1. Poème inédit
Cortège de mots funèbres
J'ai vu s'élever vers le ciel parsemé de millions de perles
L'arbre en squelette et ses branches : membres mutilés,
fantomatiques,
D'un certain âge, sans début, sans fin, sans feuilles vertes, sans
fleurs au sillage
De cette terre qui n'a pas de nom, qui n'a pas de frontières,
J'ai vu les dunes d'un désert qui avance, chevauchées, cadences
sans relâche
J'ai vu dans la lune si grande, aux cimes qui bougent, une grande
menace
D'un déluge sans Noé, vaste comme la pénombre, sombre comme la
nuit
De ces yeux des femmes oubliées des lointaines et généreuses oasis
J'ai vu filer des étoiles, aux poussières d'orphelines lumières
Pleurant ce qui reste d'un désastre sans nom, d'un ennemi sans
visage
J'ai vu passer les orages de sombres grêles, des pluies en file
indienne
De ces larmes qui oublient de sécher au coin des yeux qui ne voient
plus
J'ai vu l'écho danser dans les profondeurs des puits taris ressasser
ton nom
Sur les lèvres entre ouvertes des vallées désolées et le déhanchement
Des montagnes, des falaises effrontées et des frêles et timides
collines
En levant les yeux vers la voie lactée, j'ai vu l'Univers qui scintille
J'ai vu et j'ai entendu toutes les couleurs du spectre
J'ai dû être fasciné par toutes les belles lumières
De l'arc en ciel, entre les gros nuages d'un brusque orage
Et la lumière d'un soleil fatigué qui s'efface au sourire du crépuscule
J'ai levé les bras : criant ton nom, te louant, te suppliant en pleurant
Je me suis prosterné au pied de ta création, regrettant le péché
originel
2. De mon Moyenâgeux passé, étalant ma confession au bord du vieux
lac asséché
Aux vastes prairies qui jubilent, qui rient d'un jaune rire
Reste d'une fameuse contagion d'ictère, d'un indomptable feu
d'incendie
Diable, démon, vampire qui dévaste tout sur son chemin
Qui ne se nourrit que de tout ce qui est sec, de tout ce qui est vert
J'ai vu les infortunées créatures voir la mort venir et périr, les yeux
grand ouverts
J'ai vu la désolation régner, toute fière d'élire enfin domicile
Sur toute la planète, envahissant les quatre coins de la terre
Dans l'indifférence des petits et des grands de ce monde
J'ai vu qu'ils ne pensent qu'aux grandes caisses de billets de banque
J'ai vu le film de Tavernier "Home " et je n'ai pu que pleurer
Notre sort, du passé, du présent et du futur des femmes et des
hommes
Dévastation, destruction caractérisée, systématique de la terre
J'ai vu mourir notre mère L A N A T U R E
Malédiction, péché, mutisme, silence, insouciance et inadvertance
Pour qu'enfin léguer aux générations à venir
Des fourrures, de la nourriture en synthétique et en cybernétique
Hélas, je ne peux de mon regard qui se fatigue, être Vert ou activiste
J'ai ce mot, un peu funèbre, peut-être triste, mais il fera affaire
Du moins, je l'espère !
Abdelmalek Aghzaf
Ksar El-Kébir, le 12/06/2014.