Burkina Faso - “Saly, Grande Soeur”, un folleto editado por la Delegación de Tierra de hombres, basado en el tema de las pequeñas empleadas domésticas.
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Saly, Grande Soeur - Tdh Burkina Faso
1. Saly,
Grande Sœur
Fondation Terre des hommes - Lausane
Délégation du Burkina Faso
2. 2 | Saly, grande sœur
Table des matières
Page 3 Introduction
Page 6 Saly, Grande Soeur
Page 11 A propos de l’histoire “Saly Gande Soeur”.
Page 13 Situations ou les filles domestiques ont besoin de
protection.
Page 16 Qu’est ce qu’une “Grande Soeur”
Page 19 Pratiques de protection développées par les
“Grandes Soeurs”
Page 23 Limites de la Pratique Endogène de Protection
“Grandes Soeurs”
Page 26 Renforcement de la Pratique Endogène de
Protection “Grandes Soeurs”.
Page 28 Conclusion
3. TERRE DES HOMMES | 3
Introduction
P
ourquoi certains enfants
ont-ils droit à un bon logement,
à une bonne alimentation, à une
bonne éducation, à la santé etc. et
pas d’autres ? Pourquoi lorsqu’il y a une jeune domestique
dans une maison, on oublie qu’elle est une enfant ? Tous les
enfants n’ont-ils pas les mêmes droits ? Tous les enfants ne
méritent-ils pas d’être en sécurité, de dormir assez la nuit, de
jouer et de se reposer ? Est-ce parce qu’un enfant vient d’une
famille pauvre et qu’il est obligé de travailler dès le bas âge qu’il n’a
pas droit de s’amuser et de faire des bêtises parfois ?
Pourquoi regarde t-on les petites domestiques comme des personnes
à part, capables d’exécuter toutes sortes de travaux sans montrer
de signes de fatigue ? Être domestique doit-il priver les petites filles
de leurs droits les plus élémentaires en tant qu’enfant?
Malheureusement, les filles domestiques sont la plupart du
temps laissé à elles-mêmes. Loin de leur village et de leurs
familles, elles n’ont souvent d’autres recours de protection
fiable qu’elles mêmes. Lorsqu’elles en ont la possibilité,
elles se regroupent et certaines protègent les autres :
ce sont les Grandes Sœurs.
4. 4 | Saly, grande sœur
Dedicaces
A toutes les petites filles domestiques,
A ces petites mains travailleuses,
qui souvent souffrent en silence.
6. 6 | Saly, grande sœur
Saly, Grande Soeur
Depuis le quartier Dassasgho dans la zone périphérique de Ouaga,
Saly pense aux deux nouvelles qui doivent arriver. Leur trajet va t-il
bien se passer ? Seydou le transporteur va t-il les aider à leur arrivée ?
C’était important que Seydou donne les indications nécessaires au
taximan pour conduire les deux nouvelles chez le logeur.
C’est sa tante, Assétou, qui l’avait informée que sa cousine et une
autre fille, viendraient à Ouaga. Assétou souhaitait que Saly aide les
deux petites. Saly avait tout de suite accepté. Ce n’était pas la première
fois qu’on lui demandait un tel service. Et comme d’habitude, elle avait
donné des conseils pour que le voyage se passe bien. Ensuite, elle avait
pris la précaution de confier les filles à un adulte. Quelques années
auparavant, Saly avait emprunté elle aussi l’axe Louta Ouaga pour la
première fois. Elle était alors comme les deux filles, naïve, ne se doutant
pas des difficultés qui l’attendaient.
Aujourd’hui, à 17 ans, Saly sait que migrer c’est être exposé à
l’insécurité, à l’exploitation, aux abus de toutes sortes, à la violence et
à la maltraitance. Elle sait que les deux filles vont bientôt découvrir
ce que c’est que être vulnérable. Se sentir vulnérable, être perdu,
désemparé, sans recours, seul face à un danger ; un sentiment qui se vit,
qui ne se décrit pas. Travailler parfois sans salaire et ne pas pouvoir se
plaindre, être insulté et humilié. Saly avait connu toutes ces situations
quand elle était nouvellement arrivée à Ouagadougou. Avec le temps
elle avait appris à se défendre, mais aussi, à conseiller et à défendre les
autres, ses petites sœurs.
Depuis trois ans, Saly habite avec cinq autres filles dans une maison
sans eau ni électricité. Elles sont toutes originaires du même village et
sont venues à Ouaga pour travailler comme domestiques. Le matin,
chacune va travailler, et le soir, elles se retrouvent dans leur maison.
7. TERRE DES HOMMES | 7
Certaines filles dorment chez leur patron et ne rentrent qu’un week-
end sur deux, ou une fois par mois. Grâce à la petite caisse que les
filles ont instituée et qui leur permet de payer le loyer et de subvenir
aux menues dépenses de la maison, les deux nouvelles pourraient être
logées et nourries jusqu’à ce qu’elles trouvent un emploi. D’ailleurs,
Saly connaissait déjà des familles qui voulaient une domestique. Si les
nouvelles avaient de la chance, elles commenceraient à travailler dans
la semaine même.
Pour tout le monde, Saly est la Grande Sœur. La "N’koro Musso".
A partir de quel moment Saly est-elle devenue la Grande Sœur ? Elle
ne le sait pas vraiment. Cela est arrivé peu à peu. Elle se sent parfois
comme une mère pour les autres filles domestiques. Même si certaines
filles sont plus âgées qu’elle. Même si dans le groupe, elle n’est pas la
première à avoir migré à Ouaga. Même si leur différence d’âge n’est pas
importante. Elle se sait respectée, parfois même crainte par les autres
filles. Tout le monde reconnaît que Saly a « les yeux ouverts ». C’est-à-
dire qu’elle est très dégourdie et qu’elle n’a pas froid aux yeux, qu’elle
n’a pas peur de parler. Avec l’expérience qu’elle avait, Saly pouvait
maintenant conseiller les plus jeunes. Elle savait prendre de bonnes
décisions car elle n’était plus naïve. Naturellement, sa connaissance de
la ville, et l’assurance que cela lui avait donnée, faisait qu’elle avait une
grande influence sur les autres. Elle n’avait pas peur de dire la vérité
aux autres ; à ses petites sœurs.
Dans la gare routière de Tougan, les deux filles devaient avoir
sensiblement le même âge ; environ quatorze ans. Toutes les deux
voyageaient insouciantes. A seulement quelques km de Louta, elles
avaient déjà l’impression d’être dans un autre monde.Elles commençaient
à se sentir dépaysées. Heureusement, elles comprenaient la langue que
les gens autour d’elles parlaient ; le dioula. Presque au même moment,
les deux filles se demandèrent si à Ouaga beaucoup de gens parlent
dioula. La plus petite posa la question à l’autre. Et comprenant qu’elles
en étaient au même niveau, elles éclatèrent de rire. C’était leur premier
8. 8 | Saly, grande sœur
geste de complicité depuis qu’elles étaient parties du village quelques
heures plus tôt. L’attente à Tougan dura une petite heure. Le temps que
le car se remplisse.
A cette période de l’année, les routes étaient encore très mauvaises.
Par moment, il fallait emprunter des déviations quand la route principale
devenait impraticable.Tout cela rallongeait le trajet et finalement quand
le car entra à Ouaga, trois heures s’étaient écoulées. Ne sachant pas
lire les panneaux, elles avaient deviné à l’envergure de la gare et à la
largeur de la voie, qu’elles étaient arrivées à Ouagadougou.
En un rien de temps, le car se vida. Le chauffeur, héla un taxi, négocia
le prix, et indiqua au taximan le lieu où il devait déposer les deux filles.
A l’instant précis où les filles montèrent dans le taxi, elles comprirent
qu’une grande aventure venait de commencer. Et si le taxi ne les
amenait pas chez Saly ? Elles chassèrent vite cette idée.
Elles étaient à la merci d’une ville qu’elles ne connaissaient pas, loin
de leur famille, sans défense, sans argent en poche. La seule personne
sur laquelle elles pouvaient compter, c’était Saly qui devenait du coup
un personnage très important. Déjà, elles avaient constaté que les gens
ici, ne se préoccupaient pas d’elles. Personne ne semblait s’intéresser
à leur sort. Même le taximan ne leur avait pas adressé la parole. Sur
la route, il avait pris et déposé plusieurs autres passagers. Les deux
filles commençaient à être fatiguées mais l’idée ne leur vint même pas
qu’elles avaient le droit de se plaindre.
Finalement, le taxi se gara devant la maison du logeur et le taximan
leur dit en français qu’elles étaient arrivées. Saly qui était arrivée chez
le logeur depuis un moment les attendait pour les amener dans leur
cour commune.
9. TERRE DES HOMMES | 9
Les deux filles venaient ainsi de franchir la première étape de
l’aventure. La suite serait classique. Elle se passerait sous les conseils
de Saly. Saly interviendrait pour la négociation des salaires, elle irait se
plaindre aux employeurs s’ils n’honoraient pas leurs engagements. Elle
mettrait les filles en garde contre les mauvaises fréquentations. Mais
les filles restaient libres. Si elles décidaient de n’en faire qu’à leur tête,
Saly n’y pourrait rien. Elle n’avait aucun droit sur elles et il arrivait que
ses « petites sœurs par la force des choses » lui en fassent la remarque.
Cela la vexait, mais elle n’était pas rancunière.
Comme dans tous les ménages, il y’avait quelque fois des tensions
chez les Saly. La dernière dispute avait eu lieu la veille. Les filles dont le
salaire était plus bas s’étaient révoltées et voulaient cotiser en fonction
de leur revenu pour les dépenses de la maison. La discussion s’était
terminée en queue de poisson. Saly avait haussé la voix pour demander
d’arrêter cette dispute. Son autorité naturelle avait une fois de plus
opéré et le calme était revenu ; du moins pour quelque temps. Ce genre
d’incident était sans grand enjeu mais ce n’était pas toujours le cas. Si
par malheur une grossesse ou une maladie grave arrivait, Saly serait
impuissante. Elle n’était pas très à l’aise quand il s’agissait d’aller vers les
institutions qui pouvaient aider les filles domestiques. Pourtant, quand
il le fallait, elle menaçait d’aller à la gendarmerie. Elle avait remarqué
que cela dissuadait les personnes qui voulaient abuser de la fragilité
des filles domestiques. Mais s’il fallait vraiment en venir là, elle irait
informer son logeur. Si ce dernier estimait qu’il ne pouvait pas régler
seul le problème, il en ferait part à l’association des ressortissants de
leur village et à l’ONG Terre des hommes. Cette dernière travaille
pour la protection des filles domestiques.
Voilà, comment au quartier Dassasgho, des filles domestiques
samos ont développé un système d’auto protection pour se prémunir
des risques auxquels la migration les expose. Sans la présence de Saly,
les deux filles auraient probablement passé leur première nuit à la
gare, en proie à toutes sortes d’agressions. Elles auraient probablement
10. 10 | Saly, grande sœur
recherché une connaissance chez qui loger, avec le risque d’être mises
à la porte ou d’accepter n’importe quelles conditions. Elles ne se
seraient pas senties en confiance pour communiquer. Ce que cette
histoire ne dit pas, c’est que Saly, bien que responsable des autres, se
sent elle aussi vulnérable dans son rôle de grande sœur. Etre la grande
sœur des autres ? Saly l’acceptait volontiers. Mais jusqu’où pouvait-
elle aller dans ce rôle de protectrice pour lequel personne ne l’avait
préparée ?
11. TERRE DES HOMMES | 11
L’histoire que vous venez de lire est
imaginaire mais elle est entièrement
inspirée de faits réels. Voici les éléments
importants qu’elle fait ressortir :
• Les filles migrantes sont souvent exposées à des dangers.
• Les Grandes Sœurs développent des initiatives de
protection des filles domestiques.
L’histoire de Saly nous a permis d’introduire le thème développé
dans ce livret : la pratique endogène de protection « Grande sœur ».
Pour comprendre cette pratique de protection, nous avons choisi
de parler de quelques aspects du rôle de la Grande Sœur. En effet,
à travers le voyage des deux filles, on arrive à se faire une idée du
circuit de migration des filles originaires du Sourou. Il retrace le
circuit géographique (village, gare, trajet, Ouaga) mais aussi le circuit
des difficultés et des initiatives prises par Saly pour les résoudre.
Parce que Saly a vécu elle aussi les difficultés de la migration, parce
qu’elle vient du même village que les deux jeunes filles, elle est bien
placée pour les comprendre et pour les accompagner dans leur
aventure. Saly est tellement dégourdie, qu’on en arrive à oublier que
c’est encore une enfant. Même les parents au village comptent sur elle
pour aider les nouvelles, avec le soutien des logeurs.
Saly est appelée Grande sœur par les autres. Pourquoi ces dernières
ont-elles éprouvé le besoin de désigner une Grande Sœur ? Que doit-
on comprendre par Grande Sœur ? Quelles sont les pratiques de
protection que la Grande Sœur développe et quelles sont les limites
de ces pratiques ? Quelles actions peut-on mener pour renforcer la
pratique de protection endogène Grande Sœur ? Voilà les questions
qui sont traitées dans la suite de ce livret.
12. II
12 | Saly, grande sœur
• « Il existe des pratiques endogènes de protection
des enfants. il faut partir de ce principe et aller à la
recherche de ce que les enfants eux-même ou leurs
communautés font pour les protéger. »
Olivier Feneyrol, ex Conseiller Régional pour la protection
de l’enfance
13. TERRE DES HOMMES | 13
1. Quelles sont les situations
où les filles domestiques
ont besoin de protection ?
P
our comprendre le rôle
de la Grande Sœur, il faut
d’abord prendre conscience
des situations où les filles
ont besoin de protection. En effet, les
filles originaires du Sourou qui migrent
pour travailler comme domestiques à
Ouagadougou, à Bobo Dioulasso (ou
au Mali) sont exposées à des risques
sérieux d’exploitation et de maltraitance.
Dans leur migration, elles sont souvent
confrontées à des situations difficiles et sont victimes de différents
abus, violences et violations de leurs droits.
Dans l’histoire, « Saly, Grande Sœur », on donne un aperçu des lieux
où les filles migrantes peuvent être exposées à des dangers :
• sur le trajet de « leur village jusqu’à la ville de migration »
• dans les gares de départ, de transit et d’arrivée
• en ville, sur tous les trajets entre leurs domiciles et les
différents lieux qu’elles sont amenées à fréquenter
Ce sont autant d’endroits où les filles migrantes sont la plupart du
temps vulnérables et sans défense. Elles sont seules à faire face à des
difficultés dont les plus courantes sont :
• Les agressions
• Les cas de viols
• L’exploitation par le travail
14. 14 | Saly, grande sœur
• Les cas de vol
• les accusations de vol
• Les disparitions
• Les problèmes de violences (injures, châtiment corporel….)
sévères
• Les problèmes de salaires impayés
• Les problèmes de santé grave
• Les cas de grossesse
De façon générale, la protection des filles migrantes travaillant
comme domestiques, ainsi que la défense de leurs droits, ne sont pas
correctement assurées. Ni les familles, ni les institutions spécialisées
n’ont mis en place des mécanismes performants pour les protéger.
En cas de problèmes, simple ou grave, les filles migrantes doivent se
débrouiller seules. Il faut noter que plus les filles sont jeunes (moins de
12-14 ans), plus elles sont vulnérables et moins actives dans le cadre de
la migration : dans ce cas, elles sont plus exposées aux risques, et plus
profondément affectées par les traumatismes.
C’est justement pour se protéger des situations à risques, que les filles
migrantes originaires du Sourou, ont imaginé la pratique de protection
« Grande Sœur ». Cette pratique a été favorisée par un incident
survenu en 2003. En effet, suite à l’adoption de la loi 038 portant
définition et répression du trafic des enfants (loi aujourd’hui abrogée),
certains logeurs ont chassé les filles de chez eux. Elles se sont donc
organisées pour louer des maisons. Aujourd’hui elles vivent seules en
ménage, par petits groupes.
• Moussa Ouédraogo, Chef de Zone Tougan :
“Après les première séances animations auprès des filles migrantes,
nous avons tous remarqué une chose : lorsqu’on posait une question,
c’était souvent la même qui répondait. Les autres lui laissaient le soin
de parler à leur place. Nous avons alors décider d’en savoir plus sur
l’organisation interne que les filles ont mis en place. C’est cela qui
nous a permis de relever l’existence des Grandes Sœurs comme acteur
endogène de protection”
16. 16 | Saly, grande sœur
2. Qu’est ce qu’une grande sœur ?
• Ousmane Lankoandé ex chargé de médiation Tdh : “Il est
important de bien préciser que « Grande Sœur » est un terme développé
à Terre des hommes. Lorsque l’on parle de Grande Sœur, on ne parle
pas de hiérarchie mais plutôt de personnalité. Le terme Grande Soeur
est la traduction de Nkoro Mousso”.
D
ans les groupes de filles
domestiques vivant en
ménage, on remarque souvent
une des filles qui se démarque
et que les autres appellent Grande Sœur. .
En Afrique, appeler quelqu’un « grande
sœur » ou la considérer comme telle est
avant tout un signe de respect. Et le respect
se mérite ! Dans le cadre de la migration des filles domestiques, le fait
que certaines filles appellent l’une d’entre elles « Grande Sœur » est
lourd de sens.
Coupées de leur famille et privées de la sécurité qui existe dans le
cercle familial, les filles se sentent souvent seules et perdues à leur
arrivée en ville. Elles ressentent alors le besoin de recréer un système
de protection pour se sentir en sécurité. C’est pourquoi, elles se
tournent vers celle qui est le mieux à même de les conseiller. C’est
en général celle qui assure leur protection de sa propre initiative, tout
naturellement sans que personne ne l’en charge. C’est cette dernière
qui est la Grande Sœur : celle que les autres reconnaissent
comme ayant les compétences pour parler au nom de toutes.
Dans un groupe de filles domestiques vivant ensemble, le rôle de
Grande Sœur revient d’office à celle qui sait écouter, qui peut conseiller,
17. TERRE DES HOMMES | 17
défendre, surveiller et trouver des solutions aux problèmes des autres.
Ainsi, la Grande Sœur, ce n’est pas forcément la fille la plus âgée du
groupe. Cela peut arriver, mais ce n’est pas une condition obligatoire.
En effet, il peut arriver que la plus âgée du groupe n’ait pas d’attitude
de solidarité ou d’humanisme envers les autres ; qu’elle ne soit ni assez
expérimentée, ni assez dégourdie pour être considérée comme la
grande Sœur. On remarque en général que l’âge minimum des Grandes
Sœur se situe entre 17 et 19 ans. En dessous, elles sont trop jeunes
pour prendre cette responsabilité.
Quoi qu’il en soit, on reconnaît une Grande Sœur à certains
comportements :
• Elle prend la parole au nom des autres
• Elle conseille les autres et les défend
• Elle propose des solutions en cas de problèmes des autres
• Elle surveille les autres
• Elle est l’intermédiaire entre les petites sœurs et les différents
acteurs de la protection des filles domestiques : les logeurs,
les associations de ressortissants et les acteurs institutionnels.
• Elle s’implique souvent dans la relation entre la fille domestique
et son employeur et fait le suivi du contrat qui les lie.
La Grande Sœur est liée aux autres par des liens de parenté, d’amitié,
de confiage. Elle vient généralement du même village que les autres
filles, ses petites sœurs. Souvent elles ont le même logeur. Tous ces
liens, créent une relation de confiance et de compréhension mutuelle
qui favorise des pratiques de protection.
On ne peut imposer une Grande Sœur dans un groupe de filles
domestiques migrantes. Les petites sœurs choisissent librement leur
Grande Sœur. Quelque fois, certaines filles ont une Grande Sœur
dans un groupe différent du leur. Car la Grande sœur est avant tout
celle avec laquelle on arrive à se confier, à parler ouvertement de ses
problèmes.
18. IV
18 | Saly, grande sœur
• Kounkorgo Lassimane : Agent social : La Grande Sœur, fait des
expériences, en tire des leçons et les partage avec ses Petites Sœurs. Dans
ce système de protection, les unes stimulent les autres et leur servent
d’exemple. Cela est rendu possible grâce à la confiance qui se développe
entre les filles et par leurs habitudes socioculturelles communes.
•Sali Ouattara, animatrice Tdh à Ouaga : il existe une grande différence
entre les GS qui vivent « en ménage » et celles qui sont sous la tutelle de logeurs.
Les premières sont beaucoup plus éveillées et indépendantes. Elles connaissent
beaucoup plus Ouagadougou. Les secondes ont moins de liberté parce qu’elles
sont sous la surveillance des logeurs. Ces dernières rentrent systématiquement au
village chaque année à l’approche de la saison pluvieuse pour ne revenir qu’après
les travaux champêtres, généralement de juin à octobre. Pour exemple concret, les
GS vivant chez des logeurs n’ont pas de téléphones portables, contrairement à celles
qui sont en ménage!
19. TERRE DES HOMMES | 19
3. Quelles sont les pratiques de
protection développées par les
Grandes Sœurs ?
L
es pratiques de protection développées par les Grandes
Sœurs sont très diversifiées. Il s’agit de pratiques destinées
soit à prévenir des situations à risque, soit à résoudre des
q
problèmes déjà existants. Ces pratiques s’améliorent au fur et
à mesure que les Grandes Sœurs acquièrent
de l’expérience dans la migration. Elles
deviennent alors plus vigilantes. Identifier les
situations où les filles sont vulnérables, est
une première étape pour leur protection. .
En général, les occasions où les Grandes
Sœurs décèlent les difficultés des Petites
soeurs sont :
- Les moments de repos quand les
filles reviennent au sein du groupe
- Les rencontres lors des événements sociaux tels que la tabaski,
le nouvel an, les mariages, les baptêmes, les décès etc.
- Les rencontres aux points espoirs.
Herman ZOUNGRANA, Chef de Programme Protection TDH Burkina.
"Le Point Espoir est un lieu de regroupement des filles domestiques. Elles y mènent
des activités psychosociales et ludiques, des causeries débats, des formations sur
les droits de l’enfant, des séances de conseil en santé de la reproduction etc.
Les animations sont dirigées par les agents de Tdh, les professionnels du réseau
SPI, les Grandes Soeurs ou les responsables des associations de ressortissants.
Les Grandes Soeurs y jouent parfois des pièces de théâtre de sensibilisation. Les
Points Espoirs sont abrités par des écoles à proximité des domiciles des logeurs
ou des filles".
20. 20 | Saly, grande sœur
La Grande Sœur peut protéger plus facilement les filles qui habitent
avec elles. En effet, elles identifient les situations de violence ou de
maltraitance et les petites sœurs peuvent se confier plus facilement.
« Quand je vois qu’une fille a l’air triste, qu’elle est assise seule dans
son coin, ou qu’elle pleure, je sais qu’elle a eu un problème. Je l’amène
à parler pour savoir de quoi il s’agit ». Une Grande Soeur
Les pratiques de protection les plus courantes sont les suivantes :
• L’encadrement des petites sœurs depuis le village jusqu’en ville.
• Voyager en groupe sous la direction d’un adulte.
Cet encadrement se fait avec le consentement des parents de ces
dernières.
• La communication avec le village, par les lettres, le téléphone,
les messages de bouche à oreille par l’intermédiaire des
transporteurs et des nouvelles arrivées, les déplacements au
village.
En cinq ans d’action auprès des filles domestiques originaires
du Sourou, Tdh a identifié un certain nombre d’initiatives de
protection développées par les Grandes sœurs.
• En cas de maladie ou autre urgence, les Grandes Sœurs
instituent un système de cotisations. Elles informent par la
suite les parents de la fille pour le remboursement ou la fille
elle-même lorsque celle-ci sera guérie
• En cas d’arriérés ou de retenues injustifiées de salaires, les
Grandes Sœurs prennent contact avec l’employeur pour une
médiation.
• Les Grandes Sœurs conseillent aux filles de se faire établir des
pièces d’identité et de les avoir toujours sur elles. Cela permet
de les identifier en cas de problème.
21. TERRE DES HOMMES | 21
• Animent les Points Espoirs
• En cas de grossesses, la Grande sœur joue un rôle important en
rassurant les petites sœurs ; elle les aide à avoir une meilleure
estime de soi dans ces moments difficiles.
• Accompagnent vers les Systèmes Institutionnels de Protection
et Systèmes Endogènes de Protection des Enfants.
• Il arrive qu’une fille se fasse agresser. Dans ces cas, la Grande
Sœur informe l’association des ressortissants du village, ainsi
que Terre des hommes ; ces derniers peuvent ainsi prendre les
dispositions nécessaires.
• Servent d’exemples : Cours du soir, formation professionnelle
• Les grandes sœurs jouent un rôle actif aux côtés de Terre des
hommes pour sensibiliser les autres filles sur les thématiques
liées à leur protection. Dans le même esprit, elles servent
de relais pour transmettre diverses informations aux petites
sœurs.
• Une des pratiques de protection de base, est de fixer des
règles de conduite.
L’action protectrice des Grandes Sœurs est connue des parents au
village, des logeurs et des associations de ressortissants de leurs villages.
Heureusement les Grandes Sœurs sont de plus en plus accompagné
dans leur action par les associations de ressortissants et par Tdh. S’il est
vrai que les Grandes sœurs ont un rôle protecteur, il faut reconnaître
que la portée de leur action reste assez faible. Lorsque les problèmes
se compliquent elles sont obligées de recourir à d’autres personnes.
C’est en cela que Tdh a mis en place des réseaux de protections. Ces
réseaux sont constitués des services de police, justice, d’action sociale,
de santé, d’ONG actives dans la prise en charge des enfants. Ils sont des
cadres de référence et de gestion des cas. En renforcant ces réseaux
(formation, outils, méthode de travail, appui financier et logistiques)
Tdh permet d’améliorer la qualité de la prise en charge et le système
de protection de l’enfance.
23. TERRE DES HOMMES | 23
4. Quelles sont les limites de la
PEP Grandes Sœurs
• Karine Petitberghien, : Déléguée de Tdh BF 2004-2008 :
« Il me semble évident que les Grandes Sœurs sont des acteurs de
protection endogène. Mais n’oublions pas que les Grandes Sœurs sont
elles mêmes des enfants qui ont besoin d’être protégées ! Est-ce vraiment
aux Grandes Sœurs d’assurer la protection de leurs petites sœurs ? »
T
oute seule, la Grande Sœur r
est impuissante. En tant
qu’enfant, elle ne peut pas :
- régler les conflits avec les
employeurs
- donner les conseils adéquats
- défendre les intérêts des petites sœurs
Les limites de l’action protectrice des
Grandes Sœurs sont liées à :
• L’analphabétisme des filles
• L’ignorance des GS par rapport aux droits des enfants et aux
procédures
• Le manque de moyens pour assurer une véritable protection
des petites sœurs qui habitent chez leurs employeurs. Il est
impossible de savoir s’il y a des cas de maltraitance et si les
horaires de repos sont respectés. En cas de déménagement de
l’employeur, la Grande sœur peut perdre la trace des petites
sœurs.
Les limites de la pratique de protection Grande Sœur, peuvent aussi
venir simplement du fait que certaines petites sœurs ne suivent pas les
conseils de la Grande Sœur, et n’en font qu’à leur tête.
24. 24 | Saly, grande sœur
La pratique de protection Grande Sœur est efficace quant à l’aspect
conseil. Mais elle reste insuffisante sur les questions de défense et de
sécurité dont les filles domestiques ont besoin.
Parfois, en voulant défendre les intérêts des autres filles, les Grandes
Soeurs se placent en situation de vulnérabilité. En effet, elles s’exposent
à des risques chaque fois qu’elles vont réclamer réparation de tors
faits aux petites sœurs.
NB : Le statut de la Grande Sœur, est jusque là utilisé comme une
pratique de protection. Mais sans contrôle externe, la Grande sœur se
trouve aussi en bonne position pour exploiter ou pervertir les petites
sœurs ! Il est donc important, qu’il y ait des relais à cette pratique
de protections, pour accompagner, renforcer et suivre le travail
protecteur des Grandes Sœurs. D’ou l’axe stratégique choisi par Tdh
pour renforcer les capacités d’autoprotection des filles et leur mise en
relation avec les services institutionnels de protection.
26. 26 | Saly, grande sœur
5. Exemples de renforcement de
la PEP Grandes Sœurs menés par
Tdh.
• Goamwoaga Kaboré, Directeur exécutif APRODEB :
« Il faut renforcer les capacités des filles à se protéger elles-
mêmes parce que cela permettra de les sortir d’une situation de
dépendance qui les empêche de jouir pleinement de leurs droits.
Cependant cette autoprotection doit se construire progressivement ».
L a pratique de protection
Grande Sœur peut être
renforcée à plusieurs niveaux :
• en renforçant les capacités de
protection des Grandes Sœurs.
Il s’agit plus précisément d’alphabétiserr
les filles, de les informer sur les droits
des enfants et du travail. Il s’agit aussi
d’accroître leurs connaissances en santé de la reproduction, mais
aussi sur les IST et le VIH Sida (life skills) Enfin, il faut accompagner
les Grandes Sœurs à connaître les institutions qui travaillent dans le
secteur de la protection. Ce sont toutes ces raisons qui ont poussé
Tdh à mettre en place des points de rencontre et d’information des
filles domestiques : les Points Espoirs. Ils sont situés dans les écoles
primaires à proximité des lieux d’habitation des filles domestiques.
• en faisant connaître cette pratique aux acteurs endogènes et
institutionnels de la protection des enfants
Bien que l’approche Enfant à Enfant soit bien connue des acteurs
de la protection, Terre des hommes est aujourd’hui le seul acteur
27. TERRE DES HOMMES | 27
institutionnel à travailler sur la PEP Grande Sœur auprès des filles
domestiques du Sourou.Vu la pertinence de cette pratique, elle devrait
être plus largement diffusée et utilisée.
• en sensibilisant les employeurs sur les droits des enfants
L’existence d’employeurs qui recrutent les filles, est la principale raison
d’être de la pratique Grande Sœur. Il est indispensable que la Grande
Sœur soit reconnue par les employeurs comme étant le référent des
filles.
• en étendant la pratique de protection Grande Sœurs aux
groupes de filles domestiques qui ne l’ont pas encore identifiée
Après les groupes de filles domestiques de Ouagadougou, Tdh a
contribué à introduire cette pratique dans les groupes de filles
domestiques basées à Bobo.
« En travaillant avec les filles domestiques de Bobo, nous avons fait le même
constat qu’à Ouaga : les Grandes Sœurs existent bel et bien. Fort de notre
expérience, nous avons aidé les filles à identifier les actions de renforcement
et elles ont été ainsi mieux impliquées dans les actions du projet programme
protection » Herman Zoungrana, Chef de Programme Protection Tdh
Burkina
• En renforçant la prise en charge médicale des filles domestiques
• En renforçant les dispositions d’identification des employeurs
(Coordonnées exactes, Tel, références, registres, fiches…).
• Renforcer le système de suivi des jours de repos des filles.
• Renforcer les cours du soir pour l’alphabétisation des filles.
• En créant des opportunités de formation au travail domestique
• En créant un système d’alerte et de signalement
• En mettant le réseau communautaire ( logeurs/Grandes Soeurs/
ressortissant) en connection avec les réseaux institutionnels
et services de protection
• En améliorant l’offre globale de protection
28. 28 | Saly, grande sœur
Conclusion
L
es Grandes Soeurs ne constituent pas en elles seules des
mécanismes de protection solides. Leur action se limite surtout
au conseil. Leur influence a de l’effet si les Petites Soeurs les
respectent. Les filles sont-elles mieux protégées quand elles
habitent chez leurs logeurs ? Certes, il y a les conditions parfois difficiles
de vie et les problèmes liés à la gestion de leur salaire, mais il y a cette
espèce d’autorité parentale qu’exercent les logeurs et que les Grandes
Sœurs n’ont pas.
En vivant dans des habitations collectives, les filles sont plus exposées,
plus libres et avec la recherche de nos jours du gain facile, il n’est pas rare
de trouver dans ces groupes, des filles qui s’abandonnent à la prostitution.
En exemple, le cas d’un groupe de filles encerclé par des garçons qui
voulaient les violer. Les grandes sœurs ont dû faire appel à l’USJKO qui a,
à son tour, contacté Tdh pour les faire sortir de cette situation.
Il existe aussi des incompréhensions Grandes Soeurs/Petites Soeurs
sur les comportements. Les petites sœurs trouvent souvent les grandes
sœurs démodées et insistent pour vivre comme elles l’entendent.
Toutefois, même si les Grandes sœurs ne constituent pas en elles seules
des systèmes de protection solides, elles constituent incontestablement
un système de protection pour les filles et leur rôle est très important,
d’où la reconnaissance de leur système comme étant une PEP.
En effet, les filles se regroupent par village et par famille, très souvent la
famille élargie : cousine maternelle, paternelle, nièce, petite sœur.
Les Grandes Soeurs sont souvent les références des Petites Soeurs
en ville. Si de nombreux problèmes des filles domestiques ont pu être
résolus, c’est grâce aux Grandes Soeurs.
Les Petites Soeurs leur font plus confiance, compte tenu des liens
de parenté et de l’expérience de celles-ci. Ainsi, elles racontent leurs
problèmes aux grandes sœurs qui les conseillent et résolvent le problème
dans la limite de leur compétence. Si le problème les dépasse, les Grandes
Soeurs se réfèrent au logeur ou à l’association de ressortissant qui à leur
29. TERRE DES HOMMES | 29
tour résolvent le problème ou le porte devant des instances supérieures
comme le réseau SPI.
On constate aussi une grande évolution dans le rôle des Grandes Soeurs :
Grâce à elles, de nombreuses filles savent maintenant l’existence de
l’inspection du travail car les problèmes de non paiement de salaire sont
récurrents et elles ont le plus souvent recours à cette institution.
Le rôle de conseil que jouent les Grandes Soeurs est aussi important
en ce sens que, mieux averties, elles conseillent les filles par rapport à la
conduite à tenir face aux employeurs et dans la vie en général.
Il est donc important de mieux outiller les Grandes Soeurs en les initiant
davantage aux notions de droit humains et droits des enfants, et en leur
sensibilisant davantage sur les voies de recours qui sont mises à leur
disposition.
Aujourd’hui, certaines Grandes Soeurs ne sont plus de simples
domestiques. Leur expérience dans la ville leur a permis d’évoluer. Ainsi,
on trouve des Grandes Soeurs gestionnaires de télécentres. Certaines
vendent de la nourriture comme les galettes, la salade, la bouillie, etc.
Cela leur permet d’augmenter leur salaire et de mieux subvenir à leurs
besoins. D’autres encore suivent des cours en couture, etc. c’est une
évolution positive dans le milieu et pour mener ces activités parallèles,
leur temps de travail comme FD est beaucoup plus réduit que celui des
PS qui travaillent à longueur de journées, souvent sans repos.
Si chaque burkinabé pouvait cultiver le respect des droits de l’individu, la
question des filles domestiques poserait moins de problèmes.
Les employeurs ont une très grande part de responsabilité sur cette
question. S’ils s’impliquaient vraiment et se décidaient à accorder aux
enfants leurs droits, on ne parlerait plus d’exploitation et de maltraitance
des filles domestiques. Alors l’une des question qu’il faut se poser à
la fin de ce livret est : Comment évoluer du travail domestique à un
métier d’assistante familiale sur la base d’une formation qualifiante qui
permettrait à ces travailleuses d’avoir un meilleur statut ? La réflexion
est lancée.
32. Q uand on parle de la protection des filles
domestiques, on distingue les pratiques
qui relèvent des acteurs institutionnels
et les pratiques un peu plus informelles,
développées par des acteurs endogènes. Après un premier
livret «Les logeurs : trafiquants ou protecteurs ?», ce livret de
capitalisation veut faire connaître aux acteurs institutionnels de la
protection de l’enfance un autre acteur de la protection endogène des
filles domestiques originaires du Sourou : Les Grandes Sœurs (GS).
Surprenante et innovante, la pratique Grande Sœur fait partie
de l’approche Peer to peer.
Comment ça se passe dans la réalité ? Comment les Grandes Soeurs
protègent les filles domestiques? Que vivent les Grandes Soeurs ?
Quels sont les problèmes qu’elles affrontent pour elles-mêmes
et pour protéger les autres ? Que fait Tdh pour accompagner les
Grandes Soeurs ? Quels sont les résultats obtenus en faveur des filles
à protéger et des Grandes Soeur elles-mêmes ?
Ce sont autant de questions auxquelles répond ce livret avec le but
de partager une expérience de terrain afin de faire progresser la
réflexion sur la protection des enfants.
Octobre 2010 Fondation Terre des hommes - Lausanne
Délégation du Burkina Faso - Tél. : +226 50 36 91 82
Capitalisation - Rédaction - Maquette : Performances
Tél. : +226 50 30 05 18
Illustration : Raya