1. N°246 - du 11 au 17 janvier 2011
Barack Obama
et
sa nouvelle
identité pour
2012 (1/2)
2. Barack Obama et sa
nouvelle identité pour
2012
Barack Obama est mani-
festement à la recherche
d’une nouvelle identité
pour conduire sa campa-
gne 2012.
La simple reconduction
des actions qui ont mené
à la victoire en 2008 ne
serait pas suffisante pour
assurer le nouveau suc-
cès.
Des circonstances en-
tièrement différentes
D’abord, les circonstances
en 2011 sont considéra-
blement différentes de
celles de 2007.
En 2007, le contexte glo-
bal était favorable à l’al-
ternance. Dès 2005, Bush
a chuté dans les sonda-
ges. En avril 2008, 69 %
des Américains désap-
prouvent sa façon de gé-
rer (sondage Gallup réali-
sé du 18 au 20 avril
2008). C’est un taux re-
cord. D’ailleurs, dès 2006,
le Parti Démocrate avait
pris le contrôle de la
Chambre des Représen-
tants.
Dans ce contexte très dif-
ficile, John McCain n’est
jamais parvenu à installer
son offre. Il est d’abord
perçu âgé. Son image
était associée à l’immobi-
lisme ou pire encore à la
surenchère militaire. Plus
généralement, il est ap-
paru indissociable de
Bush dont il est devenu,
bien involontairement et
très injustement, l’héritier
aux yeux de l’opinion.
Sur cette base délicate,
au moment où la Conven-
tion de Minneapolis pro-
duisait un «effet Palin»,
l’aggravation de la crise
de Wall Street a tout em-
porté à partir du 15 sep-
tembre : crise bancaire,
faillites, sentiment d’en-
trée dans la récession.
L’économie écrasait tous
les autres sujets et modi-
fiait totalement les der-
nières semaines de la
campagne électorale.
McCain était balayé par le
credo républicain du «do-
nothing economics» alors
même que l’opinion de-
mandait un pouvoir politi-
que interventionniste
dans de telles circonstan-
ces.
Enfin, élément technique
non négligeable, les
«swing states», c'est-à-
dire les Etats très indécis,
correspondaient à la va-
gue 2006 de la poussée
démocrate. La mobilisa-
tion des noirs et des his-
paniques changeait déjà
la donne. Mais surtout, le
retournement des classes
moyennes frappées ou
inquiétées par la crise
modifiait la donne habi-
tuelle.
Aujourd’hui, ce contexte a
beaucoup évolué.
Politiquement, le Parti
Démocrate est dans des
eaux basses. Il vient de
perdre le contrôle de la
Chambre des Représen-
tants lors des élections du
02 novembre 2010. Les
classes moyennes ont
2
3. Barack Obama et sa nouvelle identité pour 2012
3
Comment concilier le
statut présidentiel
avec celui du candi-
dat ?
Barack Obama pourrait être le
premier Président à installer
son QG de campagne dans
une ville autre que Washing-
ton.
Son équipe de campagne
cherche des locaux sur Chica-
go. Il veut ainsi montrer qu’il
n’est pas prisonnier de la Ca-
pitale fédérale chargée de tous
les pêchés du monde politique
auprès de l’Amérique profon-
de.
4. manifesté leur défiance à
l’égard de Barack Obama
le considérant trop élitis-
te. Des Etats sensibles
ont été gagnés par la
nouvelle génération des
Républicains. Le slogan
«Main Street plutôt que
Wall Street» n’est pas en-
tré dans les faits. La
considération positive
pour la politique conduite
est minoritaire sans at-
teindre des chiffres élevés
mais elle est durablement
minoritaire depuis avril
2009.
Pour toutes ces raisons
notamment, Barack Oba-
ma ne peut pas continuer
dans la lancée de 2007-
2008. Il doit trouver de
nouvelles bases.
Là aussi, il importe de re-
venir sur les méthode de
2007 pour voir combien
elles ont été copiées, éga-
lisées, neutralisées.
Les valeurs ajoutées de
2007-2008
En 2007, en dehors de la
novation appliquée au fi-
nancement par la men-
sualisation du don mo-
deste, Obama et son
équipe ont installé 10
nouveaux fondamentaux.
Organiser la sur-
exposition médiatique :
le véritable danger réside
dans deux travers :
- se contenter de l’égalité,
- privilégier des supports
au détriment d’autres.
L’opinion est saturée de
communication. Il ne faut
donc pas sous-estimer la
rapidité d’obsolescence
d’un message. Il importe
donc de garder un rythme
très soutenu de création
de messages pour rester
sans le cercle d’attention.
A cette fin, l’enjeu n’est
pas de privilégier un ou
des supports. C’est de
cumuler les présences
tous supports confondus.
Dans cette logique, Ba-
rack Obama s’est installé
comme le «copain du
quotidien» tant dans le
fond de sa communication
que dans la forme en
2007-2008.
C’est la grande clef de la
réussite de Barack Oba-
ma. Il invite chaque ci-
toyen américain à entrer
dans sa vie. Une nouvelle
génération de candidats
est née : les «copains du
quotidien» auxquels il est
possible de s’identifier.
Ceux qui partagent cha-
que heure de leur vie
sans cérémonial et que
l’on souhaite ensuite ren-
contrer lors de la venue
dans la géographie de
proximité pour les voir
«en vrai».
C’est la vie au quotidien
qui porte les messages et
non plus les promesses.
Mettre en place une
communication multi-
supports : la méthode
consiste à identifier l’ima-
Barack Obama et sa nouvelle identité pour 2012
4
5. ge qui va porter le mes-
sage puis à adapter ce
message aux divers sup-
ports techniques.
Cette priorité à l’image
ouvre bien entendu un
espace particulier aux vi-
déos clips, sorte de très
court métrage qui devient
un outil majeur de com-
munication.
Parce qu’elle est émotion-
nelle, l’écriture visuelle
doit être sensuelle, valori-
sante, liée au plaisir, à
l’utilité et au respect de la
nature.
L’écriture doit chercher
l’intérêt mais aussi la
curiosité.
Internet est un support
incontournable. Non pas
parce qu’Internet est à la
mode mais parce qu’In-
ternet est aujourd’hui le
premier support de syn-
thèse : écrit + image +
son + vidéo.
Mais aussi, voire surtout,
Internet est un support
d’information sans inter-
médiaire permettant à un
émetteur de délivrer un
message à des récepteurs
libres d’en prendre
connaissance avec l’auto-
nomie la plus totale.
A côté de tels atouts, la
communication via Inter-
net doit respecter des
qualités particulières :
- la diversité des informa-
tions : la «génération du
clic» doit pouvoir zapper
très rapidement d’une in-
formation à l’autre. Le si-
te ou le blog doit être
conçu comme un portail
vers toutes les activités,
- la priorité : pour récom-
penser les internautes fi-
dèles, des informations
importantes exclusives
doivent vivre leur premiè-
re parution sur le site ou
le blog. Ces derniers ne
doivent jamais être le
seul réceptacle des infor-
mations déjà diffusées
par les autres supports
classiques,
- créer l’évènement : les
«maîtres à cliquer» sont
ceux qui savent créer ré-
gulièrement des évène-
ments autour et par leur
site Internet ; ce qu’a re-
marquablement réussi
Obama en 2007.
Conquérir un véritable
leadership : l’acquisition
la plus facile du statut de
leader c’est d’être le pre-
mier.
Le premier c’est la légen-
de. La légende vit tou-
jours. Le second est soit
un suiveur soit le premier
des … perdants. Dans au-
cun de ces cas, il n’y a
matière à créer un statut
de leader.
Charles Lindberg, Neil
Armstrong, Christophe
Colomb, L’Himalaya, le
Mont Blanc, Lance Arm-
strong, Bill Gates …ont
marqué l’opinion à vie
parce qu’ils ont une quali-
té commune : avoir été
des premiers.
L’effet Palin et sa logi-
que «one of us»
La présidentielle 2012 pren-
dra son véritable rythme
quand Sarah Palin se lance-
ra officiellement dans la
course.
Dès la présidentielle 2008,
un «effet Sarah Palin» était
intervenu.
McCain était sorti de la
Convention de Minneapolis
avec un bonus plus impor-
tant que celui d’Obama à la
sortie de Denver. Le 16 sep-
tembre 2008, les deux can-
didats étaient à égalité d’in-
tentions de vote.
Palin avait mobilisé la base
conservatrice enthousias-
mée par l’énoncé de ses va-
leurs : famille, religion, sou-
tien à l’Armée, opposition à
l’avortement, droit à porter
des armes …
Elle avait donné du souffle,
du punch au ticket qui avait
ainsi bénéficié d’un indiscu-
table rebond.
Ce sont les effets de la crise
de Wall Street qui ont mis
fin à «l’effet Palin».
A compter du 17 septembre,
l’écart se creuse de nouveau
alors même que du 6 sep-
tembre au 15 septembre,
McCain et Palin faisaient la
course en tête dans les in-
tentions de vote.
C’est une réalité qu’il faut
intégrer. Palin électrise sa
base électorale. Son entrée
dans la course va dynamiser
l’élection 2012.
Barack Obama et sa nouvelle identité pour 2012
5
6. La mode des campagnes écla-
tées
Le quotidien Le Monde vient de consa-
crer un long article sur la volonté d'Ar-
naud Montebourg de reprendre les mé-
thodes de campagne d'Obama en 2008
pour faire bouger la primaire PS.
L'originalité de la campagne 2008 d'Oba-
ma a résidé tout particulièrement dans
l’inversion des circuits dans le militantis-
me.
Il a inversé la pyramide pour la replacer
sur la base du grand nombre.
Le socle technique a été le portail Inter-
net interactif "mybarackobama.com".
Les militants pouvaient par ce canal
s'approprier la campagne sans passer
par l'état major.
Il a accepté de donner les clefs de la
campagne aux militants. Aucun candidat
n'avait accepté une telle logique jus-
qu'alors. Renverser la structure hiérar-
chique pour permettre la naissance puis
la vie de dizaines de milliers de
"campagnes présidentielles de proximi-
té".
Le QG de Chicago n'était pas le point de
départ mais la synthèse et la surveillan-
ce des outils logistiques.
C'est une véritable révolution culturelle :
depuis la place de la confiance jusqu'à
l'acceptation des débordements éven-
tuels.
Il a ouvert la mode des campagnes écla-
tées.
Une fois arrêté ce constat
de bon sens, la véritable
difficulté consiste à identi-
fier l’objet de cette pre-
mière place.
Barack Obama pouvait
compter sur un fait discri-
minant objectif : être le
premier Président métis.
Comme il n’y avait pas
d’autres candidats sur ce
créneau, il n’eut même
pas de confrontation pour
acquérir cette première
place sur d’autres candi-
dats à ce statut.
Bâtir une nouvelle rela-
tion avec l’opinion :
Obama a positionné l’opi-
nion par rapport à sa can-
didature et non pas sa
candidature par rapport à
l’opinion.
Si l’opinion Américaine
soutenait Obama, elle de-
venait tolérante, novatri-
ce. Elle modernisait, ac-
tualisait, donnait une
nouvelle vitalité au rêve
Américain.
Le candidat devient le
produit du rendez-vous
de l’opinion avec elle-
même.
Là aussi, c’est une techni-
que novatrice car elle res-
ponsabilise d’abord l’opi-
nion. Le candidat devient
le symbole d’un tempéra-
ment collectif.
Faire de son nom une
marque : en 2007, Oba-
ma a fait de son nom la
marque du changement
possible.
Laisser les nouvelles
technologies au rang
d’outils : en plein été
2006, le Parti Démocrate
a lancé son guide des
«100 actions». Ce guide
défendait une logique de
«bouquet» d’outils de
communication à action-
ner en permanence.
Il exposait la technique
d’une action forte par jour
avec la démultiplication
par tous les supports de
communication.
Parmi ces supports, il est
certain qu’Internet et les
réseaux sociaux occupent
une place privilégiée.
Cette place est liée à plu-
sieurs facteurs :
- ce sont des outils de
l’immédiat notamment
Barack Obama et sa nouvelle identité pour 2012
6
7. dans la réactivité. Ils in-
carnent la logique «action
– réaction» presque à
l’excès d’ailleurs,
- ce sont des outils de
synthèse. Internet = l’é-
crit + l’image + la vidéo,
- ce sont des outils de
la communication ciblée.
Accepter que l’opinion
soit faite d’une foule
d’opinons : comme l’opi-
nion est de plus en plus
éclatée, il faut communi-
quer la bonne information
à la bonne cible. La ba-
taille logistique réside d’a-
bord dans ce ciblage.
Un exemple d’efficacité a
été donné par la campa-
gne d’Arnold Schwarze-
negger en Californie cou-
rant 2006.
A partir des habitudes
d’achats, l’équipe du Gou-
verneur Schwarzenegger
a établi une grille de lec-
ture politique.
Par exemple, un conduc-
teur de camionnette pos-
sédant un permis de
chasse et abonné à un
magaz ine « ch asse -
pêche» est un conserva-
teur potentiel alors que
celui qui est un abonné
du «New Yorker» faisant
ses courses dans un ma-
gasin de produits naturels
est supposé voter démo-
crate.
Cette logique est la pre-
mière opération croisant
deux données :
- une base brute de don-
nées privées à caractère
commercial,
- le profilage politique en
raison des caractéristi-
ques de consommation.
Cette approche est le fruit
d’un long travail conduit
par une équipe importan-
te sous la direction de
Steve Schmidt, directeur
de campagne, et Josh
Ginsberg, directeur politi-
que.
Aux Etats-Unis, l’acquisi-
tion de ces données est
parfaitement légale.
Ces données sont d’au-
tant plus nombreuses que
presque chaque segment
de marché fiche ses
clients : commerces de
détail, compagnies aé-
riennes, sociétés de cré-
dit, magazines…
C’est la première fois
qu’un maillage aussi
étroit serait intervenu
pour une campagne politi-
que.
Mais c’était aussi la pre-
mière fois qu’une telle ac-
tion individualisée pouvait
intervenir. Chaque mes-
sage s’adressait à la bon-
ne cible pour lui parler de
ses priorités quotidiennes.
Avec de tels moyens, un
micro-ciblage sans précé-
dent peut être opéré.
L’équipe Obama a eu re-
cours à des méthodes
analogues.
Elle a fait appel à la base
de données Catalist. Plus
de 30 millions de dollars
ont été investis. Cette ba-
se a été complétée par
les «données militantes».
Ce fut la base de données
la plus importante. Il est
possible de considérer
que 220 millions d’Améri-
cains était répertoriés
avec des dizaines d’infor-
mations par personne.
A partir de ces données,
les unités locales pou-
vaient travailler dans du
«sur-mesure».
Par exemple, des volon-
taires se présentaient à
un local de campagne.
Dans un sachet plastique,
chaque volontaire trouvait
un téléphone portable,
une liste de cibles et un
message à exposer. Les
uns s’adressaient ainsi
aux jeunes de moins de
25 ans, d’autres aux se-
niors, puis un autre grou-
pe aux militants démocra-
tes …
La bataille de la logistique
a connu une nouvelle éta-
pe historique avec de tel-
les bases de données.
Créer une mode par le
repositionnement glo-
bal : la campagne 2008
de Barack Obama a rap-
pelé que le positionne-
Barack Obama et sa nouvelle identité pour 2012
7
8. successives. C’est la mé-
thode de la cohabitation.
Il faut surtout intégrer
que le corps humain est
devenu le premier pan-
neau d’affichage.
C’est le cas du corps du
candidat qui est l’incarna-
tion du style. C’est aussi
le cas du corps de tous
les soutiens : la mode des
maillots avec slogans a
connu un développement
sans précédent pendant
la campagne 2008.
Toutes ces mesures ou
choix stratégiques ont in-
nové à cette époque.
Elles ont pu compter sur
un terrain très favorable
parce que jamais l’intérêt
des électeurs pour la vie
politique n’avait été aussi
élevé. En septembre
2008, 43 % des Améri-
cains déclaraient «suivre
de près la politique natio-
nale» (Sondage gallup du
8 au 11 septembre 2008).
Depuis le début des pri-
maires démocrates, la
lutte avec Hillary Clinton
avait créé des conditions
spécifiques de même que
la succession d’évène-
ments perçus comme très
importants par l’opinion.
Ces innovations ont pu
compter sur un milieu ré-
cepteur très favorable.
ment se joue au moins à
deux.
Sa campagne a mis en
scène en permanence
deux autres acteurs :
Bush et Clinton.
Sans ces autres profils, la
mode du changement
n’aurait probablement ja-
mais pris à ce point.
Par conséquent, la com-
munication de sa campa-
gne a reposé sur une scé-
narisation collective qui a
toujours intégré les
concurrents choisis parce
qu’ils permettaient de
construire l’identité de
Barack Obama.
C’est la méthode du «me
no». Sur des dossiers
connus du grand public, il
s’agit de communiquer
par décalage avec les
concurrents.
Dans la dialectique, cette
concurrence est totale-
ment assumée en expo-
sant expressément les di-
vergences assumées ;
voire même en les créant.
Mettre en place un vé-
ritable bouquet d’infor-
mations : il ne s’agit pas
de choisir un moyen
d‘informations mais de
compter avec tous les
moyens d’informations en
respectant des priorités
Editeur :
Newday
www.exprimeo.fr
Barack Obama et sa nouvelle identité pour 2012
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9. Barack Obama et sa nouvelle identité pour 2012 (2/2)
9
Début 2011, les Républicains
s’installent suite aux élections
du 2 novembre 2010. Ils pren-
nent le pouvoir à la Chambre
des Représentants et seront
plus influents au Sénat. A la
même date, les comités offi-
ciels pour la présidentielle
2012 vont se multiplier. Bref,
un nouveau rythme politique
s’impose.
C’est aussi le temps choisi par
Barack Obama pour engager
la reconquête. Quels défis
prioritaires pour cette nouvelle
donne ?
Parution le : 18 janvier 2011.