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L'EVENEMENT
FINANCE AMERICAINE
Après les tests
Les banques s'empressent peu coutumier d'un vocabulaire aussi teinte
d'enthousiasme Les resultats ne faisaient
dè lever du capital pour échapper pourtant que confirmer les fuites abondan
à la tutelle publique. tes et de toute évidence orchestrées de
la semaine précédente Dix des dix neuf
PAR GUY MARCHAL Capital Assessment Program), auxquels etablissements se voyaient collectivement
ET THOMAS MAURICE, À NEW YORK les autorites fédérales américaines ont sou invites a lever 74,6 milliards de dollars de
mis dix neuf etablissements financiers de capitaux pour parer a toute éventualité
C
'est un immense soupir collectif premier plan Le lendemain, l'indice KBW (voir le tableau page 9), et en particulier
de soulagement qui a accueilli, Ic des valeurs bancaires s'envolait de plus de a un scénario « noir » susceptible d'engen
jeudi 7 mai au soir, la publication 12 % « Reconfort considérable pour les drer pres de 600 milliards de dollars de
des resultats des « stress tests >, investisseurs et le public », résumait le pre pertes supplémentaires Neuf bons élevés,
de leur veritable nom SCAP (Superviser)- sidem de la Reserve Federale Ben Bernanke, parmi lesquel JPMorgan Chase, Goldman
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( Le discours de Ben Bernanke sur la nécessité j
pour les banques américaines d'améliorer I
leur politique de gestion du risque a été I
largement diffusé. Ici, sur les écrans de la (
Réserve fédérale de l'Illinois à Chicago.
Quelle utilité ?
Ti m oth y Geithner,
secrétaire au Trésor
« américain
« Notre plan a n Nous en sommes juste au début et nous
devons continuons ct 'œuvrer pour renforcer
pour but de sortir le systeme financier de maniere a ce qu'il
puisse fournir la production de credit
le gouvernement nécessaire a la reprise »
de notre banque (7 mai 2009)
le plus vite Paul Krugman,
économiste. Prix Nobel
possible »
Kenneth Lewis, « Nous prenons des demi-mesures
président-directeur général cle soutien a /'economie qui vont la maintenir
de Bank of America
alanguie sans véritable reprise, et nous
prenons des mesures d'aide aux banques
qui leur permettront de survivre
sans vraiment prospérer »
(11 mai 2009)
Ben Bernanke,
président de la Réserve
fédérale
Sachs ou encore AmeriL c in Fxpress, ont ete Kenneth I ewis ne pouvait contenir ce cri « Ces examens n'étaient pas des tests
luges suffisamment capitalises. du cœur a propos des stress tests • « je pense de solvabilité maîs plutôt un programme
visant a anticiper, un exercice du type
Comme prévu, c'est à Bank of America que jamais des tests n'ont aussi bien porté
'Que se passe-t ii si ?' »
qu'a été demande le plus gros effort : renfor- leur nom. » Maîs une fois l'épreuve franchie,
cer ses fonds propres à hauteur de i3,9 mil- quelle est la suite ' « Notre plan a pour but (7 mai 2009)
liards de dollars, près de la de sortir le gouvernement
moine de l'enveloppe totale. Les fonds propres de notre banque le plus
supplémentaires requis
Maîs la aussi, analystes et vite possible », affirmait le lards de dollars d'argent public dans le
investisseurs s'attendaient I En milliards de dollars) même Kenneth Lewis sans cadre du Tarp et doivent à nouveau ren-
à pire. De fait, la Réserve Bank of America 340
la moindre hésitation. forcer leurs fonds propres C'est aussi le
federale aurait initialement Wells Fargo 140 cas du geant du crédit automobile GMAC,
réclame à la première ban- GMAC 115 Autonomie invité à lever 11,5 milliards de dollars sup-
que des Etats-Unis plus de Citigroup 55 Ses homologues des dix- plémentaires, et qui n'a d'autre veritable
50 milliards dc dollars, selon Morgan Stanley 15 huit autres etablissements choix que de se présenter a nouveau au
le Wall Street journal, avant PNC DB testés auraient pu repren- guichet gouvernemental. De l'autre côté
de reviser sensiblement ses Regions 25 dre cette dernière phrase figurent les établissements epargnes par les
exigences à la baisse. A l'évi- Sun Trust il mot pour mot. Maîs pour « stress tests » et pour lesquels la priorité
dence, les négociations ont Key Corp 18 s'affranchir de la contrain- est désormais le remboursement des fonds
été tendues Quèlques heu- Fifth Third 11 te gouvernementale, tous du Tarp. JPMorgan Chase (25 milliards de
res à peine apres la publica Met Life -US Bancorp - ne sont pas logés a la dollars) et Goldman Sachs ( IO milliards) se
non des résultats, au cours Goldman Sachs - JPMorgan - même enseigne. D'un côté disent prêts a rembourser en totalité, des
BNY Mellon -State Street - O maintenant. A la publication des résultats,
d'un « conference call » des- se trouvent des établis-
Capital One - BET - American
tine à présenter la réponse sements comme Bank of American Express (3,4 milliards) enten-
Express
dc Bank of America, le America ou Citigroup, qui dait entamei des discussions dans ce sens
Total 74,7
président-directeur général ont reçu chacun 45 mil- le plus vite possible. Et le ll mai, quatre
Source L Agefi
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Le « stress test » en fait demande aux banques est de déte-
nir un excès de capital ». Il s'appuie sur le
Les deux scénarios
se fonde sur des précédent de la fin des années 80, quand
la crise des « Savmgs é" Loans » avait (En %)
Croissance
economique
Chômage
Prix
immobiliers*
hypothèses de pertes pousse les autorites américaines à formu-
ler des demandes similaires, pour estimer Scénario
2009 2010 2009 2010 2009 2010
4
2 2 1 8 4 8 8 -144
sans précédent que la rentabilité des banques américaines
de base
Scénario
3 3 0 5 8 9 103 22 7
les plus concernées par les stress tests sera extrême
banques - US Bancorp, Capital One, BB&T, affectée au moins jusqu'à l'an prochain, "indice Case Shiller
et Keycorp - annonçaient des augmenta- avant d'entamer une remontée progressive
tions de capital dans le but avoué de rem- jusqu'en 2015 des résultats tout comme de comme référence aurait abouti à réclamer
bourser les aides reçues dans le cadre du la valeur de leurs actions. 68 milliards de dollars de fonds propres de
Tarp (Troubled Asset Relief Program). Maîs d'autres analystes sont d'un avis plus aux 19 banques auditées.
Certains y voient un risque, celui de créer contraire : les quelque 75 milliards de dollars Autre elément à entrer en ligne de
un système bancaire à deux vitesses. Samuel supplémentaires de fonds propres réclames compte, et non des moindres : l'évolution
Hayes, professeur à la Harvard Business, par les autorités fédérales, lom de représen- de l'économie au cours des prochains mois.
expliquait récemment que les premières ter un excès, seraient en réalité nettement Si les prévisions des autorités fédérales ont
banques à sortir du Tarp « v ont pouvoir insuffisants. Les analystes de Fnedman été trop optimistes, le scénario qui pour-
se financer a moindre coût et auront plus Billmg Ramsey évaluent à 60 milliards de rait se profiler à l'horizon est celui de la
de clients » rassurés par cette preuve de dollars les besoins de Bank of America. Egan « décennie perdue » au Japon. « Ce qui se
leur solidité. En outre, la disparition des Jones avance le chiffre de 100 milliards, SNL passe ici rappelle le japon en 1998, estime
contraintes relatives imposées par l'Etat sur Financial celui de 66 milliards pour Wells Adam Posen, directeur adjoint du Peterson
les rémunérations leur permettrait d'attirer Fargo et 33 milliards pour JPMorgan Chase. Institute for International Economies. Le
les meilleurs talents. Ces différences sont dans une large mesure gouvernement n'a pas mis assez d'argent
Une autre distorsion possible est sou- affaire de méthodologie. La Reserve fede- dans les banques, et trois ans plus tard, la
levée par Richard Bove, analyste chez rale s'en tient au ratio de solvabilité Tier crise a recommencé. »
Rochdale Secunties. Le point de départ one, alors que les analystes lui préfèrent le
de son analyse est que le stress test se plus souvent le Tangible Commun Equity, La deuxième vague
fonde sur des hypothèses de pertes sans ou TCE, plus restrictif car excluant les élé- D'autant qu'un stress test vaut ce que valent
précédent dans l'histoire des banques ments intangibles et les actions préféren- les critères d'évaluation utilisés. Latente
américaines, y compris lors de la Grande tielles. Selon Gerard Cassidy, analyste chez depuis le début de l'opération, cette réflexion
depression. Il en conclut que « ce qui est RBC Capital Markets, utiliser le ratio TCE n'a pas manque de resurgir a l'annonce des
résultats. Les deux scénarios macroécono-
miques retenus par le Trésor et la Réserve
Pourquoi pas l'Europe ? fédérale ont souvent été jugés trop optimistes
comparé à des scénarios parallèles réalisés
L'opération des v stress tests » l'entente entre les régulateurs par des établissements bancaires. Face aux
aux Etats-Unis donne des Banque centrale europeenne, analystes se focalisant sur deux ou trois bons
idées, et quèlques voix n'ont Banque d'Angleterre et Banque indicateurs immobiliers pour predire l'amé-
pas tardé à se demander si le nationale suisse Line gageure lioration prochaine de la situation et de la
Vieux Continent ne devrait pas A commencer par la zone euro sortie de crise, les plus critiques préfèrent
faire ses propres tests Surtout elle-même qui ne dispose pas mettre l'accent sur la deuxième vague de
depuis que le Fonds monetaire au jour d'aujourd'hui d'une dépréciations à venir dans les bilans bancai-
international (FMI) a rendu autorité de tutelle unique, res. Cette deuxième vague de défauts et de
publiques des estimations ni même d'une supervision pertes sera la conséquence de la récession
alarmistes de dépréciations macroprudentielle il faudrait La Banque d'Angleterre. économique qui produira ses effets par le
d'actifs et de dégradations des aussi résoudre les situations truchement d'un secteur résidentiel toujours
bilans bancaires a venir, plus disparates des secteurs tests « macro » aux cadrages pas rétabli et aux prix toujours en baisse,
sévères en Europe qu'outre bancaires d'un pays à l'autre définis par le Tresor et la des défaillances dans l'immobilier commer-
Atlantique Les banques n'ont d'ailleurs pas Réserve fédérale Avec pour but cial, secteur bien mal en point comme le
ll resterait à passer en 2009- attendu la crise pour mener des une communication politique montrent déjà les résultats du PIB du pre-
2010 950 milliards pour les stress tests, plus techniques, sur destinée au grand public et aux mier trimestre, ou encore des défauts sur
banques européennes la base de critères internes et marchés financiers pour leur cartes dc crédit à attendre avec la montée
Reste qu'un test homogène et concernant la liquidité bancaire, redonner confiance. Pas sûr que du chômage. Toutefois, « la période de crise
uniforme concernant les plus la courbe des taux Cette les gouvernements européens économique que les banques vont traverser
grandes banques européennes fois, l'originalité de l'opération soient disposés à mener une faite d'une augmentation du chômage et de
devrait résoudre la question de américaine est de mener des telle opération de transparence faillites d'entreprise leur est mieux connue,
explique Jean-Louis Dufloux, directeur
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général dequinox Consulting. Elles savent
anticiper et provisionner ce genre de situa- ENTRETIEN AVEC...
tions qui reposent sur des historiques mieux
Eric Delannoy,
maîtrisés ».
vice-président de Weave France
La question est de savoir si les stress
tests étaient suffisamment stressants pour
donner une image réaliste du secteur ban- ^
caire. A côte du scénario de base, le second
scénario plus sombre du gouvernement
de concurrence » °
débouche sur un total de pertes de 600 mil Les « stress tests » permettent-ils d'y voir Absolument N'oubliez pas que les
liards dc dollars pour 2009-2010 avec tout plus clair dans les bilans bancaires ? recapitalisations publiques s'accompagnent
de même un taux de pertes de 22,5 % des Dans le contexte américain de défiance d'une limitation des salaires et des revenus
prêts sur les cartes de crédit. Ce qui por- et de manque de visibilité déplore par les des dirigeants et des traders Tel est le
terait la facture depuis le début de la crise marches, loperation des stress tests était une prix à payer pour être renfloué par l'argent
jusqu'en 2010 pour les 19 grandes banques excellente idée Elle permet aux régulateurs du contribuable C'est pourquoi Goldman
du pays considérées comme « tao big to de mettre le nez dans la strategie des banques Sachs veut rembourser au plus vite l'Etat
fail » à 950 milliards de dollars. Plusieurs américaines, alors même que les banques Forte de sa solidité financière, la banque
autres estimations tablent sur 500 milliards voyaient d'un tres mauvais œil d'être placées veut s affranchir de cette problématique de
de pertes a passer sur les deux ans a venir ; sous la tutelle de l'administration et que leurs revenus pour pouvoir attirer les meilleurs
le Fonds monetaire international projette actionnaires n'appréciaient pas d'être dilués talents
pour sa part une somme de 550 milliards par l'Etat L'administration Obama a cherché à
de dollars. Par ailleurs, les taux de chômage couper court au débat sur la qualite des bilans Pourtant, l'intervention de l'Etat fédéral
retenus par les régulateurs américains sont bancaires avec une communication claire sera temporaire...
également sujets à caution : 8,8 % dans le Ce faisant, elle fait pression sur les banques Il existe tout de même un risque important
scénario de base 2009 et 10,3 % dans l'al- et les responsabilise sur leurs besoins en de distorsion de concurrence « négative »
ternatif à la fin de 2010. Il leur est reproché recapitalisation C'est efficace ll suffit de voir au moment de la sortie de la puissance
d'être trop faibles et donc de ne pas suf- Wells Fargo et Morgan Stanley qui se sont publique du capital des banques La fm
fisamment anticiper les pertes potentielles empressés d'annoncer la levée de capitaux de la tutelle publique devra respecter la
dans l'activité des cartes de crédit. privés avant la publication des résultats des concurrence entre les etablissements
stress tests pour préserver leur autonomie bancaires sur les marchés financiers
Immobilier commercial d'action et surtout éloigner le spectre d'une et aussi en termes de recrutement des
Reste que le scénario officiel du pire des stress nationalisation potentielle banquiers ll s'agira de gérer et d'éviter
tests (voir le tableau page I O) constitue à peu un étalement dans le temps trop long
près la moyenne des prévisions parallèles pri- Le but principal des dirigeants qui serait favorable aux premiers sortis et
vées menées par de grands noms de Wall des banques est donc de préserver préjudiciable aux derniers L'exercice va
Street. Des estimations qui considèrent que leur indépendance de gestion ? nécessiter du doigté.
le plein impact du deleveragmg est encore à
venir, en dépit de la Lean Officer Survev de de 8,5 % pour un montant de 53 milliards été fortement reprochée au cours des années
la Fed d'avril montrant des banques moins de dollars. Au moins 500 banques auraient précédentes. » Une opération destinée aussi
nombreuses à resserrer les standards d'octroi une exposition importante à l'immobilier à rassurer le Congrès. Les 75 milliards de
de crédit aux entreprises et aux particuliers. commercial, selon une étude de Forsight dollars de recapitalisations réclamées entrent
Le tableau de l'extrême pour les économistes Analytics. Sorties du marché résidentiel par dans le programme du Tarp et évitent de pas-
de Morgan Stanley serait une récession de les grandes banques et les firmes de Wall ser une nouvelle fois devant les parlementai-
-5,8 % cette année avec un taux de chôma- Street, elles ont double leur encours de prêts res américains soucieux des deniers publics
ge, l'an prochain, de 12 % de la population aux promoteurs et aux constructeurs pen- ct peu enclins à faire des concessions aux
active. Il porterait les pertes cumulées (haris dant la bulle immobilière. firmes de Wall Street.
et securises) des banques sur la période 2007 Quoi qu'il en soit, les stress tests ont L'objectif du Trésor et de la Réserve fédé-
à 2010 à 4.000 milliards de dollars, dont Ie mérite d'exister et d'être une tentative rale est de redonner vie au marché du crédit
3.000 milliards à venir. de faire le point sur les bilans des grands ou de remettre sur pied le marché de la titn-
Un autre problème majeur n'est pas mis etablissements du pays. Une opération de sation. Le pan n'est pas gagné. Du côté de la
en exergue dans les stress tests des 19 gran- communication destinée à rassurer le grand demande de crédit, les emprunteurs se sont
des institutions financières du pays passées public et les investisseurs. «Jusqu'ici, les faits plus rares avec la récession. Du côté de
au crible, soulignent plusieurs analystes banques avaient aussi leurs propres para- l'offre, la solvabilité dégradée des entrepri-
américains, ht pour cause, il concerne essen- mètres internes pour évaluer les risques, ses et des consommateurs, tout comme les
tiellement les petites et moyennes banques indique Jean-Louis Dufloux. Le régulateur contraintes de bilans des banques consti-
régionales : c'est la question de l'immobilier a mis en place un scénario de place pour tuent un frein majeur. Les tests de résistance
commercial pour lequel le scénario du pire lever l'incertitude, l'ennemi des marchés, et du bilan de sante sont finis, maîs le stress est
par les régulateurs prévoit un taux de pertes montre sa présence tant son absence lm a encore présent. •
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