L application de la physique classique dans le golf.pptx
indisciplinarité #1
1. indisciplinarités #1 printemps 2010 www.unsereuni.ch indisciplinarites@inventati.org cc by-nc-nd
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DENKZETTEL DENKZETTEL DENKZETTEL
INDISCIPLINARITÉS INDISCIPLINARITÉS INDISCIPLINARITÉS
L’éducation n’est
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pas une marchandise
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denkzettel privé et recherche: une union dangereuse?
9 Financement
indisciplinarités DENKZETTEL
denkzettelINDISCIPLINARITÉS
3 Sommet de Bologne à Vienne 7 Inégalités économiques d’accès aux études supérieures
indisciplinarités
14 Bâle: Conseil de l’Université 16 Berne: Conférence des Recteurs
17/20 Lausanne/Zurich: Chronique
2. général indisciplinarités #1 printemps 2010
Éditorial Contenu
Nous vous présentons ici le premier numéro du journal inte- Général
runiversitaire suisse. De nombreux-euses étudiantEs de la mo- «Nous pouvons créer un espace européen de protestation» . 3
bilisation des universités de Zurich, Bâle, Berne et Lausanne ont Coûts et taxes: Les défis de l’Université . . . . . . . . . 4
collaboré à l’élaboration de cette édition. À Lausanne, le journal Comment le mouvement se mit en branle . . . . . . . . 6
sort aujourd'hui grâce à la passion démontrée dans les dernières Inégalités économiques d’accès aux études supérieures . . . 7
semaines par un certain nombre d’étudiantEs, et qui ne demande Les enjeux du financement privé
qu’à être enrichie de votre participation. sur la recherche et l’enseignement . . . . . . . . . . .9
Faisons preuve de solidarité
Le journal est encore en phase de naissance, ce texte n'a au- et créons de l’autonomie . . . . . . . . . . . . . . . 11
cune intention d’être une politique éditoriale définitive . Le ca- Heraus zum 8. März
ractère du journal s'est composé autour des certaines idées fortes Gemeinsam sind wir Frauen stark . . . . . . . . . . . 13
qu’on vous présente ci-dessous. Il veut être avant tout un libre
espace de réflexion et un moment privilégié d'approfondissement Bâle
sur la mobilisation. Autonomie als Fata Morgana:
Der Unirat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Nous avons choisi d'écrire un journal bilingue en refusant
les murs et les barrières linguistiques imposées par la réalité Berne
suisse et pour essayer d'échapper à la régionalisation d'une lutte Rektorenkonferenz – Hochschulpolitik unter
qui à notre avis doit rester nationale et globale. La critique et Ausschluss der Betroffenen . . . . . . . . . . . . . . 16
la réaction face à l'immixtion actuelle des logiques économiques
dans le monde universitaire ne doit pas s'effondrer devant les Lausanne
particularités des contextes locaux. Ainsi les pages nationales «Notre» Unil est née! . . . . . . . . . . . . . . . . 17
abordent des thématiques qui touchent effectivement toute la Une histoire militante faite d’espoirs et de tensions . . . . 17
Suisse; alors que les pages régionales se penchent plutôt sur les
réalités précises de chaque université. Mais, nous trouvons im- Zurich
portant de conserver ces pages régionales, car c’est également Chronik: unsereuni Zürich . . . . . . . . . . . . . . 20
par la confrontation des différentes particularités des luttes lo- Brief an die Studierenden. . . . . . . . . . . . . . . 22
cales qu'on peut envisager une union des forces. En même temps,
notre attention se concentre aussi sur d’autres réalités, à savoir
la mobilisation estudiantine européenne et d’autres thématiques
importantes retenues par les différents collectifs éditoriaux. Compte de solidarité:
Dans un contexte à la fois militant et réflexif, nous estimons FREIE BILDUNG Zürich
que l'idée d’ouvrir un espace polémique et hétérogène aux diffé- PC 85-389589-3
rentes voix des mouvements estudiantins en Suisse remplit un
besoin fondamental, permettant ainsi de faire vivre un discours
critique et activiste dans les universités suisses. En ce sens, dans
ce numéro, vous trouverez des articles qui présentent différents Mentions légales
regards. Ceci est le fruit d'une volonté intrinsèque au projet: sen-
tez-vous librEs de réagir et de prendre la parole (indisciplina-
rites@inventati.org).
2010
Nous avons décidé d’utiliser un langage épicène car notre
lutte estudiantine concerne tant les femmes que les hommes. De www.unsereuni.ch
même, nous voulons contester le pouvoir sous toutes ses formes indisciplinarites@inventati.org
y compris phallocratique.
6 000 exemplaires
Écrire un journal en tant qu'activistEs-étudiantEs signifie
aussi se réapproprier la possibilité de nous raconter nous-mêmes Imprimé chez Druckerei Reitschule Bern
et sortir ainsi des logiques qui dominent les médias traditionnels.
Logo inspiré par un oeuvre de Nick Bygon
Pour toutes ces raisons, le titre du journal en français est (http://www.flickr.com/photos/nickbygon/)
Indisciplinarités. Nous souhaitons qu’il nous rappelle constam-
ment notre esprit contestataire qui anime le mouvement depuis Images:
le début, celui qui a permis une des plus importantes mobilisa- Page 1: geørg
tion estudiantine en Suisse depuis une dizaine d'années. Page 5: 1000.blogsport.de
Page 10: mediaparker
A l’heure de mettre sous presse cette première édition, nous Page 13: a_kep
tenons à remercier particulièrement le groupe revendications qui Page 15: Alex Koch
a contribué activement à la rédaction des articles. Page 18: unibrennt
Le groupe journal de Lausanne
2
3. printemps 2010 indisciplinarités #1 général
«Nous pouvons créer un espace
européen de protestation»
Le mouvement de protestation et la conférence de Bologne
de jaae
Le mouvement « Unibrennt » s’est nent seulement dans certains pays, c’est contre-sommet. «Je peux m’imaginer d’y
calmé. La réponse lorsqu’on pose la ques- pourquoi au niveau européen on pense participer, pourvu que tout se déroulera
tion de savoir s’il va se passer encore de manière plus positive que nous » dit de manière ordonnée.»
quelque chose est souvent: « Le sommet Christoph Bacher, chef du groupe. Le BFUG aimerait bien intégrer le
de Bologne en mars ». Le mouvement Un protocole d’«assessement» de la mouvement de protestation à la Confé-
veut transformer les activités festives à Conférence devrait traiter des problèmes rence, estime Bacher. « Nous ne voulons
Vienne et Budapest autour du 10e anni- d’application et des mouvements de pro- pas de confrontation mais une discus-
versaire de la déclaration de Bologne en testation. « Qu’ici on embellit tout, ce sion. » Il peut s’imaginer qu’une déléga-
prochain grand moment des mobilisa- n’est pas le cas », souligne Bacher. tion du contre-sommet pourrait être en-
tions relatives à la formation. Le mouvement de protestation veut voyée à la Conférence ou à la conférence
Sur le site web officiel de la Conférence élaborer sa critique ainsi que les alterna- de presse officielle.
de Bologne, il est expliqué que Bologne tives au processus de Bologne et formu- Lena doute de la sincerité de cette an-
aurait « réformé au cours de la dernière ler une Déclaration de Vienne à l’occa- nonce. Selon elle, on parle depuis des an-
décennie les structures de l’enseigne- sion d’un contre-sommet. Dans la suite nées des problèmes liés à Bologne, mais
ment supérieur européen de manière ré- les militant-e-s devraient se rencontrer jusqu’alors il n’y avait jamais d’actions
volutionnaire et joué un rôle capital dans chaque année dans une autre grande ville concrètes. En tout cas, les coordonnées de
l’augmentation de la compétitivité et de européenne pour créer un « espace euro- l’AG Bologne sont disponibles sur le site
l’attractivité du secteur de l’enseigne- péen de protestation », dit Lena de l’AG web : « Nous sommes ouvert-e-s à tout. »
ment supérieur européen ». Bologne. Le 11 et 12 mars aura lieu à Vienne
Ce processus se caractériserait « par Pour le premier contre-sommet sont et Budapest la Conférence de Bologne.
un partenariat entre les autorités pu- attendues à Vienne environ 1000 per- 46 membres de l’Union européenne et la
bliques, les institutions d’enseignement sonnes venant de différents pays euro- Commission européenne participeront.
supérieur et de ses employé-e-s, et les péens. Intervenant-e-s de toute l’Europe Huit organisations, dont l’ESU (Euro-
étudiant-e-s ». participeront à des ateliers et conférences pean Student’s Union) et l’organisation
Les mobilisations des derniers mois avec traduction simultanée. patronale européenne BusinessEurope,
donnent une autre image. « Le proces- Au préalable aura lieu une manifesta- sont admises à titre consultatif.
sus de Bologne a clairement raté le but tion avec au moins 10 000 participant- La Fédération Nationale des Etudiant-
d’harmoniser l’enseignement supérieur e-s. On planifie également de bloquer la e-s Autrichien-ne-s ÖH sera également
au niveau européen afin d’augmenter la Conférence de Bologne. Aux assemblées présente. « Nous représenterons à la
dynamique et la mobilité » critique l’AG générales de l’AG Bologne, il y a réguliè- conférence la position des étudiant-e-s »,
Bologna sur son site web. rement entre 100 et 200 personnes. dit Maurer. Néanmoins, elle participera
Sigrid Maurer, présidente de la Fédé- Mobayyed s’oppose à un blocus car il également au contre-sommet et aux ac-
ration Nationale des Etudiant-e-s Autri- faudrait donner aux ministres l’occasion tions de protestation. Qu’elle puisse être
chien-ne-s (Österreichische Hochschüle- de rendre compte des erreurs et d’y remé- également concernée par un blocus lui est
rInnenschaft Bundesvertretung), critique dier. Pourtant il est favorable à l’idée d’un égal: « la protestation est nécessaire ».
le fait que le processus favorise plutôt la
concurrence entre les écoles supérieures
au lieu de renforcer la coopération. Samir
Mobayyed, président de la « AktionsGe-
gipfelstürmer_in sein!
meinschaft » (groupe politique universi-
Wien
taire), juge de manière plutôt positive le 11. - 14. März
concept de Bologne globalement, mais il
relève des problèmes d’application.
« Qu’ici on embellit tout, ce n’est pas le
cas »
Le Bologna Follow-up Group (BFUG)
autrichien, qui coordonne le processus
en Autriche, connaît également ces pro-
blèmes. « Mais les problèmes survien-
bolognaburns.org
3
4. général indisciplinarités #1 printemps 2010
Coûts et taxes:
Les défis de l’Université
Un aperçu de l’histoire de l’Université.
de martino comelli
Les années 1960 et 1970 son indépendance et de son «inactualité». encore l’évaluation. D’autres problèmes,
Au cours des dernières décennies, Elle a alors fait preuve d’une attitude d’ordre social, sont apparus, ceux concer-
l’Université a connu de considérables hostile à l’égard du monde industriel, de nant les conditions de vie et d’étude des
transformations, en raison notamment la production, et plus généralement, du étudiantEs, le logement, les bourses
de la croissance économique des socié- profit. Les valeurs transmises par cette d’étude, mais également le problème de
tés occidentales après la Seconde Guerre institution s’apparentaient encore à des relation et de rapport entre l’école secon-
Mondiale. À partir des années 1960 en valeurs aristocratiques, avec pour ob- daire et l’enseignement tertiaire.5
effet, on peut observer une croissance jectif la transmission de la culture et de Par ailleurs, un changement s’est éga-
constante du nombre d’étudiantEs ins- l’érudition permettant une manière de lement opéré du côté des étudiantEs can-
critEs à l’Université. Ce phénomène peut vivre (way of life) spécifique, plutôt que didatEs aux études supérieures. En effet,
être expliqué de différentes manières.1 l’apprentissage à proprement parler d’un le milieu social, les habitudes (et habitus),
En premier lieu, c’est l’accroissement véritable métier.4 les tendances et les attentes à l’égard du
général de la richesse – même parmi les Même les sciences étaient alors valori- monde universitaire ont radicalement
couches les plus pauvres de la société – sées pour ce qu’elles sont, et la recherche modifié la culture universitaire. Pour
qui a permis d’allouer davantage de res- était promue pour elle-même. Une répar- certainEs d’entre eux-elles, L’Université
sources à l’enseignement supérieur. Les tition des tâches était respectée, en ce sens représente, non pas un luxe ou un vecteur
années 1960 en particulier sont celles que la recherche appliquée concernait d’acquisition des bonnes manières et d’une
de la formation d’une affluent society2 uniquement le monde industriel, alors érudition, mais bien un moyen permet-
au sein de laquelle les ressources sont de indépendant du milieu académique. L’une tant une mobilité sociale ascendante qui
plus en plus utilisées pour satisfaire les des conséquences de l’augmentation sou- les propulse dans les sphères dirigeantes.
exigences post-matérialistes, c’est-à-dire daine et massive du nombre d’étudiantEs La société, de son côté, voit ses besoins
les besoins qui concernent moins l’aspect est le changement de cap alors adopté par en personnels qualifiés augmenter, face à
matériel que celui lié à la connaissance. l’institution universitaire, dont les va- la tertiarisation croissante du monde du
D’autre part, la fin de la décennie 1960 leurs fondamentales, et, de fait, le fonc- travail, et voit en l’institution universi-
est marquée par des revendications po- tionnement se sont vus largement modi- taire un excellent partenaire pour cela.
pulaires visant à une démocratisation des fiés. L’Université s’est alors vu attribuer Ainsi, si, par le passé, l’Université défen-
études, voyant dans l’accès aux études su- des fonctions nouvelles, jusque là incon- dait la liberté académique et l’autonomie
périeures un moyen de rétablir une cer- nues. C’est ainsi qu’après les années 1970, à tout prix, ses priorités ont changé. De
taine justice sociale. Toutefois, certains on a assisté à une redéfinition de la nature fait, des traces visibles de la pression qui
intellectuelLEs, comme Pasolini3, ont et de la fonction sociale de l’Université. pèse sur les universités sont observables.
souligné le caractère élitiste et radical Ainsi, « l’Université (...) n’est plus une
chic de ces manifestations. Les années 1980-90 tour d’ivoire. Les professeurs ont été priés
Nous avons vu que, grâce à différents Les conséquences du bien être écono- d’en descendre et de rendre des comptes.
facteurs intrinsèquement liés les uns aux mique survenu durant les 30 Glorieuses Le concept de liberté académique a laissé
autres, tels que l’augmentation générale ont affecté tous les aspects de la vie uni- la place à celui de responsabilité, voire
de la richesse, une attitude plus encline versitaire et le rapport entre la société ci- d’imputabilité. Le rendement de l’Uni-
à des valeurs post-matérialistes ainsi vile et l’Université. versité est mis en cause, elle doit de plus
qu’un mouvement de revendication mas- Face à ces changements, de nouveaux en plus souvent se justifier ».6
sif, l’Université a dû ouvrir ses portes à questionnements ont surgi, concernant On le voit, le poids de la bureaucratie
un nombre croissant d’individus. Néan- les ressources de financement de l’ins- est devenu considérable, et produit des
moins, cette dernière, au cours des décen- titution universitaire, mais également complications administratives énormes,
nies 1960-70, a conservé des mécanismes l’aspect administratif et gestionnaire. alors même que certaines situations
nettement élitistes, fière qu’elle était de Ce second pan concernait l’engagement pourraient connaître une résolution bien
des enseignantEs, les prises de mesures plus simple. Alors, pourquoi la société
à l’égard de la qualité de l’enseignement,
1 martin trow, reflections on the transition from
mass to Universal Higher education, Daedalus, Vol.
ainsi que les objectifs de l’éducation ou 5 martin trow, reflections on the transition from
99, no. 1, 1970 elite to mass to Universal access in modern Societies
2 john Kenneth Galbraith, L’ère de l’opulence, since WWii, International Handbook of Higher Educa-
calmann-lévy, Paris, 1986 4 martin trow, Problems in the transition from elite tion, 2005
3 Pier Paolo Pasolini, Studenti, Figli di Papà, io Sto to mass Higher education, Carnegie Commission on 6 marc romainville, L’échec dans l’université de
con i Poliziotti, Nuovi Argomenti, n. 10, 1968 Higher Education, 1973. masse, l’Harmattan, Paris, 2000
4
5. printemps 2010 indisciplinarités #1 général
cherche-t-elle à contrôler la vie univer- simple, que les prix des biens industriels par exemple la santé, les services à la per-
sitaire? La réponse se trouve en partie baissent au fil du temps, du moment que sonne, la bureaucratie et évidemment,
dans les coûts et dans la perception et les le travail industriel est hautement méca- l’enseignement. En pratique, la maladie
attentes placées en une telle institution. nisé et qu’il est conçu pour augmenter la des coûts affecte le système de welfare
En effet, cette dernière n’est plus carac- production en utilisant la même quantité qui s’imposait pendant les années 1970
térisée par les valeurs humanistes qu’elle de travail. Le nom qu’il donne à ce type en raison d’une augmentation dans le
symbolisait autrefois, mais bien par son d’industrie est celui de «labour saving». secteur du travail « labour saving ».
caractère marchand, l’investissement Dans ce modèle, augmenter la producti- Baumol suggère trois moyens pour faire
qu’elle représente aux yeux d’une société vité à un coût raisonnable peut fournir face à la maladie des coûts: le premier (1)
capitaliste qui attend d’elle un rende- une augmentation régulière des salaires. est d’internaliser les coûts des services,
ment, dont la garantie passe par la sur-
veillance, et une forme de mainmise. Si
l’Université d’élite était relativement peu
coûteuse, celle d’aujourd’hui représente
une part considérable du budget de l’Etat,
compte tenu du fait que l’argent investi
par celui-ci dans la formation est soumis
à des critères d’efficience et d’efficacité.
Dans les années 1980, l’État social
(welfare) est confronté à de graves pro-
blèmes de couverture financière. Tout
cela est alors lié à l’évolution du système
de production, et donc à la façon de créer
la richesse au sein d’un pays. Advient
alors le passage d’un mode de production
keynésien-fordiste à un système basé sur
le travail tertiaire, nécessitant une for-
mation supérieure. Cela signifie égale-
ment l’abandon d’une société au sein de Le travail dans les services ne peut pas par exemple dans la famille, ou d’assurer
laquelle les gains de productivité ont été être mécanisé, il est donc soumis à une qu’on prenne en charge les coûts de ma-
sûrs et stables, garantissant une courbe augmentation constante des coûts. Une nière volontaire (bénévole), assurant par
croissante du capital de travail produit, augmentation linéaire de la demande en- exemple que la petite enfance reste une
et par là même, une courbe croissante traîne une augmentation exponentielle tâche pour les mères, ou que les soins aux
dans l’évolution des salaires. Dans les des coûts, précisément parce que la pro- personnes âgées soient la tâche des or-
années 1980, cette société, dite des 30 ductivité du travail des services ne peut ganes de bienfaisance bénévole. De cette
Glorieuses, appelée également affluent pas être augmentée au fil du temps et façon, le coût des services serait annulé.
society, venait de disparaître, laissant parce que nous devons assumer d’autres La deuxième façon (2) est de suivre le
la place à une société où l’augmentation personnes. Pour cela, on arrive à ce que marché et la dynamique de la produc-
de la productivité représente, de même Baumol appelle le «cost disease» la mala- tivité réelle, et faire payer la totalité du
que les perspectives financières des in- die des coûts: « ...while wages rise com- coût des services. Enfin, la troisième pos-
dividus, une incertitude. Une explication mensurately in all areas, then relative sibilité (3) est de fournir des services en
plutôt convaincante de ce phénomène a costs in the non-progressive sectors must les faisant payer par la taxation (fiscalité)
été donnée par l’économiste néo-keyné- inevitable rise, and these costs will rise générale.
sien William Baumol qui, en 1967, a pu- cumulatively and without limit. »9 Tous les États de welfare doivent
blié un article intitulé « Macroeconomics Par exemple, la production d’une ai- s’occuper du problème de la maladie des
of unbalanced growth, the anatomy of guille est une opération qui, au fil du coûts. Le sociologue danois Esping-Gøsta
urban crisis »7 Cette étude a connu un temps, est devenue moins chère grâce au Andersen10 construit une typologie très
grand succès et a été actualisée au vu des travail industriel. Au contraire, jouer un proche de celle de Baumol et montre
modifications continuelles du système quintette de Beethoven exige toujours comment les États devraient adopter
économique.8 Dans cette étude, Baumol cinq personnes. Vous ne pouvez pas ré- une de ces trois stratégies pour maîtriser
présente deux hypothèses: la première duire ce nombre de gens par la mécani- les coûts. Il s’agit alors d’internaliser le
suppose que le coût des biens et services sation. Le salaire des membres d’un or- problème (régimes de welfare méditer-
dépend directement de la main-d’œuvre chestre suivra le salaire des entreprises ranéens, de tendance conservatrice), de
employée; la seconde postule que l’in- du secteur industriel plus productif. Il y permettre le libre jeu du marché (ré-
tégralité des salaires a tendance à aug- aura alors une augmentation de salaires, gimes de welfare anglo-saxons, de ten-
menter sous l’impulsion de ceux qui mais non une augmentation de produc- dance libérale), ou encore de s’assurer que
concernent le secteur industriel. Baumol tivité, ce qui explique une augmentation le coût des services est réparti sur toute la
théorise grâce à un modèle mathématique sans limites des coûts. population et financé par la fiscalité gé-
La maladie des coûts ravage indistinc- nérale (les régimes de protection sociale
tement tout ce qui est lié aux services: scandinave, de type universaliste).
7 William Baumol, macroeconomics of unbalanced Dans les années 1980, aux États-Unis
growth, The American Economic Review, Vol. 57, no. 3,
1967 9 William Baumol, macroeconomics of unbalanced
8 William Baumol, Unbalanced Growth revisited, growth, The American Economic Review, Vol. 57, no. 3, 10 esping-Gøsta andersen, Les trois monde de l’état
The American Economic Review, Vol. 75, no. 4, 1985 1967 providence, PUF, Paris, 2007
5
6. général indisciplinarités #1 printemps 2010
et en Angleterre, la voie libérale a été
choisie pour pallier à la maladie des coûts,
à travers la promotion des politiques de
privatisation comme résultat d’une idéo-
Comment le mouvement
logie libérale. Selon ces doctrines éco-
nomiques et éthiques, l’État ne peut pas se mit en branle
prendre en charge le coût de la formation
et de la santé de tous les individus. Par
ailleurs, toujours selon le modèle libéral,
il n’est moralement pas souhaitable que
Issu de différentes initiatives au niveau de la politique de l’éduca-
l’État s’engage à fournir la même édu- tion, comme le réseau international « Emancipating
cation et les mêmes soins de santé pour Education For All » et « Education is not for sale », le
touTEs. L’idéologie libérale affirme que
mouvement « unsereuni» s’est développé à partir de l’Autriche.
chacunE est libre de choisir sa propre
formation mais qu’il a également la res-
ponsabilité du financement de cette der- Ces dernières années, les universités sité. Celle-ci fut dissoute par la police – il
nière. Le critère de justice sociale utilisé autrichiennes ont été soumises à divers dé- fut alors décidé spontanémant d’occuper
montre comment l’Université financée veloppements néfastes. A commencer par l’Audimax de l’Université de Vienne. L’oc-
par l’impôt est une injustice pour ceux la loi sur l’université de 2002, qui a imposé cupation attira tout de suite beaucoup de
qui n’ont pas accès à l’enseignement su- aux universités des structures de manage- monde et reçut un énorme soutien du côté
périeur. Ce changement de paradigme ne ment (le Conseil de l’Université a alors été de la communauté estudiantine. Toute la
peut être appliqué de manière uniforme mis en place). Ces structures ont fortement frustration accumulée éclata, mettant le
en Europe, mais il est indispensable pour réduit la participation démocratique des feu aux poudres : l’uni brûlait.
comprendre l’évolution de l’Université et étudiant-e-s aux décisions. Puis des taxes
ses dynamiques intrinsèques. d’études, jusqu’alors inexistantes, ont été Pourquoi la mobilisation doit-elle être
En Europe, la plupart des universités introduites (ces taxes ont depuis une année européenne ?
sont toujours financées par la fiscalité gé- été en partie abolies). Plus récemment en- La plupart des dysfonctionnements
nérale, bien que le niveau des impôts soit core, l’été passé, le ministre de l’éducation dans les unis sont les conséquences de
en train d’augmenter partout.11 supérieure a renouvelé contre l’avis des la politique néolibérale actuelle, qui est
Le contrôle social sur l’efficacité et étudiant-e-s la loi de l’université : l’accès (était… ?) en constante progression dans
l’efficience de l’Université se concrétise, à certains masters risque d’être réduit, les toute l’Europe. Ainsi, partout en Europe, se
le poids bureaucratique acquis au sein de mesures d’urgence, peuvent restreindre voit-on confronté à la même chose : dé-dé-
cette dernière n’étant qu’un signe de ce l’accès aux facultés et sections surchargées, mocratisiation des universités, restriction
phénomène parmi d’autres. Les univer- enfin, dans toutes les matières la propé- budgétaire pour les unis et dans le système
sités commencent à rivaliser entre elles deutique, c’est-à-dire une phase d’adapta- social, individualisation des étudiant-e-s.
pour acquérir le plus grand nombre d’étu- tion aux études, est devenue un passage La tendance est toujours plus à un finan-
diantEs et donc, des fonds publics. Elles obligé. cement tierce, donc souvent privé, des
commencent également à quantifier12, le A cela s’ajoute, de manière plus géné- universités, qui, avec ces barrières (essen-
plus objectivement possible leur produc- rale, l’application ratée du système de Bo- tiellement d’ordre financier) redeviennent
tion universitaire, en tenant compte des logne au cours des années précédentes et plus élitaires. Sans oublier, naturellement,
publications et de leur succès en terme de l’échec d’une restructuration. Des écono- le processus de Bologne, qui concerne lui
« impact factor »13. Cela permet aux ad- mies dans le système de formation, donc aussi tous les étudiant-e-s européen-ne-
ministrateurs d’allouer les fonds publics des facultés, débouchant sur des sections s : une division de la formation en deux
selon un critère productif, en termes de débordées et un mauvais encadrement. Ces niveaux, bachelor, master, avec un accès
nombre d’étudiantEs, de publications, de développements répandirent la rogne dans restreint au master, une tendance à pri-
capacité à recevoir des fonds, etc. Tout la communauté estudiantine. vilégier l’employability, le « formatage »,
cela soulève d’importantes questions sur Les motifs de la mobilisation : Le mou- à la formation, avec des plans d’études
la qualité de l’enseignement dispensé au vement « unibrennt » (littéralement : uni- surchargés – parce que c’est souvent une
sein de lieux censés promouvoir l’esprit brûle) est parti d’un événement survenu structure en huit semestres qui a été com-
critique, la capacité de réflexion, au-delà à l’Académie des beaux-arts de Vienne. préssée en un bachelor de six semestres.
même de considérations financières. Son recteur a signé – contrevenant alors Si les étudiant-e-s à travers l’Europe poin-
à un accord passé avec les étudiant-e-s tent ensemble les mêmes problèmes du
des beaux-arts – une convention avec le doigt, leur position en sera renforcée et
ministre de l’éducation autrichien stipu- peut-être cela permettra-t-il aussi d’at-
lant la restructruration des études (d’art) teindre la Comission européenne, grande
en un système Bachelor/Master. En réac- commanditaire du putsch du processus de
11 john aubrey douglass, trends in University Fees
and Financing in the eU and US, occasional Paper tion, des étudiant-e-s et des enseignant- Bologne. D’autres part, une action com-
Series e-s ont occupé le bâtiment des beaux-arts. mune et solidaire devrait désamorcé les
12 martin trow, reflections on the transition from Par solidarité et afin d’attirer l’attention tentatives de monter les étudiant-e-s les
elite to mass to Universal access in modern Societies
since WWii, International Handbook of Higher Educa-
sur certains dysfonctionnements ou incon- un-e-s contre les autres d’un pays à l’autre :
tion, 2005 vénients du système, les étudiant-e-s des la politique autrichienne tenta par exemple
13 laurence coutrot, Sur l’usage récent des indica- beaux-arts organisèrent ensemble avec des d’attribuer aux nombreux-ses Allemand-
teurs bibliométriques comme outil d’évaluation de
la recherche scientifique, Bulletin de Méthodologie
étudiant-e-s de l’Université de Vienne, une es étudiant en Autriche la responsabilité
Sociologique, n. 100, 2008 manifestation dans et autour de l’univer- des problèmes des universités.
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7. printemps 2010 indisciplinarités #1 général
Inégalités économiques d’accès
aux études supérieures
Des restrictions imperceptibles à l’accès dans le système d’éducation
de notre Uni laUSanne
Avec l’Accord général sur le commerce la base d’une modification constitution- · En dix ans, le montant total mis à dis-
des services (AGCS) de l’Organisation nelle, à partir de 2008 »2. Précisons que, position pour des aides a diminué de
mondiale du commerce (OMC), la for- selon nous, les bourses doivent être attri- 19% en francs réels (pp. 66-67).
mation tend à devenir un marché. Ainsi buées sur des critères sociaux et non sur
les étudiantEs sont perçuEs comme des des critères d’« excellence » individuelle. DCela traduit donc à la fois une in-
consommateurs-trices du « produit » Et elles doivent remplacer toute forme de suffisance et un retrait des finances
études, des clientEs et, comme toutE prêts, ceux-ci devant être abolis. De plus, publiques de l’aide à la formation su-
clientE, elle-ils doivent être solvables. les bourses « ne doivent pas dépendre périeure. Les inégalités ne s’arrêtent
Dans ce supermarché, taxes élevées et du budget de l’Etat mais s’adapter aux pas là : les bourses étant gérées par les
prêts avec intérêts deviennent logiques, besoins des étudiantEs et au coût de la cantons, cela induit des critères diffé-
enterrant cependant « toute formation vie » (p. 70). Il est en effet clair, du moins rents en matière d’octroi (p. 67). Enfin,
démocratique et accessible à tou-te-s »1 (p. est-ce clair pour l’ONU..., que « l’en- l’instauration de prêts est un scandale
15). C’est la question du financement des seignement supérieur doit être rendu auquel il faut mettre fin. Cette tendance
universités qui est posée là. Selon l’Union accessible à touTEs en pleine égalité, en « à l’américaine » ne fait que croître: « En
des étudiantEs de Suisse (UNES), « de- fonction des capacités de chacun, par tous 2004, 10% de toutes les aides à la forma-
puis les années 90, le message [du Conseil les moyens appropriés et notamment tion étaient des prêt. La tendance est à la
fédéral dans le domaine de la formation, par l’instauration progressive de la gra- hausse quant aux prêts, puisque le mon-
de la recherche et de l’innovation] prévoit tuité »3. L’UNES propose d’ailleurs que la tant total des prêts octroyés a augmenté
certes des augmentations [de moyens fi- formation soit ancrée dans la Constitu- de 10% depuis 1999 alors que celui des
nanciers], mais n’a pas encore su accorder tion en tant que droit humain fondamen- bourses est resté le même. (...) Les diffé-
les montants véritablement nécessaires » tal (p. 70). Le système actuel de bourses rences entre cantons sont frappantes (par
(p. 31). Or, notre principe est que la for- est donc inégalitaire. Il existe trois pro- exemple, 42% des aides sont des prêts en
mation est un bien public et doit être as- blèmes : le retrait des finances publiques Valais, alors que les Grisons ne font ja-
surée par un financement public (p. 25). du système d’aides ; sa cantonalisation ; mais de prêts). Les prêts signifient avant
Les taxes d’études représentent à peine et le remplacement des bourses par des tout des dettes. Pour cette raison, le rem-
2% du financement, elles ne sont donc en prêts (p. 66). Quelques chiffres de 2004 : placement des bourses par des prêts met
rien indispensables à celui-ci (p. 26). De en danger l’égalité des chances » (p. 67).
plus, elles représentent, en contradiction · 53% du budget mensuel moyen d’un Outre que prêt signifie dettes, ce qui est
avec le principe du financement public étudiantE provient du budget paren- le plus grave, deux autres conséquences
de la formation, « une forme de finan- tal sont possibles: l’encouragement à choisir
cement privé des universités » (p. 27). Il · 77% des étudiantEs ont une activité des filières d’études « rentables » plutôt
faut donc les abolir. Il faut à la fois abolir rémunérée celles qui correspondent à un intérêt
les taxes et renforcer considérablement le · Celle-ci représente 39% du budget de (pas seulement financier) et aux capaci-
système de bourses. Ces deux points sont l’étudiantE tés personnels; le pur et simple renonce-
indissociables, car le Conseil fédéral sou- · Les bourses et prêts en représentent ment aux études (p. 71). Au total, il faut
haite utiliser une éventuelle hausse des 6% remplacer le système existant par « un
bourses afin d’augmenter les taxes. Il no- · 10% des étudiantEs ont touché une système de bourses harmonisé [au ni-
tait en effet en 2002 qu’ « une augmenta- bourse (taux le plus bas depuis 1990) veau national], avec des critères unifiés »
tion significative [des taxes] n’est envisa- · Pour les étudiantEs devant financer (p. 69). De plus, à moins d’instaurer un
geable que dans la perspective de la mise leurs études par une aide, celle-ci re- « salaire étudiantE », il est essentiel que
en place d’un système performant de présente 36% de leur budget les bourses soient attribuées sur la base
bourses et de prêts, ce qui est prévu, sur des besoins réels des étudiantEs et non
de manière arbitrairement limitée. La
2 « message relatif à l’encouragement de la formati- Conférence suisse des institutions d’ac-
1 ce texte reprend, concernant la question de on, de la recherche et de l’innovation pendant les tion sociale (CSIAS) estimait en 2008
l’inégalité économique d’accès aux études supé- années 2008 à 2011 », 2002. cité par olivier long-
rieures, l’argumentaire de la brochure de l’Union champ et Yves Steiner, « Bologne, et après? essai
que « la bourse nécessaire pour unE étu-
des étudiantes de Suisse (UneS), Perspectives d’histoire immédiate des réformes universitaires diantE qui n’habite plus chez ses parents,
sur le paysage suisse des hautes écoles, Berne, récentes », traverse, n°3, 2008, p. 140. ne dispose d’aucune activité profession-
2008. les numéros de pages entre parenthèses 3 U, Pacte international relatif aux droits écono-
s’y réfèrent. les autres références sont placées en miques, sociaux et culturels, 1966, ratifié par la
nelle et que ses parents ne peuvent pas
note. Suisse en 1992. cité par l’UneS, p. 50. aider financièrement se monte (...) à 2140
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8. général indisciplinarités #1 printemps 2010
francs par mois »4. Les étudiantEs étran- la CSIAS) ne vont-elles pas dans le sens re idéologique et que le système – et ses
gers-ères doivent eux aussi avoir accès à d’obtenir des bourses suffisantes pour classes sociales – se reproduit largement
ces bourses et leurs diplômes doivent être étudier sans être obligé d’avoir une acti- tel quel génération après génération. On
reconnus. vité rémunérée à côté ? En effet, étudier peut donc assurer le meilleur système de
Deux questions subsistent au terme demande du temps et travailler à côté, bourses possible, le problème demeure
de cet exposé des propositions de l’UNES ne serait-ce qu’à 20%, péjore la qualité que les jeunes issus de milieux populaires
– que nous partageons. La première du travail fourni dans les études, sim- ne parviennent que rarement à atteindre
concerne le fait que le « la mise en place plement à cause du temps qui ne peut y le niveau scolaire nécessaire pour entrer à
de la réforme de Bologne a scolarisé les être consacré. La « contrainte » joue-t- l’université. Aucune nature ni culture ne
plans d’études (...) et réduit les possibili- elle donc dans le sens d’« études à temps sont bien sûr à invoquer pour expliquer
tés de combinaison de matières. De nom- plein » ou d’études à temps partiel ? Nous ce fait; il faut plutôt tourner son regard
breux-ses étudiantEs ainsi contraintEs à répondrions plutôt que personne ne de- vers les conditions structurelles qui ori-
des études à temps plein se voient reti- vrait être contraint à étudier à temps par- entent en grande partie les destins indi-
rer la possibilité de financer leurs études tiel. Bien sûr, cela ne change rien au fait viduels. Un enfant des classes populaires
par une activité rémunérée accessoire » que les étudiantEs ayant une famille à n’a en effet, de par les contraintes qui
(p. 38). D’une part, cette scolarisation, nourrir y sont de toute façon contraintEs. pèsent sur son environnement social, que
voulons-nous nous y adapter ou la re- Pour celles-ceux-là, les bourses devraient peu de chances de développer les disposi-
mettre en cause ? Il ne faudrait pas que bien sûr être à la hauteur de leurs charges. tions « scolastiques » qui entrent en réso-
l’octroi plus généreux de bourses valide La seconde consiste en un élargisse- nance avec celles attendues à l’université.
un processus que nous condamnons par ment de la problématique de l’égalité. L’égalité des chances n’est qu’un euphé-
ailleurs. D’autre part, que penser des L’UNES prend bien soin de ne parler misme de l’égalitarisme. Celui-ci signifie
études à temps partiel ? Même s’il est que d’« égalité des chances », c’est-à- la suppression des classes sociales. Il faut
normal de partir des cas concrets d’étu- dire d’une correction, par le système de rappeler cela régulièrement pour garder
diantEs obligéEs de travailler pour pou- bourses notamment, d’un système social à l’esprit que notre lutte reste partielle,
voir faire leurs études, nos revendica- global fondamentalement inégalitaire. mais aussi pour inciter les étudiantEs à
tions (voir plus haut les estimations de N’étant pas idéologiquement neutres, soutenir collectivement les luttes de clas-
nous tenons à souligner que l’idée de se des travailleurs. C’est la société entière
mobilité sociale basée sur celle de mérite qui doit être changée pour que l’égalité
4 citée par UneS, p. 69. individuel est en grande partie un leur- soit réellement assurée.
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9. printemps 2010 indisciplinarités #1 général
Les enjeux du financement privé
sur la recherche et l’enseignement
Au sujet de la néolibéralisation de l’éducation
de GaBriel Gonzalez
« L’exercice des libertés académiques recherche (art. 3) autant que la loi sur pas l’éthique scientifique. Dans cette
doit être garanti aux enseignantEs de les EPF (art. 5) garantissent la liberté perspective, l’exercice des libertés aca-
l’enseignement supérieur, ce qui englobe d’enseignement et de recherche. Cette démiques n’est effectivement pas tou-
la liberté d’enseignement et de discussion liberté s’inscrit aussi dans le contexte du ché par des contraintes privées puisque
en dehors de toute contrainte doctrinale, mandat légal des hautes écoles: elles ne la communauté scientifique se protège
la liberté d’effectuer des recherches et peuvent l’accomplir que si elles garantis- des financements qui ne suivent pas leur
d’en diffuser et publier les résultats, le sent l’indépendance de la recherche et de éthique. Toutes les mesures, conformé-
droit d’exprimer librement leur opinion l’enseignement, en particulier face aux ment à la « Déclaration de la Liberté Aca-
sur l’établissement ou le système au sein bailleurs de fonds externes. La loi sur la démique des Droits de l’Homme dans le
duquel ils travaillent, le droit de ne pas recherche assigne par ailleurs aux Aca- Domaine Scientifique », semblent donc
être soumisEs à la censure institution- démies suisses des sciences la mission de être prises pour éviter des applications
nelle et celui de participer librement aux renforcer la conscience d’une responsabi- malveillantes, comme par exemple la
activités d’organisations professionnelles lité fondée sur l’éthique dans l’acquisition production d’armes chimiques. De même,
ou d’organisations académiques repré- des connaissances scientifiques. Confor- tout biais religieux, racial ou autre, ne
sentatives. TouTEs les enseignantEs de mément à ce mandat légal, les Académies saurait mettre en péril la sauvegarde de
l’enseignement supérieur devraient pou- ont défini des principes et des procédures la civilisation, puisque seulement le gou-
voir exercer leurs fonctions sans subir de en matière d’intégrité scientifique et vernement, les tribunaux et les comités
discrimination d’aucune sorte ni avoir à institué une commission qui donne des élus de manière démocratique peuvent
craindre de mesures restrictives ou ré- conseils sur toutes les questions fonda- opiner sur une création scientifique libre
pressives de la part de l’Etat ou de toute mentales liées à l’intégrité scientifique. et intègre.
autre source. […] La production de résultats de re- Cependant, ces dispositions sont mises
Concrètement, la liberté académique cherche « achetés » serait non seulement en place dans une logique néolibérale
revêt quatre aspects fondamentaux : contraire aux tâches publiques confiées du financement de l’enseignement et de
· l’autonomie de l’institution en ce qui aux hautes écoles, mais elle serait détec- la recherche. Si cet état de fait est au-
concerne sa gouvernance et le travail tée par la communauté scientifique; de jourd’hui admis comme rationnel par nos
académique (recherche, enseigne- telles pratiques nuiraient à la réputation pouvoirs publics, l’exercice des libertés
ment, service à la communauté); et à la crédibilité des personnes et des ins- académiques ne saurait être touché dans
· les droits et les libertés individuels; titutions concernées, qui perdraient leur ce système de financement. Pourtant,
· l’autogestion: le fait que les intérêt pour des partenaires de coopéra- nous constatons que cette logique du fi-
enseignant·e·s participent activement tion et d’autres bailleurs de fonds. Dans nancement académique ne se fait pas en
à l’organisation et à la gestion des ins- ces circonstances, les hautes écoles n’arri- dehors de toute contrainte doctrinale,
titutions d’enseignement supérieur veraient plus à attirer les meilleurs ensei- puisque le financement de la recherche
(conseils académiques, décanats, rec- gnantEs, chercheurs-ses et étudiantEs.2 se calque sur une idéologie néolibérale
torats, etc.) est un gage de leur auto- Par ces dispositifs, les organes des et technologique qui ne permet aucune
nomie et de leur liberté académique; hautes écoles et la communauté scienti- autre alternative possible. De cette façon,
· la titularisation des enseignant·e·s fique règlent les conflits d’intérêts poten- nous sommes dans un processus admis
permet de préserver leur emploi et tiels et se défendent contre les atteintes comme rationnel, voire totalitaire, qui,
donc de garantir leur liberté»1 à la liberté académique. Le Conseil Fé- malgré les dérives incombant à tout sys-
«[…] la Constitution fédérale garantit déral a rejeté la motion estimant que la tème oligarchique, ne saurait plus être
la liberté de l’enseignement et de la re- situation actuelle garantit les libertés remis en cause et aboutit à une dissolu-
cherche au titre des libertés fondamen- fondamentales d’indépendance de la re- tion de tout esprit critique propre au mi-
tales que l’Etat ne saurait restreindre cherche et de l’enseignement. Les dispo- lieu universitaire. Les conséquences de
sans raison impérative. […] La loi sur la sitions actuellement en place concernent cette logique dans l’enseignement et la
des investissements qui ne respecteraient recherche sont de plus en plus visibles et
font partie des dénonciations du mouve-
1 http://pedagogieuniversitaire.wordpress.
com/2009/07/06/a-propos-de-liberte-academique/,
ment étudiant sous le slogan « Education
consulté le 02.02. 2010 à 16h13. article de Karran 2 http://www.parl.ch/f/suche/pages/geschaefte. is not for sale ». En effet, les politiques
se référant à la recommandation de l’UneSco aspx?gesch_id=20083340, consulté le 02.02.2010 appliquées à l’université considèrent
émise en 1997 à propos du personnel enseignant de à 16h00. extrait de la réponse du conseil Fédéral
l’enseignement supérieur. l’UneSco y avait défini la suisse à la motion déposée au conseil national par
l’enseignement supérieur et la recherche
liberté académique en ces termes. Stöckli Hans le 12.06.2008. comme un domaine économique pour
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10. général indisciplinarités #1 printemps 2010
lequel la recherche d’investissement est un marché concurrentiel. La recherche citoyen dans ce processus et nous serons
devenue primordiale. Ainsi, l’enseigne- s’adapte, mal se peut, à ce processus tan- les principales victimes. L’Université de-
ment et la recherche doivent répondre à dis que l’enseignement, garant des va- vient donc de moins en moins démocra-
des indices de performance, de rentabilité, leurs académiques, n’est quant à lui pas tique, libre et critique. Le financement ne
d’objectifs quantifiés et de productivité, du tout quantifié et donc dévalorisé. De passant plus par le biais de l’Etat dans une
en d’autres termes de « ranking » établi cette façon, la réflexion et la critique sont stratégie de fond commun (Fond National
sur ces dernières « qualités ». Pourtant, touchés par une qualité de l’enseignement de la Recherche), réparti équitablement
le savoir et l’esprit critique des universi- amoindrie. pour toutes les facultés, fait que cela de-
tés ne pourraient pas être quantifiés dans Nous sommes donc forcéEs de consta- vient un danger pour notre institution de
cette logique. Le savoir et l’esprit critique ter que le tournant néolibéral dominant service public et pour les libertés fonda-
dans la réalisation de la civilisation sont est bel et bien contraire aux principes mentales de l’enseignement et de la re-
des jalons dans l’histoire de l’émanci- de liberté académique et d’autonomie cherche.
pation de l’être humain. Les Facultés de de l’université. Ce n’est pas seulement Notre société humaine organisée sur
Lettres ainsi que des Sciences Sociales et le financement privé de l’université qui un système de gestion néolibéral nous
Politiques sont les premières touchées par est critiqué ici mais la logique mise en montre une pathologie qui s’instaure
des financements académiques qui visent place qui s’instaure de façon totalitaire. comme irréversible. Ce système s’ap-
avant tout la production et la rentabilité Dans cette idée, si la finance a récemment plique désormais à tous les secteurs de ci-
technologique, ce qui participe à une hié- connu une déconfiture et que les états vilisation humaine avec ses conséquences
rarchisation des savoirs dominée par une sont venus à son secours, les pouvoirs sociales mais aussi écologiques. Par
seule et même logique. De plus, rappe- publics (entre autres l’Université) seront exemple, au récent Sommet de Copenha-
lons que le savoir et l’esprit critique au les futures victimes de ce système. En gue, les instances dirigeantes mondiales
profit d’une émancipation de l’Etre Hu- effet, si le monde de la finance n’est plus ont souhaité réduire le réchauffement cli-
main sont des valeurs que les premiers li- capable d’investir dans l’enseignement matique des 50 prochaines années à seu-
béraux philosophiques défendaient. Nous et la recherche et que l’Etat s’est déjà dé- lement 2 degrés. Cependant, la dictature
voyons donc que la couleur politique n’est sengagé, le futur des budgets alloués à néolibérale actuelle n’a même pas permis
plus la question aujourd’hui, puisque ef- l’Université va obligatoirement baisser. ce compromis, déjà scandaleux. Les inté-
fectivement la nouvelle idéologie néolibé- De plus, l’argent que les Etats ont utilisé rêts financiers empêchent la mise en place
rale et technologique limite toute autre pour sauver la finance devra être récupéré d’une volonté civile rationnellement par-
alternative de civilisation en s’imposant sur le compte des citoyens. La stratégie de tagée. C’est pourquoi la critique du sys-
comme rationnelle, voire totalitaire, y renflouement des caisses de l’Etat ne va tème éducatif « Education is not for sale »
compris pour celles-ceux qui se sont ef- pas passer par l’augmentation des impôts représente une porte d’entrée à la remise
forcéEs de la mettre en place. Une autre envers les coupables de la crise actuelle en question d’un processus sournois qui
conséquence est que les enseignantEs et puisque ces derniers sont les garants du s’est instauré comme la seule logique
les chercheurs-ses sont pousséEs de plus système mise en place. L’Etat récupérera culturellement admissible mais à laquelle
en plus à la publication qui définit le son argent de façon plus sournoise en di- nous nous opposons. Face à cette logique
« rang » et donc la qualité d’une universi- minuant les indemnités de chômage, en globale nous ne pouvons pas rester seule-
té en fonction de résultats chiffrés et non réformant le système de santé, de l’Assu- ment pessimistes car nous sommes dans
pas sur la pertinence de ces publications. rance Invalidité, du système des retraites, l’obligation morale, pour une pérennité
L’enseignement et la recherche, indépen- et bien évidemment du financement pu- de la civilisation humaine, de dénoncer
damment du savoir et de l’esprit critique, blic de l’éducation. En définitive, nous ce processus en défendant nos universités
se voient dans l’obligation de lutter sur n’avons plus aucun pouvoir décisionnel et face à cette pathologie.
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11. printemps 2010 indisciplinarités #1 général
Faisons preuve de solidarité
et créons de l’autonomie
Le motif de cette manifestation est l’actuelle répression contre des espaces autonomes à Zurich.
de aUtonome ScHUle züricH aSz
Avec le « oui » à l’initiative sur l’inter- pousséEs dans l’illégalité à l’aide de tion pour touTEs, le droit de séjour pour
diction des minarets les électeurs suisses durcissements de lois… Quand des bé- toutes les personnes vivant en Suisse.
ont montré un visage consternant: on néficiaires d’une rente AI ou d’aide so- Nous voulons une université ouverte,
prive une minorité de la population de ciale sont harceléEs et surveilléEs par des crèches pour touTEs, nous voulons
la protection et de la dignité qui lui sont des detectives… Quand on essaie de des logements accessible à touTEs par-
attribuée par les droits de l’homme. De rendre impossible les approches alter- tout dans la ville et dans la champagne.
plus, se profilent le durcissements du natives dans le domaine de la formation Nous voulons une vie digne d’un être
droit d’asile et du droit des étrangers, telles que celles proposées par la Au- humain pour touTEs ainsi que des droits
qui déjà aujourd’hui n’est plus acceptable tonome Schule Zürich ou Unsere Uni politiques et socaux pour touTEs. Nous
d’un point de vue des droits fondamen- par l’évacuation de lieux… Quand des voulons liberté d’expression, places d’ap-
taux. En dehors des votations nationales, lieux de culture et d’habitation alterna- prentissages pour les adolescents et un
ce qui se passe au niveau de la politique tifs et occupés sont évacués de manière travail digne pour touTEs. Nous voulons
locale montre que les alternatives au ca- preventive… Quand des quartiers ré- vivre ensemble avec tous les concepts de
pitalisme ne sont plus tolérées. Les es- sidentiels entiers sont transformés en vie et perceptions du monde différents.
paces autonomes pour ceux/celles qui « Boomtowns » morts destinés aux en- Le 7 janvier 2010 l’Ecole autonome
pensent autrement sont fermés préventi- treprises ou en quartier d’appartements de Zurich (Autonome Schule ZH) a été
vement. Des exemples frappants de cette secondaires pour cadres supérieurs… évacuée sans préavis par un déploiement
repression sont l’évacuation de la mai- … à chaque fois on argumente que cela massif de police. Il s’agit d’une entrave
son occupée Wehntalerstrasse et de la se fait au nom d’une majorité supposée, sérieuse à un projet essentiel de forma-
Autonome Schule Zürich, qui a proposé qui aurait besoin de protéger son aisance tion autonome en particulier pour les ré-
des cours d’allemand gratuits aux immi- et son système face aux « autres ». En ce fugiéEs : en effet, des cours d’allemand y
gréEs, le 7 janvier 2010, ainsi que la fer- faisant les forces conservatrices de droite sont dispensés au bénéfice de sans-papiers
meture du pavillon de Unsereuni dans la détournent l’attention des problèmes ur- et de requérantEs d’asile. Le même jour,
nuit du 20 au 21 janvier – tous ces actions gents. Aujourd’hui nous observons une l’eau et l’électricité furent coupées dans
se sont déroulés sans être annoncées. La fraude économique d’une grandeur ja- la cité squattée de la Wehntalerstrasse.
repression et l’exclusion de tout ce qui mais atteinte jusqu’alors et une redistri- Dans la nuit du 20 au 21 janvier le pa-
s’écarte du « mainstream » économico- bution impitoyable des biens populaires villon géré par le mouvement étudiantEs
folklorique et qui n’est pas conforme au d’en bas vers le haut et du Sud vers le « unsereuni » a été évacué et fermé par
système sont devenue la règle en Suisse. Nord. la direction de l’université et depuis il est
Differents groupes sociaux sont concer- Le 20 mars nous manifesterons pour gardé par des Securitas. Ce pavillon avait
nés, des migrantEs, chômeur/euses, bé- rendre visible tout cela. Nous contri- servi, après l’occupation de la plus grande
néficiaires d’une rente de l’AI ou de l’aide buons à la richesse matérielle de la so- salle universitaire en novembre dernier,
social jusqu’aux occupantEs de maisons, ciété sans en profiter beaucoup et nous de lieu de réunion aux personnes enga-
cercles autonomes de formation ou étu- enrichissons la Suisse par notre diversité. gées contre les logiques économiques
diantEs révendiquant l’autogestion. Les Nous sommes ceux/celles qui s’occupent dans le système d’éducation.
mesures d’exclusions se présentent sous du dialogue et de la solidarité et qui n’ins- Les puissants de la « City » qui, par
différentes formes. De plus en plus elles trumentalisent pas seulement ces termes leur politique de valorisation et de spé-
dominent massivement dans les medias, dans un but publicitaire. Au lieu d’en- culation immobilière, accélèrent la
tandis qu’au quotidien elles agissent de durer la repression et la marginalisation gentryfication dans la ville de Zurich,
manière sournoise à travers des durcis- nous montrons que nous – en tant que n’aiment apparemment pas la création
sements de lois et des contrôles policiers marginaux/ales supposes – nous nous de logements et d’espaces culturels au-
ciblés, des interdictions de perimètre, trouvons au milieu de la société. TouTEs tonomes qui ne visent pas le profit com-
des évacuations, la surveillance video, ceux, qui souhaitent un autre monde plus mercial.
des inspecteurs sociaux et un systèmes humain, touTEs ceux, qui se défendent Pourtant, dans cette manifestation la
de fichage. L’isolation et l’exclusion doi- contre le fait de voir les hommes comme scène autonome ne devrait pas jouer le
vent affaiblir de manière systématique la rendement économique, sont appelléEs à rôle central. Toutes celles et tous ceux
solidarité et le sens de communauté entre montrer ensemble et de façon pacifique qui désirent un monde différent et plus
les différents groupes. leur résistance face à toute sorte d’exclu- humain, toutes celles et ceux que l’idée
Quand réfugiéEs, migrantEs, ainsi sion dans notre société. Nous voulons un que l’être humain ne soit considéré que
que ceux/celles qui les soutiennent sont autre monde: Nous voulons de l’éduca- comme un capital économique révolte,
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12. général indisciplinarités #1 printemps 2010
sont invitéEs à montrer leur résistance étrangers » est imminente. On dénonce fugiéEs illégaliséEs, sans aucun droit aux
contre toutes les formes de marginalisa- aussi les prétendus abus aux assurances offres de formation, doivent prouver un
tion dans notre société. invalidité et chômage et à l’aide sociale. niveau d’allemand B1 pour une demande
La population migrante en générale, Depuis peu, on engage des détectives de séjour!
les requérantEs d’asile plus spécifique- pour observer et surveiller les bénéfi- Beaucoup de gens en Suisse souffrent
ment, souffrent particulièrement de la ciaires d’aides sociales ou de l’AI. Les à cause de la marginalisation et de la
répression. Persécutions et/ou arresta- personnes handicapées risquent d’être remise en cause des acquis sociaux. La
tions, expulsion violente pour certainEs, étiquetées comme imposteurs ou délin- pauvreté dans la riche Suisse: selon des
font partie de leur quotidien. Des mil- quants. Les jeunes se voient confrontés à estimations de Caritas 10% de la popu-
liers de requérantEs d’asile refuséEs sont des perspectives de plus en plus limitées: lation est frappée de pauvreté; cela fait
illégaliséEs et soumisEs à un régime les places d’apprentissage manquent, les entre 700 000 et 900 000 personnes. Sont
« d’aide d’urgence » strict et rigide. In- bourses d’études sont réduites. Il y a un concernéEs avant tout les immigréEs, les
terditEs de travail, partageant une petite manque chronique de jobs et de loge- mères célibataires, les femmes en géné-
chambre d’à peine 20 m2 avec six autres ments abordables. Les sans-emploi doi- ral, les jeunes et les enfants. Dans un
personnes dans un logement provisoire, vent envisager de nouvelles réductions pays ou 3% des contribuables possèdent
vivant en tout et pour tout avec 8.60 frs/ et aggravations – et on continue de les plus de la moitié des richesses, les 97%
jour en bons Migros, ces personnes ris- rendre responsables de leur situation. restant se partagent donc l’autre moitié,
quent jusqu’à 18 mois de prison en cas de Beaucoup ne retourneront plus jamais la petite... Ces 3% de nantis continuent
contrôle de police dans la rue. sur le marché du travail régulier, par d’engranger de gros bénéfices et se font
Mais il n’y a pas seulement les re- contre on les fait participer à des « pro- verser des bonus généreux. Et, avec une
quérantEs d’asile refuséEs à souffrir de grammes pour l’emploi » bon marché et à politique d’impôts favorable aux riches,
cette politique d’illégalisation. En Suisse des jobs précaires. ces mêmes 3% provoquent une redis-
vivent près de 300 000 sans-papiers – la Par l’interdiction de la construction tribution vers le haut: c’est un cercle vi-
plupart dans des conditions de travail des minarets au nom de « l’identité natio- cieux... vicieux pour nous, mais vertueux
précaires. Les femmes travaillent comme nale » la liberté religieuse a été limitée et pour eux, cela s’entend!
femmes de ménage ou aide-soignantes une partie de la population discriminée. Nous voulons un monde différent:
chez des particuliers, les hommes dans En même temps on demande aux immi- nous voulons la formation pour chacun,
le bâtiment ou l’agriculture. ToutEs ac- gréEs de s’adapter à la « culture suisse », le droit de séjour pour tous les être hu-
complissent des boulots extrêmement mais qu’est-ce que cela veut dire ? et qui mains vivant en Suisse. Nous voulons
mal payés qu’on ne peut pas externaliser définit la « culture suisse » ? On leur de- des universités ouvertes, des crèches pour
dans des pays à bas salaires. Ils sont les mande de se comporter « discrètement » tous, nous voulons des appartements bon
« petites mains » de l’économie mondiale. et on leur impose de se soumettre aux marché partout, en ville et à la cam-
Mais comme ces personnes n’ont pas de « impératifs de l’intégration », mais il pagne. Nous voulons une vie digne pour
permis de séjour, elles n’ont pas la possi- faut plutôt comprendre « assimilation ». chaque être humain, nous voulons des
bilité de se défendre contre ceux qui les Sur les mariages binationaux avec des droits politiques et sociaux pour touTEs.
exploitent en profitant de leur situation. personnes provenant de pays non eu- Nous voulons la liberté d’opinion, nous
Elles aussi risquent de se faire arrêter et ropéens pèse souvent le soupçon du voulons des places d’apprentissage pour
renvoyer. mariage fictif. Depuis le début de cette les jeunes et un travail digne pour tout le
Cette politique du «law and order» et année, les sans-papiers n’ont tout simple- monde. Nous voulons cohabiter avec des
la pratique de la marginalisation sociale ment plus le droit de se marier en Suisse: idées et des cultures différentes.
est aussi de plus en plus ancrée dans la ils doivent retourner dans leur pays et
manifestation autorisée le 20 mars 2010. lieu de
législation. De nouvelles aggravations entamer la procédure là-bas ou se marier rassemblement devant le landesmuseum à 14h. le
dans la loi sur l’asile et dans celle sur sur place pour attendre ensuite que les défilé va jusqu’au Helvetiaplatz.
les étrangers sont projetées, l’initiative autorités leur délivrent un permis pour
de l’UDC pour le renvoi des « criminels rejoindre leur conjoint en Suisse! Les ré-
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13. printemps 2010 indisciplinarités #1 général
Heraus zum 8. März
Gemeinsam sind wir Frauen stark
Die marktgerechte Gleichstellungspolitik der Uni Zürich – eine feministische Perspektive?
Vom 8. märz-BündniS
Die internationale Bewegung unsere- Dass Frau und Mann
uni prangert die Lissabonstrategie und nicht die gleichen
die GATS an, die die Ökonomisierung gesellschaftlichen
aller Lebensbereiche und die Privatisie- Möglichkeiten ha-
rung der Dienstleistungssektoren zum ben, wird an der Uni
Ziel haben. Die Universitäten und der erst dann sichtbar,
gesamte Bildungsbereich ist ein emp- wenn sich von 57%
findliches Beispiel dafür, wie der Staat Studentinnen weni-
planmässig seine soziale Verantwortung ger als 10% für eine
dem liberalisierten Markt überlässt. Die Karriere entschei-
Rektoren und leitenden Räte führen die den. Die objektiven
Bildungsinstitute heute schon wie ein Bedingungen spre-
Unternehmen. Sie schützen ihre weisse chen anscheinend
Westen mit einem «fortschrittlichen» nicht für die Frauen.
Management: ein Beispiel dafür ist die Wie auch, wenn die
Gender policy der Universität Zürich. sogenannte Verein-
barkeit zwischen Fa-
Gleichstellung an der Uni Zürich milie und Beruf nur für Frauen gilt. Wie Emanzipation muss eine solche Politik
Den Gender- Gap, wie der Unterschied auch, wenn 80% aller Mütter die Haupt- die kapitalistischen Strukturen und die
von 57% Studentinnen zu 14% Profes- verantwortung für den Haushalt tragen. damit verbundenen Rollenverteilungen
sorinnen an der Zürcher Universität ge- Wie auch, wenn in eher von Frauen be- zwischen den Geschlechtern bekämpfen.
nannt wird, ist schon lange ein Thema in legten Studiengängen die Aussichten auf Es geht uns auch an der Uni darum,
der Öffentlichkeit. Dieses «Phänomen» eine Teilzeitstelle hoch und bei den weit- die Genderfrage zu thematisieren und in
wird immer wieder ungläubig konsta- gehend von Männern absolvierten Stu- diesem Beispiel die institutionalisierte
tiert und fast schüchtern fragt man sich, dien, gering ist. Das sind Bedingungen Gleichstellungspolitik als Farce zu ent-
ob die hoch gelobte Chancengleichheit die es Frauen praktisch verunmöglichen larven.
vielleicht doch nicht funktioniert. nach einem Uniabschluss Karriere zu Deshalb nehmen wir den Frauen-
Die Uni Zürich antwortete 1996 auf machen. Der Kapitalismus ist angewie- kampf selbst in die Hand und rufen auf,
diesen Gender-Gap mit der Errichtung sen auf die Ungleichheit zwischen den gemeinsam ein starkes Zeichen zu setzen
der Gleichstellungs-Abteilung. Diese Geschlechtern. Er profitiert von der täg- am diesjährigen Frauenkampftag, sei es
fördert den wissenschaftlichen, weibli- lich gratis verrichteten Haus- und Pfle- auf der Strasse, an der Uni oder sonst wo.
chen Nachwuchs und befasst sich vor- gearbeit, von den tieferen Frauenlöhnen,
nehmlich mit Fragen der Vereinbarkeit von den vielen Frauen in Billiglohnjobs · 6. März 2010:
von Karriere und Familie. Die Gleich- und von den Frauen, die in Zeiten von Frauendemo, 14h Hechtplatz
stellungspolitik, wie sie die Universität Arbeitslosigkeit zur Hausfrau werden. Gemeinsam sind wir Frauen stark!
in ihr politisch korrektes Management Deshalb erkennen wir die betriebliche
integriert hat, hat aber nichts mit einem Gleichstellungspolitik, wie sie an der Uni · 8. März 2010:
Kampf um Emanzipation zu tun. Die Zürich geübt wird, als Bestandteil der Kurze Aktion zu langen Ladenöff-
grundlegende Ungleichheit zwischen neoliberalen Flexibilisierung der Fami- nungszeiten, 18h Bahnhofsbrücke
den Geschlechtern will die herrschen- lien- und Erwerbsstrukturen, ohne aber
de Gleichstellungspolitik nämlich nicht real gleiche Möglichkeiten für Frauen · 9. März 2010:
verändern. und Männer anzustreben. Veranstaltung mit Tove Soiland:
«Von der Frauenbewegung zum Gen-
Ihre Gleichstellungspolitik hat nichts Wir wollen gleiche Möglichkeiten für der-Management? Perspektiven von
mit unserer Forderung nach gleichen alle Frauenbefreiung heute.» 19h OASE
Möglichkeiten für alle zu tun. Wir sind der Meinung, dass unsere (weitere Infos: unsereunizh.ch)
Dass ein Kind aus proletarischen Ver- Gesellschaft eine herrschaftskritische
hältnissen nicht die gleichen Chancen Gleichstellungspolitik braucht, die nicht · 13. März 2010:
hat wie ein Kind aus einer sozial höher nur bessere Bewerbungschancen für Schweizweite Frauendemonstration,
gestellten Familie, ist fast jeder_m klar. Frauen erreichen will. Mit dem Ziel der 13:30 Schützenmatte, Bern
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