20e Congrès des économistes belges de langue française
1. Inégalité sociale, ségrégation et performance de
l’enseignement obligatoire en Belgique francophone
Dirk JACOBS
Julien DANHIER
Perrine DEVLEESHOUWER
Andrea REA
dirk.jacobs@ulb.ac.be
Twitter: @DirkJacobs71
The research leading to these results has received funding from the European
Research Council under the European Union's Seventh Framework Programme
(FP/2007-2013) / ERC Grant Agreement 28360
2. Performances moyennes en lecture
Le segment rouge représente la
fourchette que cette moyenne pourrait
prendre (avec une certitude de 95 %).
Un segment qui ne croise pas la
moyenne de l’OCDE indique une
différence statistiquement significative.
•
•
La Communauté flamande
atteint un score
significativement supérieur à
la moyenne de l’OCDE.
•
2/19
La Finlande obtient le score
moyen le plus élevé.
Les performances moyennes
des élèves de la Fédération
Wallonie-Bruxelles ne
difèrent pas significativement
de celles de l’OCDE.
20e Congrès des économistes belges de langue française - 21/11/2013
3. Niveaux de compétence en lecture
Les étudiants qui n’atteignent pas le
niveau de base en lecture (niveau 2)
manquent des savoirs-faire essentiels,
nécessaires pour une participation
efficace et productive à la société
(OECD 2012, 11)
•
•
3/19
13.4% des étudiants de la
Communauté flamande
n’atteignent pas le second
niveau.
23.3% des étudiants de la
Fédération WallonieBruxelles n’atteignent pas ce
niveau.
20e Congrès des économistes belges de langue française - 21/11/2013
4. Performance en lecture c. niveau socio-économique
La pente des droites traversant le
nuage de points indique l'importance
de la liaison entre l'origine socioéconomique et la réussite scolaire.
•
•
4/19
Les élèves issus d’un milieu
plus favorisé ont une nette
tendance à obtenir de
meilleurs résultats en lecture
que les élèves issus d’un
milieu défavorisé.
La corrélation entre l’origine
socio-économique et les
résultats en lecture est plus
importante en Fédération
Wallonie-Bruxelles qu'en
Communauté flamande.
20e Congrès des économistes belges de langue française - 21/11/2013
5. Variance expliquée par le milieu socio-économique
Plus ce pourcentage est élevé, plus la
réussite scolaire des élèves d’un
système est liée à leur origine socioéconomique et plus ce système est
inéquitable.
•
•
r = .48
5/19
En Communauté flamande,
la réussite scolaire des
élèves est davantage liée
leur origine socioéconomique qu’en moyenne
dans les pays de l’OCDE.
•
r = .41
La Finlande et le Canada
présentent les pourcentages
de variance expliquée les
plus faible.
Parmi notre sélection, cette
liaison entre réussite et milieu
socio-économique d’origine
n’est nulle part aussi
importante qu’en Fédération
Wallonie-Bruxelles.
20e Congrès des économistes belges de langue française - 21/11/2013
6. Variance expliquée contre performances moyennes
•
Inefficace
Equitable
Efficace
Equitable
La Finlande et le Canada
présentent des résultats dont
la moyenne est élevés mais
faiblement liés avec l’origine
socio-économique.
Il est possible d’être efficace
et équitable.
•
•
Inefficace
Inéquitable
6/19
La Communauté flamande
fait partie des systèmes les
plus efficaces mais présente
également un déterminisme
socio-économique important.
La Fédération WallonieBruxelles est à la fois peu
efficace et très inéquitable
Efficace
Inéquitable
20e Congrès des économistes belges de langue française - 21/11/2013
7. Ecarts de performances entre écoles
Entre les
écoles
La proportion de la variance qui est
attribuable aux écoles peut être
interprétée comme l’inégale répartition,
entre les écoles, des élèves (du point
de vue de leurs performances en
lecture) ou comme l’importance des
différences entre écoles en termes de
performances moyennes.
•
En Finlande, nous
observons de faibles
différences de performances
entre écoles.
•
Au sein des
écoles
7/19
Les deux Communautés
belges sont caractérisées
par une proportion importante
de la variance qui est
attribuable au niveau des
écoles.
Les écoles présentent des
performances très
différentes.
20e Congrès des économistes belges de langue française - 21/11/2013
8. Ségrégation scolaire
Ségrégation
Socio-économique
Allemagne
55.1 (17)
41.4 (18)
Autriche
46.2 (12)
36.2 (12)
Canada
40.2 (10)
33.1 (9)
Danemark
33.5 (5)
36.6 (13)
Espagne
31.5 (3)
31.7 (5)
Etats-Unis
33.6 (6)
40.1 (16)
Finlande
33 (4)
23 (1)
France
53.3 (16)
36.8 (15)
FWB
47.8 (13)
40.3 (17)
Grèce
43.5 (11)
36.7 (14)
Irlande
36.3 (8)
31.3 (4)
Italie
50.7 (14)
35.5 (10)
Luxembourg
34.1 (7)
30.6 (3)
Pays-Bas
55.8 (18)
32 (6)
Portugal
38.6 (9)
32.7 (8)
Royaume-Uni
31.3 (2)
35.6 (11)
Suède
28.1 (1)
28.5 (2)
VlG
8/19
Académique
50.9 (15)
32.6 (7)
L’indice de ségrégation de Gorard peut
être interprété comme la proportion
d’élèves défavorisés qui devraient être
échangés pour atteindre un répartition
égale de ces élèves entre les écoles
(Demeuse & Friant 2011).
•
La ségrégation est définie
comme la séparation spatiale
d’étudiants porteurs de
caractéristiques différemment
valorisées par la société
(Delvaux, 2005).
•
Les deux Communautés
belges présentent une
importante ségrégation.
•
On observera d'avantage une
segregation academique
prononcée en Communauté
flamande et une segregation
académique et socioéconomique en fédération
Wallonie-Bruxelles
20e Congrès des économistes belges de langue française - 21/11/2013
9. Prop. d’élèves sous le niv. 2 c. ségrégation socio-éco.
•
9/19
Plus un système
d’enseignement présente une
ségrégation scolaire (socioéconomique) importante, plus
la proportion d’élèves n’ayant
pas atteint le niveau de base
en lecture (niveau 2) est élevé.
20e Congrès des économistes belges de langue française - 21/11/2013
10. performances des écoles c. composition scolaire
•
10/19
En Communauté flamande
comme en Fédération
Wallonie-Bruxelles, l’origine
socio-économique moyenne
est associée avec les
performances moyennes en
lecture. Plus l’école accueille
un public favorisé, plus elle
sera caractérisée par des
résultats moyens élevés.
20e Congrès des économistes belges de langue française - 21/11/2013
11. L’effet de composition
Partie fixe
Constante
513,6 (2,22)
518,1 (1,7)
Communauté (VlG)
25,0 (4,55)
15,6 (5,46)
Genre (Masculin)
-12,1 (1,94)
-12,6 (1,88)
Origine socio-éco. (basse)
-8,72 (1,09)
-7,09 (1,11)
Retard scolaire
-52,2 (1,92)
-49,9 (1,9)
Qualifiant
-68,4 (3,79)
-61,6 (3,86)
Autre langage
-22,6 (3,62)
-21,6 (3,63)
(Langage invalide)
-23,3 (4,59)
-21,9 (4,46)
Origine non-europ.
-15,4 (3,06)
-12,9 (2,96)
L’analyse multiniveau (Goldstein 1995)
est une technique d’analyse
quantitative qui permet de traiter la
structure hiérarchique de nos
données, d’inclure des variables au
niveau des élèves et au niveau des
écoles ainsi que modéliser les
relations intra- et inter-écoles.
Comp. académique
-32,5 (12,15)
Comp. socio-écon.
-27,5 (6,23)
•
Les 2 coefficients indiquent
que, toute chose étant égale
par ailleurs, la composition de
l’école a un effet
supplémentaire négatif sur
les résultats scolaires.
La ségrégation importe !
Partie aléatoire
Variance au niveau 1 (σ2)
3598,8 (162,4)
3589,1 (161,55)
Variance au niveau 2 (τ00)
658,1 (90,64)
329,8 (59,87)
Ajustement du modèle
R2 (Niveau 1)
26,7 %
26,9 %
R2 (Niveau 2)
85,1 %
92,5 %
11/19
20e Congrès des économistes belges de langue française - 21/11/2013
12. Estimer l’impact des enseignants
Projet: « L’égalité des chances relative aux jeunes migrants dans les systèmes éducatifs à haut
niveau de ségrégation sociale et ethnique » (ERC Starting Grant 2836601 EQUOP)
Ce projet vise à identifier les facteurs cruciaux par lesquels un niveau élevé de ségrégation scolaire
influence l'inégalité des chances pour les enfants d'immigrés. Au-delà du classique effet de
composition, il a pour but d’examiner l'impact potentiel des profils « enseignants » différents sur
les performances du groupe. L'hypothèse sous-jacente qui sera testée voit le lien entre la composition
et le rendement scolaire comme un effet erroné (partiellement), dépendant en fait de caractéristiques
de l'enseignant. Nous émettons l'hypothèse que les enseignants les plus qualifiés et les plus
« positivement orientés », sont surreprésentés dans les écoles caractérisées par une population
scolaire plus « facile », tandis que les écoles dites « difficiles » (peuplées par les enfants d'immigrés
et/ou de la classe ouvrière) ont des difficultés à attirer et (surtout) à garder un personnel compétent et
motivé.
12/19
20e Congrès des économistes belges de langue française - 21/11/2013
13. Merci pour votre attention !
Delvaux, B. (2005). Ségrégation scolaire dans un contexte de libre choix et de ségrégation
résidentielle. In Vers une école juste et efficace (pp. 275–295). Bruxelles: De Boeck.
Demeuse, M., & Friant, N. (2010). School segregation in the French Community of Belgium. In
International perspectives on countering school segregation (pp. 169–187).
Antwerpen/Apeldoors: Garant.
Goldstein, H. (1995). Multilevel statistical models (2nd ed.). London: Arnold.
Jacobs, D., & Rea, A. (2011). Gaspillage de talents: Les écarts de performances dans
l’enseignement secondaire entre élèves issus de l’immigration et les autres d’après l’étude
PISA 2009. Bruxelles: Fondation Roi Baudouin.
OECD. (2010). PISA 2009 Results: Overcoming Social Background: Equity in Learning
Opportunities and Outcomes (Volume II). Paris: OECD Publishing.
OECD. (2012). PISA 2009 technical report. Paris: OECD Publishing.
13/19
20e Congrès des économistes belges de langue française - 21/11/2013
Notas del editor
Nous pouvons comparer les capacités des étudiants entre les systèmes éducatifs sélectionnés (l’ancienne Europe des 15, la Pologne, le Canada et les Etats-Unis).La Fédération Wallonie-Bruxelles propose-t-elle un enseignement efficace ? Certainement ! Enfin, c’est ce que l’on pouvait penser avant. Avant les enquêtes PISA. La figure 1 présente la moyenne des scores obtenus pour la lecture dans une sélection de pays et régions. Comme nous travaillons sur un échantillon, nous ne pouvons fournir une moyenne exacte, mais nous pouvons calculer la fourchette que cette moyenne pourrait prendre (avec une certitude de 95 %). Nous voyons donc que la Fédération ne se distingue pas significativement de la moyenne de l’OCDE. Nous voyons également qu’un système d’enseignement fort proche du nôtre (la VlaamseGemeenschap) ainsi qu’un autre fort éloigné (la Finlande) obtiennent tous deux des résultats significativement meilleurs.Les deux systèmes belges partagent les mêmes structures, les mêmes filières, le même type de financement. Les deux seules différences historiques résident dans l’introduction de l’enseignement rénové de manière plus approfondie dans la partie francophone du pays et sans doute aussi sur une tradition et une culture pédagogique différente. Ainsi depuis 1961, les taux de redoublement en Communauté flamande sont deux fois inférieurs à ceux de la Fédération Wallonie-Bruxelles et ce tant en primaire qu’en secondaire. En outre, la réorientation dans le professionnel est traditionnellement plus fréquente dans la partie francophone du pays.
PISA répartit les élèves en six niveaux de performances. Ceux qui n’atteignent pas le deuxième niveau sont les élèves qui « manquent des compétences essentielles nécessaires pour participer de manière efficace et productive à la société. » (OECD, 2010, pp.12) Nous voyons dans la figure 2 que, parmi les pays riches, la Fédération Wallonie-Bruxelles est l’un des systèmes où la proportion d’élèves qui n’atteignent pas ce niveau est la plus élevée. Environ 23 % des élèves sont ainsi considérés comme ne disposant pas des compétences nécessaires pour participer de manière efficace et productive à la société. Nous pouvons constater que la Finlande parvient à la fois à assurer les meilleures performances scolaires et à limiter la proportion d’élèves qui réalisent des scores inacceptables (8,1 % n’atteignent pas le niveau deux).
Notre système parvient-il à assurer une certaine équité ? À nouveau, nous ne pouvons que répondre par la négative. La figure est l’illustration de la variance des résultats en lecture expliquée par une variable unique : l’Indice de statut économique, social et culturel (qui synthétise l’information issue de trois sources, à savoir le plus haut niveau d’occupation des parents, le plus haut niveau d’éducation des parents et les possessions domestiques). Plus ce pourcentage est élevé, plus la réussite scolaire des élèves d’un système est liée à leur origine socio-économique. Notre fédération est, parmi les pays riches, la grande gagnante puisqu’elle affiche une variance expliquée de 23 %, c’est-à-dire la proportion la plus importante parmi les systèmes sélectionnés. Plus qu’ailleurs, la position socio-économique des parents prédit les résultats des enfants.
Notre système parvient-il à assurer une certaine équité ? À nouveau, nous ne pouvons que répondre par la négative. La figure est l’illustration de la variance des résultats en lecture expliquée par une variable unique : l’Indice de statut économique, social et culturel (qui synthétise l’information issue de trois sources, à savoir le plus haut niveau d’occupation des parents, le plus haut niveau d’éducation des parents et les possessions domestiques). Plus ce pourcentage est élevé, plus la réussite scolaire des élèves d’un système est liée à leur origine socio-économique. Notre fédération est, parmi les pays riches, la grande gagnante puisqu’elle affiche une variance expliquée de 23 %, c’est-à-dire la proportion la plus importante parmi les systèmes sélectionnés. Plus qu’ailleurs, la position socio-économique des parents prédit les résultats des enfants.
La Finlande prouve qu’on peut parfaitement combiner excellence et équité. Notre Fédération, par contre, est le mauvais élève de la classe puisqu’elle est à la fois inefficace et inéquitable.Les systèmes scolaires peuvent être différemment catégorisés (Mons, 2007) : le modèle de l’intégration individualisée (Danemark, Finlande et Suède), de l’intégration à la carte (Canada, Etats-Unis et Royaume-Uni), de l’intégration uniforme (Espagne, France, Grèce, Italie et Portugal) ou de séparation (Allemagne, Autriche, Belgique, Luxembourg et Pays-Bas). Il est intéressant de noter l’importance du système scolaire dans la production des différences de performances : les systèmes unifiés (tronc commun long, classes hétérogènes, etc.), à savoir les deux premiers modèles, obtiennent de meilleurs résultats sur le plan de l’égalité des chances que les systèmes différenciés (programmes différents par type d’école, recours important au redoublement, etc.) (Jacobs, 2012, pp.7).
Il est possible de diviser la distribution des résultats en lecture selon qu’ils sont imputables aux individus ou à leur appartenance à une école. On observe que plus de 50 % de la variance des résultats de la Fédération se trouve au niveau des écoles. Autrement dit, notre système est constitué d’écoles aux performances très diverses mais dont les populations sont homogènes. À nouveau, une telle configuration n’est pas inéluctable puisque la Finlande, par exemple, affiche une ségrégation plus faible et des écoles similaires mais hétérogènes.
La mise en évidence des déterminants de la réussite nous amène au dernier point de notre état des lieux : la ségrégation scolaire. Celle-ci est définie comme la séparation spatiale d’étudiants porteurs de caractéristiques différemment valorisées par la société (Delvaux, 2005). Il a été montré à de nombreuses reprises comment le système en Fédération Wallonie-Bruxelles, et notamment son organisation en quasi-marché, produisait cette situation (Lafontaine et Monseur, 2011; Maroy, 2004).Notre système scolaire est l’un des plus ségrégués, tant selon des critères académiques que socio-économiques. Comme nous pouvons le voir dans la table 3 (Demeuse et Friant, 2010), la Fédération se place 11e et 14e lorsque l’on prend respectivement en considération la ségrégation académique et socio-économique. Nous invitons les lecteurs à consulter les travaux de nos collègues francophones à ce sujet (notamment Baye et Demeuse, 2008; Dupriez et Vandenberghe, 2004).
Les résultats s’interprètent ainsi : la constante est le score d’un individu le plus moyen dans une école la plus moyenne et les coefficients représentent l’effet net (toute chose étant égale par ailleurs) de chaque variable sur la réussite scolaire. Parmi les variables attachées à la personne, retenons qu’un niveau socio-économique plus élevé et la pratique de la langue de l’enseignement à la maison sont associés à une meilleure réussite scolaire. On peut également observer que la carrière scolaire et la place dans le système éducatif qui en découle sont également importantes : les élèves ayant raté une ou plusieurs années et ayant été orientés vers le qualifiant présentent des scores plus faibles en lecture. Ces variables influent non seulement sur les scores individuels mais encore sur les moyennes par école car celles-ci ne recrutent pas les mêmes types d’élèves.Ce genre d’analyse nous permet en outre de tester si la ségrégation scolaire, souvent pointée du doigt, a réellement un effet. Les variables de composition scolaire représentent l’effet net et supplémentaire de la ségrégation sur la réussite des élèves. Alors que la composition ethnique n’est pas significative, les compositions académiques et socio-économiques le sont : un élève avec du retard scolaire, dans une école avec davantage d’élèves issus de milieux défavorisés, présentera une réussite plus faible que celle qu’il aurait dû avoir au vu de ses caractéristiques individuelles.