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L'année 2011 fut déclarée Année Internationale des Forêts par l'Assem-
blée générale des Nations Unies.
L’ONU voulait ainsi souligner l'importance des grands couverts forestiers
pour des millions de personnes dans le monde.
Il s'agissait de sensibiliser le grand public, les organisations internatio-
nales et les acteurs locaux à la place que doit occuper la gestion des
forêts dans les dynamiques de développement de très nombreux pays du
Sud.
Cette année 2011 est terminée. C'est l'heure du bilan.
Qu’en est-il de la préservation des forêts?
Est-ce qu'enfin cette thématique est prise en compte dans les politiques
de développement ?
Au début du XIXème siècle, les forêts tropicales couvraient
une superficie de 1.6 milliards d'hectares à la surface du
globe. Aujourd'hui, il en reste moins de la moitié.
Depuis le début des années 2000, la déforestation détruit an-
nuellement quelque 6.4 millions d'hectares dans le monde1
,
en particulier dans les régions tropicales. Les dernières
études réalisées grâce aux technologies satellitaires ont mon-
tré que ce rythme de destruction des couverts forestiers s'est
singulièrement accéléré ces dix dernières années, tout spé-
cialement en Amérique latine et en Afrique.
Or, comme le souligne Eduardo Rojas-Briales, sous-
directeur général de la FAO responsable du Département
des forêts, "la déforestation prive des millions de personnes
de biens et services forestiers cruciaux pour la sécurité ali-
mentaire, le bien-être économique et la santé de l'environne-
ment." 2
C'est bien l'un des éléments du problème.
Les conséquences de la déforestation sont multidimen-
sionnelles (environnementales, économiques, sociales,
sanitaires…) et mettent en péril le développement global
de nombreux pays du monde, même si ces derniers enre-
gistrent de bons résultats sur les autres piliers du déve-
loppement que sont, par exemple, la gouvernance, les
infrastructures ou l'éducation.
Crédit : The International Institute
for Environment and Development
Forêttropicale(îledeBali,Indonésie)-Crédit:EricBajart
En déclarant l'année 2011 « Année Internationale des
Forêts », l'Assemblée Générale des Nations-Unies a vou-
lu mettre en exergue le caractère fondamental de la ques-
tion forestière, qui doit être intégrée de manière transver-
sale dans les stratégies de développement de nombreux
pays du monde.
République démocratique du Congo, Brésil, Indonésie, Pé-
rou, Vietnam… la déforestation galopante qui ronge ces pays
pèse sur leurs ressources, menace les communautés fores-
tières et, à terme, hypothèque leurs perspectives de dévelop-
pement.
Au delà de ces impacts régionaux, la déforestation doit être
prise en compte comme l'un des principaux facteurs du ré-
chauffement climatique global.
Cette prise de conscience est à l'origine du lancement,
dans le courant des années 2000, de plusieurs initiatives
internationales.
Coordonné par l'ONU, le programme transnational REDD+
(Reducing emissions from deforestation and forest degrada-
tion) est le plus connu d'entre eux. Il vise à limiter le réchauf-
fement climatique par l'implémentation de sous-programmes
de lutte contre la déforestation (en particulier à travers un
système de surveillance du couvert forestier) et par des ac-
tions de préservation et de restauration de la biodiversité.
Malgré des succès certains, la mise en œuvre du pro-
gramme REDD+ rencontre de nombreux obstacles.
Modes de financement inadaptés (sous forme d'échanges
de crédits-carbone), intervention de grandes entreprises,
non-reconnaissance par les gouvernants des droits fonciers
aux communautés forestières, recherche de l'hyper-
productivité des terres cultivables, inadéquation des législa-
tions forestières nationales… autant de rouages du système
qui font l'objet de critiques, en particulier de la part des ONG
environnementalistes et de défense des droits des popula-
tions autochtones.
Ces problèmes illustrent la difficulté de concilier développe-
ment économique rapide, d'une part, et préservation des
zones forestières, d'autre part, en particulier dans les pays
les plus exposés à un modèle économique grand consom-
mateur de ressources.
Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations-Unies en visite en Indonésie (Central Kalimantan Province) sur l’un des sites REDD+ - Crédit : UN Photo/Mark Garten
Indonésie (Central Kalimantan Province) site REDD+ - Crédit : UN Photo
Pour autant, l'enjeu est d'importance et les efforts entrepris
pour intégrer la gestion durable des forêts aux stratégies de
développement global doivent être poursuivis et renforcés, en
tenant compte des spécificités nationales et locales.
Cette nécessaire prise en compte de la question fores-
tière est d'ailleurs entrée ces dernières années dans les
pratiques et les dynamiques de travail des agences de
coopération.
Au sein de la CTB, l'Agence belge de développement, les
experts chargés de l'accompagnement des projets mis en
œuvre dans les 18 pays du Sud partenaires3
, confirment cette
tendance.
Au sein des axes de travail de la coopération belge
(agriculture et développement rural, éducation, santé, décen-
tralisation, genre, environnement et climat, etc.), Claude Croi-
zer, conseiller environnement, constate l'importance crois-
sante de la question forestière comme problématique de
développement. Il s'en explique : "Les principaux objectifs de
la Coopération belge sont la lutte contre la pauvreté et le ren-
forcement de l'accès des populations aux services de base.
La lutte contre la déforestation n'est pas une priorité institu-
tionnelle, comme peuvent l'être la santé et l'éducation. Ceci
étant, les choses évoluent et, aujourd'hui, de nombreux
programmes que nous soutenons intègrent cette dimension
forestière."
Ce sont les pays partenaires (les 18 pays bénéficiaires de
l'aide belge) qui choisissent parmi les 10 axes de travail stra-
tégiques de la Coopération belge ceux qu'ils souhaitent
adopter pour concentrer le soutien de la Belgique.
Or, ces dernières années, ainsi que le rapporte Claude
Croizer, "les pays partenaires accordent de plus en plus
d'importance aux questions écologiques et s'orientent
vers les priorités 'environnementales' (agriculture et
développement rural, eau et assainissement, environne-
ment et climat)."
ProtestationdelacommunautéSekonyer(Bornéo)contrela
déforestation-Crédit:RainforestActionNetwork
Parmi les projets que soutient l'Agence belge de dévelop-
pement, on peut s’attarder sur un projet centré exclusive-
ment sur la question forestière.
Mis en place en 2009, le Programme d'Appui à la Refores-
tation au Rwanda a pour objectifs l'aménagement (ou la
reconversion) de 10.000 hectares de forêts publiques
pour la production de bois-énergie et la maîtrise quantita-
tive et qualitative des ressources forestières du pays.
Afin de mieux assurer les besoins du Rwanda en combus-
tibles ligneux, la CTB soutient le renforcement des capacités
des autorités locales compétentes, l'augmentation
(reboisement) et la rationalisation des ressources forestières
et l'amélioration des techniques de valorisation du bois-
énergie (procédés de carbonisation).
Dans ce projet, la question forestière s'inscrit dans une ges-
tion durable des ressources énergétiques du pays.
D'autres projets soutenus par la CTB intègrent la dimen-
sion forestière, mais de manière moins exclusive.
En Tanzanie, par exemple, l'Agence belge de développement
apporte son soutien à la filière apicole qui offre des perspec-
tives d'emplois à des milliers d'hommes et de femmes.
Des programmes de formation technique pour améliorer la
qualité du miel (et donc son prix de vente) ont été mis en
place ainsi que des actions de préservation des sous-bois où
se nourrissent les abeilles.
La préservation de la ressource forestière devient ainsi
un instrument direct de lutte contre la pauvreté et un
moyen pour assurer à des communautés de milliers de
personnes des revenus plus décents et des approvision-
nements plus durables.
La Route des Incas (Pérou) - Crédit : Eduardo Zárate / The Future is Unwritten
L'adaptation des systèmes de gestion des ressources aux
changements climatiques apparaît souvent comme l'une
des préoccupations des pays en développement, justi-
fiant à nouveau la préservation des forêts.
Dans de nombreux cas, le couvert forestier assure une protec-
tion des ressources naturelles face aux périls que la hausse
des températures mondiales fait peser sur de nombreux pays.
Au Vietnam, par exemple, les zones boisées protègent les
littoraux contre la montée des eaux salines qui menace les
rizières et les filières d'approvisionnement en eau potable.
Là aussi, la CTB apporte son concours aux collectivités qui
bénéficient de moyens supplémentaires (près de 30 millions
d'euros) dans le cadre d'un programme d'assainissement et
de renforcement des capacités. Cet engagement aidera
quelque peu les administrations locales à faire face aux défis
que représentent l'urbanisation rapide et le changement cli-
matique.
La préservation des forêts est ici envisagée comme moyen
pour orienter le développement urbain vers des fonctionne-
ments plus écologiques et plus durables.
Dans certaines régions, la ressource forestière est le socle même sur lequel se construit le projet de déve-
loppement. C'est le cas notamment au Pérou, en bordure de l'Amazonie, où vivent les indigènes Shipibo Conibo de la région
d'Ucayali. Avec l'appui d'ONGs, l’une belge et l’autre péruvienne, et celui du Trade for Development Centre de la CTB, les
communautés locales ont appris à gérer durablement leurs ressources.
L'obtention dans un second temps de la certification FSC devrait leur permettre de commercialiser leur bois au meilleur prix
dans le cadre d'une exploitation durable.
Pendant des décennies, les logiques de développement se sont concentrées sur les questions économiques et
sociales. Plus d'activités pour plus d'emplois pour de meilleures conditions de vie.
Mais aujourd'hui, ces paradigmes évoluent et, confrontés à l'érosion de leurs richesses naturelles ainsi qu’au chan-
gement climatique, les pays du Sud et les acteurs du développement (dont la CTB) intègrent la nécessité d'associer
croissance et préservation de l'environnement.
Ces deux composantes du développement durable sont indissociables et les forêts sont au cœur de cette alchimie.
Mars 2012
 "Environnement et Développement - Regard sur 30 projets de coopération", une brochure de la CTB, l'Agence belge de développe-
ment, éditée en décembre 2009, disponible sur www.btcctb.org
 « Groenhart, le bois durable péruvien », présentation du projet soutenu par le Trade for Development Centre, disponible sur
http://www.befair.be/fr/projectsheet?page=1
 « Quel avenir pour les forêts de la République démocratique du Congo ? », une publication de la CTB disponible sur www.btcctb.org.
1
Source : FAO, Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture
2
Source : ONU / FAO - www.un.org/french/newscentre
3
Les 18 pays partenaires de la CTB sont l'Afrique du Sud, l'Algérie, le Bénin, la Bolivie, le Burundi, l'Équateur, le Mali, le Maroc, le Mozam-
bique, le Niger, l'Ouganda, la Palestine, le Pérou, la République démocratique du Congo, le Rwanda, le Sénégal, la Tanzanie et le Vietnam.
Travailleurs agroforestiers de la communauté Shipibo Conibo (Pérou)
Crédit : Groenhart

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  • 1. L'année 2011 fut déclarée Année Internationale des Forêts par l'Assem- blée générale des Nations Unies. L’ONU voulait ainsi souligner l'importance des grands couverts forestiers pour des millions de personnes dans le monde. Il s'agissait de sensibiliser le grand public, les organisations internatio- nales et les acteurs locaux à la place que doit occuper la gestion des forêts dans les dynamiques de développement de très nombreux pays du Sud. Cette année 2011 est terminée. C'est l'heure du bilan. Qu’en est-il de la préservation des forêts? Est-ce qu'enfin cette thématique est prise en compte dans les politiques de développement ? Au début du XIXème siècle, les forêts tropicales couvraient une superficie de 1.6 milliards d'hectares à la surface du globe. Aujourd'hui, il en reste moins de la moitié. Depuis le début des années 2000, la déforestation détruit an- nuellement quelque 6.4 millions d'hectares dans le monde1 , en particulier dans les régions tropicales. Les dernières études réalisées grâce aux technologies satellitaires ont mon- tré que ce rythme de destruction des couverts forestiers s'est singulièrement accéléré ces dix dernières années, tout spé- cialement en Amérique latine et en Afrique. Or, comme le souligne Eduardo Rojas-Briales, sous- directeur général de la FAO responsable du Département des forêts, "la déforestation prive des millions de personnes de biens et services forestiers cruciaux pour la sécurité ali- mentaire, le bien-être économique et la santé de l'environne- ment." 2 C'est bien l'un des éléments du problème. Les conséquences de la déforestation sont multidimen- sionnelles (environnementales, économiques, sociales, sanitaires…) et mettent en péril le développement global de nombreux pays du monde, même si ces derniers enre- gistrent de bons résultats sur les autres piliers du déve- loppement que sont, par exemple, la gouvernance, les infrastructures ou l'éducation. Crédit : The International Institute for Environment and Development Forêttropicale(îledeBali,Indonésie)-Crédit:EricBajart
  • 2. En déclarant l'année 2011 « Année Internationale des Forêts », l'Assemblée Générale des Nations-Unies a vou- lu mettre en exergue le caractère fondamental de la ques- tion forestière, qui doit être intégrée de manière transver- sale dans les stratégies de développement de nombreux pays du monde. République démocratique du Congo, Brésil, Indonésie, Pé- rou, Vietnam… la déforestation galopante qui ronge ces pays pèse sur leurs ressources, menace les communautés fores- tières et, à terme, hypothèque leurs perspectives de dévelop- pement. Au delà de ces impacts régionaux, la déforestation doit être prise en compte comme l'un des principaux facteurs du ré- chauffement climatique global. Cette prise de conscience est à l'origine du lancement, dans le courant des années 2000, de plusieurs initiatives internationales. Coordonné par l'ONU, le programme transnational REDD+ (Reducing emissions from deforestation and forest degrada- tion) est le plus connu d'entre eux. Il vise à limiter le réchauf- fement climatique par l'implémentation de sous-programmes de lutte contre la déforestation (en particulier à travers un système de surveillance du couvert forestier) et par des ac- tions de préservation et de restauration de la biodiversité. Malgré des succès certains, la mise en œuvre du pro- gramme REDD+ rencontre de nombreux obstacles. Modes de financement inadaptés (sous forme d'échanges de crédits-carbone), intervention de grandes entreprises, non-reconnaissance par les gouvernants des droits fonciers aux communautés forestières, recherche de l'hyper- productivité des terres cultivables, inadéquation des législa- tions forestières nationales… autant de rouages du système qui font l'objet de critiques, en particulier de la part des ONG environnementalistes et de défense des droits des popula- tions autochtones. Ces problèmes illustrent la difficulté de concilier développe- ment économique rapide, d'une part, et préservation des zones forestières, d'autre part, en particulier dans les pays les plus exposés à un modèle économique grand consom- mateur de ressources. Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations-Unies en visite en Indonésie (Central Kalimantan Province) sur l’un des sites REDD+ - Crédit : UN Photo/Mark Garten Indonésie (Central Kalimantan Province) site REDD+ - Crédit : UN Photo
  • 3. Pour autant, l'enjeu est d'importance et les efforts entrepris pour intégrer la gestion durable des forêts aux stratégies de développement global doivent être poursuivis et renforcés, en tenant compte des spécificités nationales et locales. Cette nécessaire prise en compte de la question fores- tière est d'ailleurs entrée ces dernières années dans les pratiques et les dynamiques de travail des agences de coopération. Au sein de la CTB, l'Agence belge de développement, les experts chargés de l'accompagnement des projets mis en œuvre dans les 18 pays du Sud partenaires3 , confirment cette tendance. Au sein des axes de travail de la coopération belge (agriculture et développement rural, éducation, santé, décen- tralisation, genre, environnement et climat, etc.), Claude Croi- zer, conseiller environnement, constate l'importance crois- sante de la question forestière comme problématique de développement. Il s'en explique : "Les principaux objectifs de la Coopération belge sont la lutte contre la pauvreté et le ren- forcement de l'accès des populations aux services de base. La lutte contre la déforestation n'est pas une priorité institu- tionnelle, comme peuvent l'être la santé et l'éducation. Ceci étant, les choses évoluent et, aujourd'hui, de nombreux programmes que nous soutenons intègrent cette dimension forestière." Ce sont les pays partenaires (les 18 pays bénéficiaires de l'aide belge) qui choisissent parmi les 10 axes de travail stra- tégiques de la Coopération belge ceux qu'ils souhaitent adopter pour concentrer le soutien de la Belgique. Or, ces dernières années, ainsi que le rapporte Claude Croizer, "les pays partenaires accordent de plus en plus d'importance aux questions écologiques et s'orientent vers les priorités 'environnementales' (agriculture et développement rural, eau et assainissement, environne- ment et climat)." ProtestationdelacommunautéSekonyer(Bornéo)contrela déforestation-Crédit:RainforestActionNetwork Parmi les projets que soutient l'Agence belge de dévelop- pement, on peut s’attarder sur un projet centré exclusive- ment sur la question forestière. Mis en place en 2009, le Programme d'Appui à la Refores- tation au Rwanda a pour objectifs l'aménagement (ou la reconversion) de 10.000 hectares de forêts publiques pour la production de bois-énergie et la maîtrise quantita- tive et qualitative des ressources forestières du pays. Afin de mieux assurer les besoins du Rwanda en combus- tibles ligneux, la CTB soutient le renforcement des capacités des autorités locales compétentes, l'augmentation (reboisement) et la rationalisation des ressources forestières et l'amélioration des techniques de valorisation du bois- énergie (procédés de carbonisation). Dans ce projet, la question forestière s'inscrit dans une ges- tion durable des ressources énergétiques du pays. D'autres projets soutenus par la CTB intègrent la dimen- sion forestière, mais de manière moins exclusive. En Tanzanie, par exemple, l'Agence belge de développement apporte son soutien à la filière apicole qui offre des perspec- tives d'emplois à des milliers d'hommes et de femmes. Des programmes de formation technique pour améliorer la qualité du miel (et donc son prix de vente) ont été mis en place ainsi que des actions de préservation des sous-bois où se nourrissent les abeilles. La préservation de la ressource forestière devient ainsi un instrument direct de lutte contre la pauvreté et un moyen pour assurer à des communautés de milliers de personnes des revenus plus décents et des approvision- nements plus durables. La Route des Incas (Pérou) - Crédit : Eduardo Zárate / The Future is Unwritten
  • 4. L'adaptation des systèmes de gestion des ressources aux changements climatiques apparaît souvent comme l'une des préoccupations des pays en développement, justi- fiant à nouveau la préservation des forêts. Dans de nombreux cas, le couvert forestier assure une protec- tion des ressources naturelles face aux périls que la hausse des températures mondiales fait peser sur de nombreux pays. Au Vietnam, par exemple, les zones boisées protègent les littoraux contre la montée des eaux salines qui menace les rizières et les filières d'approvisionnement en eau potable. Là aussi, la CTB apporte son concours aux collectivités qui bénéficient de moyens supplémentaires (près de 30 millions d'euros) dans le cadre d'un programme d'assainissement et de renforcement des capacités. Cet engagement aidera quelque peu les administrations locales à faire face aux défis que représentent l'urbanisation rapide et le changement cli- matique. La préservation des forêts est ici envisagée comme moyen pour orienter le développement urbain vers des fonctionne- ments plus écologiques et plus durables. Dans certaines régions, la ressource forestière est le socle même sur lequel se construit le projet de déve- loppement. C'est le cas notamment au Pérou, en bordure de l'Amazonie, où vivent les indigènes Shipibo Conibo de la région d'Ucayali. Avec l'appui d'ONGs, l’une belge et l’autre péruvienne, et celui du Trade for Development Centre de la CTB, les communautés locales ont appris à gérer durablement leurs ressources. L'obtention dans un second temps de la certification FSC devrait leur permettre de commercialiser leur bois au meilleur prix dans le cadre d'une exploitation durable. Pendant des décennies, les logiques de développement se sont concentrées sur les questions économiques et sociales. Plus d'activités pour plus d'emplois pour de meilleures conditions de vie. Mais aujourd'hui, ces paradigmes évoluent et, confrontés à l'érosion de leurs richesses naturelles ainsi qu’au chan- gement climatique, les pays du Sud et les acteurs du développement (dont la CTB) intègrent la nécessité d'associer croissance et préservation de l'environnement. Ces deux composantes du développement durable sont indissociables et les forêts sont au cœur de cette alchimie. Mars 2012  "Environnement et Développement - Regard sur 30 projets de coopération", une brochure de la CTB, l'Agence belge de développe- ment, éditée en décembre 2009, disponible sur www.btcctb.org  « Groenhart, le bois durable péruvien », présentation du projet soutenu par le Trade for Development Centre, disponible sur http://www.befair.be/fr/projectsheet?page=1  « Quel avenir pour les forêts de la République démocratique du Congo ? », une publication de la CTB disponible sur www.btcctb.org. 1 Source : FAO, Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture 2 Source : ONU / FAO - www.un.org/french/newscentre 3 Les 18 pays partenaires de la CTB sont l'Afrique du Sud, l'Algérie, le Bénin, la Bolivie, le Burundi, l'Équateur, le Mali, le Maroc, le Mozam- bique, le Niger, l'Ouganda, la Palestine, le Pérou, la République démocratique du Congo, le Rwanda, le Sénégal, la Tanzanie et le Vietnam. Travailleurs agroforestiers de la communauté Shipibo Conibo (Pérou) Crédit : Groenhart