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L’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la République
Démocratique du Congo disposent des conditions clima-
tiques et de sol idéales pour la culture du café.
Pendant de nombreuses années, ces 4 pays furent des
exportateurs importants. Mais suite à l’abolition de l’Accord
international sur le café en 1989, la chute des prix qui s’en
suivit et un cours de café très volatile, beaucoup de produc-
teurs ont commencé à négliger leurs champs, une réaction
accélérée encore par l’attitude des intermédiaires ne faisant
aucune différentiation de prix en fonction de la qualité du
café.
Ces 10 à 15 dernières années pourtant, le café des Grands
Lacs connaît un nouvel essor. De nombreux petits caféicul-
teurs se sont organisés en coopératives et ont décidé de
s’orienter davantage vers l’exportation d’un café de qualité
certifié bio et commerce équitable. L’objectif est clair :
accroître les prix de vente et les marges bénéficiaires. en
visant tout particulièrement des marchés de niche.
Autre avantage pour les producteurs, dans de nombreux
cas, le café-cerise est transformé en café vert par les coopé-
ratives elles-mêmes, ce qui leur permet de percevoir une
plus grande part encore de la valeur ajoutée.
Sur les flancs du Mont Elgon, la plus haute montagne de
l’Ouganda située sur la frontière avec le Kenya, la Gumutin-
do Coffee Cooperative Enterprise est créée en 2000 avec
pour objectif de produire un café de qualité qui puisse être
vendu au meilleur prix. La production de l’organisation (qui
regroupe aujourd’hui 6.500 fermiers) a été certifiée équitable
en 2003, et biologique ensuite. Les ventes via les circuits du
commerce équitable lui permettent de mener à bien des réa-
lisations collectives.
Mais pour la coopérative, c’est avant tout la qualité qui justi-
fie le prix élevé. Grâce au projet financé par le TDC, Gumu-
tindo a pu lancer des cafés « d’origine » et conquérir de nou-
veaux marchés européens. Le prix payé pour ces produits
haut de gamme est nettement supérieur encore aux prix
pratiqués pour du café équitable et biologique.
A l’autre extrémité du pays se trouvent les Monts Rwenzori,
connus aussi sous le nom évocateur de « Monts de la
Lune », une chaîne de montagnes dépassant les 5.000
mètres d’altitude, partagée entre l’Ouganda et la République
Démocratique du Congo. Comme le Mont Elgon, Les Monts
de la Lune sont propices à donner un café de haute qualité,
parmi d’autres produits comme la vanille et le cacao dans les
zones de moindre altitude. Par contre, la région souffre d’un
taux élevé d’érosion et d’une perte importante de la fertilité
des sols dus à la surproduction, la surpopulation et des
techniques agricoles mal adaptées. Les caféiers n’y sont
pas en très bonne santé.
Bukonzo Joint Coopérative veut changer la donne en
travaillant sur l’amélioration des techniques de production
de ses membres. Créée en 1999, la coopérative débute
comme prestataire de services de microfinance. A partir de
2005, elle se lance dans la commercialisation du café, pre-
mièrement sur le marché local, et depuis 2011 vers les
Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon. Le café de Bu-
konzo est certifié équitable et 2.700 de ses fermiers se trou-
vent actuellement dans le processus de conversion à la
culture biologique.
Le projet financé par le TDC vise à améliorer les techniques
agricoles pour que Bukonzo puisse offrir aux acheteurs un
café certifié de qualité tout en veillant non seulement à la
durabilité environnementale, mais aussi à la durabilité so-
ciale et économique de la production dans la région. Tout
comme Gumutindo à l’autre bout du pays, Bukonzo vise des
marchés à haute valeur ajoutée.
Son café a toutefois une autre particularité : 85% des
membres de Bukonzo sont des femmes, une exception en
Afrique où le café est considéré comme « une affaire
d’hommes ». Depuis 2008, Bukonzo lutte contre les discri-
minations envers les femmes dans cette zone post-conflit.
Le droit à la terre n’y est plus nié aux veuves et femmes
divorcées, qui deviennent actrices de leur développement.
Les flancs verts des montagnes qui se versent dans le bleu
clair du Lac Kivu abritent des milliers de caféiers, introduits
pendant l’ère coloniale, et devenus une vraie culture de
rente : le jeune état zaïrois exportait encore jusque 200.000
tonnes de café par an dans les années ‘70. Suite à la chute
des prix et à l’augmentation des taxes à l’exportation, de
nombreux producteurs se sont trouvés au bord de la faillite.
Pour s’en sortir, de nombreux caféiculteurs ont affronté le
péril des traversées nocturnes du lac Kivu et les noyades
pour passer le café en contrebande au Rwanda. Evidem-
ment, les guerres congolaises consécutives et l’insécurité
toujours présente n’ont rien arrangé. Elles ont provoqué la
fuite de nombreux producteurs qui ont laissé leurs planta-
tions derrière eux.
Pourtant, malgré l'insécurité, une nouvelle dynamique est en
train de naître dans le secteur du café. Deux projets finan-
cés par le Trade for Development Centre veulent répondre
aux enjeux culturaux dans la zone : des plantations vieillis-
santes qui datent encore de l’époque coloniale, des tech-
niques de production archaïques, et la pauvreté des sols.
Point positif : la qualité exceptionnelle du café du Kivu, con-
firmée par le nombre d’acheteurs qui redécouvrent cette ré-
gion.
Depuis sa création en 1992, RAEK (Regroupement des Agri-
culteurs et Eleveurs de Kabare) défend les intérêts des petits
paysans du Territoire de Kabare (Bukavu) et soutient leurs
activités agricoles tout au long des différents maillons de la
chaîne de valeur. Les responsables de RAEK soutiennent
aussi le développement d'une culture de café de qualité,
mais l'accès au marché est un défi. Le projet que le TDC
finance actuellement a comme objectif de développer une
production écologiquement durable de café Arabica et d'ob-
tenir la certification équitable afin d’exporter et de bénéficier
«L’argent que j’ai gagné grâce à la prime l’année
dernière m’a permis de payer l’inscription de ma fille à
l’école. Je l’ai dit à mes amis et à mes enfants : nous
devons consacrer notre temps à produire du café de
très bonne qualité».
Difasi NAMISI,un producteur affilié à Gumutindo
©TimDirven/OxfamFairtrade
des primes de développement pour renforcer les réalisations
sociales auprès des communautés membres de RAEK.
RAEK n'est qu'aux débuts du chemin qui doit l'amener vers
la labellisation de sa production. A terme, l'obtention de certi-
fications équitables et/ou biologiques, associée à l'améliora-
tion de la qualité du café et au renforcement des liens avec
les importateurs solidaires permettra d'engager durablement
l'organisation paysanne sur la voie du développement.
SOPACDI (Solidarité Paysanne pour la Promotion des Ac-
tions Café et Développement Intégral) est engagée depuis
des années dans une dynamique de développement écono-
mique et social des paysans du Territoire de Kalehe
(Minova). Créée en 2003, son objectif est d’acheter les ré-
coltes de ses membres pour les revendre au meilleur prix et
initier des projets de développement collectif. Les respon-
sables de la SOPACDI ont intégré la nécessité de travailler
sur la qualité des grains de café et ont initié des programmes
de sensibilisation et de formation des planteurs aux meil-
leures techniques caféicoles. Ainsi, le projet financé par le
TDC contribue à une amélioration globale du système agri-
cole et productif de la coopérative pour garantir un café de
qualité. Certifiée équitable depuis 2011, la SOPACDi voit
aujourd'hui la plupart de ses membres certifiés bio. La coo-
pérative a réussi à nouer des relations commerciales soli-
daires plus rémunératrices, ce qui a permis d’accroître de
manière significative les revenus de ses adhérents et d’en-
gager des investissements importants pour la transformation
de café (station de lavage, entrepôt de stockage) afin de
garder une partie importante de la valeur ajoutée au sein de
la coopérative.
Depuis quelques années, RAEK et SOPACDI sont aussi
confrontées à un problème de tout autre ordre : la violence
sexuelle récurrente dans le Sud-Kivu. Un tiers des membres
de RAEK sont des femmes, contre un cinquième chez
SOPACDI. Plusieurs ont été victimes de violence sexuelle.
Elles œuvrent pour briser le tabou de la femme violée, par sa
réintégration dans le tissu économique, et elles stimulent la
solidarité intra-féminine, par la création des comités de
femmes qui autogèrent des activités économiques. RAEK a
en outre nommé une femme comme responsable "genre" au
sein du conseil d’administration.
RAEK et SOPACDI ne sont pas les seules coopératives
dans le Sud-Kivu, mais elles contribuent d’une façon impor-
tante à une dynamique positive dans la région. Vu les cir-
constances – les guerres consécutives, la quasi-absence de
l’état congolais et la pauvreté endémique – c’est un tour de
force ; d’autant plus si l’on prend en compte l’aide humani-
taire chronique présente dans la province et qui conforte la
population dans son "statut" de victime, habituée à dépendre
de l'aide extérieure. Bien que de petite échelle, ces deux
organisations montrent qu’il y a une alternative et que le
commerce du café peut contribuer au développement, même
en zones de conflit.
De l’autre côté du lac Kivu, les mêmes collines vertes, la
même qualité de café. En 2001 à Gisenyi, au Rwanda, la
COOPAC (Coopérative pour la Promotion des Activités-
Café) voit le jour. Située sur les pentes escarpées des mon-
tagnes volcaniques autour du lac, la COOPAC démarre avec
110 caféiculteurs et développe rapidement ses capacités de
production en installant en peu de temps trois stations de
lavage. Deux ans plus tard, la COOPAC compte plus de 2
200 membres organisés en six associations. Certifiée équi-
table en 2003, la coopérative connaît une expansion remar-
quable.
Station de lavage de la Sopacdi.
© Comequi
« La certification Fairtrade et l’engagement de nos
partenaires présentent énormément d’avantages.
Grâce à eux, nous avons pu financer l’entretien de
dessertes agricoles, financer la création d’écoles et de
dispensaires et travailler à la protection des sols et au
reboisement des exploitations »
Joachim MUNGANGA, Président de la SOPACDI
Les réussites s'expliquent en grande partie par l'importance
qu'accorde COOPAC à la qualité du produit. Depuis sa
création, l'organisation rwandaise investit des moyens im-
portants pour disposer d'infrastructures modernes et renfor-
cer les moyens de ses membres. Les recettes générées par
les ventes aux importateurs du commerce équitable sont
ainsi utilisées pour former les caféiculteurs et leur famille au
plan technique, mais aussi sur les questions environnemen-
tales. Cette recherche constante de la qualité a permis à la
coopérative de remporter de nombreux prix, dont le presti-
gieux "Cup of Excellence 2010" organisé par l'association
du même nom pour récompenser les meilleurs cafés dans
plusieurs pays. Depuis 2010, la COOPAC est engagée dans
un nouveau projet, financé par le TDC, afin d’obtenir la certi-
fication biologique pour ses 2200 producteurs. La coopéra-
tive forme les planteurs aux techniques agricoles biolo-
giques. Le résultat espéré est l’augmentation de 150% du
chiffre d’affaires de la coopérative en trois ans.
L’influence de la COOPAC se fait sentir dans toute la région
du Kivu. Par sa réussite à l'exportation vers des marchés à
haute valeur ajoutée, elle montre le potentiel du café Kivu.
Convaincu lui-même, le président de la COOPAC appuie
activement le développement des coopératives en RDC,
comme la SOPACDI.
On le voit, longtemps isolés, les caféiculteurs de l’Afrique
des Grands Lacs apprennent à lier leur développement à la
valorisation des ressources humaines et naturelles de leurs
territoires, et participent aux grands échanges mondiaux,
dans le respect des valeurs du commerce équitable.
Trade for Development Centre
Mai 2013
Données-clés sur les 5 coopératives
Organisation Pays
Nombre de
membres
Durée du
projet
Période Contribution CTB (€)
GUMUTINDO Ouganda 6,500 1 an 11/2009 – 11/2010 36.574
BUKONZO JC Ouganda 3,237 1 an 12/2012 – 12/2013 31.636
RAEK RDC 2,100 2,5 ans 07/2011 – 12/2013 149.909
SOPACDI RDC 5,000 2,5 ans 07/2011 – 12/2013 150.000
COOPAC Rwanda 2,200 3 ans 08/2010 – 08/2013 149.481
« Respectueuse des cultures vivrières, notre
production fait travailler environ 20 000 personnes
décemment rémunérées. La filière du commerce
équitable nous impose un cahier des charges très
précis et nous garantit un prix. La qualité de notre
produit nous permet également d’en négocier le tarif »
Emmanuel RWAKAGARA, Président de la COOPAC
Le comité des mamans Sopacdi - © Comequi

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  • 1. ©TimDirven/OxfamFairtrade L’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la République Démocratique du Congo disposent des conditions clima- tiques et de sol idéales pour la culture du café. Pendant de nombreuses années, ces 4 pays furent des exportateurs importants. Mais suite à l’abolition de l’Accord international sur le café en 1989, la chute des prix qui s’en suivit et un cours de café très volatile, beaucoup de produc- teurs ont commencé à négliger leurs champs, une réaction accélérée encore par l’attitude des intermédiaires ne faisant aucune différentiation de prix en fonction de la qualité du café. Ces 10 à 15 dernières années pourtant, le café des Grands Lacs connaît un nouvel essor. De nombreux petits caféicul- teurs se sont organisés en coopératives et ont décidé de s’orienter davantage vers l’exportation d’un café de qualité certifié bio et commerce équitable. L’objectif est clair : accroître les prix de vente et les marges bénéficiaires. en visant tout particulièrement des marchés de niche. Autre avantage pour les producteurs, dans de nombreux cas, le café-cerise est transformé en café vert par les coopé- ratives elles-mêmes, ce qui leur permet de percevoir une plus grande part encore de la valeur ajoutée. Sur les flancs du Mont Elgon, la plus haute montagne de l’Ouganda située sur la frontière avec le Kenya, la Gumutin- do Coffee Cooperative Enterprise est créée en 2000 avec pour objectif de produire un café de qualité qui puisse être vendu au meilleur prix. La production de l’organisation (qui regroupe aujourd’hui 6.500 fermiers) a été certifiée équitable en 2003, et biologique ensuite. Les ventes via les circuits du commerce équitable lui permettent de mener à bien des réa- lisations collectives. Mais pour la coopérative, c’est avant tout la qualité qui justi- fie le prix élevé. Grâce au projet financé par le TDC, Gumu- tindo a pu lancer des cafés « d’origine » et conquérir de nou- veaux marchés européens. Le prix payé pour ces produits haut de gamme est nettement supérieur encore aux prix pratiqués pour du café équitable et biologique. A l’autre extrémité du pays se trouvent les Monts Rwenzori, connus aussi sous le nom évocateur de « Monts de la Lune », une chaîne de montagnes dépassant les 5.000 mètres d’altitude, partagée entre l’Ouganda et la République Démocratique du Congo. Comme le Mont Elgon, Les Monts de la Lune sont propices à donner un café de haute qualité, parmi d’autres produits comme la vanille et le cacao dans les zones de moindre altitude. Par contre, la région souffre d’un
  • 2. taux élevé d’érosion et d’une perte importante de la fertilité des sols dus à la surproduction, la surpopulation et des techniques agricoles mal adaptées. Les caféiers n’y sont pas en très bonne santé. Bukonzo Joint Coopérative veut changer la donne en travaillant sur l’amélioration des techniques de production de ses membres. Créée en 1999, la coopérative débute comme prestataire de services de microfinance. A partir de 2005, elle se lance dans la commercialisation du café, pre- mièrement sur le marché local, et depuis 2011 vers les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon. Le café de Bu- konzo est certifié équitable et 2.700 de ses fermiers se trou- vent actuellement dans le processus de conversion à la culture biologique. Le projet financé par le TDC vise à améliorer les techniques agricoles pour que Bukonzo puisse offrir aux acheteurs un café certifié de qualité tout en veillant non seulement à la durabilité environnementale, mais aussi à la durabilité so- ciale et économique de la production dans la région. Tout comme Gumutindo à l’autre bout du pays, Bukonzo vise des marchés à haute valeur ajoutée. Son café a toutefois une autre particularité : 85% des membres de Bukonzo sont des femmes, une exception en Afrique où le café est considéré comme « une affaire d’hommes ». Depuis 2008, Bukonzo lutte contre les discri- minations envers les femmes dans cette zone post-conflit. Le droit à la terre n’y est plus nié aux veuves et femmes divorcées, qui deviennent actrices de leur développement. Les flancs verts des montagnes qui se versent dans le bleu clair du Lac Kivu abritent des milliers de caféiers, introduits pendant l’ère coloniale, et devenus une vraie culture de rente : le jeune état zaïrois exportait encore jusque 200.000 tonnes de café par an dans les années ‘70. Suite à la chute des prix et à l’augmentation des taxes à l’exportation, de nombreux producteurs se sont trouvés au bord de la faillite. Pour s’en sortir, de nombreux caféiculteurs ont affronté le péril des traversées nocturnes du lac Kivu et les noyades pour passer le café en contrebande au Rwanda. Evidem- ment, les guerres congolaises consécutives et l’insécurité toujours présente n’ont rien arrangé. Elles ont provoqué la fuite de nombreux producteurs qui ont laissé leurs planta- tions derrière eux. Pourtant, malgré l'insécurité, une nouvelle dynamique est en train de naître dans le secteur du café. Deux projets finan- cés par le Trade for Development Centre veulent répondre aux enjeux culturaux dans la zone : des plantations vieillis- santes qui datent encore de l’époque coloniale, des tech- niques de production archaïques, et la pauvreté des sols. Point positif : la qualité exceptionnelle du café du Kivu, con- firmée par le nombre d’acheteurs qui redécouvrent cette ré- gion. Depuis sa création en 1992, RAEK (Regroupement des Agri- culteurs et Eleveurs de Kabare) défend les intérêts des petits paysans du Territoire de Kabare (Bukavu) et soutient leurs activités agricoles tout au long des différents maillons de la chaîne de valeur. Les responsables de RAEK soutiennent aussi le développement d'une culture de café de qualité, mais l'accès au marché est un défi. Le projet que le TDC finance actuellement a comme objectif de développer une production écologiquement durable de café Arabica et d'ob- tenir la certification équitable afin d’exporter et de bénéficier «L’argent que j’ai gagné grâce à la prime l’année dernière m’a permis de payer l’inscription de ma fille à l’école. Je l’ai dit à mes amis et à mes enfants : nous devons consacrer notre temps à produire du café de très bonne qualité». Difasi NAMISI,un producteur affilié à Gumutindo ©TimDirven/OxfamFairtrade
  • 3. des primes de développement pour renforcer les réalisations sociales auprès des communautés membres de RAEK. RAEK n'est qu'aux débuts du chemin qui doit l'amener vers la labellisation de sa production. A terme, l'obtention de certi- fications équitables et/ou biologiques, associée à l'améliora- tion de la qualité du café et au renforcement des liens avec les importateurs solidaires permettra d'engager durablement l'organisation paysanne sur la voie du développement. SOPACDI (Solidarité Paysanne pour la Promotion des Ac- tions Café et Développement Intégral) est engagée depuis des années dans une dynamique de développement écono- mique et social des paysans du Territoire de Kalehe (Minova). Créée en 2003, son objectif est d’acheter les ré- coltes de ses membres pour les revendre au meilleur prix et initier des projets de développement collectif. Les respon- sables de la SOPACDI ont intégré la nécessité de travailler sur la qualité des grains de café et ont initié des programmes de sensibilisation et de formation des planteurs aux meil- leures techniques caféicoles. Ainsi, le projet financé par le TDC contribue à une amélioration globale du système agri- cole et productif de la coopérative pour garantir un café de qualité. Certifiée équitable depuis 2011, la SOPACDi voit aujourd'hui la plupart de ses membres certifiés bio. La coo- pérative a réussi à nouer des relations commerciales soli- daires plus rémunératrices, ce qui a permis d’accroître de manière significative les revenus de ses adhérents et d’en- gager des investissements importants pour la transformation de café (station de lavage, entrepôt de stockage) afin de garder une partie importante de la valeur ajoutée au sein de la coopérative. Depuis quelques années, RAEK et SOPACDI sont aussi confrontées à un problème de tout autre ordre : la violence sexuelle récurrente dans le Sud-Kivu. Un tiers des membres de RAEK sont des femmes, contre un cinquième chez SOPACDI. Plusieurs ont été victimes de violence sexuelle. Elles œuvrent pour briser le tabou de la femme violée, par sa réintégration dans le tissu économique, et elles stimulent la solidarité intra-féminine, par la création des comités de femmes qui autogèrent des activités économiques. RAEK a en outre nommé une femme comme responsable "genre" au sein du conseil d’administration. RAEK et SOPACDI ne sont pas les seules coopératives dans le Sud-Kivu, mais elles contribuent d’une façon impor- tante à une dynamique positive dans la région. Vu les cir- constances – les guerres consécutives, la quasi-absence de l’état congolais et la pauvreté endémique – c’est un tour de force ; d’autant plus si l’on prend en compte l’aide humani- taire chronique présente dans la province et qui conforte la population dans son "statut" de victime, habituée à dépendre de l'aide extérieure. Bien que de petite échelle, ces deux organisations montrent qu’il y a une alternative et que le commerce du café peut contribuer au développement, même en zones de conflit. De l’autre côté du lac Kivu, les mêmes collines vertes, la même qualité de café. En 2001 à Gisenyi, au Rwanda, la COOPAC (Coopérative pour la Promotion des Activités- Café) voit le jour. Située sur les pentes escarpées des mon- tagnes volcaniques autour du lac, la COOPAC démarre avec 110 caféiculteurs et développe rapidement ses capacités de production en installant en peu de temps trois stations de lavage. Deux ans plus tard, la COOPAC compte plus de 2 200 membres organisés en six associations. Certifiée équi- table en 2003, la coopérative connaît une expansion remar- quable. Station de lavage de la Sopacdi. © Comequi « La certification Fairtrade et l’engagement de nos partenaires présentent énormément d’avantages. Grâce à eux, nous avons pu financer l’entretien de dessertes agricoles, financer la création d’écoles et de dispensaires et travailler à la protection des sols et au reboisement des exploitations » Joachim MUNGANGA, Président de la SOPACDI
  • 4. Les réussites s'expliquent en grande partie par l'importance qu'accorde COOPAC à la qualité du produit. Depuis sa création, l'organisation rwandaise investit des moyens im- portants pour disposer d'infrastructures modernes et renfor- cer les moyens de ses membres. Les recettes générées par les ventes aux importateurs du commerce équitable sont ainsi utilisées pour former les caféiculteurs et leur famille au plan technique, mais aussi sur les questions environnemen- tales. Cette recherche constante de la qualité a permis à la coopérative de remporter de nombreux prix, dont le presti- gieux "Cup of Excellence 2010" organisé par l'association du même nom pour récompenser les meilleurs cafés dans plusieurs pays. Depuis 2010, la COOPAC est engagée dans un nouveau projet, financé par le TDC, afin d’obtenir la certi- fication biologique pour ses 2200 producteurs. La coopéra- tive forme les planteurs aux techniques agricoles biolo- giques. Le résultat espéré est l’augmentation de 150% du chiffre d’affaires de la coopérative en trois ans. L’influence de la COOPAC se fait sentir dans toute la région du Kivu. Par sa réussite à l'exportation vers des marchés à haute valeur ajoutée, elle montre le potentiel du café Kivu. Convaincu lui-même, le président de la COOPAC appuie activement le développement des coopératives en RDC, comme la SOPACDI. On le voit, longtemps isolés, les caféiculteurs de l’Afrique des Grands Lacs apprennent à lier leur développement à la valorisation des ressources humaines et naturelles de leurs territoires, et participent aux grands échanges mondiaux, dans le respect des valeurs du commerce équitable. Trade for Development Centre Mai 2013 Données-clés sur les 5 coopératives Organisation Pays Nombre de membres Durée du projet Période Contribution CTB (€) GUMUTINDO Ouganda 6,500 1 an 11/2009 – 11/2010 36.574 BUKONZO JC Ouganda 3,237 1 an 12/2012 – 12/2013 31.636 RAEK RDC 2,100 2,5 ans 07/2011 – 12/2013 149.909 SOPACDI RDC 5,000 2,5 ans 07/2011 – 12/2013 150.000 COOPAC Rwanda 2,200 3 ans 08/2010 – 08/2013 149.481 « Respectueuse des cultures vivrières, notre production fait travailler environ 20 000 personnes décemment rémunérées. La filière du commerce équitable nous impose un cahier des charges très précis et nous garantit un prix. La qualité de notre produit nous permet également d’en négocier le tarif » Emmanuel RWAKAGARA, Président de la COOPAC Le comité des mamans Sopacdi - © Comequi