1. Sahara Green
Comment la coopération transméditerranéenne durable et l’énergie
solaire du Sahara apporteront bien-être, paix et prospérité en Méditerranée …
Sahara Green
Les Voies de l’Economie Verte en Méditerranée
Cas de l’Energie Solaire
Nasser Hadroug
3. Sahara Green 3
SAHARA GREEN
LES VOIES DE L’ECONOMIE VERTE EN MEDITERRANEE
OU
COMMENT LA COOPERATION TRANSMEDITERRANEENNE
DURABLE ET L’ENERGIE SOLAIRE DU SAHARA APPORTERONT
BIEN-ETRE, PAIX ET PROSPERITE EN MEDITERRANEE …
Dr HADROUG Nasser
http://fr.linkedin.com/in/nasserhadroug
Président de l’Observatoire Méditerranéen du
Développement Durable. Directeur de programmes :
SaharaGreen, RoboticaGreen, Euromed GEI
OMDD EDITIONS
4. Sahara Green 4
« J’utiliserai le sable du désert pour produire des cellules
solaires afin de générer une énorme quantité d’électricité et
transformer ainsi le désert en paradis »
Hassan Kamel Al-Sabbah, 1928.
Chercheur chez General Electric, Inventeur des cellules
photovoltaïques.
« Le Sahara reçoit une énorme quantité d’énergie solaire, que
nous pouvons utiliser pour initier une économie plus
respectueuse de l’environnement méditerranéen. Cette
fabuleuse quantité d’énergie propre permettra de dessaler
massivement l’eau de mer, afin de reverdir le Sahara. Si cette
initiative est reprise dans plusieurs endroits de notre planète,
cela permettra également de freiner la montée des eaux ».
Nasser Hadroug, 2002.
Dr-Ing, MBA. Sustainable Program Director. Président de
SaharaGreen
5. Sahara Green 5
SYNTHESE
Depuis le début de ce millénaire, les dépêches se bousculent à
une vitesse étourdissante. Tempêtes géantes, pollutions,
conflits, crise des matières premières, crise économique,
catastrophes humanitaires, incompréhensions Nord-Sud ; il
semble irréel que toutes ces catastrophes à répétitions aient un
dénominateur commun, et pourtant il est probable que la plupart
auraient une ampleur bien moindre si les principes du
Développement Durable étaient respectés, si les effets
anthropiques était plus canalisés, et si toutes les parties
prenantes étaient prises en compte dans la course effrénée à la
mondialisation.
La mise à l’écart des classes sociales les plus défavorisées a
participé à la formation du terreau sur lequel ont pu se
développer le terrorisme, les guerres civiles, et les récentes
émeutes, du sud de la Méditerranée à l’Angleterre1.
Notre boulimie d’énergies fossiles est un des facteurs
principaux de l’effet anthropique. En quelques mois, il y a eu la
catastrophe de l’or noir au large des Etats-Unis, la catastrophe
1
DANIEL J.M., professeur d'économie à l'ESCP Europe,
http://www.latribune.fr/opinions/20110216trib000601638/revoltes-frumentaires-et-
printemps-arabe.html, 2011
6. Sahara Green 6
nucléaire au Japon, et l’envolée des prix de l’énergie et des
matières premières.
La mondialisation de l’économie par la financiarisation à
l’extrême, a précipité le monde dans la plus grave crise
économique depuis 1929. Depuis la crise des «subprimes» qui a
éclaté aux USA en Aout 2007, la confiance s’est effondrée,
entrainant dans le feu des critiques les hypothèses d’ «efficience
du marché» et d’ «anticipation rationnelle» (donnant raison en
partie au Keynésianisme)2.
Et il n’est plus à démontrer l’effet anthropique sur le
changement climatique et la désertification, entrainant par
ricochet les migrations forcées.
Ces sujets qui font la une de l’actualité sont l’expression
d’enjeux globaux, et nous questionnent sur les politiques de
développement durable à mener à l’échelle mondiale et
territoriale. Ils montrent la nécessité d’une implication réelle et
durable des états développés dans la mise en place d’une
régulation mondiale soutenable et la mise en place de
programmes de coopération Nord-Sud durable.
2
BLINDER A. S., Professor of Economics at Princeton University, « Keynesian
Economics », <http://www.econlib.org/library/Enc/KeynesianEconomics.html>, 2011
7. Sahara Green 7
Abordés dans l’Agenda 21, ces sujets complexes nécessitent
une réflexion et une législation au niveau global mais doivent
également être traités sous l’angle territorial. Afin d’aider à la
réflexion globale, il est nécessaire comme pour toute analyse, de
choisir un terrain d’expérimentation. Ce livre s’inscrit dans cette
perspective en s’intéressant au cadre géographique «espace
méditerranéen». Car la Méditerranée, compte tenu de ses
asymétries sur les plans économique, environnemental, et
social, constitue un véritable laboratoire régional d’innovation,
d’expérimentation, et de coopération en matière de
développement durable (DD).
Le bassin méditerranéen, zone d’échanges et de tensions entre
trois continents, représente un ensemble économique cohérent,
une «économie monde» tel que le décrivait Fernand Braudel.
Mais contrairement à sa description3, la Méditerranée n’est pas
un «lac occidental» et le Sahara n’est pas la «contre
Méditerranée».
Le bassin méditerranéen est une région ouverte sur le monde où
se côtoient des espaces géopolitiques divers, porteurs de valeurs
et d’intérêts souvent différents.
Le Sahara, séparant le Maghreb de l’Afrique sub-saharienne,
fait apparaître le nord de l’Afrique comme une ile entourée de
3
LIAUZU, C., « La méditerranée selon Fernand Braudel », Revues
plurielles, Confluences Méditerranée - N°31, Paris, automne 1999, p.
186
8. Sahara Green 8
deux mers : la mer Méditerranée et la mer de sable. Cette vaste
zone désertique, malgré ses apparences, comporte bien des
atouts qui peuvent être mis au service du bassin méditerranéen,
tel que son gigantesque potentiel d’énergie solaire.
La Méditerranée dispose quant à elle, d’atouts incontestables et
offre des opportunités réelles de développement, grâce
notamment à la coopération transméditerranéenne énergétique.
La récession nous offre une rare opportunité d’effectuer de tels
investissements, car les gouvernements étant conduits à
dépenser davantage pour stimuler l’économie, ils peuvent tout
aussi bien le faire en affectant certaines dépenses à des projets
«verts».
Mais les enjeux financiers sont si énormes qu’ils peuvent attiser
bien des convoitises et emmener les marchés financiers vers ce
qu’on pourrait appeler une «bulle verte». A titre d’exemple, la
chine a alloué 40 % de son plan de relance (586 milliards USD)
à des projets verts, la transformant en premier marché mondial
des énergies renouvelables, alors que Citigroup estime que faute
d’interconnexions, 30% des centrales éoliennes chinoises
n’étaient pas en service en 2009. Cela illustre la nécessité d’une
stratégie de développement durable pour baliser tout chemin
menant à une «économie verte».
L’UE a ainsi lancé sa stratégie pour une croissance verte.
Encore faut-il une institution forte pour mettre en place
9. Sahara Green 9
une politique qui viserait à stimuler l’éco-innovation au service
de la coopération transméditerranéenne tout en abordant les
questions clés de la transition vers une économie verte, comme
l’emploi, les compétences, l’investissement, la fiscalité, les
échanges, le développement.
L’Union Pour la Méditerranée (UfM), a bien été créée dans
cette optique, mais tourne au ralenti. Cette institution, appelée
aujourd’hui «Secrétariat de l’Union Pour la Méditerranée», était
censée être centrale, puisqu’elle regroupe l’Union Européenne
(UE) et 15 pays de l’Adriatique et de la Méditerranée. Devant
les difficultés rencontrées, ces pays se sont mis d’accord pour
une institution légère, ce qui ne facilite guère la mise en œuvre
d’une politique de développement durable dans un espace aussi
tumultueux.
La politique de l’UfM met l’accent sur plusieurs programmes,
dont la coopération scientifique et universitaire. Cette dernière
pourrait s’intéresser à l’étude de la transposition des principes
de l’Agenda 21 à un territoire aussi complexe que la
Méditerranée, afin d’aider l’émergence d’un comité structuré en
collèges, dans lesquels tous les acteurs de la société civile
seraient regroupés. Sa mission serait de contribuer à la mise en
œuvre d’Agenda 21 méditerranéens, d’assurer la cohérence de
ces projets territoriaux de développement durable, et de
renforcer la coopération entre les collectivités et les
10. Sahara Green 10
entreprises du bassin méditerranéen.
Quant au Plan Solaire Méditerranéen (PSM), autre programme
d’importance, il a ouvert la voie à des initiatives industrielles
prometteuses, mais qui ont du mal à se montrer convaincantes.
Malgré leur côté pharaonique et extraordinaire, elles ne
génèrent ni l’espoir des populations du Sud, ni l’enthousiasme
du Nord. L’analyse du cas concret de la coopération énergétique
solaire transméditerranéenne, a permis d’apporter des pistes
d’amélioration de la politique de développement durable de ces
initiatives, ce qui permettrait de gagner une adhésion élargie.
Par ailleurs, de ce balbutiement d’initiatives, un espoir européen
nous illumine. Les citoyens européens vont-ils utiliser leur
nouvel outil de démocratie participative pour remettre l’Union
Méditerranéenne sur les rails, promouvoir des projets
transméditerranéens durables, dans le but d’initier une
« économie verte » dans le bassin Méditerranéen ?
De telles opportunités se présentent rarement.
Ce serait du gaspillage que de l’ignorer …
11. Sahara Green 11
INTRODUCTION
Les évènements décrits dans la presse ces derniers mois
rappellent qu’il est urgent de mettre en place une politique de
développement durable au niveau mondial. Aussi, une initiative
essentielle a été lancé à l’échelle mondiale : le concept
d’Agenda214, dont les résultats des initiatives territoriales
locales peuvent alimenter la conception d’une politique globale.
Et pour initier cette stratégie globale, le bassin méditerranéen,
constitue un terrain d’analyse et d’expérimentation approprié
puisqu’il abrite un écosystème complet, et donc un territoire où
peuvent être élaborées et testées des politiques de
développement durable qui pourront être ensuite transposées à
l’échelle de la planète.
L’ «Union Pour la Méditerranée» aurait pu suffire pour définir
et mettre en œuvre une politique méditerranéenne de
développement durable. Mais elle s’est transformée en
« Secrétariat de l’Union Pour la Méditerranée »5. Et il reste
encore à construire une coopération multilatérale novatrice et
durable pour bâtir un avenir forcément commun à l’Union
4
ONU, « Agenda 21 »,
<http://www.un.org/esa/sustdev/documents/agenda21/french/action0.htm>, 2011
5
Union for the Mediterranean, « The Secretariat of the Union for the Mediterranean »,
<http://www.ufmsecretariat.org>, 2011
12. Sahara Green 12
Européenne, au bassin méditerranéen, et à l’Afrique sub-
saharienne.
Parallèlement, des initiatives privées impulsées par des états de
l’UE, l’Allemagne pour DESERTEC, et la France pour
MedGrid, semblent se faire concurrence. Les responsables de
ces initiatives ont bien tenté de corriger la perception qu’en
avaient les parties prenantes des deux rives, mais la pente reste
difficile à remonter car les détracteurs avaient déjà fait leur
travail. Pour certains il s’agissait de projets néo-colonialistes,
alors que pour d’autres l’UE allaient perdre son indépendance
énergétique. Ces projets semblaient trop focalisés sur les
problèmes de l’UE et ne donnaient pas l’impression de
s’inscrire dans une logique de coopération transméditerranéenne
durable.
C’est en se fondant sur ces convictions que ce livre vise à
dessiner une alternative d’avenir en terme de coopération
énergétique qui réponde aux enjeux des deux rives, et rend
compte de:
- la situation de la coopération transméditerranéenne en
matière de développement durable,
- l’importance géostratégique du bassin méditerranéen et de
l’Afrique Sub-Saharienne pour la survie de l’Europe face à
des géants tels que la Chine par exemple.
Ce travail est basé sur une étude bibliographique traitant de
13. Sahara Green 13
ces sujets, des interviews de personnalités, spécialistes de ces
problématiques, et sur un sondage de type 2.0 afin de prendre en
compte l’avis de toutes les parties prenantes.
L’objectif de la première partie est de poser le contexte de la
problématique du développement durable en Méditerranée, et
de faire le constat des enjeux géostratégiques de l’espace Euro-
méditerranéen. Ce diagnostic est réalisé à partir d’une étude
bibliographique, et de l’analyse qualitative du point de vue de
parties intéressées, réalisée à partir d’interviews, de discussions
autour de tables rondes professionnelles, de réponses à des
questions posées lors de forums spécialisés, et de données
extraites des questionnaires réalisés pour ce livre et mis en ligne
sur un réseau social professionnel. Cette recherche a porté sur
les thèmes de la construction de l’Union Pour la Méditerranée,
de la coopération territoriale ou industrielle
transméditerranéenne, des politiques nationales
environnementales et énergétiques en vigueur.
La seconde partie est consacrée à l’exploration des voies de la
coopération transméditerranéenne. L’objectif est de présenter
une analyse critique du traitement actuel des enjeux, risques et
opportunités de l’espace Euro-méditerranéen, et de proposer des
pistes d’amélioration en matière de gouvernance territoriale, de
coopération, de communication, et de politique participative,
pour la construction d’une stratégie de développement
14. Sahara Green 14
durable méditerranéenne.
Dans la troisième partie, l’analyse du cas concret de la
coopération énergétique, en particulier l’opportunité d’utiliser
l’énergie solaire du Sahara pour répondre aux enjeux qui
intéressent les deux rives de la Méditerranée, apporte un regard
sur les limites des initiatives actuelles, en terme de
communication, de prise en compte des parties prenantes, et de
politique de développement durable. Nous proposons des pistes
d’amélioration qui mettent en avant les bénéfices que cette
coopération peut apporter aux deux rives de la Méditerranée,
afin de gagner l’adhésion de toutes les parties intéressées. Ce
livre présente un nouveau concept qui répond de façon globale
aux défis humains, environnementaux, et économiques de la
Méditerranée.
15. Sahara Green 15
I) Les enjeux géostratégiques méditerranéens et le
défi de l’ « économie verte »
L’analyse de la problématique du développement durable en
Méditerranée, nécessite d’examiner les enjeux d’une meilleure
intégration des pays du pourtour de la Méditerranée dans les
domaines de l’environnement, de l’énergie, et des contraintes
géostratégiques.
Le Nord a de gros besoins énergétiques, entre autre, et envisage
demain de s’approvisionner en électricité verte produite au
Maghreb. Le Sud a, quant à lui, une consommation énergétique
en forte croissance et compte sur le Nord pour le transfert de
technologies.
Malgré ces besoins réciproques, il reste de nombreux obstacles
techniques, économiques, et politiques, pour mener à bien une
stratégie de coopération transméditerranéenne durable, et notre
analyse révèle des contraintes externes issues de la stratégie de
pays extérieurs au bassin méditerranéen, mais qui y ont des
intérêts vitaux.
I.1) Les enjeux géostratégiques euro-méditerranéens
Parmi les enjeux et défis, qui entrent dans le cadre de la
coopération transméditerranéenne, il y a ceux auxquels doivent
faire face ensemble les deux rives de la Méditerranée (pollution
de la Méditerranée, stabilité politique), et ceux qui
16. Sahara Green 16
n’intéressent que le Nord (migrations, émissions de C02 de
l’UE) ou que le Sud (développement économique et bien être
dans le sud).
Ils peuvent être classés selon quatre catégories :
- Environnement : climat, énergie, eau, pollution et
déchets, désertification, transports ;
- Sociétal : migrations, démographie, démocratie, emploi,
santé, éducation, sécurité ;
- Economique : économie verte, équité macroéconomique
nord-sud ;
- Géopolitique : partenariats Europe / Afrique, intégration
méditerranéenne.
Afin de tenir compte de l’avis des «parties intéressées» sur le
développement humain, des sondages ont été réalisés pour ce
livre (Annexe-1). Selon l’intérêt des parties prenantes aux
questions posées, jusqu’à 251 personnes y ont répondu.
Aux deux sondages ci-dessous, extraits de notre questionnaire
(Annexe-1) et relatifs aux ressentis des parties intéressées sur
les enjeux et défis du bassin méditerranéen, 155 personnes ont
répondu à ceux qui concernent les pays du Nord, et 132
personnes aux enjeux du Sud.
17. Sahara Green 17
Le graphique ci-dessus montre que les parties intéressées
pensent que les enjeux les plus importants pour les pays du
Nord de la Méditerranée sont : l’énergie (30%) et les migrations
(30%), puis la pollution (18%) et la géopolitique
méditerranéenne (16%).
Celui qui suit montre que les parties intéressées pensent que les
enjeux les plus important pour les pays du Sud de la
Méditerranée sont : l’emploi (50%), puis l’énergie et l’eau
(25%), et enfin la gouvernance et les droits de l’Homme (11%).
18. Sahara Green 18
Ces sondages confirment le sentiment déjà relevé lors des
entretiens réalisés dans le cadre de la réalisation de ce livre,
notamment avec Mr Luc GNACADJA6, Secrétaire général à
l’ONU, qui a confirmé l’importance de l’intégration
méditerranéenne dans la lutte contre la désertification, mais qui
reste surpris que des sujets aussi importants que la
désertification et la dégradation des terres ne soient pas si
souvent traités dans les forums dédiés au développement
durable du Sud.
Or tout est lié. L’Europe a besoin du sud pour s’alimenter en
«électricité propre» et ainsi remplir son objectif de réduction de
6
Interview dans le cadre de l’élaboration de ce livre : Mr Luc GNACADJA, Secrétaire
Exécutif de l’UNCCD, Desertification, United Nations.
19. Sahara Green 19
CO2. Et en développant des projets de coopération durable avec
le Sud, l’UE participe au développement économique de ce
dernier et à sa stabilité politique, tout en oeuvrant pour un
développement durable de l’espace méditerranéen. Ce qui aura
pour effet positif de freiner les migrations climatiques,
économiques, et politiques.
La «coopération méditerranéenne soutenable et équitable» est
donc une stratégie vertueuse, mais qui devrait s’inscrire dans le
cadre d’un espace méditerranéen unifié, avec comme vision
«une économie verte au service du développement humain dans
le respect de la biocapacité».
L’«économie verte» devient ainsi l’un des enjeux majeurs de
l’espace Euro-méditerranéen. Elle vise à concilier amélioration
«du bien-être collectif», et réduction des «atteintes à
l'environnement» et des «prélèvements sur les ressources».
7
Thomas Robert Malthus a lancé un débat en 1798, sur le
déséquilibre entre les ressources disponibles et l'accroissement
de la population. Que dirait-il aujourd’hui alors que notre
7
MALTHUS T. « An essay on the principle of population ». 1798. Réédition de la
traduction
20. Sahara Green 20
planète compte presque 7 milliards d'habitants, soit près de sept
fois plus qu'à son époque ?
Pour Adam Smith 8 (1723-1790), la crise malthusienne n’est pas
inévitable, car l’homme peut se sortir d’une crise en utilisant sa
créativité et en laissant le libre marché faire son œuvre.
De l’avertissement de Malthus, et de la théorie néolibérale de
Smith, on peut retenir un enseignement qui alimente les débats
actuels sur l'économie verte.
La théorie de Malthus sur la démographie et la rareté des
ressources, a été mise en défaut, car l’homme par son
ingéniosité a toujours pu repousser les frontières de la pénurie.
Mais cette méconnaissance par Malthus9, du rôle de
l'innovation, ne peut contredire sa théorie qui implique que la
terre est limitée dans sa capacité de production, car notre
capacité à innover n’a essentiellement été utilisée que pour
repousser ces limites. Néanmoins, cette capacité à innover ne
pourra indéfiniment repousser ces limites, car les ressources
offertes par notre planète ne sont pas infinies, et vient s’ajouter
aux craintes de Malthus, le péril climatique.
Il devient donc impératif de prendre en compte les deux
approches de Malthus et Smith, en conciliant relance
8
SMITH A. « An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations »,
Library of Economics and Liberty, 2000
9
RAYSSON V. « La fausse question de la surpopulation », Atlas des Futurs du
Monde, pages 124-125.
21. Sahara Green 21
économique et respect de l’environnement, car l’homme
consomme aujourd’hui au-dessus de la capacité de la terre à
subvenir aux besoins des générations futures.
Pour sortir par le haut du dilemme «ralentissement de la
croissance» vs «épuisement des ressources», l'UE a fait le pari
du découplage entre la croissance économique et la
consommation des ressources. Elle prône ainsi l’économie
verte10, laquelle ne se réduit pas à la lutte contre le changement
climatique, ou à la découverte de technologies propres, mais
représente la mise en œuvre effective du développement durable
dans l'activité économique.
C'est au XXème siècle que la pression exercée par l'homme sur
les ressources s'est amplifiée dans des proportions inouïes, mais
c'est dans le sillage de la crise de 2008 qu'apparurent les débats
sur l' «économie verte» : à l’ONU (Programme des Nations
Unis pour l’Environnement), à l'OCDE (Stratégies pour une
croissante verte), dans les institutions des grands ensembles
10
In rapport PNUE, « Vers une économie verte, vers un développement durable et une
éradication de la pauvreté, synthèse à l'intention des décideurs », page 1, 21 février
2011.
22. Sahara Green 22
économiques régionaux : l’UE (Europe 2020), les USA, ou la
Chine11.
Il s’agit de l'économie dans laquelle le développement est
soutenable et équitable. Une économie verte est « à bas carbone,
efficace en ressources et socialement inclusive »12. Mais
comment formuler les effets anthropiques de façon simple et en
faire une évaluation ?
La «tonne d'équivalent CO2», est devenue l’unité de mesure
pour évaluer le principal impact des actions de l'homme sur le
climat, et a facilité l'émergence de modèles13, débouchant sur
des lignes directrices (scénario 450, Agence Internationale de
l'Energie : concentration CO2 dans l'atmosphère limitée à 450
ppm afin de maintenir le réchauffement à 2°C).
Dans le cas de l'épuisement des ressources, notamment des
métaux14 et des énergies fossiles15, les scientifiques ont
11
Le Figaro, « La pollution menace le développement et la stabilité politique de la
Chine », 30/01/2007.
12
In Rapport PNUE. « What is a green economy ? ». Page 16.
13
BADER N., BLEISCWITZ R., « Comparative analysis of local greenhouse gas
inventory Tools ». Collège d'Europe. Avril 2009.
14
RAISSON V. « USDI/USGS Mineral Commodities Summary 2010 », Atlas des
futurs du monde.
23. Sahara Green 23
rencontré des difficultés méthodologiques de part leur complexe
diversité, mais ont élaboré des méthodes simplificatrices
permettant d'évaluer la pression totale exercée sur les
ressources, telle que «l'empreinte écologique», notion apparue
lors de la conférence de Rio en 1992, puis affinée par
l'association Global Footprint Network.
Appliquée à 7 milliards d'êtres humains, cette empreinte
s'établit à une planète terre et demie, et pourrait atteindre deux
planètes à l’horizon 2040 selon l’ONU.
Parmi les acteurs en pointe dans cette réflexion stratégique,
l’UE s'est distinguée par la publication de plusieurs
communications avec plans d’actions (communications
2011/25 , 2011/21 , 2008/397 , et 2003/57219). Le pari du
16 17 18
15
Meadows D. Rapport Meadows 1972. « The limits to growth » . The 30 year
update ». Club of Rome.
16
Communication 2011/25. « Relever les défis posés par les marchés des produits de
base et les matières premières ». UE. 2011.
17
Communication 2011/21. « Une Europe efficace dans l’utilisation des ressources –
initiative phare relevant de la stratégie Europe 2020». Commission européenne. 26
janvier 2011.
18
Communication 2008/397. « Plan d’action pour une consommation et une
production durables et pour une politique industrielle durable ». Commission
européenne. 16 juillet 2008.
19
Communication 2003/572. « vers une stratégie thématique pour une utilisation
durable des ressources naturelles ». Commission européenne, 1er octobre 2003.
24. Sahara Green 24
découplage que fait l'Union européenne apparaît donc comme
un objectif majeur et ambitieux qui permettrai de sortir par le
haut d'un dilemme dont les deux voies sont inacceptables : «une
économie décroissante qui appauvrirait les individus», ou «une
économie qui continuerait sa route vers des pénuries
prévisibles».
Mais pourquoi n’arrive t’on toujours pas à tirer parti des
convergences et des complémentarités entre les rives de la
Méditerranée ? Il est pourtant crucial pour y promouvoir une
«économie verte», de s’intéresser à la constitution d’un espace
méditerranéen unifié, stable, et prospère.
I.2) Intégration stratégique de l’espace méditerranéen : point
de vue du parlement européen et contraintes externes
Le parlement européen a adopté le 28 avril 2010, une résolution
(2009/2215(INI)), sur l'Union pour la Méditerranée (UfM),
basée sur le rapport réalisé par l’eurodéputé Vincent Peillon.
Cette résolution20 appelle les États à tout mettre en œuvre pour
mettre en route les institutions nécessaires, et progresser dans
tous les chapitres de la coopération euro-méditerranéenne.
20
Parlement Européen, « Résolution du 20 mai 2010 sur l'Union pour la Méditerranée
UfM »,
<http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&language=FR&reference
=P7-TA-2010-0192>, 2011
25. Sahara Green 25
Cependant, l'enlisement perdure pour des raisons qui semblent
être identiques à celles qui entravaient le processus de
Barcelone de 1995 : les tensions régionales de la rive sud
(Sahara occidental, conflit chypriote, conflit israélo-
palestinien). Aussi, le Parlement appelle à ce que les tensions
méditerranéennes ne freinent pas la possibilité d'avancer vers
des coopérations multilatérales, car c’est à travers la réalisation
de grands projets intégrateurs et un dialogue politique ouvert
que l’UfM contribuera à développer un esprit de confiance,
dans un esprit de solidarité et de paix. Le Parlement reconnaît
toutefois qu'il ne pourra y avoir de succès total sans une
résolution des différents conflits régionaux dans le respect du
droit international.
La commission des affaires étrangères du Parlement européen a
ensuite souligné l’importance de cette «union de projets», qui
rassemble un grand nombre de propositions sur les six grands
secteurs stratégiques de l’UfM (protection civile, autoroutes de
la mer et terrestres, dépollution de la Méditerranée, plan solaire
méditerranéen, expansion des affaires en Méditerranée,
université euro-méditerranéenne), tout en soulignant
l’importance d’élargir le champ des coopérations aux domaines
de la culture, de l’agriculture et des migrations. Mais le
Parlement reste préoccupé par l'absence de définition claire de
26. Sahara Green 26
la politique méditerranéenne de l'UE et de vision stratégique à
long terme. Il faut donc que le processus d'intégration euro-
méditerranéen redevienne une priorité politique dans l'agenda
de l'UE.
L’architecture institutionnelle et fonctionnelle de l'UfM
constitue une autre priorité absolue et devrait prendre en compte
les grands axes suivants :
- un secrétariat doté de moyens adéquats, statutaires et
financiers ;
- un mécanisme de décision, de financement et de mise en
œuvre pour les grands projets ;
- représentation adéquate côté UE et participation active
des autres pays méditerranéens ;
- légitimité démocratique : associer le parlement européen
et les parlements nationaux au processus décisionnel ;
- coopérations multilatérales à géométrie variable, ouvertes
aux pays et institutions souhaitant travailler ensemble ;
- coopération entre secrétariat de l’UfM, commission
européenne, et autres pays méditerranéens : clarification
au plan institutionnel ;
- meilleure visibilité des activités de l'UfM ;
- dialogue renforcé avec les parties prenantes (autorités
locales et organisations) avec participation au processus
décisionnel des projets.
27. Sahara Green 27
Le Parlement considère également qu’il est essentiel de
renforcer les échanges Sud-Sud car ils ne représentent que 6%
des échanges commerciaux. Or, l'intérêt pour ces pays est de
parvenir à un pôle économique uni, fort et attractif pour les
investisseurs.
Il souligne la nécessité de la création d’une zone de libre
échange Euro-méditerranéenne conforme à l’OMC, et appelle
l'UfM à sélectionner les projets en fonction des besoins socio-
économiques, et de la réduction de l'impact sur l'environnement,
telle que la coopération énergétique, entre autre. Il évoque
l’énorme potentiel des énergies renouvelables, et soutient les
initiatives telles que le Plan Solaire Méditerranéen et les
interconnexions électriques.
Le Parlement rappelle ensuite les objectifs 20-20-20 en matière
de climat (-20% d'émissions, +20% d'économies d'énergie,
+20% d'énergies renouvelables pour 2020) qui auront des effets
sur le mix énergétique des pays de l’UE.
Enfin, il souligne la nécessité d'élaborer des politiques
industrielles visant les économies d'échelle, tout en soutenant
les PME et en renforçant les secteurs à haute technologie.
28. Sahara Green 28
Tous ces objectifs convergent vers la Coopération
Transméditerranéenne Industrielle en matière d’électricité verte.
Mais ils ne tiennent pas compte des contraintes géopolitiques
extérieures à intégrer dans les stratégies d’intégration de
l’espace euro-méditerranéen.
21
François Scheer a déclaré, au Forum Mondial du
développement durable, qui s’est déroulé les 27 et 28 juin 2011,
à l’Ecole Militaire de Paris : «Aucune des entreprises impériales
qui ont tenté de rassembler les peuples méditerranéens, n’est
venue à bout des divisions qui aujourd’hui encore, demeurent
comme autant de lignes de fracture entre ces peuples. Et
pourtant, sans une Méditerranée rassemblée, aucun de ces
peuples ne peut prétendre relever la somme des défis qui les
assaillent en ce début de 21ème siècle. Pour la première fois dans
l’histoire de l’espace méditerranéen, une évidente communauté
d’intérêts entre les rives de cet espace peut conduire à la mise
place de partenariats librement consentis, qui seuls
permettraient à l’Europe, à l’Afrique et au Moyen-Orient de ne
pas perdre pied dans un monde multipolaire dont le centre de
gravité s’est déplacé dans le Pacifique. Encore faut-il ne pas
trop tarder du côté européen, car à la faveur de la
21
Interview réalisée dans le cadre de l’élaboration de ce livre : François Scheer
(Ambassadeur de France, Conseiller d’Areva)
29. Sahara Green 29
mondialisation, d’autres partenaires se pressent aujourd’hui
dans cet espace pour contrecarrer les ambitions européennes.»
L’espace méditerranéen, est-il donc une zone où les puissances
qui prétendent avoir une influence mondiale se côtoient,
s’épient et se concurrencent ?
Durant ce forum, Denis Simmoneau 22 a dressé un vaste tableau
23
de ces différentes influences, et Mohammed Tawfik Mouline
a souligné la présence croissante des pays émergents. Durant
cette conférence, plusieurs personnalités et professeurs émérites
sont intervenus, et nous avons pu retenir comme marquantes, les
quatre influences suivantes.
La Turquie a une forte ambition régionale, en laquelle certains
voient poindre un impérialisme néo-ottoman, alors que d’autres
y voient un allier de poids et reconnaissent que sa volonté
d’influence bénéficie d’atouts majeurs : son identité
musulmane, sa force militaire, ses talents d’exportateur, son
ouverture à la modernité, des institutions démocratiques
susceptibles de séduire les jeunes africains épris de changement.
22
Denis Simonneau. Conseiller diplomatique, membre du comité exécutif de GDF-
SUEZ, directeur des relations européennes et internationales. Forum Mondial du
développement durable, 28 Juin 2011, Paris.
23
Mohamed Tawfik Mouline, Directeur général de l’IRES. Forum mondial du
développement durable, 28 Juin 2011, Paris
30. Sahara Green 30
La Turquie peut être un acteur essentiel de la coopération nord-
sud et pour l’UE, un allié de premier plan dans la création d’une
«macrorégion de la Méditerranée». Celle-ci, évoquée par
l’Amiral Jacques Lanxade24, semble très pertinente, à condition
qu’elle puisse aboutir rapidement.
La Chine développe sa présence dans la zone, car les ressources
naturelles du continent africain lui sont vitales. Bien que Jean-
Claude Lévy25 ait relativisé son influence actuelle, il n’en
demeure pas moins que ses atouts sont importants :
«l’exceptionnelle qualité de sa diaspora et le fait que, faute d’un
passé historique commun, elle ne suscite aucun ressentiment
dans les sociétés africaines». Il faut cependant noter que la
Chine, par son aptitude à produire à faible coût, peut constituer
un concurrent redoutable pour l’industrie africaine naissante.
Les Etats-Unis apprennent fort bien à maîtriser leur arrogance et
ils réévaluent leurs intérêts dans la zone, mais leur présence
maritime reste porteuse d’une force militaire considérable.
24
Amiral Jacques Lanxade, Président de la fondation méditerranéenne d’études
stratégiques. Forum mondial du développement durable, 28 Juin 2011, Paris
25
Jean-Claude LEVY, conseiller spécial auprès du délégué pour laction extérieure des
collectivités locales, MAEE. Forum mondial du développement durable, 28 Juin
2011, Paris.
31. Sahara Green 31
La France, compte tenu de son passé et aussi du lien
exceptionnel que constitue la francophonie, se sent très
concernée par le maintien de la stabilité sur une partie du
continent africain. Elle ne s’interdit pas les interventions
militaires, et les risques d’enlisement des conflits existent, ce
qui pourrait aggraver le ressentiment anticolonialiste des
populations.
A ces analyses extraites des discours de spécialistes reconnus,
nous ajouterons l’Allemagne, première puissance économique
de l’espace euro-méditerranéen, et qui a du mal à trouver sa
place, entre, d’une part les pays de l’Est, dont elle doit supporter
le poids du développement, et d’autre part, la Méditerranée dont
elle n’est pas riveraine, mais en laquelle elle voit un espace
prometteur. Elle refuse donc toute construction méditerranéenne
sans elle, et a mis son véto contre la création d’une Union
Méditerranéenne composée uniquement des pays du bassin
méditerranéen, ce qui a conduit à la création d’une union de
projets plutôt qu’une véritable Union. L’Allemagne, a ensuite
saisit l’occasion de multiplier les projets de coopération avec les
pays du Moyen Orient et du Nord de l’Afrique, tels que le projet
DESERTEC par exemple.
Cette analyse montre l’urgence pour l’UE de réaliser
l’intégration méditerranéenne, préalable à la mise en place
32. Sahara Green 32
efficace d’une politique de développement durable visant à
promouvoir une «économie verte» en Méditerranée. Et pour
aider à définir une politique efficace, il est nécessaire de
cartographier le niveau de développement durable en
Méditerranée.
I.3) Analyse de la situation du bassin méditerranéen sur
la voie du Développement Durable
1.3.1) Méthodologie et cadre géographique de l’analyse
Cette analyse nécessite l’étude d’un grand territoire composé
des pays de l’UE, des pays méditerranéens, et de l’Afrique
subsaharienne. Afin de simplifier notre étude, mais sans y
enlever sa substance, nous avons choisi de la focaliser sur un
cadre géographique déjà utilisé pour ce type d’étude, le
«dialogue 5+5»26 composé de cinq pays du nord de la
Méditerranée et cinq du sud, mais que nous élargissons à deux
pays, la Turquie et l’Allemagne, dont l’influence en
Méditerranée est incontestable. Nous appellerons ce cadre
géographique «groupement 6+6», que nous complèterons par
l’Afrique subsaharienne si nécessaire.
26
VEDRINE Hubert, Le cercle des économistes, 5+5 = 32 : Feuille
de route pour une Union méditerranéenne, Perrin, France, 2007
33. Sahara Green 33
Les enjeux géostratégiques identifiés seront classés en plusieurs
groupes, géopolitique, économique, social, et environnemental,
et seront analysés suivant les trois axes environnement, énergie,
et développement, à travers le prisme des cinq finalités du cadre
de référence français de l’Agenda21 :
- Lutte contre le changement climatique et protection de
l’atmosphère
- Conservation de la biodiversité, protection des milieux et des
ressources
- Cohésion sociale et solidarité entre territoires et entre
générations
- Epanouissement de tous les êtres humains
- Développement suivant des modes de production et de
consommation responsables.
La déclinaison opérationnelle de ces finalités vise à une
amélioration continue des territoires à long terme et s’appuie sur
l’adaptativité des choix de développement et la solidarité.
L’analyse du contexte du développement durable en
Méditerranée sous l’angle de l’Agenda21, nous apporte ainsi un
regard selon une approche territoriale. Mais afin d’éclaircir sa
grille de lecture, elle se fera selon trois axes traduisant la
«qualité du développement humain», l’ «insécurité
économique», et la «menace du dépassement écologique».
34. Sahara Green 34
Mahbub Ul Haq (1934-1998), fondateur du rapport mondial sur
le développement humain, disait : «L’objectif du
développement est de créer un environnement favorisant
l’épanouissement pour que les gens puissent jouir d’une vie
longue, saine et créative. Mais traduire dans les faits ces
objectifs exige que le progrès soit équitable et bénéficie à tous,
en s’assurant que les succès du présent ne sont pas acquis au
détriment des générations futures».
Les douze pays de notre cadre géographique, seront donc
comparés sur plusieurs composantes clés du bien être et de la
préservation de l’écosystème à travers les indices de
Développement Humain (IDH) et de l’Empreinte Ecologique, et
leurs composantes telle que l’autonomisation, la vulnérabilité, la
soutenabilité et la durabilité, entre autre.
1.3.2) Etude comparative basée sur le Développement
Humain
Deux finalités de l’Agenda21 français, «cohésion sociale et
solidarité entre territoires et entre générations», et
«épanouissement de tous les êtres humains», transparaissent
dans l’indice de développement humain IDH. Mais, le
développement humain n’est pas seulement affaire de santé,
d’éducation et de revenu. Il implique également l’engagement
actif des citoyens dans le façonnement du développement, de
l’équité et de la soutenabilité. Le graphique ci-dessous que nous
35. Sahara Green 35
avons réalisé à partir de données issues des Nations Unis27 et de
la Banque Mondiale28, montre qu’il existe de fortes disparités
entre les deux rives, mais ne permet pas d’en tirer d’autres
conclusions.
Nous constatons en effet que cet indice met au même niveau la
Turquie et la Tunisie, et place la Libye en bonne position.
D’autre part, selon la Banque Mondiale, approximativement un
quart des pays dans le monde ont un IDH élevé mais une faible
durabilité, et une tendance similaire bien que moins soutenue
concerne les libertés politiques.
Indice Développement Humain Rang
Développement Humain
27
UNDP, « Human Development Reports », <http://hdr.undp.org/en/countries>, 2011
28
The World Bank, « Data », <http://data.worldbank.org/country>, 2011
36. Sahara Green 36
Graphique réalisé à partir de données issues du programme de
l’ONU (PNUD)
L’indice IDH ne permet donc pas à lui seul de faire un
comparatif sur le «développement humain», et il convient donc
d’analyser plusieurs de ses composantes.
Les changements contribuant à l’autonomisation intègrent de
nettes améliorations en matière éducative, qui ont renforcé la
capacité des individus à prendre des choix avertis et à tenir les
gouvernements pour responsables. Cette autonomisation s’est
élargie grâce à la technologie : téléphonie mobile, télévision par
satellite, accès à l’Internet ; ce qui a augmenté la capacité à
exprimer des opinions. Les évènements actuels au Moyen
Orient, en Afrique du Nord, ou en Angleterre semblent le
confirmer.
La crise actuelle, la plus sévère depuis 1928, a révélé la fragilité
de certaines réussites économiques. Le risque d’une dépression
« à deux creux » demeure et un rétablissement complet pourrait
prendre plusieurs années. En témoignent les récentes actualités
sur la dette des états, en particulier celles de la Grèce et des
USA, et qui ont provoqué début Aout 2011, de très violentes
turbulences sur les marchés boursiers.
37. Sahara Green 37
Mais le plus grand défi pour la perpétuation du progrès en
matière de développement humain vient sans doute du manque
de soutenabilité des modes de production et de consommation.
Rendre le développement humain soutenable implique de
réduire le rapport entre croissance économique, émission de gaz
à effet de serre, et consommation de matières premières.
L’analyse des composantes de l’IDH peut donc orienter la
formulation des politiques de développement durable et les
débats qui les entourent.
Selon la Banque Mondiale, toute faiblesse importante d’IDH du
fait de l’inégalité, montre que renforcer les réformes sur l’équité
apporterait des bénéfices. Un indice de pauvreté élevé couplé à
un faible niveau de pauvreté monétaire, révèle qu’il y aurait à
gagner dans l’amélioration des prestations de services publics
de base.
Dans le tableau ci-dessous réalisé dans le cadre de l’élaboration
de ce livre, à partir des données 2010 récupérées auprès du
PNUD9, le volet «durabilité et soutenabilité» est analysé à
travers le «taux d’épargne net ajustée». Pourcentage du Revenu
National Brut, ce taux appelé TENA représente le taux
d'épargne dans une économie, après avoir tenu compte des
investissements en capital humain, de l'épuisement des
ressources naturelles et des dommages dus à la pollution. Un
38. Sahara Green 38
TENA négatif indique que la richesse totale est en baisse et que
l'économie se situe sur une trajectoire de croissance non
soutenable. Plus cet indice est élevé, et plus l’économie est dite
«soutenable».
Le tableau ci-dessous révèle que le peloton de tête des pays
ayant l’économie la plus soutenable est composé de l’Algérie,
suivi du Maroc, puis de l’Allemagne. Le peloton intermédiaire
est composé de l’Espagne, la France, l’Italie, la Turquie, la
Tunisie. Le restant des pays de notre panel se trouvant en queue
de peloton.
On constate également qu’il ne suffit pas d’avoir une économie
soutenable pour être dans le meilleur rang du développement
humain. L’Algérie ayant l’indicateur de soutenabilité le plus
élevé du panel, n’a pas le meilleur rang en terme d’IDH. A
l’inverse, la France est très bien classée en terme de
développement humain, mais se retrouve dans le milieu du
classement pour ce qui est de la soutenabilité de son économie.
40. Sahara Green 40
L’indice d’inégalité de genre montre quant à lui, que l’inégalité
homme-femme est plus élevée au Sud qu’au Nord. Les pays du
Sud gagneraient certainement en Développement Humain,
nécessaire à une bonne coopération Nord-Sud, s’ils mettaient en
place des politiques incitant l’amélioration de la place de la
femme dans la société civile et la sphère privée avec pour
objectif une égalité totale entre la femme et l’homme en termes
de droits et devoirs.
Concernant la pauvreté, seuls le Maroc et la Mauritanie sont
mal classés. C’est ce qui contribue certainement à les
positionner dans le peloton de queue du classement IDH.
1.3.3) Etude comparative basée sur la soutenabilité et la
durabilité
Il existe un lien intime entre vulnérabilité et soutenabilité.
Dans le contexte du développement humain, la «vulnérabilité»
est associée à la possibilité du déclin : perte d’emploi pour les
individus, catastrophe naturelle pour les communautés, crise
financière pour les pays, en autre.
Quant à la notion de «soutenabilité», elle implique que les
améliorations du développement humain peuvent être
soutenues. En 1987, la Commission Brundtland définissait le
développement soutenable comme «celui qui répond aux
41. Sahara Green 41
besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs».
Les finalités suivantes, extraites de l’Agenda21 français,
illustrent la nécessité, dans le bassin méditerranéen et en
Afrique, de lutter contre la vulnérabilité, et de favoriser la
soutenabilité :
- Conservation de la biodiversité, protection des milieux et des
ressources
- Développement suivant des modes de production et de
consommation responsables
- Lutte contre le changement climatique et protection de
l’atmosphère
Ils montrent la nécessité de mettre en place des choix politico-
économiques forts qui favorisent l’avènement de l’économie
verte.
L’objectif du progrès social et de l’épanouissement de chacun
doit orienter les choix économiques et l’innovation, par la prise
en compte d’une consommation et d’une production moins
polluantes, et moins consommatrices en ressources naturelles.
Par ailleurs, la lutte contre le changement climatique nécessite
de limiter l’augmentation de la température moyenne à 2°C par
rapport à l’ère préindustrielle, ce qui suppose de diviser par
42. Sahara Green 42
deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2050
par rapport aux niveaux de 1990.
L’effort doit être collectif, mais les objectifs individuels adaptés
à chaque pays. La décision 406/2009/CE29 du parlement
européen fixe les objectifs des États membres pour la période
2013-2020. Les limites de ces émissions fixées pour 2020, aux
six états européens du «groupement 6+6», par rapport aux
niveaux de 2005, sont : «Allemagne -14%», «Espagne -10%»,
«France -14%», «Italie - 13%», «Malte +5%», «Portugal
+1% ».
Prévenir les effets du réchauffement orientera les choix de
développement territorial et obligera à prendre des mesures
d’adaptation dans tous les domaines, notamment celui de
l’énergie.
Afin de traiter ces notions de vulnérabilité et de soutenabilité,
cette étude comparative se focalisera sur l’ «insécurité
économique» et le «dépassement écologique».
29
Journal officiel de l’UE, « Limitation des émissions de CO2 des pays de l’UE », <
http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:140:0136:0148:FR:PDF >,
2009
43. Sahara Green 43
Insécurité économique
La production mondiale continue d’augmenter par rapport au
niveau d’avant crise. Les estimations du PNUD indiquent
également que l’espérance de vie et la scolarisation continuent
d’augmenter, résultant en un IDH mondial qui s’améliore et
atteint 0,68 en 2010, soit 2% de plus qu’en 2007. Cependant,
dans le Nord, l’IDH n’a que légèrement augmenté, les chutes
importantes des revenus ayant fait contrepoids aux gains en
matière de santé et d’éducation.
Dans le même temps, la crise a propulsé la réglementation des
marchés sur le devant de la scène et soulevé des questions
d’importance majeure concernant la soutenabilité du boom
économique des années 2000. Et l’UE peine à réformer le
système financier. Les USA ont bien règlementé les contrats
dérivés qui furent à l’origine de la crise, et l’Allemagne a
interdit les ventes à découvert. Mais cela n’a pas empêché le
retour de la crise durant l’été 2011, et la destruction d’emplois,
ce qui représente pour le plus grand nombre l’un des
événements les plus importants pouvant nuire à leur
développement humain.
Ainsi, toute analyse de la vulnérabilité devrait-elle examiner
attentivement l’insécurité de l’emploi et les sources d’instabilité
économique.
44. Sahara Green 44
Le chômage s’est donc brutalement aggravé, et la hausse des
prix des denrées de base a entrainé bien des familles dans la
pauvreté ; plusieurs millions d'individus se sont retrouvés au
dessous du seuil de pauvreté de 1,25 $ par jour. En 2010, le
chômage a atteint une moyenne de 9% dans les pays
développés, avec une pointe de 20% en Espagne.
Par ailleurs, la reprise amorcée en 2010, est loin d’être garantie :
le risque d’une récession en deux temps est d’actualité, et une
reprise totale pourrait prendre plusieurs années. La rechute des
marchés boursiers début août 2011 est là pour nous le rappeler.
La dégradation de la note Américaine dont la dette n’est plus
cotée AAA par Standards & Poors, la crise de la dette Grecque,
et les graves émeutes en Angleterre ne rassurent pas non plus.
Ceci met en évidence l’importance du niveau de dettes
(publique et privée) d’un Pays dans le volet économique du
développement durable. Comment un Pays, peut-il œuvrer en
faveur d’un développement économique équitable et soutenable,
s’il laisse aux générations futures le soin de rembourser les
dettes actuelles ?
Des interventions politiques imaginatives et d’énormes stimuli
financiers dans de nombreux pays, alliés à une coordination
mondiale rapide, ont permis d’éviter temporairement une crise
de plus grande ampleur, mais nous sommes aujourd’hui à un
tournant, car les marges de manœuvre des états et des banques
45. Sahara Green 45
centrales se sont considérablement réduites. Et il sera de plus en
plus difficile d’assurer un avenir aux futures générations si les
états ne baissent pas drastiquement leurs déficits.
Quelques pays ont réussi à s’imposer une gestion responsable
des deniers publics. On peut citer un pays européen, la Suède, et
un pays du sud de la Méditerranée, l’Algérie. Ce pays a eu
l’audace et l’intelligence de se débarrasser de sa dette, et se
retrouve aujourd’hui dans la petite liste des pays très faiblement
endettés. Mais ceci est dû à ses ressources en hydrocarbures qui
ont fortement augmenté, et aujourd’hui, sa balance commerciale
penche dangereusement du mauvais côté, à cause de son
économie basée essentiellement sur le pétrole et le gaz. Faute de
relais, l’Algérie importe une énorme partie des biens
consommés par ses citoyens. Il s’agit donc bien d’une économie
non soutenable, et l’Algérie, autant que ses voisins, a besoin de
favoriser le développement d’une économie diversifiée et
propre.
L’économie verte en Méditerranée par l’inclusion des principes
du développement durable s’avère donc vital, non seulement
pour l’aspect environnemental, mais également pour les volets
économique et social.
Notre sondage (voire figure du chap. I.1) révèle par ailleurs que
près de la moitié des personnes interrogées estiment que l’enjeu
le plus important est celui de l’économie et de l’emploi. Ces
46. Sahara Green 46
préoccupations au sujet de la sécurité de l’emploi ont bien incité
la plupart des gouvernements à se pencher sur la question, mais
la couverture et les prestations sociales sont souvent partielles et
inadéquates. En l’absence de protection sociale, les individus
qui perdent leur emploi doivent intégrer l’économie informelle,
où les salaires sont inférieurs et la vulnérabilité accrue, tel que
nous pouvons le constater dans le bassin Méditerranéen.
Les effets des crises sur le développement humain vont
évidemment plus loin que les revenus. Les familles pauvres
peuvent décider de déscolariser leurs enfants, au détriment des
débouchés futurs. Les crises économiques font augmenter la
mortalité et la malnutrition infantiles, les retards de croissance
entraînant des coûts très élevés sur le long terme. Les
estimations suggèrent qu’en Afrique, au moins 50.000 enfants
mourront à cause de la crise financière récente, notamment dans
la corne de l’Afrique. Les effets néfastes peuvent s’étendre à
des hausses du nombre d’enfants des rues, des taux de suicide et
de criminalité, des abus et violences domestiques, ainsi que des
tensions ethniques.
Tandis que certains pays en développement, qui disposent
aujourd’hui d’une plus grande marge de manœuvre, ont cette
fois protégé leurs budgets sociaux, d’autres pays d’Afrique
subsaharienne voient leur pouvoir d’achat diminuer d’un tiers.
47. Sahara Green 47
Et alors que les USA30 et la Chine31 (120 milliards USD
d’échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique
subsaharienne en 2010) investissent en Afrique, l’Europe reste
en retard.
Car, même si la croissance des pays africains n’est pas aussi
importante que celles de la Chine ou de l’Inde, elle reste quand
même plus enviable que celle des pays de l’UE.
Et, c’est dans l’Afrique (Afrique du Nord et Afrique
Subsaharienne), plus proche et accessible que l’Asie, et
possédant une grande partie des ressources de la planète, qu’il
faut aller chercher la croissance future de l’UE. Le Président du
Groupe de la Banque mondiale, Robert Zoellick, a clôturé sa
tournée africaine en août 2009, en affirmant que «malgré les
difficultés issues de la crise, l’Afrique pouvait connaître un
siècle de croissance et d’opportunités»32.
C’est donc une réelle opportunité pour l’UE, que de promouvoir
le développement durable en Méditerranée et en Afrique, en
30
Interview de Hilary Clinton, RDC, « Investir en Afrique : opportunité de croissance
pour les USA, http://www.laconscience.com », 2011
31
Conjoncture, « Comment la Chine soutient la croissance africaine »,
www.lefigaro.fr, 2011
32
ZOELLICK R., Président de la Banque mondiale, « Un siècle de croissance et
d’opportunités en perspective pour l’Afrique », <http://web.worldbank.org>, 2011.
48. Sahara Green 48
investissant dans l’économie verte, ce qui serait une réponse à
l’insécurité économique ressentie par les européens.
La menace du « dépassement écologique »
La principale menace qui pèse sur le développement humain
provient de l’insoutenabilité des modes de production et de
consommation. Le lien étroit entre croissance économique,
émissions de gaz à effet de serre (GES), et surconsommation
doit donc être rompu.
Certains pays développés ont commencé à atténuer les pires
effets en élargissant le recyclage et en investissant dans les
transports en commun et les infrastructures. Cependant, la
majorité des pays en développement sont gênés dans leurs
efforts par les coûts élevés de l’énergie propre.
Les pays développés du nord de la Méditerranée doivent donc
donner l’exemple en matière de découplage et soutenir la
transition des pays du sud vers un développement humain
soutenable.
Les premiers travaux du PNUD traitaient habituellement des
menaces environnementales, et se sont penchés plus récemment
sur le changement climatique et la pénurie d’eau. Des études ont
abordé ces problèmes, certaines d’un point de vue international
(le changement climatique) et d’autres d’importance locale
49. Sahara Green 49
(l’énergie et les ressources d’eau). Cependant, un des défis de la
soutenabilité, celui de l’utilisation des ressources et de leur
répartition mérite une attention particulière face aux menaces
courantes.
Comment aborder les divergences observées entre les hausses
de l’IDH et les indicateurs environnementaux ? Comment les
prescriptions stratégiques pour l’économie verte peuvent-elles
prendre en compte développement durable et redistribution ?
Une partie de la difficulté en ce qui concerne la soutenabilité au
niveau mondial et national réside dans la notion de mesure.
Certains analystes préconisent une mesure exhaustive de la
soutenabilité, qui détermine si l’économie appauvrit à la fois les
actifs naturels et les actifs matériels, tandis que d’autres
préconisent de séparer la soutenabilité environnementale
d’autres types de soutenabilité. Ils sont donc en désaccord sur la
question de savoir si une accumulation d’actifs matériels peut
compenser la dégradation de l'environnement.
Le taux d’épargne net ajusté (TENA) de la Banque mondiale
repose sur une mesure du capital synthétisant tous types
d’actifs, partant du principe qu’ils peuvent se substituer les uns
aux autres. Tandis que les empreintes carbone et écologique du
Global Footprint Network et l’indice de soutenabilité
50. Sahara Green 50
environnementale de l’Université de Yale33 se concentrent
uniquement sur l’environnement, mais montrent néanmoins que
le monde est devenu moins soutenable.
De 1970 à 2008, le TENA mondial a chuté de moitié, de 19%
du RNB à 7%, tandis que les émissions de CO2 ont doublé. La
situation pose des défis énormes, et il est impératif que les pays
à faible IDH atteignent des niveaux de croissance et des revenus
convenables, mais la croissance verte dépendra avant tout de la
richesse des idées et des innovations technologiques.
Notre étude comparative, sur l’origine des effets anthropiques,
utilise également «l'empreinte écologique», qui comptabilise la
demande exercée par les hommes envers les «services fournis
par la nature». Cet indicateur mesure les surfaces de terre et
d´eau biologiquement productives, nécessaires pour produire les
ressources de consommation et pour absorber les déchets
générés. Il s´efforce ainsi de répondre à une question
scientifique précise, et non à tous les aspects de la durabilité, ni
à toutes les préoccupations environnementales ; il part de
l'hypothèse que la capacité de régénération de la Terre pourrait
33
Yale & Columbia Universities, « Environmental Sustainability Index »,
http://www.yale.edu/esi/ESI2005_Main_Report.pdf, 2011
51. Sahara Green 51
être le facteur limitant pour le développement humain, en cas de
surexploitation de ce que la biosphère est capable de renouveler.
Tel que souligné au chapitre 1.2, nous vivons dans un monde
fini où la population croît, et plus l’empreinte anthropique est
large, plus on s’éloigne de l’optimum de soutenabilité et de
durabilité du développement. Cet écart, le «dépassement
écologique», signifie que l´on déprécie du capital naturel (en
puisant dans les stocks plutôt que dans le surplus généré), ou
que l´on accumule des déchets dans l´environnement (plus que
ce que la nature peut assimiler).
Il peut être évalué en soustrayant la «biocapacité» de
l’ «empreinte écologique», à partir du tableau ci-dessous, réalisé
dans le cadre de l’élaboration de ce livre, à partir de données
issue de la banque mondiale, de l’ONU, et du « footprint
network »34.
Le tableau qui suit montre ainsi une partie des indicateurs
utilisés pour cette étude, destinée à fournir une réponse à la
question « Les pays Méditerranéens progressent-ils sur la voie
du développement durable ? ».
34
Footprint Network, « Ecological Footprint Atlas »,
<http://www.footprintnetwork.org/images/uploads/Ecological_Footprint_Atlas_200
9.pdf, 2011
53. Sahara Green 53
I.4) Résultats de l’étude. Vers quels partenariats durables ?
En analysant la problématique du développement durable en
Méditerranée, à partir des bases de données du PNUD, du
Gobal Footprint Network, de la Banque Mondiale, de FAO-
Aquastat, et de United Nations Statistical Division, cette étude
permettra également de répondre à la question «Vers quels
partenariats durables ?». Pour faciliter la lisibilité des résultats
ceux-ci sont présentés sous la forme de réponse aux questions
ci-dessous.
Progrès des pays méditerranéens sur la voie du développement
durable ?
Les trajectoires des pays méditerranéens selon les axes
socioéconomique et environnemental représentés par l’IDH et
l’EE (empreinte écologique), sont habituellement analysées en
prenant comme hypothèse que la situation d’un pays est
compatible avec le développement durable si son IDH est
supérieur à 0,8 et que son EE est inférieure à la moyenne
globale de la «biocapacité disponible par habitant» de 1,8
hectare.
En 2007, aucun pays méditerranéens n’est en situation de
développement durable. Seul l’EE du Maroc est inférieure à 1,8.
Et de 2000 à 2007, tous les pays augmentent leur EE, excepté
Malte. Deux groupes de pays de notre panel se distinguent et
correspondent à la classification des pays utilisée par la Banque
54. Sahara Green 54
Mondiale :
- PSEM (pays Sud et Est de la Méditerranée) : revenu
intermédiaire (RNB par habitant en 2007 de 936 à 11 455
USD) avec IDH et EE faibles, mais avec IDH qui
s’améliore ;
- pays de l’UE : revenu élevé (RNB ≥ 11 456 USD en
2007) avec IDH et EE élevés.
Le défi des PSEM sera donc de poursuivre leur développement
économique en accroissant leur IDH sans augmenter l’EE,
tandis que celui des pays membres de l’UE sera de diminuer
l’EE en maintenant l’IDH à un niveau élevé.
Les écarts des revenus entre le Sud et le Nord de la
Méditerranée se réduisent-ils ?
En 2009, le revenu annuel moyen par habitant dans les PSEM
(8000 USD) est 3,5 fois inférieur à celui de l’UE, qui représente
plus de 68 % du Produit Intérieur Brut (PIB) méditerranéen.
Bien que les taux de croissance du PIB dans les PSEM sont
supérieurs à ceux des pays méditerranéens de l’UE, ils restent
faibles au regard de leur croissance démographique. La part du
PIB de la Méditerranée dans le PIB mondial a enregistré un
léger recul en l’espace de 15 ans, passant de 13,5 % en 1990 à
11,5 % en 2009. Or dans le même temps, la population de la
Méditerranée a gardé une part constante dans la population
mondiale (autour de 7%).
55. Sahara Green 55
Le bien être social progresse t-il autant en Méditerranée que
dans le reste du monde ?
En Méditerranée, l’IDH est en constant progrès depuis 1980.
Avec un IDH moyen de 0,734 en 2010, la région
Méditerranéenne se situe au dessus de la moyenne mondiale
(0,624). Cependant, tel que présenté au chapitre I.4.2, de fortes
disparités entre les rives Sud et Nord sont observées.
L’espérance de vie à la naissance présente un écart de plus de
dix ans, entre les deux rives. Les écarts en terme de taux brut de
scolarisation combiné sont de l’ordre de 35%.
Quel est l’impact des activités humaines sur l’environnement ?
Tous les pays méditerranéens de notre panel enregistrent un
déficit écologique en 2007, excepté la Mauritanie. Le capital
environnemental de la région est dépensé plus vite qu’il ne se
renouvelle (2.5 pour la région méditerranéenne vs 1.5 planète).
De 1995 à 2007, l’EE a diminué à Malte, et depuis 2000 en
France. En 2007, l’EE globale des pays méditerranéens a atteint
1,5 milliards d’hectares globaux (gha) soit près de 8,4% de l’EE
mondiale alors que la population méditerranéenne est de 7 % de
la population mondiale. L’EE méditerranéenne (3,3 gha/hab) est
donc supérieure à l’EE mondiale (2,7 gha/hab). Le Déficit
Ecologique (DE) du bassin méditerranéen (2 gha/hab) est 2 fois
supérieur au DE mondial (0,9 gha/hab). L’EE des pays du Nord
56. Sahara Green 56
(4,5 gha/hab) ainsi que leur DE (2,7 gha/hab), sont très
important, plus de 2 fois celui des PSEM. Les écarts entre les
pays en termes de «DE / unité de PIB» sont alors inversés. La
France consomme 160 gha par millions USD, l’Italie en
consomme 179, et l’Algérie 228.
L’efficience d’utilisation de l’eau 35, s’améliore t’elle ?
L’efficience totale d’utilisation de l’eau en Méditerranée va de
40-50% (Italie, Tunisie, Turquie) à 60%-70% (Algérie,
Espagne, France, Libye). C’est l’une des plus fortes asymétries
du bassin méditerranéen. Dans certains pays (Maroc, Tunisie,
Italie) l’efficience de l’eau d’irrigation est plus faible que celle
de l’eau potable, alors que c’est l’inverse pour Malte. Pour la
France et l’Espagne, elles sont presque équivalentes. Depuis
1995, la plupart des pays ont apporté des progrès importants en
matière d’efficience, mais il reste du chemin à parcourir.
La demande en eau se modère t-elle ?
La part de l’eau agricole reste importante dans tous les pays,
souvent supérieure à 50 % et atteint près de 90 % au Maroc. Les
quantités d’eau agricole utilisées pour produire 1000 USD de
valeur ajoutée agricole sont d’environ 300 m3 en Tunisie, autour
de 500 m3 au Maroc et 1900 en Libye. Il y a donc de fortes
35
FAO-Aquastat, http://www.fao.org/nr/water/aquastat/main/indexfra.stm, 2011
57. Sahara Green 57
disparités au Sud. La demande en eau potable par habitant
couvre un large éventail, d’environ 40 m3/an/hab (100
litres/jour) au Maroc et en Tunisie à près de 140 (400 litres/jour)
en Italie. Cela montre qu’il est difficile de découpler la
croissance du PIB et la consommation d’eau.
Les pressions sur les ressources en eau naturelles
renouvelables diminuent-elles ?
Les pays méditerranéens peuvent se classer selon l’indice
d’exploitation (pression de la consommation sur la quantité
renouvelable en eau) en trois groupes :
1- très forte tension (prélèvements > volume renouvelable
de l’eau) : Malte, Libye ;
2- forte tension (prélèvements < volume renouvelable),
mais avec indice d’exploitation supérieur à 25% :
Tunisie, Maroc, Algérie, Espagne ;
3- tension moyenne : indice d’exploitation < 25% : Italie,
Turquie, France.
La situation au regard des ressources disponibles par habitant
est légèrement différente :
1- pays en situation de pénurie : ressource annuelle < 500
m3/hab : Malte (80 m3/hab), Libye, Algérie et Tunisie
(400 m3/hab).
2- pays pauvres en eau : ressource annuelle entre 500 et
1000 m3/hab : Maroc (700).
58. Sahara Green 58
3- pays considérés comme riches en eau : ressource
annuelle > 1000 m3/hab.
36
L’accès à l’eau potable augmente-t-il ?
La proportion de la population disposant d’un accès durable à
une source d’eau améliorée est de plus de 80% dans la majorité
des pays méditerranéens en 2008. Les pays de l’UE, ont déjà
atteint un taux d’accès à l’eau potable égal à 100 %. Dans les
zones rurales, plus de 23 millions de méditerranéens (du sud),
n’ont pas accès à l’eau potable en 2008. De 1990 à 2008, le
Maroc, la Tunisie, et la Turquie affichent des progrès
encourageants, mais pas l’Algérie. L’accès à l’eau potable en
zone urbaine se situe à un niveau élevé, plus de 97 %, dans la
plupart des pays. Il se situe entre 85% et 95 % en Algérie.
L’accès à l’eau potable dans les PSEM (93 %) est supérieur à la
moyenne mondiale. C’est également le cas pour l’accès en zone
urbaine (96 %) et en zone rurale (88%).
Progresse t-on dans l'utilisation rationnelle de l’énergie ?
Alors qu’un début de découplage partiel entre consommation
d’énergie et développement économique est observable au
niveau mondial et européen (depuis 2000, la croissance de la
consommation d’énergie est 2 fois moins rapide que celle du
36
United Nations Statistical Division, « The Millennium Indicators Database ».
http://mdgs.un.org/unsd/mdg/Data.aspx, 2011
59. Sahara Green 59
PIB), ce n’est pas le cas en Méditerranée où l’on observe plutôt
une parité, notamment dans le sud. L’ «intensité énergétique»
(IE) en 2008 des pays méditerranéens (135 kep/1000 USD) est
supérieure au niveau moyen européen (123), et en dessous du
niveau mondial (183). Mais les disparités entre les pays restent
importantes, même à niveau de revenu équivalent. Ainsi l’IE en
Tunisie atteint 150, tandis qu’elle est inférieure à 100 à Malte.
Dans les pays à très forte consommation (rive Nord), les gains
en IE, s’ils sont suffisants, pourraient aussi se traduire par un
ralentissement de la croissance de la consommation d’énergie
par habitant. Celle-ci est encore très importante dans les pays
méditerranéens de l’UE (3550 kep/hab) et atteint même 4280 en
France. La consommation d’énergie dans les PSEM est
inférieure à 1500 kep/hab (Moyenne mondiale 1800) mais les
taux de croissance sont très différents selon les pays.
La part des énergies renouvelables progresse t-elle ?
La part des énergies renouvelables (ER) dans le Mix
énergétique des pays méditerranéens ne progresse pas depuis
2000 (3,2% des approvisionnements totaux en énergie).
Néanmoins, la production d’énergie renouvelable progresse en
volume. La part des ER en Méditerranée, hors hydraulique et
géothermie, est de 21 %. Dans les PSEM, elle est de 23 %.
Depuis 1995, les ER connaissent une croissance de +2,2% / an
en Méditerranée, légèrement supérieure à celle des
60. Sahara Green 60
approvisionnements en énergie primaire (+2%). Les ER (hors
hydroélectricité et biomasse) connaissent une très forte
progression (+7,9 %). La part du charbon se maintient, celle du
nucléaire se stabilise et celle du gaz progresse fortement. En
2008, ces ressources dominent l’approvisionnement énergétique
en Méditerranée : 72 % de la consommation au Nord (hors
électricité nucléaire : 20%) et 95% dans les PSEM.
Les pays méditerranéens maîtrisent-ils leurs émissions de CO2 ?
Les émissions de CO2 issues des combustibles continuent
d’augmenter. La croissance des émissions de CO2 due à
l’énergie entre 1990 et 2007 est supérieure aux objectifs
nationaux des pays de l’UE, excepté en France où elles ont
baissé. Elles ont doublé en Turquie et au Maroc.
En 2007, un méditerranéen émet 5 tonnes de CO2/an, peu plus
que la moyenne mondiale (4,5 tonnes), mais 2 fois moins qu’un
habitant de l’UE (8) et 4 fois moins qu’un américain (19).
Coopération: l’aide publique au développement est-elle à la
hauteur des enjeux ?
L’aide publique au développement (APD) en Méditerranée est
essentielle pour atteindre les objectifs de développement
durable du millénaire. Le Maroc, la Turquie et l’Egypte ont reçu
en 2009 les 2/3 de l’APD à destination des pays méditerranéens.
61. Sahara Green 61
La solidarité euro-méditerranéenne est-elle à la hauteur des
défis du Sud ?
En 2009, l’UE et ses pays membres sont encore les plus
importants donateurs internationaux, fournissant 60% de l’aide
totale. Les pays méditerranéens ont reçu en 2009 1,7 milliards €
de l’UE. Les montants par tête reçus dans les PSEM (6 €) sont
trois fois inférieurs à ceux reçus par les habitants des pays des
Balkans (18€). La part des financements de la catégorie
«Infrastructures et services sociaux» est de 50%.
Les PME, peuvent-elles bénéficier de crédits pour financer
leurs investissements ?
Dans les PSEM, le secteur public accapare une grande partie du
crédit domestique. Depuis 1995, Le crédit domestique alloué au
secteur privé est en augmentation dans la plupart des pays
méditerranéens de notre panel, excepté en Tunisie et en Libye.
La part des crédits bancaires alloués au secteur privé en 2009
est faible en Libye (11%) et en Tunisie (68%). En 2009, le
crédit domestique alloué au secteur privé est supérieur au PIB
dans 5 pays, atteignant 316% à Malte et 212% en Espagne. En
2009, le crédit domestique fourni par le secteur bancaire est
supérieur au PIB dans 7 pays, dont Malte, Espagne, Italie,
France, et Maroc.
Le microcrédit, très répandu en Asie, est encore peu utilisé dans
les pays méditerranéens.
62. Sahara Green 62
L'effort financier pour la Recherche et développement
augmente-il ?
Au niveau mondial, la plupart des pays dépensent entre 0,25%
et 1% de leur PIB en recherche et développement, et 2% dans
l’UE. Ce pourcentage augmente dans tous les pays
méditerranéens, mais reste globalement faible. De 1 à 2 % en
France, Espagne, Italie, Tunisie et moins de 1% dans les autres
pays méditerranéens.
Vers quels partenariats durables ?
Cette étude a permis d’identifier les cas prioritaires, qui
nécessitent un renforcement de la coopération Nord-Sud, et qui
répondent aux enjeux géostratégiques méditerranéens :
- gestion coordonnée des ressources naturelles et de la
protection environnementale : «désalinisation d’eau de
mer»
- énergie et changement climatique : «coopération
transméditerranéenne en matière d’énergie solaire»
- désertification et développement agricole durable :
«désertification et permaculture»
- coopération équitable en faveur du développement
durable à l’échelle territoriale : « transferts de
technologies et partenariats industriels, coopération
scientifique »
63. Sahara Green 63
- relations entre pays méditerranéens et Afrique sub-
saharienne : « l’espace Eurafricain »
Avant d’analyser les chemins qui mènent à la coopération
transméditerranéenne durable, il est nécessaire d’identifier le
moment présent et de comprendre les enjeux immédiats, cerner
les mutations en cours et rendre intelligible cette réalité
apparemment complexe qui semble nous dépasser.
64. Sahara Green 64
II) Les voies de la coopération transméditerranéenne
durable et équitable
Les économistes continuent de faire référence aux modèles
d’une époque révolue, inadaptés à la conjoncture actuelle, tel
que le modèle économique libéral élaboré par Adam Smith, et
auquel nous devons renoncer, car nous assistons aujourd’hui à
une mutation technologique comparable à l’invention de la
machine à vapeur dont la révolution industrielle est issue.
Depuis une quarantaine d’années, l’arrivée massive des
«nouvelles technologies» a induit un profond bouleversement
de la société. Certains tentent d’établir un lien entre l’évolution
du chômage de masse et cette mutation, mais la réalité est plus
complexe car si ces innovations étaient mises à la disposition
d’une économie soutenable, ses effets seraient plus bénéfiques
pour le «développement humain».
La révolution numérique, partie intégrante de cette rupture
technologique, a entre autre entraîné un bouleversement
culturel, mais a surtout favorisé la multiplication des échanges
informels. Cette facilité devait amplifier les échanges
économiques et permettre l’essor du bien être, mais a eu pour
effet la globalisation financière et son surdimensionnement par
rapport au reste de l’économie. Il y a un siècle, la part de
l’économie matérielle (produits manufacturés) était de 95 %
65. Sahara Green 65
tandis que la part de l’économie immatérielle (la finance) était
de 5 %. A l’heure actuelle, nous assistons à une inversion totale
de ce rapport.
Nous remarquons donc que la phase de transition de l’ère
industrielle vers l’ère de la mondialisation et de l’immatériel,
n’a pas eu les effets bénéfiques escomptés, et a conduit par
ailleurs à une mutation des «acteurs géopolitiques» et une «crise
des identités». Cette mondialisation, a redistribué les cartes de
la gouvernance mondiale et a donné encore plus d’importance à
quelques organisations multilatérales telles que l’OMC, le FMI,
et l’OCDE qui instaurent une concurrence économique
mondiale entre les pays. Il en a résulté un morcellement
d’anciennes puissances (éclatement de l’URSS, et de la
Yougoslavie) et le développement de firmes globales, dont les
activités couvrent tous les champs économiques.
Aujourd’hui, les USA et la Chine tentent de tirer profit de cette
redistribution. Les Etats-Unis dominent la planète dans tous les
domaines : hégémonie politique et militaire, économique,
scientifique, et culturelle. Demain ce sera probablement au tour
de la Chine.
Parmi ces géants, seuls d’autres grands espaces économiques
pourront s’épanouir. C’est dans ce contexte que l’espace
66. Sahara Green 66
méditerranéen prend tous son sens. Mais quelle identité
fédératrice pour toutes ces populations ? Finalement, un des
phénomènes révélateurs des transformations actuelles est la
crise des identités. Auparavant, les citoyens dans les pays
industrialisés se définissaient par rapport à un groupe social ou
politique, «je suis ouvrier» ou «je suis communiste» ;
aujourd’hui, elles sont de type ethnique ou religieux, voire
même de type tribal «je suis de telle ou telle cité», «je supporte
telle ou telle équipe de foot». Nous assistons donc à la naissance
d’identités provisoires, qui montrent la nécessité d’affirmer une
identité méditerranéenne au delà des identités nationales. La
création d’une Union Méditerranéenne permettra de donner ce
sentiment d’appartenance à un ensemble fort et prospère, et
favorisera ainsi les échanges et la coopération
transméditerranéenne durable.
La construction d’un espace méditerranéen unifié, où
prospèrerait une nouvelle forme d’économie, nécessite avant
tout d’apporter des solutions qui répondent aux enjeux
géostratégiques méditerranéens, et c’est ce que j’ai tenté de
faire dans cette analyse en apportant des pistes de réflexion :
- sur la coopération décentralisée et territoriale ;
- sur la manière de promouvoir des projets
transméditerranéens durables ;
67. Sahara Green 67
- sur les choix technologiques prioritaires qui permettent
de rapprocher les deux rives par l’innovation et le
transfert de technologies.
Le graphique ci-dessous représente le résultat d’une des
questions posées dans le cadre de l’étude de terrain (voire
annexe-1), dont le but est de prendre en compte l’avis des
parties intéressées par la question du développement durable en
Méditerranée.
Ce sondage révèle que 50% des 119 personnes qui ont répondu
à cette question, estiment que plus de coopération territoriale
68. Sahara Green 68
serait bénéfique au développement durable en Méditerranée, et
42% préconisent plus de projets transméditerranéens.
Les parties prenantes estiment donc que la coopération
transméditerranéenne, est une question centrale, mais cela
nécessite des initiatives, outils et méthodes, qui sont présentés
dans ce qui suit. Nous ferons ensuite la transition avec la
troisième partie, en choisissant un cas concret à traiter en
matière de coopération transméditerranéenne Nord-Sud durable.
II.1) L’Union Méditerranéenne, au service d’un
développement durable en Méditerranée
A défaut d’une réelle intégration méditerranéenne, l’originalité
de l’Union Pour la Méditerranée, dont le secrétariat a été créé
en Juillet 2008, est de bâtir une coopération régionale autour de
projets concrets ; les besoins en infrastructures ont été évalués à
200 milliards d'euros par la Banque européenne
d'investissement (BEI).
Lors de la création de l’UfM, les ministres ont examiné deux
cents projets et annoncé le lancement de cinq d'entre eux, pour
un montant d'un milliard d'euros. Cela paraît insuffisant, mais
l’important est que le processus avance. Un de ses projets phare,
le «Plan Solaire Méditerranéen», a un peu avancé en juillet
2011, alors qu’il était en suspend depuis fin 2008.
69. Sahara Green 69
Le chemin de la création d’un « espace méditerranéen » unifié
reste long et difficile, malgré les bénéfices qu’apporterait
l’intégration méditerranéenne, dont le premier serait de sortir
par le haut du processus de Barcelone («dialogue 5+5»). Avec
l’Union Méditerranéenne, le dialogue se poursuivrait dans le
cadre de deux institutions distinctes (Union Européenne et
Union Méditerranéenne), avec l’objectif de les rapprocher par
une zone de coopération économique, technologique,
environnementale, et diplomatique, et atténuera ainsi les
tensions et rivalités entre les pays du bassin méditerranéen
(Grèce-Turquie, Algérie-Maroc, Palestine-Israel).
Une seconde vertu : proposer un rapprochement de type
géographique favorisant l’homogénéité économique et
environnementale, plutôt que selon leurs identités culturelle ou
religieuse. Par exemple, des pays du monde musulman tels que
l’Indonésie et la Malaisie pourraient s’insérer dans un nouvel
ensemble avec la Chine et le Japon ; le Pakistan et le
Bangladesh pourraient réintégrer leur ancien espace de
civilisation avec l’Inde, lequel était d’ailleurs unifié avant sa
partition en 1947. C’est dans cette optique, que les pays du
bassin méditerranéen devraient s’unir pour un destin commun,
quelque soient leurs traditions ou religion principale, et
promouvoir une identité méditerranéenne.
70. Sahara Green 70
Ainsi, à travers ce mécanisme, nous pourrions entrevoir une
troisième opportunité, celle de voir Israël et ses voisins se
reconnaître mutuellement et se respecter, condition d’accès aux
importants et proches marchés européens.
Ensuite, le quatrième bienfait que pourrait apporter cette
« Union méditerranéenne », est la création d’un «précédent»,
pour la réalisation de l’Eurafrique, dont la conclusion serait un
atout stratégique majeur en faveur de l’UE, du bassin
méditerranéen, et de l’Afrique sub-saharienne.
Enfin, nous pouvons souligner également, la nécessaire
coopération transméditerranéenne en faveur du développement
durable en Méditerranée, qui peut être largement facilitée par
une «Union» active sur les réponses à apporter aux enjeux
géostratégiques communs.
Pourtant, malgré ces différents avantages, l’intégration
méditerranéenne stagne et a du mal à émerger de façon
significative, en partie à cause des moyens mis en œuvre, du
véto de l’Allemagne, et de la communication sur ce sujet. Bien
que d’une importance majeure et stratégique, une telle Union ne
suscite aucun enthousiasme de la part des deux rives. Il en va de
même des projets transméditerranéens, qui de part leurs
71. Sahara Green 71
dimensions pharaoniques et extraordinaires devraient au moins
susciter le rêve de la part des populations concernées.
Ce projet d’Union peut paraître également selon les
observateurs, comme une formidable opportunité de stabilité et
de prospérité, ou une occasion d’éloigner la Turquie d’une
candidature à l’UE. Rappelons que si la question maghrébine
est un impératif pour la France, l'entrée de la Turquie dans un
vaste ensemble Euro-méditerranéen semble être hautement
stratégique pour assurer la stabilité de cette région (voire
chapitre I.2).
Enfin, ce sentiment de nécessité d’intégration de l’espace
méditerranéen, a été renforcé par le résultat de notre étude qui a
révélé que 60% des personnes interrogées seraient favorables à
la création d’un espace Euro-méditerranéen (voire graphique du
chapitre II.5).
II.2) Politique de développement durable en Méditerranée :
Nécessité d’un Observatoire Méditerranéen du Développement
Durable ?
Afin d’éviter l’utilisation de politiques «standards» de
développement durable, lesquelles sont vouées à l’échec, il est
nécessaire de poser certaines bases :
72. Sahara Green 72
- identifier les axes d’évaluation des différentes alternatives
possibles (équité, pauvreté, par exemple), en fonction de
l’expérience et des contraintes propres à chaque pays ;
- ne pas sous-estimer l’importance du contexte (économie
politique locale par exemple), et de toutes les parties
prenantes ;
- faire évoluer les politiques mondiales, et leur déclinaison
territoriale, car de nombreux défis et enjeux dépassent la
capacité des seuls États et sont de niveau planétaire.
-
C’est dans cet esprit, qu’a été réalisée cette étude, qui révèle
l’importance d’une organisation chargée de centraliser tous les
tenants et aboutissants de la mise en œuvre d’une économie
verte dans l’espace méditerranéen.
II.2.1) Initiatives actuelles de développement durable en
Méditerranée
Les prévisions économiques montrent que le bassin
méditerranéen a tous les atouts pour devenir une économie
avancée, avec un large potentiel d’investissements à la clé.
Cela nécessite un minimum de stabilité d’une part pour que les
pays méditerranéens puissent avancer avec une vision partagée
pour un intérêt commun et une approche proactive du
développement durable, et la volonté de la population à un
respect total de l'environnement méditerranéen dans leurs vies
quotidiennes, d’autre part.
73. Sahara Green 73
L’objectif est non seulement de changer les attitudes mais aussi
de motiver et donner les moyens aux citoyens d’agir en faveur
de l’environnement dans le bassin méditerranéen. L’analyse des
plans d’actions en faveur d’une «économie verte» en
Méditerranée révèle que les initiatives de l’UfM sont restées
longtemps timides face à celles d’organisations plus anciennes
et globales, telles que l’ONU, la Banque Mondiale, ou venant
de l’UE ou des pays du versant Sud de la Méditerranée. Mais la
dynamique des projets de l'UfM reprend.
Initiatives de l’ONU
- « Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement
(PNUE) » : Le PNUE prône la réaffectation de 2% du PIB
mondial (10% des investissements mondiaux), en faveur
d' «investissements verts» dans dix secteurs clés, dont
l’énergie et l‘eau, entre autre.
- « Mediterranean Action Plan (MAP II) » : Ce programme, à
l’origine dédié au contrôle de la pollution marine, s’est
dirigé vers un plan MAP II, intégrant plus de facettes du
Développement Durable, dont le développement socio-
économique durable.
- « Medpartnership » : Cette initiative a pour but de protéger
les côtes méditerranéennes et les eaux territoriales sur le plan
environnemental, et comporte deux lignes directrices : le