Parution Double Sens dans le magazine 8ème art - Octobre 2008
Tourisme durable : Double Sens se démarque du greenwashing | Capital Magazine
1. CAPITAL HORS SERIE
Date : AVRIL/MAI 18Pays : France
Périodicité : Parution Irrégulière Journaliste : Frédéric Brillet
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VOYAGEURS 2694704500508Tous droits réservés à l'éditeur
SPÉCIAL ÉCOLOGIE
SE DEPLACER SANS POLLUER
TOURISMEDURABLE:
ATTENTION AUX
Les adeptes du
tourisme responsadle
doivent apprendre à
séparer le bon grain
de l'ivraie. La faute
augreenwashingqui
perdure dans e secteur.
ous avez la fibre en-
vironncmcntalistc ?
Ça tombe bien, un
voyagiste mauri-
den organise des
«vacances d'éco-
tourisme»dans«unparcprotégé»où
«cerfsdeJava,biches, singesetsan-
glieis évoluent en libellé». On seiait
prêtàsignerlesyeuxferméspourdé-
couvrir ce paradis des amoureux de
lanaturesi,quèlqueslignesplusloin,
lesactivitéssuggérées(chasseàlaca-
rabine, randonnée en quad et en
4X4...) ne venaient semer le doute.
Le sort des plus démunisvousinter-
pelle? Au Népal ou au Cambodge,
des agences spécialisées sur le «vo-
lontourisme» ou le tourisme huma-
nitaiie vous proposent de tiavaillei
bénévolement auprès des enfants
abandonnés ou orphelins placés
dans des institutions, ou de leui
rendre visite. Saufqu'en réalité, ces
petits pensionnaires ont bien sou-
vent une famille qui les y a envoyés
contre la promesse d'une meilleure
éducation. Ils selvent en fait à tirer
aux Occidentaux dcs larmes ct dcs
dollars, dont leurs parents et eux-
mêmes voient rarement la couleur.
Pollution, pénurie d'eau, des-
truction d'écosystèmes fragiles,
constructions anarchiques, embou-
teillages, suifiéquentation et dégia-
dations de sites, déculturation des
populations locales... De Venise
noyéeparlescroisiéristesdébarqués
de paquebots géants aux bassins de
PamukkaleenTurquie asséchéspar
les prélèvements des hôtels avoisi-
nants, la liste est longue des méfaits
causésparletourisme.
Heureusement, depuisquèlquesan-
nées émerge un tourisme respon-
sable,durable,solidaiie,paiticipatif,
équitable. Selon l'association Agir
pouruntourisme responsable (ATR),
qui déceine le label du même nom,
«ils'agitdclimiterlesaspectsnégatifs
et de maximiser les retombées posi-
tives pourlepays d'accueil et sesha-
bitants». Peu ouprou, tous lestour-
opérateurs et offices du tourisme
s'emparentdu sujet qui déborde lar-
gementlecercledesconsommateurs
militants:en2016, dansuneenquête
réalisée auprès des clients de voya-
gistesmembresdel'AiR,59%desré-
pondants considéraient que les pro-
fessionnels devaient intégrer cette
dimension à leur offre. Affirmant une
quête de sens, le consommateur en-
tendvivredesexpéiiencesetdeslen-
contres authentiques, en commu-
nion avec la nature, quand il ne
manifestepassasolidaireavecleslo-
caux en allant jusqu'à vivre parmi
eux.«Nousouvronslaporteàuntou-
risme participatif, pour une expé-
rience qui anime celui qui explore
2. CAPITAL HORS SERIE
Date : AVRIL/MAI 18Pays : France
Périodicité : Parution Irrégulière Journaliste : Frédéric Brillet
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commeceluiquiaccueille»,explique
ainsi Aurelien Scux, fondateur du
voyagisteDoubleSens.
Cet engouement pour le tou-
risme durablesetraduitenchiffres
opérant sur quinze destinations, sa
société a multiplié pai deux son
chiffre d'affaires entre 2015 et 2017
pour atteindre 2 millions d'euros,
«soit I DOOvoyageurspourunpanier
moyende2000euros». Lesgénéra-
listes labellisés ne sontpas enieste
le groupe Voyageurs du monde
(+8,5% à 152,9 millions d'euros de
CA sur le premier semestre 2017)
s'est engagé depuis le début de l'an-
née à compenser intégialement (et
nonplusseulementà20%) les émis-
sionscarbonegénéréesparsespres-
tations aériennes et terrestres. «Ça
représente 1,2milliond'eurospai
an. Nous n'en faisons pas un argu-
ment marketing pour attirer des
clients, maîs espérons que d'autres
professionnelsvontnoussuivie»,af-
firme I lonel Habasque, directeur
général délégué du groupe.
L'enfer étant pavé debonnesm
tentions et les choses plus compli-
quées qu'il n'y paraît, des pratiques
aprioripositives peuvent cependant
se révéler contre-productives.
Ainsi, le classement d'Angkor au
Patrimoine mondial de l'Unesco a
suscité un effet de curiosité peut-
être aussi dommageable que l'oubli
dans lequel ce site était tombe
jusquedanslesannées1980:l'afflux
devisiteurs (5millions en2017) ciée
aujourd'hui dcs nuisances (pollu-
tion, dégradation des temples...)
quele Cambodgepeine à surmon-
ter. De même, le saupoudrage des
écolodges, quand bien même ils
sont en bois ct ne dépassent pas la
canopée, peut faiie davantage de
dégâts qu'un gros club devacances
en dur qui va circonscrire son im-
pact a une petite portion du littoral
Inversement, ces clubs hors-sol qui
fonctionnent en cilcuit feimé et où
tout est importé ne profitent guère
aux commercants loeaux...
Autre contradictionà surmonter en
Afrique, la protection de l'environ-
nement dans les parcs nationaux
pouryattirer des touristes occiden-
taux amène à interdire aux autoch-
tones démunis d'y chasser, cultiver,
voire à les en expulser. Des experts
font même valoii qu'il est simpliste
d'opposertourisme de masse et du-
rable. «Il est des sites où un visiteur
paran, c'estdéjàtrop, etd'autres qui
peuvent en supporter 1000 parjour
sans inconvénient, lout dépend de
la manière dont on gère les flux et
des caractéristiques despopulations
autochtones- sont-elles isolées?
Préparées ou pas à l'accueil?»,
remarqueJulienliuot, d'AïR
Contestables, les pratiques de
«gieenvvashing» ou du «social-
washmg» (on badigeonne d'un ver-
nis environnemental ou social une
prestation qui ne l'est guère) per-
durent sur Internet. En Europe, les
autorités interviennent pour empê-
chci ces dérives. La France a ainsi
voté une loi en 2014 qui définit les
principesdutourismeéquitable et
solidaire(rencontreaveclespopula-
tions,recoursma)oritaireàdespres-
tations locales pour maximiser les
letombées économiques, applica-
tion des principes du commerce
équitable, notammentenmatière de
rémunération des prestataires lo-
caux, contribution au développe-
ment local pai le financement de
projets...). Il était temps : de plus en
plusdetouristesrefusentdésormais
d'être «l'idiot duvoyage» pointé par
lesociologueDidierUrbain... Q
Frédéric Brillet