1. Compte rendu
EFFETS DE L’EXPOSITION DES GRAPPES SUR LE POTENTIEL AROMATIQUE
DES RAISINS ET DES VINS DE COLOMBARD B ET MELON B
Auteurs : Thierry Dufourcq(1), Frédéric Charrier(2), Rémi Guérin-Schneider(3)
Institut Français de la Vigne et du Vin
Contacts : (1) Entav/ITV France Midi-Pyrénées - V’innopôle – BP 22 – 81310 Lisle sur Tarn
(2) Entav/ITV France Val de Loire – Château de la Frémoire – 44120 Vertou
(3) Entav/ITV France – INRA-UMR Sciences pour l’œnologie – 2 Place Viala – 34060 Montpellier
Date de publication : 2006
2. SOMMAIRE
1 – RESUME 3
2 – MATERIELS ET METHODES 3
3 – RESULTATS 4
3.1 – Eclairement des grappes 4
3.2 – Températures des grappes 4
3.3 – Teneur en précurseurs glycosidiques de C13 norisoprénoïdes et monoterpènes
dans les raisins de Melon 4
3.4 – Teneur en thiols variétaux dans les vins de Colombard 5
4 – CONCLUSION 5
BIBLIOGRAPHIE 7
3. Effets de l’exposition des grappes sur le potentiel aromatique des raisins et des vins de
Colombard B et MELON B
1 - RESUME
Cette étude a pour objectif de tester l’effet au champ de l’exposition des grappes sur le potentiel
aromatique des raisins et des vins issus de deux variétés blanches, le Melon B en Val de Loire et le
Colombard B dans le Sud-Ouest de la France. L’exposition des grappes est la conséquence d’une
opération en vert au vignoble (effeuillage), d’une modification du système de conduite ou des deux
facteurs combinés. Deux à trois niveaux d’effeuillage (simple face à la nouaison coté soleil levant,
simple face à la véraison coté soleil levant, deux faces à la nouaison) sont comparés à un témoin non
effeuillé pour le Colombard et associés à deux systèmes de conduite (palissés et non palissés) dans le
cas du Melon B. Les familles de précurseurs d’arômes liés aux glycosides et leurs arômes dans les vins
sont suivis sur le Melon B. Les arômes de types thiols variétaux, 3-Mercapto-Hexanol et son acétate
sont dosés dans les vins de Colombard. L’environnement lumineux des raisins est modifié par les
pratiques : le port semi-érigé non palissé traditionnel est plus favorable que le palissage seul à
l’exposition des grappes. L’effeuillage permet de corriger cette différence. Les raisins de Melon B
issus de vignes palissées et effeuillées sont plus riches en précurseurs d’arômes appartenant à la
famille des glycosides. La pratique de l’effeuillage n’a pas pénalisé le potentiel en « thiols variétaux »
des vins de Colombard au cours de trois millésimes.
Mots clés : effeuillage, mode de conduite, cépages blancs, thiols variétaux, précurseurs glycosidiques.
La qualité des vins blancs secs est très largement conditionnée par leur composante aromatique. Celle-
ci constitue souvent pour le consommateur un critère de reconnaissance et de choix. Aussi, le
producteur est devenu particulièrement attentif à cette question, et recherche en permanence la mise en
œuvre d’itinéraires techniques, et notamment œnologiques, appropriés à une expression aromatique
optimale des vins. Au fur et à mesure que le champ des connaissances sur le potentiel aromatique
spécifique aux raisins des différents cépages progresse, il apparaît qu’outre les dimensions variétales et
technologiques, les conditions de culture au champ (sol, climat, pratiques culturales…) jouent
également un rôle significatif sur l’arôme final des vins blancs.
La variation de l’exposition des grappes est obtenue par la combinaison de la conduite de la vigne
(système palissé vs système non palissé) et de la technique d’effeuillage de la partie fructifère.
De nombreux travaux ont montré que la suppression d’une partie des feuilles au niveau de la zone des
grappes permet d’en améliorer le microclimat (aération, lumière) et influe sur la qualité des raisins.
L’action prophylactique de cette technique contre Botrytis cinerea a été montrée, ainsi que, pour les
vins rouges, l’amélioration de leur potentiel polyphénolique.
Nous avons cherché dans cette étude à mesurer les effets de l’exposition des grappes en condition de
culture sur la présence dans les raisins de précurseurs glycosidiques d’arômes ou dans les vins sur la
présence de thiols variétaux.
2 - MATERIELS ET METHODES
Dans notre dispositif, le cépage Melon (Val de Loire) est étudié sur trois parcelles (Melon-REG ;
Melon-LOR ; Melon-HAI). Il sert de modèle pour mesurer les incidences sur la présence des
précurseurs glycosidiques d’arômes dans les raisins. Le Colombard (Sud-Ouest de la France) est
étudié sur une parcelle vigoureuse (Colombard-TRF) comme modèle pour le dosage des thiols
variétaux dans les vins.
L’exposition des grappes est modifiée sur Melon selon deux facteurs. D’une part l’effeuillage de la
zone fructifère est réalisé sur une face (côté soleil levant) ou deux faces à la nouaison. D’autre part le
système de conduite traditionnel, non palissé (NP), est comparé à un système classique d’espalier
relevé et palissé (P). Sur Colombard, le témoin en espalier palissé est comparé à des modalités
d’effeuillage précoce (nouaison) ou tardif (véraison) sur une face (côté soleil levant) ou deux faces.
Effets exposition des grappes sur le potentiel aromatique des raisins et des vins – page 3
4. La mesure de l’éclairement de la zone des grappes est réalisée à l’aide d’une cellule photoélectrique
P.A.R (Photosynthetic Active Radiation).
La mesure de température des grappes est réalisée avec un thermomètre à détection infra-rouge.
Les raisins sont récoltés et vinifiés selon des protocoles standardisés avec une protection maximale des
moûts contre l’oxygène.
Les précurseurs glycosidiques de C13-norisoprénoïdes et de terpènes sont dosés selon la méthode
décrites par Schneider (2001). Les thiols variétaux, 3-Mercapto-hexanol et acétate de 3-Mercapto-
hexile, sont dosés selon le protocole décrit par Schneider et al. (2003).
3 - RESULTATS
3.1 - Eclairement des grappes
Le système de conduite non palissé, traditionnel pour le Melon en Val de Loire, permet des
éclairements significativement supérieurs de la zone des grappes par rapport à l’espalier relevé-palissé.
Le port semi-érigé du Melon ouvre la canopée, l’environnement lumineux des grappes est modifié.
Pour les deux systèmes de conduite, quelles que soient les parcelles et sur trois millésimes,
l’effeuillage accentue le phénomène. Les mesures réalisées montrent que le niveau d’éclairement des
grappes du système palissé et effeuillé sur une face rejoint le niveau d’éclairement obtenu avec le
système non palissé. Les valeurs mesurées sont identiques sur la face non exposée du rang au moment
de la mesure. En revanche sur la face exposée, les grappes du système non palissé sont toujours
beaucoup plus éclairées qu’en système palissé (figure1).
Pour le Colombard, le pourcentage moyen de l’éclairement total reçu au niveau de la zone des grappes
sur 3 ans est comparable aux résultats obtenus sur Melon.
3.2 - Température des grappes
La modification de l’éclairement entraîne une modification de la température des baies en période
estivale. Cette élévation de température, mesurée sur les deux faces parallèles au plan de palissage,
n’est jamais significativement différente entre le témoin non effeuillé et les modalités effeuillées sur le
coté soleil levant. La face sud-ouest des grappes, exposée au soleil, présente des différences
significatives en température. Cela est d’autant plus prononcé que cette face est effeuillée ou conduite
en système non palissé. Sur Colombard, l’analyse de variance des données, considérant le facteur
« face de la mesure » et le facteur « type d’effeuillage », met en lumière des différences significatives
sur le facteur « face de la mesure » l’après-midi. La partie de la grappe orientée au Sud-Ouest est plus
chaude quelle que soit la modalité effeuillée. On peut considérer que la modalité effeuillée sur deux
faces présentera une fréquence d’exposition des grappes supérieure aux autres modalités.
En 2003, lors d’un millésime extrêmement chaud, nous avons réalisé des comptages d’intensité de
grappes échaudées sur la parcelle Colombard-TRF. Si l’intensité de l’échaudage sur la modalité
effeuillée sur deux faces (P E2) est significativement plus élevée que le témoin (P), ceci est
essentiellement dû à la face des raisins exposée au soleil couchant. La face exposée soleil levant et
effeuillée (P E1) ne présente pas de différence significative avec le témoin palissé non effeuillé (P). Ce
résultat est acquis dans des conditions extrêmes et confirme l’intérêt de la technique sur une face.
(figure 2).
3.3 - Teneur en précurseurs glycosidiques de C13 norisoprénoïdes et monoterpènes dans
les raisins de Melon
Les concentrations observées en précurseurs de C13 norisoprénoïdes sont en moyenne équivalentes
quelles que soient les combinaisons étudiées (systèmes de conduite x effeuillage). On différencie en
revanche la variance mesurée. Les raisins les plus exposés, obtenus avec le système non palissé et
effeuillé (NP E1, NP E2) ou palissé et effeuillé sur deux faces (P E2), donnent la plus grande
variabilité de quantités de précurseurs dans les raisins. Ceci est à mettre en relation avec les
conditions du millésime (éclairement et température des grappes) et de vigueur du feuillage. Le
Effets exposition des grappes sur le potentiel aromatique des raisins et des vins – page 4
5. système traditionnel (NP) et le système palissé et effeuillé sur une face (P E1) , entraînent des niveaux
de glycosides de C13 norisoprénoïdes dans le raisin les plus constants lorsqu’on combine les
millésimes 2003 à 2005 sur nos trois parcelles d’essai. Le système palissé non effeuillé peut aussi être
associé à ces résultats avec cependant un niveau plus faible en précurseurs d’arômes.
La concentration en précurseurs de monoterpènes est plus importante dans le système le plus exposé
(NP E2). Cependant le système effeuillé palissé (P E1) apparaît comme très intéressant si on somme
les concentrations en précurseurs.
Ceci confirme en condition de culture des résultats obtenus par Schneider (2001) en conditions
contrôlées où dans certains cas les grappes les plus exposées présentent des teneurs en glycosides plus
faibles. Ainsi l’effeuillage sur une face d’un système palissé (P E1) apparaît comme un outil
intéressant de gestion de l’environnement lumineux des grappes en améliorant l’éclairement global
tout en protégeant les grappes des effets négatifs de leur exposition en fin de journée. Il conduit aussi à
une constance dans l’obtention de composés précurseurs d’arômes intéressante pour la garde des vins.
(figure 3) .
3.4 - Teneur en thiols variétaux dans les vins de Colombard
Les techniques d’effeuillage améliorent le potentiel polyphénolique des baies de raisins. Pour les vins
blancs, l’oxygénation, même faible, du moût pendant les opérations pré-fermentaires, favorise les
réactions d’oxydation enzymatique des composés phénoliques. Elle peut déprécier au final le potentiel
aromatique du vin. Nous avons cherché à observer les effets spécifiques de la pratique d’effeuillage
sur la présence de thiols variétaux, 3MH et Ac3MH, dans les vins.
Le potentiel aromatique des vins n’est pas pénalisé par la pratique de l’effeuillage au vue des dosages
réalisés dans les vins de Colombard pendant quatre années (figure 4). L’impact du millésime s’avère
beaucoup plus significatif pour expliquer les concentrations finales de ces arômes dans les vins.
Ensuite, la date d’effeuillage, permet dans la plupart des cas d’améliorer le potentiel des vins. En
2002, millésime froid en période de maturation, l’effeuillage tardif (P E1véraison) est le plus efficace.
En 2005, millésime à forte attaque de pourriture grise, l’effeuillage précoce s’est avéré plus favorable
(P E1, P E2).L’année 2003 reste un cas particulier par les températures enregistrées au vignoble. Les
concentrations en thiols variétaux sont très faibles et surtout dans le vin issu du témoin non
effeuillé (P).Des deux composés dosés, le 3MH dans les vins des modalités effeuillées est souvent
retrouvé en quantité plus importante que dans le témoin non effeuillé (P) alors que l’Ac3MH est plus
pénalisé.
L’amélioration de l’état sanitaire des raisins est un objectif essentiel pour ce cépage vigoureux et
productif. Dans ces conditions l’effeuillage simple face apparaît comme le meilleur compromis sans
distinction de la période de réalisation.
4 - CONCLUSION
Ces résultats permettent de hiérarchiser les combinaisons (système de conduite x effeuillage) pour
l’incidence du micro-climat au niveau des grappes. Le système non palissé permet une meilleure
exposition des grappes que le système palissé. Ceci est partiellement corrigé par l ‘effeuillage.
Ainsi dans nos essais, l’effeuillage sur une face de la vigne palissée présente le meilleur compromis
entre l’amélioration du micro-climat par une meilleure exposition des raisins et une protection contre
l’excès de température possible l’après-midi. Cet équilibre entre le rayonnement et la température
assure une constance dans l’obtention de précurseurs glycosidiques d’arômes sur Melon. Pour les
thiols variétaux dans le Colombard, l’effeuillage ne pénalise pas la quantité d’arômes obtenus dans les
vins en comparaison à l’effet global du millésime (climat x alimentation hydrique et azotée x charge
en raisins).
La pratique de l’effeuillage s’inscrit dans une démarche de maîtrise raisonnée de son vignoble. Elle est
donc recommandée dans des parcelles végétatives.
Effets exposition des grappes sur le potentiel aromatique des raisins et des vins – page 5
6. side non exposed to the sun side exposed to the sun
60%
40%
20%
0%
NP NP E1 NP E2 P P E1 P E2
Figure 1 : Pourcentage moyen du rayonnement P.A.R total reçu au niveau de la zone des grappes à midi ; NP : témoin non
palissé non effeuillé ; NP E1 : non palissé + effeuillé à nouaison sur une face soleil levant ; NP E2 : non palissé + effeuillé à
nouaison sur deux faces ; P : témoin palissé non effeuillé ; P E1 : palissé + effeuillé à nouaison sur une face soleil levant ; P
E2 : palissé + effeuillé à nouaison sur deux faces ; cépage Melon ; 2003-2005 ; 3 parcelles
30%
20%
10%
0%
P P E1 P E2
Figure 2 : intensité de l’échaudage des grappes en fonction des pratiques d’effeuillage ; P E1 : effeuillage à nouaison sur
une face soleil levant ; P E2 : effeuillage à nouaison sur deux faces ; P : témoin palissé non effeuillé ;
cépage Colombard ; 2003
Norisoprenoidic glycoconjugates (µg/l) Monoterpenic glycoconjugates (µg/l)
800 600
600
400
400
200
200
0 0
NP NP E1 NP E2 P P E1 P E2 NP NP E1 NP E2 P P E1 P E2
Figure 3 : Teneurs moyennes en précurseurs glycosidiques de C13 norisoprénoides et de monoterpènes dans les raisins de
Melon en fonction des variations de système de conduite et des pratiques d’effeuillage ; NP E1 : non palissé + effeuillé à
nouaison sur une face soleil levant ; NP E2 : non palissé + effeuillé à nouaison sur deux faces ; P : témoin palissé non
effeuillé ; P E1 : palissé + effeuillé à nouaison sur une face soleil levant ; P E2 : palissé + effeuillé à nouaison sur deux
faces ; millésimes 2003 à 2005 ; 3 parcelles
Effets exposition des grappes sur le potentiel aromatique des raisins et des vins – page 6
7. 1600 600
Ac3MH (ng/l)
1400
400 P
1200
P E1
P E2
1000
200 P E1 veraison
800
nd
600 0
2002 2003 2004 2005
9000
/ 3000
3MH (ng/l)
8000
2000 P
7000
P E1
P E2
6000
1000 P E1 veraison
5000
4000 0
2002 2003 2004 2005
Figure 4 : concentration en 3-Mercapto-Hexanol (3MH) et Acétate de 3-Mercapto-hexile (Ac3MH) de vins issus des
différentes modalités d’effeuillage ; P : témoin palissé non effeuillé ; P E1 : effeuillage à nouaison sur une face soleil levant ;
P E2 : effeuillage à nouaison sur deux faces ; PE1 véraison : effeuillage à véraison sur une face soleil levant ; cépage
Colombard ; millésimes 2002-2005
BIBLIOGRAPHIE
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modérés, de l’alimentation en azote et de leurs effets sur le potentiel aromatique des raisins de Vitis
vinifera L. cv. Sauvignon blanc. Thèse de Doctorat Sciences biologiques et Médicales, option
Œnologie-Ampélologie, Université de Bordeaux II, 188p.
Schneider R., (2001) : Contribution à la connaissance de l’arôme et du potentiel aromatique du Melon
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Schneider R., Razungles A., Charrier F. et Baumes R., (2002) : Effet du site, de la maturité et de
l’éclairement des grappes sur la composition aromatique des baies de Vitis vinifera L. cv Melon B.
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Pyrénées. Actes du colloque « Matériel végétal et techniques viticoles » - Station régionale ITV Midi-
Pyrénées, 37-48.
Effets exposition des grappes sur le potentiel aromatique des raisins et des vins – page 7