La Fondation littéraire Fleur de Lys introduit ici un nouveau concept servant à identifier et à caractériser la nouvelle édition rendue possible par les nouvelles technologies hors des limites du marché traditionnel du livre : la contre-édition, en référence à la contre-culture des années 60 et 70.
Serge-André Guay, président éditeur,
Fondation littéraire Fleur de Lys.
3. DE L’ÉDITION À LE CONTRE‐ÉDITION – FONDATION LITTÉRAIRE FLEUR DE LYS
«Depuis les années soixante, les zines s'inscrivent dans la sphère culturelle québécoise comme un
des modes de diffusion et d'expression privilégiés de la contre‐culture. Il s'agit d'un type de
publications autoéditées, imprimée grâce à des procédés qui lui confèrent une facture artisanale :
photocopie, offset ou sérigraphie. Les créateurs et amateurs de graphzines sont encore aujourd'hui
représentatifs d'une certaine marge que l'on imagine jeune, branchée, progressiste et urbaine,
mais cette production s'inscrit également dans le large mouvement Do It Yourself (DIY). Ses
acteurs sont illustrateurs, bédéistes, photographes, imprimeurs, éditeurs, designers graphiques,
musiciens, artistes visuels ou étudiants en arts.»
La mémoire des zines ‐ Nouvelles déclinaisons de l'édition contre‐culturelle, Élise Lassonde,
bibliothécaire responsable depuis 2007 des collections patrimoniales de livres d'artistes,
d'estampes et de reliures d'art à Bibliothèque et Archives nationales du Québec, LIBERTÉ, No
299, 2013, p. 21.
Cette précision apportée, je retiens des propos de l'auteur le sous‐titre de son article, «Nouvelles
déclinaisons de l'édition contre‐culturelle», et le facteur libérateur de l'impression numérique par
l'affranchissement «des délais et contraintes habituelles du milieu de l'édition commerciale».
Le sujet se concentre sur l'édition contre‐culturelle, sur le contenu contre‐culturel de l'édition en de
nouvelles déclinaisons, notamment, grâce au numérique et à l'impression à la demande rapide de
micro‐tirage.
Je perçois dans ces nouvelles déclinaisons non seulement des produits différents mais aussi une
contre‐édition, une édition affranchie, libérée de l'esclavage des marchés de masse.
Il suffit d'appliquer le principe «Le médium, c’est le message» introduit par le sociologue canadien des
communications Marshall McLuhan dans son livre Pour comprendre les médias.
« [...] en réalité et en pratique, le vrai message, c'est le médium lui‐même, c'est‐à‐dire, tout
simplement, que les effets d'un médium sur l'individu ou sur la société dépendent du
changement d'échelle que produit chaque nouvelle technologie, chaque prolongement de
nous‐mêmes, dans notre vie. »
Pour comprendre les médias, Marshall McLuhan, 1964, p. 22
Par exemple, la décision d'une entreprise retenant la radio plutôt que la télévision pour diffuser son
message publicitaire est en soi un message. Le choix de la radio communique un message différent du
choix de la télévision, des journaux imprimés,... Il en va de même de l'édition supportée par le
numérique et l'impression à la demande. Les nouveaux canaux d'édition livrent un message très
différent de celui du canal de l'édition traditionnelle. Nous sommes en présence de deux médias
différents avec deux messages différents, selon le principe de McLuhan.
Mais ces deux messages ne se côtoient pas dans l'harmonie, l'ancien message dénigre le nouveau.
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5. DE L’ÉDITION À LE CONTRE‐ÉDITION – FONDATION LITTÉRAIRE FLEUR DE LYS
Les livres autoédités et édités à compte d'auteur existaient bien avant l'arrivée du numérique et on en
retrouve encore sur les rayons des librairies. La majorité des lecteurs ne distingue pas les types
d'édition des livres qu'ils achètent; un livre est un livre, surtout s'il a franchi les portes de votre libraire
préféré.
L'arrivée des librairies virtuelles (en ligne sur Internet) incite‐t‐elle les lecteurs à distinguer les types
d'édition, la traditionnelle de la nouvelle ? À mon avis, les lecteurs ne portent pas plus attention aux
types d'édition, à moins d'un engouement viral mettant en vedette l'autonomie de l'auteur, c'est‐à‐
dire suite à la mise en marché sous le thème même de l'autoédition ou de l'édition à compte d'auteur.
Le mouvement culturel de la contre‐édition rassemble pour l'instant davantage d'auteurs que de
lecteurs. L'édition traditionnelle a davantage de lecteurs que d'auteurs, mais de plus en plus de livres
ne trouvent pas leurs lecteurs.
Justifiant les efforts d'affirmation de l'industrie québécoise du livre, le président de l'Association
nationale des éditeurs de livres (ANEL ‐ Québec), écrit : «Parce qu’il s’agit d’une tradition récente qui n’a
pas pour elle le poids de l’histoire. Parce que, en quarante ans, une multitude de talents se sont révélés,
très peu ayant eu l’occasion de trouver leurs lecteurs.» (Affirmation n’est pas discrimination, Jean‐
François Bouchard, président de l'ANEL, ANEL Blogue, 9 avril 2013 (voir le texte en ligne).
Je m'évertue depuis dix ans à démontrer la venue de nouveaux lecteurs par la contre‐édition. La venue
de nouveaux auteurs entraîne la venue de nouveaux lecteurs. Si tout le monde peut devenir auteur,
tout le monde peut devenir lecteur. La majorité des gens ne fréquente pas les librairies, même sur
Internet, un nombre de plus en plus élevé de gens compte un nouvel auteur dans leur entourage. On
ne saurait refuser l'invitation personnelle à la lecture lancée par son fils, son grand‐père, son voisin de
palier ou son collègue de travail devenu auteur. Le roman, l'essai, l'autobiographie..., signés par une
personne que l'on connaît personnellement pique la curiosité et (r)éveille le goût de lire. Le nouveau
lecteur est un lecteur à proximité. Et si l'auteur de la contre‐édition trouve un nombre restreint de
lecteurs, le nombre très élevé d'auteurs assure une masse critique non négligeable.
L'édition traditionnelle a multiplié le nombre d'auteurs, que dis‐je, d'écrivains qu'elle a publié au cours
des dernières années. Mais l'invitation de l'auteur à la lecture se caractérise par ses limites et se
résume en ces mots : «Allez voir mon livre en librairies (au coin de la rue ou sur le Net)», le respect de la
chaîne économique oblige.
L'édition traditionnelle constate le plafonnement du nombre de lecteurs de sa production, assidus et
occasionnels. Elle rage à l'idée que les nouveaux lecteurs lui échappent aux mains de la contre‐édition.
Elle ne comprend pas la différence entre les produits offerts : la personnalisation de l’œuvre dans
toutes ses qualités et ses défauts, l'attrait légendaire de l'artisanal ainsi remis au goût du jour face à
l'industriel passéiste, la force intrinsèque de l'inédit, de l'exclusivité et de l'unicité procurant à l’œuvre
les valeurs propres à la rareté. Ce sont là pourtant des spécificités sur lesquelles elle misait à sa
naissance en se targuant de permettre la démocratisation de la culture et de l'accès aux livres. Elle a
péché par orgueil, puis abusé de sa liberté (toute artificielle compte tenu de l'aide de l'État), et ainsi
emprisonnée de son propre marché.
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6. DE L’ÉDITION À LE CONTRE‐ÉDITION – FONDATION LITTÉRAIRE FLEUR DE LYS
«L'excès de liberté ne peut tourner qu'en excès de servitude
pour un particulier aussi bien que pour un état.»
Platon, La république.
Et j'ajouterai, aussi bien que pour une industrie.
Le numérique ne libèrera pas le marché traditionnel de l'édition de ses chaînes, peu importe
l'investissement de l'État, parce que son produit épuré de son état artisanal et soustrait de son
authenticité, bref privé de sa beauté sauvage, ne peut pas rejoindre les nouveaux lecteurs.
À chacun son produit. À chacun son marché.
Pour les uns une évolution. Pour les autres une révolution.
A VENIR
Le défi de la contre‐édition : enseigner l'écriture et la lecture
On dit que l'histoire se répète d'une époque à l'autre. Ce sera le cas avec la contre‐édition qui reprendra la
mission abandonnée par les autorités littéraires victimes du repli sur soi, subséquent inévitable à un
hermétisme aveugle.
À LIRE EN ATTENDANT
Pourquoi le milieu littéraire se referme sur lui‐même ?
Et j'ai signé,
À Lévis, ce 19 mai 2013
Serge‐André Guay, président éditeur
Fondation littéraire Fleur de Lys
Courriel : serge‐andre‐guay@manuscritdepot.com
Site Internet : http://fondationlitterairefleurdelysaccueil.wordpress.com/
Téléphone : 418‐903‐1911
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