Chapitre 8 et 9 de la " Lettre à tous les résignés et indignés qui veulent des solutions "
1. 8/ Le désordre du système financier.
Passer du discours aux actes
Au moment où je termine ce livre, début août 2011, la crise financière fait rage. Il y a trois ans, les
Etats s’étaient portés au secours des banques ; aujourd’hui, ils sont sous leur joug. L’Europe paie
son incapacité à admettre que la crise de 2008 n’est pas seulement un accident financier, mais que
c’est une crise du système, une crise de civilisation qui appelle des dirigeants charismatiques qui ont
le courage d’agir sans se soucier des échéances électorales.
5,6 milliards d’euros. Cette somme pourrait financer des siècles de RSA, des milliers de postes
d’enseignants, des centaines d’hôpitaux. Rien de tout cela. Ce chiffre ne restera dans l’Histoire que
comme la perte réalisée par le trader Jérôme Kerviel en spéculant sur les marchés boursiers.
4,9 milliards. Cette somme représentait en 2009 l’ensemble de l’aide déboursée par le G8 pour
lutter contre la faim dans les pays pauvres. Au même moment, la banque américaine Goldman
Sachs annonçait que ses employés partageaient 11 milliards de bonus, soit près de 750 000 dollars
par personne.
L’épargne des pays émergents, asiatiques notamment, est détournée vers les grandes places
financières. Ces fonds entretiennent d’année en année des bulles spéculatives : bulle des crédits
subprime en 2006, bulle des matières premières en 2007, bulle des obligations d’Etat en 2009,
aujourd’hui bulle internet, crise globale en août 2011. Au lieu d’accompagner le développement des
pays émergents, les flux financiers internationaux se recyclent dans une économie de la spéculation
dont le moteur est la cupidité, exigeant des rendements à deux chiffres alors que la croissance de
l’économie réelle stagne, il faut bien que quelqu’un paie ! Le monstre financier n’est jamais
rassasié, et il met à genoux les Etats qui l’ont renfloué et s’engraisse sans contreparties. Les
difficultés de la Grèce aujourd’hui devraient être prises à bras-le-corps pour assainir le système
financier européen et international. Mais non, une nouvelle fois c’est un colmatage à court terme
qui a été réalisé.
S’engager fermement sur la voie d’une relance économique commune avec la Banque européenne
d’investissement autour de la croissance verte et la mutation écologique avec, par exemple :
— Les transports propres et la voiture électrique qui, aujourd’hui, est à dimension franco-
allemande. C’est la preuve que l’innovation européenne est à l’avant-garde.
— La création d’un organisme public, une agence publique de notation. Il n’est plus acceptable que
nous dépendions des agences privées de notation qui sont liées au capitalisme financier.
— L’interdiction de la spéculation bancaire. Tout le monde la critique. Personne ne le fait. Les
dirigeants l’ont décidé en 2008. Ces décisions n’ont pas été suivies d’effet. Il est temps de passer
aux actes, et je fais une proposition très concrète qui consiste à rendre public le nom des banques et
des fonds de pension qui ont spéculé sur la dette grecque et sur les assurances de la dette grecque.
Et d’interdire les ventes à terme de titres que les banques ne possèdent pas.
Il faut briser ce cercle de la cupidité en encadrant les pratiques à risque des banques, en protégeant
les clients des banques et en réorientant les forces des marchés financiers vers le financement de
l’économie réelle.
Pour cela, je ferai de la réforme bancaire la première priorité. Faire la distinction entre les activités
spéculatives et les activités d’investissement, prohiber les bonus individuels, interdire les paradis
fiscaux. Tout le monde le dit, personne ne le fait. La finance doit redevenir ce qu’elle n’aurait
jamais dû cesser d’être : une industrie des services financiers, au service de l’économie réelle, elle-
même au service de l’emploi et du bien-être.
Par conséquent, créer une banque publique d’investissement à dimension régionale, avec un « Small
Business Act » au niveau national et au niveau européen pour nous engager dans un mouvement
puissant de créativité et d’emploi. 80 % des créations d’emploi sont le fait des PME, artisans,
commerçants, donnons-leur les moyens de grandir et de prospérer !
Nous ne sortirons pas de la crise dans le système actuel. Il faut trouver une nouvelle voie. Les
2. propositions sont connues de tous. Il faut avancer, c’est le sens de notre responsabilité politique.
9/ Face au désordre des inégalités :
tenir la promesse républicaine de l’égalité des possibles
Les Français attendent une égalité des possibles. Car ils ont toujours au cœur cette « passion de
l’égalité » dont Tocqueville disait qu’elle est une caractéristique très française. Aujourd’hui, la
France est malade de ses inégalités. Les Français voient bien que l’égalité formelle est démentie par
les inégalités réelles. C’est cela qui attise les ressentiments et détourne les citoyens de la
République. Pour autant, ils ne sont pas prêts à croire n’importe quelle promesse, trop échaudés par
toutes celles qu’ils ont entendues et qui n’ont jamais été tenues. C’est la politique par la preuve qui
les convaincra qu’on peut rétablir de l’égalité là où règnent les privilèges et les passe-droits.
L’égalité, ce n’est pas l’uniformité ou l’égalitarisme niveleur. C’est le droit effectivement garanti à
chacun de pouvoir conduire sa vie et, pour ce faire, d’accéder au savoir et à la culture, de pouvoir
vivre dignement de son travail, se soigner et se loger correctement. Je ne veux pas d’un pays
fragmenté en ghettos. Je ne veux pas d’un pays où quelques-uns ont toutes les chances, sont seuls
assurés de l’avenir de leurs enfants, alors que les autres n’ont pour horizon que la précarité, les fins
de mois incertaines, la hantise de tomber plus bas et leurs enfants avec eux. Je ne veux pas d’un
pays où le délit d’adresse alimente les discriminations. Je ne veux pas d’un pays où les fractures –
sociales, scolaires, territoriales, sanitaires, numériques… – s’ajoutent les unes aux autres et rompent
le pacte social dont, chez nous, l’Etat est le garant. Tout ce désordre inégalitaire produit trop de
souffrances et trop de gâchis.
On a longtemps opposé, à droite mais aussi parfois à gauche, l’égalité et la liberté bien qu’elles
soient liées dans notre belle devise républicaine. Pour moi, elles sont indissociables et toutes deux
constitutives des droits fondamentaux de l’individu. Et c’est la fraternité qui les unit. Corriger les
inégalités de départ, refuser que l’hérédité sociale et l’argent dictent le destin personnel. C’est cela,
pour moi, la modernité du socialisme et le cœur de la promesse républicaine. A nous, dans le temps
qui est le nôtre, de traduire cet idéal d’égalité en politiques publiques efficaces et attentives aux
aspirations profondes des Français.
Cette égalité des possibles vaut pour les outremers.
Des promesses non tenues, là aussi, ont provoqué indignation et résignation.
Le (maigre) budget du ministère deux fois plus taxé que les autres.
Un soutien aux investissements revu à la baisse (péripéties du Fonds d’investissement de proximité
qui a été successivement promis, supprimé, rétabli…).
L’Education victime des suppressions de postes (la Martinique détient pour la rentrée 2012 le record
national des postes supprimés proportionnellement aux effectifs ! Après 117 postes rayés de la carte
l’an passé, 239 suppressions supplémentaires !)
La vie chère : les prix des produits de consommation courante et de l’essence toujours aussi
opaques et toujours orientés à la hausse (les groupes d’intervention régionaux sur la concurrence ont
bien été créés mais… sans moyens d’agir).
Le plan séisme n’est toujours pas à l’œuvre.
Il faudra accélérer :
— La conversion écologique pour la valorisation des atouts des territoires et départements d’outre-
mer, leur autonomie énergétique (s’il y a un endroit où l’affranchissement de la facture pétrolière est
urgente et où les énergies renouvelables sont à portée de main, ce sont les outre-mers !), la création
d’emplois durables et la constitution de pôles d’expertise rayonnant sur les régions environnantes
(énergie solaire dont photovoltaïque, énergies marines, éolien, bagasse, géothermie, biodiversité) :
tout est là, l’excellence est possible si la
volonté politique existe.
3. — PME-TPE : les mesures de droit commun (Banque publique d’investissement, « Small Business
Act », etc.) sont particulièrement adaptées alors qu’il y a démission maximum des banques qui
préfèrent valoriser ailleurs l’épargne locale.
— L’éducation et la formation sont encore et toujours l’investissement le plus rentable et la
promesse républicaine la plus fondamentale.
— La vie chère : le blocage des prix des produits de première nécessité est encore plus vital outre-
mer que dans l’Hexagone, et l’autorisation de commercer, notamment avec les pays de la zone
caraïbe.
— Les outre-mers ne sont pas un poids mais une chance pour la France (y compris les pôles
d’excellence à vocation internationale), présente dans cette partie du monde.