SlideShare una empresa de Scribd logo
1 de 11
Descargar para leer sin conexión
Système des Nations Unies de protection et de promotion des droits des minorités :
           l’exemple des minorités Montagnardes à l’Extrême-Nord Cameroun

                                              Alawadi Zelao1
Introduction

Les Montagnards constituent un ensemble des groupes sociaux qui vivent dans la zone
géographique dénommée par la littérature française les Monts-Mandara2. Ils se trouvent en grand
nombre démographique dans la région de l’Extrême-Nord et principalement dans les
départements du Mayo-Tsanaga (Mafa, Kapsiki, Bana, Goudé…), dans le département du Mayo-
Sava (Zoulgo, Guemjek, Mada, Podoko, Mouktélé…) et dans le département de Diamaré
(Mofou, Mboko, Molko…)3. Les Montagnards ont pour écosystème naturel la montagne. Mais
avec les dynamiques historiques (conquêtes Foulbé/Mandara, colonisation européenne), certaines
communautés montagnardes ont commencé progressivement à coloniser les plaines et s’y sont
définitivement installées.

Depuis la période de la guerre sainte (jihad) lancée par Othman Dan Fodio, les Montagnards
vivent une situation de tutelle de la part des sociétés musulmanes. Au temps colonial allemand et
français, les montagnards ont gardé leur attitude de résistance face aux forces extérieures. Avec
l’avènement de l’indépendance, la situation des Montagnards n’a pas changé avec la prise de
pouvoir Ahmadou Ahidjo qui a œuvré à l’islamisation de la partie septentrionale du Cameroun.
Aujourd’hui, la marginalisation se manifeste sur le triple plan social (imposition du modèle
d’organisation sociale propre aux musulmans), politique (sous-représentativité dans les instances
électives et institutionnelles) et économique (pauvreté aigüe). Cette communication présente les
caractéristiques des minorités Montagnardes, indique les sources du droit international qui
consacre la protection et la promotion des minorités à l’échelle mondiale et montre en quoi un tel
arsenal juridique intéresse la situation des minorités Montagnardes à l’Extrême-Nord du
Cameroun.

    I-      Les Montagnards et leur figure de minorité

    a) Des communautés autochtones subissant les assauts de l’histoire

Dans la littérature consacrée aux peuples autochtones, il est généralement mis en exergue
l’antériorité de ces groupes dans leur site d’installation en rapport des groupes sociaux qui
développent les velléités de domination. Une Etude du problème de discrimination à l’encontre
des populations autochtones des Nations Unies souligne justement que : « Les populations

1
  Ph/D en Sociologie politique, enseignant-chercheur, Tel (+237) 74 66 55 25, E-mail : alazelao@yahoo.fr
2
  Antoinette Hallaire, Paysans montagnards. Les monts Mandara, Paris, ORSTOM, 1991.
3
  D’autres groupes montagnards tels les Dowayo (Poli), les Fali (Bénoué) et une partie des Guidar (Guider) sont
installés dans la région du Nord.
autochtones sont constituées par le descendants actuels des peuples qui habitaient l’ensemble ou
une partie du territoire actuel d’un pays au moment où sont venues d’autres régions du monde
des personnes d’une autre culture ou d’une autre origine ethnique qui les ont dominés et les ont
réduits, par la conquête, l’implantation des populations ou d’autres moyens à un état de non-
domination ou colonial »4. Ainsi, les communautés autochtones se trouvent dans leur site
écologique de longue et entretiennent avec celui-ci une relation symbiotique voire mythique.
Urvoy situe autour du 6ème siècle l’installation des Montagnards dans leur site écologique actuel.
A juste titre, les Montagnards constituent les premiers habitants de la partie septentrionale du
Cameroun. Ils font partie de la famille des sociétés paléonigritiques dont l’encastrement spatial
longe sur plusieurs siècles. En rapport avec les peuples des plaines et notamment les sociétés
conquérantes musulmanes (Foulbé, Kanouri, Mandara, Kotoko…), les Montagnards ont un
ancrage assez lointain dans les montagnes qu’ils continuent d’occuper.

La rencontre des Montagnards avec ces peuples étrangers fut marquée très tôt par des scènes de
conflits et de violence endémique5. Les montagnes qui constituent de grandes enclaves
démographiques vont subir les battues esclavagistes des empires borno, mandara et pour certains
groupes installés dans la partie méridionale (Kapsiki, Hidé, Bana, Goudé…) l’impérialisme
culturel des Foulbé. C’est principalement vers ces régions que les caravanes d’extraction
humaine ont été organisées en vue de se constituer de mains d’œuvre servile bon marché. Dans
la plupart des villages des Montagnes aujourd’hui, il est rappelé dans les récits ce moment de
grande agitation qui a véritablement provoqué des bouleversements dans leurs sociétés. Depuis,
la relation entre Montagnards et peuples conquérants est marqué du sceau de la dépendance
esclavagiste. Pour les différents groupes musulmans, les Montagnards sont des peuples à utiliser
dans des travaux domestiques, à constituer en marchandise dans des transactions économiques,
bref à maintenir dans une position sociale fruste, marginale et déshumanisant.

Il faut prendre le contexte historique d’alors au sérieux pour cerner l’amplitude d’une telle
variable. Pour des sociétés structurées sur le modèle des « paliers sociaux »6, à l’intérieur
desquelles il existe les « hommes libres » et les « esclaves »7, l’idéologie esclavagiste rentre dans
un code social institué. Elle est une norme sociale forte qui organise les relations internes entre
les membres de la société et détermine la relation externe aux autres groupes sociaux. Dans ce
sens, que le rapport des Montagnards aux sociétés conquérantes ait reposé sur des pratiques
esclavagistes traduit plus un état de nature qu’un accident de l’histoire. Il faut saisir cette réalité




4
  Cité par Isabelle Schulte-Tenckhoff, La question des peuples autochtones, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 7.
5
  Alain Beauvilain, Crises et peuplement au Nord-Cameroun, Tome 2, 1989.
6
  Georges Gurvitch, La vocation actuelle de la sociologie, Paris, Puf, 1968, p. 66.
7
  Pierre-François Lacroix, « Matériaux pour servir à l’histoire des Peul de l’Adamawa », Etudes camerounaises,
n°37-38, 1952, pp. 3-61.
comme inhérente à une dynamique historique qui a sa propre idéologie ajustée à l’esclavagisme
comme paradigme8.

    b) Des communautés autochtones vivant dans un espace écologique spécifique

Les Montagnards ont pour site écologique naturel la montagne. La montagne remplit plusieurs
fonctions : culturel, religieux, politique, écologique et idéologique9. En raison de la forte
inscription des peuples dans ces lieux, la montagne fait désormais partie constitutive de la vie
collective. Le regard exotique appréhende l’espace montagneux comme un lieu qui peut rendre
difficile les conditions d’existence des communautés. C’est bien là une appréhension
préconstruite qui est en décalage avec l’empirie du milieu. Avec le temps, les différentes
communautés ont réussi à domestiquer les éléments de la montagne au point d’en établir une
interdépendance quasi mythique10. Ainsi contrairement à la littérature coloniale qui postule de
l’extranéité de la montagne dans l’histoire des Montagnards, il faut désormais mettre en exergue
la complicité systémique qui régit le rapport entre montagne et Montagnard.

Les Montagnards eux-mêmes accordent un intérêt profond à leur environnement. Toute la
dynamique d’interaction est bâtie sur l’anthropogisation de la montagne comme lieu de vie, de
religion et d’identité. Selon Jean-Claude Fritz : « Les peuples autochtones ont développé à un
niveau élevé la connaissance du milieu, son utilisation et en ont construit des représentations
cohérentes dans la logique symbolique. Ils figurent pour un certain nombre d’entre eux dans ce
que le scientifique américain Dasmann appelle les ‘peuples des écosystèmes’ »11. Ni réalité
externe, ni force exogène, la montagne se décode aux yeux des Montagnards comme une
composante consubstantielle à leur histoire, à leur vécu anthropologique et cosmogonique. En
montagne, les Montagnards trouvent une vie authentique, organisent une sociabilité pérenne,
accomplissent leur religiosité originelle et codifient une économie d’existence forte. Or la
rencontre des Montagnards avec les forces extérieures, d’abord les sociétés musulmanes
conquérantes, par la suite les autorités coloniales européennes et enfin l’Etat postcolonial, va
buter sur une série de contradictions sociales, culturelles et idéologiques.

Dans la mouvance des dynamiques historiques, la montagne et les Montagnards sont regardés
sous le prisme des préjugés, des appréhensions idéologiques et de présupposés subjectifs. La
dynamique de dépeuplement des régions montagneuses amorcée sous la colonisation française
indique bien que la montagne ne fut pas considérée comme un espace anthropologiquement

8
  Paul Lovejoy, Transformations in slavery. A history of slavery in Africa, Cambridge, Cambridge University Press,
1983.
9
   Alawadi Zelao, « Dynamique spatiale et stabilité des représentations socio-identitaires chez les peuples des
montagnes au Nord-Cameroun », Elizabeth Tamajong (dir), Les mutations en Afrique, Yaoundé, PUCAC, 2009, pp.
11-40.
10
   Jeanne-Françoise Vincent, Les princes montagnards du Nord-Cameroun, Paris, L’Harmattan, 1991.
11
   Jean-Claude Fritz et al. (dir), La nouvelle question indigène. Peuples autochtones et ordre mondial, op. cit., p. 75-
76.
chargé12. La thèse des « montagnards refoulés »13 aura également servi de ce que les
Montagnards ne sont que des habitants saisonniers de leur milieu écologique. Le déplacement
des Montagnards en plaine va se traduire chez beaucoup d’entre eux par l’abandon de leurs us et
coutumes, des pratiques culturales à l’œuvre en montagnes et de l’assimilation des valeurs
sociales étrangères. Le processus d’acculturation va provoquer l’aliénation des peuples de
montagnes qui confrontent l’ordre musulman en plaine. Les politiques migratoires mises en
œuvre par l’Etat du Cameroun au lendemain de l’indépendance a également contribué à la perte
du sens écologique traditionnel chez les Montagnards. La migration hors des montagnes a des
répercussions sur la conservation de l’équilibre écologique en territoire montagnard. L’érosion
des sols, la disparition progressive des cultures en terrasse, la spéculation foncière imposée par
les chefs musulmans (lamido), l’introduction de cultures de rentes (coton) sont quelques facteurs
qui précipitent aujourd’hui la crise écologique chez les Montagnards.

     c) Des communautés autochtones attachées à leurs valeurs traditionnelles

L’attachement des peuples autochtones aux valeurs traditionnelles est un trait essentiel de leur
identification. C’est ce qui les distingue des autres groupes qui sont très tôt entrés en relation
avec la modernité. Outre qu’elles vivent dans un environnement écologique difficile d’accès, les
minorités montagnardes restent profondément ancrées dans leur vie ancestrale et traditionnelle.
Ainsi dans les villages des montagnes, la vie sociale reste globalement orchestrée par les fêtes et
cérémonies traditionnelles. Il s’agit entre autres de la fête des taureaux chez les Mofou, les
Zoulgo, les Guemjek ou le Maray chez les Mafa. La fête des taureaux est une grande scène
culturelle et cultuelle qui regroupe les membres d’une même communauté et à laquelle sont
conviés les peuples voisins. Les activités saisonnières sont également fortement marquées par la
religiosité traditionnelle. Ce sont les ancêtres, ces vieux prêtres qui donnent le ton à chaque
nouvelle saison en appelant les membres de la communauté aux semailles.

Des rites et des incantations sont organisés pour s’assurer de la bénédiction des divinités et des
oracles. Car chez les Montagnards la vie sociale baigne essentiellement dans le sacré. Malgré les
mutations entraînées par la modernité, la plupart des Montagnards vivent dans leur site
écologique naturel : la montagne. Aux yeux des groupes sociaux qui les voisinent, cette vie dans
les montagnes révèle un état primaire et fondamental d’existence. Ainsi les Montagnards sont
considérés comme des attardés culturels. Leur encastrement écologique dans les montagnes
traduit tout simplement qu’ils refusent de s’ouvrir au monde extérieur et donc d’accéder au
développement. La descente en plaine des peuples des montagnes est en effet une violation des
droits culturels des Montagnards qui doivent désormais vivre hors de leur site écologique.

12
   Jean Boutrais, La colonisation des plaines par les montagnards au nord du Cameroun (monts Mandara), Paris,
ORSTOM, 1973.
13
   Jean-Claude Froélich, Les montagnards paléonigritiques, Paris, Berger-Levrault, 1968.
Comme le souligne le Rapport de Groupe de Travail d’Experts : « Les peuples autochtones sont
victimes d’une marginalisation culturelle qui a pris différentes formes et qui est causée par une
combinaison de facteurs. La perte des principales ressources de production a négativement
influé sur les cultures des peuples autochtones, les privant du droit à maintenir le mode de vie de
leur choix et de conserver et développer leurs cultures et leur identité culturelle selon propre
volonté »14. Les Montagnards subissent l’impérialisme culturel des sociétés musulmanes depuis
leur pénétration au Nord-Cameroun. La domination culturelle des Montagnards se manifeste
également par l’imposition du système lamidal15 dans toute la partie septentrionale du
Cameroun. La relégation au second plan des structures traditionnelles propres aux Montagnards
constitue une entorse à l’expression de leur identité. Désormais ils doivent vivre selon les normes
sociales des groupes dominants, ce qui les expose à une déperdition culturelle permanente.

Ce qu’il faut davantage savoir ce que la relation entre les Montagnes et leur milieu écologique
repose essentiellement sur une relation symbiotique, de réciprocité et de mutualité. Tous les
peuples des montagnes gardent une mémoire vive de la montagne malgré les changements
intervenus avec la modernité. De la montagne, les peuples autochtones y puisent des ressources
diverses à leur médication, à leur subsistance et à leur habitat. L’attachement à la montagne
s’explique en ce qu’elle représente une part importante de l’identité des peuples qui y vivent
depuis des lustres.

     d) Des communautés marginalisées

Les Montagnards connaissent une situation de marginalisation qui se traduit par leur éviction des
centres de décision et des lieux d’accumulation des ressources16. Tant sur le plan politique
qu’économique, les Montagnards sont à la traîne et maintenus à l’arrière-plan des groupes
dominants essentiellement constitués des musulmans. La marginalisation politique et
économique des montagnards remonte au régime d’Ahmadou Ahidjo, premier président
camerounais, qui avait mis en place le processus d’islamisation qui a fonctionné sur le terrain
politique par un mécanisme d’exclusion de certains groupes sociaux dans la partie septentrionale.
Durant cette période l’élite administrative et politique était constituée des Foulbé et d’autres
islamisés.

Les chefs traditionnels montagnards étaient fortement conviés de se convertir à l’islam, parfois
par crainte de représailles et de discrimination. Aujourd’hui, la plupart des chefferies

14
   Rapport du Groupe de Travail d’Experts de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur
les Populations/Communautés autochtones, Copenhague, Danemark, 2005, p. 47.
15
   Organisation sociale des foulbé au Nord-Cameroun.
16
   Au Cameroun depuis l’ouverture démocratique, la marginalisation politique des minorités est davantage une
réalité complexe. Lire Ibrahim Mouiche, Démocratisation et intégration sociologique des minorités ethniques. Entre
dogmatisme du principe majoritaire et centralité des partis politiques, Dakar, CODESRIA, 2012.
traditionnelles chez les Montagnards fonctionnent sur le modèle des lamidats, système
d’organisation sociale propre aux Foulbé. Si dans le contexte de l’ouverture démocratique des
années 1990, les Montagnards ont commencé à manifester un réveil politique dans certaines
localités17, il est à souligner que de manière globale leur situation politique montre toujours une
mise en marge. Au sein des communautés Montagnardes des revendications se manifestent par le
biais des mémorandums envoyés à l’adresse des pouvoirs publics18. Les montagnards accusent
jusqu’ici un retard de développement alors que les infrastructures de développement sont
concentrées en territoire musulman. Cette réalité est surtout manifeste dans le département du
Mayo-Sava où il s’observe une grande opposition des composantes ethnico-religieuses avec une
discrimination à l’encontre des communautés non-musulmanes. L’élite musulmane élabore un
ensemble de stratégies qui visent à l’exclusion des minorités montagnardes des instances de
décision. L’espace sociopolitique est largement monopolisé par les musulmans. Aussi bien au
niveau de l’exécutif municipal, du parlement que de la direction politique (sections notamment)
du Rassemblement démocratique du peuple Camerounais (Rdpc), l’élite musulmane domine
l’activité politique. Du coup les montagnards sont mis à la traîne et servent de « bétail électoral »
aux groupes sociaux dominants.

     II-      Principales sources de promotion des droits des Minorités à l’échelle
              internationale et africaine

Aussi bien      à l’échelle internationale qu’africaine, il y a plusieurs résolutions et
recommandations qui portent sur la protection et la promotion des droits des minorités. Ces
instruments ont l’avantage de prendre en compte la spécificité qui caractérise les minorités à
travers le monde. Nous évoquons ici les principales résolutions des Nations Unies et celles de
l’Union Africaine.

     a) Au niveau international

     -     1992 : l’Assemblée Générale a adopté par consensus la Déclaration des Nations Unies
           sur les Droits des Minorités (résolution 47/135). Il s’agit du principal document de
           référence en la matière,
            Droit à la protection des minorités par les Etats,
            Droit de jouir de leur propre culture,
            Droit de participer pleinement à la vie publique (civile, politique)…


17
   Alawadi Zelao, « Contexte de démocratisation et conduites politiques des peuples des montagnes au Nord-
Cameroun : le charisme identitaire à l’épreuve des mutations sociopolitiques », Alawadi Zelao et al. (dir), Le
Cameroun septentrional en transition. Perspectives pluridisciplinaires, Paris, L’Harmattan, 2012, pp. 169-206.
18
   « Mémorandum des Montagnards Chrétiens et Animistes du Département du Mayo-Sava (Extrême-Nord) », La
Météo hebdo, n°245, du 22 juin 2009, pp. 8-10 ; « Mémorandum des Chefs traditionnels non-musulmans de
l’arrondissement de Tokombéré », La Météo hebdo, n°282 du 05 avril 2010.
-   1994 : Projet de Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones,
    adopté par la Sous-commission de la protection et de la promotion des droits de
    l’homme ;
-   1995, Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités
    nationales du 1er février 1995 ;
-   1998 : la résolution 52/123 de l’Assemblée générale des Nations Unies portant sur la
    Promotion effective de la Déclaration sur les droits de des personnes appartenant à des
    minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques ;
-   2004 : la résolution 59/174 de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 20
    décembre 2004 a proclamé la seconde décennie internationale (2005-2014) des
    populations autochtones, avec pour but de : « renforcer encore la coopération
    internationale aux fins de résoudre les problèmes qui se posent aux peuples autochtones
    dans les domaines tels que la culture, l’éducation, la santé, les droits de l’hommes,
    l’environnement et le développement économique et social, au moyen de programmes
    orientés vers l’action et de projets concrets, d’une assistance technique accrue et
    d’activités normatives dans les domaines en question »,
-   2005, le Groupe de Travail pour les minorités a adopté un commentaire visant à faciliter
    l’interprétation et la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les Minorités.
    Il y est dit que : « Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou
    linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit
    d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle,
    de professer et de pratiquer leur propre religion ou d’employer leur propre langue ».
-   2007, La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée
    par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 septembre 2007.

b) Au niveau africain

    Il faut surtout évoquer principalement :
-   La « Résolution sur les droits des peuples/communautés autochtones en Afrique »
    adoptée lors de la 28ème session ordinaire et qui a prévu la création d’un Groupe de travail
    avec le mandat suivant :
     Examiner le concept de peuples et de communautés autochtones en Afrique ;
     Analyser les implications de la Charte africaine sur les droits humains et le bien-être
         des communautés autochtones ;
     Formuler des recommandations appropriées pour le suivi et la protection des droits
         des communautés autochtones ;
     Présenter un rapport à la Commission africaine (ce rapport est déjà disponible depuis
         2005).
-   2007 : La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, qui
    stipule en son article 43 que : « Les Etats parties veillent à ce que tous les citoyens aient
accès à l’enseignement primaire gratuit et obligatoire, en particulier les filles, les
       populations des zones rurales, les minorités, les personnes vivant avec handicap et autre
       groupe social marginalisé »

En définitive, il est à souligner qu’au plan international un arsenal des dispositifs normatifs et
juridiques existe, qui encadre la protection et la promotion des droits des peuples et
communautés autochtones. Il faut ajouter à cela les rencontres scientifiques, les conférences et la
mobilisation des acteurs de la société civile qui, à de différents niveaux contribuent par des
actions multiformes à la sauvegarde de la dignité et de la liberté des minorités. Mais en dépit de
cette forte mobilisation, il reste que la situation des minorités est toujours préoccupante. Certes
les minorités ne vivent pas les mêmes conditions de vie partout à travers le monde.

S’agissant des Minorités montagnardes de l’Extrême-Nord au Cameroun, celles-ci continuent de
subir une série des discriminations sur le plan culturel, économique et politique. Elles vivent des
conditions de marginalisation et d’exclusion qui affectent considérablement leur capacité à
préserver leur identité et leur participation à la gestion des affaires dans la communauté
nationale. Pour palier à cette marginalisation multiforme, il faut surtout que les pouvoirs
respectent et mettent en œuvre les normes internationales de protection des minorités et veuillent
à ce que les Montagnards ne soient plus soumis à l’exclusion des groupes sociaux dominants et
qu’ils soient désormais partie prenante des politiques de développement engagés en leur
direction. Les minorités Montagnardes devraient désormais trouver une oreille attentive auprès
de l’Etat du Cameroun qui est signataire d’un ensemble d’accords et de résolutions à l’échelle
internationale. La résolution 59/174 de l’Assemblée générale des Nations Unies sus-évoquée
portant sur la « seconde décennie internationale des populations autochtones » a énoncé cinq (05)
objectifs à atteindre ; lesquels objectifs intéressent directement les minorités Montagnardes :

    1) Promouvoir la non-discrimination et l’intégration des peuples autochtones dans la
    conception, la mise en œuvre et l’évaluation des initiatives, régionales et nationales en
    matière de législation, de politiques, de ressources, de programmes et de projets ;

    2) promouvoir la participation pleine et entière des peuples autochtones à la prise des
    décisions qui concernent directement ou indirectement leur mode de vie, leurs terres et
    territoires traditionnels, leur intégrité culturelle en tant que peuples autochtones disposant
    des droits collectifs ou tout autre aspect de leur vie, sur la base du principe du consentement
    préalable, libre et éclairé ;

    3) redéfinir les politiques de développement afin qu’elles soient fondées sur le principe
    d’équité et culturellement acceptables, en respectant notamment la diversité culturelle et
    linguistique des peuples autochtones ;

    4) Adopter des politiques, des programmes, des projets et des budgets axés sur le
    développement des peuples autochtones et notamment des objectifs d’étape concrets et
    mettant un accent particulier sur les femmes, les enfants et les jeunes autochtones ;
5) Mettre en place de solides mécanismes de suivi et renforcer le système de
     responsabilisation à l’échelon international, régional et surtout national pour ce qui a trait à
     la mise œuvre des cadres juridiques, politiques et opérationnels pour la protection des
     peuples autochtones et l’amélioration de leur conditions de vie ».

     Dans un mémorandum envoyé aux pouvoirs publics en 2009, les Montagnards ont souligné
     que : « Majorité démographique », respectueuse des institutions de la République,
     communautés très laborieuses et industrieuses disséminées sur l’ensemble du territoire
     national, cette catégorie sociologique vit aujourd’hui une situation d’exclusion, de
     marginalisation, de discrimination qui défie tout indicateur de développement humain. Les
     montagnards chrétiens et animistes du département du Mayo-Sava vivent une véritable
     condition de sous-citoyenneté chronique qui se traduit par leur éviction systématique de
     toutes les instances du pouvoir politique, économique, administratif et traditionnel »19. Ainsi
     les minorités Montagnardes ne jouissent pas d’une intégration effective dans la communauté
     nationale et leurs droits (culturels, civils et économiques) sont loin d’être reconnus et
     respectés par les autorités publiques camerounaises.

     Conclusion

     Les minorités bénéficient aujourd’hui d’un ensemble de dispositifs normatifs et
     réglementaires au niveau international. Le système des Nations Unies, par le biais d’une
     batterie de déclarations et de résolutions veillent effectivement à la protection et à la
     promotion des droits des minorités à travers le monde. Au Cameroun, c’est la Constitution
     du 18 janvier 1996 qui a consacré la reconnaissance juridique des minorités. Aussi ce pays
     a-t-il ratifié un certain nombre de résolutions prises par les organismes internationaux de
     défense des droits des minorités20. Certes au plan pratique, les minorités vivent encore des
     situations de marginalisation qui s’expriment sur le plan social, culturel, économique,
     politique et institutionnel.

     Dans ce registre, les Montagnards de l’Extrême-Nord du Cameroun constituent des
     minorités à part entière. Contrairement aux Mbororo et au Pygmées qui sont des peuples
     nomades et semi-nomades, les Montagnards sont installés dans leurs sites actuels depuis de
     longue date (VIème siècle) et l’ont effectivement domestiqué. A juste titre ils peuvent être
     considérés comme les premiers habitants de la partie septentrionale du Cameroun. Mais
     depuis la pénétration guerrière des sociétés islamiques et la prise de pouvoir par les
     musulmans à l’avènement de l’indépendance du Cameron en 1960, les Montagnards sont
     restés largement en dehors de la gestion des affaires de la cité. Les communautés des

19
   “Mémorandum des Montagnards Chrétiens et Animistes du Département du Mayo-Sava (Extrême-Nord)”, La
Météo hebdo, n°245, du 22 juin 2009, pp. 8-10.
20
   Pour une lecture juridico-normative de minorités au Cameroun voir James Mouangue Kobila, La protection des
minorités et des peuples autochtones au Cameroun. Entre reconnaissance interne contrastée et consécration
universelle réaffirmée, Paris, Dianoia, 2009.
montagnes vivent de nos jours une discrimination sur le triple plan social, économique et
politique.

Au plan social, ils subissent l’impérialisme culturel des musulmans qui imposent leurs
coreligionnaires pour commander aux montagnards. C’est le cas des Zoulgo, des Guemjek,
des Mboko et des Molko dans l’arrondissement de Tokombéré. Il faut également
mentionner l’ensemble des montagnards migrants dans la région du Nord notamment dans
les localités de Ngong, de Lagdo, de Touboro, de Maimboum, de Gouna…qui vivent
pratiquement sous la tutelle des chefs Foulbé.

Au plan économique, les Montagnards vivent une paupérisation constante en raison
justement de la spéculation foncière et de l’exploitation de leurs mains d’œuvre par les chefs
musulmans.

Au plan politique, les Montagnards sont exclus des instances électives et institutionnelles
comme il est constaté dans le département du Mayo-Sava (voir document annexe).

Le défi aujourd’hui est d’œuvrer à l’éducation et à la sensibilisation de minorités
Montagnardes par rapport à leurs droits culturels, civiques et économiques. Un tel travail
incombe aux partenaires au développement, aux mouvements associatifs, aux leaders
d’opinion et avec notamment la participation des populations elles-mêmes.
Documents

Département du Mayo-Sava

L’exécutif municipal

Arrondissements                 Maires                   Identité ethno-religieuse
Mora                            ABBA BOUKAR              Mandara/Musulman
Kolofata                        MADI GALDA               Mandara/Musulman
Tokombéré                       KARI DEGUER              Molko/Musulman


Le parlement

Arrondissements                députés                    Identité ethno-religieuse
Mora                              - ABBA BOUKAR           Mandara/Musulman
                                  - SALOMON fils de       Mouktélé/Chrétien
                                     DOVOGO
Kolofata                       RAMADAN                    Kanouri/Musulman
Tokombéré                      CAVAYE YEGUIE DJIBRIL      Mada/Musulman


La direction du RDPC, parti dominant dans le Mayo-Sava

Arrondissement         Sections            président        Identité ethno-religieuse
Mora                   Mayo-Sava Nord      ABBA BOUKAR      Mandara/Musulman
kolofata               Mayo-Sava Ouest     TALBA            Mandara/Musulman
                                           DOUNGOUSS
Tokombéré              Mayo-Sava Sud       NABA HANS        Mada/Musulman


Source : « Mémorandum des Montagnards chrétiens et animistes du département du Mayo-
Sava (Extrême-Nord) », La météo hebdo, n°245, 22 juin 2009, p. 9.

Más contenido relacionado

Similar a Les mécanismes internationaux de promotion et de protection des minorités: le cas des Montagnards du Cameroun

Nick Mai (LAMES, AMU/CNRS, France, London Metropolitan University, UK) “ ‘Ass...
Nick Mai (LAMES, AMU/CNRS, France, London Metropolitan University, UK) “ ‘Ass...Nick Mai (LAMES, AMU/CNRS, France, London Metropolitan University, UK) “ ‘Ass...
Nick Mai (LAMES, AMU/CNRS, France, London Metropolitan University, UK) “ ‘Ass...antiAtlas of Borders
 
Analyse postcolonialiste d'un séjour d'études en travail social comparé, par ...
Analyse postcolonialiste d'un séjour d'études en travail social comparé, par ...Analyse postcolonialiste d'un séjour d'études en travail social comparé, par ...
Analyse postcolonialiste d'un séjour d'études en travail social comparé, par ...EcoleTravailSocialUQAM
 
Le territoire
Le territoireLe territoire
Le territoireUPIM
 
Article créolisation urban culture
Article créolisation   urban cultureArticle créolisation   urban culture
Article créolisation urban cultureAude4159
 
Présentation2 (2) (1)
Présentation2 (2) (1)Présentation2 (2) (1)
Présentation2 (2) (1)aymenragoubi
 
7141 . aux origines coloniales de la crise ecologique 1
7141 . aux origines coloniales de la crise ecologique 17141 . aux origines coloniales de la crise ecologique 1
7141 . aux origines coloniales de la crise ecologique 1Gian Paolo Pezzi
 
Emeutes de Deido : critique philosophique
Emeutes de Deido : critique philosophiqueEmeutes de Deido : critique philosophique
Emeutes de Deido : critique philosophiqueEdouard TAMBA
 
La semaine des Outremers 2013 de Sciences Po
La semaine des Outremers 2013 de Sciences Po   La semaine des Outremers 2013 de Sciences Po
La semaine des Outremers 2013 de Sciences Po Isis_LC
 
Le rôle et la place de la femme rurale dans le fonctionnement des institution...
Le rôle et la place de la femme rurale dans le fonctionnement des institution...Le rôle et la place de la femme rurale dans le fonctionnement des institution...
Le rôle et la place de la femme rurale dans le fonctionnement des institution...propac
 
Azizi_Pionniers de l'anthropologie urbaine en france
Azizi_Pionniers de l'anthropologie urbaine en franceAzizi_Pionniers de l'anthropologie urbaine en france
Azizi_Pionniers de l'anthropologie urbaine en franceSouad Azizi
 
Corps pauvres suspendus - F. Sossi [extrait]
Corps pauvres suspendus - F. Sossi [extrait]Corps pauvres suspendus - F. Sossi [extrait]
Corps pauvres suspendus - F. Sossi [extrait]social_cohesion_CoE
 
Querida Amazonia Cap 1+2 (Francais).pptx
Querida Amazonia Cap 1+2 (Francais).pptxQuerida Amazonia Cap 1+2 (Francais).pptx
Querida Amazonia Cap 1+2 (Francais).pptxMartin M Flynn
 
Le Sahel dans tout les sens par Cimper Nayra
Le Sahel dans tout les sens par Cimper NayraLe Sahel dans tout les sens par Cimper Nayra
Le Sahel dans tout les sens par Cimper NayraPatrice Piardon
 
Introchap1ms
Introchap1msIntrochap1ms
Introchap1msyko1982
 

Similar a Les mécanismes internationaux de promotion et de protection des minorités: le cas des Montagnards du Cameroun (20)

Analyse prehistoire V-Augendre
Analyse prehistoire  V-AugendreAnalyse prehistoire  V-Augendre
Analyse prehistoire V-Augendre
 
Amérindien nous
Amérindien nousAmérindien nous
Amérindien nous
 
Nick Mai (LAMES, AMU/CNRS, France, London Metropolitan University, UK) “ ‘Ass...
Nick Mai (LAMES, AMU/CNRS, France, London Metropolitan University, UK) “ ‘Ass...Nick Mai (LAMES, AMU/CNRS, France, London Metropolitan University, UK) “ ‘Ass...
Nick Mai (LAMES, AMU/CNRS, France, London Metropolitan University, UK) “ ‘Ass...
 
Analyse postcolonialiste d'un séjour d'études en travail social comparé, par ...
Analyse postcolonialiste d'un séjour d'études en travail social comparé, par ...Analyse postcolonialiste d'un séjour d'études en travail social comparé, par ...
Analyse postcolonialiste d'un séjour d'études en travail social comparé, par ...
 
Le territoire
Le territoireLe territoire
Le territoire
 
Article créolisation urban culture
Article créolisation   urban cultureArticle créolisation   urban culture
Article créolisation urban culture
 
Mémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 02. La mémoire de l’esclavage
Mémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 02. La mémoire de l’esclavageMémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 02. La mémoire de l’esclavage
Mémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 02. La mémoire de l’esclavage
 
Présentation2 (2) (1)
Présentation2 (2) (1)Présentation2 (2) (1)
Présentation2 (2) (1)
 
Pour un monde sans racisme
Pour un monde sans racismePour un monde sans racisme
Pour un monde sans racisme
 
7141 . aux origines coloniales de la crise ecologique 1
7141 . aux origines coloniales de la crise ecologique 17141 . aux origines coloniales de la crise ecologique 1
7141 . aux origines coloniales de la crise ecologique 1
 
Emeutes de Deido : critique philosophique
Emeutes de Deido : critique philosophiqueEmeutes de Deido : critique philosophique
Emeutes de Deido : critique philosophique
 
La semaine des Outremers 2013 de Sciences Po
La semaine des Outremers 2013 de Sciences Po   La semaine des Outremers 2013 de Sciences Po
La semaine des Outremers 2013 de Sciences Po
 
Le rôle et la place de la femme rurale dans le fonctionnement des institution...
Le rôle et la place de la femme rurale dans le fonctionnement des institution...Le rôle et la place de la femme rurale dans le fonctionnement des institution...
Le rôle et la place de la femme rurale dans le fonctionnement des institution...
 
Azizi_Pionniers de l'anthropologie urbaine en france
Azizi_Pionniers de l'anthropologie urbaine en franceAzizi_Pionniers de l'anthropologie urbaine en france
Azizi_Pionniers de l'anthropologie urbaine en france
 
Corps pauvres suspendus - F. Sossi [extrait]
Corps pauvres suspendus - F. Sossi [extrait]Corps pauvres suspendus - F. Sossi [extrait]
Corps pauvres suspendus - F. Sossi [extrait]
 
Querida Amazonia Cap 1+2 (Francais).pptx
Querida Amazonia Cap 1+2 (Francais).pptxQuerida Amazonia Cap 1+2 (Francais).pptx
Querida Amazonia Cap 1+2 (Francais).pptx
 
Le Sahel dans tout les sens par Cimper Nayra
Le Sahel dans tout les sens par Cimper NayraLe Sahel dans tout les sens par Cimper Nayra
Le Sahel dans tout les sens par Cimper Nayra
 
Mémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 01. Introduction
Mémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 01. IntroductionMémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 01. Introduction
Mémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 01. Introduction
 
Panafricanisme ou marxisme leninisme ?
Panafricanisme ou marxisme leninisme ?Panafricanisme ou marxisme leninisme ?
Panafricanisme ou marxisme leninisme ?
 
Introchap1ms
Introchap1msIntrochap1ms
Introchap1ms
 

Les mécanismes internationaux de promotion et de protection des minorités: le cas des Montagnards du Cameroun

  • 1. Système des Nations Unies de protection et de promotion des droits des minorités : l’exemple des minorités Montagnardes à l’Extrême-Nord Cameroun Alawadi Zelao1 Introduction Les Montagnards constituent un ensemble des groupes sociaux qui vivent dans la zone géographique dénommée par la littérature française les Monts-Mandara2. Ils se trouvent en grand nombre démographique dans la région de l’Extrême-Nord et principalement dans les départements du Mayo-Tsanaga (Mafa, Kapsiki, Bana, Goudé…), dans le département du Mayo- Sava (Zoulgo, Guemjek, Mada, Podoko, Mouktélé…) et dans le département de Diamaré (Mofou, Mboko, Molko…)3. Les Montagnards ont pour écosystème naturel la montagne. Mais avec les dynamiques historiques (conquêtes Foulbé/Mandara, colonisation européenne), certaines communautés montagnardes ont commencé progressivement à coloniser les plaines et s’y sont définitivement installées. Depuis la période de la guerre sainte (jihad) lancée par Othman Dan Fodio, les Montagnards vivent une situation de tutelle de la part des sociétés musulmanes. Au temps colonial allemand et français, les montagnards ont gardé leur attitude de résistance face aux forces extérieures. Avec l’avènement de l’indépendance, la situation des Montagnards n’a pas changé avec la prise de pouvoir Ahmadou Ahidjo qui a œuvré à l’islamisation de la partie septentrionale du Cameroun. Aujourd’hui, la marginalisation se manifeste sur le triple plan social (imposition du modèle d’organisation sociale propre aux musulmans), politique (sous-représentativité dans les instances électives et institutionnelles) et économique (pauvreté aigüe). Cette communication présente les caractéristiques des minorités Montagnardes, indique les sources du droit international qui consacre la protection et la promotion des minorités à l’échelle mondiale et montre en quoi un tel arsenal juridique intéresse la situation des minorités Montagnardes à l’Extrême-Nord du Cameroun. I- Les Montagnards et leur figure de minorité a) Des communautés autochtones subissant les assauts de l’histoire Dans la littérature consacrée aux peuples autochtones, il est généralement mis en exergue l’antériorité de ces groupes dans leur site d’installation en rapport des groupes sociaux qui développent les velléités de domination. Une Etude du problème de discrimination à l’encontre des populations autochtones des Nations Unies souligne justement que : « Les populations 1 Ph/D en Sociologie politique, enseignant-chercheur, Tel (+237) 74 66 55 25, E-mail : alazelao@yahoo.fr 2 Antoinette Hallaire, Paysans montagnards. Les monts Mandara, Paris, ORSTOM, 1991. 3 D’autres groupes montagnards tels les Dowayo (Poli), les Fali (Bénoué) et une partie des Guidar (Guider) sont installés dans la région du Nord.
  • 2. autochtones sont constituées par le descendants actuels des peuples qui habitaient l’ensemble ou une partie du territoire actuel d’un pays au moment où sont venues d’autres régions du monde des personnes d’une autre culture ou d’une autre origine ethnique qui les ont dominés et les ont réduits, par la conquête, l’implantation des populations ou d’autres moyens à un état de non- domination ou colonial »4. Ainsi, les communautés autochtones se trouvent dans leur site écologique de longue et entretiennent avec celui-ci une relation symbiotique voire mythique. Urvoy situe autour du 6ème siècle l’installation des Montagnards dans leur site écologique actuel. A juste titre, les Montagnards constituent les premiers habitants de la partie septentrionale du Cameroun. Ils font partie de la famille des sociétés paléonigritiques dont l’encastrement spatial longe sur plusieurs siècles. En rapport avec les peuples des plaines et notamment les sociétés conquérantes musulmanes (Foulbé, Kanouri, Mandara, Kotoko…), les Montagnards ont un ancrage assez lointain dans les montagnes qu’ils continuent d’occuper. La rencontre des Montagnards avec ces peuples étrangers fut marquée très tôt par des scènes de conflits et de violence endémique5. Les montagnes qui constituent de grandes enclaves démographiques vont subir les battues esclavagistes des empires borno, mandara et pour certains groupes installés dans la partie méridionale (Kapsiki, Hidé, Bana, Goudé…) l’impérialisme culturel des Foulbé. C’est principalement vers ces régions que les caravanes d’extraction humaine ont été organisées en vue de se constituer de mains d’œuvre servile bon marché. Dans la plupart des villages des Montagnes aujourd’hui, il est rappelé dans les récits ce moment de grande agitation qui a véritablement provoqué des bouleversements dans leurs sociétés. Depuis, la relation entre Montagnards et peuples conquérants est marqué du sceau de la dépendance esclavagiste. Pour les différents groupes musulmans, les Montagnards sont des peuples à utiliser dans des travaux domestiques, à constituer en marchandise dans des transactions économiques, bref à maintenir dans une position sociale fruste, marginale et déshumanisant. Il faut prendre le contexte historique d’alors au sérieux pour cerner l’amplitude d’une telle variable. Pour des sociétés structurées sur le modèle des « paliers sociaux »6, à l’intérieur desquelles il existe les « hommes libres » et les « esclaves »7, l’idéologie esclavagiste rentre dans un code social institué. Elle est une norme sociale forte qui organise les relations internes entre les membres de la société et détermine la relation externe aux autres groupes sociaux. Dans ce sens, que le rapport des Montagnards aux sociétés conquérantes ait reposé sur des pratiques esclavagistes traduit plus un état de nature qu’un accident de l’histoire. Il faut saisir cette réalité 4 Cité par Isabelle Schulte-Tenckhoff, La question des peuples autochtones, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 7. 5 Alain Beauvilain, Crises et peuplement au Nord-Cameroun, Tome 2, 1989. 6 Georges Gurvitch, La vocation actuelle de la sociologie, Paris, Puf, 1968, p. 66. 7 Pierre-François Lacroix, « Matériaux pour servir à l’histoire des Peul de l’Adamawa », Etudes camerounaises, n°37-38, 1952, pp. 3-61.
  • 3. comme inhérente à une dynamique historique qui a sa propre idéologie ajustée à l’esclavagisme comme paradigme8. b) Des communautés autochtones vivant dans un espace écologique spécifique Les Montagnards ont pour site écologique naturel la montagne. La montagne remplit plusieurs fonctions : culturel, religieux, politique, écologique et idéologique9. En raison de la forte inscription des peuples dans ces lieux, la montagne fait désormais partie constitutive de la vie collective. Le regard exotique appréhende l’espace montagneux comme un lieu qui peut rendre difficile les conditions d’existence des communautés. C’est bien là une appréhension préconstruite qui est en décalage avec l’empirie du milieu. Avec le temps, les différentes communautés ont réussi à domestiquer les éléments de la montagne au point d’en établir une interdépendance quasi mythique10. Ainsi contrairement à la littérature coloniale qui postule de l’extranéité de la montagne dans l’histoire des Montagnards, il faut désormais mettre en exergue la complicité systémique qui régit le rapport entre montagne et Montagnard. Les Montagnards eux-mêmes accordent un intérêt profond à leur environnement. Toute la dynamique d’interaction est bâtie sur l’anthropogisation de la montagne comme lieu de vie, de religion et d’identité. Selon Jean-Claude Fritz : « Les peuples autochtones ont développé à un niveau élevé la connaissance du milieu, son utilisation et en ont construit des représentations cohérentes dans la logique symbolique. Ils figurent pour un certain nombre d’entre eux dans ce que le scientifique américain Dasmann appelle les ‘peuples des écosystèmes’ »11. Ni réalité externe, ni force exogène, la montagne se décode aux yeux des Montagnards comme une composante consubstantielle à leur histoire, à leur vécu anthropologique et cosmogonique. En montagne, les Montagnards trouvent une vie authentique, organisent une sociabilité pérenne, accomplissent leur religiosité originelle et codifient une économie d’existence forte. Or la rencontre des Montagnards avec les forces extérieures, d’abord les sociétés musulmanes conquérantes, par la suite les autorités coloniales européennes et enfin l’Etat postcolonial, va buter sur une série de contradictions sociales, culturelles et idéologiques. Dans la mouvance des dynamiques historiques, la montagne et les Montagnards sont regardés sous le prisme des préjugés, des appréhensions idéologiques et de présupposés subjectifs. La dynamique de dépeuplement des régions montagneuses amorcée sous la colonisation française indique bien que la montagne ne fut pas considérée comme un espace anthropologiquement 8 Paul Lovejoy, Transformations in slavery. A history of slavery in Africa, Cambridge, Cambridge University Press, 1983. 9 Alawadi Zelao, « Dynamique spatiale et stabilité des représentations socio-identitaires chez les peuples des montagnes au Nord-Cameroun », Elizabeth Tamajong (dir), Les mutations en Afrique, Yaoundé, PUCAC, 2009, pp. 11-40. 10 Jeanne-Françoise Vincent, Les princes montagnards du Nord-Cameroun, Paris, L’Harmattan, 1991. 11 Jean-Claude Fritz et al. (dir), La nouvelle question indigène. Peuples autochtones et ordre mondial, op. cit., p. 75- 76.
  • 4. chargé12. La thèse des « montagnards refoulés »13 aura également servi de ce que les Montagnards ne sont que des habitants saisonniers de leur milieu écologique. Le déplacement des Montagnards en plaine va se traduire chez beaucoup d’entre eux par l’abandon de leurs us et coutumes, des pratiques culturales à l’œuvre en montagnes et de l’assimilation des valeurs sociales étrangères. Le processus d’acculturation va provoquer l’aliénation des peuples de montagnes qui confrontent l’ordre musulman en plaine. Les politiques migratoires mises en œuvre par l’Etat du Cameroun au lendemain de l’indépendance a également contribué à la perte du sens écologique traditionnel chez les Montagnards. La migration hors des montagnes a des répercussions sur la conservation de l’équilibre écologique en territoire montagnard. L’érosion des sols, la disparition progressive des cultures en terrasse, la spéculation foncière imposée par les chefs musulmans (lamido), l’introduction de cultures de rentes (coton) sont quelques facteurs qui précipitent aujourd’hui la crise écologique chez les Montagnards. c) Des communautés autochtones attachées à leurs valeurs traditionnelles L’attachement des peuples autochtones aux valeurs traditionnelles est un trait essentiel de leur identification. C’est ce qui les distingue des autres groupes qui sont très tôt entrés en relation avec la modernité. Outre qu’elles vivent dans un environnement écologique difficile d’accès, les minorités montagnardes restent profondément ancrées dans leur vie ancestrale et traditionnelle. Ainsi dans les villages des montagnes, la vie sociale reste globalement orchestrée par les fêtes et cérémonies traditionnelles. Il s’agit entre autres de la fête des taureaux chez les Mofou, les Zoulgo, les Guemjek ou le Maray chez les Mafa. La fête des taureaux est une grande scène culturelle et cultuelle qui regroupe les membres d’une même communauté et à laquelle sont conviés les peuples voisins. Les activités saisonnières sont également fortement marquées par la religiosité traditionnelle. Ce sont les ancêtres, ces vieux prêtres qui donnent le ton à chaque nouvelle saison en appelant les membres de la communauté aux semailles. Des rites et des incantations sont organisés pour s’assurer de la bénédiction des divinités et des oracles. Car chez les Montagnards la vie sociale baigne essentiellement dans le sacré. Malgré les mutations entraînées par la modernité, la plupart des Montagnards vivent dans leur site écologique naturel : la montagne. Aux yeux des groupes sociaux qui les voisinent, cette vie dans les montagnes révèle un état primaire et fondamental d’existence. Ainsi les Montagnards sont considérés comme des attardés culturels. Leur encastrement écologique dans les montagnes traduit tout simplement qu’ils refusent de s’ouvrir au monde extérieur et donc d’accéder au développement. La descente en plaine des peuples des montagnes est en effet une violation des droits culturels des Montagnards qui doivent désormais vivre hors de leur site écologique. 12 Jean Boutrais, La colonisation des plaines par les montagnards au nord du Cameroun (monts Mandara), Paris, ORSTOM, 1973. 13 Jean-Claude Froélich, Les montagnards paléonigritiques, Paris, Berger-Levrault, 1968.
  • 5. Comme le souligne le Rapport de Groupe de Travail d’Experts : « Les peuples autochtones sont victimes d’une marginalisation culturelle qui a pris différentes formes et qui est causée par une combinaison de facteurs. La perte des principales ressources de production a négativement influé sur les cultures des peuples autochtones, les privant du droit à maintenir le mode de vie de leur choix et de conserver et développer leurs cultures et leur identité culturelle selon propre volonté »14. Les Montagnards subissent l’impérialisme culturel des sociétés musulmanes depuis leur pénétration au Nord-Cameroun. La domination culturelle des Montagnards se manifeste également par l’imposition du système lamidal15 dans toute la partie septentrionale du Cameroun. La relégation au second plan des structures traditionnelles propres aux Montagnards constitue une entorse à l’expression de leur identité. Désormais ils doivent vivre selon les normes sociales des groupes dominants, ce qui les expose à une déperdition culturelle permanente. Ce qu’il faut davantage savoir ce que la relation entre les Montagnes et leur milieu écologique repose essentiellement sur une relation symbiotique, de réciprocité et de mutualité. Tous les peuples des montagnes gardent une mémoire vive de la montagne malgré les changements intervenus avec la modernité. De la montagne, les peuples autochtones y puisent des ressources diverses à leur médication, à leur subsistance et à leur habitat. L’attachement à la montagne s’explique en ce qu’elle représente une part importante de l’identité des peuples qui y vivent depuis des lustres. d) Des communautés marginalisées Les Montagnards connaissent une situation de marginalisation qui se traduit par leur éviction des centres de décision et des lieux d’accumulation des ressources16. Tant sur le plan politique qu’économique, les Montagnards sont à la traîne et maintenus à l’arrière-plan des groupes dominants essentiellement constitués des musulmans. La marginalisation politique et économique des montagnards remonte au régime d’Ahmadou Ahidjo, premier président camerounais, qui avait mis en place le processus d’islamisation qui a fonctionné sur le terrain politique par un mécanisme d’exclusion de certains groupes sociaux dans la partie septentrionale. Durant cette période l’élite administrative et politique était constituée des Foulbé et d’autres islamisés. Les chefs traditionnels montagnards étaient fortement conviés de se convertir à l’islam, parfois par crainte de représailles et de discrimination. Aujourd’hui, la plupart des chefferies 14 Rapport du Groupe de Travail d’Experts de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples sur les Populations/Communautés autochtones, Copenhague, Danemark, 2005, p. 47. 15 Organisation sociale des foulbé au Nord-Cameroun. 16 Au Cameroun depuis l’ouverture démocratique, la marginalisation politique des minorités est davantage une réalité complexe. Lire Ibrahim Mouiche, Démocratisation et intégration sociologique des minorités ethniques. Entre dogmatisme du principe majoritaire et centralité des partis politiques, Dakar, CODESRIA, 2012.
  • 6. traditionnelles chez les Montagnards fonctionnent sur le modèle des lamidats, système d’organisation sociale propre aux Foulbé. Si dans le contexte de l’ouverture démocratique des années 1990, les Montagnards ont commencé à manifester un réveil politique dans certaines localités17, il est à souligner que de manière globale leur situation politique montre toujours une mise en marge. Au sein des communautés Montagnardes des revendications se manifestent par le biais des mémorandums envoyés à l’adresse des pouvoirs publics18. Les montagnards accusent jusqu’ici un retard de développement alors que les infrastructures de développement sont concentrées en territoire musulman. Cette réalité est surtout manifeste dans le département du Mayo-Sava où il s’observe une grande opposition des composantes ethnico-religieuses avec une discrimination à l’encontre des communautés non-musulmanes. L’élite musulmane élabore un ensemble de stratégies qui visent à l’exclusion des minorités montagnardes des instances de décision. L’espace sociopolitique est largement monopolisé par les musulmans. Aussi bien au niveau de l’exécutif municipal, du parlement que de la direction politique (sections notamment) du Rassemblement démocratique du peuple Camerounais (Rdpc), l’élite musulmane domine l’activité politique. Du coup les montagnards sont mis à la traîne et servent de « bétail électoral » aux groupes sociaux dominants. II- Principales sources de promotion des droits des Minorités à l’échelle internationale et africaine Aussi bien à l’échelle internationale qu’africaine, il y a plusieurs résolutions et recommandations qui portent sur la protection et la promotion des droits des minorités. Ces instruments ont l’avantage de prendre en compte la spécificité qui caractérise les minorités à travers le monde. Nous évoquons ici les principales résolutions des Nations Unies et celles de l’Union Africaine. a) Au niveau international - 1992 : l’Assemblée Générale a adopté par consensus la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Minorités (résolution 47/135). Il s’agit du principal document de référence en la matière,  Droit à la protection des minorités par les Etats,  Droit de jouir de leur propre culture,  Droit de participer pleinement à la vie publique (civile, politique)… 17 Alawadi Zelao, « Contexte de démocratisation et conduites politiques des peuples des montagnes au Nord- Cameroun : le charisme identitaire à l’épreuve des mutations sociopolitiques », Alawadi Zelao et al. (dir), Le Cameroun septentrional en transition. Perspectives pluridisciplinaires, Paris, L’Harmattan, 2012, pp. 169-206. 18 « Mémorandum des Montagnards Chrétiens et Animistes du Département du Mayo-Sava (Extrême-Nord) », La Météo hebdo, n°245, du 22 juin 2009, pp. 8-10 ; « Mémorandum des Chefs traditionnels non-musulmans de l’arrondissement de Tokombéré », La Météo hebdo, n°282 du 05 avril 2010.
  • 7. - 1994 : Projet de Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adopté par la Sous-commission de la protection et de la promotion des droits de l’homme ; - 1995, Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales du 1er février 1995 ; - 1998 : la résolution 52/123 de l’Assemblée générale des Nations Unies portant sur la Promotion effective de la Déclaration sur les droits de des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques ; - 2004 : la résolution 59/174 de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du 20 décembre 2004 a proclamé la seconde décennie internationale (2005-2014) des populations autochtones, avec pour but de : « renforcer encore la coopération internationale aux fins de résoudre les problèmes qui se posent aux peuples autochtones dans les domaines tels que la culture, l’éducation, la santé, les droits de l’hommes, l’environnement et le développement économique et social, au moyen de programmes orientés vers l’action et de projets concrets, d’une assistance technique accrue et d’activités normatives dans les domaines en question », - 2005, le Groupe de Travail pour les minorités a adopté un commentaire visant à faciliter l’interprétation et la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les Minorités. Il y est dit que : « Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion ou d’employer leur propre langue ». - 2007, La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 septembre 2007. b) Au niveau africain Il faut surtout évoquer principalement : - La « Résolution sur les droits des peuples/communautés autochtones en Afrique » adoptée lors de la 28ème session ordinaire et qui a prévu la création d’un Groupe de travail avec le mandat suivant :  Examiner le concept de peuples et de communautés autochtones en Afrique ;  Analyser les implications de la Charte africaine sur les droits humains et le bien-être des communautés autochtones ;  Formuler des recommandations appropriées pour le suivi et la protection des droits des communautés autochtones ;  Présenter un rapport à la Commission africaine (ce rapport est déjà disponible depuis 2005). - 2007 : La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, qui stipule en son article 43 que : « Les Etats parties veillent à ce que tous les citoyens aient
  • 8. accès à l’enseignement primaire gratuit et obligatoire, en particulier les filles, les populations des zones rurales, les minorités, les personnes vivant avec handicap et autre groupe social marginalisé » En définitive, il est à souligner qu’au plan international un arsenal des dispositifs normatifs et juridiques existe, qui encadre la protection et la promotion des droits des peuples et communautés autochtones. Il faut ajouter à cela les rencontres scientifiques, les conférences et la mobilisation des acteurs de la société civile qui, à de différents niveaux contribuent par des actions multiformes à la sauvegarde de la dignité et de la liberté des minorités. Mais en dépit de cette forte mobilisation, il reste que la situation des minorités est toujours préoccupante. Certes les minorités ne vivent pas les mêmes conditions de vie partout à travers le monde. S’agissant des Minorités montagnardes de l’Extrême-Nord au Cameroun, celles-ci continuent de subir une série des discriminations sur le plan culturel, économique et politique. Elles vivent des conditions de marginalisation et d’exclusion qui affectent considérablement leur capacité à préserver leur identité et leur participation à la gestion des affaires dans la communauté nationale. Pour palier à cette marginalisation multiforme, il faut surtout que les pouvoirs respectent et mettent en œuvre les normes internationales de protection des minorités et veuillent à ce que les Montagnards ne soient plus soumis à l’exclusion des groupes sociaux dominants et qu’ils soient désormais partie prenante des politiques de développement engagés en leur direction. Les minorités Montagnardes devraient désormais trouver une oreille attentive auprès de l’Etat du Cameroun qui est signataire d’un ensemble d’accords et de résolutions à l’échelle internationale. La résolution 59/174 de l’Assemblée générale des Nations Unies sus-évoquée portant sur la « seconde décennie internationale des populations autochtones » a énoncé cinq (05) objectifs à atteindre ; lesquels objectifs intéressent directement les minorités Montagnardes : 1) Promouvoir la non-discrimination et l’intégration des peuples autochtones dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des initiatives, régionales et nationales en matière de législation, de politiques, de ressources, de programmes et de projets ; 2) promouvoir la participation pleine et entière des peuples autochtones à la prise des décisions qui concernent directement ou indirectement leur mode de vie, leurs terres et territoires traditionnels, leur intégrité culturelle en tant que peuples autochtones disposant des droits collectifs ou tout autre aspect de leur vie, sur la base du principe du consentement préalable, libre et éclairé ; 3) redéfinir les politiques de développement afin qu’elles soient fondées sur le principe d’équité et culturellement acceptables, en respectant notamment la diversité culturelle et linguistique des peuples autochtones ; 4) Adopter des politiques, des programmes, des projets et des budgets axés sur le développement des peuples autochtones et notamment des objectifs d’étape concrets et mettant un accent particulier sur les femmes, les enfants et les jeunes autochtones ;
  • 9. 5) Mettre en place de solides mécanismes de suivi et renforcer le système de responsabilisation à l’échelon international, régional et surtout national pour ce qui a trait à la mise œuvre des cadres juridiques, politiques et opérationnels pour la protection des peuples autochtones et l’amélioration de leur conditions de vie ». Dans un mémorandum envoyé aux pouvoirs publics en 2009, les Montagnards ont souligné que : « Majorité démographique », respectueuse des institutions de la République, communautés très laborieuses et industrieuses disséminées sur l’ensemble du territoire national, cette catégorie sociologique vit aujourd’hui une situation d’exclusion, de marginalisation, de discrimination qui défie tout indicateur de développement humain. Les montagnards chrétiens et animistes du département du Mayo-Sava vivent une véritable condition de sous-citoyenneté chronique qui se traduit par leur éviction systématique de toutes les instances du pouvoir politique, économique, administratif et traditionnel »19. Ainsi les minorités Montagnardes ne jouissent pas d’une intégration effective dans la communauté nationale et leurs droits (culturels, civils et économiques) sont loin d’être reconnus et respectés par les autorités publiques camerounaises. Conclusion Les minorités bénéficient aujourd’hui d’un ensemble de dispositifs normatifs et réglementaires au niveau international. Le système des Nations Unies, par le biais d’une batterie de déclarations et de résolutions veillent effectivement à la protection et à la promotion des droits des minorités à travers le monde. Au Cameroun, c’est la Constitution du 18 janvier 1996 qui a consacré la reconnaissance juridique des minorités. Aussi ce pays a-t-il ratifié un certain nombre de résolutions prises par les organismes internationaux de défense des droits des minorités20. Certes au plan pratique, les minorités vivent encore des situations de marginalisation qui s’expriment sur le plan social, culturel, économique, politique et institutionnel. Dans ce registre, les Montagnards de l’Extrême-Nord du Cameroun constituent des minorités à part entière. Contrairement aux Mbororo et au Pygmées qui sont des peuples nomades et semi-nomades, les Montagnards sont installés dans leurs sites actuels depuis de longue date (VIème siècle) et l’ont effectivement domestiqué. A juste titre ils peuvent être considérés comme les premiers habitants de la partie septentrionale du Cameroun. Mais depuis la pénétration guerrière des sociétés islamiques et la prise de pouvoir par les musulmans à l’avènement de l’indépendance du Cameron en 1960, les Montagnards sont restés largement en dehors de la gestion des affaires de la cité. Les communautés des 19 “Mémorandum des Montagnards Chrétiens et Animistes du Département du Mayo-Sava (Extrême-Nord)”, La Météo hebdo, n°245, du 22 juin 2009, pp. 8-10. 20 Pour une lecture juridico-normative de minorités au Cameroun voir James Mouangue Kobila, La protection des minorités et des peuples autochtones au Cameroun. Entre reconnaissance interne contrastée et consécration universelle réaffirmée, Paris, Dianoia, 2009.
  • 10. montagnes vivent de nos jours une discrimination sur le triple plan social, économique et politique. Au plan social, ils subissent l’impérialisme culturel des musulmans qui imposent leurs coreligionnaires pour commander aux montagnards. C’est le cas des Zoulgo, des Guemjek, des Mboko et des Molko dans l’arrondissement de Tokombéré. Il faut également mentionner l’ensemble des montagnards migrants dans la région du Nord notamment dans les localités de Ngong, de Lagdo, de Touboro, de Maimboum, de Gouna…qui vivent pratiquement sous la tutelle des chefs Foulbé. Au plan économique, les Montagnards vivent une paupérisation constante en raison justement de la spéculation foncière et de l’exploitation de leurs mains d’œuvre par les chefs musulmans. Au plan politique, les Montagnards sont exclus des instances électives et institutionnelles comme il est constaté dans le département du Mayo-Sava (voir document annexe). Le défi aujourd’hui est d’œuvrer à l’éducation et à la sensibilisation de minorités Montagnardes par rapport à leurs droits culturels, civiques et économiques. Un tel travail incombe aux partenaires au développement, aux mouvements associatifs, aux leaders d’opinion et avec notamment la participation des populations elles-mêmes.
  • 11. Documents Département du Mayo-Sava L’exécutif municipal Arrondissements Maires Identité ethno-religieuse Mora ABBA BOUKAR Mandara/Musulman Kolofata MADI GALDA Mandara/Musulman Tokombéré KARI DEGUER Molko/Musulman Le parlement Arrondissements députés Identité ethno-religieuse Mora - ABBA BOUKAR Mandara/Musulman - SALOMON fils de Mouktélé/Chrétien DOVOGO Kolofata RAMADAN Kanouri/Musulman Tokombéré CAVAYE YEGUIE DJIBRIL Mada/Musulman La direction du RDPC, parti dominant dans le Mayo-Sava Arrondissement Sections président Identité ethno-religieuse Mora Mayo-Sava Nord ABBA BOUKAR Mandara/Musulman kolofata Mayo-Sava Ouest TALBA Mandara/Musulman DOUNGOUSS Tokombéré Mayo-Sava Sud NABA HANS Mada/Musulman Source : « Mémorandum des Montagnards chrétiens et animistes du département du Mayo- Sava (Extrême-Nord) », La météo hebdo, n°245, 22 juin 2009, p. 9.