« Je t’en pose, moi, des questions ? »
Combien de fois cela vous est-il arrivé de recevoir « à la figure » cette réplique toute faite, signe d’une indiscrétion ou curiosité potentielle envers votre interlocuteur ?
La question peut donc agacer. Elle peut aussi montrer un signe d’intérêt.
Faisons un petit tour d’horizon de la question pédagogique !
La question peut en effet être considérée comme l’outil de base de l’interaction pédagogique. Les enseignants utilisent par exemple les QCM, et de manière plus large les questions comme outils de diagnostic, de formation ou d’évaluation...
L'art de poser des questions pour former et évaluer
1. Jean-François CECI – 06/2014 P1/3
La question, outil de l’enseignant ?
Ou l’art de poser des questions pour former et évaluer…
« Je t’en pose, moi, des questions ? »
Combien de fois cela vous est-il arrivé de recevoir « à la figure » cette
réplique toute faite, signe d’une indiscrétion ou curiosité
potentielle envers votre interlocuteur ? La question peut donc agacer. Elle
peut aussi montrer un signe d’intérêt.
Faisons un petit tour d’horizon de la question pédagogique !
1) Le « quiz » : questionner pour former
La question peut en effet être considérée comme l’outil de base de l’interaction pédagogique. Les
enseignants utilisent par exemple les QCM, et de manière plus large les questions comme outils de
diagnostic, de formation ou d’évaluation.
D’une séance sur l’autre, il est aisé de mettre en ligne un quiz de 5 questions sur les points clés à connaitre
lorsque l’on demande de « réviser tel chapitre ! ». De nos jours des outils comme Socrative ou google-
formulaire permettent de faire cela simplement et gratuitement, d’archiver et de réutiliser les quiz d’une
session à l’autre.
Les résultats obtenus permettent de constituer 3 groupes lors du cours suivant :
o Les non répondants (quiz non réalisé volontairement ou involontairement)
o Les répondants avec erreurs (apprentissage partiel)
o Les répondants avec maitrise (niveau atteint)
Les étudiants qui ont réussi vont assister ceux qui ont fait des erreurs. Ils doivent s’interroger mutuellement
pour parvenir aux bons résultats. Quant à moi, je vais pouvoir me concentrer sur la remédiation avec les
étudiants qui n’ont pas voulu ou pu faire le travail ainsi que me consacrer aux difficultés particulières.
En cours, j’utilise aussi un système de questionnement qui implique tout le monde au lieu de ne faire
réfléchir et travailler que l’élève questionné. Il suffit pour cela de poser la question à la classe en laissant un
temps de réflexion et d’échange en binôme. Ensuite j’interroge un élève au hasard. Ce protocole, pour être
efficace, doit être expliqué à la classe avant de poser les questions de cette manière1
.
2) Le « non-travail » : questionner pour s’intéresser
Lorsque nous questionnons nos étudiants sur leur « non-travail », les réponses fournies sont parfois
surprenantes mais aussi souvent légitimes, voici les principales :
o Problème matériel (internet, ordinateur, transports, finances, autres…)
o Indisponibilité physique ou intellectuelle (maladie, urgence, soucis familiaux ou amoureux…)
o Priorisation du travail (autre devoir à rendre ou tache plus importante)
1
“No hands-up – except to ask a question” de Dylan William, lire l’article suivant en exemple : http://www.bbc.co.uk/news/education-11090044
Image : http://www.dessinateur.biz/
2. Jean-François CECI – 06/2014 P2/3
o Travail salarié pour subsister
o Manque d’intérêt pour la tâche, manque de sens…
o Abandon
Le facteur humain doit être pris en compte, car nos étudiants ne sont pas des « machines à apprendre ». Il
m’est arrivé à plusieurs reprises de pouvoir débloquer une situation d’échec ou d’abandon en posant des
questions et en m’intéressant à la vie d’un étudiant. Il suffit d’un peu d’intérêt de la part de l’enseignant
pour qu’un étudiant en difficulté vienne ensuite spontanément lui faire part de ses soucis, et reprenne le
chemin des études.
Cependant, la taille des groupes ne permet pas de passer du temps avec l’ensemble des apprenants et le
scénario vu plus haut (ou tout scénario de classe inversée par exemple) permet, de temps en temps, de
mieux partager son temps en classe.
Avant d’aborder la question pour évaluer, intéressons-nous à l’évaluation elle-même.
3) « Pourquoi évaluons-nous ? »
L’évaluation fait partie de notre société, à tous les niveaux et dans tous les domaines, que ce soit en
entreprise par exemple (pour déterminer la qualité d’une production, d’un collaborateur, d’un service ou
de l’entreprise), dans notre vie personnelle ou bien dans l’éducation. Selon Bloom2
, Il s’agit d’une étape de
haut niveau d’un processus d’acquisition de compétences
constitué ainsi :
o Connaissance
o Compréhension
o Application
o Analyse, évaluation, synthèse
Cette étape permet de « boucler » le processus par une
rétroaction conduisant à reformuler les connaissances, pour les
assimiler et les appliquer d’une manière plus satisfaisante
jusqu’à ce que l’évaluation soit à la hauteur de nos attentes…
L’évaluation, de même que l’erreur3
est capitale dans le
processus d’apprentissage. En effet elle permet de positionner le sujet évalué sur une échelle de
progression et de savoir ainsi ce qu’il reste à faire pour arriver au but ; ce que les Américains appellent le
« who needs to be taught what next » !
L’évaluation est un processus couteux en temps et difficile à mettre en œuvre, du moins avec une visée de
précision et de reproductibilité. Tant que l’évaluation porte sur l’humain, une dose plus importante de
subjectivité est à attendre concernant le résultat. Tout enseignant doit donc accepter l’imperfection de son
système de mesure de la progression, donc l’imprécision de son système de notation, sans parler de
favoritisme, préférence de genre, discrimination, fatigue, surcharge de corrections, problèmes personnels...
Il ne s’agit pas de capituler, mais d’être conscient de nos faiblesses et de travailler à en minimiser l’impact
sur nos évaluations.
2
http://fr.wikipedia.org/wiki/Taxonomie_de_Bloom
3
voir articles précédents : http://www.educavox.fr/innovation/pedagogie/article/etat-d-esprit-et-feedback-les-cles
3. Jean-François CECI – 06/2014 P3/3
4) « Quand évaluons nous ? » : Types d’évaluations et temporalité
Les enseignants ont besoin d’évaluer en 3 temps :
o Avant ou au début d’un cours : « Evaluation diagnostique » pour vérifier la présence des
connaissances nécessaires à la poursuite du cours. En général les questions portent surtout sur les
connaissances nécessaires à la poursuite du cours (voir paragraphe 1).
o Pendant le cours : « Evaluation formative » pour valider au fil de l’eau les connaissances acquises
par le groupe. Les questions posées permettent de valider la progression. Leur niveau doit être
calibré et progressif. En effet, Il est tentant d’utiliser des questions d’évaluations terminales durant
le cours, mais elles sont souvent d’un niveau difficile. Une reformulation à minima est importante.
o Après le cours : « Evaluation sommative » pour tester l’ensemble des connaissances acquises et
apporter une note. Si ce test de fin est réussi, le cours est terminé. Sinon cette évaluation peut
déclencher un cours de rattrapage. La question en évaluation sommative doit utiliser le vocabulaire
utilisé en cours ainsi que les notions conceptuelles étudiées et correspondant au référentiel de
formation. Une évaluation doit être conçue pour fournir un 20/20 si le contenu est du niveau
attendu et juste ! pas évident pour tous les enseignants…
Il est à noter qu’il existe d’autres formes d’évaluation comme l’auto-évaluation, l’évaluation par les pairs, la
co-évaluation (par l’enseignant et par les pairs) qui peuvent être utilisées à tout moment. Apprendre à se
poser des questions ou à poser des questions à son binôme est très formateur pour l’apprenant. Nos
situations d’apprentissages doivent donc proposer des activités à ce sujet.
5) Comment questionner ?
Poser une bonne question est une démarche difficile. La question doit être si possible personnalisée à
l’élève (niveau de compréhension, problématique) et avec un objectif clair et cohérent (référentiel, tutorat
administratif, motivationnel, organisationnel…). Des méthodes existent sur le net4
, le plus important pour
ma part étant de faire preuve d’empathie. La question doit donc être posée si possible dans l’intérêt de
l’élève et pas simplement pour satisfaire un scénario préétabli par l’enseignant.
La question est souvent égoïste et impatiente : « j’ai un besoin d’information et je dois le satisfaire ! ».
Mais, « Etre prof, c’est donner, pas prendre ! » me disait une collègue de Français.
Pour l’enseignant, il s’agira plutôt de se mettre au service de la compréhension d’autrui et de construire
des questions qui déclencheront un processus de réflexion ou d’ancrage mémoriel. Mais pour cela, nous
devons prendre le temps de poser des questions…
Avec l’essor du numérique en éducation, les capacités de communication nous permettent désormais
d’être en contact permanent, synchrone ou asynchrone avec nos apprenants. Il est donc techniquement
facile d’instaurer des liens de tutorat davantage individualisés. La difficulté est davantage de qualifier et
quantifier les temps d’apprentissage, ainsi que la réussite et les difficultés rencontrées.
Il s’agit donc de « poser les bonnes questions ! »
4
http://www.fao.org/docrep/005/w8088f/w8088f07.htm ou encore http://www.theworldcafe.com/translations/Art-
of-Powerful-questions-FRA.pdf ...