
économiques et la sécurisation des filières
d’approvisionnement.
Certains groupes ont identifié la
raréfaction des ressources naturelles
dans leur stratégie depuis longtemps et
c’estunaxestratégiquesuiviauplushaut
niveau ; elles ont alors pris les devants
sur la réglementation, par exemple
dans l’écoconception. Cependant, la
plupart du temps, le sujet est considéré
comme ne relevant pas du Corporate,
mais de l’activité d’investissement. La
réponse donnée réduit la problématique
à une simple définition taxinomique.
Il est souvent difficile de faire la part des
choses entre la simple compliance et un
engagementréeldel’entreprise.
Topbest
Pour Danone, ce sujet est
identifié dans la stratégie
depuis longtemps,
adressé avec une vision très large de la
responsabilité et étayé par des actions
concrètes depuis de nombreuses années,
comme Schneider. De son côté, Hermès
développe une approche très complète,
comme Saint-Gobain qui a fait du sujet un
axestratégique.
Lesflops
AXA, le 1er
assureur européen,
considèrequelesujetnerelève
pas du Corporate mais de son
activité d’investisseur Asset Manager, ce
quiamèneàpasseràcôtédelaquestionet
est inquiétant comme perspective alors qu’il
y aura des risques climatiques croissants
dans le futur à assurer. Publicis, qui fait du
« green » dans les campagnes de ses
clients, ne s’applique pas, semble-t-il, à lui-
mêmelespréconisations.Orangeévoqueun
intérêt écologique, mais au travers d’études
sur les terres rares aux dates coïncidant à
des pénuries de composants électroniques,
et cet angle purement économique
«narrow»estàregretter.
QuestionnementduFIR:
quelquespistesd’amélioration
Sur le climat – Plusieurs limites à la
pertinence de la question telle que
formulée. Ainsi, le critère d’évaluation
lié aux capex n’est pas pertinent pour
le secteur des services notamment
financiers ; centrer l’évaluation sur les
capex et l’usage qui en est fait est
réducteur, car l’environnement global
dans lequel ces capex sont utilisés est
aussi impactant en termes de RSE. De
même, il a été noté que l’optimisation des
ressources, dont l’efficacité énergétique,
n’est pas abordée, pas plus que la
sensibilisation des collaborateurs, or ces
opex devraient pouvoir être questionnés
notamment en ce qui concerne la R&D
ou les coûts RH pour la formation des
collaborateurs, comme les capex de
croissance. Enfin, évoquer le périmètre :
scope 1/2/3semble moins subjectif que
celui de « chaîne de valeur » auquel il est
faitréférence.Enfin,unesegmentationdes
réponses entre les trois thèmes majeurs
que sont la décarbonation, utilisation des
ressourcesetbiodiversitéetunerépartition
géographiqueestsouhaitable.
Sur la biodiversité – La perte de
biodiversité n’a pas un impact direct
tangible sur les revenus de l’entreprise ;
D.R.
24 Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 14 septembre 2022 – N° 37
Île-de-France
Environnement
la dégradation de la biodiversité génère
un appauvrissement du stock de capital
naturel et entraîne une dégradation
des services écosystémiques10
. Il est
dommage que la question adressée soit
négativement tournée et ne concerne que
l’impact de la perte et non la perte elle-
même de biodiversité, la conservation de
la biodiversité et son accroissement. Il est
certain que le pan réglementaire autour
de la biodiversité n’est pas aussi mature
que pour d’autres domaines, et cela
engendre une difficulté pour apprécier les
démarches des entreprises et mesurer
l’impact potentiel de celles-ci dans la
limitation de la perte voire la protection
de la biodiversité. Une reformulation a été
tentée : « Par vos activités…Comment
limitez-vous la perte de biodiversité ?
Comment contribuez-vous à la protéger
la biodiversité ? La restaurer ? Précisez
les indicateurs, activités, géographies, et
scope de vos actions sur l’ensemble de
la chaîne de valeur ?»
Sur la raréfaction de ressources naturelles
– L’accès aux ressources naturelles
et l’enjeu de la sécurité de la chaîne
d’approvisionnement est trop souvent
envisagé sous un angle autocentré
et micro-économique. Il correspond
à une lecture en termes de risques
(cartographie,sécurisationdesfournisseurs
stratégiques…) vis-à-vis de la production
et de l’activité de l’entreprise. On regrettera
qu’il n’y ait pas d’élargissement à un
écosystème, ni à une approche filière.
On a même noté que les entreprises
technologiques font un amalgame entre
raréfaction des terres rares et pénurie
des composants électroniques, alors que
la crise des composants électroniques
actuellerésultedecapacitésdeproduction
insuffisantes et à la localisation des usines
de composants électroniques ce qui n’a
guèredeliendirectavecl’écologie.
À noter : La nécessaire continuité
temporelle pour permettre la
comparaison d’un an sur l’autre
s’oppose au risque de lassitude
lié à la répétition des questions et
néglige le fait que le contexte légal
ou des événements (on pense à
l’Ukraine) modifient la donne et
peuvent amener une priorisation
des questions. Les questions assez
ouvertes amènent des éléments de
réponse qualitatifs utiles mais limitent
les possibilités de comparaison. Des
QCM sur certains sujets complétés
de commentaires qualitatifs pourraient
permettre une amélioration des
données recueillies ; une distinction
entre ce qui relève d’actions requises
par une norme et des bonnes
pratiques ou initiatives proactives des
entreprises serait intéressante ; une
segmentation sectorielle se justifie car
les leviers directs ou indirects diffèrent
considérablementd’unsecteuràl’autre
ainsiqueledegrédematurité.
Capacité à évaluer la réalité
de la réponse
Laconcomitanceentrelesréponsesfaites
au FIR et les rubriques thématiques des
rapports annuels a dûment été vérifiée
dans les travaux bien que cela se soit
avéré parfois laborieux. Il a en effet paru
important de différencier les groupes qui
ont une bonne communication donc sont
bien notés, mais ne sont pas forcément
les plus vertueux sur le fond et d’autres
qui réalisent des efforts concrets en étant
moinshabilesàlesprésenter.
Quant aux modalités des réponses :
certaines entreprises renvoient
directement à « une page x ou y du
rapport annuel », ce qui n’est pas une
pratique satisfaisante, tant les rapports
sont devenus denses. De même, la
lecture attentive des réponses démontre
des niveaux de pertinence et de qualité
hétérogènes. Dès lors, une question
préliminaire sur le processus interne
ayant permis d’élaborer les réponses
et d’identifier qui est impliqué (RSE,
Com, DG, CA) est à recommander,
celle-ci étant susceptible d’identifier le
degré d’engagement des dirigeants
et la manière dont il se manifeste. La
réponse dans un mode idéal devrait
pouvoir aussi permettre d’identifier si
l’écosystèmeaétéimpliqué.
Les modifications des questions
environnementales pour les AG
202211
Question 1
« Vous êtes-vous engagés
explicitement à aligner vos revenus
et vos investissements (CAPEX/
OPEX/R&D/fusions-acquisitions…)
avec l’objectif de l’Accord de Paris qui
vise un réchauffement limité à 1,5°C ?
Comment vous assurez-vous que ces
revenus et investissements respectent
cet objectif (merci de décrire les
méthodologies utilisées) ? Quels sont
les principaux plans d’actions et, le cas
échéant, les montants d’investissement
associés mis en place pour atteindre
cet objectif à horizon court, moyen et
long terme ? »
Question 2
« Quel est le pourcentage de vos
activités (exprimé en chiffre d’affaires,
revenu net bancaire…) qui dépend
directement de la biodiversité ? Quelles
sont vos dépenses en faveur de la
biodiversité ? »
10)Finance&Biodiversité-Comprendreetagir:https://www.frenchsif.org/isr-esg/publications/
11)https://www.frenchsif.org/isr_esg/plateforme-engagement/questions-esg-en-ag/
Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 14 septembre 2022 – N° 37 25
Île-de-France
Environnement
Question 3
« Listez les ressources naturelles
stratégiques nécessaires à l’exercice
de votre activité et/ou à celle de vos
clients (eau, énergie, matériaux, etc.) ?
Comment évaluez-vous et calculez-
vous l’impact de la raréfaction de
ces ressources sur vos modèles
économiques ? Quelles actions mettez-
vous en place pour lutter contre les
difficultés d’approvisionnement et saisir
les opportunités de développement de
"modèles d’affaires circulaires" ? Quels
sont vos objectifs en la matière ? »
Vers un « say on climate »,
et pourquoi pas un « say on
biodiversité », etc.
L’importance accrue de la RSE dans
les choix de gouvernance est actée : le
cadre légal de plus en plus exigeant,
l’activisme d’ONG qui pratiquent le
«nameandshame»ettententdésormais
des procès orchestrés en utilisant le droit
(devoir de vigilance12
notamment) mais
aussi la posture des jeunes générations
à l’égard de l’image employeur rejoignent
cette nouvelle influence des actionnaires
engagés qui œuvrent à convaincre (ou
contraindre) les entreprises à progresser
sur la RSE. En cela, les travaux du
FIR sont pertinents et importants et
devraient pouvoir être soutenus plus
largement. La démarche du FIR visant
à questionner l’entre soi consensuel des
conseils d’administration des grandes
entreprises est vertueuse. Cette possibilité
d’expressiondel’engagementactionnarial
d’actionnaires minoritaires sensibles
aux enjeux RSE est particulièrement
intéressante. Les publications du FIR
comme instrument de mise en lumière
pousse les entreprises à s’aligner sur les
meilleures pratiques en matière de RSE et
va de pair avec d’autres initiatives portées
par quelques acteurs dont Phitrust,
fonds ESG, qui vient d’adopter le statut
d’entrepriseàmission,etc.
Si les travaux menés ont été perçus
comme remarquables, la question des
ressources et moyens alloués a été
adressée. Avec la montée en puissance
des thématiques ESG, et les moyens
déployés par les agences de conseils
en vote comme ISS ou Glass Lewis, les
travaux du FIR pourraient être noyés.
Asseoir leur légitimité en articulant
davantage les travaux avec d’autres
parties prenantes de même orientation
spécialisées sur telle ou telle thématique,
se donner les moyens de communiquer
en mode grand public en travaillant
avec des médias en soutien, constituer
un comité d’orientation (équivalent au
comité de gouvernance de la CDC)
pour s’appuyer sur des experts métiers,
organisations ou personnes qui font
autorité dans les divers domaines
abordés, gagner en légitimité dans
le rôle d’activiste et d’influenceur sont
autant de pistes pour donner à cette
initiative concrète et positive le rôle qu’elle
pourrait jouer dans le dialogue avec les
investisseurs les entreprises et les parties
prenantesnotammentsurl’écologie.
LesAG2022ontdémontrépartoutdansle
monde qu’une interpellation forte sur des
résolutions « say on climate » émergeait.
Si les entreprises semblent hésitantes,
trois entreprises l’ont mis à l’ordre du
jour en 2020 (TotalEnergies, Vinci et
Atos) et quatre en 2022 (TotalEnergies,
Carrefour, EDF, Engie), les investisseurs
ESG semblent bien décider à l’obtenir.
Toutefois pour que ce dispositif ait
un intérêt opérationnel, le contenu de
telles résolutions doit-il être sérié, ainsi
que le rythme annuel ou trisannuel ?
Comme tout nouveau questionnement
stratégique de l’entreprise qui interpelle
le cœur même de son business model,
des balbutiements sont inévitables. Le
questionnement du FIR réajusté chaque
année permet un dialogue fécond entre
l’entreprise et les analystes ESG engagés
qui eux-mêmes affutent leurs pratiques au
quotidien sur ces questions vitales. Voir
à ce sujet la première grille comparative
élaboréeparleFIRenjuin202213
.
2022-8680
12)ArticlesL.225-102-4etL.225-102-5duCodedecommerce.
13)https://www.frenchsif.org/isr_esg/le-fir-publie-un-bilan-des-say-on-climate-francais-2022/
D.R.

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Activisme actionnarial Devoir de vigilance environnemental JSS n°37 14 Sept 2022.pdf

  • 1. 20 Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 14 septembre 2022 – N° 37 Île-De-FRAnce enViRonneMent Comment l’activisme actionnarial amène les grandes entreprises à travailler leurs engagements environnementaux ? Les dirigeants et les Conseils d’administration peinent à intégrer le risque climatique en France. Tant le sondage de l’Institut français des administrateurs réalisé auprès de ses adhérents avec Carbone 4 que le « Baromètre grandes entreprises » d’Eurogroup Consulting en janvier 2019 démontrent que le risque « climat » n’est une préoccupation que pour un quart (24 %) des dirigeants des grandes entreprises françaises. Dans ce contexte, la montée d’un activisme actionnarial environnemental pour influencer une direction trop peu proactive est une question d’importance. Il y a trois ans, nous avions dessiné le profil d’un nouvel engagement actionnarial en Europe à partir des acteurs, de leurs méthodes et des thèmes portés2 . Depuis, nous avons poursuivi des recherches en lien avec la directive droits des actionnaires 2 et la loi PACTE. Si l’activisme est jeune dans la culture actionnariale du continent, il se structure et devient un canal d’influence dont les dirigeants ne peuvent plus faire fi, qu’il soit dialogué ou plus incisif. La plupart du temps, il se pratique par le questionnement en Assemblée Générale, plus facile à utiliser que le dépôt de résolutions qui demande de rassembler un pourcentage conséquent de droits de vote (art. R. 225-71 du Code de commerce). Le questionnement permet de soulever des sujets précis, tout en donnant à l’interpellation une exposition publique pour attirer l’attention des citoyens et consommateurs, hors même de l’entreprise. Ainsi, l’art de la question s’érige comme alternative aux instruments plus contraignants ou à la voie contentieuse, et quelques actionnaires minoritaires, en se coordonnant, tentent d’influencer les choix de l’équipe dirigeante, à la lumière de sujets qui les préoccupent, dont l’écologie. Depuis 2020, le Forum pour l’Investissement Responsable (FIR) a lancé une campagne d’engagement lors des AG. Nous avons mené une recherche relative à la portée de celle-ci en 20213 , en ayant en miroir la première de 2020 et en perspective celle de 2022, et exposons ici les résultats sur le thème de l’écologie. Le « say on climate », pratique qui émerge depuis 2020, est encore trop balbutiante pour tirer une leçon documentée. Aussi nous l’évoquerons dans la conclusion prospective. La montée de la démocratie actionnariale comme moteur de la mobilisation ESG La vie actionnariale dans les grands groupes semble mue par une tendance comparable à celle des élans citoyens de notre démocratie, avec des velléités de transparence et de dialogue structuré, notamment autour de consultations comme le Grand débat ou la conférence sur l’avenir de l’Europe. Et si l’influence des grands fonds US a en son temps consolidé la théorie de l’agence selon laquelle le dirigeant est responsable à l’égard des investisseurs, en tant qu’agent chargé de prendre soin de leurs placements, une compréhension élargie de la vocation de l’entreprise, actée en France par la modification du Code civil, conduit désormais à questionner son activité à la lumière de préoccupations sociales, sociétales et environnementales dont son incidence sur le réchauffement Viviane de Beaufort, Professeure à l’ESSEC, Docteure en Droit Avec le soutien d’Hichâm Ben Chaïb, alumnus ESSEC (CEDE1 ) 1)https://cede.essec.edu/ 2)VivianedeBeaufortL’engagementactionnarialenFrance,vecteurdegouvernancepérenne?Revue des sociétés-Juin2019-numéro6. 3)https://www.frenchsif.org/isr_esg/publication/le-cac-40-est-il-responsable-rapport-d-engagement-ag2021/ triBune
  • 2. Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 14 septembre 2022 – N° 37 21 Île-de-France Environnement climatique et la biodiversité. Si les sujets d’interpellation classiques en AG demeurent, ils cèdent du terrain à la RSE. Et tandis que le législateur cadre de plus en plus ces sujets (exemple : devoir de vigilance) devenus facteurs de risques stratégiques, des actionnaires activistes s’en font les hérauts activant, à minima, un risque réputationnel. En parallèle de la diversification des thèmes d’activisme, on constate une diversification des acteurs et des méthodes : l’influence traditionnelle des institutionnels sur un mode discret mais efficace, à partir de critères RSE intégrés dans leur politique d’investissement, se complète de celle de petits actionnaires se coordonnant et utilisant les conseils de proxies engagés ou des fonds ESG (qui investissent selon des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance). Des ONG achètent même une action pour pouvoir s’exprimer en assemblée. Le questionnement des groupes duCAC 40, lors des assemblées générales de 2021par le FIR, a été choisi pour mener une évaluation du degré de priorité accordée aux questions environnementales par les grands groupes français. Un questionnement sur la pertinence des questions adressées par le FIR, mais également les processus de réponse des groupes complètent les travaux.Maximiserl’impactdecetteaction renouvelée par le FIR en 2022 et qui a vocationàsedéployerétaitl’objectiffinal. Note de méthodologie Les travaux qui suivent ont été menés d’avril 2021à avril 2022avec la promotion 13 du Women Board Ready ESSEC dans le cadre du programme « gouvernance d’entreprise pérenne » du Centre Européen de Droit et Economie4 . Trois des treize questions écrites portaient sur le thème environnemental. Les réponses des groupes ont été comparées aux rapports annuels des entreprises mais aussi à des prises de parole des dirigeants dans la presse, des rapports et commentaires d’ONG, des prises de position de fondsESGdontparexemplePhitrust5 , le benchmark d’Axylia6 , ainsi que le précédent rapport du FIR de 20207 , afin d’évaluer leur pertinence. Les travaux bruts se présentent sous forme de fichiers Excel et un working paper du CERESSEC8 a pu être finalisé. Climat : l’Accord de Paris face aux montants de CAPEX pour 2025 ? La première question posée concernait le climat et était formulée comme suit : « Pour être en ligne avec l’Accord de Paris, quels sont les montants de CAPEX (dépenses en capital) à horizon 2025 ? Comment ces CAPEX seront répartis sur l’ensemble de la chaîne de valeur entre CAPEX de maintenance et CAPEX de croissance ? » Les bonnes pratiques se retrouvent dans les groupes qui ont défini une stratégie claire, un plan d’action et des capex spécifiés qui tendent à prouver qu’une démarche concrète est en cours. Généralement, dans ces groupes, la prise en compte du volet environnemental s’est faite depuis plusieurs années et s’est transformée en vrai levier de développement. Les scopes 1 (tous les gaz à effet de serre émis directement par l’entreprise) et 2 (émissions indirectes et liées à l’énergie) sont particulièrement bien documentés. Pour certaines entreprises, l’implication en scope 3 (toutes les émissions indirectes) paraît même naturelle. Les mauvaises pratiques sont corrélées à une absence ou insuffisance de communication, par exemple au sujet du capex ; pas de stratégie d’entreprise claire, de données précises et quantitatives, description de quelques démarches isolées. D.R. 4)CEDE:https://cede.essec.edu/ 5)https://www.phitrust.com/nous-connaitre/notre-approche-esg/ 6)Vérité40d’Axylia:https://www.axylia.com/v%C3%A9rit%C3%A940 7)Rapportd’engagement2020:https://www.frenchsif.org/isr-esg/publications/ 8)WP2202CERESSEC:https://www.academia.edu/80055267/WP_2202_travaux_sur_le_questionnement_du_Forum_Pour_lInvestissement_Responsable
  • 3. 22 Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 14 septembre 2022 – N° 37 Île-De-FRAnce enViRonneMent Top best Hermès International décrit une stratégie très claire avec un plan d’action et des capex spécifiés qui tendent à prouver qu’une démarche concrète globale est en implémentation ; Schneider Electric également et la prise en compte du volet environnemental, intervenue depuis plusieurs années, s’est transformée en vrai levier de développement. C’est un atout très différenciant à l’égard des concurrents aujourd’hui. Saint Gobain énonce aussi une stratégie claire et documentée pour les scopes 1 et 2(fonctionnement des sites) mais aussi le scope 3avec la prise en compte de l’impact des produits proposés. De la même manière, l’implication du volet environnemental dans le scope 3 est lié à un positionnement ancien dans la rénovation des bâtiments. Danone, seule société à mission, se distingue par un accompagnement des producteurs agricoles, premiers fournisseurs de Danone, ce qui crée un impact sociétal positifmajeur. Les flops À ces pionniers dont l’engagementestévidentetqui l’expriment de manière lisible avec un reporting construit et amélioré pas àpas,onopposerauntopflopavecAlstom quinecommuniquesurrien,enphaseavec la réponse de 2020et semble ne pas se sentir concernée par les problématiques climat. Publicis, société de service, indique quelesujetn’estpaspertinentpourelle–ce qui est faux a minima pour les bâtiments qu’elleoccupeetnefaitaucuneproposition, à la différence des banques, pour indiquer ce qui pourrait être considéré pertinent dans son secteur d’activité. Enfin, Stellantis n’apporte pas d’informations précises, évoquant l’électrification des véhicules mais pas à quelle échéance, et n’indique rien sur l’efficacité énergétique alors que ses sites deproductionsontdegrosconsommateurs d’énergie. Quant à Renault, la groupe manque de données précises quantitatives, et si quelques démarches isolées sont évoquées,ilestbienimpossibled’entirerune leçonpourunpland’actionglobal. Les solutions des entreprises pour limiter leur impact sur la biodiversité La seconde question adressée aux répondants portait sur la biodiversité. Il leur a été demandé : « Comment limitez-vous l’impact de la perte de biodiversité sur vos revenus futurs ? Précisez les indicateurs et moyens mis en place ? » Les trois meilleures entreprises ont développé une stratégie globale qu’elles pilotent pour la restauration de la biodiversité et s’inscrivent dans une démarche d’action collective. Elles cherchent notamment à basculer l’ensemble de la chaîne de valeur pour faire bouger les lignes au-delà de leur propre périmètre. Les mauvaises pratiques se retrouvent dans les entreprisesquin’ontprisaucunemesure sur la biodiversité, soit considérant que leur business model ne s’y prête pas ou oubliant tout simplement cette dimension dans leur politique environnementale. Il faut souligner que le pan réglementaire autour de la biodiversité est loin d’être aussi mature que pour d’autres domaines même si l’Union européenne a commencé à œuvrer en la matière, une difficulté supplémentaire pour apprécier la pertinence des démarches de chaque entreprise et mesurer son impact dans laprotectiondelabiodiversité9 . Top best Kering montre un fort engagement en termes d’impact net positif sur la biodiversité d’ici 2025 avec la protection d’un million d’hectares d’habitat essentiels et irremplaçables, en dehors même de leur chaîne d’approvisionnement soutient des pratiques agricoles régénératrices pour un million d’hectares liés cette fois directement à sa chaîne de valeur. Kering a créé le Kering Generating fund for nature avec une dotation de 5 millions d’euros. Le groupe a également mis en place un compte de résultat environnemental EPL en open source depuis 2019. Danone travaille concrètement à la préservation et au développement des variétés locales et rares dans leurs produits. Elle est investie depuis 1992 sur toute la protection des impluviums avec les agriculteurs, associations et pouvoirs publics (protection des zones humides fragiles à travers les pratiques). En 2019, l’entreprise a initié la création d’une une coalition « one planet business for Biodiversity » de 26 entreprises de grande ampleur. Avec ses partenaires et fournisseurs, le groupe a démarré la mise en place de systèmes d’agriculture régénératrice, représentant 15 % des ingrédients agricoles en 2021. Hermès International a initié des partenariats et s’inscrit dans des dispositifs internationaux, dont Act4Nature qui s’appuie sur des ONG comme WWF et le Global Biodiversity, se réfère au score prôné par IPBES (Intergovernmental science policy platform on biodiversity and ecosystem service), l’équivalent du GIEC sur la Biodiversité. Hermès travaille de multiples scenarios opérationnels en parallèle afin de ne pas s’enfermer dans uneseulevoie. 9)A«SilentSpring»fortheFinancialSystem?ExploringBiodiversity-RelatedFinancialRisksinFrance-August2021,WP#826BanquedeFrance.
  • 4. Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 14 septembre 2022 – N° 37 23 Île-De-FRAnce enViRonneMent Les flops Compte tenu du modèle de banque d’affaire diversifiée, la Société Générale considère sonimpactsurlesrevenusfuturstrèslimité. Or, il est évident, et le débat difficile sur la taxonomie européenne le démontre s’il en était besoin, que le choix de financer ou non certaines entreprises ou secteurs a un impact direct sur leur développement. Ainsi, choisir de servir des entreprises contributives à la biodiversité ou celles à impact négatif, orienter les flux financiers vers celles qui sont vertueuses et font des efforts est loin d’être neutre. Alstom, elle, ne semble pas concernée eu égard à la réponse suivante formulée : « La perte de labiodiversitén’estpasconsidéréecomme unrisquematérielpourleGroupe.» Comment anticiper la raréfaction de certaines ressources naturelles et les difficultés d’approvisionnement ? La dernière question du FIR portant sur les enjeux environnementaux concernait la raréfaction de ressources naturelles : il a été demandé aux répondants Comment ils anticipaient la raréfaction de certaines ressources naturelles et les difficultés d’approvisionnement de leurs ressources stratégiques. Le FIR s’est également interrogé sur l’impact, les modèles économiques et la sécurisation des filières d’approvisionnement. Certains groupes ont identifié la raréfaction des ressources naturelles dans leur stratégie depuis longtemps et c’estunaxestratégiquesuiviauplushaut niveau ; elles ont alors pris les devants sur la réglementation, par exemple dans l’écoconception. Cependant, la plupart du temps, le sujet est considéré comme ne relevant pas du Corporate, mais de l’activité d’investissement. La réponse donnée réduit la problématique à une simple définition taxinomique. Il est souvent difficile de faire la part des choses entre la simple compliance et un engagementréeldel’entreprise. Topbest Pour Danone, ce sujet est identifié dans la stratégie depuis longtemps, adressé avec une vision très large de la responsabilité et étayé par des actions concrètes depuis de nombreuses années, comme Schneider. De son côté, Hermès développe une approche très complète, comme Saint-Gobain qui a fait du sujet un axestratégique. Lesflops AXA, le 1er assureur européen, considèrequelesujetnerelève pas du Corporate mais de son activité d’investisseur Asset Manager, ce quiamèneàpasseràcôtédelaquestionet est inquiétant comme perspective alors qu’il y aura des risques climatiques croissants dans le futur à assurer. Publicis, qui fait du « green » dans les campagnes de ses clients, ne s’applique pas, semble-t-il, à lui- mêmelespréconisations.Orangeévoqueun intérêt écologique, mais au travers d’études sur les terres rares aux dates coïncidant à des pénuries de composants électroniques, et cet angle purement économique «narrow»estàregretter. QuestionnementduFIR: quelquespistesd’amélioration Sur le climat – Plusieurs limites à la pertinence de la question telle que formulée. Ainsi, le critère d’évaluation lié aux capex n’est pas pertinent pour le secteur des services notamment financiers ; centrer l’évaluation sur les capex et l’usage qui en est fait est réducteur, car l’environnement global dans lequel ces capex sont utilisés est aussi impactant en termes de RSE. De même, il a été noté que l’optimisation des ressources, dont l’efficacité énergétique, n’est pas abordée, pas plus que la sensibilisation des collaborateurs, or ces opex devraient pouvoir être questionnés notamment en ce qui concerne la R&D ou les coûts RH pour la formation des collaborateurs, comme les capex de croissance. Enfin, évoquer le périmètre : scope 1/2/3semble moins subjectif que celui de « chaîne de valeur » auquel il est faitréférence.Enfin,unesegmentationdes réponses entre les trois thèmes majeurs que sont la décarbonation, utilisation des ressourcesetbiodiversitéetunerépartition géographiqueestsouhaitable. Sur la biodiversité – La perte de biodiversité n’a pas un impact direct tangible sur les revenus de l’entreprise ; D.R.
  • 5. 24 Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 14 septembre 2022 – N° 37 Île-de-France Environnement la dégradation de la biodiversité génère un appauvrissement du stock de capital naturel et entraîne une dégradation des services écosystémiques10 . Il est dommage que la question adressée soit négativement tournée et ne concerne que l’impact de la perte et non la perte elle- même de biodiversité, la conservation de la biodiversité et son accroissement. Il est certain que le pan réglementaire autour de la biodiversité n’est pas aussi mature que pour d’autres domaines, et cela engendre une difficulté pour apprécier les démarches des entreprises et mesurer l’impact potentiel de celles-ci dans la limitation de la perte voire la protection de la biodiversité. Une reformulation a été tentée : « Par vos activités…Comment limitez-vous la perte de biodiversité ? Comment contribuez-vous à la protéger la biodiversité ? La restaurer ? Précisez les indicateurs, activités, géographies, et scope de vos actions sur l’ensemble de la chaîne de valeur ?» Sur la raréfaction de ressources naturelles – L’accès aux ressources naturelles et l’enjeu de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement est trop souvent envisagé sous un angle autocentré et micro-économique. Il correspond à une lecture en termes de risques (cartographie,sécurisationdesfournisseurs stratégiques…) vis-à-vis de la production et de l’activité de l’entreprise. On regrettera qu’il n’y ait pas d’élargissement à un écosystème, ni à une approche filière. On a même noté que les entreprises technologiques font un amalgame entre raréfaction des terres rares et pénurie des composants électroniques, alors que la crise des composants électroniques actuellerésultedecapacitésdeproduction insuffisantes et à la localisation des usines de composants électroniques ce qui n’a guèredeliendirectavecl’écologie. À noter : La nécessaire continuité temporelle pour permettre la comparaison d’un an sur l’autre s’oppose au risque de lassitude lié à la répétition des questions et néglige le fait que le contexte légal ou des événements (on pense à l’Ukraine) modifient la donne et peuvent amener une priorisation des questions. Les questions assez ouvertes amènent des éléments de réponse qualitatifs utiles mais limitent les possibilités de comparaison. Des QCM sur certains sujets complétés de commentaires qualitatifs pourraient permettre une amélioration des données recueillies ; une distinction entre ce qui relève d’actions requises par une norme et des bonnes pratiques ou initiatives proactives des entreprises serait intéressante ; une segmentation sectorielle se justifie car les leviers directs ou indirects diffèrent considérablementd’unsecteuràl’autre ainsiqueledegrédematurité. Capacité à évaluer la réalité de la réponse Laconcomitanceentrelesréponsesfaites au FIR et les rubriques thématiques des rapports annuels a dûment été vérifiée dans les travaux bien que cela se soit avéré parfois laborieux. Il a en effet paru important de différencier les groupes qui ont une bonne communication donc sont bien notés, mais ne sont pas forcément les plus vertueux sur le fond et d’autres qui réalisent des efforts concrets en étant moinshabilesàlesprésenter. Quant aux modalités des réponses : certaines entreprises renvoient directement à « une page x ou y du rapport annuel », ce qui n’est pas une pratique satisfaisante, tant les rapports sont devenus denses. De même, la lecture attentive des réponses démontre des niveaux de pertinence et de qualité hétérogènes. Dès lors, une question préliminaire sur le processus interne ayant permis d’élaborer les réponses et d’identifier qui est impliqué (RSE, Com, DG, CA) est à recommander, celle-ci étant susceptible d’identifier le degré d’engagement des dirigeants et la manière dont il se manifeste. La réponse dans un mode idéal devrait pouvoir aussi permettre d’identifier si l’écosystèmeaétéimpliqué. Les modifications des questions environnementales pour les AG 202211 Question 1 « Vous êtes-vous engagés explicitement à aligner vos revenus et vos investissements (CAPEX/ OPEX/R&D/fusions-acquisitions…) avec l’objectif de l’Accord de Paris qui vise un réchauffement limité à 1,5°C ? Comment vous assurez-vous que ces revenus et investissements respectent cet objectif (merci de décrire les méthodologies utilisées) ? Quels sont les principaux plans d’actions et, le cas échéant, les montants d’investissement associés mis en place pour atteindre cet objectif à horizon court, moyen et long terme ? » Question 2 « Quel est le pourcentage de vos activités (exprimé en chiffre d’affaires, revenu net bancaire…) qui dépend directement de la biodiversité ? Quelles sont vos dépenses en faveur de la biodiversité ? » 10)Finance&Biodiversité-Comprendreetagir:https://www.frenchsif.org/isr-esg/publications/ 11)https://www.frenchsif.org/isr_esg/plateforme-engagement/questions-esg-en-ag/
  • 6. Journal Spécial des Sociétés - Mercredi 14 septembre 2022 – N° 37 25 Île-de-France Environnement Question 3 « Listez les ressources naturelles stratégiques nécessaires à l’exercice de votre activité et/ou à celle de vos clients (eau, énergie, matériaux, etc.) ? Comment évaluez-vous et calculez- vous l’impact de la raréfaction de ces ressources sur vos modèles économiques ? Quelles actions mettez- vous en place pour lutter contre les difficultés d’approvisionnement et saisir les opportunités de développement de "modèles d’affaires circulaires" ? Quels sont vos objectifs en la matière ? » Vers un « say on climate », et pourquoi pas un « say on biodiversité », etc. L’importance accrue de la RSE dans les choix de gouvernance est actée : le cadre légal de plus en plus exigeant, l’activisme d’ONG qui pratiquent le «nameandshame»ettententdésormais des procès orchestrés en utilisant le droit (devoir de vigilance12 notamment) mais aussi la posture des jeunes générations à l’égard de l’image employeur rejoignent cette nouvelle influence des actionnaires engagés qui œuvrent à convaincre (ou contraindre) les entreprises à progresser sur la RSE. En cela, les travaux du FIR sont pertinents et importants et devraient pouvoir être soutenus plus largement. La démarche du FIR visant à questionner l’entre soi consensuel des conseils d’administration des grandes entreprises est vertueuse. Cette possibilité d’expressiondel’engagementactionnarial d’actionnaires minoritaires sensibles aux enjeux RSE est particulièrement intéressante. Les publications du FIR comme instrument de mise en lumière pousse les entreprises à s’aligner sur les meilleures pratiques en matière de RSE et va de pair avec d’autres initiatives portées par quelques acteurs dont Phitrust, fonds ESG, qui vient d’adopter le statut d’entrepriseàmission,etc. Si les travaux menés ont été perçus comme remarquables, la question des ressources et moyens alloués a été adressée. Avec la montée en puissance des thématiques ESG, et les moyens déployés par les agences de conseils en vote comme ISS ou Glass Lewis, les travaux du FIR pourraient être noyés. Asseoir leur légitimité en articulant davantage les travaux avec d’autres parties prenantes de même orientation spécialisées sur telle ou telle thématique, se donner les moyens de communiquer en mode grand public en travaillant avec des médias en soutien, constituer un comité d’orientation (équivalent au comité de gouvernance de la CDC) pour s’appuyer sur des experts métiers, organisations ou personnes qui font autorité dans les divers domaines abordés, gagner en légitimité dans le rôle d’activiste et d’influenceur sont autant de pistes pour donner à cette initiative concrète et positive le rôle qu’elle pourrait jouer dans le dialogue avec les investisseurs les entreprises et les parties prenantesnotammentsurl’écologie. LesAG2022ontdémontrépartoutdansle monde qu’une interpellation forte sur des résolutions « say on climate » émergeait. Si les entreprises semblent hésitantes, trois entreprises l’ont mis à l’ordre du jour en 2020 (TotalEnergies, Vinci et Atos) et quatre en 2022 (TotalEnergies, Carrefour, EDF, Engie), les investisseurs ESG semblent bien décider à l’obtenir. Toutefois pour que ce dispositif ait un intérêt opérationnel, le contenu de telles résolutions doit-il être sérié, ainsi que le rythme annuel ou trisannuel ? Comme tout nouveau questionnement stratégique de l’entreprise qui interpelle le cœur même de son business model, des balbutiements sont inévitables. Le questionnement du FIR réajusté chaque année permet un dialogue fécond entre l’entreprise et les analystes ESG engagés qui eux-mêmes affutent leurs pratiques au quotidien sur ces questions vitales. Voir à ce sujet la première grille comparative élaboréeparleFIRenjuin202213 . 2022-8680 12)ArticlesL.225-102-4etL.225-102-5duCodedecommerce. 13)https://www.frenchsif.org/isr_esg/le-fir-publie-un-bilan-des-say-on-climate-francais-2022/ D.R.