Les reseaux sociaux et l entreprise un lien social régis adam de villiers ...
Feedback d’une non-musulmane ayant assisté à un évènement mettant en avant des témoignages de sœurs travaillant avec le voile
1. Feedback d’une non-musulmane ayant assisté à un évènement mettant en avant des
témoignages de sœurs travaillant avec le voile à Bourg-en-Bresse en mars 2015.
L’intérêt d’un tel événement :
« Ce qui m’avait semblé très intéressant, c’est cette prise de conscience des femmes
musulmanes sur leurs droits ainsi que le fait de communiquer avec les jeunes femmes qui se
posent ces questions. Savoir ce qui s’organisait dans la communauté musulmane de Bourg-
en-Bresse et quel message était donné aux jeunes femmes sur les conditions de travail sur
ces questions-là. »
Sur l’importance de communiquer ses évènements dans la presse :
« Moi, un truc comme ça, j’aurais aimé le voir dans le Progrès (journal local), annoncé et vu
avec un compte-rendu. Les journalistes seraient venus, on aurait parlé, on aurait su que les
femmes musulmanes de Bourg se bougent pour leurs droits, qu’elles communiquent entre
elles, etc. Pour moi, c’est un intérêt citoyen et global. Du coup, même si l’évènement
n’aurait pas attiré plus de non-musulmans, au moins il aurait eu un écho dans le reste de la
ville. Et je pense que cela aurait été intéressant. »
A la question de savoir si la presse est intéressée par les événements organisés pour un
public avant tout musulman :
« Envoyez leur le programme, un communiqué de presse et c’est eux qui décideront de
l’intérêt de l’événement. C’est eux qui choisiront de venir ou de ne pas venir et de faire le
compte-rendu qu’ils ont envi. Au moins, cela aura l’intérêt de montrer ce qu’il se passe, de
montrer que c’est potentiellement ouvert à tous, etc. Les journaux locaux sont pleins de
comptes rendus des concours de belotes, de toutes les associations qui ont un rayonnement
restreint. Là vous dites qu’il y a eu des filles qui sont venues de Lyon et même plus loin, cela
fait aussi partie de la vie de la ville. Et cela a un intérêt pour tout le monde de savoir ce qui
se passe dans ce domaine-là. »
« Y’a deux ans on été allé à la fête de l’aïd à Interexpo, il y avait eu énormément de monde,
c’était un super évènement, le lendemain, je m’attendais à avoir un article dans la presse…
bah non ! Alors que tu fais une manifestation qui ramène plusieurs centaines de
personnes à Bourg-en-Bresse, t’as un article là-dedans. Les fantasmes sont plus faciles à
créer sur des gens qui ne sont pas visibles dans la sphère citoyenne et sociale. Se montrer
c’est aussi déstigmatiser. Au niveau local, dans la vraie vie, avec ses voisins, etc., c’est plus
facile de faire une différence entre ce « qu’on dit » et ce qu’on voit. A mon avis, c’est là où il
y a des choses à faire pour contrebalancer les discours qui peuvent être entendus plus
facilement au niveau national. »
« Il faut savoir comment se montrer. Parmi ces codes, il y a le contact avec la presse. Vous
auriez invité l’adjointe de la vie sociale, etc., vous auriez eu un plus grand écho, c’est certain.
Pensez aux politiques, à la presse, aux acteurs sur le terrain, etc., hors musulmans qui
peuvent être intéressés. »
2. Sur l’intérêt des non-musulmans à assister à un événement mettant en avant des
témoignages de sœurs travaillant avec le voile :
« Je pense qu’ils ne se posent pas la question de savoir si c’est un enjeu de société, un enjeu
féministe, etc. Les gens ont chacun leurs propres problèmes perso et les gens se
désintéressent de plus en plus des problèmes des autres segments de la société : par
individualisme, par méconnaissance, etc., parce qu’ils ne sont pas touchés personnellement
par la chose. Avant de s’intéresser à l’idée de l’importance des femmes voilées à s’intégrer
dans le monde du travail, il faudrait qu’ils s’intéressent déjà que les jeunes soient plus au
chômage que les autres, qu’il y a de la discrimination à l’embauche, etc. Ils n’iraient pas dans
une conférence sur l’intégration des jeunes dans le monde du travail. Alors, des jeunes,
femmes en plus, musulmanes de surcroit, portant le voile, enfin, on est en train d’affiner le
goulot des centres d’intérêts.
Après c’est un événement qui pourrait attirer des travailleurs sociaux, qui pourrait toucher
des personnes qui travaillent au contact de cette population, des gens qui travaillent dans
l’insertion professionnelle, etc. et ces gens-là, on les a pas vu ce jour-là. Inviter de manière
ciblée, les personnes intéressées par les thématiques que vous choisissez. »
« Pour arriver à intéresser un public au-delà du cercle des musulmans, éviter de centrer la
journée uniquement sur des questions religieuses. Il serait intéressant de faire intervenir des
personnes qui ne viennent pas uniquement de cette communauté-là, et qui se répondent ou
qui complètent les discours des uns et des autres. Par exemple, s’il avait eu une juriste
d’entreprise non-musulmane mais qui elle a été confrontée à la mise en place, par exemple,
d’une charte de la diversité dans son entreprise et qui soit venu expliquer concrètement
toutes les implications de cette réflexion dans une entreprise, cela aurait contrebalancé le
discours purement « vous avez le droit de faire ça », « vous n’avez pas le droit de faire ça »,
et cela aurait confronté le public un peu plus à la réalité. En effet, il est super important de
connaître et se reposer sur les textes, et d’un autre côté il y a aussi la réalité du quotidien
mais aussi l’aménagement concrète de ses droits qui n’est pas toujours aussi facile qu’une
application stricte des textes. Et que cette personne ne soit pas musulmane, ne soit pas
voilée, aurait également apporté des choses. »
Que pensent les employeurs des femmes travaillant avec le voile :
« Je pense que la plupart pensent que c’est une source de problèmes et ils ont raison de le
penser. Mais, au contraire, il y a d’autres entreprises qui se sont à mon avis beaucoup
investies sur les questions sociales et qui ont certainement travaillé sur ces questions de
manière plus intelligente et allant au-delà de cette impression première, de ce sentiment
réflexe conditionné par les médias. Du coup, il y a eu des travaux qui ont été mené dans
certaines entreprises qui sont arrivées à certaines acceptations, des règles, des règlements
intérieurs, des chartes d’intégration sur la diversité, et que ces gens-là peuvent aussi avoir
des messages à faire passer mais c’est vrai qu’on ne les entend pas généralement. Sûrement
des grandes entreprises ou des entreprises qui travaillent dans des secteurs spécifiques »
3. « Le patron est aussi dans une préoccupation de paix sociale. Il a une équipe à gérer au
global et ce qu’il veut c’est créer un équilibre et tout ce qui est aspérité est potentiellement
source de déséquilibre. C’est cela que va craindre l’employeur d’une manière générale. C’est
la nouvelle recrue qui met en péril ce qu’il a construit patiemment. Si 25% de son effectif est
musulman, il va l’intégrer complètement, si c’est 2% de son effectif, il va plutôt avoir envi de
la virer pour se débarrasser du problème. Donc, il y aussi une question de seuil qui est
variable par rapport à la taille ou l’implication de l’entreprise d’une manière générale qui fait
qu’une situation dans une boîte n’est pas la même que dans celle d’à côté. »
Que pensez-vous du voile :
« Je vois le voile comme un handicap. Le défi est de réussir à faire oublier cet handicap aux
personnes avec lesquelles elles travaillent. Les gens n’ont aucun souci à travailler avec ces
personnes lorsqu’ils oublient cet « handicap ». Il faut pas qu’elles arrivent avec leur voile et
fassent tout pour rentrer dans la normalité de l’entreprise qui pourra les embaucher. C’est
important de connaître ses droits pour les faire valoir dans les moments critiques tels que
l’embauche, etc. mais, par la suite, au quotidien, cela demande beaucoup d’adaptabilité et
on ne peut pas se cantonner à connaître ses droits et être intransigeants dessus. Elles se
mettent un handicap en se mettant dans cette situation là, mais être une femme dans une
entreprise est déjà un handicap, donc on peut déjà avoir une petite expérience dans ce
domaine. Tout comme on ne va pas conseiller à une fille de dire qu’elle espère avoir trois
enfants dans les deux années à venir lors d’un entretien d’embauche, il faut s’écraser, laisser
de côté certaines choses, il ne faut pas forcément tout dire, tant qu’on ne connait pas les
gens, tant qu’on n’est pas dans la confiance, et après l’intégration peut ne pas poser de
problèmes.
Malheureusement, il ne faut pas trop la « ramener ». Il faut réussir à faire oublier sa
particularité. Dans le monde du travail, on est beaucoup plus accepté si on est lisse. Toutes
les aspérités peuvent être vues comme un inconfort par l’entreprise, les collègues, etc. On
joue tous un rôle quand on est dans une entreprise, on gomme certains aspects de notre
personnalité, et on se construit un personnage un peu plus lisse, et quand on a une aspérité
un peu plus visible comme être voilée, c’est quelque chose qu’il faut aussi s’efforcer de faire
oublier, par toute une normalité de comportements par ailleurs, pour que les collègues se
disent : « ah oui, j’en ai presque oublié qu’elle est voilée ! » Et c’est là que cela fonctionne.
Mais par contre, si on est toujours dans la velléité de toujours rappeler sa différence, qu’on
est toujours dans la réaffirmation d’un droit qui nous semble bafoué, etc., là cela risque
d’être beaucoup plus difficile en terme d’intégration. Sur d’autres sujets moins polémiques,
c’est à peu près le même constat.»
Nous remercions cette personne pour sa sincérité et sa confiance.
Nous espérons que ces conseils serviront à toute personne musulmane désireuse d’organiser
des événements quels qu’ils soient.