L'histoire des luttes sociales des jeunes au québec
Armony côte des neiges 2013 texte
1. L’intégration socioculturelle au Québec
Victor Armony
Professeur de sociologie, UQAM
Le grand défi au plan de l’intégration socioculturelle, elle-même absolument
nécessaire à l’intégration socioéconomique, est celui d’offrir la langue comme un
lieu de rencontre et de cohésion, la placer au cœur d’une démarche dans laquelle le
français n’est pas proposé comme une simple fonctionnalité ou comme une
contrainte, mais plutôt comme une fenêtre à un monde commun, à une culture
partagée. C’est pourquoi les approches coercitives, les limitations administratives
(par exemple, l’offre de services aux immigrants s’arrête après cinq de séjour), les
structurent qui séparent l’immigrant du reste de la société (par exemple en faisant
de l’intégration une « affaire d’immigrants » et non pas également de Québécois
dits « de souche ») me paraissent aussi inefficaces qu’injustes. Il faut voir
l’intégration d’une manière plus constructive et le secteur communautaire est, sans
doute, névralgique dans un tel contexte.
Dans l’amalgame qu’on fait parfois en mettant d’un côté les « immigrants » et de
l’autre les « Québécois de souche », nous perdons de vue la complexité de la
société, bien sûr, mais aussi nous voyons moins clair en ce qui concerne l’enjeu de
l’intégration car nous risquons de tomber dans le piège d’une dualité qui oppose un
« nous » à un « eux ».
D’abord, il est bien connu que la question des ressources dédiées aux immigrants,
particulièrement au plan des services de francisation, est cruciale et que, autant la
masse totale que sa distribution géographique (Montréal et régions, petites villes),
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2. laisse beaucoup à désirer. Mais le problème de fond est celui du manque criant de
structures et de mécanismes qui articulent la francisation à la insertion concrète
dans les divers milieux d’activité, surtout en ce qui concerne la mise en œuvre de
véritables opportunités d’interaction et de réseautage entre personnes immigrantes
et personnes faisant partie de la majorité. Je ne veux surtout pas dévaloriser les
nombreuses initiatives – gouvernementales, des entreprises ou de la société civile –
qui se donnent justement pour but de faire précisément cela : la création de mesures
d’accompagnement, de jumelage, de parrainage. Mais le travail qui reste à faire
dans ce domaine est immense.
J’ose rêver, par exemple, à la création d’un modèle d’atelier interculturel qui
pourrait s’adapter et se généraliser à bien des espaces de la vie collective, où des
personnes immigrantes nouvellement arrivées, des personnes issues de
l’immigration qui sont déjà bien établies et des membres de la majorité enracinée
pourraient véritablement se rencontrer pour s’enrichir mutuellement, non seulement
fournissant ainsi un moyen d’acquisition ou de perfectionnement de la langue, mais
aussi valorisant du même coup le statut du français comme fondement de notre
civisme et de notre sentiment d’appartenance.
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