1. Faculté de médecine d’Oran
EXTERNAT 2012/2013 6ième année
MODULE URGENCE
DYSPNÉE AIGUE
Dr Elkebir Djamila
Anesthésie réanimation chirurgicale EHU Oran
2. INTRODUCTION:
La dyspnée est un motif fréquent de consultation
La dyspnée n’est pas un symptôme anodin :ne jamais banaliser
Interrogatoire et examen clinique sont essentiels
Les examens paracliniques dépendent du contexte clinique
Les causes sont multiples et variées :
Respiratoires
Cardiovasculaires
Neurologiques
Musculaires
Métaboliques
Devant toute dyspnée : rechercher les facteurs de gravité
3. I. DEFINITION :
La dyspnée est une perception anormale et désagréable
de la respiration
Gêne respiratoire subjective dont se plaint le patient
avec un impact psychologique d’intensité variable
Terminologie utilisée : essoufflement, souffle coupé ,soif
d’air ,blocage , oppression, difficulté ou mal à respirer.
La dyspnée est anormale dès qu’elle survient au repos
Ou pour un niveau réduit d’activité physique.
4. II. LES DETERMINANTS DE LA DYSPNEE
Mise en jeu des afférences nerveuses :
Les mécanorécepteurs thoraciques sensibles à la pression
Les chémorécepteurs centraux et périphériques sensibles
au ph sanguin ou au contenu artériel en O2.
Ces stimuli atteignent les centres respiratoires situés dans le tronc
cérébral qui assurent la commande de la mécanique ventilatoire
via les muscles respiratoires.
La dyspnée dépend de trois facteurs principaux :
La pression intrathoracique (mécanorécepteurs )
le contenu artériel en O2(chémorécepteurs )
Le pH (chémorécepteurs )
5. La pression intrathoracique: Les mécanorécepteurs détectent
les déformations mécaniques et sont sensibles aux
modifications de volume , de débit et de pression thoracique.
Le contenu artériel enO2 est fonction :
du taux d’hémoglobine
de la saturation en O2
et du débit cardiaque
– Chémorécepteurs aortiques sensibles à la baisse de l’Hb
(anémie) et du débit cardiaque
– Chémorécepteurs carotidiens sensibles à la PaCO2
Le Ph : Les chémorécepteurs du système nerveux central
L’acidose entraine une acidification du LCR d’où hyperventilation
pour réduire la capnie ( PaCO2)
6. Mécanismes de la dyspnée
1. Augmentation du travail respiratoire :
Obstruction des voies aériennes
Diminution de la compliance
2. Diminution des capacités ventilatoires :
Amputation des volumes
Troubles de la cinétique thoracique (cyphoscoliose et épaississements
pleuraux)
3. Modification du rapport ventilation – perfusion
4. Modification de la surface d’échange alvéolo-capillaire
5.Hypoxie cellulaire (anémie, intoxication)
6.Acidose métabolique
7. III. ANALYSE SEMIOLOGIQUE DE LA DYSPNEE
La respiration normale : une inspiration active et une
expiration passive de durée plus longue avec un rapport
I/E=1/2 .
La fréquence respiratoire varie de 12 à 16 cycles par
minute.
DYSPNEE AIGUE:
Phénomène récent d’apparition brutale et souvent
d’aggravation rapide
LA DYSPNEE CHRONIQUE:
Phénomène plus ancien généralement d’apparition
progressive et d’aggravation lente.
8. CARACTERISATION DE LA DYSPNEE
En fonction de la fréquence respiratoire:
Tachypnée : F supérieure à 25 cycles par minute
Bradypnée : F inférieure à 15 cycles par minute
En fonction de la Ventilation minute :
Polypnée
L’hypopnée
En fonction du cycle respiratoire :
Dyspnée inspiratoire
Dyspnée expiratoire
9. Dyspnée inspiratoire :
Augmentation du temps inspiratoire
Mise en jeu des muscles inspiratoires accessoires avec
tirage inspiratoire (sus claviculaire sus sternal , intercostal,
basithoracique)
–Obstacle extrathoracique : pharyngé , laryngé
–Obstacle trachéale
Dyspnée expiratoire :
Allongement du temps expiratoire
Traduit un rétrécissement du calibre bronchique
Sifflements intrathoraciques
Contraction des muscles abdominaux
10. Troubles du rythme respiratoire
La dyspnée de Küsmaul
Souvent liée à une acidose respiratoire
Comporte 4 temps :
Une inspiration profonde
Une pause respiratoire
Une expiration profonde
Puis une pause
La dyspnée de Cheynes-Stokes
Dyspnée anarchique
Mouvements respiratoires de plus en plus amples
Pause respiratoire prolongée
Affections neurologiques (atteintes bulbaires)
Affections cardiaques graves
11. CIRCONSTANCES DE SURVENUE DE LA DYSPNEE
Dyspnée d’effort ou de repos
En fonction de la position du patient :
Aggravée par la position couchée : orthopnée dans l’ Insuf.Cardiaque
Aggravée par la position assise ou debout : platypnée
malformations artério veineuses intraparenchymateuses ou dans le
cadre du syndrome hépatopulmonaire
Selon l’horaire de la dyspnée
Nocturne : dans l’asthme (fin de nuit) et dans l’insuffisance
cardiaque du fait de l’orthopnée
Rechercher des facteurs déclenchants :
Allergènes, écart thérapeutique de l’IC , tabac ….
12. SIGNES ASSOCIES A LA DYSPNEE
Etape essentiel pour orienter le diagnostic
Auscultation pulmonaire :
Murmure vésiculaire normal ou augmenté
Symétrique ou non
Bruits surajoutés : sibilants , crépitants, ronchi)
Examen cardio-vasculaire :
Fréquence cardiaque
Pression artérielle
Signes d’ICD : turgescence des jugulaires, hépatomégalie
douloureuse, œdèmes des membres inférieurs)
Signes d’ICG
Signes extra-respiratoires :
Fièvre, signes cutanés articulaires digestifs neurologiques
13. EXAMENS COMPLEMENTAIRES AU COURS D’UNE DYSPNEE AIGUE
Trois examens complémentaires indispensables :
Radiographie thoracique de face
ECG
Gazométrie artérielle
14. IV. ECHELLES DE DYSPNEE
Moyens simples mais peu précis pour quantifier une dyspnée :
- Nombre de marches ou d’étages : pour les dyspnée d’effort
- Nombre d’oreillers nécessaires : dyspnée de décubitus
Echelle de dyspnée de Borg :
évalue l’intensité de la sensation de dyspnée
Echelle visuelle analogique :
Réglette graduée avec mention à chaque extrémité :
Pas d’essoufflement ou essoufflement maximal
Echelle du médical Research Council (MRC scale) :
évalue les effets de la dyspnée sur les activités quotidiennes
Classes fonctionnelles de la New York Heart Association (NYHA) :
– Utilisée en cardiologie :
– Évalue le retentissement fonctionnel de l’activité physique
15. NYHA
Classe I : Pas de limitation de l'activité physique. Activité
usuelle sans fatigue, dyspnée, palpitations ou douleurs
angineuses.
Classe II : Aucun symptôme au repos, mais diminution
légère de l'activité physique ; l'activité usuelle entraîne
soit fatigue, dyspnée, douleurs angineuses ou
palpitations.
Classe III : Aucun symptôme au repos, mais gêne au
moindre effort.
Classe IV : Gêne au moindre effort et au repos.
16. V. ORIENTATION ETIOLOGIQUE
Dyspnée aigue avec anomalies auscultatoires
Dyspnée inspiratoire ou mixte :
–Obstacle à la pénétration d’air
–Origine laryngée ou trachéale haute
–Bradypnée et dysphonie
Pathologie :
–tumorale
–allergique
–Infectieuse
–Inhalation d’un corps étranger
17. Dyspnée aigue avec râles sibilants:
Les sibilants témoigne d’une limitation du débit aérien :
–Asthme
–BPCO en décompensation aigue
–ICG :des râles crépitants sont associés
Dyspnée aigue avec râles crépitants:
–ICG
–Pneumopathie infectieuse
–Hémorragies intraalvéolaires : vascularites
Dyspnée aigue avec asymétrie auscultatoire:
–Épanchement pleural gazeux ou pneumothorax
–Épanchement pleural liquidien ou pleurésie
–Atélectasie aigue : inhalation d’un corps étranger
19. Principales causes de la dyspnée aiguë
Contexte clinique Caractères Circonstances Facteurs Symptôme
de la dyspnée de survenue d’amélioration s associés
Asthme Antécédents Début Exposition à Aérosol de ß2- Toux,
atopiques, épisodes volontiers en l’allergène, sympathonimétiques, sifflements
de dyspnée aiguë fin de nuit rire, exercice, suppression des
séparés par des infections allergènes
périodes respiratoires
asymptomatiques notamment
virales, émotion
Pneumopathie Terrain favorisant : Début brutal Tableaux
alcoolisme, grand infectieux,
âge , fièvre, tou
immunodépression x, douleurs
pleurales
20. Contexte Caractères Circonstances Facteurs Symptômes
clinique de la de survenue d’amélioration associés
dyspnée
Œdème aigu Antécédents et Aggravation Effort, Position assise, Toux,
du poumon facteurs de brutale décubitus Trinitrine expectoration
risques d’une dorsal sublinguale mousseuse,
cardiovasculaires dyspnée orthopnée
: hypertension chronique
artérielle, angor, survenant
valvulopathie, plutôt la
diabète, nuit
tabagisme
Pneumothorax Adulte jeune, Début brutal Toux, douleur
spontané morphotype s pleurales
longiligne,
antécédent de
pneumothorax
Embolie Terrain Début brutal Inconstants, d
pulmonaire favorable : ouleurs
alitement, cancer, pleurales, tous
post-partum, et
suites post- hémoptysie, fi
opératoires, èvre, angoisse
insuffisance
cardiaque, BPCO,
thrombophlébite
21. VI. CONDUITE A TENIR
Toute dyspnée est une extrême urgence
diagnostique et thérapeutique.
Elle s'envisage de façon différente selon le
tableau clinique .
22. Évaluer la sévérité de la dyspnée sur
l’aspect du patient tout en démarrant
l’oxygénothérapie
23. Apprécier la gravité sur :
–Terrain sous-jacent :comorbidités
–Cyanose des lèvres, ongles et muqueuses,
–sueurs, signes de lutte, SpO2 < 90%,
– Dyspnée + parole difficile = signe de gravité ++
–Altération de la conscience ou agitation,…
–Diminution de l’amplitude thoracique, respiration
paradoxale , polypnée > 30 /mn, orthopnée,
–Hypertension Tachycardie >120,
–Bradycardie ,arrêt circulatoire,
–État de choc : hypotension, marbrures.
–Les signes d’insuffisance ventriculaire droite
24. Trois situations peuvent se présenter
Grande détresse respiratoire ou arrêt circulatoire
Assistance respiratoire au masque et MCE
Dyspnée sévère mais sans arrêt circulatoire
Oxygéner au masque et ventilation mécanique.
Simple gêne ventilatoire
GDS à l’air
Oxygène par sonde nasale ou masque facial
Interrogatoire, ATCD
Examen clinique , diagnostic étiologique
26. Diagnostic étiologique : à démarrer d’emblée
Commencer par rechercher une étiologie
indiquant un geste extrêmement urgent
27. Un obstacle sur les voies aériennes :
- un tirage, un cornage
- un mouvement respiratoire paradoxal :
creusement thoracique inspiratoire et expansion abdominale
-diminution du murmure vésiculaire à l’auscultation
- signes de retentissement : cyanose, sueurs …
Oxygéner
Ouvrir la bouche
Retirer au doigt tout obstacle éventuel
Intubation orotrachéale
Trachéotomie
Fibroscope ou bronchoscope
Repousser l’obstacle plus bas pour permettre une
ventilation sur un seul poumon.
28. Rechercher un pneumothorax :
Responsable d’une détresse , s’il est bilatéral, compressif ou chez
un patient ayant des antécédents respiratoires.
Dyspnée + Distension thoracique
Tympanisme de l’hémithorax
Diminution ou abolition murmure vésiculaire
Evaluation rapide de l’état hémodynamique
Hémodynamique satisfaisante
Radio thorax Etat de choc
Drainage thoracique : Diagnostic clinique
KT 14 ou 16 G au 2ième espace Drainage thoracique
intercostal ou exsufflation à Si amélioration clinique
l’aiguille puis drainage Radio thorax + drainage
thoracique par drain
29. Évaluer l’état de conscience :
Si dyspnée + coma ⇒ Oxygène + intubation et
ventilation mécanique
Le coma peut être cause ou conséquence d’une
insuffisance respiratoire aigue.
Troubles ventilatoires par : l’encombrement
bronchique, la chute de la langue et des troubles de la
déglutition.
30. Place du Peptide Natriurétique de type B – BNP :
Intérêt dans le diagnostic de l'insuffisance cardiaque
qu'elle soit systolique ou diastolique.
La confirmation par échographie cardiaque reste
nécessaire.
Le taux de BNP dans le sang permet de différentier une
dyspnée d'origine cardiaque (OAP) des autres étiologies.
- BNP > 400 pg/ml : dyspnée d'origine cardiaque
- BNP < 100 pg/ml : dyspnée pas d'origine cardiaque
- BNP entre 100 et 400 pg/ml : le taux n'est pas
discriminatoire
31. Les indications de la ventilation mécanique
Pauses ou arrêt respiratoire.
Signes d’épuisement respiratoire.
Collapsus cardio-circulatoire.
Altération de l’état de conscience.
Acidose sévère (pH < 7,20).
Absence d’amélioration ou une aggravation clinique
et/ou gazométrique sous traitement médical.
32. Manoeuvres
1. 2. 1. Cinq claques dans le dos avec le
plat de la main ouverte
2. Si les signes de l'étouffement
persistent : la manoeuvre de
Heimlich.
33. 1. Nourrisson à plat ventre sur l’
2. avant bras, le visage dirigé vers le sol
1.
Effectuer entre les deux omoplates,
5 claques avec le plat de la main
ouverte
Avant de retourner l'enfant, retirer le
corps étranger avec les doigts sans
l'enfoncer dans la gorge de l'enfant
2. En cas d'échec, retourner le nourrisson sur le dos, l'allonger tête
basse sur l'avant bras et la cuisse.
Comprimer au milieu de la poitrine, avec deux doigts dans la partie
inférieure du sternum, sans appuyer sur l'extrémité inférieure du
sternum
34. QUELQUES RECOMMANDATIONS THERAPEUTIQUES
L’Oxygénothérapie :
Correction de l'hypoxémie : priorité absolue
Précoce
avant les résultats des GDS.
Continue.
Suffisante :
permettre une PaO2 > 60 mmHg et une SaO2 > 90%.
Contrôlée
avec surveillance clinique (FR, cyanose, état de
conscience),
monitorage : ECG et SpO2
GDS
35. Le traitement étiologique doit débuter le plus
rapidement possible +++
Traitement symptomatique + traitement étiologique
parallèlement.
Le transport des patients dyspnéique se fait
toujours sous oxygène.
La ventilation artificielle:
Le recours à la ventilation mécanique :
–Doit se faire sur les signes cliniques
–Sans attendre les résultats des GDS
36. CONCLUSION
Dyspnée aigüe : apprécier le risque vital
Dyspnée inspiratoire : atteinte des voies aériennes
supérieures, urgence
Orthopnée : le cœur avant tout
Dyspnée sifflante : l’asthme avant tout mais BPCO et cœur
chez le sujet âgé
Dyspnée isolée : psychogène quand on a éliminé les causes
vasculaires pulmonaire (maladie thromboembolique, HTAP)
Dyspnée aigüe ou exacerbation de dyspnée chronique ?
Les sujets qui rencontrent un médecin ne connaissent pas le
mot dyspnée !