1. Comprendre les questions les plus diverses présentées
par les meilleurs spécialistes. Des textes clairs, fiables
et précis qui vont a l'essentiel. Une iconographie
appropriée permettant de compléter l'information.
Une présentation agréable pour faciliter la lecture.
FREUD
ET L'INCONSCIENT
Freud a emprunté à sa propre vie le
matériel de la psychanalyse. Il a dû
s'appuyer sur un désir inédit pour
imposer sa découverte, soutenir la pratique
de la cure et transmettre vivante la psychana-
lyse. Sexualité infantile, inconscient, trans-
fert, répétition, pulsion, les concepts de la
psychanalyse, un siècle après son invention,
continuent à faire des vagues dans la mare du
savoir : indissociables de la main qui les a
lancés. Cet ouvrage fait le lien étroit entre la
vie et l'œuvre du « père de la psychanalyse ».
Marie-Jean Sauret est psychanalyste, professeur de
psychologie à l'université de Toulouse-II et membre
du comité de rédaction de la revue Barca ! // est
l'auteur de La Psychanalyse, parue dans la collection
« Les Essentiels Milan ».
2. Ce livre vous est proposé par Tari & Lenwë
A propos de nos e-books :
Nos e-books sont imprimables en double-page A4, en conservant donc la mise en page du livre original.
L'impression d'extraits est bien évidemment tout aussi possible.
Nos e-books sont en mode texte, c'est-à-dire que vous pouvez lancer des recherches de mots à partir de l'outîl
intégré d'Acrobat Reader, ou même de logiciels spécifiques comme Copernic Desktop Search et Google Desktop
Search par exemple. Après quelques réglages, vous pourrez même lancer des recherches dans tous les e-books
simultanément !
Nos e-books sont vierges de toutes limitations, ils sont donc reportables sur d'autres plateformes compatibles
Adobe Acrobat sans aucune contrainte.
Comment trouver plus d'e-books ?
Pour consulter nos dernières releases, il suffit de taper « tarilenwe » dans l'onglet de recherche de votre client
eMule.
Les mots clé « ebook », « ebook fr » et « ebook français » par exemple vous donneront de nombreux résultats.
Vous pouvez aussi vous rendre sur les sites http://mozambook.free.fr/ (Gratuits) et http://www.ebookslib.com/
(Gratuits et payants)
Ayez la Mule attitude !
Gardez en partage les livres rares un moment, pour que d'autres aient la même chance que vous et puissent
trouver ce qu'ils cherchent !
De la même façon, évitez au maximum de renommer les fichiers !
Laisser le nom du releaser permet aux autres de retrouver le livre plus rapidement
Pensez à mettre en partage les dossiers spécifiques ou vous rangez vos livres.
Les écrivains sont comme vous et nous, ils vivent de leur travail. Si au hasard d'un téléchargement vous trouvez un
livre qui vous a fait vivre quelque chose, récompensez son auteur ! Offrez le vous, ou offrez le tout court !
Une question, brimade ou idée ? Il vous suffit de nous écrire à Tarilenwe@Yahoo.it . Nous ferons du mieux pour
vous répondre rapidement !
En vous souhaitant une très bonne lecture,
Tari & Lenwë
3. Sommaire
Parcours et apprentissage
Une jeunesse viennoise 4-5
Sigmund fait médecine 6-7
Goût et phobie des voyages 8-9
De Vienne à Londres, le fil d'une vie 10-11
Freud dans le savoir de son temps
Neuropsychologie et cocaïne 12-13
Freud et la philosophie 14-15
Freud et les sciences de la nature 16-17
À l'écoute de l'art et de la littérature 18-19
Un savant en rupture
Hypnose, suggestion et catharsis 20-21
Les paralysies hystériques 22-23
La rencontre avec l'hystérique 24-25
L'invention de la psychanalyse
L'association libre et la cure 26-27
Le sexuel est traumatique 28-29
Fantasme et réalité 30-31
L'inconscient dans tous ses états 32-33
Le désir de Freud
L'autoanalyse 34-35
Freud intraitable 36-37
Le désir de l'analyste 38-39
Un nouveau savoir
Le complexe d'Œdipe, la première topique 40-41
Pulsion et instinct, la seconde topique 42-43
Transfert et répétition 44-45
Complexe de castration et au-delà de l'œdipe 46-47
Actualité de Freud
Pulsion de mort et civilisation 48-49
Freud, le juif athée 50-51
Psychanalyse et religion 52-53
Politique et transmission de la psychanalyse 54-55
Freud, passeur vivant 56-57
Approfondir
Glossaire 58 à 62
Bibliographie 62-63
Index 63
Les mots suivis d'un astérisque (*) sont expliqués dans le glossaire.
4. Un lycéen avide de savoir
Une jeunesse Sigmund Freud naît en 1856
Une analyse
Entré au lycée (Gymnasium) avec un an d'avance, par l'écrit
dans une famille juive
De nombreux
Freud se passionne pour la culture. Rome et Athènes
viennoise qui émigre àet travaille il fait
ses études,
Vienne où
presque resteront des références constantes, mais aussi
éléments
biographiques
jusqu'à sa mort. Goethe, Heine, Zola et... Darwin. Dans la présentation de la vie de Freud
qu'il fait de lui-même en 1925, il se décrit comme ont été livrés
par Freud lui-même,
habité d'une grande soif de savoir. Très imprégné
notamment
Une enfance heureuse de la culture juive de son enfance, connaissant l'hébreu dans son abondante
Freud voit le jour le 6 mai 1856 et le yiddish, il se plonge très tôt dans la Bible. correspondance
en Moravie (actuelle République Et il n'est pas douteux que son intérêt pour l'interpré- mais aussi
tation porte la marque de cette lecture assidue dans L'Interprétation
tchèque), dans la petite ville des rêves (1899) et
de Freiberg dont il garde des des textes bibliques. la Psychopathologie
souvenirs heureux et vivaces, À l'issue de ses études secondaires, Freud, comme de la vie quotidienne
bien qu'il la quitte à 4 ans. beaucoup de fils de marchands moraves, s'inscrit (1904), véritable
autoanalyse
Sa famille - des négociants juifs en médecine à l'université, sans véritable vocation.
{voir pp. 32 à 35).
(surtout de laines) d'abord aisés
puis mis en difficulté par le Des rapports tendus
Un prénom
développement du machinisme avec la capitale autrichienne et une femme
et la montée de l'antisémitisme - Freud n'aime pas Vienne où ses premières années sont pour la vie...
s'installe à Vienne dans un quartier assombries par les difficultés économiques de sa famille. Sigimund Freud
d'émigrants juifs peu fortunés. La vie culturelle (littéraire, musicale, architecturale) (de prénom juif
Schlomo) devient
Freud en garde une certaine hantise y est pourtant intense et novatrice. Les promenades Sigmund en 1878 ;
de la pauvreté. sur le Prater, proche du quartier-ghetto où réside il rencontre Martha
Le jeune Sigmund a tout de même sa famille, le mettent en contact avec la brillante Bernays, fille
d'une famille
une enfance heureuse entre société viennoise. d'érudits, en 1879
une mère et un père fiers de lui Freud souffre de l'antisémitisme et du pangermanisme et l'épouse le 14
et qu'il aime tendrement. Son père, de plus en plus déclaré régnant à Vienne. Dans un passage septembre 1886.
Jacob Freud, remarié, a deux de L'Interprétation des rêves, il raconte un souvenir
grands fils lorsque Sigmund naît. d'enfance. Au cours d'une promenade, son père croise
Celui-ci est le fils aîné d'une mère un chrétien qui envoie son bonnet dans la boue Freud reçoit
de 21 ans et de 20 ans plus jeune en criant : « Juif! descends du trottoir ! » Le père se rési- une formation
que son mari, déjà grand-père. gnant à ramasser son bonnet, Freud avoue sa déception : classique au lycée
Freud est très attaché à sa mère « Cela ne me sembla pas héroïque de la part du grand mais est aussi
dont il reste l'enfant préféré. Connue pour son caractère homme fort, qui me conduisait par la main, moi, le petit. marqué par
Le jeune Sigmund
Freud et son père, vif et enjoué, aimant la musique et les jeux de cartes, J'opposais à cette situation qui ne me satisfaisait pas la culture juive
Jacob, ici en 1867. elle vit jusqu'à 95 ans et ne s'éteint, en 1930, que une autre qui correspondait mieux à mes sentiments, de son enfance et
quelques années avant son fils. Elle a en tout huit la scène dans laquelle le père d'Hannibal, Hamilcar, par l'antisémitisme
enfants. Freud passe son enfance dans une famille fait jurer à son fils devant l'autel domestique de prendre régnant à Vienne
très nombreuse et unie, dont il reste longtemps le seul vengeance sur les Romains. » De cette position d'opprimé à la fin
garçon (après lui et un frère mort en bas âge, minoritaire, Freud garde ce qui le prépare aussi du xixe siècle.
cinq filles se succèdent avant un dernier garçon). à « une certaine indépendance de jugement».
5. il accomplit une série
Sigmund L'engagement de et une voie
dans des études
Freud
de travaux anatomiques
et biologiques remarqués,
fait médecine des déterminations strictes,
professionnelle obéit à
anticipant la découverte
non sans comporter, comme toujours, du neurone* et de la
une part de contingence. synapse*. Véritable cher-
cheur, il se passionne pour
l'examen de la structure
Ses héros d'enfance « Soif de savoir » de l'organisme, et se défie
À l'adolescence, Freud bénéficie d'un contexte historique, culturel, de l'expérimentation et
Freud traverse social et familial, contrasté : antisémitisme de l'Empire de la manipulation. Il en garde une méfiance pour
une phase militariste. toute forme d'influence, préférant dégager, derrière
Il l'attribue au fait austro-hongrois en décomposition, milieu à la fois
qu'enfant il s'est conservateur des traditions judaïques mais ouvert le phénomène, l'action propre de la structure.
livré à de grandes à la modernité. « Né coiffé », soutenu par sa famille Ainsi, dans le traitement, il abandonne stimulation
batailles avec et un père qui l'encourage à le dépasser, il a le goût électrique, hypnose* et suggestion (voir pp. 20-21)
un neveu du même pour repérer la structure des névroses* et les forces
âge. Parmi des lettres et des langues (allemand, latin, grec, français,
ses lectures anglais, italien, espagnol, hébreu), et, selon ses ensei- qui les provoquent.
se trouve l'Histoire gnants, un style bien à lui. Enfant et adolescent, Freud
du Consulat
a pris ses modèles chez les « grands hommes » (voir ci- Le choix de la pratique psychiatrique
et de l'Empire
(1845-1862) de contre) militaires puis politiques, avant de se tourner, Malgré ses succès, l'appui de ses professeurs et
Louis AdolpheThiers sans renier son réalisme, vers les intellectuels. Animé de son père, le sort des juifs autrichiens l'empêche
(1797-1877). « d'une sorte de soif de savoir», d'un désir de comprendre d'obtenir un poste pour succéder à ses maîtres.
Ses soldats Brucke le pousse alors vers la médecine libérale.
de bois portent
les énigmes de l'univers et de l'existence humaine,
des étiquettes inspiré par les exemples de Johann Wolfgang von Goethe À contrecœur, Freud cherche dans la pratique hospi-
De ses études,
avec le nom (1749-1832) et Charles Darwin (1809-1882), il préfère talière la formation nécessaire à l'accueil d'une clientèle
Freud conserve
des maréchaux la science et la philosophie, malgré un vif intérêt privée. Sur les bases de ses connaissances en neurologie,
de Napoléon. il se dirige vers la psychiatrie et deux maîtres dont le modèle
Son favori est
pour la spéculation pure. Il garde ce souci de méthode
il apprécie le sens clinique : des sciences :
Masséna dont et une liberté de pensée peu ordinaire, contrebalançant
Ni médecine Theodor Meynert (1833- pratique, rigueur,
on dit qu'il était juif. les jeux de l'imagination par une discipline scientifique. ni sciences humaines
Il compte d'autres 1892) et Hermann Nothnagel inventivité,
Sans doute,
héros tels Hannibal (1841-1905). Il passe des ouverture, rejet des
ou encore Examiner la structure de l'organisme la vocation médicale
de Freud ne cessera pas. soins apportés « aux malades systématisations
Cromwell... À 17 ans, il doit choisir : industrie, commerce, droit
S'il considère des nerfs » au traitement outrancières
ou médecine ? Excluant les trois premiers trop restrictifs que cette formation
à son goût, il hésite devant médecine. Il l'adopte des « névroses » par un des religions,
ne prépare pas à l'exercice
pour un usage surprenant, au point qu'il a du mal de la psychanalyse, glissement qui tient plus des philosophies
à terminer son cursus : rebuté par la pratique médicale, il ne préconise pas du jeu de mots que de la et des sciences
pour autant le recours logique des sciences. Avant humaines.
il occupe ses études à la méthode scientifique, profitant aux sciences humaines,
des rencontres qu'elles lui permettent. Brucke, la rencontre décisive avec Il s'en souvient en
dont il critique l'esprit
Du Bois-Reymond, Helmholtz et Ludwig (voir encadré) de système emprunté le médecin français Jean s'orientant, forcé,
sont pour lui des maîtres, des modèles de rigueur à la philosophie. Martin Charcot (1825-1893, vers la psychiatrie.
et des soutiens admirés et craints. Sous ce patronage, voir pp. 8-9).
6. mités de la neurologie mais, pour la première fois,
Goût et phobie Freudilaest phobie desvoyageur.
la voyages « Rome était
étudie les enfants. Par la suite, il y retourne fréquem- ravissante, tout
mais un grand particulièrement
ment, d'abord pour retrouver son ami Fliess (voir
des voyages, la psychanalyse, sa formation,
Pour ses études,
ses loisirs pp. 34-35), puis pour des visites familiales et, à la fin
pendant les deux
premières semaines,
et son plaisir... de sa vie, pour soigner son cancer de la mâchoire. avant que ne
Il y contacte le physicien allemand Albert Einstein se lève le sirocco
On ne parle pas
qui augmenta
de ces choses-là (1879-1955) en 1928, rencontre en 1930 William mes douleurs. Anna
en public...
Voyageur malgré lui C. Bullitt - ambassadeur américain - avec qui il écrira a été merveilleuse.
Charcot s'exclame
en privé à propos Nombreux sont les pays qu'il visite, en Europe et dans un livre, en 1938, sur le président américain Wilson. Elle comprit tout,
prit plaisir à tout,
des symptômes*
le Nouveau Monde. Quelques capitales le passionnent Berlin est pour Freud l'antithèse de Vienne [voir
et j'étais fier d'elle. »
d'une hystérique :
et stimulent son travail. Ses descriptions et récits pp. 10-11), le centre d'un pays en plein progrès Freud, lettre du
« Mais, dans
montrent sa capacité à saisir le « génie » des lieux, côté économique, jouissant d'un relatif libéralisme. 26 septembre 1 9 2 3
des cas pareils,
c'est toujours ange et côté démon ! Les choses changent avec l'arrivée des nazis... à Max Eitingon,
l'un de ses élèves
la chose génitale*,
et amis les plus
toujours... toujours...
toujours. » Freud Paris et la rencontre avec Charcot Rome : une passion intimes.
se souvient être Son premier séjour à Paris, de 1885 à 1886, a lieu En contrepoint se situe Rome, objet d'une passion
resté stupéfait : pendant sa formation médicale. Son avis est mitigé. sans pareille. Et l'Italie en général... Lieu privilégié
« Puisqu'il le sait, du loisir et du repos, où se mêlent plaisir et intérêt,
Véritable bonheur, son départ permet de réaliser
pourquoi
ne le dit-il jamais un rêve ancien. Sur place, il est seul, désargenté et au cours de nombreux voyages (avec sa belle-sœur
publiquement ? » désorienté. Il visite monuments historiques et musées Minna Bernays, avec sa fille Anna). Il s'y console
Ci-dessous: (Louvre, Cluny), enthousiasmé par Notre-Dame de ses déboires (difficultés de nomination à l'Université),
le docteur Charcot de Paris (et Victor Hugo, 1802-1885). Plus réticent récupère des forces, renoue avec des désirs infantiles
donnant une leçon dans ses contacts, il a une mauvaise opinion de conquête, de revanche, nourris des héros
clinique sur Dans ses
des Français, « boulangistes* et revanchards » contre de l'Antiquité (voir pp. 4-5). À Rome, source inépui-
l'hystérie* à la
sable de joie de vivre, d'exaltation même, il visite, rencontres avec
Saipêtrière en 1887. les Allemands. Il se méfie de
ravi et enivré, la villa Borghèse, Saint-Pierre, les intellectuels
(Tableau d'André ce « peuple des convulsions
les Catacombes, le château Saint-Ange, la chapelle et les cultures
Brouiller, muséée historiques ». Jean Martin
de l'Assistance Charcot (1825-1893), médecin Sixtine, les musées du Vatican. Ses lettres rendent, dont son monde
publique, Paris.)
français dont il suit les cours en un tableau vivant, l'atmosphère d'une place a hérité, Freud
à la Salpêtrière et qui l'invite animée par la musique et le cinéma, l'ambiance trouve la force
à ses réceptions, le marque. sans façon de la foule romaine, avec les jeux de passer outre
Il est sous le charme mais des enfants, la beauté des femmes, le vin délicieux. sa phobie
s'en veut de son besoin Il y est chez lui ! Le culte de la divine cité emporte des voyages ;
de patronage. Il revient à Paris Freud dans des jouissances qui n'ont rien d'éthéré, il recueille
en 1889, en 1910 et en 1938, y compris dans celles du savoir et de la recherche. les enseignements
en partance vers Londres. Dans ce creuset de forces contradictoires (Antiquité, grâce auxquels
judaïsme, christianisme), il concocte cet étrange essai il réunit
Berlin : que sera L'Homme Moïse et la Religion monothéiste, les conditions
l'antithèse de Vienne un brûlot contre la religion, qu'il n'écrira qu'à la fin d'invention
En 1886, en séjour d'études à de sa vie, et ne publiera qu'une fois exilé à Londres de la psychanalyse.
Berlin, il est déçu par les som- en 1939 (voir pp. 10-11).
7. " Cette époque
insensée ••
De Vienne à Londres, Vienne natalepas
la ville
n'est Le 1 0 mai 1 9 3 3 ,
les nazis mettent
en scène des « feux
le fil d'une vie de Freud, ville »
mais « sa
de joie » sur les
places publiques
- de son enfance, de son adolescence, des grandes villes
et des centres
de sa vie de famille, de travail et de recherche. universitaires,
Il finit son existence à Londres, en exil. 'lisant
l'autodafé
d'un siècle de
culture allemande.
Vienne : la ville de toutes les aversions... L exil à Londres
Les écrits
Freud nourrit une aversion déclarée pour Vienne ; Après avoir :rechigné avec ténacité à « quitter le navire », « de gauche »
il y a pourtant passé sa vie. Il ne peut reprendre force Freud se résout à émigrer à Londres en 1938, en raison et toute la littérature
qu'à fouler un autre sol que celui de la terre mère. démocratique
du climat de terreur engendré par les persécutions
ou juive sont brûlés,
Son antisémitisme, son antilibéralisme, son influence nazies. Le départ de Vienne est dur à obtenir : il faut de Heine à Kafka
déprimante et son étroitesse d'esprit le répugnent. faire jouer toutes les influences et toutes les aides en passant par Marx.
S'il y bénéficie, un temps très bref, d'une relative (anglaises, américaines ; psychanalystes, ambassadeurs, Cet acte barbare,
inaugurant
reconnaissance et d'honneurs limités (nomination ministres) pour arracher l'autorisation aux nazis.
une époque que
« J'ai voué à Vienne
comme Privat Dozent- « chargé de cours » - en 1885, Une véritable chaîne de solidarités et de dévouements Freud dépeint
une haine personnelle puis « citoyen d'honneur de Vienne » en 1924), est nécessaire pour faire passer Freud, les siens comme « insensée »,
et, à l'inverse il ressent cruellement l'ostracisme général dont il est et une maigre part de ses biens (livres et collections) vise en particulier
du géant Antée, ses œuvres.
victime. Beaucoup de proches souhaitent fêter avec « à l'étranger ». Il a fallu tous ces efforts et il s'en est
je prends des forces Après l'annexion de
nouvelles dès que je
solennité son quatre-vingtième anniversaire ; il refuse fallu de peu que le pire arrive à Freud, comme à ses l'Autriche en 1 9 3 8 ,
pousse le pied hors ce « happy end », irréconcilié et irréconciliable envers sœurs par exemple, mortes cinq ans plus tard en camp il faudra toute
du sol de la ville les impostures et les faux amis, mais chaleureux de concentration (voir pp. 56-57). En Angleterre, Freud la pression
où je demeure. » du psychanalyste
et reconnaissant vis-à-vis des témoignages sincères, connaît un accueil particulièrement chaleureux, Ernest Jones
Lettre à Fliess,
(voirpp. 34-35), tel celui du physicien allemand Albert Einstein de la part des officiels comme de simples inconnus qui (1879-1958) et
1 1 mars 1 9 0 0 . (1879-1955). lui écrivent pour signifier leur contentement. de la princesse
Marie Bonaparte
pour que Freud
... mais jamais abandonnée Une vie jusqu'au bout, sans céder consente à l'exil.
Freud forme plusieurs projets d'émigration (Amérique, Bien que très malade et triste de son départ, Freud n'est
Angleterre, Hollande), sans jamais les réaliser. Malgré pas accablé et poursuit son travail, soutenu par les siens
Page de droite:
les relations difficiles avec sa ville, il ne renonce pas et la communauté des analystes. Il continue à recevoir Freud n'a jamais
sur le chemin
de l'exil à Londres à y faire sa vie, contre les occasions de la quitter des patients, des lettres (entre autres d'Einstein), oublié Vienne :
en 1 9 3 8 , Sigmund et bien qu'il la fuie chaque fois qu'il peut. Au moment des visites (de Stefan Zweig, Salvador Dali, Malinowski, c'est là qu'est née
Freud est accueilli
des pires dangers {voir ci-contre à droite), il n'arrive Arthur Koestler...). Il écrit toujours des textes importants la psychanalyse,
à Paris et qu'il a mené
par la psychanalyste
pas à se décider à abandonner son poste. Pourquoi (Analyse avec fin et analyse sans fin, 1937 ; L'Abrégé
française cette obstination à rester à Vienne, cette difficulté de psychanalyse, 1938 ; L'Homme Moïse et la Religion sa vie. Ayant fui
Marie Bonaparte à l'oublier ? « ... Je n'ai pas cessé d'aimer la prison monothéiste, 1939). Les atteintes et les douleurs du cancer le nazisme,
(1882-1962), dont j'ai été libéré. » Parce que c'est à Vienne qu'est née se précisent : Freud les supporte avec stoïcisme il s'éteint à Londres
et William C. Bullitt,
la psychanalyse et qu'elle a commencé à se développer et réalisme. Jusqu'à demander, le moment venu, en 1939.
ambassadeur
des États-Unis. contre toutes les résistances ? les palliatifs qui arrêteront sa souffrance et sa vie.
8. Neuropsychologie -Deux les aphasies
sur
recherches dans le fonctionnement normal
de l'appareil du langage les raisons
et cocaïne et la cocaïne -, Freud
entreprises par
du fonctionnement normal et
aphasique du langage.
sous le patronage de ses maîtres - Brùcke, Freud opère un renversement
Du Bois-Reymond, Helmholtz et Ludwig -, décisif : le fonctionnement
tiennent une place particulière sur le chemin du cerveau - le psychique -
de la psychanalyse. est structuré comme un langage.
Il énonce sa thèse sur les aphasies
en 1891. Sa démarche constante
« J'en suis venu Broca et Wernicke, les précurseurs consiste à doter les phénomènes
à croire que Freud consacre une part importante de ses premiers psychiques non pas d'un sub-
la masturbation
travaux aux aphasies* : en 1861, le chirurgien strat anatomique mais à les lier
était la seule
grande habitude, et anthropologue français Pierre Paul Broca à une structure du langage.
le besoin primitif, (1824-1880) regroupe, sous le terme d'aphasie Elle sera vérifiée en 1956 par le
et que les autres motrice, des pertes du langage articulé (en l'absence linguiste Jakobson (voir encadré).
appétits, tels que
le besoin d'alcool,
de lésions des nerfs et des organes d'exécution
de morphine, concourant à l'articulation) ; elles dépendent de l'aire Les travaux sur la cocaïne
de tabac, du cortex (dans le cerveau) qui porte son nom. Préoccupé par son avenir matériel, Freud tombe
n'en sont que Sémantiquement correct, le langage prend une allure
des substitutifs. »
en 1884 sur un article américain qui vante les vertus
Lettre à Fliess télégraphique. d'un médicament : la cocaïne. Celle-ci agirait
(voir pp. 3435) du En 1874, le psychiatre allemand Cari Wernicke sur les « troubles fonctionnels », c'est-à-dire sans lésion
22 décembre 1897. (1848-1905) ajoute les aphasies sensorielles au langage organique décelable, et vaincrait de façon notable
phonétiquement et grammaticalement correct, la neurasthénie* - dont Freud déclare souffrir -,
mais sémantiquement incohérent ; elles sont dues l'hypocondrie*, les difficultés digestives et cardiaques...
à une atteinte de la réceptivité du langage, liée Freud a le sentiment d'avoir rencontré à la fois ce qui
à une autre aire corticale à laquelle il donne son nom. convient à sa propre pathologie et au succès de la psy- Le déterminisme
Broca comme Wernicke soutiennent l'idéal médical chiatrie vers laquelle il se réoriente. Mais il aurait biologique
en psychiatrie : les troubles psychiatriques sont rendu visite à sa fiancée plutôt que de mettre au point de la névrose
La localisation les symptômes* d'une atteinte organique. L'examen les propriétés analgésiques de la cocaïne, et son collègue est battu en brèche
cérébrale des aphasies le démontrerait. par les travaux
Broca et Wernicke
Karl Koller invente l'anesthésie locale en 1884.
Outre un traitement calmant sa propre douleur, sur les aphasies.
ont contribué
à l'élaboration Des aphasies sans lésion Freud retient la leçon : la cocaïne « accélérait La cocaïne suggère
de la théorie dite Mais Freud s'aperçoit qu'il est impossible de mettre la révolution des idées » ; une action sur l'organisme à Freud de penser
de la localisation la sexualité comme
cérébrale,
en évidence un accident organique dans bon nombre n'est pas sans incidence sur le psychisme.
selon laquelle d'aphasies. Il en déduit que toutes les aphasies Freud décrira, métaphoriquement - sur le modèle une substance
chaque fonction ne s'expliquent pas par une lésion localisée dans de l'effet de la drogue -, la libido* (toxine), toxique,
mentale serait l'appareil cérébral du langage (voir ci-contre), l'énergie sexuelle et la névrose* (intoxication par ce qui prépare
localisée dans
une zone spécifique
mais surtout qu'il ne peut exister deux types d'anatomie une « substance chimique sexuelle »). En outre, à l'invention
du système nerveux du cerveau : une pour les aphasies avec lésion, la cocaïne lui pose la question de la façon dont le désir* de la pulsion*.
central. une pour les aphasies sans lésion. Il faut donc chercher se lie à l'organisme.
9. représentatifs. La représentation est l'acte le plus
Freud conceptions dules grandes
Méfiant envers
monde, élémentaire de la conscience. L'acte psychique
(voir une couleur) porte toujours en lui « l'intention »
et la philosophie philosophiques solides,
malgré des connaissances
vers l'objet auquel il se réfère. Une couleur n'est pas
Freud proteste contre l'identification psychique, c'est le fait de voir qui l'est : un acte
de la psychanalyse à une philosophie. mental visant un objet coloré.
Herbart et la théorie de la représentation
Freud reprend Critique du système philosophique Freud est marqué par le philosophe allemand Johann
la boutade du poète Sa critique de la philosophie surprend car la langue Friedrich Herbart (1776-1841). Influencé par Kant,
allemand Heinrich Herbart a l'ambition de fonder la psychologie comme
Heine (1797-1856) :
allemande est celle des grands philosophes encore
« Avec ses bonnets influents : Schelling (1775-1854), Kant (1724-1804), science. Associationniste, il pense que les représenta-
de nuit et Hegel (1770-1831), Marx (1818-1883)... tions, une fois nées, ne disparaissent pas. Le champ
les lambeaux de Dans « D'une conception de l'univers » (1932), Freud de la conscience est étroit, et les représentations
sa robe de chambre,
dénonce l'esprit de système. La philosophie s'égarerait se le disputent. Elles agissent sur l'humeur
il [le philosophe]
bouche les trous en surestimant la valeur du pur raisonnement pour consciente*, même « refoulées ». Les repré-
Les références de Freud
de l'édifice la connaissance. La prétention d'offrir un tableau sentations sont des forces d'intensité
On distingue entre autres
universel. » cohérent et sans lacune de l'univers est « constamment variable. Les idées ne sont jamais isolées les philosophes
battue en brèche par le progrès mais forment des « chaînes de représenta- - Theodor Gomperz
Les philosophes, (1832-1912), Wilhelm
de la connaissance ». de grands enfants ? tions ». Les processus psychiques obéissent
ainsi à des lois scientifiques. Jérusalem (1854-1923) -,
Freud compare la pensée philo- La psychanalyse
les linguistes
sophique à l'animisme*. Mais la attribue l'évitement
- Karl Abel (1837-1906)
du réel* par l'esprit
philosophie n'est pas dangereuse de spéculation
L'associationnisme* anglais et Franz Miklosich
contrairement à la religion : Freud préfère les savants {voir ci-contre) (1813-1891) -,
de certains
et un neurologue
véritable interdiction de penser, philosophes à qui se réfèrent aux psychologiciens britan- - Salomon Stricker
celle-ci se substitue à la névrose* « la toute-puissance niques traitant la logique dans le champ (1834-1898).
de la pensée
du sujet* et à ses solutions de la psychologie : John Stuart Mill (1806-
infantile » !
existentielles {voir pp. 52-53). 1873), Alexander Bain (1818-1903), Herbert Spencer
« Pour moi, je nourris (1820-1903) et David Hume (1711-1776). Pour eux,
dans le tréfonds Brentano : non seulement l'association d'idées* ou de représen- Freud invente
de moi-même tations est à la base du fonctionnement mental, mais la psychanalyse
l'espoir d'atteindre
« la science des phénomènes psychiques »
Freud hérite de certaines valeurs philosophiques telles les éléments issus de la perception se combinent selon à partir de la cure.
par la même voie
[la médecine] que la conception de la représentation* du philosophe un automatisme qui définit des lois primaires. Mais,
mon premier but : Franz Brentano (1838-1917), dont il a suivi les cours Freud déclare avoir très peu lu de philosophie malgré pour la théoriser,
la philosophie. il emprunte
sur la logique aristotélicienne. Précurseur du philosophe son attrait pour elle. La psychanalyse objecte à toute
C'est à quoi j'aspirais
originellement avant allemand Edmund Husserl (1859-1938), contestant conception de l'univers qui s'imposerait aux largement
d'avoir bien compris les prétentions quantitatives de la psychophysique, hommes : chacun doit élaborer une réponse qui ait à la linguistique,
pourquoi j'étais Brentano propose une psychologie, « science des chance de valoir au-delà de lui. Freud s'oppose égale- à la logique et
au monde. »
Lettre à Fliess phénomènes psychiques » : on atteint les faits de ment au solipsisme*, interrogeant les conditions à certains apports
du 1 e r janvier 1896, conscience par intuition directe (perception interne) du lien social. Pour lui, toute psychologie est une de la philosophie.
(voir pp. 34-35). des phénomènes psychiques. Ceux-ci sont toujours psychologie sociale.
10. Freud Freud range la psychanalyse
parmi les sciences modernes
1) la science la plus exacte ne peut répondre à l'exigence
de concepts clairs et définis ;
et les sciences de la naturel'introduction d'une
nées avec
parce qu'elles sont 2) les idées « comportent un certain degré d'indétermi-
nation » ;
de la nature de nouvelles savoir, promesse
limite dans le
découvertes.
3) le processus théorique vise à transformer ces idées
abstraites en concepts ;
4) ces idées ont le caractère de conventions,
de constructions provisoires (fictions) qui emportent,
Une science empirique malgré tout, une dimension de vérité'*' ;
En 1923, dans Psychanalyse et théorie de la libido*, 5) les concepts ne correspondent pas à un savoir figé,
Freud énonce que la psychanalyse est une « science ils peuvent être modifiés comme ceux de la théorie
empirique » et l'oppose à la philosophie. Il se de la relativité élaborée par Albert Einstein (1879-1955).
démarque de « l'idéal d'intelligibilité absolue
et de déduction absolue ». Pour étayer cette position, «La psychanalyse
Freud se réfère à la physique et la chimie, en faisant est une partie
valoir que ces régions du savoir admettent un point de la science »
de « non-savoir », que la science est toujours Dans sa conférence inti-
« inachevée ». tulée « D'une conception
C'est en opposition à l'exigence d'un savoir qui de l'univers », Freud arti-
voudrait tout englober et tout synthétiser que Freud cule sa position, offrant
prend position en faveur de la science. Et c'est contre même l'occasion de saisir
l'ambition d'un « tout-savoir » qu'il range la psycha- sur le vif une évolution
nalyse du côté de la science. du raisonnement.
Question de départ :
Des concepts fondamentaux la psychanalyse est-elle
Sa référence constante à la démarche scientifique une représentation* du
passe par l'analyse qu'il fait du statut euristique* monde, et laquelle ?
de ces fondements. Que ce soit dans Psychanalyse La « représentation du
et théorie de la libido, ou dans son autobiographie, monde » (Weltanschauung)
Freud déclare que ses concepts ne pourraient avoir y est définie comme un système symbolique, Les sciences
des « contours nets » que si la psychanalyse était entièrement déterminé, « commandé » par un de l'esprit
une science de l'esprit. Dans les sciences de la nature, « tout-savoir ». Dans un premier temps, Freud dit se ramènent
on admet des concepts flous, parce qu'il est que la psychanalyse doit adopter la « représentation à un système
impossible qu'il en soit autrement. Les sciences du monde » de la science car, en tant que spéculatif.
de l'esprit parviennent à des concepts clairs et certains Spezialwissenchaft (« science spécialisée »), elle est C'est pourquoi
car elles « veulent englober un domaine factuel inapte à en former une qui lui soit propre. Freud cherche
dans le cadre d'un système intellectuel constitué ». Dans un second temps, Freud dénie que la science à ranger
C'est certainement dans Pulsions'*' et destin des pul- ait une « représentation du monde » : il ne cesse la psychanalyse
sions (1915) que Freud fait valoir le plus nettement de démontrer l'opposition entre système spéculatif parmi les sciences
que l'indétermination des concepts n'infirme pas et sciences de la nature, celles-ci relevant de la science de la nature.
pour autant leur validité : au sens moderne du terme.
11. À l'écoute de l'art Freud manifeste
un rapport singulier
avec un « plaisir préliminaire » - de rencontrer un écho
de son propre inconscient* jusqu'à en tirer satisfaction.
Compensation
et suppléance
Appartenant au
et de la envers l'art :
il témoigne
Le sens esthétique est subordonné à la curiosité :
Freud doit comprendre une œuvre pour la goûter.
registre imaginaire,
la compensation
littérature de renseignement
toujours Il est modeste vis-à-vis des deux éléments qui composent
le don artistique — inspiration dérivée d'un fantasme*
vise à masquer
le défaut
et goût de l'esthétique - et dont il ne sait doser (exemple : un cadeau
qu'il en tire. pour réparer
le mélange. une frustration).
L'homme cultivé La suppléance est du
Ni connaisseur ni amateur, Le cœur du fantasme fait le style registre symbolique ;
elle propose un
ni spécialiste ni dilettante, Freud use de ce rapport à la littérature pour préciser élément susceptible
ni esthète ni moraliste, ses conceptions. Les détracteurs de la psychanalyse de remplir la fonction
Freud se réfère de façon le traitent d'artiste plus que de scientifique. de l'élément
ajustée à l'art et à la litté- Ses histoires cliniques se lisent comme des nouvelles. manquant
(exemple : une
rature. Sans être « psycha- II a des affinités électives avec les romanciers, pense image consciente*
Attribution du prix nalyste de l'art », il prend une leçon dont l'intérêt que le créateur précède le savant et définit le processus représente
Goethe concerne le sens, la fonction et l'utilité pour la de création par rapport au processus analytique : un élément refoulé
Ses professeurs et agissant).
psychanalyse. Il envie les artistes, et apprécie, la production artistique opère une élaboration
saluaient déjà le style
de Freud, avant qu'il par ordre de préférence, poésie, littérature, sculpture, du fantasme, et transforme en œuvre d'art le désir*
ne reçoive, en 1930, architecture, peinture et musique. infantile qui en constitue le noyau. L'artiste y consent
le prix Goethe avec son savoir-faire : le plaisir préliminaire de
récompensant
un maître de L'admiration pour le créateur sa technique conduit au plaisir final de l'œuvre.
la langue allemande. ll tire de son expérience de l'art une définition L'art a une fonction sociale entre compensation
du créateur. Il y a continuité et séparation entre et suppléance (voir ci-dessus) : il offre des œuvres qui Curieux, Freud
le névrosé et l'artiste : le créateur se détourne procurent des satisfactions à la place des renoncements est « intéressé
de la réalité pour y retourner, plus apte à la sublimation* exigés par la civilisation. Son activité se substitue particulièrement
qu'au refoulement*. Il retrouve le chemin de la réalité à la satisfaction impossible (il n'y a pas d'œuvre aux personnes
dans un renouvellement de la vie imaginaire, qui arrêterait le « travail silencieux » de la pulsion*). et aux choses
commune à tous, mais que chacun Outre sa part d'illusion, l'art permet, in fine, de qui ne sont pas
garde secrète. Il fait de l'activité « reprendre solidement pied dans la réalité ». ce qu'elles
fantasmatique un visage plaisant, semblent être »,
source de jouissances* autrement Freud et les livres selon l'expression
inaccessibles, et procure aux autres Lecteur traditionnel, Freud cherche plaisir et instruction, du psychanalyste
consolation et soulagement. Il fraie préférant la construction du récit à l'arrangement britannique
une voie vers ce qui demeurerait esthétique, curieux de la relation de l'auteur à Ernest Jones
refoulé. Il obtient ainsi certains son œuvre. Intéressé par les thèmes, les personnages, (1879-1958).
pouvoirs et avantages (on l'écoute, l'auteur, etc., il ne vise pas à analyser l'art ou l'artiste : Un terrain
on le voit). Freud ne prête pas de il recherche, dans l'activité artistique ou l'œuvre, que se disputent
cynisme à l'artiste. Il rend hommage tout ce qui anticipe l'analyse* et, dans l'artiste, littérature
à son « don » qui permet à chacun tout ce qui en fait un précurseur susceptible de montrer et psvchanalvse !
devant une œuvre - « appâté » la voie à l'analyste {voir encadré).
12. de son comportement. Selon ce modèle d'hystérie* La catharsis, purifier
Hypnose, suggestion du mise en place
La
procédé expérimentale, des mots créent des maux par le psychisme
Le psychiatre
une action inconsciente*. D'où la thérapeutique :
et catharsis au désir de savoir
freudien est liée
se remémorer l'ordre inconscient qui agit en
autrichien Josef
Breuer (1842-1925)
sourdine, première version de l'existence d'un savoir estime que
qui pousse Freud à se laisser enseigner les symptômes
inconscient déterminant la vie du sujet. Les symp-
par ses patients. Ce désir l'amène à explorer tômes hystériques, sensibles à la parole - qui les cause hystériques sont
les thérapies : hypnose, suggestion liés au fait que
ou qui les résout -, sont traitables par un moyen le sujet n'a pas réagi
hypnotique, méthode cathartique. psychologique. émotionnellement
à tel événement
traumatique.
Electrothérapie et Freud enregistre la protestation du sujet II cherche donc
Freud traite Les limites de l'hypnotisme ne tardent pas à se faire à obtenir
son premier patient suggestion sous transfert une « abréaction »
par l'électricité En neurologie, Freud étudie jour : des patients ne sont pas hypnotisables alors que
(réaction après coup)
en 1883 et poursuit les traitements électriques par d'autres, hypnotisés, s'opposent aux ordres du médecin par les moyens
ses recherches sans
galvanisation* ou faradisation* ou, réveillés, à la remémoration. Des praticiens de la suggestion
doute jusqu'en 1885. (tel Theodor Meynert, 1833-1892) voient dans ce procédé hypnotique.
Mais il doit conclure : et leurs incidences (voir enca- Cette abréaction
dré) : influence de la fièvre sur une aliénation privant le patient de volonté et de raison.
« Si le jugement est susceptible
de Mœbius, d'après la conduction électrique dans Enfin, l'amélioration par le traitement hypnotique de procurer un effet
lequel les succès
le système neuromusculaire ; est provisoire, les symptômes réapparaissant une fois de purification
du traitement rompue la relation avec le médecin. Freud prend acte - catharsis - de ce
électrique seraient réaction du nerf optique à qui encombrerait
« // s'agissait des limites de cette méthode et l'abandonne
d'apprendre dus à la suggestion, l'électricité. Il y associe bains le psychisme.
ne s'est pas alors et massages, et constate que définitivement en 1896 : la résistance à l'hypnose
du malade quelque
chose qu'on ne savait présenté à mon esprit, la personnalité du médecin et à la suggestion hypnotique, le caractère rebelle
pas et que lui-même ce fut pour une cause du symptôme constituent une protestation du sujet.
ignorait. [...] simple :je n'ai pas eu produit autant d'effets sur À entendre...
Je n'aimais pas un seul succès le patient que le traitement. Des thérapies,
l'hypnose ; c'est à enregistrer. » Il attribue cette efficacité (faible)
La résistance à la catharsis Freud retient
un procédé incertain Contribution à l'histoireà la présence et aux paroles du
et mystique. » du mouvement Freud adopte une « technique de concentration » le savoir
Cinq leçons sur la psychanalytique, 1914. clinicien : il parle de « suggestion inconscient,
sous transfert* ». alliée à un « petit artifice technique » inspiré
psychanalyse, 1924. l'action des mots,
de la méthode cathartique de Breuer (voir ci-dessus).
Il informe le patient - d'une pression sur son front - une théorie
Une hystérie expérimentale de l'hystérie et
que va surgir à la conscience une pensée qu'il devra
Sa clientèle privée le contraint à s'intéresser à la question de son traitement,
communiquer sans retenue et sans critique.
« Mais je me rappelle psychothérapeutique. Il se tourne vers l'hypnotisme*. convaincu que,
Aucun mot préalable n'est donné au patient, libre
que déjà à cette Cette méthode, qu'il a vu pratiquer par Hansen,
époque [en 1889, de ses représentations* (voir pp. 14-15). Freud répète dans la résistance
Charcot, Liébault, Bernheim, Mœbius et Heidenain,
chez Bernheim] cette pression plusieurs fois si nécessaire, jusqu'à à se remémorer et
j'éprouvais une sorte
lui permet d'explorer la genèse des symptômes*
ce que soient retrouvées les scènes pathogènes dans l'insistance
de sourde révolte hystériques, inaccessible à l'état de veille, et d'observer
oubliées par le patient mis en position de détenteur du symptôme,
contre cette tyrannie qu'il est possible de les provoquer sous hypnose*.
de la suggestion. » d'un savoir à révéler. Freud découvre alors qu'il existe réside le plus
Un sujet* suggestionné de façon à souffrir de chaleur
Psychologie des résistances* entravant la chaîne associative particulier du sujet.
des foules et analyse
en plein hiver, continuera, éveillé, à obéir à la suggestion
(voir association libre*) et ce malgré son insistance.
du moi*, 1921. jusqu'à sortir et fournir une explication rationnelle
13. Freud différencie paralysie il est possible de postuler une lésion psychique
Les paralysies organique et paralysie hystérique. distincte de l'atteinte organique ; cette « lésion » isole
hystériques Sescritique du biologisme.
sa
travaux confirment une représentation (du bras ou de la jambe...) des
autres représentations qui composent le « moi-corps ».
La causalité psychique de l'hystérie
Deux types de paralysies Pourquoi cette représentation est-elle refoulée ?
La comparaison entre ces deux types montre Parce qu'elle est chargée d'une valeur affective
que les paralysies organiques sont causées par incompatible avec les autres représentations.
des lésions nerveuses. Leurs propriétés dépendent Cette valeur affective se traduit en excès de sensibilité :
de la localisation des lésions (voir pp. 12-13) elle peut n'affecter que tel segment du corps qui,
et des connexions nerveuses. dans le cas d'une paralysie organique, exigerait
Les paralysies hystériques se distinguent par une loca- l'intervention d'un microchirurgien !
lisation précise mais insoumise aux lois de l'anatomie. Pour l'heure, Freud n'explique ni la nature de cette
Freud soutient qu'il ne valeur affective ni la raison de l'incompatibilité.
peut exister autant de « Je voulais soutenir Avant lui, la psychiatrie ne connaît que la causalité
systèmes neurologiques la thèse que, dans le cas
de l'hystérie,
organique. Il propose une théorie du psychisme,
que de types de paralysies. les paralysies la psychogenèse manquant à la psychiatrie. Celle-ci
Les patients - « orga- et les anesthésies tentera alors de récupérer les concepts de la psychanalyse
niques » ou « hystériques » de parties du corps tout en rejetant sa pratique. Cette théorie explique
isolées sont délimitées que les hystériques abandonnent leurs atteintes
- possèdent la même ana- d'une manière
tomie : il faut imaginer qui correspond organiques sous hypnose* et par suggestion (voir
une étiologie* de l'hystérie* à la représentation pp. 20-21) mais récupèrent leurs symptômes*, passé
compatible avec un orga- commune les effets de la suggestion.
nisme sain. D'où la néces- (non anatomique) Freud déduit
de l'homme. » de son travail
sité d'inventer une autre Freud, Ma vie Une double détermination de l'hystérie
détermination que le seul et la psychanalyse, 1924. D'un côté, Freud relève l'incidence de la représentation sur les paralysies
organisme. de l'organe associé à un souvenir biographique. l'existence
De l'autre côté, il faut compter avec la valeur affective, d'une « cause »
L'invention du corps comme « moi » ce « quelque chose » qui ne se réduit pas à la représen- psychologique
Freud note que la paralysie hystérique est conforme tation mais s'y rajoute, en rupture avec la détermination et une nouvelle
à l'idée que le sujet* se fait de l'organe atteint : langagière. thérapeutique.
c'est la représentation* de l'organe qui est malade ! Freud dispose d'un nouveau principe thérapeutique : Pour la première
Il en déduit que l'organisme est recouvert d'un réseau restaurer le tissu déchiré des représentations fois dans la clinique
de représentations séparant le sujet de son organisme, en retrouvant ou en reconstruisant celle qui manque médicale,
mais lui permettant de l'imaginer et d'en parler. par la parole. Avec des difficultés inédites : le caractère il est fait appel
Grâce à ces représentations, le sujet retrouve « inconciliable » de la représentation qui a entraîné à « la décision du
la fonction de ses organes et les utilise. Ce tissu le refoulement* est-il définitivement curable ? sujet » d'assumer
de représentations, Freud l'appelle « corps » Si le sujet a refoulé une première fois une représenta- ou non ce qu'il a
ou « moi* », différencié de l'organisme. La rupture tion, et sa charge affective, pourquoi l'accepterait-il d'abord refoulé.
de la psychanalyse avec le biologisme* est consommée : plus tard ?
14. que Breuer a interrompu le traitement d'Anna O...
La rencontre Le Moyen Âge traite
l'hystérique de possédée, devant le désir* éveillé en lui par les avances
e (sous transfert*) de la jeune fille.
avec l'hystérique et le xix siècle
de simulatrice.
Genèse sexuelle des symptômes
Freud, le premier, renverse l'ordre du savoir Freud entreprend d'éclaircir la genèse des symptômes
pour une étude scientifique de l'hystérie. hystériques hors laboratoire. Il vérifie que face à
une représentation* insupportable s'élève une défense,
un refoulement*, qui la met à l'écart de la conscience,
L'hystérie est une névrose...
que cette pensée a souvent un contenu sexuel,
L'hystérie* (du grec usteron, « utérus ») affecterait
et que le symptôme vient à sa place. Les paralysies
les femmes. Les Égyptiens anciens considéraient l'utérus
hystériques l'expliquent déjà : celui qui refoule
comme un animal migrateur responsable des sautes
la représentation de la jambe perd l'usage de la jambe ;
d'humeur. Freud donne à ce mythe toute sa portée :
la paralysie hystérique est le symptôme du conflit avec
la névrose* est liée au sexuel ; la sexualité féminine
la charge affective de la représentation « jambe ».
est une énigme ; la jouissance* féminine est étrangère Anna O se protège ainsi du désir sexuel qu'elle éprouvait
même pour une femme : sa spécificité se dérobe quand son père posait sa jambe sur sa cuisse pour
aux mots des analysantes* ; le choix du sexe n'est pas des soins.
déterminé par l'anatomie.
Le symptôme hystérique est une formation substitutive
entre un désir attaché à la valeur affective et une défense
... qui affecte les hommes
contre ce désir. Il est un symbole, un fait psychique
comme les femmes
de l'ordre du langage, même s'il a prise sur l'organisme
Les études sur les aphasies* et les paralysies
via le corps. C'est pourquoi il disparaît quand Anna O...
hystériques montrent comment Freud abandonne
le met en mots. Si l'interprétation psychanalytique,
l'anatomie pour la psychopathologie. Trois idées
faite de mots, agit sur le symptôme, c'est qu'ils ont
dominent sa rencontre avec Charcot (voir pp. 8-9) :
sinon même nature, du moins même structure.
de nombreux symptômes* résultent
de l'hystérie ; ils touchent les hommes Avec l'hystérique,
et les femmes ; certains sont provoqués L'inconscient, ce « savoir insu »
Deux mécanismes psychiques « convertissent » Freud vérifie
sous hypnose* par des mots. Une théorie la nature
du fonctionnement psychique en découle une idée refoulée en symptôme : la condensation*
(un élément du symptôme représente plusieurs de la névrose
(voir pp. 22-23). et la double
Autre rencontre décisive, celle du éléments du conflit) et le déplacement* (un élément
du symptôme représente un élément du conflit par détermination
psychiatre autrichien Josef Breuer — inconsciente
(1842-1925) qui impressionne Freud un trait commun). Plusieurs représentations sont
susceptibles de surdéterminer* un seul symptôme. et sexuelle -
avec l'une de ses patientes, Anna O...
La tâche thérapeutique vise à retrouver l'ensemble du symptôme.
(voir encadré). Ses symptômes dispa-
des refoulements et transformations. Freud demande Il met à l'épreuve
raissent quand elle détaille les souvenirs
à l'hystérique de se souvenir, et de lui enseigner une direction
qui leur sont liés. Freud est intrigué
ce savoir particulier : « Le sujet sait tout sans le savoir », du traitement
par le fait que Breuer ne proteste
paradoxe de ce « savoir insu » nommé par Freud par ce sexuel.
pas davantage contre son intuition
d'une étiologie* sexuelle. Il découvre « inconscient* ».