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GIORDANI
François Antoine
Le Street Art au service de la
Communication
Tutrice : Nathalie Raveau
Directrice des études, Filière communication
Master 2 Communication d’Entreprise et d’Influence
2012/2013
ISCPA Paris
Remerciements
Avant de commencer, je tenais à remercier Nathalie Raveau, notre tutrice, ainsi que
toute l’équipe pédagogique de l’ISCPA pour leur aide.
Je voudrais aussi remercier Yves Colin, Franck De Nebehay et Mademoiselle
Maurice pour avoir gentiment pris sur leur temps pour répondre à mes interviews.
Bonne lecture
SOMMAIRE
Introduction Page 1
Première partie : Page 4
1. L’Art et la Communication
A) L’art, un moyen d’expression Page 4
B) La Communication par l’Art Page 6
2. Street Art et Street Marketing Page 10
A) Origines et développement du Street Art Page 10
a. L’esprit du Street Art Page 10
b. Son histoire Page 11
c. Le Street Art ou la percussion du message Page 12
d. Changement de perception Page 15
e. Les artistes urbains, fins communicants Page 17
B) Street Marketing : contexte et justification Page 20
a. Un contexte médiatique déjà surchargé Page 20
b. Un outil adapté à la surcharge médiatique Page 24
3. Le Street Art, un choix stratégique Page 27
A) Stratégie de marque Page 27
a. Le street art, cure de rajeunissement et effet de surprise
pour les marques Page 27
b. Une tendance instable Page 30
B) Communication Institutionnelle Page 33
a. Le Street Art, vecteur de valeurs Page 33
b. Les artistes urbains en accord avec une stratégie
institutionnelle Page 37
C) La Marque Employeur Page 40
Deuxième partie : Page 42
1. Méthodologie et support Page 42
2. Analyses des Enquêtes Page 45
A) Point de vue du Consommateur Page 45
B) Interviews annonceurs, expériences personnelles et paroles d’artiste
Page 49
a. Fondation Abbé Pierre Page 49
b. L’ISCPA Paris, Institut des Médias Page 52
c. Expériences Personnelles Page 53
d. Mademoiselle Maurice Page 55
C) Facebook, étude comparative Page 58
Conclusion et Recommandations Page 61
Annexes Page 64
Bibliographie Page 134
1
Introduction
Cela fait maintenant plusieurs décennies que les entreprises, les institutions et
autres organismes se servent de l’art dans leurs campagnes de communication.
Cependant, depuis 2010, nous pouvons constater qu’un mouvement artistique
particulier obtient les faveurs des annonceurs. Ce mouvement est le Street Art ou art
urbain. Le street art est, à l’origine, considéré comme du vandalisme, car se faisant
dans la rue, il est souvent associé à la détérioration du mobilier urbain et de l’espace
public d’une manière générale. Malgré ses origines, la perception négative du
mouvement, et les lois qui le sanctionnent, les entreprises et les agences de
communication sont très nombreuses à avoir fait le choix d’utiliser le street art, dans
leurs stratégies de communication.
Etant passionné par le street art et faisant des études de communication dans une
école qui, elle-même, utilise cet art dans sa stratégie de communication, j’ai voulu
essayer d’analyser le phénomène.
Cette passion je la vis quotidiennement depuis maintenant presque 4 ans. Elle se
traduit par plusieurs heures de recherche par jour, sur les évènements à venir, sur
l’actualité des artistes et par un nombre d’heures incalculable passé dans la rue à la
découverte de ce que j’appelle des œuvres et que d’autres appelleront des dessins,
des signatures ou du vandalisme. Toutes ces recherches ont un but, celui d’alimenter
ma communauté à travers mon blog et mes différentes pages sur les réseaux
sociaux. A travers ce blog, j’ai acquis une certaine légitimité, car aujourd’hui « My
Urban Island » est suivi par plus de 12000 personnes sur l’ensemble de ses pages.
J’ai donc pu voir l’ampleur de l’engouement développé autour de l’art urbain, ces
trois dernières années. Ce mouvement artistique, tourné d’une manière générale
vers la jeunesse, a réussi à faire tomber les barrières sociales et à intéresser des
personnes de tous âges et issues de toutes les strates de la population. Il n’est donc
pas étonnant que les entreprises s’y intéressent de plus prêt.
2
Mes réflexions autour du sujet m’ont amené à la problématique suivante : « Le street
art en communication, est-il un outil qui peut s’inscrire dans une stratégie à moyen ou
long terme, ou est-il simplement utilisé comme un effet de mode ? »
Afin de répondre à cette question, il nous faudra analyser les liens particuliers
existant entre l’art et la communication, d’une manière générale.
Par la suite, nous allons essayer de comprendre d’où vient cet intérêt pour le street
art, que ce soit de la part des entreprises et des institutions, ou du côté du
consommateur, à savoir le public. Ce dernier avant d’être un consommateur, est
plutôt un amateur d’art urbain ou juste une personne ayant un avis à donner.
D’ailleurs, le fait d’essayer de transformer un amateur de street art, art qui est
accessible à tous gratuitement, en consommateur n’est ce pas un pari à court
terme ? Le street art que nous connaissons aujourd’hui s’est, depuis son
développement, toujours imposé comme un mouvement anti-capitaliste et en
opposition à la publicité. De ce fait, les adeptes et certains artistes, pourraient
afficher une nette opposition à cette récupération de « leur » art, par les entreprises
et plus globalement, les annonceurs. C’est pour cela que nous allons essayer de
comprendre quels en sont les codes.
Du côté des entreprises cet intérêt est peut-être, d’une part, le reflet de la crise
financière qui touche l’ensemble des pays occidentaux, depuis maintenant 5 ans. En
effet, les budgets communication ont diminué d’une manière générale et l’art urbain
pourrait être un outil moins coûteux, à l’image du street marketing qui s’inspire
fortement des détournements de mobiliers urbains et des détournements des sujets
d’actualité, faits par ce mouvement. D’autre part, cet attrait peut être le fruit d’un art
arrivé à maturité, dont l’institutionnalisation se fait progressivement depuis 2005. La
façon dont les entreprises vont utiliser le street art ou ses codes ainsi que les
objectifs qui les poussent à le faire, nous donneront des éléments de réponse.
Mais il n’y a peut être pas de réponse catégorique à notre problématique. Une
stratégie de communication institutionnelle peut-elle utiliser le street art de la même
manière qu’une stratégie de marque ? Quelle en sera l’efficacité pour chacune
d’entre elles ? Il me semble important de voir l’application de ce phénomène dans
plusieurs cas concrets et dans différentes stratégies, afin de pouvoir en faire une
analyse, qui soit la plus précise possible.
3
Pour amener mon raisonnement à terme, j’ai donc établi deux phases.
La première sera une phase d’information où je rappellerai et expliquerai différents
concepts comme l’alliance entre l’art et la communication ou encore le street
marketing. Tous les éléments abordés, seront rattachés à un exemple concret.
La deuxième phase quant à elle, sera une analyse de mes enquêtes auprès du
public et des professionnels. En effet, afin d’alimenter mon explication de manière
qualitative, j’ai réalisé plusieurs interviews d’artistes ou d’entreprises ainsi qu’un
questionnaire public, diffusé sur les réseaux sociaux, à questions ouvertes. Les
campagnes de communication autour du street art étant majoritairement relayées par
une stratégie digitale, j’ai décidé de réaliser une étude comparative, sur les réseaux
sociaux, entre les pages des artistes reconnus et les pages des entreprises ayant
utilisé ce mouvement.
Une autre étude comparative sera réalisée entre les pages street art et des pages
dédiées à d’autres mouvements artistiques. Ceci afin de savoir quelle est l’influence
du street art et sa capacité à faire le buzz sur les réseaux sociaux.
Le développement de l’analyse va donc se faire en deux parties présentées :
- une première partie informative, dans laquelle j’exposerai dans un premier temps,
les liens entre l’art et la communication. Je définirai ensuite le street art et ses codes,
ainsi que le street marketing. Enfin, je présenterai l’utilisation de l’art urbain dans
différentes stratégies, telles que la communication de marque, la communication
institutionnelle et la marque employeur.
- la deuxième partie abordera l’analyse appliquée aux enquêtes réalisées. Je
définirai d’abord la méthode de manière précise, au niveau des outils et supports
utilisés. Ensuite j’en ferai l’analyse et terminerai enfin par une synthèse, où seront
mis en relation les éléments de l’enquête et les informations de la première partie.
Puis je conclurai, donnerai la réponse à la problématique et ferai des
recommandations.
l
4
Première Partie
1. L’Art et la Communication
A) L’Art, un moyen d’expression
Donner une définition de l’art n’est pas chose aisée. Dans l’histoire, les grandes
périodes artistiques se sont succédées avec chacune sa propre définition de
l’activité. L’art est avant tout quelque chose dont on s’émerveille, qui nous interpelle,
nous interroge et nous étonne. Il est certain cependant, que chaque individu et plus
généralement chaque pays, ont leur propre vision de la beauté et de l’excellence.
Quoiqu’il en soit l’art ne laisse personne indifférent car comme a dit Romain Rolland
« L’art est la source de vie ; il est l’esprit du progrès et donne à l’âme le plus précieux
des biens : la liberté ; et nul n’en jouit plus que l’artiste. ». (Rolland, Romain. 1908:
Musiciens d’aujourd’hui, Hachette et Cie, 278p).
Cette activité, que l’on soit acteur ou spectateur, fait appel à nos émotions, à notre
créativité, à notre imaginaire, mais pas seulement. Le cerveau et ses mystères jouent
un grand rôle dans la création et l’interprétation. L’art a un aspect psychologique
indiscutable. Lorsque l’on crée ou que l’on contemple une œuvre, il y a une intense
impression d’évasion. Un moment où l’on se retrouve seul, où tous nos sens se
mettent en action. Une sorte de réaction chimique, entre l’œuvre et soi-même. D’une
manière générale, on peut dire que l’art est une activité solitaire, dans laquelle
chacun peut se retrouver.
Aujourd’hui, en France, l’art est un terme assez large, regroupant plusieurs domaines
tels que la cuisine, le cinéma, la musique, la poésie, la littérature, la peinture, le
dessin, la photographie, et j’en passe. Ce que l’on constate, c’est que tous ces
5
domaines correspondent à des activités où l’être humain peut s’exprimer. Il peut
exprimer sa créativité, son imagination, sa pensée ou encore sa vision du monde.
Mais l’art est fascinant pour la majeure partie des êtres humains, car si tout le monde
peut interpréter une œuvre à sa manière, tout le monde n’a pas la capacité de la
créer, dans quelque domaine que ce soit. Ce que l’on appelle la « fibre artistique »
est quelque chose d’inné et tout le monde n’en est pas doté. Certes, le travail peut
compenser ce manque, mais le travail ne suffit pas pour être un Van Gogh ou un
Paul Bocuse. Ce qui fait que nous sommes en admiration devant ces artistes, dans
leur domaine respectif, c’est parce que le commun des mortels n’est pas capable de
réaliser une œuvre, qui marquera son époque et nous en avons conscience.
Car l’art, du fait d’être un moyen d’expression, est le reflet d’une histoire et d’une
époque. Dans la suite de l’analyse, lorsque je parlerai d’art, je parlerai de l’art que
l’on trouve actuellement dans les musées et les galeries, à savoir la peinture, le
dessin ou encore la photographie. Nous pourrions l’appeler l’art visuel, même si la
cuisine ou le cinéma, par exemple, font appel eux aussi à nos yeux. Mais d’autres
sens comme l’ouïe ou l’odorat y entrent en action. Si l’on se réfère à de grands
courants artistiques, comme le baroque ou encore le romantisme pour ne citer
qu’eux, en dehors des techniques, ce qui change c’est le contexte. Les scènes que
l’on retrouve dans ces peintures d’époque décrivent des codes sociaux et font passer
des messages représentatifs de certaines périodes de l’histoire. Les historiens de
l’art sont capables d’identifier un style et une époque, en un coup d’œil.
Mais le plus étonnant dans l’art est l’aspect intellectuel, psychologique qu’il génère
chez les individus. Le meilleur exemple est celui du traitement de la maladie par l’art.
Dans toutes les maladies « lourdes » et inscrites dans la durée, l’art est une thérapie,
qui permet de s’évader, d’oublier la pathologie et de rester actif à travers la création.
Lors d’un stage à la Ligue contre le cancer, j’ai pu m’en rendre compte. Ma mission
était de recueillir des contributions de malades et de leur proche afin de faire évoluer
la prise en charge générale, des personnes atteintes du cancer. Dans de
nombreuses contributions, les personnes concernées, demandaient que soient
organisées des activités artistiques, voire même qu’il y ait un espace artistique et
culturel au sein de l’hôpital. Cela leur permettait d’oublier leurs maladies et leur
donnait surtout l’impression de vivre normalement. Claude Kunetz, producteur de
cinéma, a eu l’occasion de travailler dans un hôpital psychiatrique pour le tournage
6
du film « Rien, voilà l’ordre ». Lors d’une interview pour l’AMA, l’Art Media Agency, il
déclara « le directeur de l’hôpital m’a confié, que notre présence avait été bénéfique
pour les malades et que notre départ serait terrible. Je suis allé le voir le lendemain
pour lui suggérer d’ouvrir un centre culturel dans l’hôpital, ce sur quoi il a rebondi en
souhaitant me confier la mission ». (Art Media Agency. 11 Avril 2013: AMA
Newsletter 97). Pour aller encore plus loin et percevoir la puissance de l’effet
artistique sur le cerveau humain, nous pouvons nous intéresser à la maladie
d’Alzheimer. Cette maladie est une maladie dégénérative touchant la mémoire. Les
personnes atteintes commencent par oublier des choses qu’elles viennent de faire,
puis petit à petit elles oublient leur nom, elles ne reconnaissent plus les personnes
de leur entourage, leur propre famille, et au stade final elles ne savent même plus
comment subvenir à leurs besoins naturels. L’instinct de survie est totalement
anéanti. Or, on peut constater, que les personnes ayant un don artistique, quel qu’il
soit, comme la peinture ou la capacité à jouer d’un instrument de musique, ne
l’oublient pas. Au stade le plus avancé de la maladie, les malades sont capables de
jouer du piano ou de réaliser une peinture, alors même qu’elles ne savent plus
comment faire pour manger.
L’art a donc un effet incontestable sur l’être humain. Voire même un effet
inexplicable. A travers la création et son aspect visuel, l’art est une activité qui
stimule les sens de chacun. Il était donc normal, qu’un moyen d’expression stimulant
soit utilisé, par les agences de communication et les entreprises, afin de faire passer
des messages à la population. Mais l’art n’est pas seulement un vecteur de
communication externe, les entreprises l’utilisent aussi en interne.
B)La communication par l’Art
Aujourd’hui, de nombreuses sociétés sont des mécènes dans le domaine artistique.
Mais ce n’est pas tout, lors d’un stage chez BNP Paribas, j’ai eu l’occasion de
rencontrer la personne en charge des activités culturelles de la fondation BNP
Paribas. Elle me confia que la fondation achetait régulièrement des œuvres d’art.
Selon elle, l’achat de ces œuvres était un moyen de s’investir dans la vie culturelle
7
d’un pays, de montrer à la population que la banque n’était pas seulement là pour
« prendre l’argent », qu’elle voulait également participer à l’évolution de la société
tout en étant le témoin d’une époque. « Acheter des œuvres d’art est une manière de
dire à la population et aux clients, que nous nous intéressons à eux » m’a-t-elle dit.
On peut y voir aussi d’autres raisons, dont une importante : Les avantages fiscaux.
Avec la loi Aillagon de 2003, les entreprises faisant des donations ont droit à un
avantage fiscal, à certaines conditions. Cela est valable pour des donations à des
causes d’intérêt général, l’art en fait partie à travers la culture. « Les versements faits
dans le cadre du mécénat ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 60% de leur
montant. Cette réduction est toutefois plafonnée : les versements sont pris en
compte dans la limite de 0.5% du chiffre d’affaire, hors taxes, de l’entreprise
donatrice ». En ce qui concerne l’art plus particulièrement, « les entreprises qui
achètent des œuvres originales d’artistes vivants et les inscrivent à un compte d’actif
immobilisé peuvent amortir cet investissement. Une dotation égale à un cinquième
du montant, peut être déduite du résultat, lors de l’acquisition et durant les quatre
années suivantes ». (Corone, Stéphane. 2011 : Mécénat : Quels sont les avantages
fiscaux pour une entreprises ?).
Ce genre d’acquisition joue aussi un rôle important, en interne. Les œuvres achetées
doivent être exposées. De ce fait, il ne s’agit pas non plus de choisir une œuvre au
hasard. Elle doit ressembler à l’entreprise. Elle doit pouvoir en transmettre les
valeurs à ses employés. Lorsque le choix est fait de manière réfléchi, l’art est un
véritable outil de communication interne. Les employés en contact avec les œuvres
peuvent se considérer privilégiés car l’achat d’une toile de Maître est financièrement
difficile, pour la majeure partie des individus. Par ailleurs, ils auront plus de plaisir à
venir travailler dans un environnement, qui incite à la création. Car les œuvres
stimulent l’imagination et appellent à la créativité.
Dans le cadre d’une campagne de communication de marque, ce qui prime c’est
l’esthétique. Comme nous l’avons vu, l’art stimule nos sens à travers l’aspect visuel.
Par conséquent, pour être visible au bon moment et au bon endroit, l’art est un outil
plus que légitime. Il permettra d’accrocher le regard du consommateur. Il va
l’interpeller, et si l’on considère, comme expliqué précédemment, que l’art donne
8
l’impression d’être privilégié, cela créera alors le désir chez le consommateur, ce qui
facilitera l’acte d’achat.
Cette sensation de privilège, les grandes marques de luxe l’ont parfaitement
intégrée. Elles l’ont même faite évoluer, en sentiment de réussite sociale. L'art coûte
cher, son acquisition est réservée à une élite. Les produits de luxe ciblent l’élite,
ciblent les gros revenus. Les marques de luxe sont par conséquent, celles qui font le
plus souvent appel à l’art, dans leur stratégie de communication. Le cas Prada est un
bon exemple. Les nombreuses collaborations ne se comptent plus. Mais prenons
l’exemple de la collection de 2008. La tendance était aux imprimés graphiques,
rappelant le cubisme. En plus de la collection, elle-même, la marque avait choisi de
travailler avec l’artiste dessinateur James Jean, pour les visuels de la campagne.
Rappelant un monde féérique, cela fut un succès. (Annexes 1, page 64 : James
Jean) Mais l’idée de Prada était d’avoir une stratégie cohérente, autour de l’art. Pour
cela, Prada a demandé à James Jean de réaliser une œuvre géante sur la façade du
siège de la marque. Par la suite, ils ont collaboré avec des architectes de renom,
pour créer un nouveau genre de boutique dans laquelle le luxe, le commerce et l’art
se côtoient. L’objectif est de faire adopter un style de vie. En achetant un produit
Prada, on doit se retrouver dans un monde où tout est « exceptionnel ». Les
magasins Prada et les produits sont créés, pour que la clientèle se sente, elle-même,
exceptionnelle. (Bidoli, Stefania. 2010 : Art et luxe : le cas Prada).
Nous pouvons retrouver une belle réussite de communication par l’art sur des
produits de consommation courante. Comment un petit pot de yaourt, en verre, est-il
devenu une référence, grâce à son territoire publicitaire ? La Laitière, sous marque
de Nestlé, est devenue une référence, par son emblématique femme aux formes
généreuses, tenant une cruche de lait entre ses mains. Cette femme provient de la
peinture de Vermeer intitulée, elle aussi, « La Laitière ». (Annexes 2, page 65 : La
Laitière) Ce choix semblait être une évidence pour Michel L’Hopitault, directeur de
l’agence en charge de la création, « quoi de mieux que cette femme nourricière
versant du lait, symbole de chaleur et de générosité ». En effet, à l’époque où le
yaourt a été lancé, au début des années 70, la culture de la mère au foyer était très
affirmée. De plus la laitière représentait une femme de la fin du XVIIIème siècle et
rappelait la tradition française, ainsi que sa culture et ses chefs d’œuvres. Ce fut un
succès immédiat. Aujourd’hui, il ne serait même plus utile de rappeler la marque, sur
9
le pot de yaourt, tellement ce visuel permet de l’identifier au premier coup d’œil.
(Watin-Augouard, Jean. 2008 : Saga La Laitière).
Internet n’est pas en reste, sur le thème de l’art. La société, certainement la plus
puissante de notre époque, Google, a lancé un projet d’une grande ampleur. Ce
dernier s’appelle le « Google Art Project ». L’objectif est de mettre à disposition de
l’internaute, le plus grand nombre d’œuvres d’art exposées, dans les plus grands
musées du monde, en un seul clic et sans qu’il ait à bouger de chez lui. Google est à
l’origine un moteur de recherche. Ce projet, nécessitant un travail monumental, n’est
certainement pas le fruit du hasard. On peut facilement imaginer, qu’en tant que
moteur de recherche, ayant accès à des millions de données, Google réponde à une
très forte demande de la part de la population mondiale. Le Google Art Project
« propose à ses partenaires artistiques, issus de plus de 40 pays, de travailler à
préserver et à promouvoir la culture en ligne ». (Art Media Agency. 11 Avril 2013:
AMA Newsletter 97) Mais pour être cohérent avec ce but, Google ne pouvait passer
à côté de l’art urbain ou street art. Et pour cela, la société a rajouté un aspect à son
projet, appelé le « Street View » ou encore le « Google Street Art Project ». Ce projet
arrive en réponse à une demande de plus en plus croissante du public, très friand de
ce courant artistique. Dans ce projet, l’internaute n’est plus dans un musée, mais
dans la rue et se balade à la découverte des œuvres réalisées par les artistes
urbains.
Depuis la fin du XIXème siècle, l’art et la communication ont très souvent été liés.
Selon les historiens, ces liens se sont renforcés lors de « l’Affichomanie »,
mouvement lié au développement des techniques d’impression en grande quantité et
de la communication de masse. Je dirais même que l’Affichomanie est plus
particulièrement liée au street art et je vais vous expliquer les raisons dans un
second chapitre.
10
2. Street Art et Street Marketing
A)Origine et développement du Street Art
Sheipard Fairey : « Je crois beaucoup à cette formule de Marshall McLuhan : Le
médium, est le message. Je pense que son inscription dans la rue donne au street
art une signification supplémentaire. Elle signifie que l’artiste a accepté le risque
d’être arrêté et blessé, de donner son art gratuitement au public et de s’affronter,
pour gagner l’attention, à la concurrence de la publicité, de la signalétique et d’autres
formes de street art. »
a. L’esprit du street art
Le nom « Street Art » est un terme assez récent qui sert à définir une signature, un
sigle, une marque appliquées dans la rue, afin d’affirmer une opinion politique,
religieuse, d’exprimer un sentiment ou de marquer un territoire.
Depuis longtemps, les historiens attribuent les grands courants artistiques comme le
baroque, le classicisme, le romantisme, le réalisme, et autres impressionnisme et
cubisme, à de grandes périodes de notre histoire. Cependant, en marge de ces
grands courants, existe une forme d’art qui ne correspond à aucune époque et qui
est appelée street art ou art urbain. Ce courant est un peu « l’enfant rebelle » du
monde de l’art. Pendant des décennies, il a été considéré comme du vandalisme, ne
répondant pas aux codes traditionnels et n’étant présent que dans l’espace public,
loin des musées et autres galeries. De plus, « cet art est souvent le fait d’individus ne
revendiquant pas, de prime abord, faire de l’art. Mais comme de nombreux artistes
(et contrairement aux publicitaires), ils s’appliquent à élaborer des images et des
messages ayant avant tout un rapport avec eux-mêmes. » (Stahl, Johannes. 2009:
Street Art, h.f. Ullmann, 287p.).
Pourquoi parler d’enfant rebelle ?
11
Ce terme est utilisé en psychologie pour définir un enfant indocile. Les spécialistes
affirment que l’enfant rebelle fera, dans une grande partie des cas, un adulte créatif.
De plus, le fait de lui imposer des règles l’incite à les transgresser et le pousse à la
confrontation.
Aujourd’hui, cette brève définition correspond parfaitement à l’esprit de l’art urbain.
Art « hors la loi », il s’appose dans la rue contre toute autorisation, il est considéré
comme non conforme. Etant de tous temps et en tous lieux, la multiplicité de ses
formes et de ses supports laisse place à une créativité sans limites. Chaque
personne pouvant être un artiste urbain, il est difficile de définir un cadre ou des
normes pour ce courant artistique. L’imaginaire et les opinions de chacun se
traduisent différemment, car chaque personne est unique. Or, « les phénomènes
créatifs émanant de la rue constituent non seulement un critère de référence pour la
création artistique, mais aussi un indicateur historique important. » (Stahl, Johannes.
2009: Street Art, h.f. Ullmann, 287p).
b. Son histoire
De nombreux historiens de l’art déterminent l’apparition de l’art urbain dans le
courant du premier siècle à Pompei. Il représentait alors des sigles religieux et plus
particulièrement, correspondait à la naissance du christianisme. Mais pas seulement.
Ces peintures ou gravures ont aussi été attribuées aux gladiateurs voulant laisser
une marque de leur passage dans les couloirs des arènes. L’aspect social de cet art
est donc indiscutable.
Par conséquent, pourquoi limiter l’histoire du street art au premier siècle de notre
ère ? En effet, les premiers marqueurs sociaux remontent à l’époque de l’homo
sapiens, qui peignait avec ses mains, des scènes de la vie quotidienne comme des
scènes de chasse. Puis l’homme de Cro-Magnon suivit et continua l’évolution.
Ces signatures et marques de l’histoire se sont multipliées au fil des siècles,
apparaissant aussi bien durant les grandes périodes d’évolution de l’environnement
qu’avec les premières bâtisses en pierre marquées de manière discrète par leurs
architectes. Avec l’évolution des mœurs et des croyances aussi, à l’image des
12
Templiers, qui ont laissé de nombreuses traces religieuses dans les forteresses et
souterrains.
Mais dans l’histoire, la majorité des signatures, des messages apposés sur les murs
par l’homme, s’est faite dans des moments difficiles, souvent violents, comme les
périodes de guerre ou de lutte politique. L’un des exemples les plus marquants est
celui des déportés juifs qui, avant d’être exécutés, gravaient leur nom ou des
messages amoureux sur les murs de leur enfer. Il en est de même pour les
prisonniers politiques, qui laissaient des messages d’espoir ou de détresse dans leur
prison.
Cependant, c’est au XIXème et XXème siècles que l’art urbain a subit ses plus
grosses évolutions. Il fut, d’abord, utilisé pour des causes politiques et commerciales,
avec l’essor de l’affiche publicitaire. Puis, servit à marquer et à affirmer un territoire
au cœur des villes. Ce sont les gangs américains, durant leurs batailles rangées, qui
l’utilisaient comme moyen d’intimidation.
Aujourd’hui, l’art urbain est arrivé à maturité et prend des formes diverses. Toujours
porteur de messages, la créativité est le maître mot. Coloré, engagé et éphémère, il
fait partie intégrante de la culture des nouvelles générations. Autrefois controversé, Il
est, au XXI siècle, réclamé par la population et pas seulement.
c. Le street art ou la percussion du message
Parler de l’affiche publicitaire comme source du street art moderne, peut paraître un
contre-sens, quand on sait qu’aujourd’hui une réelle opposition existe entre les deux.
L’affiche publicitaire est le symbole de la ville industrielle et du capitalisme et leur
évolution est liée. Dès son apparition, la publicité a cherché l’efficacité dans une
communication de masse avec un message percutant. Le développement de la
lithographie a permis la reproduction en grande quantité et son adaptation à
différentes tailles.
De grands noms, tels que Jules Chéret et son affiche pour le Moulin Rouge, ou Privat
Livemont avec l’Absinthe Robette, par exemple, ont contribué à faire évoluer les
codes de la publicité. Cette évolution se caractérise par des affiches contenant peu
13
de texte, mais avec des mots bien choisis et des images hautes en couleur, très
représentatives de leur sujet. (Annexes 3, page 66 : Jules Chéret, Privat Livemont et
Fortunato Depero)
Le peintre italien Fortunato Depero, auteur des affiches Campari, dont tout le monde
se souvient encore, décrit l’affiche publicitaire comme « un art franchement coloré,
forcément synthétique, un art fascinant qui s’installe avec audace sur les murs, sur
les façades des immeubles, dans les vitrines, dans les trains, sur le revêtement des
routes, partout, art vivant, multiplié, et non pas isolé et enseveli dans les musées »
(Depero, Fortunato. 1932: Le Manifeste de l’art publicitaire).
Il y a un pays où l’efficacité de l’affiche publicitaire a vite été comprise : c’est la
Russie. L’artiste Rodtchenko était un des chefs d’orchestre d’une génération, qui
souhaitait la fin du tableau, considéré comme un support accessible uniquement aux
bourgeois. Ses œuvres, superposition de photos, de formes géométriques et de
textes, ont été l’une des sources d’inspiration de la propagande politique
communiste. (Annexes 3 Bis, page 67 : Affiches Rodtchenko) « En 1918, Lénine
lance ainsi une campagne de propagande d’art dans l’espace public, qui se décline
principalement sur deux supports : la fresque murale et l’affiche. » (Lemoine,
Stéphanie.2012 : L’art urbain du graffiti au street art, Découvertes Gallimard, 127p).
A cette époque-là, déjà, nous pouvons retrouver de grands principes de la
communication politique, encore utilisés aujourd’hui.
- Tout d’abord l’empathie, comme par exemple à travers la peur de l’ennemi,
qui, en communication, peut servir une forme de manipulation de la cible. Le but est
de prouver que la communication est basée sur un échange, lequel doit créer du lien.
- Il y a aussi la crédibilité, pour que le message passe bien, il faut qu’il ait un
semblant de réel. Il peut passer par une personne crédible qui véhicule le message
de façon efficace. C’était le cas des affiches de propagande du début de l’ère
communiste où Lénine et Staline étaient souvent représentés. Quelqu’un qui détient
le pouvoir et a de l’autorité, en les engageant pour faire passer le message,
représente une forme puissante de crédibilité.
- L’auto confirmation des croyances est aussi l’un des grands principes utilisés
dans la propagande russe. C’est un principe fondamental, car l’ensemble des
14
personnes agit de la même manière. Cela consiste à chasser l’objectivité des autres
et rester dans sa propre subjectivité, parce qu’on estime que c’est la seule vérité. Ne
voir que ce qui nourrit les croyances et tout ce qui va aller dans le sens de ces
croyances.
- L’idée de communication digitale était également parfaitement appliquée :
C’est une communication identitaire, qui n’est pas interprétable, très codifiée, tout le
monde comprend la même chose. Le code emblématique des affiches publicitaires
de l’époque était la couleur rouge. Le rouge représentait le communisme. Aujourd’hui
encore en politique, partout dans le monde, le rouge reste la couleur de ce
mouvement.
- Enfin, le concept qui a fait que ces affiches ont eu une grande force aux yeux
de la population est appelé vulgairement, le « changement d’herbage réjouit les
veaux ». Cela signifie que la nouveauté attire la curiosité et crée de la stimulation. En
communication, la nouveauté est très importante pour susciter un intérêt chez les
autres. Les premières publicités de Rodtchenko étaient totalement novatrices de par
leur structure.
A ce jour, l’un des artistes urbains les plus connus au monde, Shepard Fairey alias
« OBEY », a construit sa renommée au début des années 90, sur les codes de la
propagande russe et sur le concept de la communication de masse. Son support de
prédilection, le sticker (autocollant). A l’origine de son action, une volonté de
dénoncer le monde capitaliste en utilisant son arme favorite, à savoir la publicité. A la
manière des grandes firmes américaines, il décide d’investir l’espace public avec son
sticker « Andre the Giant ». « Andre the Giant » est un catcheur français ayant joué
un rôle important dans l’histoire de la fédération américaine de catch. (Annexes 4,
page 69 : Shepard Fairey – Andre The Giant) Ce choix n’a pas été fait au hasard,
Shepard Fairey avait le souhait de lancer une contre-culture au mouvement
underground, issu des skateurs américains. (Wikipedia: Andre The Giant has a
Posse). Plus que la critique de ce mouvement, son but était surtout de montrer, qu’il
pouvait utiliser la manipulation médiatique pour se faire connaitre. Dans le film
« Faites le mur » sorti en 2010, OBEY affirmera, qu’il avait collé plus d’un million de
stickers à travers le monde. Sa version du visage d’Andre the Giant est connue sur
toute la planète, et son nom y est directement associé.
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Sa notoriété et son style, reconnaissable entre tous, lui ont valu les faveurs de
Barack Obama pendant la campagne présidentielle de 2008. En effet, Shepard
Fairey est à l’origine de l’affiche mondialement connue « Hope », représentant le
visage de celui qui sera le futur président américain. (Annexes 4, page 70 : Shepard
Fairey – Obama) Cette affiche est un dessin utilisant tous les codes de la
propagande russe et par conséquent tous les codes de la communication politique
décris plus haut. Cette campagne d’affichage a eu un impact incontestable sur
l’élection de Barack Obama. Elle est le symbole du « Yes we can » et du message
d’espoir véhiculé par le parti démocrate.
Tout comme son sticker d’Andre, cette affiche est connue dans tous les pays. OBEY
a utilisé sa notoriété et son support favori pour défendre une cause politique. Le lien
entre le street art et le message politique est encore une fois incontestable. De plus
cela renforce le paradoxe entre l’esprit du street art, quelque peu considéré comme
un mouvement anarchique et son utilisation par le pouvoir, pour transmettre un
message percutant et marquant.
Cette relation entre l’art urbain et la politique peut s’expliquer de deux manières. Tout
d’abord par le fait que ce mouvement artistique prend sa source dans la rue, à savoir
l’espace public, et d’autre part parce qu’il est un moyen d’expression, qui n’est pas
contrôlé par les gouvernements. Cependant, dire qu’il n’est pas contrôlé ne signifie
pas, qu’il n’est pas ou ne peut pas être utilisé par l’Etat.
d. Changement de perception
Ce qui montre l’importance de ce phénomène et le changement de mentalité de la
population vis-à-vis de cet art, c’est autant l’adoucissement officieux de sa législation,
que sa récupération par les entreprises.
«Je ne peux m’empêcher de penser que ces mêmes personnes qui détestaient,
maltraitaient et parlaient en mal de tout ce mouvement, sont les mêmes qui sourient
et apprécient aujourd’hui!» Ce verbatim de MC93 traduit l’évolution de cet art, enfin
arrivé à maturité.
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D’un point de vue législatif, en France, « lorsqu'ils ne sont pas faits sur des supports
autorisés, les graffitis constituent, une destruction, une dégradation ou une
détérioration volontaire d'un bien appartenant à autrui, qui est punie :
 d'une contravention de 5e
classe (1 500 euros ou plus) s'il n'en résulte qu'un
dommage léger (Article R.635-1 du Code Pénal).
 d'une amende pouvant atteindre 30 000 euros et d'une punition pouvant atteindre
2 ans d'emprisonnement dans les autres cas (Article 322-1 du Code Pénal).
L'article 322-1 du Code Pénal prévoit aussi que le fait de tracer des inscriptions, des
signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les
voies publiques ou le mobilier urbain est puni de 3750 euros d'amende et d'une peine
de travail d'intérêt général, lorsqu'il n'en est résulté qu'un dommage léger. Il est
complété par l'article 322-2 qui prévoit que la sanction est relevée à 7500 euros
d'amende et d'une peine de travail d'intérêt général, lorsque, entre autres, le bien
détruit, dégradé ou détérioré est destiné à l'utilité ou à la décoration publiques et
appartient à une personne publique ou chargée d'une mission de service public ».
(Wikipedia: Lutte Anti Graffiti).
Dans les faits, il y a un contrôle à deux vitesses. D’une part, les « graffeurs »
spécialistes du lettrage et de la signature, qui représentent le vandalisme, le tag fait à
la sauvette. Et de l’autre, les « artistes urbains », qui réalisent des œuvres artistiques
du type de la fresque et qui sont définis ainsi, car leurs œuvres suscitent l’intérêt, la
curiosité et l’émotion au cœur de la population. Or, qu’ils soient graffeurs ou artistes
urbains, ils représentent tous le street art.
La séparation est nette du point de vue de la loi. En effet, aujourd’hui, seuls les
graffeurs sont traqués et condamnés. Bien que leurs signatures commencent à se
vendre, comme n’importe qu’elle œuvre de street art, dans les galeries, leurs
empreintes sont toujours considérées comme de la détérioration.
En France, la SNCF et la RATP, chargées d’une mission de service public,
contribuent à cette mauvaise perception de la « signature », en menant une guerre
contre les graffitis, qui recouvrent les trains. Les graffeurs coûteraient plusieurs
millions d’euros à ces sociétés, qui doivent nettoyer et repeindre à chaque
« détérioration ». Or, d’autres détériorations, au sens de la loi, sont faites et laissées
telles qu’elles dans les couloirs et sur les quais des gares. Celles-ci sont réalisées
17
par les artistes urbains. Depuis quelques mois, dans Paris, nous pouvons constater
l’apparition d’œuvres réalisées sans autorisation, dans les espaces publicitaires
situés sur les quais. Un artiste se dégage, il s’appelle M. Chat et est franco-suisse.
C’est un artiste reconnu à l’international, il a appliqué son chat jaune un peu partout
dans le monde. Il bénéficie d’une très bonne cote sur le marché de l’art. Dans les
gares de Barbès et d’Etienne Marcel par exemple, ses chats n’ont pas été recouverts
par de vraies campagnes de publicité.
La notoriété d’un artiste et sa valeur artistique ont donc un impact réel sur
l’application de la loi. Banksy, l’artiste le plus connu ou du moins le plus mystérieux
du mouvement street art parcourt le monde avec ses pochoirs légendaires. (Annexes
5, pages 71/72 : Banksy) Dans son film, « Faites le mur », il raconte qu’il y a une
dizaine d’années, il était recherché par toutes les polices européennes et en premier
lieu celle de l’Angleterre, d’où il est originaire. Personne ne connaît son identité ou
son vrai nom. Un soir, à la fin des années 2000, alors qu’il était en train de réaliser un
pochoir, il se fit attraper en flagrant délit par un policier, qui lui demanda…un
autographe et le laissa partir.
Cette anecdote démontre à quel point les artistes urbains et leur technique de
communication ont permis de modifier le regard de la société, sur le street art. A la
manière de lobbyistes, ils ont su intégrer leur mouvement, dans toutes les strates de
la société, du policier à l’ouvrier ou du pauvre au riche.
Nul doute que leur notoriété soit le fruit de leur communication de masse et du
développement d’internet.
e. Les artistes urbains, fins communicants
La popularité du street art et de ses représentants s’est développée avec l’apparition
et l’évolution du digital. Les artistes ont, comme cela a été expliqué précédemment,
parfaitement intégré les codes de la communication de masse en multipliant leurs
œuvres dans la rue. Mais l’élément qui a fait, que le street art est arrivé à maturité,
est incontestablement la création des réseaux sociaux. Un réseau social permet de
créer une page personnelle, alimentée par des vidéos, des photos ou des textes.
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L’intérêt de ce genre de réseau est de créer des communautés ou des cercles de
partage. En dehors des cercles d’amis et de familles, les gens se rejoignent autour
d’une passion, d’un métier ou d’un quelconque centre d’intérêt. Les réseaux sociaux
sont basés sur un principe sociologique connu de tous, celui qui dit que chaque
personne ressent le besoin d’appartenir à un groupe pour exister.
De nombreux réseaux existent mais le numéro un, celui qui bat tous les records
d’audience est Facebook. Facebook est utilisé par un internaute sur deux, soit par un
milliard de personnes sur la planète. Chaque jour plus de 300 millions de photos sont
échangées. Le taux de pénétration de la population est, par conséquent,
extrêmement élevé et apporte un pouvoir indéniable à qui sait utiliser cet outil. Les
artistes issus du street art ont très vite compris l’intérêt du réseau social.
En effet, comme ils ont su intégrer la communication de masse dans leur stratégie de
communication, ils sont devenus des professionnels du « community management ».
C’est-à-dire qu’ils savent parfaitement gérer et développer une communauté.
Aujourd’hui, chaque artiste urbain, qu’il soit reconnu ou pas, possède une page
personnelle sur Facebook et autres Twitter, Instagram, Pinterest. A travers le partage
d’images, ils ont pu s’introduire dans de nombreux foyers. Leur raisonnement en
19
terme de communication, est clairement le même que celui des publicitaires. Depuis
le départ, c’est une sorte de pied de nez à ce qu’ils combattent. Leurs œuvres sont
désormais accessibles à tout le monde, sur toute la planète, de chez soi et surtout de
manière gratuite. Tout comme les grandes entreprises, les artistes ont fait le choix
d’aller chercher le public et non d’attendre qu’il vienne à eux. Le fait que ce soit
gratuit, avec des messages à valeur sociale et bien entendu artistique, a permis de
toucher plus facilement l’audimat. Car à la différence des entreprises, le premier but
de l’artiste urbain n’est pas de vendre, mais bien de se faire connaitre ou de faire
connaitre son art et de rapprocher les gens. L’échange de photos n’a pas été leur
unique stratégie, pour développer leur audience.
La géolocalisation intégrée à ces réseaux et leur développement sur mobile ont
poussé les gens à descendre dans la rue, pour avoir une idée précise de ce qu’ils
apprécient. En effet, de nombreux outils permettent de connaître la localisation d’une
œuvre dans la rue. Connaissant l’aspect éphémère de ce mouvement artistique et
l’aspect viral d’un réseau social, les passionnés ont eu la possibilité d’aller prendre
des photos et de les partager immédiatement avec le reste de leur communauté. En
2013, Facebook est le site numéro un de l’information en temps réel. Plus rapide que
la presse, plus rapide que la télévision, internet et les réseaux sociaux sont le
medium incontestable de la communication de masse internationale. Avant de
passer sur nos téléviseurs ou à la radio, un évènement fait le buzz sur la toile. De
plus, ce genre de plateforme sociale permet de se rapprocher de sa communauté, de
discuter, de créer des liens. Nous sommes très loin de l’artiste contemporain
inaccessible, réservé à une élite.
L’évènement est l’arme ultime des artistes urbains pour accroître leur notoriété. En
tant qu’excellents communicants, souvent autodidactes, ils savent parfaitement que
le contact avec leur public est ce qu’il y a de plus important. Car dans leur stratégie
de communication, le vecteur principal est la personne. Aujourd’hui, un artiste, qui ne
fait pas d’évènements publics, aura du mal à se faire connaître. Par conséquent,
chez les artistes renommés, chaque nouvelle œuvre devient un évènement. Ce
genre d’action publique est en général légal et organisé par les galeries, les
entreprises ou encore les institutions.
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C’est bien là que tout le paradoxe apparait : L’esprit du street art est à l’opposé de
celui de la publicité, et très souvent les artistes ont un message anti-capitaliste. Or,
les entreprises ont complètement récupéré ce mouvement, dans leur campagne de
publicité et de communication. Depuis le début des années 2010, on peut voir les
codes de l’art urbain apparaitre dans de nombreuses campagnes, aussi bien, par
exemple, dans l’automobile que dans le luxe.
Cette utilisation était prévisible. Depuis plusieurs années déjà, le street marketing est
un outil à part entière de la communication des entreprises.
B)Street Marketing, contexte et justification
Le street marketing est un outil de promotion, de vente et de création de trafic qui,
comme son nom l’indique, utilise l’espace public. C’est une technique créative et
innovante, qui s’est développée dans les années 90. Lorsque l’on parle de street
marketing, la première chose qui nous vient à l’esprit est la distribution de tracts, les
hommes sandwichs ou l’évènementiel. Or, on oublie souvent l’affichage novateur et
les détournements de mobiliers urbains, très inspirés de l’univers street art et de ses
codes. Cet outil a pour objectifs majeurs, d’une part l’impact visuel et d’autre part, la
proximité avec le consommateur.
Afin d’avoir un fort impact visuel, le street marketing cible des lieux de « passage »,
c’est-à-dire des lieux avec une grande concentration de personnes. Cela peut être
autour des écoles et universités, sur des grandes places de centre-ville ou encore
des quartiers d’affaires. En ce qui concerne la proximité avec le consommateur, il
s’agit d’entrer directement en contact avec lui ou encore de le transformer en
« consommateur-acteur » de l’évènement. D’une manière générale, il s’agit de capter
l’attention de la population, habituée à toute forme de publicité, pour l’attirer vers le
produit. Les outils de communication traditionnels étant surchargés, les entreprises
vont vers le consommateur, afin de trouver une nouvelle clientèle.
a. Un contexte médiatique déjà surchargé
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De nos jours, le street marketing est une solution, face à un univers médiatique
totalement saturé par la publicité. Les médias classiques tels que la télévision, la
radio, la presse écrite, le cinéma, l’affichage et internet voient la totalité de leurs
espaces publicitaires occupés, alors que la demande augmente. En plus de cet
encombrement, des problèmes de retour sur investissement se posent, car les
médias évoqués ont leurs avantages, mais aussi des limites. L’aspect financier est
un point majeur à prendre en compte, en période de crise. Afin de mieux comprendre
le contexte, nous allons faire un état des lieux de la sphère médiatique.
Commençons par la télévision, qui est encore le médium de référence en termes
d’audimat. Elle permet de toucher chaque strate de la population, chaque tranche
d’âge, grâce à sa grille de programmation. C’est ainsi que le matin, très tôt, nous
aurons des dessins animés pour les enfants, qui vont à l’école. Un peu plus tard
dans la matinée, le télé-achat pour la femme au foyer ou encore, en première partie
de soirée, des émissions grand public pour plaire au plus grand nombre. De plus,
l’arrivée du satellite et de la TNT ont permis la création de chaines thématiques, pour
répondre à un maximum de centres d’intérêts. Avec par exemple, les chaines
Eurosport, Cuisine Tv, Luxe Tv, Voyage ou encore Mangas qui, comme leurs noms
l’indiquent, sont très spécifiques.
Or, le premier inconvénient, à l’heure de la mondialisation, est que la télévision reste
en grande partie un outil de communication d’ordre plutôt national, à l’inverse
d’internet, qui a une valeur internationale. Par ailleurs, cet outil reste peu abordable
d’un point de vue financier. Seules de grandes entreprises ont la possibilité de payer
une campagne de publicité marquante, sur les grandes chaines nationales. Les prix
sont quelque peu inférieurs sur les chaines de la TNT, mais un autre problème se
pose. La saturation des espaces publicitaires et la thématique des chaînes. En effet,
on ne verra pas de publicité pour une marque de produits de beauté, sur une chaine
sportive ou une campagne pour une marque de voiture, sur une chaine cuisine.
Malgré tout, ce médium reste majeur grâce à son fort impact visuel. Tout y est,
l’image du produit, le logo de la marque, le slogan, du son et tout cela mis en scène
de la meilleure manière, afin de capter l’attention du public. Persiste, quand même, le
problème majeur de la télévision : la télécommande. Les téléspectateurs, entourés
22
au quotidien par la publicité, ont tendance à « zapper », au moment de la « pause
commerciale », comme l’appellent aujourd’hui certains présentateurs.
En ce qui concerne la radio, elle fonctionne un peu de la même manière que la
télévision au niveau de sa programmation et de ses stations thématiques. Chaque
tranche horaire est clairement étudiée, pour toucher un public spécifique. La tranche
6h-9h, correspondant au pic d’audience, est en général, destinée aux personnes
actives, présentes dans leur voiture ou les transports en commun pour aller travailler.
Des études récentes ont démontré que la population française était plus attachée,
sur cette tranche, à une voix masculine. Cela prouve que la radio crée un lien avec la
population. Les gens ne sont pas attachés à un programme, à une décoration ou
autres aspects visuels. Ils se sentent proches d’une voix qui, par exemple, les
réveille ou accompagne leur fin de journée. La voix est un outil de communication
comme un autre, de ce fait, nous communiquons constamment. Un volume de voix
élevé peut paraitre agressif, à l’inverse un volume assez bas peut laisser penser que
l’interlocuteur est timide. Cette perception est spécifique à chaque auditeur.
De ce fait, en changeant un animateur, une radio prend un risque. Celui de perdre
une partie de l’auditoire, qui ne va pas s’attacher à cette nouvelle voix. Autre limite,
en termes de publicité, de communication, c’est l’absence d’images. En effet, dans
un contexte où les annonces publicitaires monopolisent l’espace, la radio a pour
défaut de ne pas montrer le produit. Donc, il est beaucoup plus difficile de fixer
l’attention de l’auditeur. Ce dernier, lassé par la multitude d’informations
commerciales, se montre totalement indifférent. Enfin, dernier point négatif, les
stations nationales sont peu nombreuses et les spots publicitaires sont souvent
spécifiques à la région.
La presse écrite a, quant à elle, un problème de fond lié à son évolution dans les
années à venir. Que ce soient les journaux ou les magazines, leurs ventes diminuent
d’année en année, depuis l’explosion d’internet. Les grands groupes de presse ont
une stratégie de communication, de plus en plus tournée vers le digital. D’ici
quelques années, la question du support papier sera une question majeure. Internet
et la crise financière font, que ce médium devient de moins en moins rentable. La
presse quotidienne a un ciblage limité et une qualité de papier plus faible. La qualité
du papier, dépendante des contraintes économiques, est un obstacle aux effets
23
visuels. De plus, les journaux d’informations ne sont pas lus par l’ensemble de la
population, ce qui pose un problème aux entreprises, qui cherchent souvent à
toucher les jeunes. Les magazines, quant à eux, n’ont pas ce problème de qualité.
En effet, l’emplacement publicitaire coûte plus cher car le papier est de meilleure
qualité. Mais les limites du magazine sont sa fréquence de publication d’une part et
sa thématique de l’autre. Car, comme pour la télévision, nous ne verrons pas
d’annonce publicitaire pour un shampoing, dans un magazine automobile. En
revanche, l’avantage du support papier c’est sa durée. Le consommateur a la
possibilité de le garder autant qu’il le souhaite.
S’agissant du cinéma, ce médium à l’avantage de capter l’attention du public grâce à
son grand écran et à sa qualité sonore. De plus, le consommateur, bien installé dans
son fauteuil, n’a pas la possibilité de « zapper », comme lorsqu’il est chez lui devant
sa télévision. En revanche, utiliser le cinéma pour une campagne de publicité coûte
vraiment cher. Effectivement, il est difficile de cibler une catégorie de la population.
Lors d’une séance, l’âge des personnes présentes, peut aller de 7 à 77 ans. Mais ce
n’est pas le seul obstacle à surmonter, car les gens qui ont l’habitude d’aller au
cinéma, ont tendance à arriver après les spots publicitaires. De ce fait, ce média
nécessite un investissement important, pour des résultats peu satisfaisants.
L’affichage, quant à lui, est un médium, dont nous avons parlé précédemment et que
nous avons lié au développement du street art. Il répond à des codes qui ont fait
leurs preuves du point de vue communication. L’affichage crée un lien de proximité
avec le consommateur. L’aspect visuel est travaillé pour être le plus impactant
possible. Les entreprises n’ayant pas la possibilité d’avoir une bande sonore, jouent
sur les couleurs, les images et le message. C’est aussi un outil de communication de
masse qui touche tout le monde. Il est impossible de passer au travers des
campagnes d’affichage, qui inondent les panneaux publicitaires. Mais, c’est aussi de
là que vient sa limite majeure. Les espaces publicitaires du domaine public sont
totalement saturés et, financièrement peu abordables, aux petites entreprises, du fait
du jeu de l’offre et la demande.
Enfin, internet, le dernier arrivé, si l’on peut dire, dans la famille des médias.
L’univers digital permet de faire un ciblage extrêmement précis et pour des coûts
variables. Les gens n’ont plus à se déplacer, la publicité est présente sur toutes les
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pages internet, quelles qu’elles soient. En un seul « clic » le consommateur a la
possibilité d’accéder à l’information et de passer à l’acte d’achat. Tout est plus rapide
et les outils offerts, par internet, permettent de s’adapter à l’audience en quelques
instants. Cependant, cette multitude d’encarts publicitaires finit par déranger
l’internaute, qui n’a pas la possibilité de « zapper ». Il se sent envahit par les
annonces commerciales.
Ajoutons à cela, la somme d’informations, qui crée un doute dans l’esprit du
consommateur. Tout le monde est « le moins cher », un site A dira, que tel produit
est plus performant qu’un autre et un site B dira l’inverse. Trop d’information tue
l’information et le consommateur s’y perd. Pour finir, il faut également intégrer le fait
que, malgré l’importance de ce médium, et sa valeur internationale, aujourd’hui, tout
le monde ne possède pas un ordinateur.
Cet état des lieux prouve que, pour continuer à communiquer de manière efficace,
les entreprises ont besoin de nouveaux outils peu onéreux et qui vont capter
rapidement l’attention de la population.
b. Un outil adapté à la surcharge médiatique
Tout d’abord, il faut savoir que le street marketing ne se positionne pas comme un
outil remplaçant les médias traditionnels. C’est une technique de vente, intégrée
dans une stratégie de communication globale. Mise à part la distribution de tracts et
les hommes sandwichs, les actions de street marketing sont faites pour créer le
buzz, stimuler la curiosité du consommateur, créer du trafic (attirer les gens) en
magasin ou sur un site internet, par exemple et surtout, créer un lien avec le client ou
futur client, en le rendant « consommateur - acteur » de l’évènement.
Prenons quelques exemples d’opérations marquantes. La première, qui décrit
parfaitement l’impact social de cet outil, a été réalisée par la marque Dulux Valentine.
En 2010, la société a choisi d’investir les favelas de Rio. (Annexes 6, pages 73 :
Dulux Valentine – Favelas de Rio) Les favelas sont des zones pauvres, défavorisées
et souvent peu, voire pas, entretenues. L’idée de Dulux Valentine a été de donner de
la couleur, à des bâtiments vieux et ternes. Pour cela, la marque s’est installée au
cœur de l’une des plus grandes favelas, a commencé à monter des échafaudages,
25
puis les ravalements de façades ont pu débuter. La population de ces quartiers,
curieuse, s’est regroupée autour de cet évènement. Afin de rendre le consommateur
acteur de cette action, Dulux Valentine a invité les habitants, à participer aux travaux
de peinture. Cet évènement, destiné à faire la promotion de la qualité de la peinture
extérieure de Dulux Valentine, a rassemblé les habitants autour d’un acte collectif.
Cette opération a nécessité un investissement bien inférieur, à une campagne de
publicité traditionnelle. En effet, le besoin de main d’œuvre était infime et la matière
première de l’activité était un produit de la marque. Les gens ont fait le reste. Le lieu,
parfaitement choisi, n’a pas tardé à attirer la population en masse. L’effet de masse a
attiré les journalistes. Il n’en fallait pas plus pour créer le buzz et faire le tour du
monde grâce à internet.
Dans cette opération, il y a un aspect gagnant – gagnant, d’une part, Dulux Valentine
fait sa promotion à l’échelle mondiale et à faible coût, et d’autre part, les habitants
des favelas ressortent soudés et heureux d’avoir participé à la recoloration de leur
lieu de vie. L’implication du consommateur dans la promotion d’un produit permet
d’accentuer la notoriété d’une marque.
Une autre société est devenue spécialiste des opérations de street marketing. La
SNCF, qui souffre d’une mauvaise image au cœur de la population française, innove
constamment dans ses actions urbaines. Ses points forts : susciter la curiosité et
créer la surprise.
Deux évènements se détachent d’un point de vue médiatique, « la Machine à
Voyager » et « Passez une tête à Bruxelles ». Ils fonctionnent tous deux sur la même
logique, une boîte mystérieuse et interactive, placée sur une place en plein cœur
d’une ville. L’objectif est de promouvoir certaines lignes de train. Le concept de « la
Machine à Voyager » est une boite noire avec un bouton rouge sur sa façade. Aucun
texte, aucune image, juste une voix qui vous demande où vous aimeriez partir en
voyage et qui vous donne l’ordre d’appuyer sur le bouton rouge, sans raison. Au
moment où vous appuyez, vous assistez alors à un feu d’artifice, une sorte de grand
désordre festif avec des cotillons, de la lumière et des effets sonores… Vous venez
de gagner des billets pour la destination, que vous avez choisie. Le consommateur,
surpris et gagnant, sera le premier relais de cette opération et aura un regard
différent sur la SNCF. (Annexes 7, pages 74 : SNCF – La Machine à Voyager) Pour
26
« Passez une tête à Bruxelles », la SNCF a choisi une boite blanche avec comme
unique inscription « passez la tête », au-dessus d’un trou. (Annexes 7, pages 75 :
SNCF – Passez une Tête à Bruxelles) Une fois la tête dans le trou, vous vous
retrouvez en duplex avec Bruxelles, avec une fanfare belge qui vous chante la
bienvenue. Encore une fois, la surprise est totale et inoubliable. Ces évènement
sont, donc, très percutants et savent capter l’attention de la population. De plus, ils
font la démonstration d’un phénomène sociologique. Il suffit que quelques personnes
s’arrêtent devant quelque chose, pour provoquer un effet de masse immédiat. La
foule attire la foule.
Le street marketing qui tire, en partie, ses concepts des évènements et
détournements de mobilier urbain, de l’univers street art, est un outil percutant et une
bonne alternative financière. Or, comme pour toute action commerciale ou action
urbaine, il y a une réglementation à respecter. Ce que n’a pas fait Coca Cola à la
Nouvelle Orléans en Mars 2012. La marque de boisson américaine, mondialement
connue (on dit même que c’est la seule marque présente dans tous les pays du
monde) s’est vue rappeler à l’ordre par les institutions de la Nouvelle Orléans. Coca
Cola avait lancé une opération « pochoir », l’objectif était de recouvrir les rues de la
ville de pochoirs au logo de la marque et de couleur rouge. Cependant, ni la société,
ni l’agence de communication, en charge de l’opération, n’avaient fait de demande
d’autorisation. Les habitants se sentant envahis ont vite fait part de leur
mécontentement. Au final, cette action n’aura pas été une réussite pour Coca Cola,
puisque le nettoyage des 120 graffitis lui fut imposé et le coût, bien supérieur à
l’investissement initial. (Mayda-Bakri.fr. 2012: L’opération de guerrilla marketing de
Coca-Cola n’est pas au goût de la Nouvelle-Orléans)
Le street art et ses outils dérivés sont donc des vecteurs de communication
indéniables. Cependant, pour être efficaces, ils doivent répondre aux limites
imposées par la loi et suivre leurs codes originels. Reste à savoir si ce mouvement
artistique est efficace dans n’importe quelle stratégie de communication, pour la
diffusion du message.
La question se pose de savoir, si le street art peut être utilisé de la même manière
dans une communication de marque et dans une communication institutionnelle.
27
3. Le Street Art un choix stratégique.
Ces deux dernières années, nous avons vu de nombreux organismes et entreprises
s’approprier le phénomène qu’est le street art. De Toyota à Hermès, en passant par
la Mairie de Marseille et Sephora récemment, ils ont tous intégré ce mouvement
artistique dans leur campagne de communication mais pour des objectifs différents.
A)Stratégie de marque
Dans une stratégie de marque ou de produit, une société ou tout autre organisme, a
pour objectif de vendre. Mais ce n’est pas tout, elle cherche à devenir une référence
chez le consommateur et à le fidéliser. Pour cela, elle doit le surprendre, créer le
désir et le satisfaire. En un mot, afin que la marque prenne de la valeur dans l’esprit
du consommateur, elle doit se singulariser.
a. Le Street Art, cure de rajeunissement et effet de surprise pour les marques
Afin de se démarquer de la concurrence, les sociétés sont constamment à l’affut des
nouvelles tendances. Comme expliqué précédemment, le street art en fait partie.
L’utilisation de cet art est-il en accord avec les objectifs des marques ?
Avant tout, pour comprendre la volonté des entreprises d’utiliser le street art dans
une campagne de communication de marque, nous allons nous intéresser à un
artiste mondialement connu et qui faisait référence dans l’univers urbain et le monde
de l’art : Keith Haring. Ce dernier a influencé un grand nombre d’artistes et de
publicitaires. Mais ce qui nous intéresse ce sont ses chiffres. Keith Haring, ce sont
3500 œuvres mises aux enchères ces deux dernières décennies, pour un chiffre
d’affaire de 93 millions de dollars et un taux d’invendu de 21% (Art Media Agency. 11
28
Avril 2013: AMA Newsletter 97). Ces statistiques feraient rêver bon nombre d’artistes
contemporains et de chefs d’entreprises. En sachant que ses deux marchés
principaux sont les Etats Unis et l’Europe.
Il n’est donc pas étonnant de voir de grandes marques tenter leur chance sur ce
créneau. A commencer par les marques de luxe, qui ont toujours su allier l’art à leurs
produits d’exceptions. Prenons l’exemple d’Hermès.
Courant 2011, la marque au carré de soie lance une nouvelle collection de foulard,
sur le thème du graffiti. Imaginez un foulard Hermès classique, avec un graffiti
comme vous pouvez en trouver aux quatre coins des rues, le pari était d’autant plus
audacieux, que la marque réalise une grande partie de son chiffre d’affaire sur ces
ventes. En effet, la marque chic, mais avec une image vieillissante, a choisi de se
rajeunir et d’attirer des consommateurs plus jeunes, en confiant la customisation de
ses carrés à l’artiste graffeur Kongo. Cette collection, en elle-même, est une surprise,
mais pour l’accompagner au mieux, Hermès a choisi une campagne de
communication entièrement basée sur le street art. Toutes les vitrines de ses
magasins affichaient des graffitis du sol au plafond. (Annexes 8, pages 76 : Hermès -
Kongo) Des graffitis hauts en couleurs suscitant le désir chez le consommateur. Tout
ceci relayé sur le web afin de créer le buzz et par conséquent de créer du trafic en
magasin. La démarcation était faite, aucune autre marque de luxe n’avait pris le parti
de lancer un nouveau produit sur le thème du street art. Le buzz n’a donc pas eu trop
de difficulté à produire l’effet recherché. Les journaux se sont emparés de la nouvelle
et les réseaux sociaux ont fait le reste. L’opération a été une réussite, Aéroport de
Paris a même déclaré, que la vente des carrés Hermès dopait les bénéfices de
manière croissante, ces dernières années.
Autre marque, autres objectifs : Converse. En 2012, Converse lance une campagne
d’affichage façon street art. (Annexes 9, pages 77 : Converse) Contrairement à
Hermès, la marque à l’étoile ne souffre pas d’une image vieillissante, c’est même
l’inverse. Au fil des années, elle a su s’adapter de manière à toujours être portée, par
les jeunes générations. Mais pas seulement, la Converse All Star est la chaussure
urbaine par excellence. Aussi bien adaptée à l’hiver qu’à l’été, souple, passe partout,
elle va parfaitement avec un jean. La campagne a consisté à faire des pochoirs et
des graffitis, de la chaussure et du nom de la marque, sur des panneaux
29
publicitaires, dans de nombreux pays anglo-saxons. Très colorée et très artistique,
cette campagne a également fait le buzz sur les réseaux sociaux. L’objectif était de
renforcer la croyance du consommateur. Il sait que Converse fait des chaussures
jeunes, pour tous les jours, mais la marque souhaite, que son nom soit une « top
réponse ». Elle veut que lorsque l’on questionne un jeune sur ce qu’est, pour lui, la
chaussure classique de sa génération, il réponde « All Star ». Cette stratégie de
Converse fonctionne depuis des années, le modèle « All Star » a marqué plusieurs
générations et fidélisé la clientèle. Une fois de plus Converse a su sentir la tendance,
car cette marque a souvent été associée, dans le passé, à l’univers Hip Hop,
mouvement musical lié au street art.
Parmi les marques de prêt à porter, Lacoste aussi a choisi, en 2011, de se lancer
dans l’aventure artistique urbaine. Le produit phare n’était pas le polo au crocodile
mais le parfum Lacoste L.12.12. La marque a choisi de lancer son nouveau parfum
de manière originale et pour cela, elle a fait appel à l’artiste Mark Jenkins. (Annexes
10, pages 78 : Lacoste – Mark Jenkins) Ce dernier est connu pour ses sculptures
faites de scotch, de papier ou autres matériaux représentant des hommes dans des
situations de la vie de tous les jours. L’idée de la marque fut de déposer des
sculptures de scotch dans les rues de Paris. Ces installations représentaient des
hommes en train de jouer au tennis. A travers le scotch transparent, on pouvait
distinguer le nouveau parfum Lacoste. Son flacon rouge était soigneusement placé
au niveau du cœur. L’idée était de rappeler que Jean René Lacoste était le nom d’un
tennisman et le fondateur de la marque, qu’il en était, par conséquent le cœur,
l’essence même de la marque au crocodile. Le crocodile étant son surnom sur les
terrains de tennis.
Cette manière originale de raconter une histoire et de faire découvrir un nouveau
produit au public, a eu un grand succès auprès de la population. Le mystère qui se
cachait derrière cet homme fait d’adhésif transparent et au cœur rouge a attiré le
consommateur. L’expérience du street art fut apparemment concluante, puisque
Lacoste a poursuivi quelques mois plus tard avec une autre campagne « Lacoste
live », où la marque s’est associée à plusieurs artistes urbains de la scène
américaine.
30
b. Une tendance instable
D’une manière générale, les marques recherchent à faire le buzz. Pour cela, elles
mettent au point un évènement, avec une stratégie digitale permettant de le relayer
en masse. Mais il y a une limite à ce mécanisme. Aujourd’hui, les outils qui
permettent de mesurer l’efficacité d’une campagne de communication sur le web ne
sont pas efficaces. Les données que nous avons sont des données, qui permettent
surtout d’évaluer le taux de pénétration dans la population. Sur les réseaux sociaux,
cela peut être le nombre de « j’aime », le nombre de « vue » ou encore de
« partage » sur un article. Sur un site classique, on peut avoir le nombre de « clic »
sur un lien, il en est de même pour les sites de partage de vidéos. Mais les outils
actuels ne nous permettent pas encore de connaître le taux de transformation de
tous ces clics. C’est-à-dire qu’ils ne nous permettent pas de savoir si, par exemple,
sur les 500 « j’aime » sur la photo du dernier parfum Lacoste, il y a 30, 40, 70 ou plus
de personnes qui ont acheté le parfum. Le permettront-ils ? Cela semble compliqué
de « pister » le consommateur depuis son ordinateur, jusqu’au magasin. Cette limite
ne s’applique pas seulement aux campagnes, qui tournent autour du street art, elle
s’applique à toutes les campagnes fondées sur ce mécanisme.
Un autre aspect pourrait venir contrarier la stratégie des entreprises. Celui-ci est lié
au street art certes, mais aussi à l’art d’une manière générale. C’est l’aspect
financier, à savoir la rémunération des artistes. La crise financière, qui touche la
planète depuis maintenant plusieurs années, a obligé les entreprises à revoir leur
stratégie et leur budget. L’objectif pour une majorité de sociétés est de maintenir les
résultats ou les ventes et non de les augmenter. Les dépenses ont donc été revues à
la baisse, d’une manière générale, et comme souvent, le budget assigné à la
communication est celui qui diminue le plus. Dans ses conditions, l’annonceur n’est
pas prêt à payer des sommes folles, pour un artiste connu et encore moins pour des
artistes en devenir ou avec une faible médiatisation. Ajoutons à cela, la part
récupérée par les agences et la rémunération des artistes peut devenir anecdotique.
Dans le cadre de mes enquêtes, j’ai eu l’opportunité d’interviewer « Mademoiselle
Maurice » une artiste découverte en parcourant les rues. La première fois que j’ai vu
l’une de ses œuvres, j’étais assez émerveillé par la réalisation et le travail accompli.
Sa marque de fabrique est de réaliser des formes, des messages avec des dizaines,
voire des centaines de bouts de papiers, pliés suivant le principe de l’origami.
31
(Annexes 11, page 79 : Mademoiselle Maurice) Elle utilise pour cela des papiers de
toutes les couleurs et plus précisément les couleurs de l’arc en ciel, afin de pouvoir
donner un dégradé à son œuvre. Travaillant aussi bien en intérieur, sur toile ou tout
autre support, elle ne se considère pas forcément comme une artiste urbaine.
Quoiqu’il en soit, avant d’aller appliquer ses œuvres dans la rue, la préparation
nécessite des heures d’un travail minutieux. Lors de notre entretien (annexe…), elle
m’a confié qu’une marque l’avait sollicitée, par le biais d’une agence, afin de
participer à une campagne de communication. Hors l’agence lui demanda de
travailler bénévolement. Il semblerait d’ailleurs, que ce genre de proposition arrive
régulièrement. L’artiste n’est pas considéré à sa juste valeur et son travail non plus.
Ce qui intéresse les marques c’est le résultat, à savoir le visuel.
Mais les agences de communications et les annonceurs peuvent aller plus loin. De
nombreuses œuvres ou techniques sont copiées et réalisées sur ordinateur, par des
graphistes. Un artiste qui refuse une collaboration pour une campagne, peut voir son
travail ou quelque chose qui s’en inspire profondément, dans cette même campagne.
Se pose alors la question des droits d’auteur.
En voulant utiliser le mouvement street art, sans respecter le travail des artistes, les
entreprises et annonceurs prennent le risque de rendre encore plus sensibles,
qu’elles ne le sont déjà, les relations avec les artistes urbains. Il ne faut pas oublier
que la société de consommation et la publicité sont le cheval de bataille du
mouvement street art. Le combat contre la société de consommation a toujours été
un facteur de revendication. Ce combat a même été à l’origine d’un évènement, qui a
fait le tour du monde. L’année dernière, quelques jours avant le début des Jeux
Olympiques de Londres, 26 artistes de renommée mondiale, se revendiquant du
mouvement street art, ont lancé l’opération « Brandalism ». Cela est une
« contraction de « brand » (marque) et de « vandalism ». Les artistes ont détourné
plusieurs dizaines de panneaux publicitaires, un peu partout en Angleterre. L’objectif
était de se réapproprier « l’espace public » et de se battre contre les marques.
« Nous sommes des rats de laboratoire pour les publicitaires qui exploitent nos peurs
et nos insécurités, via le consumérisme. Je suis un être humain, pas un
consommateur » déclarait l’un des protagonistes Bill Posters (Culturebox. 2012:
Street Art: 26 artistes se liguent contre la publicité). Il faut savoir que la ville de
Londres, un mois avant le début des Jeux Olympiques, avait lancé une vaste
32
opération de nettoyage des graffitis et autres œuvres urbaines, afin de laisser la
place à l’armada des annonceurs, partenaires de l’évènement. Pour l’occasion, les
marques n’avaient pas hésité à dépenser des sommes astronomiques pour avoir
l’exclusivité. Prenons l’exemple de Coca Cola, qui paie afin qu’on ne trouve que du
Coca dans toute la ville, depuis le supermarché jusqu’à la petite supérette de
quartier. Il était impossible de trouver du cola d’une autre marque quelle qu’elle soit.
Il en a été de même avec MasterCard, seules cartes de paiement, acceptées dans
tout Londres, pendant la compétition.
Mais l’aspect financier ne joue pas uniquement sur la rémunération des artistes, il
joue aussi directement sur la stratégie de communication. Comme expliqué plus
haut, le but est de maintenir les bénéfices, en période de crise. De ce fait, une
communication de marque se fera à court terme et avec un ciblage plus spécifique.
Le ciblage est la clé d’une communication réussie, or aujourd’hui les codes ont
changé. Faire un ciblage par âge ou par catégories socioprofessionnelles ne suffit
plus. Internet a permis au consommateur de s’ouvrir au monde et d’avoir accès à tout
ce qu’il souhaite. Les entreprises n’ont plus les moyens de faire des campagnes
adaptées, à plusieurs types de profil. On se dirige donc vers une période où toutes
les campagnes de communication vont se ressembler, suivant leur secteur et leur
cible principale. Et la tendance street art en est la preuve concrète. Lors de mon
enquête auprès du public, les marques citées utilisant le street art ont été
nombreuses. Voici une petite liste : Coca cola, Lipton, Burn, Red Bull, Agnès B, Louis
Vuitton, Hermès, Kenzo, Ray Ban, Diesel, Colette, Puma, Adidas, Chevrolet, Toyota,
Nissan, Citroën, Tic-Tac, McDonald, Simply MArket, Meetic, Easyjet, AXA, cigarettes
Gauloises, Nokia… et je pourrais continuer. Toutes ces campagnes ont été faites ces
deux dernières années et on s’aperçoit clairement que les marques de boissons, de
vêtements et de voitures sont largement représentées. Toutes ces campagnes ont
été citées par un échantillon d’une soixantaine de personnes, ce qui prouve qu’elles
sont légion. (Annexes 20, pages 91 à 120: Le Street Art au service de la
Communication).
Cependant, ces limites ne sont applicables qu’à une communication de marque. Lors
d’une communication institutionnelle, les choses sont différentes, les objectifs ne sont
pas les mêmes et par conséquent l’approche des annonceurs ou des agences de
communication varie aussi.
33
B) Communication institutionnelle
Lors d’une communication institutionnelle, une entreprise cherche à communiquer
sur ses valeurs. Elle cherche à provoquer la sympathie et à installer un climat de
confiance avec le consommateur. Le but étant de fidéliser le consommateur et de
renforcer la marque. Même si une communication institutionnelle n’est pas orientée
vers un produit ou un service, nous pouvons considérer, qu’elle aura malgré tout un
impact sur ces derniers, qu’il soit négatif ou positif.
a. Le Street Art vecteur de valeurs
L’impact social du street art a été démontré précédemment. De ce fait, les
entreprises ou institutions sont de plus en plus nombreuses à vouloir utiliser ce
courant artistique, pour transmettre leurs valeurs. Plusieurs grandes villes ont choisi
de mettre le street art au cœur de leur communication, afin de mieux se rapprocher
de la population. En communication, plus on est proche de la cible plus le message a
d’impact. Un artiste en particulier a parfaitement compris comment rassembler une
population et la faire devenir protagoniste de la vie locale. Cet artiste s’appelle JR, il
est français.
JR est un photographe et un artiste urbain. Son œuvre est portée vers la population
locale et s’adapte, par conséquent, au lieu où il se trouve. Son travail consiste à
photographier des gens avec différentes expressions ou au contraire des gens
exprimant tous le même sentiment. Après la séance photo, les portraits sont
imprimés à l’échelle d’un immeuble ou d’une maison, pour pouvoir être appliqués
dans la rue à grande échelle. Dans l’une de ses actions JR a, par exemple, recouvert
les murs de toutes les maisons d’une favela à Rio. (Annexes 12, page 80 : JR –
Favelas de Rio) Vue d’hélicoptère, son œuvre était gigantesque et très marquante.
Des visages de femmes recouvraient entièrement la favela.
34
« Représenter la vraie vie au travers de portraits photographiques, c’est prêter voix à
des populations stigmatisées, stéréotypées et marginalisées. En livrant des portraits
authentiques de ces populations, l’artiste raconte aussi l’histoire du lieu où elles
habitent. S’intéressant aux similitudes plutôt qu’aux différences, JR décatégorise en
outre ses sujets. ». (Waclawek, Anna. 2012 : Street Art et Graffiti, Thames & Hudson
l’univers de l’art, 207p)
C’est pour cela que Marseille a, récemment, décidé de faire appel à l’artiste. La ville
de Marseille est, depuis le mois de Janvier 2013, devenue la capitale culturelle
européenne. Afin de justifier son titre, de nombreux évènements artistiques,
cinématographiques ou musicaux sont organisés depuis 6 mois. L’objectif de la ville
est aussi bien de se rapprocher de sa population, que d’en faire découvrir ses
valeurs et son histoire, à tous les voyageurs faisant escale dans le vieux port le plus
connu de France. (Annexes 12, page 81 : JR – Marseille)
C’est donc tout naturellement que JR a répondu favorablement lorsque la ville lui a
proposé de venir mettre son talent au service de Marseille et de sa population. A
cette occasion, l’artiste a principalement travaillé avec des photos d’époque, des
photos transmises directement par la population marseillaise, par des familles
provençales ou issues de l’immigration. Car Marseille est une ville tournée vers le
monde, une ville accueillante, une ville métissée. Voilà la première valeur que
souhaitait transmettre cette ville, tout en rappelant que sa richesse culturelle est le
fruit de ce « melting pot ». L’une des œuvres de l’artiste a été appliquée dans un
quartier populaire du vieux Marseille. Elle représentait un couple issu de l’immigration
africaine, qui avait trouvé, une terre de refuge en la cité phocéenne. Partagée entre
souvenirs et fierté, la population du quartier remercia l’artiste.
Autre quartier, autre photo. Sur une place proche du vieux port, JR réalisa le collage
d’une photo sur laquelle on pouvait distinguer une barque, avec une famille de
pêcheurs à l’intérieur. Le but de cette photo était de rappeler que la grandeur de
Marseille est, en partie, la conséquence de son port, ouvert sur la méditerranée et de
son activité commerciale historique.
Enfin, comment parler de Marseille sans parler de pétanque ? JR l’a parfaitement
compris. Au même titre que le football avec l’Olympique de Marseille, la pétanque est
le « sport » local par excellence, elle fait partie intégrante de la vie culturelle de la cité
35
et rassemble la population de tous âges, qu’elle soit masculine ou féminine. L’artiste
a réalisé à cet effet, un agrandissement d’une photo, représentant un joueur
traditionnel de pétanque en plein effort, qu’il a ensuite appliqué sur la façade d’un
immeuble, proche de la Canebière, en plein centre-ville. Le résultat général de
l’opération a été un succès auprès de la population locale et auprès des gens de
passage. De nombreux articles et témoignages sur le sujet, ont été publiés, aussi
bien par la presse papier, que par la presse télévisuelle.
Le street art, de par sa multitude de supports et de techniques, correspond
parfaitement à la transmission de valeurs culturelles. A Paris, le centre commercial
Beaugrenelle a, lui aussi, tenté l’expérience. Lors de sa rénovation, le groupe
Gecina, en charge du projet, a choisi de relooker ses échafaudages pour proposer
une autre vision du futur lieu ouvert public. Véronica Basallo-Rossignol, directrice de
la communication du groupe s’explique : « A Beaugrenelle, le projet dépasse le
simple positionnement de centre commercial. Nous y offrirons autre chose que du
commerce pur : ce sera un lieu d’expression, de rencontre et de culture. Ce qui se
traduit dans la politique de communication. […] Nous voulions détourner les codes
des lieux de commerce avec cette démarche inédite d’appropriation de l’espace au
niveau de la rue. » (Batiactu. 2012 : Le Street Art, un nouveau vecteur de
communication (Daiporama)). La finalité de cette opération est de rendre l’espace
urbain à son propriétaire. Le centre commercial est avant tout un lieu de rencontre,
un lieu où toutes les catégories sociales peuvent se croiser, discuter, échanger. Par
conséquent, l’être humain sort de son statut de consommateur pour passer à celui
d’acteur de la vie culturelle.
Avant même sa réouverture, le projet tient toutes ses promesses. En effet, en plus
d’être un centre commercial, il est aussi un centre créatif, un centre de libre
d’expression. De nombreux artistes urbains ont, depuis, laissé leur empreinte.
Beaugrenelle est un lieu de rendez-vous où l’on peut côtoyer des artistes, des
consommateurs, des personnes anonymes, de tous âges et de toutes nationalités.
Cette opération a eu un grand succès grâce, en particulier, à une importante
campagne de communication, sur les réseaux sociaux.
Avant d’aborder l’aspect institutionnel du street art, il me semble important de vous
parler de l’expérience vécue avec la Mairie du XIIIème arrondissement de Paris.
36
J’avais fait le choix d’étudier leur stratégie et pour cela je suis entré en contact avec
leur service culturel, ainsi qu’avec la galerie Itinérance, en charge de toutes les
commandes de street art de l’arrondissement. Ayant eu leur accord pour réaliser une
interview, je leur ai donc transmis un questionnaire à chacun. Après quelques temps
sans réponse, j’ai décidé de les relancer. Des deux côtés, les personnes ont été très
coopératives et m’ont assuré, que j’aurais leur avis en temps voulu. Or, à l’heure
actuelle et après plus d’une dizaine de mails, je n’ai plus aucune nouvelle des
principaux acteurs de cette politique de communication, tournée vers l’art. Cela
m’incite à mettre un bémol sur le fond et l’origine de leur motivation. Je pense que
l’intérêt qu’ils portent au street art est plus lié à l’image de la mairie, qu’à celui de la
transmission de valeurs, dont il peut être le vecteur à travers son esprit. Cependant,
les multiples fresques géantes commandées par le maire ont pour but, encore une
fois de se rapprocher de la population. A travers ces peintures, l’objectif est de
montrer à la population, que la mairie est tournée vers la création et l’émulsion
artistique. Qu’elle est tournée vers les jeunes et leur manière de communiquer. La
mairie du XIIIème arrondissement, faisant donc partie intégrante de la ville de Paris,
capitale de la France et représentante de la richesse culturelle et sociale du pays, a
adopté une politique de proxémie en faisant du street art, l’une de ses valeurs. La
proxémie est un principe de communication politique visant à être le plus proche
possible de sa cible, à travers ses valeurs ou ses habitudes de vie. Paris étant réputé
pour son univers artistique urbain et son grand nombre d’artistes de renommée
mondiale. Récemment, une fresque a eu une valeur historique, ce qui n’avait pas
encore été le cas avec les précédentes commandes. Pour l’inauguration de la place
Farhat Hached, à côté de la bibliothèque François Mitterand, un portrait géant de
l’homme a été réalisé sur la façade d’un des bâtiments, qui la surplombe. Farhat
Hached était un homme d’origine tunisienne, chef d’un mouvement nationaliste
durant la colonisation française. Cette fresque était donc un hommage à la
population française d’origine tunisienne mais aussi un message d’excuse adressé à
toute la Tunisie pour l’époque coloniale française. Cette fresque a valeur de paix et
rappelle que la France est un pays d’accueil, à mixité sociale, mais aussi un pays,
qui a conscience de ses erreurs. C’est un message politico-culturel. D’une manière
générale, le street art est très bien reçu par la population du XIIIème arrondissement.
Etant moi-même blogueur sur l’univers de l’art urbain, j’ai pu m’en rendre compte
assez rapidement, lors de mes multiples sorties dans le quartier. L’année dernière,
37
une fresque géante d’Obey, a été réalisé sur un immeuble. J’étais en train de
prendre des photos, lorsqu’un habitant du quartier m’interpella. Le monsieur devait
avoir un peu plus de 60 ans et s’extasiait devant l’œuvre. Il me demanda si je
connaissais le nom de l’artiste et m’expliqua, que les couleurs et les formes
géométriques lui rappelaient des affiches de propagande russe. Effectivement,
comme je l’ai expliqué précédemment Shepard Fairey, alias Obey a basé sa marque
de fabrique sur ces techniques russes. Cette personne me confia, qu’elle n’était pas
du tout passionnée, ni intéressée, par l’art mais, me dit-elle : « toutes ces couleurs
apportent de la vie et de la gaieté au quartier, les gens s’arrêtent devant les fresques
et discutent pendant des heures, cela nous permet de parler avec des jeunes gens
comme vous et de mieux vous comprendre… Et puis c’est beau ! ». Par conséquent,
on peut en conclure que la stratégie de la commune est approuvée par la population,
qui y adhère. (Annexes 13, pages 82/83 : Mairie du XIIIème arrondissement de
Paris)
Le travail d’un autre artiste français m’interpelle. Space Invader est un artiste, qui a
recouvert les villes du monde entier de plus ou moins grosses mosaïques, à l’effigie
des petits monstres issus du jeu vidéo du même nom. (Annexes 14, page 84 : Space
Invader) En France, il est connu pour placer ses œuvres hors de portée des gens,
mais toujours à des endroits stratégiques. A la manière de « big brother », ses petits
monstres observent constamment la population et sont souvent situés non loin de
caméras de surveillance. C’est une manière de montrer à la population, tout en
dédramatisant de manière humoristique, que nous sommes constamment épiés dans
notre vie quotidienne. Avec au moins 1000 petits monstres recensés dans Paris
(chaque « invader » à une sorte de numéro de série), Space Invader est le seul
artiste, or commande officielle, dont les œuvres n’ont jamais été touchées par la
municipalité et les services de police. La mairie serait-elle en accord avec l’esprit de
dédramatisation de la surveillance urbaine ? Veut-elle dire, à travers cela, que
malgré toutes les interdictions, la ville reste tolérante vis-à-vis de cet art et de ses
valeurs ? La réponse est un mystère.
b. Les artistes urbains, en accord avec une stratégie institutionnelle
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D’une manière générale et à la différence avec une communication de marque, une
campagne de communication institutionnelle est basée à moyen ou long terme. Les
valeurs sont mises en avant à la place du produit. L’individu est considéré comme
une personne avec une culture, avec des opinions et non comme un consommateur
sans âme, entrainé dans un circuit de consommation, broyant tout sur son passage.
De ce fait, le travail des artistes est considéré à sa juste valeur. Le street art est
utilisé pour le fond et non pour la forme. Car encore une fois, derrière chaque artiste,
chaque œuvre, il y a un message, des valeurs. Les artistes se laissent convaincre
plus facilement de participer à une collaboration, lorsqu’ils se retrouvent dans les
valeurs, que veut transmettre l’organisme. Cela peut être la créativité, la paix, la
culture, le social, l’environnement ou encore la politique. Ce sont des combats qui
reviennent régulièrement chez les artistes. Mademoiselle Maurice, que je vous ai
déjà présentée, dans mon analyse me confirma, qu’elle n’hésiterait pas à travailler
gratuitement pour une société ou un organisme, qui voudrait communiquer sur ses
valeurs de partage, de lutte contre les inégalités, entre pays pauvres et pays riches
ou encore sur ses actions environnementales. Mais, à contrario, elle refuse de « se
vendre» à une grande marque, dont l’éthique ne convient pas à ses convictions. Elle
m’expliquait qu’elle pourrait très bien refuser un gros chèque d’une entreprise, qui,
pour vendre un produit fabriqué par des enfants ou a fort impact écologique, voudrait
utiliser son art. En plus de ne pas se sentir en accord avec elle-même, son travail ne
serait pas respecté, dans ce genre d’action. Sa réponse semble logique pour un
adepte de l’art urbain, mais pourrait être interprétée comme un mensonge, par un
non averti. Sa réponse est logique, car la grande majorité des artistes urbains
tentent, au quotidien, de transmettre leurs valeurs, de faire partager leur combat ou
de faire prendre conscience, d’un problème, à la population. Alors pourquoi
changeraient-ils d’attitude pour la publicité, leur ennemi de toujours ? Un exemple
intéressant me vient à l’esprit, le « tagueur écolo » Paul Curtis, alias Moose. Cet
artiste a pour particularité de faire de l’art en nettoyant. (Annexes 15, page 85 : Paul
Curtis) Plutôt que d’utiliser de la peinture en aérosol ou des affiches, qui dégradent le
mobilier urbain (même si c’est pour y apporter un côté artistique) et peuvent coûter
cher en réhabilitation, il a choisi d’utiliser des pochoirs sur des zones encrassées par
notre pollution. Sa technique est d’appliquer un pochoir sur les murs d’un tunnel et
de passer, par-dessus, avec un jet d’eau à haute pression. Une fois terminé, il enlève
ses pochoirs et la partie nettoyée à l’eau laisse apparaitre son dessin, au milieu du
39
mur noirci par les gaz d’échappements. On appelle cela le « clean tag ». « Faire de
l’art en nettoyant la ville fait partie intégrante d’un projet, visant à promouvoir une
gestion durable de l’environnement et à attirer l’attention sur la saleté que nous
produisons ». (Waclawek, Anna. 2012 : Street Art et Graffiti, Thames & Hudson
l’univers de l’art, 207p).
Mais sa réponse peut être, aussi controversée, lorsque l’on voit le nombre d’artistes
ayant collaboré avec les sociétés pour des campagnes de communication de
marque. Cela s’explique par l’institutionnalisation du mouvement.
En effet, depuis 2005, le street art se formalise de plus en plus, arrive à maturité et
est accepté par le système. Cette acceptation est la récompense du travail artistique
fournit par les artistes. La population est consciente du niveau élevé demandé pour
la réalisation de ces œuvres. L’évolution a, cependant, poussé les artistes vers les
expositions des galeries d’art ou des musées, ce qui soulève le paradoxe entre l’art
gratuit, mis à disposition de tout le monde dans la rue, et l’art destiné à certaines
classes sociales. Ne pouvant pas lutter contre l’institutionnalisation de leur art, ils
sont nombreux à avoir choisi de répondre aux demandes publiques, telles que les
mairies, les festivals ou les expositions en plein air. « L’art urbain est d’abord une
manière d’explorer la ville et une confrontation avec son quadrillage, par toutes les
formes d’autorité. De cette aventure, l’institution peut tout au plus restituer les traces :
photographies, films, dessins préparatoires ». (Lemoine, Stéphanie.2012 : L’art
urbain du graffiti au street art, Découvertes Gallimard, 127p)
Mais si autant de collaborations avec les marques existent, c’est parce que les
jeunes artistes ont un besoin de reconnaissance, ils rêvent d’être exposés en galerie,
comme leurs modèles. De plus, vivre de son art est une chose difficile, surtout en
période de crise, étant donné que le salaire fixe n’existe pas et que les commandes
ne sont pas régulières. Mais cette attitude est la preuve d’un changement dans
l’esprit de l’art urbain. La lutte contre le capitalisme et la publicité tend à devenir
anecdotique et le street art, lui-même, pourrait devenir un art comme les autres, dont
la reconnaissance ne se fait plus par le public, mais par les professionnels de l’art.
La communication de marque et la communication institutionnelle ont donc
parfaitement intégré le street art à leur stratégie. Reste à voir si une campagne de
marque employeur pourrait en faire de même.
40
C) La marque employeur
Une campagne marque employeur est une campagne de recrutement. On pourrait
dire qu’une telle campagne est un mélange entre une campagne de marque et
campagne institutionnelle. L’entreprise ou l’organisme qui recrute, se doit d’être
attractif aussi bien à travers ses produits et services, qu’à travers ses valeurs et sa
culture. Etant donné que le street art est un vecteur de valeurs et un mouvement
artistique apprécié des jeunes, il aurait été étonnant, que les marques ne l’utilisent
pas dans une optique de recrutement.
Le premier exemple dont j’ai entendu parler en tant que blogueur, provient du
secteur public de Nouvelle Zélande. Le plus surprenant est que, la police de
Nouvelle Zélande est à l’origine de cette campagne. (Annexes 16, page 86 : Police –
Nouvelle Zélande) Surprenant car, comme je n’ai eu de cesse de vous le dire, le
street art reste un mouvement hors la loi dès lors qu’il est réalisé en dehors d’une
commande, avec toutes les autorisations. C’est encore un paradoxe de cet art, il est
interdit mais toléré, critiqué mais encouragé. C’est dans un des quartiers dits
« chauds » d’Auckland, que l’opération a vu le jour. Les œuvres étaient réalisées
sous forme de pochoirs et représentaient des policiers dans l’exercice de leur
fonction, comme par exemple un policier en train de courir derrière un suspect. Le
message inscrit était: « You too can do something extraordinary, Become a cop ! »
(Toi aussi tu peux faire quelque chose d’extraordinaire, devient policier !). Cette
campagne, au cœur des quartiers sensibles d’Auckland a dû en étonner plus d’un et
faire rire un grand nombre de personne. Une question se pose alors, la police a-t-elle
demandé l’autorisation de tagguer les murs de la ville ? A priori oui, sinon la
campagne aurait été effacée. Je ne connais pas les résultats de cette campagne de
recrutement, mais en tous cas elle a fait le tour du web.
Autre campagne, beaucoup plus récente et en cours, celle de Sephora. Dans cette
nouvelle campagne, la marque a choisi le street art pour une dizaine de visuels
destinés à l’affichage urbain. L’opération appelée « Come Sephorize the World with
Us » (Vient Séphoriser le monde avec nous) surfe d’une part sur la tendance urbaine
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Mémoire le street art au service de la communication vdéf

  • 1. GIORDANI François Antoine Le Street Art au service de la Communication Tutrice : Nathalie Raveau Directrice des études, Filière communication Master 2 Communication d’Entreprise et d’Influence 2012/2013 ISCPA Paris
  • 2.
  • 3. Remerciements Avant de commencer, je tenais à remercier Nathalie Raveau, notre tutrice, ainsi que toute l’équipe pédagogique de l’ISCPA pour leur aide. Je voudrais aussi remercier Yves Colin, Franck De Nebehay et Mademoiselle Maurice pour avoir gentiment pris sur leur temps pour répondre à mes interviews. Bonne lecture
  • 4. SOMMAIRE Introduction Page 1 Première partie : Page 4 1. L’Art et la Communication A) L’art, un moyen d’expression Page 4 B) La Communication par l’Art Page 6 2. Street Art et Street Marketing Page 10 A) Origines et développement du Street Art Page 10 a. L’esprit du Street Art Page 10 b. Son histoire Page 11 c. Le Street Art ou la percussion du message Page 12 d. Changement de perception Page 15 e. Les artistes urbains, fins communicants Page 17 B) Street Marketing : contexte et justification Page 20 a. Un contexte médiatique déjà surchargé Page 20 b. Un outil adapté à la surcharge médiatique Page 24 3. Le Street Art, un choix stratégique Page 27 A) Stratégie de marque Page 27 a. Le street art, cure de rajeunissement et effet de surprise pour les marques Page 27 b. Une tendance instable Page 30 B) Communication Institutionnelle Page 33 a. Le Street Art, vecteur de valeurs Page 33 b. Les artistes urbains en accord avec une stratégie institutionnelle Page 37 C) La Marque Employeur Page 40 Deuxième partie : Page 42 1. Méthodologie et support Page 42 2. Analyses des Enquêtes Page 45 A) Point de vue du Consommateur Page 45
  • 5. B) Interviews annonceurs, expériences personnelles et paroles d’artiste Page 49 a. Fondation Abbé Pierre Page 49 b. L’ISCPA Paris, Institut des Médias Page 52 c. Expériences Personnelles Page 53 d. Mademoiselle Maurice Page 55 C) Facebook, étude comparative Page 58 Conclusion et Recommandations Page 61 Annexes Page 64 Bibliographie Page 134
  • 6. 1 Introduction Cela fait maintenant plusieurs décennies que les entreprises, les institutions et autres organismes se servent de l’art dans leurs campagnes de communication. Cependant, depuis 2010, nous pouvons constater qu’un mouvement artistique particulier obtient les faveurs des annonceurs. Ce mouvement est le Street Art ou art urbain. Le street art est, à l’origine, considéré comme du vandalisme, car se faisant dans la rue, il est souvent associé à la détérioration du mobilier urbain et de l’espace public d’une manière générale. Malgré ses origines, la perception négative du mouvement, et les lois qui le sanctionnent, les entreprises et les agences de communication sont très nombreuses à avoir fait le choix d’utiliser le street art, dans leurs stratégies de communication. Etant passionné par le street art et faisant des études de communication dans une école qui, elle-même, utilise cet art dans sa stratégie de communication, j’ai voulu essayer d’analyser le phénomène. Cette passion je la vis quotidiennement depuis maintenant presque 4 ans. Elle se traduit par plusieurs heures de recherche par jour, sur les évènements à venir, sur l’actualité des artistes et par un nombre d’heures incalculable passé dans la rue à la découverte de ce que j’appelle des œuvres et que d’autres appelleront des dessins, des signatures ou du vandalisme. Toutes ces recherches ont un but, celui d’alimenter ma communauté à travers mon blog et mes différentes pages sur les réseaux sociaux. A travers ce blog, j’ai acquis une certaine légitimité, car aujourd’hui « My Urban Island » est suivi par plus de 12000 personnes sur l’ensemble de ses pages. J’ai donc pu voir l’ampleur de l’engouement développé autour de l’art urbain, ces trois dernières années. Ce mouvement artistique, tourné d’une manière générale vers la jeunesse, a réussi à faire tomber les barrières sociales et à intéresser des personnes de tous âges et issues de toutes les strates de la population. Il n’est donc pas étonnant que les entreprises s’y intéressent de plus prêt.
  • 7. 2 Mes réflexions autour du sujet m’ont amené à la problématique suivante : « Le street art en communication, est-il un outil qui peut s’inscrire dans une stratégie à moyen ou long terme, ou est-il simplement utilisé comme un effet de mode ? » Afin de répondre à cette question, il nous faudra analyser les liens particuliers existant entre l’art et la communication, d’une manière générale. Par la suite, nous allons essayer de comprendre d’où vient cet intérêt pour le street art, que ce soit de la part des entreprises et des institutions, ou du côté du consommateur, à savoir le public. Ce dernier avant d’être un consommateur, est plutôt un amateur d’art urbain ou juste une personne ayant un avis à donner. D’ailleurs, le fait d’essayer de transformer un amateur de street art, art qui est accessible à tous gratuitement, en consommateur n’est ce pas un pari à court terme ? Le street art que nous connaissons aujourd’hui s’est, depuis son développement, toujours imposé comme un mouvement anti-capitaliste et en opposition à la publicité. De ce fait, les adeptes et certains artistes, pourraient afficher une nette opposition à cette récupération de « leur » art, par les entreprises et plus globalement, les annonceurs. C’est pour cela que nous allons essayer de comprendre quels en sont les codes. Du côté des entreprises cet intérêt est peut-être, d’une part, le reflet de la crise financière qui touche l’ensemble des pays occidentaux, depuis maintenant 5 ans. En effet, les budgets communication ont diminué d’une manière générale et l’art urbain pourrait être un outil moins coûteux, à l’image du street marketing qui s’inspire fortement des détournements de mobiliers urbains et des détournements des sujets d’actualité, faits par ce mouvement. D’autre part, cet attrait peut être le fruit d’un art arrivé à maturité, dont l’institutionnalisation se fait progressivement depuis 2005. La façon dont les entreprises vont utiliser le street art ou ses codes ainsi que les objectifs qui les poussent à le faire, nous donneront des éléments de réponse. Mais il n’y a peut être pas de réponse catégorique à notre problématique. Une stratégie de communication institutionnelle peut-elle utiliser le street art de la même manière qu’une stratégie de marque ? Quelle en sera l’efficacité pour chacune d’entre elles ? Il me semble important de voir l’application de ce phénomène dans plusieurs cas concrets et dans différentes stratégies, afin de pouvoir en faire une analyse, qui soit la plus précise possible.
  • 8. 3 Pour amener mon raisonnement à terme, j’ai donc établi deux phases. La première sera une phase d’information où je rappellerai et expliquerai différents concepts comme l’alliance entre l’art et la communication ou encore le street marketing. Tous les éléments abordés, seront rattachés à un exemple concret. La deuxième phase quant à elle, sera une analyse de mes enquêtes auprès du public et des professionnels. En effet, afin d’alimenter mon explication de manière qualitative, j’ai réalisé plusieurs interviews d’artistes ou d’entreprises ainsi qu’un questionnaire public, diffusé sur les réseaux sociaux, à questions ouvertes. Les campagnes de communication autour du street art étant majoritairement relayées par une stratégie digitale, j’ai décidé de réaliser une étude comparative, sur les réseaux sociaux, entre les pages des artistes reconnus et les pages des entreprises ayant utilisé ce mouvement. Une autre étude comparative sera réalisée entre les pages street art et des pages dédiées à d’autres mouvements artistiques. Ceci afin de savoir quelle est l’influence du street art et sa capacité à faire le buzz sur les réseaux sociaux. Le développement de l’analyse va donc se faire en deux parties présentées : - une première partie informative, dans laquelle j’exposerai dans un premier temps, les liens entre l’art et la communication. Je définirai ensuite le street art et ses codes, ainsi que le street marketing. Enfin, je présenterai l’utilisation de l’art urbain dans différentes stratégies, telles que la communication de marque, la communication institutionnelle et la marque employeur. - la deuxième partie abordera l’analyse appliquée aux enquêtes réalisées. Je définirai d’abord la méthode de manière précise, au niveau des outils et supports utilisés. Ensuite j’en ferai l’analyse et terminerai enfin par une synthèse, où seront mis en relation les éléments de l’enquête et les informations de la première partie. Puis je conclurai, donnerai la réponse à la problématique et ferai des recommandations. l
  • 9. 4 Première Partie 1. L’Art et la Communication A) L’Art, un moyen d’expression Donner une définition de l’art n’est pas chose aisée. Dans l’histoire, les grandes périodes artistiques se sont succédées avec chacune sa propre définition de l’activité. L’art est avant tout quelque chose dont on s’émerveille, qui nous interpelle, nous interroge et nous étonne. Il est certain cependant, que chaque individu et plus généralement chaque pays, ont leur propre vision de la beauté et de l’excellence. Quoiqu’il en soit l’art ne laisse personne indifférent car comme a dit Romain Rolland « L’art est la source de vie ; il est l’esprit du progrès et donne à l’âme le plus précieux des biens : la liberté ; et nul n’en jouit plus que l’artiste. ». (Rolland, Romain. 1908: Musiciens d’aujourd’hui, Hachette et Cie, 278p). Cette activité, que l’on soit acteur ou spectateur, fait appel à nos émotions, à notre créativité, à notre imaginaire, mais pas seulement. Le cerveau et ses mystères jouent un grand rôle dans la création et l’interprétation. L’art a un aspect psychologique indiscutable. Lorsque l’on crée ou que l’on contemple une œuvre, il y a une intense impression d’évasion. Un moment où l’on se retrouve seul, où tous nos sens se mettent en action. Une sorte de réaction chimique, entre l’œuvre et soi-même. D’une manière générale, on peut dire que l’art est une activité solitaire, dans laquelle chacun peut se retrouver. Aujourd’hui, en France, l’art est un terme assez large, regroupant plusieurs domaines tels que la cuisine, le cinéma, la musique, la poésie, la littérature, la peinture, le dessin, la photographie, et j’en passe. Ce que l’on constate, c’est que tous ces
  • 10. 5 domaines correspondent à des activités où l’être humain peut s’exprimer. Il peut exprimer sa créativité, son imagination, sa pensée ou encore sa vision du monde. Mais l’art est fascinant pour la majeure partie des êtres humains, car si tout le monde peut interpréter une œuvre à sa manière, tout le monde n’a pas la capacité de la créer, dans quelque domaine que ce soit. Ce que l’on appelle la « fibre artistique » est quelque chose d’inné et tout le monde n’en est pas doté. Certes, le travail peut compenser ce manque, mais le travail ne suffit pas pour être un Van Gogh ou un Paul Bocuse. Ce qui fait que nous sommes en admiration devant ces artistes, dans leur domaine respectif, c’est parce que le commun des mortels n’est pas capable de réaliser une œuvre, qui marquera son époque et nous en avons conscience. Car l’art, du fait d’être un moyen d’expression, est le reflet d’une histoire et d’une époque. Dans la suite de l’analyse, lorsque je parlerai d’art, je parlerai de l’art que l’on trouve actuellement dans les musées et les galeries, à savoir la peinture, le dessin ou encore la photographie. Nous pourrions l’appeler l’art visuel, même si la cuisine ou le cinéma, par exemple, font appel eux aussi à nos yeux. Mais d’autres sens comme l’ouïe ou l’odorat y entrent en action. Si l’on se réfère à de grands courants artistiques, comme le baroque ou encore le romantisme pour ne citer qu’eux, en dehors des techniques, ce qui change c’est le contexte. Les scènes que l’on retrouve dans ces peintures d’époque décrivent des codes sociaux et font passer des messages représentatifs de certaines périodes de l’histoire. Les historiens de l’art sont capables d’identifier un style et une époque, en un coup d’œil. Mais le plus étonnant dans l’art est l’aspect intellectuel, psychologique qu’il génère chez les individus. Le meilleur exemple est celui du traitement de la maladie par l’art. Dans toutes les maladies « lourdes » et inscrites dans la durée, l’art est une thérapie, qui permet de s’évader, d’oublier la pathologie et de rester actif à travers la création. Lors d’un stage à la Ligue contre le cancer, j’ai pu m’en rendre compte. Ma mission était de recueillir des contributions de malades et de leur proche afin de faire évoluer la prise en charge générale, des personnes atteintes du cancer. Dans de nombreuses contributions, les personnes concernées, demandaient que soient organisées des activités artistiques, voire même qu’il y ait un espace artistique et culturel au sein de l’hôpital. Cela leur permettait d’oublier leurs maladies et leur donnait surtout l’impression de vivre normalement. Claude Kunetz, producteur de cinéma, a eu l’occasion de travailler dans un hôpital psychiatrique pour le tournage
  • 11. 6 du film « Rien, voilà l’ordre ». Lors d’une interview pour l’AMA, l’Art Media Agency, il déclara « le directeur de l’hôpital m’a confié, que notre présence avait été bénéfique pour les malades et que notre départ serait terrible. Je suis allé le voir le lendemain pour lui suggérer d’ouvrir un centre culturel dans l’hôpital, ce sur quoi il a rebondi en souhaitant me confier la mission ». (Art Media Agency. 11 Avril 2013: AMA Newsletter 97). Pour aller encore plus loin et percevoir la puissance de l’effet artistique sur le cerveau humain, nous pouvons nous intéresser à la maladie d’Alzheimer. Cette maladie est une maladie dégénérative touchant la mémoire. Les personnes atteintes commencent par oublier des choses qu’elles viennent de faire, puis petit à petit elles oublient leur nom, elles ne reconnaissent plus les personnes de leur entourage, leur propre famille, et au stade final elles ne savent même plus comment subvenir à leurs besoins naturels. L’instinct de survie est totalement anéanti. Or, on peut constater, que les personnes ayant un don artistique, quel qu’il soit, comme la peinture ou la capacité à jouer d’un instrument de musique, ne l’oublient pas. Au stade le plus avancé de la maladie, les malades sont capables de jouer du piano ou de réaliser une peinture, alors même qu’elles ne savent plus comment faire pour manger. L’art a donc un effet incontestable sur l’être humain. Voire même un effet inexplicable. A travers la création et son aspect visuel, l’art est une activité qui stimule les sens de chacun. Il était donc normal, qu’un moyen d’expression stimulant soit utilisé, par les agences de communication et les entreprises, afin de faire passer des messages à la population. Mais l’art n’est pas seulement un vecteur de communication externe, les entreprises l’utilisent aussi en interne. B)La communication par l’Art Aujourd’hui, de nombreuses sociétés sont des mécènes dans le domaine artistique. Mais ce n’est pas tout, lors d’un stage chez BNP Paribas, j’ai eu l’occasion de rencontrer la personne en charge des activités culturelles de la fondation BNP Paribas. Elle me confia que la fondation achetait régulièrement des œuvres d’art. Selon elle, l’achat de ces œuvres était un moyen de s’investir dans la vie culturelle
  • 12. 7 d’un pays, de montrer à la population que la banque n’était pas seulement là pour « prendre l’argent », qu’elle voulait également participer à l’évolution de la société tout en étant le témoin d’une époque. « Acheter des œuvres d’art est une manière de dire à la population et aux clients, que nous nous intéressons à eux » m’a-t-elle dit. On peut y voir aussi d’autres raisons, dont une importante : Les avantages fiscaux. Avec la loi Aillagon de 2003, les entreprises faisant des donations ont droit à un avantage fiscal, à certaines conditions. Cela est valable pour des donations à des causes d’intérêt général, l’art en fait partie à travers la culture. « Les versements faits dans le cadre du mécénat ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 60% de leur montant. Cette réduction est toutefois plafonnée : les versements sont pris en compte dans la limite de 0.5% du chiffre d’affaire, hors taxes, de l’entreprise donatrice ». En ce qui concerne l’art plus particulièrement, « les entreprises qui achètent des œuvres originales d’artistes vivants et les inscrivent à un compte d’actif immobilisé peuvent amortir cet investissement. Une dotation égale à un cinquième du montant, peut être déduite du résultat, lors de l’acquisition et durant les quatre années suivantes ». (Corone, Stéphane. 2011 : Mécénat : Quels sont les avantages fiscaux pour une entreprises ?). Ce genre d’acquisition joue aussi un rôle important, en interne. Les œuvres achetées doivent être exposées. De ce fait, il ne s’agit pas non plus de choisir une œuvre au hasard. Elle doit ressembler à l’entreprise. Elle doit pouvoir en transmettre les valeurs à ses employés. Lorsque le choix est fait de manière réfléchi, l’art est un véritable outil de communication interne. Les employés en contact avec les œuvres peuvent se considérer privilégiés car l’achat d’une toile de Maître est financièrement difficile, pour la majeure partie des individus. Par ailleurs, ils auront plus de plaisir à venir travailler dans un environnement, qui incite à la création. Car les œuvres stimulent l’imagination et appellent à la créativité. Dans le cadre d’une campagne de communication de marque, ce qui prime c’est l’esthétique. Comme nous l’avons vu, l’art stimule nos sens à travers l’aspect visuel. Par conséquent, pour être visible au bon moment et au bon endroit, l’art est un outil plus que légitime. Il permettra d’accrocher le regard du consommateur. Il va l’interpeller, et si l’on considère, comme expliqué précédemment, que l’art donne
  • 13. 8 l’impression d’être privilégié, cela créera alors le désir chez le consommateur, ce qui facilitera l’acte d’achat. Cette sensation de privilège, les grandes marques de luxe l’ont parfaitement intégrée. Elles l’ont même faite évoluer, en sentiment de réussite sociale. L'art coûte cher, son acquisition est réservée à une élite. Les produits de luxe ciblent l’élite, ciblent les gros revenus. Les marques de luxe sont par conséquent, celles qui font le plus souvent appel à l’art, dans leur stratégie de communication. Le cas Prada est un bon exemple. Les nombreuses collaborations ne se comptent plus. Mais prenons l’exemple de la collection de 2008. La tendance était aux imprimés graphiques, rappelant le cubisme. En plus de la collection, elle-même, la marque avait choisi de travailler avec l’artiste dessinateur James Jean, pour les visuels de la campagne. Rappelant un monde féérique, cela fut un succès. (Annexes 1, page 64 : James Jean) Mais l’idée de Prada était d’avoir une stratégie cohérente, autour de l’art. Pour cela, Prada a demandé à James Jean de réaliser une œuvre géante sur la façade du siège de la marque. Par la suite, ils ont collaboré avec des architectes de renom, pour créer un nouveau genre de boutique dans laquelle le luxe, le commerce et l’art se côtoient. L’objectif est de faire adopter un style de vie. En achetant un produit Prada, on doit se retrouver dans un monde où tout est « exceptionnel ». Les magasins Prada et les produits sont créés, pour que la clientèle se sente, elle-même, exceptionnelle. (Bidoli, Stefania. 2010 : Art et luxe : le cas Prada). Nous pouvons retrouver une belle réussite de communication par l’art sur des produits de consommation courante. Comment un petit pot de yaourt, en verre, est-il devenu une référence, grâce à son territoire publicitaire ? La Laitière, sous marque de Nestlé, est devenue une référence, par son emblématique femme aux formes généreuses, tenant une cruche de lait entre ses mains. Cette femme provient de la peinture de Vermeer intitulée, elle aussi, « La Laitière ». (Annexes 2, page 65 : La Laitière) Ce choix semblait être une évidence pour Michel L’Hopitault, directeur de l’agence en charge de la création, « quoi de mieux que cette femme nourricière versant du lait, symbole de chaleur et de générosité ». En effet, à l’époque où le yaourt a été lancé, au début des années 70, la culture de la mère au foyer était très affirmée. De plus la laitière représentait une femme de la fin du XVIIIème siècle et rappelait la tradition française, ainsi que sa culture et ses chefs d’œuvres. Ce fut un succès immédiat. Aujourd’hui, il ne serait même plus utile de rappeler la marque, sur
  • 14. 9 le pot de yaourt, tellement ce visuel permet de l’identifier au premier coup d’œil. (Watin-Augouard, Jean. 2008 : Saga La Laitière). Internet n’est pas en reste, sur le thème de l’art. La société, certainement la plus puissante de notre époque, Google, a lancé un projet d’une grande ampleur. Ce dernier s’appelle le « Google Art Project ». L’objectif est de mettre à disposition de l’internaute, le plus grand nombre d’œuvres d’art exposées, dans les plus grands musées du monde, en un seul clic et sans qu’il ait à bouger de chez lui. Google est à l’origine un moteur de recherche. Ce projet, nécessitant un travail monumental, n’est certainement pas le fruit du hasard. On peut facilement imaginer, qu’en tant que moteur de recherche, ayant accès à des millions de données, Google réponde à une très forte demande de la part de la population mondiale. Le Google Art Project « propose à ses partenaires artistiques, issus de plus de 40 pays, de travailler à préserver et à promouvoir la culture en ligne ». (Art Media Agency. 11 Avril 2013: AMA Newsletter 97) Mais pour être cohérent avec ce but, Google ne pouvait passer à côté de l’art urbain ou street art. Et pour cela, la société a rajouté un aspect à son projet, appelé le « Street View » ou encore le « Google Street Art Project ». Ce projet arrive en réponse à une demande de plus en plus croissante du public, très friand de ce courant artistique. Dans ce projet, l’internaute n’est plus dans un musée, mais dans la rue et se balade à la découverte des œuvres réalisées par les artistes urbains. Depuis la fin du XIXème siècle, l’art et la communication ont très souvent été liés. Selon les historiens, ces liens se sont renforcés lors de « l’Affichomanie », mouvement lié au développement des techniques d’impression en grande quantité et de la communication de masse. Je dirais même que l’Affichomanie est plus particulièrement liée au street art et je vais vous expliquer les raisons dans un second chapitre.
  • 15. 10 2. Street Art et Street Marketing A)Origine et développement du Street Art Sheipard Fairey : « Je crois beaucoup à cette formule de Marshall McLuhan : Le médium, est le message. Je pense que son inscription dans la rue donne au street art une signification supplémentaire. Elle signifie que l’artiste a accepté le risque d’être arrêté et blessé, de donner son art gratuitement au public et de s’affronter, pour gagner l’attention, à la concurrence de la publicité, de la signalétique et d’autres formes de street art. » a. L’esprit du street art Le nom « Street Art » est un terme assez récent qui sert à définir une signature, un sigle, une marque appliquées dans la rue, afin d’affirmer une opinion politique, religieuse, d’exprimer un sentiment ou de marquer un territoire. Depuis longtemps, les historiens attribuent les grands courants artistiques comme le baroque, le classicisme, le romantisme, le réalisme, et autres impressionnisme et cubisme, à de grandes périodes de notre histoire. Cependant, en marge de ces grands courants, existe une forme d’art qui ne correspond à aucune époque et qui est appelée street art ou art urbain. Ce courant est un peu « l’enfant rebelle » du monde de l’art. Pendant des décennies, il a été considéré comme du vandalisme, ne répondant pas aux codes traditionnels et n’étant présent que dans l’espace public, loin des musées et autres galeries. De plus, « cet art est souvent le fait d’individus ne revendiquant pas, de prime abord, faire de l’art. Mais comme de nombreux artistes (et contrairement aux publicitaires), ils s’appliquent à élaborer des images et des messages ayant avant tout un rapport avec eux-mêmes. » (Stahl, Johannes. 2009: Street Art, h.f. Ullmann, 287p.). Pourquoi parler d’enfant rebelle ?
  • 16. 11 Ce terme est utilisé en psychologie pour définir un enfant indocile. Les spécialistes affirment que l’enfant rebelle fera, dans une grande partie des cas, un adulte créatif. De plus, le fait de lui imposer des règles l’incite à les transgresser et le pousse à la confrontation. Aujourd’hui, cette brève définition correspond parfaitement à l’esprit de l’art urbain. Art « hors la loi », il s’appose dans la rue contre toute autorisation, il est considéré comme non conforme. Etant de tous temps et en tous lieux, la multiplicité de ses formes et de ses supports laisse place à une créativité sans limites. Chaque personne pouvant être un artiste urbain, il est difficile de définir un cadre ou des normes pour ce courant artistique. L’imaginaire et les opinions de chacun se traduisent différemment, car chaque personne est unique. Or, « les phénomènes créatifs émanant de la rue constituent non seulement un critère de référence pour la création artistique, mais aussi un indicateur historique important. » (Stahl, Johannes. 2009: Street Art, h.f. Ullmann, 287p). b. Son histoire De nombreux historiens de l’art déterminent l’apparition de l’art urbain dans le courant du premier siècle à Pompei. Il représentait alors des sigles religieux et plus particulièrement, correspondait à la naissance du christianisme. Mais pas seulement. Ces peintures ou gravures ont aussi été attribuées aux gladiateurs voulant laisser une marque de leur passage dans les couloirs des arènes. L’aspect social de cet art est donc indiscutable. Par conséquent, pourquoi limiter l’histoire du street art au premier siècle de notre ère ? En effet, les premiers marqueurs sociaux remontent à l’époque de l’homo sapiens, qui peignait avec ses mains, des scènes de la vie quotidienne comme des scènes de chasse. Puis l’homme de Cro-Magnon suivit et continua l’évolution. Ces signatures et marques de l’histoire se sont multipliées au fil des siècles, apparaissant aussi bien durant les grandes périodes d’évolution de l’environnement qu’avec les premières bâtisses en pierre marquées de manière discrète par leurs architectes. Avec l’évolution des mœurs et des croyances aussi, à l’image des
  • 17. 12 Templiers, qui ont laissé de nombreuses traces religieuses dans les forteresses et souterrains. Mais dans l’histoire, la majorité des signatures, des messages apposés sur les murs par l’homme, s’est faite dans des moments difficiles, souvent violents, comme les périodes de guerre ou de lutte politique. L’un des exemples les plus marquants est celui des déportés juifs qui, avant d’être exécutés, gravaient leur nom ou des messages amoureux sur les murs de leur enfer. Il en est de même pour les prisonniers politiques, qui laissaient des messages d’espoir ou de détresse dans leur prison. Cependant, c’est au XIXème et XXème siècles que l’art urbain a subit ses plus grosses évolutions. Il fut, d’abord, utilisé pour des causes politiques et commerciales, avec l’essor de l’affiche publicitaire. Puis, servit à marquer et à affirmer un territoire au cœur des villes. Ce sont les gangs américains, durant leurs batailles rangées, qui l’utilisaient comme moyen d’intimidation. Aujourd’hui, l’art urbain est arrivé à maturité et prend des formes diverses. Toujours porteur de messages, la créativité est le maître mot. Coloré, engagé et éphémère, il fait partie intégrante de la culture des nouvelles générations. Autrefois controversé, Il est, au XXI siècle, réclamé par la population et pas seulement. c. Le street art ou la percussion du message Parler de l’affiche publicitaire comme source du street art moderne, peut paraître un contre-sens, quand on sait qu’aujourd’hui une réelle opposition existe entre les deux. L’affiche publicitaire est le symbole de la ville industrielle et du capitalisme et leur évolution est liée. Dès son apparition, la publicité a cherché l’efficacité dans une communication de masse avec un message percutant. Le développement de la lithographie a permis la reproduction en grande quantité et son adaptation à différentes tailles. De grands noms, tels que Jules Chéret et son affiche pour le Moulin Rouge, ou Privat Livemont avec l’Absinthe Robette, par exemple, ont contribué à faire évoluer les codes de la publicité. Cette évolution se caractérise par des affiches contenant peu
  • 18. 13 de texte, mais avec des mots bien choisis et des images hautes en couleur, très représentatives de leur sujet. (Annexes 3, page 66 : Jules Chéret, Privat Livemont et Fortunato Depero) Le peintre italien Fortunato Depero, auteur des affiches Campari, dont tout le monde se souvient encore, décrit l’affiche publicitaire comme « un art franchement coloré, forcément synthétique, un art fascinant qui s’installe avec audace sur les murs, sur les façades des immeubles, dans les vitrines, dans les trains, sur le revêtement des routes, partout, art vivant, multiplié, et non pas isolé et enseveli dans les musées » (Depero, Fortunato. 1932: Le Manifeste de l’art publicitaire). Il y a un pays où l’efficacité de l’affiche publicitaire a vite été comprise : c’est la Russie. L’artiste Rodtchenko était un des chefs d’orchestre d’une génération, qui souhaitait la fin du tableau, considéré comme un support accessible uniquement aux bourgeois. Ses œuvres, superposition de photos, de formes géométriques et de textes, ont été l’une des sources d’inspiration de la propagande politique communiste. (Annexes 3 Bis, page 67 : Affiches Rodtchenko) « En 1918, Lénine lance ainsi une campagne de propagande d’art dans l’espace public, qui se décline principalement sur deux supports : la fresque murale et l’affiche. » (Lemoine, Stéphanie.2012 : L’art urbain du graffiti au street art, Découvertes Gallimard, 127p). A cette époque-là, déjà, nous pouvons retrouver de grands principes de la communication politique, encore utilisés aujourd’hui. - Tout d’abord l’empathie, comme par exemple à travers la peur de l’ennemi, qui, en communication, peut servir une forme de manipulation de la cible. Le but est de prouver que la communication est basée sur un échange, lequel doit créer du lien. - Il y a aussi la crédibilité, pour que le message passe bien, il faut qu’il ait un semblant de réel. Il peut passer par une personne crédible qui véhicule le message de façon efficace. C’était le cas des affiches de propagande du début de l’ère communiste où Lénine et Staline étaient souvent représentés. Quelqu’un qui détient le pouvoir et a de l’autorité, en les engageant pour faire passer le message, représente une forme puissante de crédibilité. - L’auto confirmation des croyances est aussi l’un des grands principes utilisés dans la propagande russe. C’est un principe fondamental, car l’ensemble des
  • 19. 14 personnes agit de la même manière. Cela consiste à chasser l’objectivité des autres et rester dans sa propre subjectivité, parce qu’on estime que c’est la seule vérité. Ne voir que ce qui nourrit les croyances et tout ce qui va aller dans le sens de ces croyances. - L’idée de communication digitale était également parfaitement appliquée : C’est une communication identitaire, qui n’est pas interprétable, très codifiée, tout le monde comprend la même chose. Le code emblématique des affiches publicitaires de l’époque était la couleur rouge. Le rouge représentait le communisme. Aujourd’hui encore en politique, partout dans le monde, le rouge reste la couleur de ce mouvement. - Enfin, le concept qui a fait que ces affiches ont eu une grande force aux yeux de la population est appelé vulgairement, le « changement d’herbage réjouit les veaux ». Cela signifie que la nouveauté attire la curiosité et crée de la stimulation. En communication, la nouveauté est très importante pour susciter un intérêt chez les autres. Les premières publicités de Rodtchenko étaient totalement novatrices de par leur structure. A ce jour, l’un des artistes urbains les plus connus au monde, Shepard Fairey alias « OBEY », a construit sa renommée au début des années 90, sur les codes de la propagande russe et sur le concept de la communication de masse. Son support de prédilection, le sticker (autocollant). A l’origine de son action, une volonté de dénoncer le monde capitaliste en utilisant son arme favorite, à savoir la publicité. A la manière des grandes firmes américaines, il décide d’investir l’espace public avec son sticker « Andre the Giant ». « Andre the Giant » est un catcheur français ayant joué un rôle important dans l’histoire de la fédération américaine de catch. (Annexes 4, page 69 : Shepard Fairey – Andre The Giant) Ce choix n’a pas été fait au hasard, Shepard Fairey avait le souhait de lancer une contre-culture au mouvement underground, issu des skateurs américains. (Wikipedia: Andre The Giant has a Posse). Plus que la critique de ce mouvement, son but était surtout de montrer, qu’il pouvait utiliser la manipulation médiatique pour se faire connaitre. Dans le film « Faites le mur » sorti en 2010, OBEY affirmera, qu’il avait collé plus d’un million de stickers à travers le monde. Sa version du visage d’Andre the Giant est connue sur toute la planète, et son nom y est directement associé.
  • 20. 15 Sa notoriété et son style, reconnaissable entre tous, lui ont valu les faveurs de Barack Obama pendant la campagne présidentielle de 2008. En effet, Shepard Fairey est à l’origine de l’affiche mondialement connue « Hope », représentant le visage de celui qui sera le futur président américain. (Annexes 4, page 70 : Shepard Fairey – Obama) Cette affiche est un dessin utilisant tous les codes de la propagande russe et par conséquent tous les codes de la communication politique décris plus haut. Cette campagne d’affichage a eu un impact incontestable sur l’élection de Barack Obama. Elle est le symbole du « Yes we can » et du message d’espoir véhiculé par le parti démocrate. Tout comme son sticker d’Andre, cette affiche est connue dans tous les pays. OBEY a utilisé sa notoriété et son support favori pour défendre une cause politique. Le lien entre le street art et le message politique est encore une fois incontestable. De plus cela renforce le paradoxe entre l’esprit du street art, quelque peu considéré comme un mouvement anarchique et son utilisation par le pouvoir, pour transmettre un message percutant et marquant. Cette relation entre l’art urbain et la politique peut s’expliquer de deux manières. Tout d’abord par le fait que ce mouvement artistique prend sa source dans la rue, à savoir l’espace public, et d’autre part parce qu’il est un moyen d’expression, qui n’est pas contrôlé par les gouvernements. Cependant, dire qu’il n’est pas contrôlé ne signifie pas, qu’il n’est pas ou ne peut pas être utilisé par l’Etat. d. Changement de perception Ce qui montre l’importance de ce phénomène et le changement de mentalité de la population vis-à-vis de cet art, c’est autant l’adoucissement officieux de sa législation, que sa récupération par les entreprises. «Je ne peux m’empêcher de penser que ces mêmes personnes qui détestaient, maltraitaient et parlaient en mal de tout ce mouvement, sont les mêmes qui sourient et apprécient aujourd’hui!» Ce verbatim de MC93 traduit l’évolution de cet art, enfin arrivé à maturité.
  • 21. 16 D’un point de vue législatif, en France, « lorsqu'ils ne sont pas faits sur des supports autorisés, les graffitis constituent, une destruction, une dégradation ou une détérioration volontaire d'un bien appartenant à autrui, qui est punie :  d'une contravention de 5e classe (1 500 euros ou plus) s'il n'en résulte qu'un dommage léger (Article R.635-1 du Code Pénal).  d'une amende pouvant atteindre 30 000 euros et d'une punition pouvant atteindre 2 ans d'emprisonnement dans les autres cas (Article 322-1 du Code Pénal). L'article 322-1 du Code Pénal prévoit aussi que le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain est puni de 3750 euros d'amende et d'une peine de travail d'intérêt général, lorsqu'il n'en est résulté qu'un dommage léger. Il est complété par l'article 322-2 qui prévoit que la sanction est relevée à 7500 euros d'amende et d'une peine de travail d'intérêt général, lorsque, entre autres, le bien détruit, dégradé ou détérioré est destiné à l'utilité ou à la décoration publiques et appartient à une personne publique ou chargée d'une mission de service public ». (Wikipedia: Lutte Anti Graffiti). Dans les faits, il y a un contrôle à deux vitesses. D’une part, les « graffeurs » spécialistes du lettrage et de la signature, qui représentent le vandalisme, le tag fait à la sauvette. Et de l’autre, les « artistes urbains », qui réalisent des œuvres artistiques du type de la fresque et qui sont définis ainsi, car leurs œuvres suscitent l’intérêt, la curiosité et l’émotion au cœur de la population. Or, qu’ils soient graffeurs ou artistes urbains, ils représentent tous le street art. La séparation est nette du point de vue de la loi. En effet, aujourd’hui, seuls les graffeurs sont traqués et condamnés. Bien que leurs signatures commencent à se vendre, comme n’importe qu’elle œuvre de street art, dans les galeries, leurs empreintes sont toujours considérées comme de la détérioration. En France, la SNCF et la RATP, chargées d’une mission de service public, contribuent à cette mauvaise perception de la « signature », en menant une guerre contre les graffitis, qui recouvrent les trains. Les graffeurs coûteraient plusieurs millions d’euros à ces sociétés, qui doivent nettoyer et repeindre à chaque « détérioration ». Or, d’autres détériorations, au sens de la loi, sont faites et laissées telles qu’elles dans les couloirs et sur les quais des gares. Celles-ci sont réalisées
  • 22. 17 par les artistes urbains. Depuis quelques mois, dans Paris, nous pouvons constater l’apparition d’œuvres réalisées sans autorisation, dans les espaces publicitaires situés sur les quais. Un artiste se dégage, il s’appelle M. Chat et est franco-suisse. C’est un artiste reconnu à l’international, il a appliqué son chat jaune un peu partout dans le monde. Il bénéficie d’une très bonne cote sur le marché de l’art. Dans les gares de Barbès et d’Etienne Marcel par exemple, ses chats n’ont pas été recouverts par de vraies campagnes de publicité. La notoriété d’un artiste et sa valeur artistique ont donc un impact réel sur l’application de la loi. Banksy, l’artiste le plus connu ou du moins le plus mystérieux du mouvement street art parcourt le monde avec ses pochoirs légendaires. (Annexes 5, pages 71/72 : Banksy) Dans son film, « Faites le mur », il raconte qu’il y a une dizaine d’années, il était recherché par toutes les polices européennes et en premier lieu celle de l’Angleterre, d’où il est originaire. Personne ne connaît son identité ou son vrai nom. Un soir, à la fin des années 2000, alors qu’il était en train de réaliser un pochoir, il se fit attraper en flagrant délit par un policier, qui lui demanda…un autographe et le laissa partir. Cette anecdote démontre à quel point les artistes urbains et leur technique de communication ont permis de modifier le regard de la société, sur le street art. A la manière de lobbyistes, ils ont su intégrer leur mouvement, dans toutes les strates de la société, du policier à l’ouvrier ou du pauvre au riche. Nul doute que leur notoriété soit le fruit de leur communication de masse et du développement d’internet. e. Les artistes urbains, fins communicants La popularité du street art et de ses représentants s’est développée avec l’apparition et l’évolution du digital. Les artistes ont, comme cela a été expliqué précédemment, parfaitement intégré les codes de la communication de masse en multipliant leurs œuvres dans la rue. Mais l’élément qui a fait, que le street art est arrivé à maturité, est incontestablement la création des réseaux sociaux. Un réseau social permet de créer une page personnelle, alimentée par des vidéos, des photos ou des textes.
  • 23. 18 L’intérêt de ce genre de réseau est de créer des communautés ou des cercles de partage. En dehors des cercles d’amis et de familles, les gens se rejoignent autour d’une passion, d’un métier ou d’un quelconque centre d’intérêt. Les réseaux sociaux sont basés sur un principe sociologique connu de tous, celui qui dit que chaque personne ressent le besoin d’appartenir à un groupe pour exister. De nombreux réseaux existent mais le numéro un, celui qui bat tous les records d’audience est Facebook. Facebook est utilisé par un internaute sur deux, soit par un milliard de personnes sur la planète. Chaque jour plus de 300 millions de photos sont échangées. Le taux de pénétration de la population est, par conséquent, extrêmement élevé et apporte un pouvoir indéniable à qui sait utiliser cet outil. Les artistes issus du street art ont très vite compris l’intérêt du réseau social. En effet, comme ils ont su intégrer la communication de masse dans leur stratégie de communication, ils sont devenus des professionnels du « community management ». C’est-à-dire qu’ils savent parfaitement gérer et développer une communauté. Aujourd’hui, chaque artiste urbain, qu’il soit reconnu ou pas, possède une page personnelle sur Facebook et autres Twitter, Instagram, Pinterest. A travers le partage d’images, ils ont pu s’introduire dans de nombreux foyers. Leur raisonnement en
  • 24. 19 terme de communication, est clairement le même que celui des publicitaires. Depuis le départ, c’est une sorte de pied de nez à ce qu’ils combattent. Leurs œuvres sont désormais accessibles à tout le monde, sur toute la planète, de chez soi et surtout de manière gratuite. Tout comme les grandes entreprises, les artistes ont fait le choix d’aller chercher le public et non d’attendre qu’il vienne à eux. Le fait que ce soit gratuit, avec des messages à valeur sociale et bien entendu artistique, a permis de toucher plus facilement l’audimat. Car à la différence des entreprises, le premier but de l’artiste urbain n’est pas de vendre, mais bien de se faire connaitre ou de faire connaitre son art et de rapprocher les gens. L’échange de photos n’a pas été leur unique stratégie, pour développer leur audience. La géolocalisation intégrée à ces réseaux et leur développement sur mobile ont poussé les gens à descendre dans la rue, pour avoir une idée précise de ce qu’ils apprécient. En effet, de nombreux outils permettent de connaître la localisation d’une œuvre dans la rue. Connaissant l’aspect éphémère de ce mouvement artistique et l’aspect viral d’un réseau social, les passionnés ont eu la possibilité d’aller prendre des photos et de les partager immédiatement avec le reste de leur communauté. En 2013, Facebook est le site numéro un de l’information en temps réel. Plus rapide que la presse, plus rapide que la télévision, internet et les réseaux sociaux sont le medium incontestable de la communication de masse internationale. Avant de passer sur nos téléviseurs ou à la radio, un évènement fait le buzz sur la toile. De plus, ce genre de plateforme sociale permet de se rapprocher de sa communauté, de discuter, de créer des liens. Nous sommes très loin de l’artiste contemporain inaccessible, réservé à une élite. L’évènement est l’arme ultime des artistes urbains pour accroître leur notoriété. En tant qu’excellents communicants, souvent autodidactes, ils savent parfaitement que le contact avec leur public est ce qu’il y a de plus important. Car dans leur stratégie de communication, le vecteur principal est la personne. Aujourd’hui, un artiste, qui ne fait pas d’évènements publics, aura du mal à se faire connaître. Par conséquent, chez les artistes renommés, chaque nouvelle œuvre devient un évènement. Ce genre d’action publique est en général légal et organisé par les galeries, les entreprises ou encore les institutions.
  • 25. 20 C’est bien là que tout le paradoxe apparait : L’esprit du street art est à l’opposé de celui de la publicité, et très souvent les artistes ont un message anti-capitaliste. Or, les entreprises ont complètement récupéré ce mouvement, dans leur campagne de publicité et de communication. Depuis le début des années 2010, on peut voir les codes de l’art urbain apparaitre dans de nombreuses campagnes, aussi bien, par exemple, dans l’automobile que dans le luxe. Cette utilisation était prévisible. Depuis plusieurs années déjà, le street marketing est un outil à part entière de la communication des entreprises. B)Street Marketing, contexte et justification Le street marketing est un outil de promotion, de vente et de création de trafic qui, comme son nom l’indique, utilise l’espace public. C’est une technique créative et innovante, qui s’est développée dans les années 90. Lorsque l’on parle de street marketing, la première chose qui nous vient à l’esprit est la distribution de tracts, les hommes sandwichs ou l’évènementiel. Or, on oublie souvent l’affichage novateur et les détournements de mobiliers urbains, très inspirés de l’univers street art et de ses codes. Cet outil a pour objectifs majeurs, d’une part l’impact visuel et d’autre part, la proximité avec le consommateur. Afin d’avoir un fort impact visuel, le street marketing cible des lieux de « passage », c’est-à-dire des lieux avec une grande concentration de personnes. Cela peut être autour des écoles et universités, sur des grandes places de centre-ville ou encore des quartiers d’affaires. En ce qui concerne la proximité avec le consommateur, il s’agit d’entrer directement en contact avec lui ou encore de le transformer en « consommateur-acteur » de l’évènement. D’une manière générale, il s’agit de capter l’attention de la population, habituée à toute forme de publicité, pour l’attirer vers le produit. Les outils de communication traditionnels étant surchargés, les entreprises vont vers le consommateur, afin de trouver une nouvelle clientèle. a. Un contexte médiatique déjà surchargé
  • 26. 21 De nos jours, le street marketing est une solution, face à un univers médiatique totalement saturé par la publicité. Les médias classiques tels que la télévision, la radio, la presse écrite, le cinéma, l’affichage et internet voient la totalité de leurs espaces publicitaires occupés, alors que la demande augmente. En plus de cet encombrement, des problèmes de retour sur investissement se posent, car les médias évoqués ont leurs avantages, mais aussi des limites. L’aspect financier est un point majeur à prendre en compte, en période de crise. Afin de mieux comprendre le contexte, nous allons faire un état des lieux de la sphère médiatique. Commençons par la télévision, qui est encore le médium de référence en termes d’audimat. Elle permet de toucher chaque strate de la population, chaque tranche d’âge, grâce à sa grille de programmation. C’est ainsi que le matin, très tôt, nous aurons des dessins animés pour les enfants, qui vont à l’école. Un peu plus tard dans la matinée, le télé-achat pour la femme au foyer ou encore, en première partie de soirée, des émissions grand public pour plaire au plus grand nombre. De plus, l’arrivée du satellite et de la TNT ont permis la création de chaines thématiques, pour répondre à un maximum de centres d’intérêts. Avec par exemple, les chaines Eurosport, Cuisine Tv, Luxe Tv, Voyage ou encore Mangas qui, comme leurs noms l’indiquent, sont très spécifiques. Or, le premier inconvénient, à l’heure de la mondialisation, est que la télévision reste en grande partie un outil de communication d’ordre plutôt national, à l’inverse d’internet, qui a une valeur internationale. Par ailleurs, cet outil reste peu abordable d’un point de vue financier. Seules de grandes entreprises ont la possibilité de payer une campagne de publicité marquante, sur les grandes chaines nationales. Les prix sont quelque peu inférieurs sur les chaines de la TNT, mais un autre problème se pose. La saturation des espaces publicitaires et la thématique des chaînes. En effet, on ne verra pas de publicité pour une marque de produits de beauté, sur une chaine sportive ou une campagne pour une marque de voiture, sur une chaine cuisine. Malgré tout, ce médium reste majeur grâce à son fort impact visuel. Tout y est, l’image du produit, le logo de la marque, le slogan, du son et tout cela mis en scène de la meilleure manière, afin de capter l’attention du public. Persiste, quand même, le problème majeur de la télévision : la télécommande. Les téléspectateurs, entourés
  • 27. 22 au quotidien par la publicité, ont tendance à « zapper », au moment de la « pause commerciale », comme l’appellent aujourd’hui certains présentateurs. En ce qui concerne la radio, elle fonctionne un peu de la même manière que la télévision au niveau de sa programmation et de ses stations thématiques. Chaque tranche horaire est clairement étudiée, pour toucher un public spécifique. La tranche 6h-9h, correspondant au pic d’audience, est en général, destinée aux personnes actives, présentes dans leur voiture ou les transports en commun pour aller travailler. Des études récentes ont démontré que la population française était plus attachée, sur cette tranche, à une voix masculine. Cela prouve que la radio crée un lien avec la population. Les gens ne sont pas attachés à un programme, à une décoration ou autres aspects visuels. Ils se sentent proches d’une voix qui, par exemple, les réveille ou accompagne leur fin de journée. La voix est un outil de communication comme un autre, de ce fait, nous communiquons constamment. Un volume de voix élevé peut paraitre agressif, à l’inverse un volume assez bas peut laisser penser que l’interlocuteur est timide. Cette perception est spécifique à chaque auditeur. De ce fait, en changeant un animateur, une radio prend un risque. Celui de perdre une partie de l’auditoire, qui ne va pas s’attacher à cette nouvelle voix. Autre limite, en termes de publicité, de communication, c’est l’absence d’images. En effet, dans un contexte où les annonces publicitaires monopolisent l’espace, la radio a pour défaut de ne pas montrer le produit. Donc, il est beaucoup plus difficile de fixer l’attention de l’auditeur. Ce dernier, lassé par la multitude d’informations commerciales, se montre totalement indifférent. Enfin, dernier point négatif, les stations nationales sont peu nombreuses et les spots publicitaires sont souvent spécifiques à la région. La presse écrite a, quant à elle, un problème de fond lié à son évolution dans les années à venir. Que ce soient les journaux ou les magazines, leurs ventes diminuent d’année en année, depuis l’explosion d’internet. Les grands groupes de presse ont une stratégie de communication, de plus en plus tournée vers le digital. D’ici quelques années, la question du support papier sera une question majeure. Internet et la crise financière font, que ce médium devient de moins en moins rentable. La presse quotidienne a un ciblage limité et une qualité de papier plus faible. La qualité du papier, dépendante des contraintes économiques, est un obstacle aux effets
  • 28. 23 visuels. De plus, les journaux d’informations ne sont pas lus par l’ensemble de la population, ce qui pose un problème aux entreprises, qui cherchent souvent à toucher les jeunes. Les magazines, quant à eux, n’ont pas ce problème de qualité. En effet, l’emplacement publicitaire coûte plus cher car le papier est de meilleure qualité. Mais les limites du magazine sont sa fréquence de publication d’une part et sa thématique de l’autre. Car, comme pour la télévision, nous ne verrons pas d’annonce publicitaire pour un shampoing, dans un magazine automobile. En revanche, l’avantage du support papier c’est sa durée. Le consommateur a la possibilité de le garder autant qu’il le souhaite. S’agissant du cinéma, ce médium à l’avantage de capter l’attention du public grâce à son grand écran et à sa qualité sonore. De plus, le consommateur, bien installé dans son fauteuil, n’a pas la possibilité de « zapper », comme lorsqu’il est chez lui devant sa télévision. En revanche, utiliser le cinéma pour une campagne de publicité coûte vraiment cher. Effectivement, il est difficile de cibler une catégorie de la population. Lors d’une séance, l’âge des personnes présentes, peut aller de 7 à 77 ans. Mais ce n’est pas le seul obstacle à surmonter, car les gens qui ont l’habitude d’aller au cinéma, ont tendance à arriver après les spots publicitaires. De ce fait, ce média nécessite un investissement important, pour des résultats peu satisfaisants. L’affichage, quant à lui, est un médium, dont nous avons parlé précédemment et que nous avons lié au développement du street art. Il répond à des codes qui ont fait leurs preuves du point de vue communication. L’affichage crée un lien de proximité avec le consommateur. L’aspect visuel est travaillé pour être le plus impactant possible. Les entreprises n’ayant pas la possibilité d’avoir une bande sonore, jouent sur les couleurs, les images et le message. C’est aussi un outil de communication de masse qui touche tout le monde. Il est impossible de passer au travers des campagnes d’affichage, qui inondent les panneaux publicitaires. Mais, c’est aussi de là que vient sa limite majeure. Les espaces publicitaires du domaine public sont totalement saturés et, financièrement peu abordables, aux petites entreprises, du fait du jeu de l’offre et la demande. Enfin, internet, le dernier arrivé, si l’on peut dire, dans la famille des médias. L’univers digital permet de faire un ciblage extrêmement précis et pour des coûts variables. Les gens n’ont plus à se déplacer, la publicité est présente sur toutes les
  • 29. 24 pages internet, quelles qu’elles soient. En un seul « clic » le consommateur a la possibilité d’accéder à l’information et de passer à l’acte d’achat. Tout est plus rapide et les outils offerts, par internet, permettent de s’adapter à l’audience en quelques instants. Cependant, cette multitude d’encarts publicitaires finit par déranger l’internaute, qui n’a pas la possibilité de « zapper ». Il se sent envahit par les annonces commerciales. Ajoutons à cela, la somme d’informations, qui crée un doute dans l’esprit du consommateur. Tout le monde est « le moins cher », un site A dira, que tel produit est plus performant qu’un autre et un site B dira l’inverse. Trop d’information tue l’information et le consommateur s’y perd. Pour finir, il faut également intégrer le fait que, malgré l’importance de ce médium, et sa valeur internationale, aujourd’hui, tout le monde ne possède pas un ordinateur. Cet état des lieux prouve que, pour continuer à communiquer de manière efficace, les entreprises ont besoin de nouveaux outils peu onéreux et qui vont capter rapidement l’attention de la population. b. Un outil adapté à la surcharge médiatique Tout d’abord, il faut savoir que le street marketing ne se positionne pas comme un outil remplaçant les médias traditionnels. C’est une technique de vente, intégrée dans une stratégie de communication globale. Mise à part la distribution de tracts et les hommes sandwichs, les actions de street marketing sont faites pour créer le buzz, stimuler la curiosité du consommateur, créer du trafic (attirer les gens) en magasin ou sur un site internet, par exemple et surtout, créer un lien avec le client ou futur client, en le rendant « consommateur - acteur » de l’évènement. Prenons quelques exemples d’opérations marquantes. La première, qui décrit parfaitement l’impact social de cet outil, a été réalisée par la marque Dulux Valentine. En 2010, la société a choisi d’investir les favelas de Rio. (Annexes 6, pages 73 : Dulux Valentine – Favelas de Rio) Les favelas sont des zones pauvres, défavorisées et souvent peu, voire pas, entretenues. L’idée de Dulux Valentine a été de donner de la couleur, à des bâtiments vieux et ternes. Pour cela, la marque s’est installée au cœur de l’une des plus grandes favelas, a commencé à monter des échafaudages,
  • 30. 25 puis les ravalements de façades ont pu débuter. La population de ces quartiers, curieuse, s’est regroupée autour de cet évènement. Afin de rendre le consommateur acteur de cette action, Dulux Valentine a invité les habitants, à participer aux travaux de peinture. Cet évènement, destiné à faire la promotion de la qualité de la peinture extérieure de Dulux Valentine, a rassemblé les habitants autour d’un acte collectif. Cette opération a nécessité un investissement bien inférieur, à une campagne de publicité traditionnelle. En effet, le besoin de main d’œuvre était infime et la matière première de l’activité était un produit de la marque. Les gens ont fait le reste. Le lieu, parfaitement choisi, n’a pas tardé à attirer la population en masse. L’effet de masse a attiré les journalistes. Il n’en fallait pas plus pour créer le buzz et faire le tour du monde grâce à internet. Dans cette opération, il y a un aspect gagnant – gagnant, d’une part, Dulux Valentine fait sa promotion à l’échelle mondiale et à faible coût, et d’autre part, les habitants des favelas ressortent soudés et heureux d’avoir participé à la recoloration de leur lieu de vie. L’implication du consommateur dans la promotion d’un produit permet d’accentuer la notoriété d’une marque. Une autre société est devenue spécialiste des opérations de street marketing. La SNCF, qui souffre d’une mauvaise image au cœur de la population française, innove constamment dans ses actions urbaines. Ses points forts : susciter la curiosité et créer la surprise. Deux évènements se détachent d’un point de vue médiatique, « la Machine à Voyager » et « Passez une tête à Bruxelles ». Ils fonctionnent tous deux sur la même logique, une boîte mystérieuse et interactive, placée sur une place en plein cœur d’une ville. L’objectif est de promouvoir certaines lignes de train. Le concept de « la Machine à Voyager » est une boite noire avec un bouton rouge sur sa façade. Aucun texte, aucune image, juste une voix qui vous demande où vous aimeriez partir en voyage et qui vous donne l’ordre d’appuyer sur le bouton rouge, sans raison. Au moment où vous appuyez, vous assistez alors à un feu d’artifice, une sorte de grand désordre festif avec des cotillons, de la lumière et des effets sonores… Vous venez de gagner des billets pour la destination, que vous avez choisie. Le consommateur, surpris et gagnant, sera le premier relais de cette opération et aura un regard différent sur la SNCF. (Annexes 7, pages 74 : SNCF – La Machine à Voyager) Pour
  • 31. 26 « Passez une tête à Bruxelles », la SNCF a choisi une boite blanche avec comme unique inscription « passez la tête », au-dessus d’un trou. (Annexes 7, pages 75 : SNCF – Passez une Tête à Bruxelles) Une fois la tête dans le trou, vous vous retrouvez en duplex avec Bruxelles, avec une fanfare belge qui vous chante la bienvenue. Encore une fois, la surprise est totale et inoubliable. Ces évènement sont, donc, très percutants et savent capter l’attention de la population. De plus, ils font la démonstration d’un phénomène sociologique. Il suffit que quelques personnes s’arrêtent devant quelque chose, pour provoquer un effet de masse immédiat. La foule attire la foule. Le street marketing qui tire, en partie, ses concepts des évènements et détournements de mobilier urbain, de l’univers street art, est un outil percutant et une bonne alternative financière. Or, comme pour toute action commerciale ou action urbaine, il y a une réglementation à respecter. Ce que n’a pas fait Coca Cola à la Nouvelle Orléans en Mars 2012. La marque de boisson américaine, mondialement connue (on dit même que c’est la seule marque présente dans tous les pays du monde) s’est vue rappeler à l’ordre par les institutions de la Nouvelle Orléans. Coca Cola avait lancé une opération « pochoir », l’objectif était de recouvrir les rues de la ville de pochoirs au logo de la marque et de couleur rouge. Cependant, ni la société, ni l’agence de communication, en charge de l’opération, n’avaient fait de demande d’autorisation. Les habitants se sentant envahis ont vite fait part de leur mécontentement. Au final, cette action n’aura pas été une réussite pour Coca Cola, puisque le nettoyage des 120 graffitis lui fut imposé et le coût, bien supérieur à l’investissement initial. (Mayda-Bakri.fr. 2012: L’opération de guerrilla marketing de Coca-Cola n’est pas au goût de la Nouvelle-Orléans) Le street art et ses outils dérivés sont donc des vecteurs de communication indéniables. Cependant, pour être efficaces, ils doivent répondre aux limites imposées par la loi et suivre leurs codes originels. Reste à savoir si ce mouvement artistique est efficace dans n’importe quelle stratégie de communication, pour la diffusion du message. La question se pose de savoir, si le street art peut être utilisé de la même manière dans une communication de marque et dans une communication institutionnelle.
  • 32. 27 3. Le Street Art un choix stratégique. Ces deux dernières années, nous avons vu de nombreux organismes et entreprises s’approprier le phénomène qu’est le street art. De Toyota à Hermès, en passant par la Mairie de Marseille et Sephora récemment, ils ont tous intégré ce mouvement artistique dans leur campagne de communication mais pour des objectifs différents. A)Stratégie de marque Dans une stratégie de marque ou de produit, une société ou tout autre organisme, a pour objectif de vendre. Mais ce n’est pas tout, elle cherche à devenir une référence chez le consommateur et à le fidéliser. Pour cela, elle doit le surprendre, créer le désir et le satisfaire. En un mot, afin que la marque prenne de la valeur dans l’esprit du consommateur, elle doit se singulariser. a. Le Street Art, cure de rajeunissement et effet de surprise pour les marques Afin de se démarquer de la concurrence, les sociétés sont constamment à l’affut des nouvelles tendances. Comme expliqué précédemment, le street art en fait partie. L’utilisation de cet art est-il en accord avec les objectifs des marques ? Avant tout, pour comprendre la volonté des entreprises d’utiliser le street art dans une campagne de communication de marque, nous allons nous intéresser à un artiste mondialement connu et qui faisait référence dans l’univers urbain et le monde de l’art : Keith Haring. Ce dernier a influencé un grand nombre d’artistes et de publicitaires. Mais ce qui nous intéresse ce sont ses chiffres. Keith Haring, ce sont 3500 œuvres mises aux enchères ces deux dernières décennies, pour un chiffre d’affaire de 93 millions de dollars et un taux d’invendu de 21% (Art Media Agency. 11
  • 33. 28 Avril 2013: AMA Newsletter 97). Ces statistiques feraient rêver bon nombre d’artistes contemporains et de chefs d’entreprises. En sachant que ses deux marchés principaux sont les Etats Unis et l’Europe. Il n’est donc pas étonnant de voir de grandes marques tenter leur chance sur ce créneau. A commencer par les marques de luxe, qui ont toujours su allier l’art à leurs produits d’exceptions. Prenons l’exemple d’Hermès. Courant 2011, la marque au carré de soie lance une nouvelle collection de foulard, sur le thème du graffiti. Imaginez un foulard Hermès classique, avec un graffiti comme vous pouvez en trouver aux quatre coins des rues, le pari était d’autant plus audacieux, que la marque réalise une grande partie de son chiffre d’affaire sur ces ventes. En effet, la marque chic, mais avec une image vieillissante, a choisi de se rajeunir et d’attirer des consommateurs plus jeunes, en confiant la customisation de ses carrés à l’artiste graffeur Kongo. Cette collection, en elle-même, est une surprise, mais pour l’accompagner au mieux, Hermès a choisi une campagne de communication entièrement basée sur le street art. Toutes les vitrines de ses magasins affichaient des graffitis du sol au plafond. (Annexes 8, pages 76 : Hermès - Kongo) Des graffitis hauts en couleurs suscitant le désir chez le consommateur. Tout ceci relayé sur le web afin de créer le buzz et par conséquent de créer du trafic en magasin. La démarcation était faite, aucune autre marque de luxe n’avait pris le parti de lancer un nouveau produit sur le thème du street art. Le buzz n’a donc pas eu trop de difficulté à produire l’effet recherché. Les journaux se sont emparés de la nouvelle et les réseaux sociaux ont fait le reste. L’opération a été une réussite, Aéroport de Paris a même déclaré, que la vente des carrés Hermès dopait les bénéfices de manière croissante, ces dernières années. Autre marque, autres objectifs : Converse. En 2012, Converse lance une campagne d’affichage façon street art. (Annexes 9, pages 77 : Converse) Contrairement à Hermès, la marque à l’étoile ne souffre pas d’une image vieillissante, c’est même l’inverse. Au fil des années, elle a su s’adapter de manière à toujours être portée, par les jeunes générations. Mais pas seulement, la Converse All Star est la chaussure urbaine par excellence. Aussi bien adaptée à l’hiver qu’à l’été, souple, passe partout, elle va parfaitement avec un jean. La campagne a consisté à faire des pochoirs et des graffitis, de la chaussure et du nom de la marque, sur des panneaux
  • 34. 29 publicitaires, dans de nombreux pays anglo-saxons. Très colorée et très artistique, cette campagne a également fait le buzz sur les réseaux sociaux. L’objectif était de renforcer la croyance du consommateur. Il sait que Converse fait des chaussures jeunes, pour tous les jours, mais la marque souhaite, que son nom soit une « top réponse ». Elle veut que lorsque l’on questionne un jeune sur ce qu’est, pour lui, la chaussure classique de sa génération, il réponde « All Star ». Cette stratégie de Converse fonctionne depuis des années, le modèle « All Star » a marqué plusieurs générations et fidélisé la clientèle. Une fois de plus Converse a su sentir la tendance, car cette marque a souvent été associée, dans le passé, à l’univers Hip Hop, mouvement musical lié au street art. Parmi les marques de prêt à porter, Lacoste aussi a choisi, en 2011, de se lancer dans l’aventure artistique urbaine. Le produit phare n’était pas le polo au crocodile mais le parfum Lacoste L.12.12. La marque a choisi de lancer son nouveau parfum de manière originale et pour cela, elle a fait appel à l’artiste Mark Jenkins. (Annexes 10, pages 78 : Lacoste – Mark Jenkins) Ce dernier est connu pour ses sculptures faites de scotch, de papier ou autres matériaux représentant des hommes dans des situations de la vie de tous les jours. L’idée de la marque fut de déposer des sculptures de scotch dans les rues de Paris. Ces installations représentaient des hommes en train de jouer au tennis. A travers le scotch transparent, on pouvait distinguer le nouveau parfum Lacoste. Son flacon rouge était soigneusement placé au niveau du cœur. L’idée était de rappeler que Jean René Lacoste était le nom d’un tennisman et le fondateur de la marque, qu’il en était, par conséquent le cœur, l’essence même de la marque au crocodile. Le crocodile étant son surnom sur les terrains de tennis. Cette manière originale de raconter une histoire et de faire découvrir un nouveau produit au public, a eu un grand succès auprès de la population. Le mystère qui se cachait derrière cet homme fait d’adhésif transparent et au cœur rouge a attiré le consommateur. L’expérience du street art fut apparemment concluante, puisque Lacoste a poursuivi quelques mois plus tard avec une autre campagne « Lacoste live », où la marque s’est associée à plusieurs artistes urbains de la scène américaine.
  • 35. 30 b. Une tendance instable D’une manière générale, les marques recherchent à faire le buzz. Pour cela, elles mettent au point un évènement, avec une stratégie digitale permettant de le relayer en masse. Mais il y a une limite à ce mécanisme. Aujourd’hui, les outils qui permettent de mesurer l’efficacité d’une campagne de communication sur le web ne sont pas efficaces. Les données que nous avons sont des données, qui permettent surtout d’évaluer le taux de pénétration dans la population. Sur les réseaux sociaux, cela peut être le nombre de « j’aime », le nombre de « vue » ou encore de « partage » sur un article. Sur un site classique, on peut avoir le nombre de « clic » sur un lien, il en est de même pour les sites de partage de vidéos. Mais les outils actuels ne nous permettent pas encore de connaître le taux de transformation de tous ces clics. C’est-à-dire qu’ils ne nous permettent pas de savoir si, par exemple, sur les 500 « j’aime » sur la photo du dernier parfum Lacoste, il y a 30, 40, 70 ou plus de personnes qui ont acheté le parfum. Le permettront-ils ? Cela semble compliqué de « pister » le consommateur depuis son ordinateur, jusqu’au magasin. Cette limite ne s’applique pas seulement aux campagnes, qui tournent autour du street art, elle s’applique à toutes les campagnes fondées sur ce mécanisme. Un autre aspect pourrait venir contrarier la stratégie des entreprises. Celui-ci est lié au street art certes, mais aussi à l’art d’une manière générale. C’est l’aspect financier, à savoir la rémunération des artistes. La crise financière, qui touche la planète depuis maintenant plusieurs années, a obligé les entreprises à revoir leur stratégie et leur budget. L’objectif pour une majorité de sociétés est de maintenir les résultats ou les ventes et non de les augmenter. Les dépenses ont donc été revues à la baisse, d’une manière générale, et comme souvent, le budget assigné à la communication est celui qui diminue le plus. Dans ses conditions, l’annonceur n’est pas prêt à payer des sommes folles, pour un artiste connu et encore moins pour des artistes en devenir ou avec une faible médiatisation. Ajoutons à cela, la part récupérée par les agences et la rémunération des artistes peut devenir anecdotique. Dans le cadre de mes enquêtes, j’ai eu l’opportunité d’interviewer « Mademoiselle Maurice » une artiste découverte en parcourant les rues. La première fois que j’ai vu l’une de ses œuvres, j’étais assez émerveillé par la réalisation et le travail accompli. Sa marque de fabrique est de réaliser des formes, des messages avec des dizaines, voire des centaines de bouts de papiers, pliés suivant le principe de l’origami.
  • 36. 31 (Annexes 11, page 79 : Mademoiselle Maurice) Elle utilise pour cela des papiers de toutes les couleurs et plus précisément les couleurs de l’arc en ciel, afin de pouvoir donner un dégradé à son œuvre. Travaillant aussi bien en intérieur, sur toile ou tout autre support, elle ne se considère pas forcément comme une artiste urbaine. Quoiqu’il en soit, avant d’aller appliquer ses œuvres dans la rue, la préparation nécessite des heures d’un travail minutieux. Lors de notre entretien (annexe…), elle m’a confié qu’une marque l’avait sollicitée, par le biais d’une agence, afin de participer à une campagne de communication. Hors l’agence lui demanda de travailler bénévolement. Il semblerait d’ailleurs, que ce genre de proposition arrive régulièrement. L’artiste n’est pas considéré à sa juste valeur et son travail non plus. Ce qui intéresse les marques c’est le résultat, à savoir le visuel. Mais les agences de communications et les annonceurs peuvent aller plus loin. De nombreuses œuvres ou techniques sont copiées et réalisées sur ordinateur, par des graphistes. Un artiste qui refuse une collaboration pour une campagne, peut voir son travail ou quelque chose qui s’en inspire profondément, dans cette même campagne. Se pose alors la question des droits d’auteur. En voulant utiliser le mouvement street art, sans respecter le travail des artistes, les entreprises et annonceurs prennent le risque de rendre encore plus sensibles, qu’elles ne le sont déjà, les relations avec les artistes urbains. Il ne faut pas oublier que la société de consommation et la publicité sont le cheval de bataille du mouvement street art. Le combat contre la société de consommation a toujours été un facteur de revendication. Ce combat a même été à l’origine d’un évènement, qui a fait le tour du monde. L’année dernière, quelques jours avant le début des Jeux Olympiques de Londres, 26 artistes de renommée mondiale, se revendiquant du mouvement street art, ont lancé l’opération « Brandalism ». Cela est une « contraction de « brand » (marque) et de « vandalism ». Les artistes ont détourné plusieurs dizaines de panneaux publicitaires, un peu partout en Angleterre. L’objectif était de se réapproprier « l’espace public » et de se battre contre les marques. « Nous sommes des rats de laboratoire pour les publicitaires qui exploitent nos peurs et nos insécurités, via le consumérisme. Je suis un être humain, pas un consommateur » déclarait l’un des protagonistes Bill Posters (Culturebox. 2012: Street Art: 26 artistes se liguent contre la publicité). Il faut savoir que la ville de Londres, un mois avant le début des Jeux Olympiques, avait lancé une vaste
  • 37. 32 opération de nettoyage des graffitis et autres œuvres urbaines, afin de laisser la place à l’armada des annonceurs, partenaires de l’évènement. Pour l’occasion, les marques n’avaient pas hésité à dépenser des sommes astronomiques pour avoir l’exclusivité. Prenons l’exemple de Coca Cola, qui paie afin qu’on ne trouve que du Coca dans toute la ville, depuis le supermarché jusqu’à la petite supérette de quartier. Il était impossible de trouver du cola d’une autre marque quelle qu’elle soit. Il en a été de même avec MasterCard, seules cartes de paiement, acceptées dans tout Londres, pendant la compétition. Mais l’aspect financier ne joue pas uniquement sur la rémunération des artistes, il joue aussi directement sur la stratégie de communication. Comme expliqué plus haut, le but est de maintenir les bénéfices, en période de crise. De ce fait, une communication de marque se fera à court terme et avec un ciblage plus spécifique. Le ciblage est la clé d’une communication réussie, or aujourd’hui les codes ont changé. Faire un ciblage par âge ou par catégories socioprofessionnelles ne suffit plus. Internet a permis au consommateur de s’ouvrir au monde et d’avoir accès à tout ce qu’il souhaite. Les entreprises n’ont plus les moyens de faire des campagnes adaptées, à plusieurs types de profil. On se dirige donc vers une période où toutes les campagnes de communication vont se ressembler, suivant leur secteur et leur cible principale. Et la tendance street art en est la preuve concrète. Lors de mon enquête auprès du public, les marques citées utilisant le street art ont été nombreuses. Voici une petite liste : Coca cola, Lipton, Burn, Red Bull, Agnès B, Louis Vuitton, Hermès, Kenzo, Ray Ban, Diesel, Colette, Puma, Adidas, Chevrolet, Toyota, Nissan, Citroën, Tic-Tac, McDonald, Simply MArket, Meetic, Easyjet, AXA, cigarettes Gauloises, Nokia… et je pourrais continuer. Toutes ces campagnes ont été faites ces deux dernières années et on s’aperçoit clairement que les marques de boissons, de vêtements et de voitures sont largement représentées. Toutes ces campagnes ont été citées par un échantillon d’une soixantaine de personnes, ce qui prouve qu’elles sont légion. (Annexes 20, pages 91 à 120: Le Street Art au service de la Communication). Cependant, ces limites ne sont applicables qu’à une communication de marque. Lors d’une communication institutionnelle, les choses sont différentes, les objectifs ne sont pas les mêmes et par conséquent l’approche des annonceurs ou des agences de communication varie aussi.
  • 38. 33 B) Communication institutionnelle Lors d’une communication institutionnelle, une entreprise cherche à communiquer sur ses valeurs. Elle cherche à provoquer la sympathie et à installer un climat de confiance avec le consommateur. Le but étant de fidéliser le consommateur et de renforcer la marque. Même si une communication institutionnelle n’est pas orientée vers un produit ou un service, nous pouvons considérer, qu’elle aura malgré tout un impact sur ces derniers, qu’il soit négatif ou positif. a. Le Street Art vecteur de valeurs L’impact social du street art a été démontré précédemment. De ce fait, les entreprises ou institutions sont de plus en plus nombreuses à vouloir utiliser ce courant artistique, pour transmettre leurs valeurs. Plusieurs grandes villes ont choisi de mettre le street art au cœur de leur communication, afin de mieux se rapprocher de la population. En communication, plus on est proche de la cible plus le message a d’impact. Un artiste en particulier a parfaitement compris comment rassembler une population et la faire devenir protagoniste de la vie locale. Cet artiste s’appelle JR, il est français. JR est un photographe et un artiste urbain. Son œuvre est portée vers la population locale et s’adapte, par conséquent, au lieu où il se trouve. Son travail consiste à photographier des gens avec différentes expressions ou au contraire des gens exprimant tous le même sentiment. Après la séance photo, les portraits sont imprimés à l’échelle d’un immeuble ou d’une maison, pour pouvoir être appliqués dans la rue à grande échelle. Dans l’une de ses actions JR a, par exemple, recouvert les murs de toutes les maisons d’une favela à Rio. (Annexes 12, page 80 : JR – Favelas de Rio) Vue d’hélicoptère, son œuvre était gigantesque et très marquante. Des visages de femmes recouvraient entièrement la favela.
  • 39. 34 « Représenter la vraie vie au travers de portraits photographiques, c’est prêter voix à des populations stigmatisées, stéréotypées et marginalisées. En livrant des portraits authentiques de ces populations, l’artiste raconte aussi l’histoire du lieu où elles habitent. S’intéressant aux similitudes plutôt qu’aux différences, JR décatégorise en outre ses sujets. ». (Waclawek, Anna. 2012 : Street Art et Graffiti, Thames & Hudson l’univers de l’art, 207p) C’est pour cela que Marseille a, récemment, décidé de faire appel à l’artiste. La ville de Marseille est, depuis le mois de Janvier 2013, devenue la capitale culturelle européenne. Afin de justifier son titre, de nombreux évènements artistiques, cinématographiques ou musicaux sont organisés depuis 6 mois. L’objectif de la ville est aussi bien de se rapprocher de sa population, que d’en faire découvrir ses valeurs et son histoire, à tous les voyageurs faisant escale dans le vieux port le plus connu de France. (Annexes 12, page 81 : JR – Marseille) C’est donc tout naturellement que JR a répondu favorablement lorsque la ville lui a proposé de venir mettre son talent au service de Marseille et de sa population. A cette occasion, l’artiste a principalement travaillé avec des photos d’époque, des photos transmises directement par la population marseillaise, par des familles provençales ou issues de l’immigration. Car Marseille est une ville tournée vers le monde, une ville accueillante, une ville métissée. Voilà la première valeur que souhaitait transmettre cette ville, tout en rappelant que sa richesse culturelle est le fruit de ce « melting pot ». L’une des œuvres de l’artiste a été appliquée dans un quartier populaire du vieux Marseille. Elle représentait un couple issu de l’immigration africaine, qui avait trouvé, une terre de refuge en la cité phocéenne. Partagée entre souvenirs et fierté, la population du quartier remercia l’artiste. Autre quartier, autre photo. Sur une place proche du vieux port, JR réalisa le collage d’une photo sur laquelle on pouvait distinguer une barque, avec une famille de pêcheurs à l’intérieur. Le but de cette photo était de rappeler que la grandeur de Marseille est, en partie, la conséquence de son port, ouvert sur la méditerranée et de son activité commerciale historique. Enfin, comment parler de Marseille sans parler de pétanque ? JR l’a parfaitement compris. Au même titre que le football avec l’Olympique de Marseille, la pétanque est le « sport » local par excellence, elle fait partie intégrante de la vie culturelle de la cité
  • 40. 35 et rassemble la population de tous âges, qu’elle soit masculine ou féminine. L’artiste a réalisé à cet effet, un agrandissement d’une photo, représentant un joueur traditionnel de pétanque en plein effort, qu’il a ensuite appliqué sur la façade d’un immeuble, proche de la Canebière, en plein centre-ville. Le résultat général de l’opération a été un succès auprès de la population locale et auprès des gens de passage. De nombreux articles et témoignages sur le sujet, ont été publiés, aussi bien par la presse papier, que par la presse télévisuelle. Le street art, de par sa multitude de supports et de techniques, correspond parfaitement à la transmission de valeurs culturelles. A Paris, le centre commercial Beaugrenelle a, lui aussi, tenté l’expérience. Lors de sa rénovation, le groupe Gecina, en charge du projet, a choisi de relooker ses échafaudages pour proposer une autre vision du futur lieu ouvert public. Véronica Basallo-Rossignol, directrice de la communication du groupe s’explique : « A Beaugrenelle, le projet dépasse le simple positionnement de centre commercial. Nous y offrirons autre chose que du commerce pur : ce sera un lieu d’expression, de rencontre et de culture. Ce qui se traduit dans la politique de communication. […] Nous voulions détourner les codes des lieux de commerce avec cette démarche inédite d’appropriation de l’espace au niveau de la rue. » (Batiactu. 2012 : Le Street Art, un nouveau vecteur de communication (Daiporama)). La finalité de cette opération est de rendre l’espace urbain à son propriétaire. Le centre commercial est avant tout un lieu de rencontre, un lieu où toutes les catégories sociales peuvent se croiser, discuter, échanger. Par conséquent, l’être humain sort de son statut de consommateur pour passer à celui d’acteur de la vie culturelle. Avant même sa réouverture, le projet tient toutes ses promesses. En effet, en plus d’être un centre commercial, il est aussi un centre créatif, un centre de libre d’expression. De nombreux artistes urbains ont, depuis, laissé leur empreinte. Beaugrenelle est un lieu de rendez-vous où l’on peut côtoyer des artistes, des consommateurs, des personnes anonymes, de tous âges et de toutes nationalités. Cette opération a eu un grand succès grâce, en particulier, à une importante campagne de communication, sur les réseaux sociaux. Avant d’aborder l’aspect institutionnel du street art, il me semble important de vous parler de l’expérience vécue avec la Mairie du XIIIème arrondissement de Paris.
  • 41. 36 J’avais fait le choix d’étudier leur stratégie et pour cela je suis entré en contact avec leur service culturel, ainsi qu’avec la galerie Itinérance, en charge de toutes les commandes de street art de l’arrondissement. Ayant eu leur accord pour réaliser une interview, je leur ai donc transmis un questionnaire à chacun. Après quelques temps sans réponse, j’ai décidé de les relancer. Des deux côtés, les personnes ont été très coopératives et m’ont assuré, que j’aurais leur avis en temps voulu. Or, à l’heure actuelle et après plus d’une dizaine de mails, je n’ai plus aucune nouvelle des principaux acteurs de cette politique de communication, tournée vers l’art. Cela m’incite à mettre un bémol sur le fond et l’origine de leur motivation. Je pense que l’intérêt qu’ils portent au street art est plus lié à l’image de la mairie, qu’à celui de la transmission de valeurs, dont il peut être le vecteur à travers son esprit. Cependant, les multiples fresques géantes commandées par le maire ont pour but, encore une fois de se rapprocher de la population. A travers ces peintures, l’objectif est de montrer à la population, que la mairie est tournée vers la création et l’émulsion artistique. Qu’elle est tournée vers les jeunes et leur manière de communiquer. La mairie du XIIIème arrondissement, faisant donc partie intégrante de la ville de Paris, capitale de la France et représentante de la richesse culturelle et sociale du pays, a adopté une politique de proxémie en faisant du street art, l’une de ses valeurs. La proxémie est un principe de communication politique visant à être le plus proche possible de sa cible, à travers ses valeurs ou ses habitudes de vie. Paris étant réputé pour son univers artistique urbain et son grand nombre d’artistes de renommée mondiale. Récemment, une fresque a eu une valeur historique, ce qui n’avait pas encore été le cas avec les précédentes commandes. Pour l’inauguration de la place Farhat Hached, à côté de la bibliothèque François Mitterand, un portrait géant de l’homme a été réalisé sur la façade d’un des bâtiments, qui la surplombe. Farhat Hached était un homme d’origine tunisienne, chef d’un mouvement nationaliste durant la colonisation française. Cette fresque était donc un hommage à la population française d’origine tunisienne mais aussi un message d’excuse adressé à toute la Tunisie pour l’époque coloniale française. Cette fresque a valeur de paix et rappelle que la France est un pays d’accueil, à mixité sociale, mais aussi un pays, qui a conscience de ses erreurs. C’est un message politico-culturel. D’une manière générale, le street art est très bien reçu par la population du XIIIème arrondissement. Etant moi-même blogueur sur l’univers de l’art urbain, j’ai pu m’en rendre compte assez rapidement, lors de mes multiples sorties dans le quartier. L’année dernière,
  • 42. 37 une fresque géante d’Obey, a été réalisé sur un immeuble. J’étais en train de prendre des photos, lorsqu’un habitant du quartier m’interpella. Le monsieur devait avoir un peu plus de 60 ans et s’extasiait devant l’œuvre. Il me demanda si je connaissais le nom de l’artiste et m’expliqua, que les couleurs et les formes géométriques lui rappelaient des affiches de propagande russe. Effectivement, comme je l’ai expliqué précédemment Shepard Fairey, alias Obey a basé sa marque de fabrique sur ces techniques russes. Cette personne me confia, qu’elle n’était pas du tout passionnée, ni intéressée, par l’art mais, me dit-elle : « toutes ces couleurs apportent de la vie et de la gaieté au quartier, les gens s’arrêtent devant les fresques et discutent pendant des heures, cela nous permet de parler avec des jeunes gens comme vous et de mieux vous comprendre… Et puis c’est beau ! ». Par conséquent, on peut en conclure que la stratégie de la commune est approuvée par la population, qui y adhère. (Annexes 13, pages 82/83 : Mairie du XIIIème arrondissement de Paris) Le travail d’un autre artiste français m’interpelle. Space Invader est un artiste, qui a recouvert les villes du monde entier de plus ou moins grosses mosaïques, à l’effigie des petits monstres issus du jeu vidéo du même nom. (Annexes 14, page 84 : Space Invader) En France, il est connu pour placer ses œuvres hors de portée des gens, mais toujours à des endroits stratégiques. A la manière de « big brother », ses petits monstres observent constamment la population et sont souvent situés non loin de caméras de surveillance. C’est une manière de montrer à la population, tout en dédramatisant de manière humoristique, que nous sommes constamment épiés dans notre vie quotidienne. Avec au moins 1000 petits monstres recensés dans Paris (chaque « invader » à une sorte de numéro de série), Space Invader est le seul artiste, or commande officielle, dont les œuvres n’ont jamais été touchées par la municipalité et les services de police. La mairie serait-elle en accord avec l’esprit de dédramatisation de la surveillance urbaine ? Veut-elle dire, à travers cela, que malgré toutes les interdictions, la ville reste tolérante vis-à-vis de cet art et de ses valeurs ? La réponse est un mystère. b. Les artistes urbains, en accord avec une stratégie institutionnelle
  • 43. 38 D’une manière générale et à la différence avec une communication de marque, une campagne de communication institutionnelle est basée à moyen ou long terme. Les valeurs sont mises en avant à la place du produit. L’individu est considéré comme une personne avec une culture, avec des opinions et non comme un consommateur sans âme, entrainé dans un circuit de consommation, broyant tout sur son passage. De ce fait, le travail des artistes est considéré à sa juste valeur. Le street art est utilisé pour le fond et non pour la forme. Car encore une fois, derrière chaque artiste, chaque œuvre, il y a un message, des valeurs. Les artistes se laissent convaincre plus facilement de participer à une collaboration, lorsqu’ils se retrouvent dans les valeurs, que veut transmettre l’organisme. Cela peut être la créativité, la paix, la culture, le social, l’environnement ou encore la politique. Ce sont des combats qui reviennent régulièrement chez les artistes. Mademoiselle Maurice, que je vous ai déjà présentée, dans mon analyse me confirma, qu’elle n’hésiterait pas à travailler gratuitement pour une société ou un organisme, qui voudrait communiquer sur ses valeurs de partage, de lutte contre les inégalités, entre pays pauvres et pays riches ou encore sur ses actions environnementales. Mais, à contrario, elle refuse de « se vendre» à une grande marque, dont l’éthique ne convient pas à ses convictions. Elle m’expliquait qu’elle pourrait très bien refuser un gros chèque d’une entreprise, qui, pour vendre un produit fabriqué par des enfants ou a fort impact écologique, voudrait utiliser son art. En plus de ne pas se sentir en accord avec elle-même, son travail ne serait pas respecté, dans ce genre d’action. Sa réponse semble logique pour un adepte de l’art urbain, mais pourrait être interprétée comme un mensonge, par un non averti. Sa réponse est logique, car la grande majorité des artistes urbains tentent, au quotidien, de transmettre leurs valeurs, de faire partager leur combat ou de faire prendre conscience, d’un problème, à la population. Alors pourquoi changeraient-ils d’attitude pour la publicité, leur ennemi de toujours ? Un exemple intéressant me vient à l’esprit, le « tagueur écolo » Paul Curtis, alias Moose. Cet artiste a pour particularité de faire de l’art en nettoyant. (Annexes 15, page 85 : Paul Curtis) Plutôt que d’utiliser de la peinture en aérosol ou des affiches, qui dégradent le mobilier urbain (même si c’est pour y apporter un côté artistique) et peuvent coûter cher en réhabilitation, il a choisi d’utiliser des pochoirs sur des zones encrassées par notre pollution. Sa technique est d’appliquer un pochoir sur les murs d’un tunnel et de passer, par-dessus, avec un jet d’eau à haute pression. Une fois terminé, il enlève ses pochoirs et la partie nettoyée à l’eau laisse apparaitre son dessin, au milieu du
  • 44. 39 mur noirci par les gaz d’échappements. On appelle cela le « clean tag ». « Faire de l’art en nettoyant la ville fait partie intégrante d’un projet, visant à promouvoir une gestion durable de l’environnement et à attirer l’attention sur la saleté que nous produisons ». (Waclawek, Anna. 2012 : Street Art et Graffiti, Thames & Hudson l’univers de l’art, 207p). Mais sa réponse peut être, aussi controversée, lorsque l’on voit le nombre d’artistes ayant collaboré avec les sociétés pour des campagnes de communication de marque. Cela s’explique par l’institutionnalisation du mouvement. En effet, depuis 2005, le street art se formalise de plus en plus, arrive à maturité et est accepté par le système. Cette acceptation est la récompense du travail artistique fournit par les artistes. La population est consciente du niveau élevé demandé pour la réalisation de ces œuvres. L’évolution a, cependant, poussé les artistes vers les expositions des galeries d’art ou des musées, ce qui soulève le paradoxe entre l’art gratuit, mis à disposition de tout le monde dans la rue, et l’art destiné à certaines classes sociales. Ne pouvant pas lutter contre l’institutionnalisation de leur art, ils sont nombreux à avoir choisi de répondre aux demandes publiques, telles que les mairies, les festivals ou les expositions en plein air. « L’art urbain est d’abord une manière d’explorer la ville et une confrontation avec son quadrillage, par toutes les formes d’autorité. De cette aventure, l’institution peut tout au plus restituer les traces : photographies, films, dessins préparatoires ». (Lemoine, Stéphanie.2012 : L’art urbain du graffiti au street art, Découvertes Gallimard, 127p) Mais si autant de collaborations avec les marques existent, c’est parce que les jeunes artistes ont un besoin de reconnaissance, ils rêvent d’être exposés en galerie, comme leurs modèles. De plus, vivre de son art est une chose difficile, surtout en période de crise, étant donné que le salaire fixe n’existe pas et que les commandes ne sont pas régulières. Mais cette attitude est la preuve d’un changement dans l’esprit de l’art urbain. La lutte contre le capitalisme et la publicité tend à devenir anecdotique et le street art, lui-même, pourrait devenir un art comme les autres, dont la reconnaissance ne se fait plus par le public, mais par les professionnels de l’art. La communication de marque et la communication institutionnelle ont donc parfaitement intégré le street art à leur stratégie. Reste à voir si une campagne de marque employeur pourrait en faire de même.
  • 45. 40 C) La marque employeur Une campagne marque employeur est une campagne de recrutement. On pourrait dire qu’une telle campagne est un mélange entre une campagne de marque et campagne institutionnelle. L’entreprise ou l’organisme qui recrute, se doit d’être attractif aussi bien à travers ses produits et services, qu’à travers ses valeurs et sa culture. Etant donné que le street art est un vecteur de valeurs et un mouvement artistique apprécié des jeunes, il aurait été étonnant, que les marques ne l’utilisent pas dans une optique de recrutement. Le premier exemple dont j’ai entendu parler en tant que blogueur, provient du secteur public de Nouvelle Zélande. Le plus surprenant est que, la police de Nouvelle Zélande est à l’origine de cette campagne. (Annexes 16, page 86 : Police – Nouvelle Zélande) Surprenant car, comme je n’ai eu de cesse de vous le dire, le street art reste un mouvement hors la loi dès lors qu’il est réalisé en dehors d’une commande, avec toutes les autorisations. C’est encore un paradoxe de cet art, il est interdit mais toléré, critiqué mais encouragé. C’est dans un des quartiers dits « chauds » d’Auckland, que l’opération a vu le jour. Les œuvres étaient réalisées sous forme de pochoirs et représentaient des policiers dans l’exercice de leur fonction, comme par exemple un policier en train de courir derrière un suspect. Le message inscrit était: « You too can do something extraordinary, Become a cop ! » (Toi aussi tu peux faire quelque chose d’extraordinaire, devient policier !). Cette campagne, au cœur des quartiers sensibles d’Auckland a dû en étonner plus d’un et faire rire un grand nombre de personne. Une question se pose alors, la police a-t-elle demandé l’autorisation de tagguer les murs de la ville ? A priori oui, sinon la campagne aurait été effacée. Je ne connais pas les résultats de cette campagne de recrutement, mais en tous cas elle a fait le tour du web. Autre campagne, beaucoup plus récente et en cours, celle de Sephora. Dans cette nouvelle campagne, la marque a choisi le street art pour une dizaine de visuels destinés à l’affichage urbain. L’opération appelée « Come Sephorize the World with Us » (Vient Séphoriser le monde avec nous) surfe d’une part sur la tendance urbaine