1. l’Action
universitaire ❚ LE JOURNAL DE L’UNION NATIONALE INTER-UNIVERSITAIRE ❚ N°254 ❚ décembre 2005 ❚ 2 Euros ❚
❚ Abandon de la méthode globale, enfin ! 2006 sera l’année de
l’égalité des chances
Depuis plus de trente ans, l’apprentissage de la lecture en France repose
essentiellement sur les méthodes globale ou semi-globale. Le bilan est sans Depuis plusieurs semaines, le
appel : multiplication des troubles de la lecture, chute du niveau en orthogra- Président de la République et l’en-
phe… Les parents d’élèves, certains enseignants et de nombreuses associa- semble du gouvernement sont mobi-
tions, dont l’UNI, se sont mobilisés, dès le début des années 70, contre ces
lisés afin de promouvoir le principe
méthodes désastreuses. Il aura, cependant, fallu attendre le cri d’alarme de
républicain d’égalité des chances.
nombreux orthophonistes dénonçant les risques, liés à ces méthodes, de déve-
L’UNI, qui depuis 2001 a multiplié
lopper des symptômes proches de la dyslexie pour faire reculer les âyatollâhs
du pédagogisme. En effet, Gilles de Robien a décidé de proscrire dès la rentrée
les campagnes et les propositions
2006, la méthode globale d’apprentissage de la lecture et toutes celles qui s’en dans ce sens, ne peut qu’être satisfai-
rapprochent. Depuis, mauvaise foi et protestations syndicales sont à l’œuvre te d’une telle prise de conscience.
pour tenter de sauver un des symboles du pédagogiquement correct. Pour lut-
L’année universitaire 2006 sera mar-
ter contre cette tentative de désinformation, voici quelques élements sur ce
quée par les élections des représen-
sujet.
tants étudiants aux conseils d’admi-
nistration des CROUS. L’UNI défen-
❚ Un retrait salutaire dra, à cette occasion, ce principe
auprès des étudiants.
Par le Professeur Lucien ISRAEL, membre de l’Institut
L’échec des politiques
H ommage et remerciements
à Gilles de Robien pour le
méthode syllabique (le b-a, ba qui
avait fait ses preuves depuis deux
actuelles
courage et le discernement dont il millénaires !) et ont nié systémati- Trop longtemps, la réforme de l’éduca-
vient de faire preuve en interdisant quement la montée de l’illettrisme, tion n’a consisté qu’à injecter toujours
l’usage de la méthode globale dans dont j’indiquerai brièvement les plus de crédits et de postes dans un
l’apprentissage de la lecture. causes physiologiques, les consé- système semblable à une outre percée.
L’adoption de cette méthode au quences et les raisons cachées. Malgré un effort financier très impor-
début des années 1970 est respon- tant, le résultat de ces politiques vou-
sable du fait que la France occupe En ce qui concerne les causes lues et soutenues par les syndicats
actuellement le 13 ème rang dans physiologiques, elles sont éviden- enseignants se révèle être un échec
l’OCDE en ce qui concerne les tes. C’est l’hémisphère cérébral aussi bien en terme scolaire qu’en
matière de promotion du mérite des
capacités de lecture dans l’ensei- gauche qui chez les droitiers est
élèves où qu’ils habitent. L’échec de la
gnement primaire. Mais en dépit de impliqué dans toutes les fonctions
politique actuelle des ZEP, comme l’a
ces piètres résultats les syndicats analytiques ainsi que dans la com-
souligné à juste titre le ministre de l’in-
d’enseignants, les cabinets des préhension et la mémoire des
térieur qui a pu récemment en consta-
ministres successifs de l’éducation, mots, des divers sens, ainsi que
ter les effets pervers dans les banlieues,
les maîtres et les élèves des IUFM, dans la connaissance et l’utilisation
illustre parfaitement cette situation. Il
se sont toujours pleinement oppo- de la grammaire. En ce qui concer-
est urgent de sortir de cette impasse
sés à toute réforme. Ils ont sanc- ne la lecture, il opère par l’analyse
afin de mieux personnaliser l’aide que
tionné dans les établissements les successive des différentes syllabes.
l’on apporte aux élèves en difficultés.
maîtres qui voulaient revenir à la L’hémisphère droit lui perçoit la
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L’action universitaire - page 1
2. beauté ou la laideur d’un tableau, chez autrui, l’enfant qui n’accède Politiques avait demandé à la
d’un pay- pas à une lectu- fameuse commission Thélot de
s a g e , re aisée ne recevoir trois de ses membres lors
d ’ u n e
9, 5 % des jeunes de 17 ans deviendra pas d’une de ses sessions sur l’éduca-
musique menacés d’illétrisme un Homo tion et la lecture : Jean Marie Zerul,
sans pas- Sapiens, à part professeur de linguistique au
ser par D’après les résultats des tests d’évaluation de entière, ce qui Collège de France, Bertrand Savint
une ana- lecture réalisés par l’éducation nationale lors est un immense Derrini, ancien recteur et l’auteur
l y s e de la journée JAPD (journée d’appel de prépa- drame pour les de ces lignes. Il fut répondu qu’hé-
s é m a n - ration à la défense) en 2004, huit profils de individus et la las la liste des personnes autorisées
tique. Or lecteurs ont été définis en fonction des diffi- société. à poser des questions était close…
la métho- cultés rencontrées dans la lecture. Mais comment Compte tenu de mes démarches
de globale 79.5% des jeunes sont des lecteurs efficaces, alors se fait-il auprès de divers cabinets ministé-
r e f u s e mais 63.9 % seulement possèdent les atouts que les tenants riels, toujours sans résultats, mais
une ana- pour maîtriser la diversité des écrits. de la méthode aussi de discussions avec diverses
lyse des 9.5% des jeunes ont des acquis très limités et globale aient personnes impliquées j’en suis
s y l l a b e s 11% ont des difficultés à l’écrit. Les premiers opposé depuis venu depuis longtemps à partager
et prétend sont susceptibles d’oublier leur acquis lors- des décennies l’opinion exposée par un auteur
f a i r e qu’ils auront quitté le système scolaire si leur signant
reconnaît- pratique de la lecture P a s c a l
re un mot n’est pas suffisante.Ces
L’avis d’une orthophoniste Bernardin
par sa résultats alarmants ( u n
forme, et sont de plus largement Dans la «lettre de la fondation pour l’innovation politique » d’oc- p s e u d o ny -
non par sous-évalués puisque tobre 2005, Brigitte Etienne, orthophoniste depuis 1971 et char- me) dans
l ’ a n a l ys e les jeunes les plus en gée de cours à l’école d’orthophonie de Tours revient sur les dan- un livre
des sylla- difficultés ne se ren- gers de la méthode de lecture semi-globale. déjà ancien
bes qui le dent pas à la JAPD. intitulé «
“Leur utilisation entraîne de graves conséquences pour les enfants
construi- M a c h i ave l
dyslexiques, mais elles créent aussi de faux dyslexiques chez des
sent, une donnée à deviner plutôt pédagogue
enfants qui utilisent leur mémoire.
qu’à analyser, décomposer et » à savoir
L’effort de décodage est très grand et perturbe les enfants qui
reconstruire. Ceci a été confirmé qu’il s’agit
n‘arrivent pas à apprendre ce qu ils ne comprennent pas. Certains
par tous les examens d’imagerie d’un vérita-
finissent par détester la lecture et l’expression écrite devient de
cérébrale, mais avait déjà été par- ble complot
piètre qualité.
faitement compris par les anciens. de la gau-
Il est aussi absurde de prétendre che et de
Les chiffres officiels admettent que 30 % des enfants ne maîtrisent
enseigner la lecture par une l’extrême-
pas la lecture en 6 éme, mais dans la pratique on constate qu’il
méthode non analytique que d’i- gauche, qui
s’agit plutôt d’un enfant sur deux !
maginer que l’on pourrait « expli- s’explique
quer » un air de musique par des Les chiffres officiels ne font pas non plus de lien avec l’échec sco- fort bien
mots. D’où le terrible échec actuel laire ni avec l’orientation en fin de 3 ème, ni même avec les enfants l o r s q u ’ o n
et les taux considérables d’illet- qui à force d’échec tombent dans la déprime ou la violence. Les mesure les
trisme. copies du brevet et du bac sont là pour prouver que même les conséquen-
élèves réussissant dans les filières classiques ne maîtrisent pas ces de
J’ai décris ci-dessous quelques correctement la langue française.” l’illettrisme
unes des conséquences avant d’en : un
venir à l’examen des causes de ce Pour plus d’informations : http://www.fondapol.org humain qui
choix absurde. n’a pas
accès à la
Les conséquences sont hélas évi- un véto absolu, en dépit des efforts compréhension de lui-même ni
dentes : les difficultés de lecture de nombreuses associations, et en d’autrui, ni aux idées générales, aux
conduisent à une pauvreté lexicale dépit de leur connaissance des connaissances, au savoir, à la
et sémantique définitive, d’où l’ab- résultats à tout retour en arrière ? confrontation, au débat d’idées est
sence de lecture et de connaissance évidemment totalement manipula-
de la culture et de l’histoire mais Avant de donner mon sentiment sur ble. CQFD.
aussi de la pauvreté de communi- ce point, je veux faire part d’une
cation avec autrui et par tant de la anecdote : il y a plus de 2 ans,
méconnaissance d’une subjectivité l’Académie des Sciences Morales et
page 2 - L’action universitaire
3. Entretien avec Christian Vanneste -> suite de la page 1
La présence française Outre-
Permettre à chacun de réussir
mer et l’enseignement de
l’Histoire Alors qu’au lycée et à l’université, une
sélection impitoyable par l’échec met
de côté tous ceux qui connaissent
La gauche syndicale et politique tente moins bien le système et ne maîtri-
depuis plusieurs semaines de revenir sur l’arti- sent pas les « savoirs fondamentaux
cle 4 de la loi du 23 février 2005. Cet article sti- », l’UNI constate que le Premier
pule que l’histoire de la présence française ministre a repris certaines de ses pro-
outre-mer doit être enseignée de manière équi- positions pour lutter contre ce phé-
librée, en en présentant aussi les aspects positifs. Depuis les associations commu- nomène : le développement massif
nautaristes crient au néo-colonialisme. Christian Vanneste député du Nord et du tutorat sur le modèle de ce qui se
auteur de l’amendement qui suscite ce débat répond à nos questions. pratique à l’ESSEC et dans certaines
autres grandes écoles, le renforce-
1. Monsieur le député quelles sont les
ment du système d’orientation, la
gauche, toujours prompte à donner
raisons qui vous ont motivé à rédiger mise en place d’un portail internet
des leçons de morale, a préféré le
cet amendement relatif à l’Histoire de afin de mieux connaître les débou-
réflexe à la réflexion. Elle dénonce «
France ? chés de chaque diplôme (François
l’apologie coloniale d’une droite nos-
Goulard a annoncé que ce portail
talgique » alors que l’idée du groupe
L’enseignement de l’histoire n’est pas serait lancé dans les toutes prochai-
UMP était bien évidemment différente
neutre. Elle ne fait qu’interpréter les nes semaines), l’extension du nomb-
: souligner le rôle positif de notre pays
faits comme l’a montré Paul Ricœur re de bourses de mérite (100 000).
en matière sanitaire et médicale
dans “Histoire et Vérité”. Mais, cet notamment (éradication de la malaria
article 4 qui a fait débat, n’est pas du Faciliter l’entrée des jeunes sur le
en Algérie, construction de centaines
tout l’apologie du colonialisme que les d’hôpitaux et de dispensaires, Instituts marché du travail
distraits, ou les malhonnêtes, ont Pasteur...). Comme le disait récem-
dénoncé comme tel. Il est très équili- ment Alain Finkielkraut, comment L’application, à partir de la rentrée
bré puisqu’il précise que les manuels voulez-vous faire aimer un pays que 2006, de l’apprentissage dès l’âge de
scolaires doivent reconnaître, en par- vous haïssez vous-même ? Les réac- 14 ans, le développement des diplô-
ticulier, le rôle positif de la présence tions que vous évoquez s’inscrivent mes professionnalisants, tels que les
française Outre-Mer. En particulier ne dans un large mouvement de dénigre- BTS et les licences professionnelles,
signifie pas exclusivement ! Il est per- ment de notre pays... ainsi que la création d’un service de
mis de parler des aspects négatifs de l’emploi et des stages dans toutes les
cette présence mais à condition de 3. L’Histoire de France n’est pas la universités sont autant de mesures
souligner aussi les aspects positifs. Ce seule matière qui fasse l’objet d’un qui permettront une meilleure réussi-
qui n’est pas le cas aujourd’hui dans enseignement partisan. L’économie, te scolaire et professionnelle.
la plupart des ouvrages de collèges et l’instruction civique et la philosophie
de lycées où l’Histoire est présentée sont souvent enseignées de manière Responsabiliser et associer les
de manière partielle, voire partiale. peu objective. Pensez-vous qu’il soit parents à l’éducation de leurs
Lionel Luca, député UMP et profes- possible de remédier à ces pratiques ? enfants
seur d’histoire, l’a démontré dans son
intervention : il est des silences insul- Cela tient beaucoup au fait que l’ob- Enfin, la mise en place d’un « contrat
tants pour notre Histoire. Aujourd’hui jectivité et la scientificité des sciences de responsabilité parentale » permet-
: pas un mot sur les harkis, sur la sociales sont plus difficiles à cerner tra de responsabiliser davantage les
souffrance des rapatriés d’Algérie, sur que pour les sciences dites dures. Le parents d’élèves dans leur mission
le rôle des supplétifs et des tirailleurs politique n’a pas à dicter les pro- éducative tout en faisant de ceux-ci
sénégalais ou autres dans les combats grammes et le contenu des manuels. un partenaire essentiel et indispensa-
en métropole, sur les camps en Mais, lorsque ces derniers présentent ble, aux côtés des équipes d’ensei-
Indochine... des visions partiales, toujours les gnants, dans la réussite scolaire de
mêmes d’ailleurs, il est du devoir de leurs enfants. L’égalité des chances
2. Comment expliquez-vous les réac- la Représentation Nationale d’interve- doit être l’affaire de tous. C’est pour-
tions passionnées d’une partie de l’in- nir et de consacrer une certaine quoi, l’UNI salue le fait que l’année
telligentsia historienne, politique et forme d’honnêteté intellectuelle. 2006 soit placée sous le signe de l’é-
syndicale contre votre amendement ? L’école est celle de toute la galité des chances qui sera grande
République. Elle doit enseigner aussi cause nationale.
Je dirais que comme d’habitude, la la fierté d’être français !
page 3 - L’action universitaire
4. Les conventions ZEP de Sciences-Po :
la lecture du rapport d’évaluation du CNE apporte
le constat d’un échec annoncé…
Le Comité National d’Evalution des bilans publiés par Sciences-Po, 87 étu- vorisées que les conventions ZEP,
établissements d’enseignement supé- diants dont 60% étaient issus des clas- dispositif de discrimination positive,
rieur (CNE) a rendu public le 17 ses défavorisées au sens de l’IEP, qui dont c’était pourtant l’objectif.
novembre 2005 son rapport d’évalua- recouvrent en fait les classes moyen-
tion de l’Institut d’Études Politiques de nes et défavorisées au sens du minis- On peut y voir le résultat de l’accrois-
Paris, rapport rédigé en septembre tère et du CNE (source bilan des sement de la capacité d’accueil et sur-
2005. La lecture de ce conventions édu- tout de la très forte médiatisation
rapport est accablante cation prioritaire ayant entouré le contentieux juridique
pour les conventions de l’IEP de Paris entre l’UNI et Sciences-Po, qui a
ZEP initiées par de septembre incontestablement accru la notoriété
Richard DESCOING, le 2005 et rapport de l’établissement dans les milieux les
directeur de Sciences- du CNE du 17 plus défavorisés et provoqué un afflux
Po. En effet, pour la novembre 2005), de candidats issus de ces catégories
première fois, un orga- soit un effectif de sociales.
nisme indépendant 52 étudiants. Près de 5 ans après le début du débat
d’évaluation publie les virulent qui a opposé les tenants de la
données officielles de Le bilan final de
l’impact des discrimination positive façon
répartition des étu- Sciences-Po aux défenseurs du volon-
diants par origine conventions ZEP
de Sciences-Po sur tarisme républicain soucieux d’ouvrir
sociale à l’IEP de Paris, à tous l’enseignement supérieur, la
en prenant en compte la démocratisation
de l’accès à l’en- preuve est ainsi faite que ces conven-
la globalité des effectifs. tions discriminatoires sont inefficaces
seignement supé-
rieur est donc en terme d’égalité des chances, com-
Les chiffres donnés parativement à un processus de recru-
pour l’année 2003 enfin disponible :
tement ouvert à tous, allié à un effort
(dernière année étudiée) sont élo- Sur une année donnée, le concours important d’information, de prépara-
quents. Pour mémoire, ils prennent en commun ouvert à tous les jeunes, tion et de promotion de la notoriété
compte trois promotions de conven- hors dispositif discriminatoire des d’un établissement donné.
tions ZEP sur les cinq. Ils sont donc conventions ZEP, a permis à l’IEP de
parfaitement représentatifs de la réali- recruter 722 étudiants issus des CSP
té statistique. défavorisées au sens de Sciences-Po, Sources :
A cette date, sur un effectif global de contre seulement 52 grâce à trois
- « L’Institut d’études politiques de
5172 étudiants, 10,0% avaient une ori- années de fonctionnement des Paris, rapport d’évaluation », Comité national
gine sociale « moyenne » selon les cri- conventions ZEP à plein régime. d’évaluation des établissements publics à
caractère scientifique, culturel et profes-
tères ministériels (employés et assimi-
lés) et 5% une origine «défavorisée» Le rapport du Comité National d’Éva- sionnel, septembre 2005, pages 6 et 51
luation permet de constater de maniè- - « Conventions éducation prioritaire
selon les mêmes critères (ouvriers, 2005-2006, cinq ans de mise en œuvre :un
chômeurs…), soit un total de 776 étu- re irréfutable que le concours d’entrée
triple effet de levier », Institut d’étu-
diants. A la même date, les conven- unique recrute 14 fois plus d’étudiants des politiques de Paris, septembre 2005
tions ZEP avaient intégré, selon les issus des classes sociales les plus défa-
l’Action Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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