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UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS – INSTITUT FRANÇAIS DE PRESSE
Mémoire de Master 1 Sciences politiques et sociales mention Information et
communication
Les rapports entre les médias et les mouvements sociaux : étude des stratégies de
communication du mouvement social « La Manif pour Tous » et de son cadrage
médiatique dans le débat sur le « Mariage pour tous ».
Etudié par : Ina SCUTARI
Sous la direction du : Professeur Rémy RIEFFEL
2012-2013
Déposé le 10 juin 2013
Remerciements
En préambule à ce mémoire, je souhaite adresser mes remerciements les plus sincères aux
personnes qui m’ont apporté leur aide et qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire ainsi
qu’à la réussite de cette formidable année universitaire.
Je tiens à remercier sincèrement Monsieur Rémy Rieffel, qui, en tant que Directeur de
mémoire, s’est dévoué pour me dispenser ses conseils et directives utiles pour la réalisation de
ce travail.
J’exprime ma gratitude à Madame Caroline Wallet, directrice de communication de « La
Manif pour Tous » qui a accepté de répondre à mes questions avec gentillesse.
Mes remerciements s’adressent également aux membres du collectif « La Manif pour Tous »,
en particulier, Madame Ludovine de la Rochère et Madame Béatrice Abbo, pour m’avoir aidé
avec la réalisation de l’entretien.
J'exprime également ma gratitude à tous les enseignants de l’Institut Français de Presse de
l'Université Panthéon-Assas pour leur encadrement tout au long de ma formation au sein de
cette institution.
2
Sommaire
Introduction générale......................................................................................................................... 4
Chapitre I : Stratégies de communication des mouvements sociaux................................................. 10
1. Construction d’une identité collective..................................................................................... 11
1.1. Confiscation des valeurs des opposants ........................................................................... 12
1.2. Détournement de l’image ................................................................................................. 12
1.3. Mouvement apolitique et pluraliste ................................................................................. 13
1.4. Importance d’une porte-parole médiatique ..................................................................... 14
2. D’un collectif pacifique vers un collectif-victime..................................................................... 16
2.1. Mouvement « France bon enfant »................................................................................... 16
2.2. Adoption d’une nouvelle image : victimisation................................................................. 17
Chapitre II : Mise en scène médiatique des mouvements sociaux..................................................... 20
1. Utilisation stratégique des médias .......................................................................................... 20
1.1. Recours aux médias selon les objectifs poursuivis............................................................ 20
1.2. Accès aux médias............................................................................................................... 22
2. Enjeux de la médiatisation ....................................................................................................... 24
2.1. La mise en discours médiatique ........................................................................................ 24
2.2. Evaluation du contenu médiatique ................................................................................... 30
Conclusion générale.......................................................................................................................... 34
Table des annexes............................................................................................................................. 37
Sources documentaires .................................................................................................................... 52
Références bibliographiques............................................................................................................ 55
Table des matières............................................................................................................................ 56
3
Introduction générale
Contexte
Le 7 novembre 2012, le Conseil des ministres français a adopté le projet de loi ouvrant
le mariage aux couples de même sexe. Ce texte ouvre, par conséquent, la voie de l’adoption,
qu’elle soit une adoption conjointe d’un enfant par les deux époux ou l’adoption de l’enfant
du conjoint. Par conséquent, une opposition au mariage homosexuel en France s’est formée,
constituée par des mouvements religieux, politiques et associatifs. Parmi ces mouvements,
celui qui ressort le plus est le collectif « La Manif pour Tous » pour, notamment, avoir
organisé des manifestations de grande ampleur.
L’association « La Manif pour Tous » se positionne en tant que mouvement « spontané
et populaire, profondément pacifique, dont toutes les actions se déroulent dans un cadre
strictement légal »1
, déclarée à la Préfecture de Police de Paris le 2 novembre 2012. Ce
mouvement a été créé dans le but de « coordonner toute action engagée par des personnes
physiques ou morales en France pour la promotion du mariage homme-femme, de la famille,
de la parenté, de l’adoption ; et de manière générale toutes les questions concernant la vie et
l’enfance ; déterminer les plans d’action, la stratégie politique et la communication pour la
diffusion médiatique des thèmes, gérer la base de données et le ou les sites internet qui
pourront être créés et/ou utilisés pour la réalisation de ces buts »2
.
Le collectif affirme sur son site officiel être composé de trente-sept associations co-
organisatrices diversifiées. Or, des enquêtes menées par Mediapart3
et, plus tard, par Le
Monde4
, ont montré que nombre d’entre elles étaient des « coquilles vides ». Le Monde a
prouvé qu’un tiers (32%), soit onze associations, étaient « fantômes » et a également constaté
que la majorité des associations étaient liées à un mouvement religieux5
.
Malgré les contradictions concernant sa structure, ce collectif est parvenu à rassembler
de nombreux militants lors des manifestations. Ces dernières ayant fait l’objet d’un large écho
dans les médias. Ainsi, « La Manif pour Tous » est un bon exemple d’actualité, pas encore
étudié, pour s’interroger sur la question des mouvements sociaux dans leur relation avec les
1
Site officiel du mouvement <http://www.lamanifpourtous.fr/mentions-legales>.
2
Ibid.
3
Enquête publiée par Mediapart sur <http://www.mediapart.fr/journal/france/110113/manif-anti-mariage-les-
reseaux-catholiques-montrent-leur-puissance>.
4
Enquête publiée par Le Monde sur <http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/03/21/manif-pour-tous-la-
grande-illusion_1850515_3224.html>.
5
Voir annexe 1 pour l’enquête détaillée du journal Le Monde.
4
médias, les deux étant des composantes indispensables de toute société démocratique.
Quelles sont les stratégies de communication utilisées par les mouvements sociaux afin
d’influencer les décisions politiques ? Comment participent-ils aux débats publics ? Quel est
le rôle des médias dans ce contexte ? Afin d’éclairer l’objet de notre recherche, nous allons
tout d’abord adopter une approche sociologique, en nous basant sur des travaux scientifiques
traitant les questions des relations entre les mouvements sociaux et les médias.
Les nombreuses études consacrées à la question des mouvements sociaux, que ce soit
les travaux européens sur la théorie des « nouveaux mouvements sociaux » ou ceux
américains, ont été orientées vers des questions sur les valeurs, les identités collectives de
mouvements, leurs revendications et moins sur leurs interactions avec les médias. Les
premières recherches sur les rapports entre les médias et les mouvements sociaux ont été
menées aux Etats-Unis par Todd Gitlin et en France par Patrick Champagne et plus
récemment par Erik Neveu et Dominique Marchetti. Les recherches de T. Gitlin, publiées
dans son ouvrage The Whole World is Watching: Mass Media in the Making and Unmaking of
the Left en 1980, nous semblent intéressantes dans la mesure où il analyse le cadrage
médiatique du mouvement étudiant des années soixante, en se demandant comment le travail
médiatique influence les formes de protestation et militantisme. Cela permet d’affirmer que
les mouvements sociaux adoptent des stratégies de communication, comme par exemple la
spectacularisation des actions, conformes aux exigences ou préférences médiatiques. Avant
d’évoquer les apports de Patrick Champagne, nous allons définir la notion « mouvement
social » ainsi que le répertoire de ses actions.
Erik Neveu définit le mouvement social comme un groupe de personnes ayant en
commun un intérêt, une profession ou une revendication6
. Selon le sociologue américain
Charles Tilly, le mouvement social est l’art de la défense des intérêts et la promotion des
ambitions collectives7
. Il est l’auteur du concept « répertoire d’action collective », qui
caractérise les mouvements sociaux par des formes d’institutionnalisation, le fait qu’ils ont
recours à des formes de protestation préexistantes. Selon la thèse de C. Tilly, développée dans
son ouvrage La France conteste de 1600 à nos jours, publié en 1986, les formes de
contestation ne sont pas aléatoires, mais font appel aux registres antérieurs, en les adaptant
selon les cas. Ce concept renvoie aux ressources, aux stratégies et aux dispositifs – actions
6
Neveu Erik, Sociologie des mouvements sociaux, 5e éd., Paris, La Découverte, 2011, p.5.
7
Tilly Charles, Les origines du répertoire d'action collective contemporaine en France et en Grande-Bretagne,
in: Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°4, octobre 1984, p. 89.
5
collectives – mis en place pour faire valoir ses intérêts et revendications dans le monde social
et politique et faire entendre ses idées et points de vue.
L’action collective ou la mobilisation sont des pratiques employées par les mouvements
sociaux et constituent des modes d’intervention dans la vie publique. Ces pratiques sont
multiples, allant des pétitions et réunions jusqu’aux grèves et manifestations. Dans le cadre de
notre travail, nous allons prêter une attention particulière à la manifestation, qui constitue une
dimension essentielle des mouvements sociaux. La manifestation de rue est considérée
comme une forme d’action politique reconnue par tous les acteurs concernés – les hommes
politiques, le patronat et l’opinion publique8
. Elle est définie comme une « occupation
momentanée par plusieurs personnes d’un lieu ouvert public ou privé et qui comporte
directement ou indirectement l’expression d’opinions politiques »9
.
La manifestation est avant tout une action qui témoigne de la force du groupe, sa
capacité à s’organiser et se mobiliser pour exprimer des revendications. Cette caractéristique
va de paire avec celle d’une action de second degré, orientée vers la mise en scène médiatique
de la protestation10
. Souvent, la manifestation est organisée dans le but d’obtenir une
couverture médiatique favorable, que ce soit à travers les articles de presse ou le temps
d’antenne. Nous nous intéressons notamment à cet aspect de la manifestation, ce que Patrick
Champagne appelle « manifestation de papier »11
. Pour lui, les manifestations, qu’elles soient
spontanées et violentes ou organisées et pacifiques, ont lieu non pas dans l’espace physique,
qui est la rue, mais dans la presse. Car les manifestations ne peuvent susciter des effets et
réactions chez les hommes politiques que si elles passent par les intermédiaires, que sont les
médias. Cela explique le recours à l’innovation, au sensationnel, surprenant, exceptionnel –
tout ce que le journaliste juge intéressant à commenter.
G. Derville, dans son ouvrage Pouvoir des médias12
, affirme que les médias ne reflètent
pas simplement les activités des groupes de pression, mais constituent un outil indispensable
pour mobiliser et structurer ses membres, pour trouver du financement. D’où l’intérêt de
traiter la question des relations entre les mouvements sociaux et les médias.
8
Fillieule Olivier et Tartakowsky Danielle, éd., La manifestation, Paris, Presses de Sciences Po, 2008, p. 11.
9
Fillieule Olivier, Stratégies de la rue, Paris, Presses de Sciences Po, p.44
10
Neveu Erik. Médias, mouvements sociaux, espaces publics. In: Réseaux, 1999, volume 17 n°98. p. 21.
11
Champagne Patrick. La manifestation. La production de l'événement politique. In: Actes de la recherche en
sciences sociales. Vol. 52-53, juin 1984. Le travail politique. p. 28.
12
Derville Grégory, Le Pouvoir des médias. Mythes et réalités, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble,
2008, p. 172.
6
Problématique et hypothèses
Le problème de notre recherche est ainsi centré sur les rapports qui existent entre les
mouvements sociaux et les médias. Notamment, comment les premiers essaient de faire
pression sur le gouvernement, en adoptant des actions susceptibles d’intégrer l’agenda
médiatique et ainsi obtenir une attention de l’opinion publique et des pouvoirs politiques.
Ainsi, on peut se demander – comment un mouvement social, tel que « La Manif pour
Tous » utilise-t-il les médias pour se faire entendre et défendre ses intérêts et comment ces
derniers peuvent-ils consolider une action collective ?
Pour répondre à ces questions, nous allons, à travers l'étude du mouvement social « La
Manif pour Tous » vérifier deux hypothèses.
Premièrement, nous postulons que les mouvements sociaux mènent des actions
autant pour satisfaire leurs revendications que pour la médiatisation. Ce qui semble
intéressant d’étudier sont les stratégies de communication du collectif. Comment il a réussi, à
travers ses actions, à s’imposer aux médias dans un laps de temps très court, ses actions ayant
pris une ampleur importante. Il paraît pertinent d’analyser également l’évolution des ses
stratégies de communication, notamment après l’échec de sa première manifestation nationale
du 13 janvier 2013, qui n’a pas donné suite à ses revendications.
Deuxièmement, nous supposons que la médiatisation dépend des caractéristiques ou
de la nature des actions collectives mises en place. Il s’agit d’analyser si les médias donnent
priorité aux actions spectaculaires, provocatrices, ou, au contraire, évoquent plus les
revendications et les convictions du mouvement social. Cela nous permettra de voir si les
objectifs des organisateurs correspondent à la médiatisation qu’ils ont eue dans la presse.
Méthodologie
Afin de vérifier ces hypothèses, nous allons adopter une approche théorique et pratique.
L’approche sociologique des mouvements sociaux et l’approche sémiotique permettront de
comprendre comment ces derniers s’organisent ainsi que les actions qu’ils mettent place.
L’approche pratique consiste en l’analyse de contenu d’articles de presse et un entretien semi-
directif, qui nous aidera également à éclairer notre objet de recherche.
7
A. Analyse de contenu
Le corpus retenu pour l’analyse de contenu est constitué des articles journalistiques
traitant des actions du collectif « La Manif pour Tous » dans deux quotidiens nationaux
français Le Monde et Le Figaro, dont les lignes éditoriales sont différentes, ce qui nous
permettra de voir si il y a également une différence de traitement médiatique entre les deux
journaux. Contraint par les délais de réalisation du présent travail, nous avons retenu les
articles parus entre 1 novembre 2012 et 31 mars 2013, ce qui nous donne un corpus de 33
articles.
Il s’agit à travers cette analyse d’étudier la médiatisation des manifestations et la nature
de la couverture médiatique. Nous allons tenter de vérifier si les médias privilégient les
actions spectaculaires, insolites, innovantes – caractéristiques énumérées dans l’ouvrage de
Grégory Derville13
, selon qui, « un événement quelconque a d’autant plus de chances de faire
l’objet d’un compte-rendu dans la presse (…) s’il est insolite, spectaculaire, jamais vu,
impressionnant, (...) les manifestants qui crient le plus fort, qui se comportent de la façon la
plus excentrique, qui bouleversent le plus l’ordre des choses quotidien, qui peuvent mobiliser
le plus d’adhérents, bref, qui font le plus de bruit, ont plus de chances de trouver dans les
médias une tribune ».
Il s’agit d’analyser le discours des médias et d’en évaluer le contenu selon notre
problématique. Nous allons nous baser sur la méthode Morin-Chartier14
, dont l’élément clé
est l’unité d’information – unité de sens et de mesure, qui représente une idée ou un sujet et
qui est évaluée par le codeur. Il peut s’agir aussi bien d’un mot que d’une phrase ou d’un ou
plusieurs paragraphes. Lorsque l’on tombe dans un article sur une unité d’information qui
nous intéresse, on procède à sa classification sous différentes catégories de la grille d’analyse.
Chaque unité est nommée « code », résumé à un seul mot. Voici une illustration : dans notre
grille d’analyse15
, nous avons la catégorie « sujet », qui correspond aux grands thèmes des
articles. Dans un article16
nous avons repéré l’unité d’information « le collectif a mis en ligne
une carte interactive pour trouver un moyen de locomotion (…) » dont le code serait
« organisation ». D’autres exemples de codage peuvent être consultés dans l’annexe 3.
13
Derville Grégory, Le Pouvoir des médias. Mythes et réalités, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble,
2008, p. 181.
14
Leray Christian, L’analyse de contenu. De la théorie à la pratique. La méthode Morin-Chartier, Presses de
l’Université du Québec, coll. Particom, 2008, 180 pages.
15
Voir annexe 2.
16
Agnès Leclair, Mariage gay : la manif des opposants s’organise, Le Figaro, 3 janvier 2013.
8
Chaque unité d’information est non seulement codifiée mais également numérotée dans
la grille d’analyse et dans l’article de presse pour pouvoir être facilement trouvée si besoin.
Elle est ensuite questionnée pour déterminer si le journaliste lui a donné un aspect positif,
négatif ou neutre17
. Utilisant les formules mathématiques de la méthode Morin-Chartier, nous
allons calculer la fréquence (visibilité) et l’orientation des journaux18
. La fréquence est le
pourcentage d’apparition de chaque code par rapport à l’ensemble des unités d’information
retracées dans chacune des catégories sélectionnées. L’orientation permet de qualifier le
contenu et de fournir une évaluation chiffrée de toute la couverture et de ses composantes.
Pour résumer, la compilation de l’ensemble des codes relevés permet d’établir quels
sont les plus fréquemment abordés et avec quelle ferveur. Autrement dit, cette analyse permet
de décrire différents phénomènes, par exemple l’incidence d’une stratégie de communication
et d’établir avec quelle intensité et sous quel angle, favorable, défavorable ou neutre, les
médias ont abordé un sujet ou un événement précis.
B. Entretien semi-directif
Nous avons également retenu la technique qualitative qui est l’entretien semi-directif
pour mener notre étude. Nous avons prévu de faire un entretien avec une personne chargée de
communication du mouvement « La Manif pour Tous », pour savoir comment ont été conçues
et élaborées ses stratégies de communication. Les questions que nous avons retenues
s’articulent autour de la planification des actions du collectif, l’accès aux médias et les
attentes vis-à-vis de ces derniers. Les questions peuvent être consultées en annexe 4.
17
Les critères sur lesquels nous nous basons pour évaluer l’orientation des médias se trouvent dans l’annexe 2.
18
Voir annexe 2 pour plus de détails sur le mode de calcul.
9
Chapitre I : Stratégies de communication des mouvements sociaux
Les mouvements sociaux doivent prendre en considération des impératifs d’ordre
communicationnel lorsqu’ils transmettent des messages vers les individus qu’ils souhaitent
mobiliser. Pour cela ils utilisent des codes et des symboles intelligibles et mettent en place
diverses actions pour porter leurs convictions à l’attention de leurs cibles.
Les formes d’action collective à la disposition des mouvements sociaux sont
nombreuses – « la plupart des gens savent aujourd’hui comment participer à une campagne
électorale, fonder une association ou s’y affilier, mettre une pétition en circulation,
manifester, faire grève, tenir un meeting, créer un réseau d’influence, etc. »19
. La
manifestation est la forme d’action qui nous intéresse en particulier. Comme nous l’avons
mentionné dans l’introduction, selon Patrick Champagne il y a deux degrés de manifestation –
celle de rue et celle de papier. Les communicants au service d’un mouvement social se
soucient non seulement du nombre de manifestants qu’ils sont en mesure de mobiliser et de la
formulation des revendications, mais également de leur visibilité dans les médias. Ils doivent
réfléchir et planifier chaque action, lui donner une originalité pour garantir l’intérêt des
journalistes. Il faut aussi penser à donner une image claire du mouvement qui sera reprise par
les médias, afin d’éviter toute fausse interprétation médiatique due à une communication
insuffisante.
Le collectif « La Manif pour Tous » a toute une équipe chargée de la construction du
processus de communication. Elle s’articule autour de trois pôles – le pôle presse, qui se
charge de la constitution des communiqués et dossiers de presse envoyés à la radio, télévision
et presse écrite. Il s’occupe également de l’accueil des journalistes et de la logistique. Le pôle
audiovisuel, constitué d’un réalisateur, cameraman, photographe et d’un chargé de diffusion
sur Internet, a pour fonction la réalisation des vidéos pour fournir du contenu audiovisuel aux
sites du collectif, qu’il s’agisse du site web officiel, ou de leur page facebook. Enfin, le pôle
web, constitué majoritairement par des jeunes, se charge du Web 2.0, notamment des réseaux
sociaux Twitter et Facebook, mais également les chaînes d’emails et sms, afin de diffuser des
informations sur le collectif, mais également pour se mobiliser. Il y a en plus une équipe
technique qui s’occupe de l’élaboration du logo, des affiches, des badges, pour que le collectif
puisse être identifié à partir des images visuelles.
19
Charles Tilly cité dans Mathieu Lilian, Comment lutter ? Sociologie des mouvements sociaux, Les éditions
Textuel, 2004, p. 133.
10
Les stratégies de communication sont conçues et élaborées par la directrice de
communication, en concertation avec la présidente du collectif, les porte-parole et les chefs de
chaque pôle de communication. Ce sont les trois pôles évoqués plus haut qui sont chargés de
la mise en œuvre de ces stratégies.
L’entretien réalisé avec la directrice de communication de « La Manif pour Tous »,
ainsi que l’étude de contenu des articles journalistiques nous ont servi à la rédaction de cette
première partie, portant sur les stratégies de communication du mouvement. A travers ce
chapitre, nous avons tenté de vérifier notre première hypothèse, qui postule que les
mouvements sociaux mènent des actions autant pour satisfaire leurs revendications que pour
la médiatisation.
1. Construction d’une identité collective
Le processus de communication comprend « une course aux armements
symboliques »20
qui consiste à mettre en place des actions spectaculaires, humoristiques,
innovantes, car le « déjà vu » n’assure pas une forte médiatisation. Ce sont ces formes de
protestation qui intéressent les journalistes. La forme d’action la plus utilisée par le collectif
« La Manif pour Tous » a été la manifestation. Selon Pierre Bourdieu21
, lors d’une
manifestation, le mouvement social, non seulement, montre l’importance de sa mobilisation,
mais également exprime son identité. Les formes d’action collective donnent toujours une
certaine image du groupe qui les organise. Un mouvement social doit imposer ses convictions
au plus grand nombre de personnes afin d’obtenir financements et dons. Par ailleurs, un
certain nombre d’adhérents assure une participation importante lors des manifestations,
augmentant les chances d’être médiatisé. Pour attirer l’opinion publique, un mouvement
procède à une construction d’identité collective, en modifiant les perceptions de soi que se
font les individus, y compris les médias22
. Cela représente l’une des premières actions
auxquelles a recours un mouvement social.
Dans notre étude de cas, dès le début, le collectif « La Manif pour Tous » avait l’image
d’un mouvement proche des milieux catholiques23
. L’objectif du collectif était ainsi de
20
Neveu Erik Médias et protestation collective in Fillieule Olivier, Agrikoliansky Eric et Sommier Isabelle, éd.
Penser les mouvements sociaux, Paris : Editions La Découverte, 2010, p. 247.
21
Cité dans Mathieu Lilian, Comment lutter ? Sociologie des mouvements sociaux, Les éditions Textuel, coll. La
Discorde, 2004, p. 139.
22
Fillieule Olivier, éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 39.
23
Gaël Dupont et Stéphanie Le Bars, Mariage homo : les opposants se mobilisent, l’exécutif reste ferme, Le
Monde, 20 novembre 2012.
11
dépasser une telle identification pour toucher un public plus large. Pour cela, il a eu recours à
plusieurs stratégies.
1.1. Confiscation des valeurs des opposants
1.1.1. Du « Mariage pour tous » à « La Manif pour tous »
La première stratégie consistait à s’approprier certains symboles et valeurs du groupe
opposant, le pro-mariage homosexuel. La première appropriation était partielle, celle du nom
« Mariage pour tous ». Le collectif a utilisé l’expression « pour tous » pour se désigner
comme « La Manif pour Tous » et créer ainsi une confusion. Il s’agissait de montrer que
l’opposition n’était pas la seule à utiliser des valeurs d’égalité.
1.1.2. Code « bleu-blanc-rose »
L’étape suivante était de se procurer des éléments visuels facilement identifiables, en
utilisant une combinaison de couleurs pour les tenues, pancartes, drapeaux et panneaux. La
vague « bleu-blanc-rose », couleurs officielles du mouvement, est une stratégie de
communication qui puise son symbolisme dans les couleurs enfantines, qui opposent, dès leur
naissance, les garçons aux filles. Mais le rose est également associé aux personnes
homosexuelles, il s’agit ainsi d’une autre confiscation au camp adverse. Le blanc est le
symbole de la pureté et de l’innocence. Ensemble, le bleu et le blanc font également penser au
drapeau national français. Cette combinaison de couleurs peut être considérée comme un
slogan ou un logo associé à la valeur du triangle père-mère-enfant, défendu par le collectif.
1.2. Détournement de l’image
La dimension identitaire est essentielle pour un mouvement social qui fait l’objet d’une
stigmatisation et a une image sociale négative. Il faut entreprendre un travail symbolique
important qui aboutirait à une identité positive24
. Selon M. Bernstein25
, une identité a
plusieurs dimensions. Elle peut être pensée comme un sentiment d’appartenance à un
« nous », ressource de consolidation d’un groupe mobilisé. L’identité peut être le résultat d’un
travail d’affirmation dans l’espace public d’un groupe stigmatisé. Enfin, elle peut constituer
une stratégie de communication. Cette stratégie peut avoir un aspect provocateur dans
l’affirmation de l’identité, mais aussi un aspect plus éducatif, qui mettra en scène une identité
du mouvement qui correspond aux valeurs sociales centrales.
24
Neveu Erik, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2011, p. 81.
25
Bernstein Mary cité dans Neveu Erik, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2011, p. 82.
12
1.2.1. Mouvement condamnant l’homophobie
Lorsqu’on l’applique au mouvement « La Manif pour Tous », le groupe était présumé
catholique et homophone lors de sa constitution en novembre 201226
. Cette image lui a été
accordée puisque l’opinion publique se souvenait du mouvement social contre le PACS27
de
1998, connu notamment pour ses slogans homophobes. Dès lors, la tâche de « La Manif pour
Tous » consistait à détourner une telle vision de son collectif et imposer une image positive,
condamnant l’homophobie, qui serait reprise par les médias et l’opinion publique. Pour cela,
le mouvement a choisi comme porte-parole un homosexuel, Xavier Bongibault, une engagée à
gauche Laurence Tcheng et une humoriste, Frigide Barjot, sur laquelle on reviendra.
Par ailleurs, le collectif a adopté une tactique de condamnation de tout acte violent,
toute expression d’homophobie ou d’intolérance. Lors de la première manifestation du 17
novembre, un service spécial a été mis en place par le collectif pour veiller au respect des
conditions établies. Tout a été pensé pour casser la stigmatisation homophobe – les logos, les
pancartes, les slogans, les banderoles. Il fallait être dans une relation respectueuse envers les
homosexuels pour faire tomber la présomption d’homophobie28
.
1.2.2. Défenseur des valeurs universelles
Quant à l’aspect « plus éducatif » évoqué par M. Bernstein, le mouvement, comme nous
l’avons dit plus haut, a mis en avant des valeurs sociales d’une grande importance comme la
famille. En adoptant une telle stratégie, le collectif visait à attirer l’attention d’un plus grand
nombre de personnes, constitué majoritairement de familles. Avec un nombre important de
ces dernières défilant dans les rues lors des manifestations, « La Manif pour Tous » s’assurait
d’intégrer l’agenda médiatique.
1.3. Mouvement apolitique et pluraliste
1.3.1. Apolitique
Après avoir donné une image condamnant l’homophobie et adopté des valeurs
universelles, dans la continuité de ses objectifs – recruter le plus d’individus possible, donner
une image positive – le collectif s’est imposé en tant que mouvement pluraliste et apolitique.
Avant sa première manifestation, le 17 novembre, ses instructions étaient : « Seuls les mots
26
Anne-Laure Filhol et Agnès Leclair, Mariage homosexuel : les opposants veulent accentuer la pression, Le
Figaro, 19 novembre 2012.
27
Dans le but de prendre en compte une partie des revendications des couples de même sexe qui aspiraient à une
reconnaissance globale de leur statut.
28
Stéphanie Le Bars, Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013.
13
d’ordre annoncés au podium seront autorisés. Tout slogan politique ou mettant en cause les
personnes sera proscrit »29
, montrant ainsi le côté apolitique.
1.3.2. Pluraliste
Le mouvement s’est également positionné comme un collectif pluraliste en faisant
défiler lors de ses manifestations un public varié – nombreuses familles, retraités, jeunes
actifs, étudiants. « Nous avons réussi à mobiliser largement et à toucher un public varié. Il
faut continuer à laisser la place à différentes sensibilités et éviter une cristallisation droite-
gauche des positions. », a confié Tugdual Derville, une des porte-parole de « La Manif pour
Tous », au Figaro30
. Frigide Barjot : « Nous espérons de nouveaux ralliements, des prises de
positions de personnalités publiques, dans le monde du sport ou de la communication. »31
.
Enfin, la directrice de communication du mouvement nous a confirmé que « La Manif pour
Tous » comptait parmi ses organisateurs des hommes de droite, comme de gauche, des
homosexuels, des individus d’origine ethnique et religieuse différente. Le collectif a beaucoup
insisté sur sa dimension pluraliste dans les médias et nous pouvons ainsi en déduire son
objectif de détourner l’image d’un mouvement proche des milieux catholiques.
Pour aller plus loin dans la consolidation de son image pluraliste, le mouvement a
effectué un travail de terrain en misant sur les mairies. Réunies dans le Collectif des Maires,
les mairies ont lancé une vaste consultation auprès des élus locaux, en recueillant des avis
défavorables de ces derniers sur le projet de loi « Mariage pour tous ». Le mouvement a
également cherché le soutien des juristes, avocats, philosophes. Lors des deux manifestations
du 13 janvier et 24 mars, il a réuni des hommes politiques, notamment du Front National et de
l’UMP32
. Leur présence a été autorisée, mais tout slogan, drapeau et banderole politique ont
été interdits, pour s’assurer une image pluraliste et apolitique.
1.4. Importance d’une porte-parole médiatique
Qui se chargerait de promouvoir l’identité d’un mouvement apolitique, pluraliste,
condamnant l’homophobie et la violence ? Le mouvement a choisi comme principale porte-
parole l’humoriste Frigide Barjot, vrai nom Virginie Merle, personnage aux multiples
facettes. En effet, elle est connue pour ses engagements politiques, ayant été communicante
29
Gaël Dupont et Stéphanie Le Bars, Première mobilisation nationale contre le mariage « gay », Le Monde, 18
novembre 2012.
30
Anne-Laure Filhol et Agnès Leclair, Mariage homosexuel : les opposants veulent accentuer la pression, Le
Figaro, 19 novembre 2012.
31
Agnès Leclair, La Manif pour tous prépare de nouvelles actions, Le Figaro, 15 janvier 2013.
32
Stéphanie Le Bars, Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013.
14
pour le parti français de droite « Rassemblement pour la République » dans les années 1980 et
pour ses engagements religieux, étant une « catholique convaincue »33
.
Une telle personnalité parlant au nom de « La Manif pour Tous » assurait au collectif
une forte médiatisation. En effet, si on compare le nombre de citations des porte-parole du
mouvement dans les deux journaux analysés, Le Monde et Le Figaro, nous constatons que sur
la totalité des dix porte-parole officielles34
, seulement la moitié a été mentionnée. Les chiffres
montrent que sur l’ensemble de ces cinq intervenants, Frigide Barjot est apparue 65,7%, suivi
par Tugdual Derville avec 17,1%. Les trois autres représentants du collectif, Xavier
Bongibault, Béatrice Bourges et Laurence Tcheng, n’ont été mentionnés que 7,1%, 5,7%,
4,2% respectivement. Pourtant les deux d‘entre eux sont les fondateurs35
du mouvement.
Intervenant Le Monde Le Figaro Total Fréquence (%)
Frigide Barjot 13 33 46 65,7
Tugdual Derville 2 10 12 17,1
Xavier Bongibault 1 4 5 7,1
Béatrice Bourges 0 4 4 5,7
Laurence Tcheng 1 2 3 4,2
Total 17 53 70 100
Comment expliquer cette forte médiatisation de Frigide Barjot contrairement aux autres
porte-parole ? Personnage « extravagant »36
, portant des mini-jupes, des tee-shirts roses à
slogans, avec un pseudonyme « potache et provocateur »37
, elle attire l’attention par son
physique. Ajoutons à cela une attitude décontractée et le tutoiement, l’« égérie de la Manif
pour Tous » sait se mettre en scène devant les médias, qui l’ont baptisée « attachée de presse
de Jésus »38
. Ce n’est pas par hasard, Frigide Barjot est connue pour ses anciens « coups de
com ». Elle est notamment l’auteur du slogan « Touche pas à mon pape » et d’un site Internet,
à travers lequel elle a pu recueillir 32 000 signatures sur un manifeste de soutien au Pape, qui,
selon elle, était victime des attaques en 200939
.
On observe les mêmes actions lorsqu’elle devient la principale porte-parole de « La
Manif pour Tous », avec par exemple des slogans comme « Touche pas à mon Code civil »,
33
Stéphanie Le Bars Pari réussi pour Frigide Barjot, « attaché de presse de Jésus », Le monde, 20 novembre
2012.
34
<http://www.lamanifpourtous.fr/fr/qui-sommes-nous/les-porte-parole>.
35
Stéphanie Le Bars, Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013.
36
Stéphanie Le Bars Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013.
37
Stéphanie Le Bars Pari réussi pour Frigide Barjot, « attaché de presse de Jésus », Le monde, 20 novembre
2012.
38
Ibid.
39
Ibid.
15
repris par les médias. Nous reviendrons sur Frigide Barjot dans le deuxième chapitre,
notamment sur sa réception médiatique.
2. D’un collectif pacifique vers un collectif-victime
En analysant notre objet d’étude, nous avons observé qu’il y a eu une évolution de la
stratégie de communication de « La Manif pour Tous », notamment après les deux premières
manifestations du 17 novembre et du 13 janvier.
2.1. Mouvement « France bon enfant »
Dès le début et tout au long de son existence, le collectif « La Manif pour Tous »
affirmait sur son site officiel, dans leurs communiqués, dossiers de presse et médias être un
mouvement pacifique, organisant ses manifestions en assurant le maximum de sécurité grâce
aux bénévoles formés pour cette occasion. De très nombreuses familles présentes aux
mobilisations témoignaient de la valeur de la famille, cela dans un esprit calme et de
détermination.
Ce sont ces familles, venues avec leurs enfants, qui ont donné l’image et l’ambiance
« bon enfant » et « familial » au collectif. D’ailleurs, nous allons voir que dans sa stratégie de
communication rénovée, les familles ont également joué un rôle important sur la façon dont le
mouvement a été traité médiatiquement. En effet, dans leurs articles les médias ont surtout
insisté sur l’esprit familial des mobilisations : « Des gens de tous âges, des familles, beaucoup
de familles, venues de tout le pays »40
. Cet intérêt s’explique par la spectacularisation de ces
actions, avec de nombreuses poussettes lors des défilés, des étiquettes présentes sur les
enfants avec le numéro de téléphone des parents, ou encore d’autres qui étaient attachés
comme des alpinistes en cordée41
.
Or, le mouvement a lui-même beaucoup pointé sur cette dimension « bon enfant » de
ses manifestations. Afin de maintenir l’identité qu’il s’est donné, mouvement apolitique,
défenseur des valeurs universelles, il visait à toucher avant tout les particuliers, qui
constituaient leur ressource principale de mobilisation.
40
Benoît Hopquin, Stéphanie Le Bars, Alexandre Lemarié et Abel Mestre, En poussettes et en chansons, le pari
réussi de la « Manif pour tous », Le Monde, 15 janvier 2013.
41
Ibid.
16
2.2. Adoption d’une nouvelle image : victimisation
Avant la troisième manifestation du 24 mars, « La Manif pour Tous » a décidé de
rénover sa stratégie de communication, car n’a pas obtenu de réponses positives à ses
revendications depuis la mobilisation précédente du 13 janvier. A cela s’ajoute la faible
médiatisation du mouvement entre ces deux défilés, le collectif n’ayant été que très peu
couvert par les médias. Aucun article traitant du collectif n’est paru dans le journal Le Figaro
entre le 15 janvier et 16 mars. Dans Le Monde, il n’y a pas eu de traitement médiatique entre
le 24 janvier et 24 mars, le jour même de la troisième manifestation. De plus, le 12 février
l’adoption du projet de loi a eu lieu à l'Assemblée nationale, ce qui risquait de démobiliser les
militants42
. « Pour faire vivre son message la Manif pour tous veut montrer un nouveau
message avant l’examen du texte au Sénat et martèle ‘Non, il n’est pas trop tard’ »43
.
2.2.1. En quête de médiatisation : politisation
Lors de cette troisième mobilisation le mouvement a beaucoup misé sur le nombre,
moins sur sa dimension familiale et apolitique, en politisant ses messages sociaux. Nous
avons déjà évoqué la confiscation des valeurs des opposants. A la veille de la troisième
manifestation, le collectif a mis à jour ses affiches et slogans, cette fois ci en se réappropriant
le graphisme des modèles d’affiches utilisées lors des manifestations de Mai 68, mélangeant
les messages sociaux et révolutionnaires44
, «elles sont l'expression de notre lutte contre la
bien-pensance idéologique d'aujourd'hui»45
. A des panneaux colorés « révolution de la
filiation »46
, se sont rajoutés des banderoles plus politiques « on veut du boulot pas du
mariage homo »47
. Une autre preuve de politisation du collectif était l’intervention du député
du parti politique UMP Henri Guaino sur le podium installé à l’occasion de la manifestation
pour saluer les manifestants48
. Or, « aucun parti ou mouvement politique n’est associé de près
ou de loin à l’organisation. Bien qu’ils soient les bienvenus dans la manifestation, (…), aucun
responsable politique ne sera invité à prendre la parole sur le podium d’animation »49
, nous
constatons donc une évolution par rapport au positionnement initial du collectif qui affirmait
être apartisan et apolitique.
42
Non signé, La manif pour tous veut se réinventer, Le Figaro, 17 mars 2013.
43
Ibid.
44
Voir les exemples d’affiches en annexe 5.
45
Non signé, La manif pour tous veut se réinventer, Le Figaro, 17 mars 2013
46
Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, Nouveau succès des antimariage gay, Le Figaro, 25 mars 2013.
47
Ibid.
48
Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, Nouveau succès des antimariage gay, Le Figaro, 25 mars 2013.
49
Dossier de presse de « La Manif pour Tous » du 26 mai 2013.
17
La directrice de communication nous a confié que les actions étaient faites pour montrer
au gouvernement, via les médias, que le mouvement mobilisait énormément de monde sur ses
questions. Avec leur stratégie de communication rénovée, le collectif attirait encore plus
d’individus par rapport à ses premières manifestations, ayant élargi le nombre de ses
revendications. En effet, selon Frigide Barjot, ils pouvaient « aussi venir dire au président
Hollande de s'occuper de ses promesses de campagne, à savoir sortir la France de la crise
économique et de faire quelque chose pour tous ceux qui souffrent de cette crise »50
.
De plus, le collectif a décidé de ne pas défiler dans les rues mais se rassembler sur
l’avenue de la Grande-Armée, devant un podium installé à cette occasion. Ce rassemblement
statique était un choix stratégique bien réfléchi. Les organisateurs s’attendaient à une
mobilisation d’une ampleur plus importante que celle du 13 janvier et ont décidé de
rassembler les manifestants dans un seul cortège devant un podium, garantissant l’effet de
masse, très recherché par le collectif. Après l’échec politique de la manifestation précédente,
il voulait également attirer l’attention des médias sur ce qui se passait sur le podium. Avec les
interventions des porte-parole et des personnes soutenant le mouvement, parlant des ses
convictions et revendications, « La Manif pour Tous » espéraient qu’elles seraient reprises par
les journalistes. Or, le collectif n’a pas prévu les débordements qui ont eu lieu lors de la
manifestation, ce que nous traiterons plus bas. Finalement, c’étaient la dimension conflictuelle
du rassemblement qui a été médiatiquement le plus traitée.
2.2.2. Conflictualisation
Si les deux premières manifestations se sont déroulées dans une atmosphère calme et
joyeuse, comme nous l’avons décrit précédemment, la troisième a pris une dimension
conflictuelle avant même d’avoir eu lieu. Au silence du gouvernement sur les revendications
du collectif s’ajoutent les polémiques, liées à l’interdiction par la Préfecture de Police de se
rassembler sur l’avenue des Champs-Élysées, débats qualifiés comme « guerre des nerfs »51
par les médias. Le collectif a été autorisé à s’installer sur l’avenue de la Grande-Armée, ce qui
était un changement de dernière minute et qui a permis au collectif d’affirmer que « le
président de la République ne veut pas nous voir »52
.
50
Vincent Daniel, Pourquoi la « Manif pour tous » a élargi ses revendications, <http://www.francetvinfo.fr/>,
24 mars 2013.
51
Non signé, La manif pour tous veut se réinventer, Le Figaro, 17 mars 2013.
52
Agnès Leclair, Manif pour tous : quel parcours ?, Le Figaro, 20 mars 2013.
18
Lors de la manifestation même, le collectif s’est montré désespéré « Qu’est-ce qu’il va
falloir faire pour qu’on nous voie et qu’on nous entende ? »53
, mais également plus déterminé
dans la poursuite de ses actions : « Nous lui [au Président François Hollande] lançons un
ultimatum pour qu’il retire le texte d’ici à jeudi, date à laquelle il doit s’exprimer à la
télévision. Sinon, nous irons de manifestation en manifestation »54
.
Mais ce qui a fait le plus écho dans les médias durant cette manifestation était la
polémique d’usage des gaz lacrymogènes, comme nous le verrons dans le deuxième chapitre.
En effet, pendant le rassemblement statique de la manifestation sur l’avenue de la Grande-
Armée, un certain nombre de militants ont essayé de franchir le barrage mis en place, pour
rejoindre l’interdite avenue des Champs-Élysées. Les forces de l’ordre ont réagi par
l’utilisation des gaz lacrymogènes pour les en empêcher. Le mouvement a ainsi commenté les
actions de la police : « Des gens parfaitement pacifiques, stationnant place de l’Étoile, ont été
encerclés, puis, sans aucune sommation, aspergés de gaz lacrymogènes. Quinze enfants ont
du être évacués »55
.
Nous pouvons conclure que le collectif s’est positionné en tant que victime, ce qui a
ensuite été repris par les médias. Il s’agissait de mettre en avant que des enfants et des
familles ont souffert des actions entreprises par la police et montrer que le mouvement a été
traité violemment par le gouvernement. Le collectif a pu ainsi maîtriser le registre émotionnel
et victimaire.
En analysant les stratégies de communication de « La Manif pour Tous » appliquées
aux trois manifestations du 12 novembre, 13 janvier et 24 mars, nous pouvons constater que
ses actions ont été orientées tant vers les pouvoirs publics pour apporter des réponses à ses
revendications que vers les journalistes, pour obtenir une couverture médiatique. Cela nous a
également été confirmé par la directrice de communication, qui cherchait à obtenir l’attention
des pouvoirs publics, à travers l’opinion qui sensibiliserait la cause. Pour la toucher il fallait
passer par les médias et c’est dans cette optique que les stratégies de communication ont été
conçues.
Nous allons analyser la réception médiatique de ces actions, ce qui permettra de voir si
la médiatisation correspondait aux objectifs du mouvement.
53
Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, Nouveau succès des antimariage gay, Le Figaro, 25 mars 2013.
54
Ibid.
55
Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, La manif pour tous prête à un nouveau rassemblement, Le Figaro, 26 mars
2013.
19
Chapitre II : Mise en scène médiatique des mouvements sociaux
Après avoir évoqué les stratégies de communication employées par « La Manif pour
Tous », nous allons analyser leur médiatisation. Nous nous baserons sur les résultats obtenus
par l’analyse de contenu des articles journalistiques. Cela permettra de vérifier la deuxième
hypothèse qui postule que la médiatisation dépend de la nature des actions collectives mises
en place et ainsi voir si les objectifs visés par le collectif correspondent à leur traitement
médiatique. Avant d’analyser les enjeux de la médiatisation, nous nous intéresserons aux
attentes des mouvements sociaux vis-à-vis des médias et à l’intérêt de les utiliser.
1. Utilisation stratégique des médias
La manifestation, comme forme de protestation, constitue un moyen permettant
d’accéder au niveau de négociation avec les pouvoirs publics56
. Parlant dans un langage de
Shannon et Weaver57
, le message provenant d’un émetteur passe par un canal de transmission
pour arriver au récepteur. Ce canal de transmission est un moyen de communication tel que
les médias. Le moyen principal pour se faire entendre constituent principalement la télévision
et la presse papier et en ligne. La médiatisation des actions de protestation est une étape
indispensable pour satisfaire ses revendications. Tout travail de communication et
mobilisation cible ces moyens de communication pour attirer avant tout l’attention des
individus. En effet, en sensibilisant l’opinion publique, les mouvements sociaux s’assurent
d’être entendus par les pouvoirs publics, ceux-ci ne pouvant pas ignorer les revendications
d’une importante partie de la population. Les médias peuvent ainsi être considérés par un
mouvement comme une « première reconnaissance de sa légitimité »58
.
1.1. Recours aux médias selon les objectifs poursuivis
Selon Arnaud Mercier59
, le type de rapport aux médias dépend du but recherché par les
organisations qui appellent à défiler. Il a élaboré un schéma qui comporte quatre types de
mobilisation selon les attentes vis-à-vis des médias, qui nous servira comme cadre d’analyse
pour l’étude de cas.
56
M. Lipsky in Fillieule Olivier, éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 236.
57
Shannon Claude et Weaver Warren, The mathematical Theory of communication, University of Illinois,
Urbana III, 1949, 117 pages.
58
Mercier Arnaud Mobilisation collective et limites de la médiatisation comme ressource in Fillieule Olivier,
éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 237.
59
Ibid. p. 239.
20
1.1.1. En quête de légitimité et reconnaissance
Le premier type de mobilisation correspond à des objectifs limités et restreints du
mouvement. Le mouvement recherche avant tout à utiliser les médias pour une respectabilité
et reconnaissance.
1.1.2. Satisfaction des revendications
Le deuxième type de mobilisation consiste à s’organiser massivement dans le but
d’obtenir des réponses à ses revendications. Pour atteindre l’objectif, l’attention est tournée
vers l’opinion publique, en cherchant des alliances avec divers acteurs sociaux, pour étendre
la mobilisation. C’est une pression indirecte sur les pouvoirs publics.
Dans ce cas, l’intérêt d’accéder aux médias consiste à y être reconnu par le phénomène
de masse. En effet, le nombre constitue une stratégie majeure pour toute mobilisation. Selon
Patrick Champagne60
, « par le nombre de manifestants qu’elles arrivent à faire défiler dans la
rue (…) les organisations (…) cherchent à renforcer et à étendre leur pouvoir de
représentation en vue de négocier avec le pouvoir public. Plus le groupe qui manifeste est, en
effet, nombreux, et plus les organisations représentatives peuvent prétendre représenter, par
delà le groupe concret qui défile, toute une catégorie sociale ». Le critère étant très important
pour le mouvement, on observe des conflits constants à chaque défilé entre les chiffres
annoncés par le mouvement et ceux affichés par la police. Le nombre explique le recours au
spectaculaire, d’où l’intérêt des journalistes.
1.1.3. Affirmation d’une identité sociale
Le troisième type de mobilisation a des objectifs orientés vers l’identité sociale
reconnue. Il ne s’agit pas de demandes matérielles, mais symboliques. Nous avons parlé dans
le premier chapitre de la construction de l’identité collective, où les médias ont le rôle
d’intermédiaire entre le mouvement et le public. Un deuxième objectif consiste à susciter des
débats et des discussions autour de soi en accédant à la parole publique. Selon Patrick
Champagne61
, « une action stratégique visant à agir sur les journalistes afin d’occuper
l’espace médiatique, dans le but de déclencher les prises de positions des différents agents qui
cherchent à peser sur l’opinion publique et par là sur le pouvoir ».
60
Patrick Champagne cité dans Mercier Arnaud Mobilisation collective et limites de la médiatisation comme
ressource in Fillieule Olivier, éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 239.
61
Ibid, p. 240.
21
1.1.4. Appartenance à un groupe
Enfin, le dernier type de mobilisation relève de la dimension identitaire, non pas sociale
comme celle précédente, mais psychologique. Même en ayant un objectif, le mouvement sait
qu’il sera difficile voire impossible de l’atteindre. Dans ce cas, le rôle des médias consiste à
renforcer le sentiment d’appartenance des individus au groupe mobilisé. Selon Harvey
Molotch, « une euphorie particulière se dégage à voir dans les médias de masse le résultat de
sa propre action. Il procure un sentiment de dignité et d’efficacité, quelque soit le type de
couverture médiatique »62
et même si les revendications ne sont pas entendues.
L’utilisation des médias peut ainsi être différente en fonction des objectifs poursuivis
par un mouvement social. Notre première hypothèse postule que les mouvements sociaux
mènent des actions autant pour satisfaire leurs revendications que pour la médiatisation. Ainsi
nous pouvons affirmer que les manifestations de « La Manif pour Tous » correspondent au
deuxième et troisième type de mobilisation selon le schéma d’Arnaud Mercier, voulant, d’un
côté, voir leurs revendications être prises en charge par les pouvoirs publics et de l’autre,
obtenir une forte médiatisation en ayant accès à l’espace public. Elles se caractérisent
également, bien que partiellement, par le premier type de mobilisation, celui en quête de
légitimité et reconnaissance. Avant d’analyser la médiatisation de ces mobilisations en
fonction de l’usage fait des médias, nous allons aborder le dernier point de cette partie.
1.2. Accès aux médias
Les mouvements sociaux rencontrent parfois des difficultés pour accéder aux médias
qui peuvent partiellement ou totalement perdre leur intérêt pour les groupes contestataires.
Ces derniers doivent souvent recourir à des actions plus radicales pour regagner l’attention
des médias.
1.2.1. Informer
Dans le cas de la « Manif pour tous », ses manifestations étaient organisées au
préalable, ce qui les rend prévisibles pour les médias. En plus, étant constitué de plusieurs
associations, et donc étant massif, le mouvement s’annonçait durer tout au long des
discussions sur le projet de loi sur le mariage homosexuel. Les informations sur les actions
préparées par le mouvement étaient transmises aux médias avant chaque manifestation.
62
Mercier Arnaud Mobilisation collective et limites de la médiatisation comme ressource in Fillieule Olivier,
éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 241.
22
En effet, l’analyse a montré que les médias ont consacré 17,4% (Le Figaro) et 6,3% (Le
Monde) de couverture au sujet de l’« organisation », c’est-à-dire aux actes de préparation des
actions, comme les données chiffrées sur les bus, les autocars utilisés, mais également sur les
préparatifs plus symboliques comme le dress code.
Douze articles, dix dans Le Figaro et deux dans Le Monde sont apparus avant les deux
manifestations nationales du 13 janvier et 24 mars 2013. A part un article qui a pris comme
source un communiqué de presse (Le Monde du 24 mars 2013), les onze autres rassemblent
des témoignages des porte-parole, parlent des enjeux de la mobilisation « afin de faciliter la
participation, le collectif a mis en ligne une carte interactive pour trouver un moyen de
locomotion (car, train, covoiturage) vers la capitale, un couchage et même du babysitting
pour parents militants »63
, « le dress code ‘bleu-blanc-rose’ se doit d’être ‘chaud et
décontract’, prescrit Frigide Barjot(…) »64
. Donc les médias ont été informés et ont
interviewé les organisateurs sur les actions et pouvaient ainsi prédire l’ampleur des
manifestations au préalable : « (...) la manifestation du 13 janvier pourrait être l’une des plus
importantes de ces dernières années (...) »65
, « (...) la manifestation des opposants (…)
s’annonce d’une ampleur exceptionnelle »66
. Cela jouait en faveur du mouvement, car
signifiait une forte présence des médias sur place pour couvrir les manifestations.
1.2.2. Attirer l’attention
Les formes de protestation sont également susceptibles d’attirer l’attention des médias.
Comme nous l’avons montré dans le premier chapitre, « La Manif pour Tous » s’est
positionnée comme un mouvement pacifiste. Cela signifie que les formes d’actions adoptées
par le mouvement portaient un caractère fort spectaculaire et animé. Louis Marin parle de la
« théâtralisation »67
des défilés des manifestants, ce qui correspond aux logiques médiatiques.
Le spectaculaire des actions d’un mouvement social peut en effet susciter l’intérêt des
médias. Mais garantit-il un traitement médiatique favorable au groupe mobilisé ? Les médias
peuvent-ils renforcer une action collective ? Nous allons tenter de répondre à ces questions en
analysant la réception médiatique de « La Manif pour Tous ».
63
Agnès Leclair, Mariage gay : la manif des opposants s’organise, Le Figaro, 3 janvier 2013.
64
Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, « Manif pour tous » contre « mariage pour tous », Le Figaro, 13 janvier
2013.
65
Stéphanie Le Bars, Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013.
66
Christophe Cornevin, La Préfecture de police sur le pied de guerre, Le Figaro, 12 janvier 2013.
67
Louis Marin cité dans Fillieule Olivier, éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993,
p. 243.
23
2. Enjeux de la médiatisation
Dans cette partie, il s’agit de déterminer si la médiatisation correspondait aux attentes
des organisateurs de « La Manif pour Tous » et déterminer l’orientation des journaux
analysés. Nous allons ainsi voir si les médias ont consolidé leurs actions.
2.1. La mise en discours médiatique
A partir du schéma proposé par Arnaud Mercier, selon lequel, rappelons, le rapport aux
médias dépend des objectifs fixés par les mouvements sociaux, nous allons analyser la
réception médiatique du collectif étudié.
2.1.1. Médiatisation de la « force tranquille » des manifestants
Nous avons affirmé que « La Manif pour Tous » correspondait partiellement au premier
type de mobilisation, en cherchant une respectabilité et légitimité. Cela se vérifie par le
caractère maîtrisé et pacifique que le collectif a donné à ses manifestations, ce que nous avons
analysé dans le premier chapitre.
Généralement, en traitant des rassemblements, les médias insistent beaucoup soit sur le
caractère discipliné, rigoureux et la dimension « force tranquille »68
des manifestations, soit
sur leur violence et agitation. Un mouvement social serait légitime et représentatif s’il se
présente comme raisonnable, capable de mener des négociations démocratiques, ce qui
appelle à la pacification de ses actions. Lorsque les manifestations acquièrent un caractère
violent, cela est aussitôt repris par les médias. On pourrait dire que les actes violents
pourraient nuire à l’image du mouvement.
Est-ce que cela a été le cas de « La Manif pour Tous » ? Le collectif qui se disait un
mouvement pacifique, a été traité par les médias lors des deux premières manifestations du 17
novembre et 13 janvier comme calme et familial : « (…) ‘les manifs pour tous’ ont su éviter
les dérapages homophobes, (…). Aucun slogan, aucune affiche hostile aux homosexuels
(…) »69
, « soucieux de préserver l’esprit ‘bon enfant’ et ‘familial’, (…), les organisateurs
avaient multiplié les consignes d’appel au calme et l’humour aux manifestants »70
.
68
Mercier Arnaud Mobilisation collective et limites de la médiatisation comme ressource in Fillieule Olivier,
éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 244.
69
Gaëlle Dupont et Stéphanie Le Bars, Mariage homo : les opposants mobilisent, l’exécutif reste ferme, Le
Monde, 20 novembre 2012.
70
Agnès Leclair, Mobilisation historique contre le mariage pour tous, Le Figaro, 14 janvier 2013.
24
Bien que Le Monde ait traité de la polémique autour des chiffres sur le nombre de
manifestants lors du défilé du 13 janvier71
, la dimension conflictuelle de la mobilisation a été
introduite lors de la troisième grande manifestation du 24 mars par les deux journaux.
Couverture de la variable « Conflit »
Cette dimension correspond au moment où le mouvement a changé ou rénové sa
stratégie de communication en se positionnant comme victime, ce que nous avons évoqué au
premier chapitre. Les deux journaux ont consacré 21,6% de leurs articles aux conflits sur le
total des variables de la mise en scène médiatique. Ainsi la dimension conflictuelle est
devenue le deuxième élément des actions de protestation le plus traité médiatiquement.
« La Manif pour Tous » est en effet médiatisée comme victime à la veille de la
troisième manifestation – « sentiment de ras le bol contre le gouvernement (…) exacerbé par
l’accumulation des fins de non-recevoir pour les opposants au texte : coup sur coup, ils ont
vu leur pétition (…) rejetée (…), la commission des lois du Sénat leur fermer les portes et la
préfecture de police de Paris leur refuser l’accès aux Champs-Élysées »72
. Or la
manifestation du 24 mars est devenue violente, par rapport aux précédentes, lorsque les
militants de l’extrême droite, mêlés aux militants pacifiques du mouvement, ont essayé de
franchir le barrage, ce qui a abouti aux dérapages avec la police et l’utilisation de gaz
71
lorsque les organisateurs qualifie les chiffres avancés par la police comme « une manipulation » et « un
mensonge d’Etat » dans Benoît Hopquin et Samuel Laurent, « Manif pour tous » : après le succès, la réalité des
chiffres, Le Monde, 24 janvier 2013 :
72
Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, Nouvelle mobilisation des opposants au mariage homosexuel, Le Figaro,
24 mars 2013.
25
lacrymogènes. Cela n’a pas été prévu par les organisateurs. « Ceux-là n’avaient que faire des
appels au calme »73
, mais les médias ont immédiatement repris « la polémique » qui « s’est
enflammée sans proportions »74
suite à l’usage du gaz lacrymogène.
Les médias ont relayé les arguments des organisateurs et des responsables politiques
critiquant les « gestes de violence inacceptables »75
des forces de l’ordre contre un public très
familial et pacifique, devenu victime. Or, les deux journaux ont également montré que la
manifestation « a échappé »76
aux organisateurs, ce qui a nui à l’image du collectif, incapable
de maîtriser ses militants.
2.1.2. Médiatisation du « pôle d’action »
Selon le deuxième type de mobilisation du schéma d’Arnaud Mercier, le mouvement
social cherchent à se faire entendre et transmettre un message précis pour obtenir des réponses
à ses revendications. Pour cela, il entreprend des actions pour accroître son nombre
d’adhérents et renforcer son pouvoir, suffisamment pour que les pouvoirs publics négocient.
Dans le premier chapitre nous avons évoqué les stratégies de communication de « La
Manif pour Tous » et notamment l’utilisation des ressources symboliques. Le collectif a
utilisé de nombreuses pancartes, badges, affiches, slogans qui devaient être repris par les
médias. On s’est demandé comment les deux journaux ont médiatisé ces actions et lesquelles
ont été privilégiées. Nous avons identifié six catégories d’actions – spectaculaire,
sensationnel, conflit, innovant, insolite et suspens qui correspondent aux caractéristiques
d’action évoquées dans l’ouvrage de Grégory Derville cité dans l’introduction.
L’analyse montre que les actions représentent 32,3% du total des sujets (voir le tableau
sur la page 28). Les actions spectaculaires (41,4%) et sensationnelles (14,2%) ont été
particulièrement privilégiées par les journalistes, rapportant des éléments visuels de la vague
« bleu-blanc-rose » et surtout l’ampleur des manifestations avec les nombreuses divergences
sur les chiffres selon les sources. Les deux médias concluent « qu’importe ! »77
les chiffres,
73
Benoît Hopquin, Bousculades, larmes et polémiques après les tentatives de forcer les Champs-Élysées, Le
Monde, 26 mars 2013.
74
Ibid.
75
Alexandre Lemarié, Polémique autour de la « Manif pour tous », Le Monde, 27 mars 2013.
76
Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, Polémique sur l’usage de gaz lacrymogènes, Le Figaro, 25 mars 2013.
77
Benoît Hopquin, Stéphanie le Bars, Alexandre Lemarié et Abel Mestre, En poussettes et en chansons, le pari
réussi de la « Manif pour tous », Le Monde, 15 janvier 2013.
26
« ils ont réussi : la « Manif pour tous » a été un indéniable succès »78
. Les nombreux slogans
ont été également repris par les médias. Un court article y a été entièrement consacré79
.
Nature des actions médiatisées
Un autre type d’action médiatisé a été celui du suspens, qui représente 11% soit 24
éléments dans 33 articles des deux journaux. Les organisateurs ont communiqué sur leurs
prochaines actions et interventions, pour rendre le lecteur avide de connaître la suite des
événements. L’analyse a montré que les journalistes ont approuvé cette manière de construire
l’actualité. Voici quelques illustrations : « les opposants au texte envisagent la date du 13
janvier comme un point de départ plutôt qu’un point final »80
, « Frigide Barjot (…)
promettait déjà de nouvelles actions et un nouveau rassemblement »81
.
Les actions insolites et innovantes ont été moins médiatisées et représentent 7,3% et
4,1% respectivement – « Innovation : les professionnels concernés par le débat sont invités à
défiler dans leur tenue de travail : juristes en robe, religieux en habits sacerdotaux (…),
médecins en blouse blanche (…) »82
.
Nous pouvons conclure que les deux journaux se sont intéressés avant tout aux actions
spectaculaires et sensationnelles, des actes qui mobilisent un nombre important d’individus,
occupent des lieux publics, risquent de rentrer dans l‘histoire par leur ampleur. Les actions
conflictuelles ont également été privilégiées par les journalistes, dont on a parlé dans la partie
précédente. Enfin l’intérêt de médiatiser l’élément de suspens s’explique par le fait qu’il
nourrit la notoriété du mouvement et ses participants. Le public serait donc intéressé par le
78
Ibid.
79
Agnès Leclair, « François, marie-toi… », Le Figaro, 14 janvier, 2013.
80
Christophe Cornevin, Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, La police s’attend à une mobilisation « d’une
ampleur exceptionnelle », Le Figaro, 9 janvier 2013.
81
Benoît Hopquin, Nouveau succès pour les opposants au mariage gay, Le Monde, 26 mars 2013.
82
Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, « Manif pour tous » contre « mariage pour tous », Le Figaro, 12 janvier
2013.
Sujet Total Fréquence %
Conflit 47 21,6
Innovant 9 4,1
Insolite 16 7,3
Sensationnel 31 14,2
Spectaculaire 90 41,4
Suspens 24 11
Grand Total 217 100
27
déroulement des actions de protestation et leur issue. Ainsi les deux médias s’assurent d’avoir
des lecteurs potentiels, dont la curiosité devrait être satisfaite.
2.1.3. Médiatisation du « pôle de réflexion »
Dernières attentes des organisateurs vis-à-vis des médias sont d’obtenir accès à la parole
publique pour faire entendre leurs revendications et convictions qui seraient prises en charge
par les pouvoirs publics.
Sujet Total Fréquence %
Actions 126 32,3
Convictions 32 8,2
Frigide Barjot 49 12,5
Homophobie 19 4,8
Organisation 54 13,8
Pluralisme 47 12
Revendications 29 7,4
Titre 33 8,4
Grand Total 389 100
Grands thèmes dans les deux journaux
Si les actions et l’organisation ont été largement privilégiées par les médias, nous
pouvons voir que la principale porte-parole de « La Manif pour Tous », Frigide Barjot, a été
citée 12,5%. Pour accéder à la parole publique, nous dit Arnaud Mercier83
, il faut des
conditions préalables. Les porte-parole et les leaders du collectif doivent être facilement
identifiables étant en tête de cortège, sous des banderoles particulières ou avoir une tenue
« flashy » comme celle de Frigide Barjot. Cela permet d’être reconnaissable par le public le
plus large. Le Monde a consacré un article entier à la principale porte-parole de « La Manif
pour Tous », dressant le portrait d’une « militante atypique, aux paroles crues et aux tenues
ébouriffées »84
. « Extravagante », « personnalité ingérable et controversée » pour certains85
,
« médiatique et provocatrice » pour d’autres86
, Frigide Barjot a su attirer l’attention des
médias, étant apparue 49 fois dans 23 articles sur un total de 33 étudiés, dont sept sur dix dans
Le Monde et 16 sur 23 dans Le Figaro. Dans le premier chapitre nous avons affirmé que le
collectif s’assurait une forte médiatisation en laissant parler à son nom un personnage aussi
83
Mercier Arnaud Mobilisation collective et limites de la médiatisation comme ressource in Fillieule Olivier,
éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 246.
84
Stéphanie Le Bars, Pari réussi pour Frigide Barjot « attachée de presse de Jésus », Le Monde, 20 novembre
2012.
85
Stéphanie Le Bars, Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013.
86
Agnès Leclair, Mobilisation historique contre le mariage pour tous, Le Figaro, 14 janvier 2013.
28
extravagant. Nous pouvons déduire qu’ils ont obtenu une médiatisation importante en partie
grâce à Frigide Barjot, beaucoup citée et décrite par les journalistes, parfois en adoptant un
ton sarcastique : « voix cassée cheveux lâchés, Frigide Barjot a les larmes aux yeux. Au
lendemain du défilé, l’égérie du collectif arbore toujours sa tenue de militante, jean délavé et
sweat rose », ce qui n’a pas été le cas pour les autres porte-parole. Virginie Merle a su accéder
à la parole publique en s’imposant aux médias, devenant leur favorite.
Or, l’analyse de contenu a montré que l’accès à la parole publique grâce aux stratégies
employées ne garantissait pas de susciter des débats et de déclencher des discussions autour
de soi pour peser sur l’opinion publique et par là sur le pouvoir. En effet, les médias ont
consacré seulement 8,2% et 7,4% aux convictions et revendications du groupe.
Couverture des variables « Convictions » et « Revendications »
Les chiffres sur le « pôle réflexion » sont intéressants, car non seulement il a été peu
médiatisé, en plus, les journalistes se sont contentés de rapporter uniquement les paroles des
organisateurs et militants, sans commenter les enjeux de la protestation. Le graphique nous
montre que les convictions et les revendications ont largement était traitées de façon neutre.
« Citoyens attachés au modèle père-mère, adversaires de la théorie des genres (…). Il ne
s’agit pas d’empêcher les homosexuels de s’aimer ou les familles homoparentales d’élever
leurs enfants mais de protester contre le changement de la structuration de la société »87
, les
médias citent les organisateurs sans se pencher sur le problème. Les journalistes auraient pu
interroger des spécialistes sur la question, comme des historiens, psychiatres ou autorités
87
Agnès Leclair, Mariage homosexuel : la contestation gagne la rue, Le Figaro, 18 novembre 2012.
29
religieuses. Or ils ont rendu compte et insisté sur le spectacle organisé par « La Manif pour
Tous », sur l’organisation des manifestations, ce qui finalement nous permet de dire n’a pas
joué en faveur du mouvement, dont les convictions et revendications n’ont pas été portées à
l’attention de l’opinion publique par les relais que sont les médias.
2.2. Evaluation du contenu médiatique
Utilisant les formules mathématiques de la méthode Morin-Chartier, dont nous avons
parlé dans l’introduction, nous avons calculé la fréquence (visibilité) et l’orientation des
journaux Le Monde et Le Figaro.
2.2.1. Orientation du Monde
Sujet Positif Négatif Neutre Total Fréquence % Orientation
Actions 10 8 29 47 37,3 4,2+
Organisation 1 0 7 8 6,3 12,5+
Pluralisme 1 5 11 17 13,4 23,5-
Frigide Barjot 2 4 10 16 12,6 12,5-
Titre 3 4 3 10 7,9 10-
Revendications 0 0 3 3 2,3 0
Convictions 0 0 17 17 13,4 0
Homophobie 1 0 7 8 6,3 12,5+
Total 18 21 87 126 100 2,3-
Orientation du journal Le Monde
L’orientation du journal Le Monde sur la couverture du collectif « La Manif pour
Tous » s’est avérée négative. Cela concerne notamment les sujets « Pluralisme », « Frigide
Barjot » et « Titre ». Dans le premier chapitre nous avons évoqué la stratégie du mouvement
« construction d’identité collective » où il s’est positionné comme pluraliste, affirmant
compter parmi ses militants des personnes de milieux différents. Or, le journal Le Monde
n’est pas d’accord et voici une illustration : « les ‘manifs pour tous’ ont échoué à élargir
significativement au-delà des mouvements proches des milieux catholiques »88
.
Quant à l’utilisation d’une porte-parole médiatique, le journal a, certes, accordé une
grande attention à Frigide Barjot, mais tout en la qualifiant de «personnalité ingérable et
controversée »89
. Enfin, quatre titres d’articles sur dix ont eu une connotation négative dont
voici quelques exemples : « Mariage homo : les opposants mobilisent, l’exécutif reste
88
Gaëlle Dupont et Stéphanie Le Bars, Mariage homo : les opposants mobilisent, l’exécutif reste ferme, Le
Monde, 20 novembre 2012.
89
Stéphanie Le Bars, Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013.
30
ferme »90
, « Bousculades, larmes et polémiques après les tentatives de forcer les Champs-
Élysées »91
.
Néanmoins, la couverture a été favorable dans les articles contenant des actions
spectaculaires et sur l’ampleur de l’organisation, ce que nous avons analysé dans la partie
précédente. Le journal est resté neutre sur les sujets de revendications et convictions, ce que
nous avons également évoqué. Le sujet « homophobie », qui faisait également partie de la
stratégie sur l’identité collective, a eu lui aussi une médiatisation neutre.
2.2.2. Orientation du Figaro
Sujet Positif Négatif Neutre Total Fréquence % Orientation
Actions 28 10 41 79 30 22,7+
Organisation 5 7 34 46 17,4 4,3-
Pluralisme 9 5 16 30 11,4 13,3+
Frigide Barjot 6 2 25 33 12,5 12,1+
Titre 6 2 15 23 8,7 17,3+
Revendications 0 1 25 26 9,8 3,8-
Convictions 1 3 11 15 5,7 13,3-
Homophobie 2 0 9 11 4,1 18,1+
Total 57 30 176 263 100 10,2+
Orientation du journal Le Figaro
L’orientation de la couverture médiatique du mouvement dans le journal Le Figaro a été
positive. Il s’agit précisément des sujets « Actions », « Pluralisme », « Frigide Barjot » et
« Titre ». Le Figaro a jugé positif ce qui a été traité négativement par Le Monde. Les actions
ont été le sujet le plus médiatisé comme nous l’avons déjà évoqué, mais également qui a reçu
les scores les plus positifs (22,7+). Les actes du collectif ont été décrits ainsi : « Dimanche
prochain s’annonce sur l’ensemble du territoire une manifestation assez rare et plutôt
surprenante »92
.
La dimension pluraliste a également été positivement traitée : « Citoyens attachés au
modèle père-mère, adversaires de la théorie des genres, maires réticents à l’idée d’unir deux
hommes ou deux femmes, imams, évêques et prêtres, défenseurs des droits de l’enfant,
croyants catholiques, juifs ou musulmans, politiques, psychanalystes ou philosophes
90
Gaëlle Dupont et Stéphanie Le Bars, Mariage homo : les opposants mobilisent, l’exécutif reste ferme, Le
Monde, 20 novembre 2012.
91
Benoît Hopquin, Bousculades, larmes et polémiques après les tentatives de forcer les Champs-Élysées, Le
Monde, 26 mars 2013.
92
Jean D’Ormesson, Mariage homosexuel, Le Figaro, 12 janvier 2013.
31
craignant une révolution anthropologique: le cortège des «anti» ne manquera pas de
contrastes »93
.
Malgré une médiatisation globalement positive, Le Figaro a négativement jugé les
convictions et revendications du mouvement, ce qui s’explique par le fait que le journal en ait
parlé de façon neutre, sauf dans un article. Il s’agit précisément de l’article d’Anthony Palou94
où le journaliste, en adoptant un ton ironique, parle des convictions du collectif, qu’ « il ne
s’agit pas d’histoire de société, mais d’une histoire d’amour », « on ne voit pas vraiment
pourquoi le mariage gay ‘choquerait’ l’Église. Les homosexuels n’auraient pas le droit de
s’aimer ? Est-il dit dans les Évangiles ? A les lire, sauf être atteint d’une certaine cécité
intellectuelle, non ».
Le journal a également adopté un ton critique sur l’organisation, qui remplacerait « le
bleu pale et le rose emblématiques de la première manifestation »95
par le « rouge de la
colère »96
la veille de la troisième grande manifestation du 24 mars. Cette dernière
s’organisait dans un contexte de « guerre de nerfs »97
à cause de divergences sur le lieu de
manifestation entre le collectif et la Préfecture de Police.
Après avoir analysé l’orientation des deux journaux, ainsi que les pôles d’action et de
réflexion, nous pouvons nous demander à partir de notre deuxième hypothèse si la
médiatisation dépend des caractéristiques des actions collectives mises en place. Autrement
dit, il s’agit de savoir s’il y a un lien entre l’orientation médiatique et la nature des actions qui
ont permis ou amené à cette couverture. Voici les résultats :
Sujet Favorable Défavorable Neutre Total Fréquence %
Conflit 0 15 31 47 21,6
Innovant 1 0 8 9 4,1
Insolite 4 2 10 16 7,3
Sensationnel 16 1 14 31 14,2
Spectaculaire 14 4 72 90 41,4
Suspense 0 2 22 24 11
Grand Total 35 24 158 217 100
Tableau croisé : Nature des actions médiatisées et orientation
93
Agnès Leclair, Mariage homosexuel : la contestation gagne la rue, Le Figaro, 18 novembre 2012.
94
Anthony Palou, Dimanche pas très gai, Le Figaro, 14 janvier 2013.
95
Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, Nouvelle mobilisation des opposants au mariage homosexuel, Le Figaro,
24 mars 2013.
96
Ibid.
97
Non signé, La manif pour tous veut se réinventer, Le Figaro, 17 mars 2013.
32
Comme nous avons pu le voir, les deux médias ont couvert majoritairement les actions
employées par le collectif, contrairement aux revendications et convictions. La nature
spectaculaire et sensationnelle de ces actes de protestation, conçue comme telle par le
mouvement, a été privilégiée par les deux médias, ces types d’actions étant traités
favorablement. Les actions innovantes, insolites ont été très peu médiatisées mais
positivement également. Comme nous l’avons évoqué, il semble que le suspens a été apprécié
par les journalistes dans la construction des nouvelles.
Les médias se sont généralement contentés de citer les organisateurs sur leurs
prochaines actions, de façon neutre, sauf avant la dernière manifestation du 24 mars,
lorsqu’ils ont adopté un ton critique sur les possibles tensions avec la police lors de la
manifestation. Cela nous amène à la dernière variable, le conflit, qui a été largement
médiatisée. Le conflit en soi constitue également un spectacle médiatique, ce qui explique sa
forte médiatisation. Bien que le collectif ait été présenté comme victime des forces de l’ordre,
nous constatons que les médias ont donné une couverture défavorable à cette dimension
conflictuelle des actions qui ont échappé aux organisateurs, avec la présence des militants de
l’extrême droite, dont les actes de protestation étaient violents.
Cette analyse nous permet de conclure que la stratégie de communication de « La Manif
pour Tous » axée sur la médiatisation à travers des actions spectaculaires a été la plus citée
dans les médias. Donc les journalistes en effet préfèrent parler des actions à dimension
sensationnelle, qui attirent plus d’audience. Les actes de protestation du mouvement ont été
ainsi adaptés à ces logiques médiatiques.
33
Conclusion générale
A travers ce travail, nous avons étudié les relations qui se nouent entre les
mouvements sociaux et les médias, en analysant l’exemple du débat pour le projet de loi sur le
mariage homosexuel en France. Le collectif « La Manif pour Tous », qui a vu le jour le
lendemain de l’annonce de ce projet, a reçu un large écho dans les médias grâce à ses
manifestations de grande envergure.
Nous avons tenté de comprendre comment ce mouvement social utilisait les médias
pour se faire entendre et défendre ses intérêts et comment ces derniers ont pu consolider leurs
actions.
Premièrement, cette étude a cherché à savoir si les actions du mouvement social étaient
menées autant pour satisfaire ses revendications que pour la médiatisation. Pour cela, nous
avons étudié les stratégies de communication de « La Manif pour Tous » et nous avons
observé une évolution de ses actions en fonction de la médiatisation que le collectif a eue. A
ses débuts, il a organisé deux manifestations qui se sont déroulées dans un esprit calme et
joyeux, ayant mobilisé un grand nombre de familles, avec des affiches et slogans
soigneusement pensés pour ne pas être accusé d’homophobe ou de mouvement politisé. Son
but était d’obtenir une image positive dans les médias, montrant ainsi aux pouvoirs publics
que le projet de loi sur le mariage homosexuel touchait les valeurs universelles père-mère-
enfant et que c’était le gouvernement qui détenait les clés de la paix sociale. Le collectif
misait surtout sur le nombre de militants, en s’assurant ainsi une large couverture médiatique.
Or, l’effet médiatique de la manifestation du 13 janvier s’est estompé les jours qui l’ont
suivi. Le manque de visibilité médiatique et le fait que ses revendications ont été laissées sans
réponse de la part du gouvernement, ont amené « La Manif pour Tous » à rénover sa stratégie
de communication. Le collectif s’est aperçu que l’intérêt des médias se portait surtout sur le
nombre de militants et a donc cherché à l’amplifier. Pour cela il a politisé ses messages
sociaux, en élargissant ainsi ses revendications, ce qui devait mobiliser plus d’individus.
Cette fois ci, le mouvement a opté pour un rassemblement statique, afin de garantir un effet
de « gigantisme » de la mobilisation, mais également attirer l’attention des médias vers le
podium installé, où les organisateurs intervenaient pour évoquer leurs convictions et
revendications.
34
Nous avons ainsi confirmé notre première hypothèse que le mouvement social a fait
usage des médias en organisant des actions spectaculaires pour intégrer leur agenda, en
rénovant sa stratégie pour maintenir l’intérêt des journalistes. Parallèlement il a cherché à
sensibiliser l’opinion publique et peser sur les pouvoirs publics pour satisfaire ses
revendications, en mobilisant un grand nombre d’individus et plus tard, en se politisant.
Deuxièmement, nous avons étudié la couverture médiatique pour cerner si elle
dépendait de la nature des actions menées par « La Manif pour Tous » et savoir si ainsi les
médias pouvaient les consolider. En effet, les médias ont largement couvert les
manifestations, en médiatisant surtout les actions spectaculaires, en évoquant l’ampleur des
cortèges et les divergences sur le nombre de participants. Les deux journaux analysés ont
abordé l’envergure du rassemblement, reprenant les slogans et affiches des manifestants. Par
ailleurs, nous avons vu qu’ils ont favorablement traité ces actes de protestations spectaculaires
et ceux de suspens, en montrant ainsi que le mouvement ne comptait pas abandonner ses
objectifs de voir ses revendications satisfaites par les pouvoirs publics. Cela nous permet
d’affirmer qu’il existe une vraie adéquation entre la médiatisation et les caractéristiques
d’actes de protestation du mouvement social.
Cependant, il s’est révélé que les médias ont seulement partiellement renforcé les
actions du mouvement. En effet, les deux journaux lui ont donné, d’un côté, une visibilité
médiatique, le collectif étant reconnu par le phénomène de « masse », mais de l’autre côté, en
adoptant un ton neutre, ils ont peu abordé ses convictions et revendications, ces dernières
étant bien évidemment plus importantes pour pouvoir négocier avec le gouvernement. Par
ailleurs, lors de la troisième manifestation, les médias ont surtout traité la dimension
conflictuelle du rassemblement en pointant le public familial, victime des violences policières,
tout en mettant en avant que le collectif n’a pas su maîtriser la manifestation.
Le mouvement même estime que les médias ont joué un rôle important au début de ses
actions, notamment lors des deux premières manifestations, en les couvrant largement, en
donnant la parole aux organisateurs pour s’exprimer, se faire entendre. Il regrette cependant
que les journalistes n’ont pas cherché à appuyer leur cause, en analysant leurs convictions, au
lieu de se contenter de les rapporter. Contrairement à l’idée de Patrick Champagne que les
manifestants parviennent à susciter des réactions des pouvoirs publics en passant par les
médias, nous avons démontré que ces derniers n’ont pas aidé le mouvement à faire pression
sur le gouvernement, en adoptant un ton neutre de ses convictions et revendications.
35
Nous reconnaissons que notre étude n’a pas suffisamment analysé le rôle que les médias
ont joué dans le débat entre le mouvement social et les pouvoirs publics. Etant contraint par le
temps de réalisation de ce travail, ainsi que par les exigences sur sa forme, nous n’avons pas
pu étudier les logiques de travail journalistique pour expliquer le choix de leurs critères de
sélection d’information. Par ailleurs, nous n’avons pas abordé le processus de construction
des problèmes publics en général. Enfin, nous regrettons de ne pas avoir réalisé d’avantage
d’entretiens avec les membres de « La Manif pour Tous » pour étudier plus leurs relations
avec les journalistes, par manque de temps de leur part, qui menaient des actions au moment
de réalisation du présent travail.
Ainsi, dans une étude plus exhaustive, il serait pertinent d’étudier le fonctionnement les
médias, d’autant plus que la directrice de communication de « La Manif pour Tous » nous a
confié que malgré les relations proches avec certains journalistes, ces derniers étaient
contraints par des « blocages avec leur rédaction » et ne pouvaient donc pas appuyer la cause
du mouvement dans le sens voulu par celui-ci. Il s’agirait notamment d’analyser le rôle que
les médias jouent dans les problèmes publics, leur position dans le processus d’influence, les
contraintes économiques qui pèsent sur eux, ce qui pourraient expliquer les critères de
sélection d’information spectaculaire. Une telle étude pourrait être réalisée à travers les
entretiens aves des journalistes ou une observation de terrain dans une rédaction dans le cadre
d’un stage.
Par ailleurs, il serait intéressant d’étudier l’évolution que « La Manif pour Tous » a
connue depuis la troisième manifestation du 24 mars, notamment le départ de Frigide Barjot,
la radicalisation du mouvement due aux tensions internes au sein du collectif, les
affrontements avec les forces de l’ordre et violences envers les journalistes et les polémiques
sur les arrestations de militants.
A l’achèvement du présent travail, la loi autorisant le mariage homosexuel a été
adoptée, mais le collectif continue son existence et mène des actions pour qu’elle soit retirée.
Comment continuera-t-il à vivre une fois que les discussions autour de la loi cesseront et les
mariages homosexuels deviendront un événement ordinaire98
?
98
Le premier mariage homosexuel français qui a eu lieu le 29 mai 2013 à Montpellier a rassemblé beaucoup de
journalistes venus couvrir l’événement.
36
Table des annexes
Annexe 1 Enquête du Monde sur la composition de « La Manif pour Tous »……………….44
Annexe 2 Grille d’analyse d’articles de presse……………………………………………….52
Annexe 3 Exemples de codage……………………………………………………………….56
Annexe 4 Guide d’entretien…………………………………………………………………..57
Annexe 5 Exemples d’affiches lors de la manifestation du 24 mars 2013…………………...58
37
Annexe 1
Enquête du Monde sur la composition de « La Manif pour Tous »
Derrière la grande illusion de la "Manif pour tous"
Le Monde.fr | 21.03.2013
Par Samuel Laurent
Elles sont au nombre de trente-sept. Trente-sept associations co-organisatrices de la Manif
pour tous, dont on trouve la liste détaillée sur le site officiel du mouvement, et qui incarnent
sa diversité : Plus gay sans mariage et Homovox représentent des homos anti-mariage
homosexuel, tandis que Les musulmans pour l'enfance ou Fils de France parlent au nom des
musulmans. Et il y en a pour tout le monde : un appel des professionnels de l'enfance, une
association des Jeunes pour la famille, un collectif de juristes, et même une "Association pour
un nouveau féminisme européen".
Le Monde.fr a voulu vérifier si cette diversité correspondait à une réalité. Nous avons adopté
une démarche systématique, en vérifiant l'existence de chacune des trente associations co-
organisatrices : qui en est le responsable ? Ont-elles un site Internet ? Depuis quand ? Qui
l'édite ? Sont-elles enregistrées au Journal officiel ? Autant de questions qui nous ont permis
de construire un tableau détaillant les réponses pour chaque association. Il est disponible en
intégralité ici.
En apparence, la Manif pour tous représente de larges pans de la population. En apparence
seulement. Car en réalité, nombre de ces mouvements sont des coquilles vides qui n'ont
aucune existence. Quant aux autres, ils sont presque tous liés à l'Eglise, soit directement, soit
par les engagements de leurs responsables.
Sommaire :
1/ Des associations fantômes
2/ La religion très présente
3/ Des sites récents et souvent anonymes
4/ Des noms qui reviennent et se croisent
5/ Une communauté qui revient souvent
6/ Des organisations parfois radicales
38
1/ DES ASSOCIATIONS FANTÔMES
Un tiers des associations sont des "coquilles vides", un autre tiers sont religieuses
Nous avons distingué cinq types d'associations : celles liées à la chrétienté (Eglise catholique
ou protestante), celles liées à l'islam, celles qui ressortent d'un catholicisme traditionaliste,
celles issues de la "société civile" (même si elles sont souvent animées par des personnalités
proches de l'Eglise), et les "coquilles vides", qui n'ont pas d'existence hors du champ de la
"Manif pour tous".
En essayant de faire une typologie, on
constate qu'un tiers des associations ne
sont en fait que des "coquilles vides",
qui, soit n'ont aucune existence
identifiable au niveau légal (inscription
au Journal officiel), soit n'en ont aucune
sur le Web (pas de site ou pas de
mention dans l'actualité hors Manif pour
tous).
Seules 15 associations sur 37 ont une
existence légale
Nous avons distingué entre associations déclarées au Journal officiel (40 %) et organisations
n'ayant pas d'existence légale (60 %).
Les coquilles vides : il y a tout d'abord les
collectifs créés pour "coller" à un porte-
parole de la Manif pour tous. Ainsi, Frigide
Barjot possède son "Collectif pour une
humanité durable", qui consiste surtout en
un site créé au printemps 2012, et dans
lequel on retrouve, outre Virginie Tellenne,
alias Frigide Barjot, d'autres responsables
de la Manif pour tous, comme Xavier
Bongibault, Laurence Tcheng-Reynes,
Elizabeth Montfort ou Béatrice Bourges.
39
Même chose pour Plus gay sans mariage, collectif supposément dirigé par M. Bongibault, et
qui consiste surtout en une page Facebook "aimée" un petit millier de fois. Idem pour La
gauche pour le mariage républicain de Laurence Tcheng-Reynes, ou encore pour David et
Eugenia, de Lionel Lumbroso, lui aussi un vieil ami de Mme Tellenne. Ces derniers ne
cachent d'ailleurs pas l'aspect "coquille vide" de leurs structures, comme ils l'avaient expliqué
en décembre à Yagg et Mediapart.
Les vraies-fausses organisations de la "société civile" : nous avons aussi créé une catégorie
"société civile" pour les associations représentant des catégories socioprofessionnelles ou des
intérêts particuliers. A l'intérieur de celle-ci, nous avons procédé à une nouvelle ventilation,
pour distinguer entre mouvements préexistant à la Manif pour tous, mouvements ad hoc créés
pour cette occasion, et mouvements créés récemment (depuis 2012), dont les responsables
peuvent être rattachés clairement à l'Eglise d'une manière ou d'une autre.
Mais d'autres collectifs sur-mesure ont vu le jour, qui ne sont souvent que des noms sans
guère de réalité. Ainsi, un Médecins et pédiatres pour l'enfance, qui n'a ni site Internet ni
association enregistrée officiellement, et qu'on ne retrouve, via une recherche Google, qu'en
référence à la Manif pour tous.
Dans le même esprit, on peut citer Famille Méditerranée, Conseil national identité
républicaine, ou encore AP21 supposément une "asssociation de psychologues", qui n'est pas
enregistrée au JO et dont on ne trouve aucune trace en ligne. Quant à La manif des juristes,
c'est surtout une page Web d'appel à manifester.
Variante, Juristes pour l'enfance existe en tant qu'association enregistrée en 2008, mais n'a
aucune trace d'activité depuis. Elle fait partie d'un "Collectif pour l'enfant" également cité
parmi les associations organisatrices, et dans lequel on trouve Béatrice Bourges, ancienne
candidate divers-droite à Versailles, ex-assistante parlementaire du député UMP Franck
Borotra et l'une des porte-parole de la Manif pour tous dont le nom revient, comme d'autres,
très souvent dans notre enquête.
2/ DES SITES RÉCENTS ET SOUVENT ANONYMES
Autre information intéressante : le nombre de sites qui ont choisi de ne pas donner le
patronyme de l'acquéreur du nom de domaine. Cette information, qui permet de savoir qui est
le possesseur du site, peut être masquée. Ce qu'ont choisi de faire huit associations.
40
Beaucoup de sites ont masqué le nom de l'acquéreur du nom de domaine
A partir de requêtes "Whois", nous avons comptabilisé les associations sans site ou avec une
page Facebook, celles fournissant un nom de personne physique, celles qui donnent un nom
de personne morale ou d'agence de communication, et celles qui ont choisi de masquer
volontairement le patronyme du possesseur du nom de domaine.
La galaxie des organisations qui
pilotent la Manif pour tous ont une
caractéristique commune : nombre de
ces mouvements sont récents.
Beaucoup d'associations co-
organisatrices datent de moins d'un an
Nous avons distingué entre associations
sans existence légale ni site Web
permettant de les dater (7), organisations créées entre 2012 et 2013 (14), et organisations
créées avant cette date (16).
Neuf sont nées en 2012, une en 2011, et trois
datent de l'année 2013. Parmi eux, Les
musulmans pour l'enfance, l'un des derniers
collectifs en date. Créé à Lyon, il est dirigé
par Abderrahmane Ait-Rabah, cadre dans le
transport, "ami" Facebook avec les Jeunes
actifs UMP du Rhône, l'UDI du Doubs et
l'Association nationale des amis de Nicolas
Sarkozy. Le site des Musulmans pour
l'enfance présente plusieurs vidéos de
témoignages de musulmans opposés au mariage homosexuel. Ces vidéos ont été postées sur
YouTube, sur le compte d'un certain "G Bès", qui n'est autre que Gauthier Bes de Berc,
étudiant en lettres, lui-même secrétaire et webmaster de l'association Cosette et Gavroche, et
tenancier d'un blog catholique, "Le soupirail et les vitraux.
41
La même "solidarité" entre mouvements s'observe aussi à propos d'Homovox. Ce "collectif",
lui aussi créé très récemment (en novembre 2012) autour de Xavier Bongibault, a été
"conseillé", pour son site Web, par Jean-Baptiste Maillard, membre et salarié de la
Communauté de l'Emmanuel, qui se vante sur son compte Twitter de "monter des sites plus
vite que son ombre". Plus récemment, certains blogueurs ont accusé Homovox d'avoir utilisé
des acteurs pour produire de faux témoignages vidéos. Des accusations que dément le site.
3/ LA RELIGION OMNIPRÉSENTE
Une nette domination des associations liées à un mouvement religieux
Nous avons distingué entre les "coquilles vides" sans existence attestée, les associations non
liées à la religion et celle qui l'étaient, soit directement soit via les engagements de leurs
responsables.
La Manif pour tous se veut apolitique et
areligieuse. Il est pourtant aisé de
constater que l'Eglise catholique est très
présente parmi ses associations
organisatrices. On a recensé douze
associations d'obédience chrétienne
explicite : Familles de France, association
ancienne et déjà engagée contre le Pacs
en 1998 ; la Confédération nationale des
associations familiales catholiques ; la
Fédération nationale des associations familiales protestantes ; le Cler "amour et famille",
association d'éducation chrétienne à la sexualité, ou encore Alliance Vita, association créée
par Christine Boutin et qui lutte contre l'IVG, avec des méthodes parfois discutables...
D'autres organisations avancent plus masquées. Ainsi, l'Appel des professionnels de l'enfance,
association créée en 2005 [et non 2012 comme nous l'avions indiqué par erreur], est dirigé par
Jérôme Brunet, par ailleurs, directeur diocésain de l'enseignement catholique en région
Centre. Sur son site, l'Appel évoque Béatrice Bourges, ou encore Emmanuel Sapin, lui-même
à la tête d'un mouvement de médecins anti-mariage homosexuel et proche de communautés
religieuses (voir ci-dessous).
Même chose pour le collectif Tous pour le mariage, dont le nom de domaine renvoie à un
"observatoire sociopolitique", en fait une instance diocésaine dépendant de l'évêché de
42
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  • 1. UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS – INSTITUT FRANÇAIS DE PRESSE Mémoire de Master 1 Sciences politiques et sociales mention Information et communication Les rapports entre les médias et les mouvements sociaux : étude des stratégies de communication du mouvement social « La Manif pour Tous » et de son cadrage médiatique dans le débat sur le « Mariage pour tous ». Etudié par : Ina SCUTARI Sous la direction du : Professeur Rémy RIEFFEL 2012-2013 Déposé le 10 juin 2013
  • 2. Remerciements En préambule à ce mémoire, je souhaite adresser mes remerciements les plus sincères aux personnes qui m’ont apporté leur aide et qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire ainsi qu’à la réussite de cette formidable année universitaire. Je tiens à remercier sincèrement Monsieur Rémy Rieffel, qui, en tant que Directeur de mémoire, s’est dévoué pour me dispenser ses conseils et directives utiles pour la réalisation de ce travail. J’exprime ma gratitude à Madame Caroline Wallet, directrice de communication de « La Manif pour Tous » qui a accepté de répondre à mes questions avec gentillesse. Mes remerciements s’adressent également aux membres du collectif « La Manif pour Tous », en particulier, Madame Ludovine de la Rochère et Madame Béatrice Abbo, pour m’avoir aidé avec la réalisation de l’entretien. J'exprime également ma gratitude à tous les enseignants de l’Institut Français de Presse de l'Université Panthéon-Assas pour leur encadrement tout au long de ma formation au sein de cette institution. 2
  • 3. Sommaire Introduction générale......................................................................................................................... 4 Chapitre I : Stratégies de communication des mouvements sociaux................................................. 10 1. Construction d’une identité collective..................................................................................... 11 1.1. Confiscation des valeurs des opposants ........................................................................... 12 1.2. Détournement de l’image ................................................................................................. 12 1.3. Mouvement apolitique et pluraliste ................................................................................. 13 1.4. Importance d’une porte-parole médiatique ..................................................................... 14 2. D’un collectif pacifique vers un collectif-victime..................................................................... 16 2.1. Mouvement « France bon enfant »................................................................................... 16 2.2. Adoption d’une nouvelle image : victimisation................................................................. 17 Chapitre II : Mise en scène médiatique des mouvements sociaux..................................................... 20 1. Utilisation stratégique des médias .......................................................................................... 20 1.1. Recours aux médias selon les objectifs poursuivis............................................................ 20 1.2. Accès aux médias............................................................................................................... 22 2. Enjeux de la médiatisation ....................................................................................................... 24 2.1. La mise en discours médiatique ........................................................................................ 24 2.2. Evaluation du contenu médiatique ................................................................................... 30 Conclusion générale.......................................................................................................................... 34 Table des annexes............................................................................................................................. 37 Sources documentaires .................................................................................................................... 52 Références bibliographiques............................................................................................................ 55 Table des matières............................................................................................................................ 56 3
  • 4. Introduction générale Contexte Le 7 novembre 2012, le Conseil des ministres français a adopté le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Ce texte ouvre, par conséquent, la voie de l’adoption, qu’elle soit une adoption conjointe d’un enfant par les deux époux ou l’adoption de l’enfant du conjoint. Par conséquent, une opposition au mariage homosexuel en France s’est formée, constituée par des mouvements religieux, politiques et associatifs. Parmi ces mouvements, celui qui ressort le plus est le collectif « La Manif pour Tous » pour, notamment, avoir organisé des manifestations de grande ampleur. L’association « La Manif pour Tous » se positionne en tant que mouvement « spontané et populaire, profondément pacifique, dont toutes les actions se déroulent dans un cadre strictement légal »1 , déclarée à la Préfecture de Police de Paris le 2 novembre 2012. Ce mouvement a été créé dans le but de « coordonner toute action engagée par des personnes physiques ou morales en France pour la promotion du mariage homme-femme, de la famille, de la parenté, de l’adoption ; et de manière générale toutes les questions concernant la vie et l’enfance ; déterminer les plans d’action, la stratégie politique et la communication pour la diffusion médiatique des thèmes, gérer la base de données et le ou les sites internet qui pourront être créés et/ou utilisés pour la réalisation de ces buts »2 . Le collectif affirme sur son site officiel être composé de trente-sept associations co- organisatrices diversifiées. Or, des enquêtes menées par Mediapart3 et, plus tard, par Le Monde4 , ont montré que nombre d’entre elles étaient des « coquilles vides ». Le Monde a prouvé qu’un tiers (32%), soit onze associations, étaient « fantômes » et a également constaté que la majorité des associations étaient liées à un mouvement religieux5 . Malgré les contradictions concernant sa structure, ce collectif est parvenu à rassembler de nombreux militants lors des manifestations. Ces dernières ayant fait l’objet d’un large écho dans les médias. Ainsi, « La Manif pour Tous » est un bon exemple d’actualité, pas encore étudié, pour s’interroger sur la question des mouvements sociaux dans leur relation avec les 1 Site officiel du mouvement <http://www.lamanifpourtous.fr/mentions-legales>. 2 Ibid. 3 Enquête publiée par Mediapart sur <http://www.mediapart.fr/journal/france/110113/manif-anti-mariage-les- reseaux-catholiques-montrent-leur-puissance>. 4 Enquête publiée par Le Monde sur <http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/03/21/manif-pour-tous-la- grande-illusion_1850515_3224.html>. 5 Voir annexe 1 pour l’enquête détaillée du journal Le Monde. 4
  • 5. médias, les deux étant des composantes indispensables de toute société démocratique. Quelles sont les stratégies de communication utilisées par les mouvements sociaux afin d’influencer les décisions politiques ? Comment participent-ils aux débats publics ? Quel est le rôle des médias dans ce contexte ? Afin d’éclairer l’objet de notre recherche, nous allons tout d’abord adopter une approche sociologique, en nous basant sur des travaux scientifiques traitant les questions des relations entre les mouvements sociaux et les médias. Les nombreuses études consacrées à la question des mouvements sociaux, que ce soit les travaux européens sur la théorie des « nouveaux mouvements sociaux » ou ceux américains, ont été orientées vers des questions sur les valeurs, les identités collectives de mouvements, leurs revendications et moins sur leurs interactions avec les médias. Les premières recherches sur les rapports entre les médias et les mouvements sociaux ont été menées aux Etats-Unis par Todd Gitlin et en France par Patrick Champagne et plus récemment par Erik Neveu et Dominique Marchetti. Les recherches de T. Gitlin, publiées dans son ouvrage The Whole World is Watching: Mass Media in the Making and Unmaking of the Left en 1980, nous semblent intéressantes dans la mesure où il analyse le cadrage médiatique du mouvement étudiant des années soixante, en se demandant comment le travail médiatique influence les formes de protestation et militantisme. Cela permet d’affirmer que les mouvements sociaux adoptent des stratégies de communication, comme par exemple la spectacularisation des actions, conformes aux exigences ou préférences médiatiques. Avant d’évoquer les apports de Patrick Champagne, nous allons définir la notion « mouvement social » ainsi que le répertoire de ses actions. Erik Neveu définit le mouvement social comme un groupe de personnes ayant en commun un intérêt, une profession ou une revendication6 . Selon le sociologue américain Charles Tilly, le mouvement social est l’art de la défense des intérêts et la promotion des ambitions collectives7 . Il est l’auteur du concept « répertoire d’action collective », qui caractérise les mouvements sociaux par des formes d’institutionnalisation, le fait qu’ils ont recours à des formes de protestation préexistantes. Selon la thèse de C. Tilly, développée dans son ouvrage La France conteste de 1600 à nos jours, publié en 1986, les formes de contestation ne sont pas aléatoires, mais font appel aux registres antérieurs, en les adaptant selon les cas. Ce concept renvoie aux ressources, aux stratégies et aux dispositifs – actions 6 Neveu Erik, Sociologie des mouvements sociaux, 5e éd., Paris, La Découverte, 2011, p.5. 7 Tilly Charles, Les origines du répertoire d'action collective contemporaine en France et en Grande-Bretagne, in: Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°4, octobre 1984, p. 89. 5
  • 6. collectives – mis en place pour faire valoir ses intérêts et revendications dans le monde social et politique et faire entendre ses idées et points de vue. L’action collective ou la mobilisation sont des pratiques employées par les mouvements sociaux et constituent des modes d’intervention dans la vie publique. Ces pratiques sont multiples, allant des pétitions et réunions jusqu’aux grèves et manifestations. Dans le cadre de notre travail, nous allons prêter une attention particulière à la manifestation, qui constitue une dimension essentielle des mouvements sociaux. La manifestation de rue est considérée comme une forme d’action politique reconnue par tous les acteurs concernés – les hommes politiques, le patronat et l’opinion publique8 . Elle est définie comme une « occupation momentanée par plusieurs personnes d’un lieu ouvert public ou privé et qui comporte directement ou indirectement l’expression d’opinions politiques »9 . La manifestation est avant tout une action qui témoigne de la force du groupe, sa capacité à s’organiser et se mobiliser pour exprimer des revendications. Cette caractéristique va de paire avec celle d’une action de second degré, orientée vers la mise en scène médiatique de la protestation10 . Souvent, la manifestation est organisée dans le but d’obtenir une couverture médiatique favorable, que ce soit à travers les articles de presse ou le temps d’antenne. Nous nous intéressons notamment à cet aspect de la manifestation, ce que Patrick Champagne appelle « manifestation de papier »11 . Pour lui, les manifestations, qu’elles soient spontanées et violentes ou organisées et pacifiques, ont lieu non pas dans l’espace physique, qui est la rue, mais dans la presse. Car les manifestations ne peuvent susciter des effets et réactions chez les hommes politiques que si elles passent par les intermédiaires, que sont les médias. Cela explique le recours à l’innovation, au sensationnel, surprenant, exceptionnel – tout ce que le journaliste juge intéressant à commenter. G. Derville, dans son ouvrage Pouvoir des médias12 , affirme que les médias ne reflètent pas simplement les activités des groupes de pression, mais constituent un outil indispensable pour mobiliser et structurer ses membres, pour trouver du financement. D’où l’intérêt de traiter la question des relations entre les mouvements sociaux et les médias. 8 Fillieule Olivier et Tartakowsky Danielle, éd., La manifestation, Paris, Presses de Sciences Po, 2008, p. 11. 9 Fillieule Olivier, Stratégies de la rue, Paris, Presses de Sciences Po, p.44 10 Neveu Erik. Médias, mouvements sociaux, espaces publics. In: Réseaux, 1999, volume 17 n°98. p. 21. 11 Champagne Patrick. La manifestation. La production de l'événement politique. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 52-53, juin 1984. Le travail politique. p. 28. 12 Derville Grégory, Le Pouvoir des médias. Mythes et réalités, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2008, p. 172. 6
  • 7. Problématique et hypothèses Le problème de notre recherche est ainsi centré sur les rapports qui existent entre les mouvements sociaux et les médias. Notamment, comment les premiers essaient de faire pression sur le gouvernement, en adoptant des actions susceptibles d’intégrer l’agenda médiatique et ainsi obtenir une attention de l’opinion publique et des pouvoirs politiques. Ainsi, on peut se demander – comment un mouvement social, tel que « La Manif pour Tous » utilise-t-il les médias pour se faire entendre et défendre ses intérêts et comment ces derniers peuvent-ils consolider une action collective ? Pour répondre à ces questions, nous allons, à travers l'étude du mouvement social « La Manif pour Tous » vérifier deux hypothèses. Premièrement, nous postulons que les mouvements sociaux mènent des actions autant pour satisfaire leurs revendications que pour la médiatisation. Ce qui semble intéressant d’étudier sont les stratégies de communication du collectif. Comment il a réussi, à travers ses actions, à s’imposer aux médias dans un laps de temps très court, ses actions ayant pris une ampleur importante. Il paraît pertinent d’analyser également l’évolution des ses stratégies de communication, notamment après l’échec de sa première manifestation nationale du 13 janvier 2013, qui n’a pas donné suite à ses revendications. Deuxièmement, nous supposons que la médiatisation dépend des caractéristiques ou de la nature des actions collectives mises en place. Il s’agit d’analyser si les médias donnent priorité aux actions spectaculaires, provocatrices, ou, au contraire, évoquent plus les revendications et les convictions du mouvement social. Cela nous permettra de voir si les objectifs des organisateurs correspondent à la médiatisation qu’ils ont eue dans la presse. Méthodologie Afin de vérifier ces hypothèses, nous allons adopter une approche théorique et pratique. L’approche sociologique des mouvements sociaux et l’approche sémiotique permettront de comprendre comment ces derniers s’organisent ainsi que les actions qu’ils mettent place. L’approche pratique consiste en l’analyse de contenu d’articles de presse et un entretien semi- directif, qui nous aidera également à éclairer notre objet de recherche. 7
  • 8. A. Analyse de contenu Le corpus retenu pour l’analyse de contenu est constitué des articles journalistiques traitant des actions du collectif « La Manif pour Tous » dans deux quotidiens nationaux français Le Monde et Le Figaro, dont les lignes éditoriales sont différentes, ce qui nous permettra de voir si il y a également une différence de traitement médiatique entre les deux journaux. Contraint par les délais de réalisation du présent travail, nous avons retenu les articles parus entre 1 novembre 2012 et 31 mars 2013, ce qui nous donne un corpus de 33 articles. Il s’agit à travers cette analyse d’étudier la médiatisation des manifestations et la nature de la couverture médiatique. Nous allons tenter de vérifier si les médias privilégient les actions spectaculaires, insolites, innovantes – caractéristiques énumérées dans l’ouvrage de Grégory Derville13 , selon qui, « un événement quelconque a d’autant plus de chances de faire l’objet d’un compte-rendu dans la presse (…) s’il est insolite, spectaculaire, jamais vu, impressionnant, (...) les manifestants qui crient le plus fort, qui se comportent de la façon la plus excentrique, qui bouleversent le plus l’ordre des choses quotidien, qui peuvent mobiliser le plus d’adhérents, bref, qui font le plus de bruit, ont plus de chances de trouver dans les médias une tribune ». Il s’agit d’analyser le discours des médias et d’en évaluer le contenu selon notre problématique. Nous allons nous baser sur la méthode Morin-Chartier14 , dont l’élément clé est l’unité d’information – unité de sens et de mesure, qui représente une idée ou un sujet et qui est évaluée par le codeur. Il peut s’agir aussi bien d’un mot que d’une phrase ou d’un ou plusieurs paragraphes. Lorsque l’on tombe dans un article sur une unité d’information qui nous intéresse, on procède à sa classification sous différentes catégories de la grille d’analyse. Chaque unité est nommée « code », résumé à un seul mot. Voici une illustration : dans notre grille d’analyse15 , nous avons la catégorie « sujet », qui correspond aux grands thèmes des articles. Dans un article16 nous avons repéré l’unité d’information « le collectif a mis en ligne une carte interactive pour trouver un moyen de locomotion (…) » dont le code serait « organisation ». D’autres exemples de codage peuvent être consultés dans l’annexe 3. 13 Derville Grégory, Le Pouvoir des médias. Mythes et réalités, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2008, p. 181. 14 Leray Christian, L’analyse de contenu. De la théorie à la pratique. La méthode Morin-Chartier, Presses de l’Université du Québec, coll. Particom, 2008, 180 pages. 15 Voir annexe 2. 16 Agnès Leclair, Mariage gay : la manif des opposants s’organise, Le Figaro, 3 janvier 2013. 8
  • 9. Chaque unité d’information est non seulement codifiée mais également numérotée dans la grille d’analyse et dans l’article de presse pour pouvoir être facilement trouvée si besoin. Elle est ensuite questionnée pour déterminer si le journaliste lui a donné un aspect positif, négatif ou neutre17 . Utilisant les formules mathématiques de la méthode Morin-Chartier, nous allons calculer la fréquence (visibilité) et l’orientation des journaux18 . La fréquence est le pourcentage d’apparition de chaque code par rapport à l’ensemble des unités d’information retracées dans chacune des catégories sélectionnées. L’orientation permet de qualifier le contenu et de fournir une évaluation chiffrée de toute la couverture et de ses composantes. Pour résumer, la compilation de l’ensemble des codes relevés permet d’établir quels sont les plus fréquemment abordés et avec quelle ferveur. Autrement dit, cette analyse permet de décrire différents phénomènes, par exemple l’incidence d’une stratégie de communication et d’établir avec quelle intensité et sous quel angle, favorable, défavorable ou neutre, les médias ont abordé un sujet ou un événement précis. B. Entretien semi-directif Nous avons également retenu la technique qualitative qui est l’entretien semi-directif pour mener notre étude. Nous avons prévu de faire un entretien avec une personne chargée de communication du mouvement « La Manif pour Tous », pour savoir comment ont été conçues et élaborées ses stratégies de communication. Les questions que nous avons retenues s’articulent autour de la planification des actions du collectif, l’accès aux médias et les attentes vis-à-vis de ces derniers. Les questions peuvent être consultées en annexe 4. 17 Les critères sur lesquels nous nous basons pour évaluer l’orientation des médias se trouvent dans l’annexe 2. 18 Voir annexe 2 pour plus de détails sur le mode de calcul. 9
  • 10. Chapitre I : Stratégies de communication des mouvements sociaux Les mouvements sociaux doivent prendre en considération des impératifs d’ordre communicationnel lorsqu’ils transmettent des messages vers les individus qu’ils souhaitent mobiliser. Pour cela ils utilisent des codes et des symboles intelligibles et mettent en place diverses actions pour porter leurs convictions à l’attention de leurs cibles. Les formes d’action collective à la disposition des mouvements sociaux sont nombreuses – « la plupart des gens savent aujourd’hui comment participer à une campagne électorale, fonder une association ou s’y affilier, mettre une pétition en circulation, manifester, faire grève, tenir un meeting, créer un réseau d’influence, etc. »19 . La manifestation est la forme d’action qui nous intéresse en particulier. Comme nous l’avons mentionné dans l’introduction, selon Patrick Champagne il y a deux degrés de manifestation – celle de rue et celle de papier. Les communicants au service d’un mouvement social se soucient non seulement du nombre de manifestants qu’ils sont en mesure de mobiliser et de la formulation des revendications, mais également de leur visibilité dans les médias. Ils doivent réfléchir et planifier chaque action, lui donner une originalité pour garantir l’intérêt des journalistes. Il faut aussi penser à donner une image claire du mouvement qui sera reprise par les médias, afin d’éviter toute fausse interprétation médiatique due à une communication insuffisante. Le collectif « La Manif pour Tous » a toute une équipe chargée de la construction du processus de communication. Elle s’articule autour de trois pôles – le pôle presse, qui se charge de la constitution des communiqués et dossiers de presse envoyés à la radio, télévision et presse écrite. Il s’occupe également de l’accueil des journalistes et de la logistique. Le pôle audiovisuel, constitué d’un réalisateur, cameraman, photographe et d’un chargé de diffusion sur Internet, a pour fonction la réalisation des vidéos pour fournir du contenu audiovisuel aux sites du collectif, qu’il s’agisse du site web officiel, ou de leur page facebook. Enfin, le pôle web, constitué majoritairement par des jeunes, se charge du Web 2.0, notamment des réseaux sociaux Twitter et Facebook, mais également les chaînes d’emails et sms, afin de diffuser des informations sur le collectif, mais également pour se mobiliser. Il y a en plus une équipe technique qui s’occupe de l’élaboration du logo, des affiches, des badges, pour que le collectif puisse être identifié à partir des images visuelles. 19 Charles Tilly cité dans Mathieu Lilian, Comment lutter ? Sociologie des mouvements sociaux, Les éditions Textuel, 2004, p. 133. 10
  • 11. Les stratégies de communication sont conçues et élaborées par la directrice de communication, en concertation avec la présidente du collectif, les porte-parole et les chefs de chaque pôle de communication. Ce sont les trois pôles évoqués plus haut qui sont chargés de la mise en œuvre de ces stratégies. L’entretien réalisé avec la directrice de communication de « La Manif pour Tous », ainsi que l’étude de contenu des articles journalistiques nous ont servi à la rédaction de cette première partie, portant sur les stratégies de communication du mouvement. A travers ce chapitre, nous avons tenté de vérifier notre première hypothèse, qui postule que les mouvements sociaux mènent des actions autant pour satisfaire leurs revendications que pour la médiatisation. 1. Construction d’une identité collective Le processus de communication comprend « une course aux armements symboliques »20 qui consiste à mettre en place des actions spectaculaires, humoristiques, innovantes, car le « déjà vu » n’assure pas une forte médiatisation. Ce sont ces formes de protestation qui intéressent les journalistes. La forme d’action la plus utilisée par le collectif « La Manif pour Tous » a été la manifestation. Selon Pierre Bourdieu21 , lors d’une manifestation, le mouvement social, non seulement, montre l’importance de sa mobilisation, mais également exprime son identité. Les formes d’action collective donnent toujours une certaine image du groupe qui les organise. Un mouvement social doit imposer ses convictions au plus grand nombre de personnes afin d’obtenir financements et dons. Par ailleurs, un certain nombre d’adhérents assure une participation importante lors des manifestations, augmentant les chances d’être médiatisé. Pour attirer l’opinion publique, un mouvement procède à une construction d’identité collective, en modifiant les perceptions de soi que se font les individus, y compris les médias22 . Cela représente l’une des premières actions auxquelles a recours un mouvement social. Dans notre étude de cas, dès le début, le collectif « La Manif pour Tous » avait l’image d’un mouvement proche des milieux catholiques23 . L’objectif du collectif était ainsi de 20 Neveu Erik Médias et protestation collective in Fillieule Olivier, Agrikoliansky Eric et Sommier Isabelle, éd. Penser les mouvements sociaux, Paris : Editions La Découverte, 2010, p. 247. 21 Cité dans Mathieu Lilian, Comment lutter ? Sociologie des mouvements sociaux, Les éditions Textuel, coll. La Discorde, 2004, p. 139. 22 Fillieule Olivier, éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 39. 23 Gaël Dupont et Stéphanie Le Bars, Mariage homo : les opposants se mobilisent, l’exécutif reste ferme, Le Monde, 20 novembre 2012. 11
  • 12. dépasser une telle identification pour toucher un public plus large. Pour cela, il a eu recours à plusieurs stratégies. 1.1. Confiscation des valeurs des opposants 1.1.1. Du « Mariage pour tous » à « La Manif pour tous » La première stratégie consistait à s’approprier certains symboles et valeurs du groupe opposant, le pro-mariage homosexuel. La première appropriation était partielle, celle du nom « Mariage pour tous ». Le collectif a utilisé l’expression « pour tous » pour se désigner comme « La Manif pour Tous » et créer ainsi une confusion. Il s’agissait de montrer que l’opposition n’était pas la seule à utiliser des valeurs d’égalité. 1.1.2. Code « bleu-blanc-rose » L’étape suivante était de se procurer des éléments visuels facilement identifiables, en utilisant une combinaison de couleurs pour les tenues, pancartes, drapeaux et panneaux. La vague « bleu-blanc-rose », couleurs officielles du mouvement, est une stratégie de communication qui puise son symbolisme dans les couleurs enfantines, qui opposent, dès leur naissance, les garçons aux filles. Mais le rose est également associé aux personnes homosexuelles, il s’agit ainsi d’une autre confiscation au camp adverse. Le blanc est le symbole de la pureté et de l’innocence. Ensemble, le bleu et le blanc font également penser au drapeau national français. Cette combinaison de couleurs peut être considérée comme un slogan ou un logo associé à la valeur du triangle père-mère-enfant, défendu par le collectif. 1.2. Détournement de l’image La dimension identitaire est essentielle pour un mouvement social qui fait l’objet d’une stigmatisation et a une image sociale négative. Il faut entreprendre un travail symbolique important qui aboutirait à une identité positive24 . Selon M. Bernstein25 , une identité a plusieurs dimensions. Elle peut être pensée comme un sentiment d’appartenance à un « nous », ressource de consolidation d’un groupe mobilisé. L’identité peut être le résultat d’un travail d’affirmation dans l’espace public d’un groupe stigmatisé. Enfin, elle peut constituer une stratégie de communication. Cette stratégie peut avoir un aspect provocateur dans l’affirmation de l’identité, mais aussi un aspect plus éducatif, qui mettra en scène une identité du mouvement qui correspond aux valeurs sociales centrales. 24 Neveu Erik, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2011, p. 81. 25 Bernstein Mary cité dans Neveu Erik, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2011, p. 82. 12
  • 13. 1.2.1. Mouvement condamnant l’homophobie Lorsqu’on l’applique au mouvement « La Manif pour Tous », le groupe était présumé catholique et homophone lors de sa constitution en novembre 201226 . Cette image lui a été accordée puisque l’opinion publique se souvenait du mouvement social contre le PACS27 de 1998, connu notamment pour ses slogans homophobes. Dès lors, la tâche de « La Manif pour Tous » consistait à détourner une telle vision de son collectif et imposer une image positive, condamnant l’homophobie, qui serait reprise par les médias et l’opinion publique. Pour cela, le mouvement a choisi comme porte-parole un homosexuel, Xavier Bongibault, une engagée à gauche Laurence Tcheng et une humoriste, Frigide Barjot, sur laquelle on reviendra. Par ailleurs, le collectif a adopté une tactique de condamnation de tout acte violent, toute expression d’homophobie ou d’intolérance. Lors de la première manifestation du 17 novembre, un service spécial a été mis en place par le collectif pour veiller au respect des conditions établies. Tout a été pensé pour casser la stigmatisation homophobe – les logos, les pancartes, les slogans, les banderoles. Il fallait être dans une relation respectueuse envers les homosexuels pour faire tomber la présomption d’homophobie28 . 1.2.2. Défenseur des valeurs universelles Quant à l’aspect « plus éducatif » évoqué par M. Bernstein, le mouvement, comme nous l’avons dit plus haut, a mis en avant des valeurs sociales d’une grande importance comme la famille. En adoptant une telle stratégie, le collectif visait à attirer l’attention d’un plus grand nombre de personnes, constitué majoritairement de familles. Avec un nombre important de ces dernières défilant dans les rues lors des manifestations, « La Manif pour Tous » s’assurait d’intégrer l’agenda médiatique. 1.3. Mouvement apolitique et pluraliste 1.3.1. Apolitique Après avoir donné une image condamnant l’homophobie et adopté des valeurs universelles, dans la continuité de ses objectifs – recruter le plus d’individus possible, donner une image positive – le collectif s’est imposé en tant que mouvement pluraliste et apolitique. Avant sa première manifestation, le 17 novembre, ses instructions étaient : « Seuls les mots 26 Anne-Laure Filhol et Agnès Leclair, Mariage homosexuel : les opposants veulent accentuer la pression, Le Figaro, 19 novembre 2012. 27 Dans le but de prendre en compte une partie des revendications des couples de même sexe qui aspiraient à une reconnaissance globale de leur statut. 28 Stéphanie Le Bars, Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013. 13
  • 14. d’ordre annoncés au podium seront autorisés. Tout slogan politique ou mettant en cause les personnes sera proscrit »29 , montrant ainsi le côté apolitique. 1.3.2. Pluraliste Le mouvement s’est également positionné comme un collectif pluraliste en faisant défiler lors de ses manifestations un public varié – nombreuses familles, retraités, jeunes actifs, étudiants. « Nous avons réussi à mobiliser largement et à toucher un public varié. Il faut continuer à laisser la place à différentes sensibilités et éviter une cristallisation droite- gauche des positions. », a confié Tugdual Derville, une des porte-parole de « La Manif pour Tous », au Figaro30 . Frigide Barjot : « Nous espérons de nouveaux ralliements, des prises de positions de personnalités publiques, dans le monde du sport ou de la communication. »31 . Enfin, la directrice de communication du mouvement nous a confirmé que « La Manif pour Tous » comptait parmi ses organisateurs des hommes de droite, comme de gauche, des homosexuels, des individus d’origine ethnique et religieuse différente. Le collectif a beaucoup insisté sur sa dimension pluraliste dans les médias et nous pouvons ainsi en déduire son objectif de détourner l’image d’un mouvement proche des milieux catholiques. Pour aller plus loin dans la consolidation de son image pluraliste, le mouvement a effectué un travail de terrain en misant sur les mairies. Réunies dans le Collectif des Maires, les mairies ont lancé une vaste consultation auprès des élus locaux, en recueillant des avis défavorables de ces derniers sur le projet de loi « Mariage pour tous ». Le mouvement a également cherché le soutien des juristes, avocats, philosophes. Lors des deux manifestations du 13 janvier et 24 mars, il a réuni des hommes politiques, notamment du Front National et de l’UMP32 . Leur présence a été autorisée, mais tout slogan, drapeau et banderole politique ont été interdits, pour s’assurer une image pluraliste et apolitique. 1.4. Importance d’une porte-parole médiatique Qui se chargerait de promouvoir l’identité d’un mouvement apolitique, pluraliste, condamnant l’homophobie et la violence ? Le mouvement a choisi comme principale porte- parole l’humoriste Frigide Barjot, vrai nom Virginie Merle, personnage aux multiples facettes. En effet, elle est connue pour ses engagements politiques, ayant été communicante 29 Gaël Dupont et Stéphanie Le Bars, Première mobilisation nationale contre le mariage « gay », Le Monde, 18 novembre 2012. 30 Anne-Laure Filhol et Agnès Leclair, Mariage homosexuel : les opposants veulent accentuer la pression, Le Figaro, 19 novembre 2012. 31 Agnès Leclair, La Manif pour tous prépare de nouvelles actions, Le Figaro, 15 janvier 2013. 32 Stéphanie Le Bars, Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013. 14
  • 15. pour le parti français de droite « Rassemblement pour la République » dans les années 1980 et pour ses engagements religieux, étant une « catholique convaincue »33 . Une telle personnalité parlant au nom de « La Manif pour Tous » assurait au collectif une forte médiatisation. En effet, si on compare le nombre de citations des porte-parole du mouvement dans les deux journaux analysés, Le Monde et Le Figaro, nous constatons que sur la totalité des dix porte-parole officielles34 , seulement la moitié a été mentionnée. Les chiffres montrent que sur l’ensemble de ces cinq intervenants, Frigide Barjot est apparue 65,7%, suivi par Tugdual Derville avec 17,1%. Les trois autres représentants du collectif, Xavier Bongibault, Béatrice Bourges et Laurence Tcheng, n’ont été mentionnés que 7,1%, 5,7%, 4,2% respectivement. Pourtant les deux d‘entre eux sont les fondateurs35 du mouvement. Intervenant Le Monde Le Figaro Total Fréquence (%) Frigide Barjot 13 33 46 65,7 Tugdual Derville 2 10 12 17,1 Xavier Bongibault 1 4 5 7,1 Béatrice Bourges 0 4 4 5,7 Laurence Tcheng 1 2 3 4,2 Total 17 53 70 100 Comment expliquer cette forte médiatisation de Frigide Barjot contrairement aux autres porte-parole ? Personnage « extravagant »36 , portant des mini-jupes, des tee-shirts roses à slogans, avec un pseudonyme « potache et provocateur »37 , elle attire l’attention par son physique. Ajoutons à cela une attitude décontractée et le tutoiement, l’« égérie de la Manif pour Tous » sait se mettre en scène devant les médias, qui l’ont baptisée « attachée de presse de Jésus »38 . Ce n’est pas par hasard, Frigide Barjot est connue pour ses anciens « coups de com ». Elle est notamment l’auteur du slogan « Touche pas à mon pape » et d’un site Internet, à travers lequel elle a pu recueillir 32 000 signatures sur un manifeste de soutien au Pape, qui, selon elle, était victime des attaques en 200939 . On observe les mêmes actions lorsqu’elle devient la principale porte-parole de « La Manif pour Tous », avec par exemple des slogans comme « Touche pas à mon Code civil », 33 Stéphanie Le Bars Pari réussi pour Frigide Barjot, « attaché de presse de Jésus », Le monde, 20 novembre 2012. 34 <http://www.lamanifpourtous.fr/fr/qui-sommes-nous/les-porte-parole>. 35 Stéphanie Le Bars, Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013. 36 Stéphanie Le Bars Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013. 37 Stéphanie Le Bars Pari réussi pour Frigide Barjot, « attaché de presse de Jésus », Le monde, 20 novembre 2012. 38 Ibid. 39 Ibid. 15
  • 16. repris par les médias. Nous reviendrons sur Frigide Barjot dans le deuxième chapitre, notamment sur sa réception médiatique. 2. D’un collectif pacifique vers un collectif-victime En analysant notre objet d’étude, nous avons observé qu’il y a eu une évolution de la stratégie de communication de « La Manif pour Tous », notamment après les deux premières manifestations du 17 novembre et du 13 janvier. 2.1. Mouvement « France bon enfant » Dès le début et tout au long de son existence, le collectif « La Manif pour Tous » affirmait sur son site officiel, dans leurs communiqués, dossiers de presse et médias être un mouvement pacifique, organisant ses manifestions en assurant le maximum de sécurité grâce aux bénévoles formés pour cette occasion. De très nombreuses familles présentes aux mobilisations témoignaient de la valeur de la famille, cela dans un esprit calme et de détermination. Ce sont ces familles, venues avec leurs enfants, qui ont donné l’image et l’ambiance « bon enfant » et « familial » au collectif. D’ailleurs, nous allons voir que dans sa stratégie de communication rénovée, les familles ont également joué un rôle important sur la façon dont le mouvement a été traité médiatiquement. En effet, dans leurs articles les médias ont surtout insisté sur l’esprit familial des mobilisations : « Des gens de tous âges, des familles, beaucoup de familles, venues de tout le pays »40 . Cet intérêt s’explique par la spectacularisation de ces actions, avec de nombreuses poussettes lors des défilés, des étiquettes présentes sur les enfants avec le numéro de téléphone des parents, ou encore d’autres qui étaient attachés comme des alpinistes en cordée41 . Or, le mouvement a lui-même beaucoup pointé sur cette dimension « bon enfant » de ses manifestations. Afin de maintenir l’identité qu’il s’est donné, mouvement apolitique, défenseur des valeurs universelles, il visait à toucher avant tout les particuliers, qui constituaient leur ressource principale de mobilisation. 40 Benoît Hopquin, Stéphanie Le Bars, Alexandre Lemarié et Abel Mestre, En poussettes et en chansons, le pari réussi de la « Manif pour tous », Le Monde, 15 janvier 2013. 41 Ibid. 16
  • 17. 2.2. Adoption d’une nouvelle image : victimisation Avant la troisième manifestation du 24 mars, « La Manif pour Tous » a décidé de rénover sa stratégie de communication, car n’a pas obtenu de réponses positives à ses revendications depuis la mobilisation précédente du 13 janvier. A cela s’ajoute la faible médiatisation du mouvement entre ces deux défilés, le collectif n’ayant été que très peu couvert par les médias. Aucun article traitant du collectif n’est paru dans le journal Le Figaro entre le 15 janvier et 16 mars. Dans Le Monde, il n’y a pas eu de traitement médiatique entre le 24 janvier et 24 mars, le jour même de la troisième manifestation. De plus, le 12 février l’adoption du projet de loi a eu lieu à l'Assemblée nationale, ce qui risquait de démobiliser les militants42 . « Pour faire vivre son message la Manif pour tous veut montrer un nouveau message avant l’examen du texte au Sénat et martèle ‘Non, il n’est pas trop tard’ »43 . 2.2.1. En quête de médiatisation : politisation Lors de cette troisième mobilisation le mouvement a beaucoup misé sur le nombre, moins sur sa dimension familiale et apolitique, en politisant ses messages sociaux. Nous avons déjà évoqué la confiscation des valeurs des opposants. A la veille de la troisième manifestation, le collectif a mis à jour ses affiches et slogans, cette fois ci en se réappropriant le graphisme des modèles d’affiches utilisées lors des manifestations de Mai 68, mélangeant les messages sociaux et révolutionnaires44 , «elles sont l'expression de notre lutte contre la bien-pensance idéologique d'aujourd'hui»45 . A des panneaux colorés « révolution de la filiation »46 , se sont rajoutés des banderoles plus politiques « on veut du boulot pas du mariage homo »47 . Une autre preuve de politisation du collectif était l’intervention du député du parti politique UMP Henri Guaino sur le podium installé à l’occasion de la manifestation pour saluer les manifestants48 . Or, « aucun parti ou mouvement politique n’est associé de près ou de loin à l’organisation. Bien qu’ils soient les bienvenus dans la manifestation, (…), aucun responsable politique ne sera invité à prendre la parole sur le podium d’animation »49 , nous constatons donc une évolution par rapport au positionnement initial du collectif qui affirmait être apartisan et apolitique. 42 Non signé, La manif pour tous veut se réinventer, Le Figaro, 17 mars 2013. 43 Ibid. 44 Voir les exemples d’affiches en annexe 5. 45 Non signé, La manif pour tous veut se réinventer, Le Figaro, 17 mars 2013 46 Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, Nouveau succès des antimariage gay, Le Figaro, 25 mars 2013. 47 Ibid. 48 Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, Nouveau succès des antimariage gay, Le Figaro, 25 mars 2013. 49 Dossier de presse de « La Manif pour Tous » du 26 mai 2013. 17
  • 18. La directrice de communication nous a confié que les actions étaient faites pour montrer au gouvernement, via les médias, que le mouvement mobilisait énormément de monde sur ses questions. Avec leur stratégie de communication rénovée, le collectif attirait encore plus d’individus par rapport à ses premières manifestations, ayant élargi le nombre de ses revendications. En effet, selon Frigide Barjot, ils pouvaient « aussi venir dire au président Hollande de s'occuper de ses promesses de campagne, à savoir sortir la France de la crise économique et de faire quelque chose pour tous ceux qui souffrent de cette crise »50 . De plus, le collectif a décidé de ne pas défiler dans les rues mais se rassembler sur l’avenue de la Grande-Armée, devant un podium installé à cette occasion. Ce rassemblement statique était un choix stratégique bien réfléchi. Les organisateurs s’attendaient à une mobilisation d’une ampleur plus importante que celle du 13 janvier et ont décidé de rassembler les manifestants dans un seul cortège devant un podium, garantissant l’effet de masse, très recherché par le collectif. Après l’échec politique de la manifestation précédente, il voulait également attirer l’attention des médias sur ce qui se passait sur le podium. Avec les interventions des porte-parole et des personnes soutenant le mouvement, parlant des ses convictions et revendications, « La Manif pour Tous » espéraient qu’elles seraient reprises par les journalistes. Or, le collectif n’a pas prévu les débordements qui ont eu lieu lors de la manifestation, ce que nous traiterons plus bas. Finalement, c’étaient la dimension conflictuelle du rassemblement qui a été médiatiquement le plus traitée. 2.2.2. Conflictualisation Si les deux premières manifestations se sont déroulées dans une atmosphère calme et joyeuse, comme nous l’avons décrit précédemment, la troisième a pris une dimension conflictuelle avant même d’avoir eu lieu. Au silence du gouvernement sur les revendications du collectif s’ajoutent les polémiques, liées à l’interdiction par la Préfecture de Police de se rassembler sur l’avenue des Champs-Élysées, débats qualifiés comme « guerre des nerfs »51 par les médias. Le collectif a été autorisé à s’installer sur l’avenue de la Grande-Armée, ce qui était un changement de dernière minute et qui a permis au collectif d’affirmer que « le président de la République ne veut pas nous voir »52 . 50 Vincent Daniel, Pourquoi la « Manif pour tous » a élargi ses revendications, <http://www.francetvinfo.fr/>, 24 mars 2013. 51 Non signé, La manif pour tous veut se réinventer, Le Figaro, 17 mars 2013. 52 Agnès Leclair, Manif pour tous : quel parcours ?, Le Figaro, 20 mars 2013. 18
  • 19. Lors de la manifestation même, le collectif s’est montré désespéré « Qu’est-ce qu’il va falloir faire pour qu’on nous voie et qu’on nous entende ? »53 , mais également plus déterminé dans la poursuite de ses actions : « Nous lui [au Président François Hollande] lançons un ultimatum pour qu’il retire le texte d’ici à jeudi, date à laquelle il doit s’exprimer à la télévision. Sinon, nous irons de manifestation en manifestation »54 . Mais ce qui a fait le plus écho dans les médias durant cette manifestation était la polémique d’usage des gaz lacrymogènes, comme nous le verrons dans le deuxième chapitre. En effet, pendant le rassemblement statique de la manifestation sur l’avenue de la Grande- Armée, un certain nombre de militants ont essayé de franchir le barrage mis en place, pour rejoindre l’interdite avenue des Champs-Élysées. Les forces de l’ordre ont réagi par l’utilisation des gaz lacrymogènes pour les en empêcher. Le mouvement a ainsi commenté les actions de la police : « Des gens parfaitement pacifiques, stationnant place de l’Étoile, ont été encerclés, puis, sans aucune sommation, aspergés de gaz lacrymogènes. Quinze enfants ont du être évacués »55 . Nous pouvons conclure que le collectif s’est positionné en tant que victime, ce qui a ensuite été repris par les médias. Il s’agissait de mettre en avant que des enfants et des familles ont souffert des actions entreprises par la police et montrer que le mouvement a été traité violemment par le gouvernement. Le collectif a pu ainsi maîtriser le registre émotionnel et victimaire. En analysant les stratégies de communication de « La Manif pour Tous » appliquées aux trois manifestations du 12 novembre, 13 janvier et 24 mars, nous pouvons constater que ses actions ont été orientées tant vers les pouvoirs publics pour apporter des réponses à ses revendications que vers les journalistes, pour obtenir une couverture médiatique. Cela nous a également été confirmé par la directrice de communication, qui cherchait à obtenir l’attention des pouvoirs publics, à travers l’opinion qui sensibiliserait la cause. Pour la toucher il fallait passer par les médias et c’est dans cette optique que les stratégies de communication ont été conçues. Nous allons analyser la réception médiatique de ces actions, ce qui permettra de voir si la médiatisation correspondait aux objectifs du mouvement. 53 Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, Nouveau succès des antimariage gay, Le Figaro, 25 mars 2013. 54 Ibid. 55 Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, La manif pour tous prête à un nouveau rassemblement, Le Figaro, 26 mars 2013. 19
  • 20. Chapitre II : Mise en scène médiatique des mouvements sociaux Après avoir évoqué les stratégies de communication employées par « La Manif pour Tous », nous allons analyser leur médiatisation. Nous nous baserons sur les résultats obtenus par l’analyse de contenu des articles journalistiques. Cela permettra de vérifier la deuxième hypothèse qui postule que la médiatisation dépend de la nature des actions collectives mises en place et ainsi voir si les objectifs visés par le collectif correspondent à leur traitement médiatique. Avant d’analyser les enjeux de la médiatisation, nous nous intéresserons aux attentes des mouvements sociaux vis-à-vis des médias et à l’intérêt de les utiliser. 1. Utilisation stratégique des médias La manifestation, comme forme de protestation, constitue un moyen permettant d’accéder au niveau de négociation avec les pouvoirs publics56 . Parlant dans un langage de Shannon et Weaver57 , le message provenant d’un émetteur passe par un canal de transmission pour arriver au récepteur. Ce canal de transmission est un moyen de communication tel que les médias. Le moyen principal pour se faire entendre constituent principalement la télévision et la presse papier et en ligne. La médiatisation des actions de protestation est une étape indispensable pour satisfaire ses revendications. Tout travail de communication et mobilisation cible ces moyens de communication pour attirer avant tout l’attention des individus. En effet, en sensibilisant l’opinion publique, les mouvements sociaux s’assurent d’être entendus par les pouvoirs publics, ceux-ci ne pouvant pas ignorer les revendications d’une importante partie de la population. Les médias peuvent ainsi être considérés par un mouvement comme une « première reconnaissance de sa légitimité »58 . 1.1. Recours aux médias selon les objectifs poursuivis Selon Arnaud Mercier59 , le type de rapport aux médias dépend du but recherché par les organisations qui appellent à défiler. Il a élaboré un schéma qui comporte quatre types de mobilisation selon les attentes vis-à-vis des médias, qui nous servira comme cadre d’analyse pour l’étude de cas. 56 M. Lipsky in Fillieule Olivier, éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 236. 57 Shannon Claude et Weaver Warren, The mathematical Theory of communication, University of Illinois, Urbana III, 1949, 117 pages. 58 Mercier Arnaud Mobilisation collective et limites de la médiatisation comme ressource in Fillieule Olivier, éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 237. 59 Ibid. p. 239. 20
  • 21. 1.1.1. En quête de légitimité et reconnaissance Le premier type de mobilisation correspond à des objectifs limités et restreints du mouvement. Le mouvement recherche avant tout à utiliser les médias pour une respectabilité et reconnaissance. 1.1.2. Satisfaction des revendications Le deuxième type de mobilisation consiste à s’organiser massivement dans le but d’obtenir des réponses à ses revendications. Pour atteindre l’objectif, l’attention est tournée vers l’opinion publique, en cherchant des alliances avec divers acteurs sociaux, pour étendre la mobilisation. C’est une pression indirecte sur les pouvoirs publics. Dans ce cas, l’intérêt d’accéder aux médias consiste à y être reconnu par le phénomène de masse. En effet, le nombre constitue une stratégie majeure pour toute mobilisation. Selon Patrick Champagne60 , « par le nombre de manifestants qu’elles arrivent à faire défiler dans la rue (…) les organisations (…) cherchent à renforcer et à étendre leur pouvoir de représentation en vue de négocier avec le pouvoir public. Plus le groupe qui manifeste est, en effet, nombreux, et plus les organisations représentatives peuvent prétendre représenter, par delà le groupe concret qui défile, toute une catégorie sociale ». Le critère étant très important pour le mouvement, on observe des conflits constants à chaque défilé entre les chiffres annoncés par le mouvement et ceux affichés par la police. Le nombre explique le recours au spectaculaire, d’où l’intérêt des journalistes. 1.1.3. Affirmation d’une identité sociale Le troisième type de mobilisation a des objectifs orientés vers l’identité sociale reconnue. Il ne s’agit pas de demandes matérielles, mais symboliques. Nous avons parlé dans le premier chapitre de la construction de l’identité collective, où les médias ont le rôle d’intermédiaire entre le mouvement et le public. Un deuxième objectif consiste à susciter des débats et des discussions autour de soi en accédant à la parole publique. Selon Patrick Champagne61 , « une action stratégique visant à agir sur les journalistes afin d’occuper l’espace médiatique, dans le but de déclencher les prises de positions des différents agents qui cherchent à peser sur l’opinion publique et par là sur le pouvoir ». 60 Patrick Champagne cité dans Mercier Arnaud Mobilisation collective et limites de la médiatisation comme ressource in Fillieule Olivier, éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 239. 61 Ibid, p. 240. 21
  • 22. 1.1.4. Appartenance à un groupe Enfin, le dernier type de mobilisation relève de la dimension identitaire, non pas sociale comme celle précédente, mais psychologique. Même en ayant un objectif, le mouvement sait qu’il sera difficile voire impossible de l’atteindre. Dans ce cas, le rôle des médias consiste à renforcer le sentiment d’appartenance des individus au groupe mobilisé. Selon Harvey Molotch, « une euphorie particulière se dégage à voir dans les médias de masse le résultat de sa propre action. Il procure un sentiment de dignité et d’efficacité, quelque soit le type de couverture médiatique »62 et même si les revendications ne sont pas entendues. L’utilisation des médias peut ainsi être différente en fonction des objectifs poursuivis par un mouvement social. Notre première hypothèse postule que les mouvements sociaux mènent des actions autant pour satisfaire leurs revendications que pour la médiatisation. Ainsi nous pouvons affirmer que les manifestations de « La Manif pour Tous » correspondent au deuxième et troisième type de mobilisation selon le schéma d’Arnaud Mercier, voulant, d’un côté, voir leurs revendications être prises en charge par les pouvoirs publics et de l’autre, obtenir une forte médiatisation en ayant accès à l’espace public. Elles se caractérisent également, bien que partiellement, par le premier type de mobilisation, celui en quête de légitimité et reconnaissance. Avant d’analyser la médiatisation de ces mobilisations en fonction de l’usage fait des médias, nous allons aborder le dernier point de cette partie. 1.2. Accès aux médias Les mouvements sociaux rencontrent parfois des difficultés pour accéder aux médias qui peuvent partiellement ou totalement perdre leur intérêt pour les groupes contestataires. Ces derniers doivent souvent recourir à des actions plus radicales pour regagner l’attention des médias. 1.2.1. Informer Dans le cas de la « Manif pour tous », ses manifestations étaient organisées au préalable, ce qui les rend prévisibles pour les médias. En plus, étant constitué de plusieurs associations, et donc étant massif, le mouvement s’annonçait durer tout au long des discussions sur le projet de loi sur le mariage homosexuel. Les informations sur les actions préparées par le mouvement étaient transmises aux médias avant chaque manifestation. 62 Mercier Arnaud Mobilisation collective et limites de la médiatisation comme ressource in Fillieule Olivier, éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 241. 22
  • 23. En effet, l’analyse a montré que les médias ont consacré 17,4% (Le Figaro) et 6,3% (Le Monde) de couverture au sujet de l’« organisation », c’est-à-dire aux actes de préparation des actions, comme les données chiffrées sur les bus, les autocars utilisés, mais également sur les préparatifs plus symboliques comme le dress code. Douze articles, dix dans Le Figaro et deux dans Le Monde sont apparus avant les deux manifestations nationales du 13 janvier et 24 mars 2013. A part un article qui a pris comme source un communiqué de presse (Le Monde du 24 mars 2013), les onze autres rassemblent des témoignages des porte-parole, parlent des enjeux de la mobilisation « afin de faciliter la participation, le collectif a mis en ligne une carte interactive pour trouver un moyen de locomotion (car, train, covoiturage) vers la capitale, un couchage et même du babysitting pour parents militants »63 , « le dress code ‘bleu-blanc-rose’ se doit d’être ‘chaud et décontract’, prescrit Frigide Barjot(…) »64 . Donc les médias ont été informés et ont interviewé les organisateurs sur les actions et pouvaient ainsi prédire l’ampleur des manifestations au préalable : « (...) la manifestation du 13 janvier pourrait être l’une des plus importantes de ces dernières années (...) »65 , « (...) la manifestation des opposants (…) s’annonce d’une ampleur exceptionnelle »66 . Cela jouait en faveur du mouvement, car signifiait une forte présence des médias sur place pour couvrir les manifestations. 1.2.2. Attirer l’attention Les formes de protestation sont également susceptibles d’attirer l’attention des médias. Comme nous l’avons montré dans le premier chapitre, « La Manif pour Tous » s’est positionnée comme un mouvement pacifiste. Cela signifie que les formes d’actions adoptées par le mouvement portaient un caractère fort spectaculaire et animé. Louis Marin parle de la « théâtralisation »67 des défilés des manifestants, ce qui correspond aux logiques médiatiques. Le spectaculaire des actions d’un mouvement social peut en effet susciter l’intérêt des médias. Mais garantit-il un traitement médiatique favorable au groupe mobilisé ? Les médias peuvent-ils renforcer une action collective ? Nous allons tenter de répondre à ces questions en analysant la réception médiatique de « La Manif pour Tous ». 63 Agnès Leclair, Mariage gay : la manif des opposants s’organise, Le Figaro, 3 janvier 2013. 64 Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, « Manif pour tous » contre « mariage pour tous », Le Figaro, 13 janvier 2013. 65 Stéphanie Le Bars, Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013. 66 Christophe Cornevin, La Préfecture de police sur le pied de guerre, Le Figaro, 12 janvier 2013. 67 Louis Marin cité dans Fillieule Olivier, éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 243. 23
  • 24. 2. Enjeux de la médiatisation Dans cette partie, il s’agit de déterminer si la médiatisation correspondait aux attentes des organisateurs de « La Manif pour Tous » et déterminer l’orientation des journaux analysés. Nous allons ainsi voir si les médias ont consolidé leurs actions. 2.1. La mise en discours médiatique A partir du schéma proposé par Arnaud Mercier, selon lequel, rappelons, le rapport aux médias dépend des objectifs fixés par les mouvements sociaux, nous allons analyser la réception médiatique du collectif étudié. 2.1.1. Médiatisation de la « force tranquille » des manifestants Nous avons affirmé que « La Manif pour Tous » correspondait partiellement au premier type de mobilisation, en cherchant une respectabilité et légitimité. Cela se vérifie par le caractère maîtrisé et pacifique que le collectif a donné à ses manifestations, ce que nous avons analysé dans le premier chapitre. Généralement, en traitant des rassemblements, les médias insistent beaucoup soit sur le caractère discipliné, rigoureux et la dimension « force tranquille »68 des manifestations, soit sur leur violence et agitation. Un mouvement social serait légitime et représentatif s’il se présente comme raisonnable, capable de mener des négociations démocratiques, ce qui appelle à la pacification de ses actions. Lorsque les manifestations acquièrent un caractère violent, cela est aussitôt repris par les médias. On pourrait dire que les actes violents pourraient nuire à l’image du mouvement. Est-ce que cela a été le cas de « La Manif pour Tous » ? Le collectif qui se disait un mouvement pacifique, a été traité par les médias lors des deux premières manifestations du 17 novembre et 13 janvier comme calme et familial : « (…) ‘les manifs pour tous’ ont su éviter les dérapages homophobes, (…). Aucun slogan, aucune affiche hostile aux homosexuels (…) »69 , « soucieux de préserver l’esprit ‘bon enfant’ et ‘familial’, (…), les organisateurs avaient multiplié les consignes d’appel au calme et l’humour aux manifestants »70 . 68 Mercier Arnaud Mobilisation collective et limites de la médiatisation comme ressource in Fillieule Olivier, éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 244. 69 Gaëlle Dupont et Stéphanie Le Bars, Mariage homo : les opposants mobilisent, l’exécutif reste ferme, Le Monde, 20 novembre 2012. 70 Agnès Leclair, Mobilisation historique contre le mariage pour tous, Le Figaro, 14 janvier 2013. 24
  • 25. Bien que Le Monde ait traité de la polémique autour des chiffres sur le nombre de manifestants lors du défilé du 13 janvier71 , la dimension conflictuelle de la mobilisation a été introduite lors de la troisième grande manifestation du 24 mars par les deux journaux. Couverture de la variable « Conflit » Cette dimension correspond au moment où le mouvement a changé ou rénové sa stratégie de communication en se positionnant comme victime, ce que nous avons évoqué au premier chapitre. Les deux journaux ont consacré 21,6% de leurs articles aux conflits sur le total des variables de la mise en scène médiatique. Ainsi la dimension conflictuelle est devenue le deuxième élément des actions de protestation le plus traité médiatiquement. « La Manif pour Tous » est en effet médiatisée comme victime à la veille de la troisième manifestation – « sentiment de ras le bol contre le gouvernement (…) exacerbé par l’accumulation des fins de non-recevoir pour les opposants au texte : coup sur coup, ils ont vu leur pétition (…) rejetée (…), la commission des lois du Sénat leur fermer les portes et la préfecture de police de Paris leur refuser l’accès aux Champs-Élysées »72 . Or la manifestation du 24 mars est devenue violente, par rapport aux précédentes, lorsque les militants de l’extrême droite, mêlés aux militants pacifiques du mouvement, ont essayé de franchir le barrage, ce qui a abouti aux dérapages avec la police et l’utilisation de gaz 71 lorsque les organisateurs qualifie les chiffres avancés par la police comme « une manipulation » et « un mensonge d’Etat » dans Benoît Hopquin et Samuel Laurent, « Manif pour tous » : après le succès, la réalité des chiffres, Le Monde, 24 janvier 2013 : 72 Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, Nouvelle mobilisation des opposants au mariage homosexuel, Le Figaro, 24 mars 2013. 25
  • 26. lacrymogènes. Cela n’a pas été prévu par les organisateurs. « Ceux-là n’avaient que faire des appels au calme »73 , mais les médias ont immédiatement repris « la polémique » qui « s’est enflammée sans proportions »74 suite à l’usage du gaz lacrymogène. Les médias ont relayé les arguments des organisateurs et des responsables politiques critiquant les « gestes de violence inacceptables »75 des forces de l’ordre contre un public très familial et pacifique, devenu victime. Or, les deux journaux ont également montré que la manifestation « a échappé »76 aux organisateurs, ce qui a nui à l’image du collectif, incapable de maîtriser ses militants. 2.1.2. Médiatisation du « pôle d’action » Selon le deuxième type de mobilisation du schéma d’Arnaud Mercier, le mouvement social cherchent à se faire entendre et transmettre un message précis pour obtenir des réponses à ses revendications. Pour cela, il entreprend des actions pour accroître son nombre d’adhérents et renforcer son pouvoir, suffisamment pour que les pouvoirs publics négocient. Dans le premier chapitre nous avons évoqué les stratégies de communication de « La Manif pour Tous » et notamment l’utilisation des ressources symboliques. Le collectif a utilisé de nombreuses pancartes, badges, affiches, slogans qui devaient être repris par les médias. On s’est demandé comment les deux journaux ont médiatisé ces actions et lesquelles ont été privilégiées. Nous avons identifié six catégories d’actions – spectaculaire, sensationnel, conflit, innovant, insolite et suspens qui correspondent aux caractéristiques d’action évoquées dans l’ouvrage de Grégory Derville cité dans l’introduction. L’analyse montre que les actions représentent 32,3% du total des sujets (voir le tableau sur la page 28). Les actions spectaculaires (41,4%) et sensationnelles (14,2%) ont été particulièrement privilégiées par les journalistes, rapportant des éléments visuels de la vague « bleu-blanc-rose » et surtout l’ampleur des manifestations avec les nombreuses divergences sur les chiffres selon les sources. Les deux médias concluent « qu’importe ! »77 les chiffres, 73 Benoît Hopquin, Bousculades, larmes et polémiques après les tentatives de forcer les Champs-Élysées, Le Monde, 26 mars 2013. 74 Ibid. 75 Alexandre Lemarié, Polémique autour de la « Manif pour tous », Le Monde, 27 mars 2013. 76 Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, Polémique sur l’usage de gaz lacrymogènes, Le Figaro, 25 mars 2013. 77 Benoît Hopquin, Stéphanie le Bars, Alexandre Lemarié et Abel Mestre, En poussettes et en chansons, le pari réussi de la « Manif pour tous », Le Monde, 15 janvier 2013. 26
  • 27. « ils ont réussi : la « Manif pour tous » a été un indéniable succès »78 . Les nombreux slogans ont été également repris par les médias. Un court article y a été entièrement consacré79 . Nature des actions médiatisées Un autre type d’action médiatisé a été celui du suspens, qui représente 11% soit 24 éléments dans 33 articles des deux journaux. Les organisateurs ont communiqué sur leurs prochaines actions et interventions, pour rendre le lecteur avide de connaître la suite des événements. L’analyse a montré que les journalistes ont approuvé cette manière de construire l’actualité. Voici quelques illustrations : « les opposants au texte envisagent la date du 13 janvier comme un point de départ plutôt qu’un point final »80 , « Frigide Barjot (…) promettait déjà de nouvelles actions et un nouveau rassemblement »81 . Les actions insolites et innovantes ont été moins médiatisées et représentent 7,3% et 4,1% respectivement – « Innovation : les professionnels concernés par le débat sont invités à défiler dans leur tenue de travail : juristes en robe, religieux en habits sacerdotaux (…), médecins en blouse blanche (…) »82 . Nous pouvons conclure que les deux journaux se sont intéressés avant tout aux actions spectaculaires et sensationnelles, des actes qui mobilisent un nombre important d’individus, occupent des lieux publics, risquent de rentrer dans l‘histoire par leur ampleur. Les actions conflictuelles ont également été privilégiées par les journalistes, dont on a parlé dans la partie précédente. Enfin l’intérêt de médiatiser l’élément de suspens s’explique par le fait qu’il nourrit la notoriété du mouvement et ses participants. Le public serait donc intéressé par le 78 Ibid. 79 Agnès Leclair, « François, marie-toi… », Le Figaro, 14 janvier, 2013. 80 Christophe Cornevin, Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, La police s’attend à une mobilisation « d’une ampleur exceptionnelle », Le Figaro, 9 janvier 2013. 81 Benoît Hopquin, Nouveau succès pour les opposants au mariage gay, Le Monde, 26 mars 2013. 82 Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, « Manif pour tous » contre « mariage pour tous », Le Figaro, 12 janvier 2013. Sujet Total Fréquence % Conflit 47 21,6 Innovant 9 4,1 Insolite 16 7,3 Sensationnel 31 14,2 Spectaculaire 90 41,4 Suspens 24 11 Grand Total 217 100 27
  • 28. déroulement des actions de protestation et leur issue. Ainsi les deux médias s’assurent d’avoir des lecteurs potentiels, dont la curiosité devrait être satisfaite. 2.1.3. Médiatisation du « pôle de réflexion » Dernières attentes des organisateurs vis-à-vis des médias sont d’obtenir accès à la parole publique pour faire entendre leurs revendications et convictions qui seraient prises en charge par les pouvoirs publics. Sujet Total Fréquence % Actions 126 32,3 Convictions 32 8,2 Frigide Barjot 49 12,5 Homophobie 19 4,8 Organisation 54 13,8 Pluralisme 47 12 Revendications 29 7,4 Titre 33 8,4 Grand Total 389 100 Grands thèmes dans les deux journaux Si les actions et l’organisation ont été largement privilégiées par les médias, nous pouvons voir que la principale porte-parole de « La Manif pour Tous », Frigide Barjot, a été citée 12,5%. Pour accéder à la parole publique, nous dit Arnaud Mercier83 , il faut des conditions préalables. Les porte-parole et les leaders du collectif doivent être facilement identifiables étant en tête de cortège, sous des banderoles particulières ou avoir une tenue « flashy » comme celle de Frigide Barjot. Cela permet d’être reconnaissable par le public le plus large. Le Monde a consacré un article entier à la principale porte-parole de « La Manif pour Tous », dressant le portrait d’une « militante atypique, aux paroles crues et aux tenues ébouriffées »84 . « Extravagante », « personnalité ingérable et controversée » pour certains85 , « médiatique et provocatrice » pour d’autres86 , Frigide Barjot a su attirer l’attention des médias, étant apparue 49 fois dans 23 articles sur un total de 33 étudiés, dont sept sur dix dans Le Monde et 16 sur 23 dans Le Figaro. Dans le premier chapitre nous avons affirmé que le collectif s’assurait une forte médiatisation en laissant parler à son nom un personnage aussi 83 Mercier Arnaud Mobilisation collective et limites de la médiatisation comme ressource in Fillieule Olivier, éd., Sociologie de la protestation, Paris : Editions L’Harmattan, 1993, p. 246. 84 Stéphanie Le Bars, Pari réussi pour Frigide Barjot « attachée de presse de Jésus », Le Monde, 20 novembre 2012. 85 Stéphanie Le Bars, Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013. 86 Agnès Leclair, Mobilisation historique contre le mariage pour tous, Le Figaro, 14 janvier 2013. 28
  • 29. extravagant. Nous pouvons déduire qu’ils ont obtenu une médiatisation importante en partie grâce à Frigide Barjot, beaucoup citée et décrite par les journalistes, parfois en adoptant un ton sarcastique : « voix cassée cheveux lâchés, Frigide Barjot a les larmes aux yeux. Au lendemain du défilé, l’égérie du collectif arbore toujours sa tenue de militante, jean délavé et sweat rose », ce qui n’a pas été le cas pour les autres porte-parole. Virginie Merle a su accéder à la parole publique en s’imposant aux médias, devenant leur favorite. Or, l’analyse de contenu a montré que l’accès à la parole publique grâce aux stratégies employées ne garantissait pas de susciter des débats et de déclencher des discussions autour de soi pour peser sur l’opinion publique et par là sur le pouvoir. En effet, les médias ont consacré seulement 8,2% et 7,4% aux convictions et revendications du groupe. Couverture des variables « Convictions » et « Revendications » Les chiffres sur le « pôle réflexion » sont intéressants, car non seulement il a été peu médiatisé, en plus, les journalistes se sont contentés de rapporter uniquement les paroles des organisateurs et militants, sans commenter les enjeux de la protestation. Le graphique nous montre que les convictions et les revendications ont largement était traitées de façon neutre. « Citoyens attachés au modèle père-mère, adversaires de la théorie des genres (…). Il ne s’agit pas d’empêcher les homosexuels de s’aimer ou les familles homoparentales d’élever leurs enfants mais de protester contre le changement de la structuration de la société »87 , les médias citent les organisateurs sans se pencher sur le problème. Les journalistes auraient pu interroger des spécialistes sur la question, comme des historiens, psychiatres ou autorités 87 Agnès Leclair, Mariage homosexuel : la contestation gagne la rue, Le Figaro, 18 novembre 2012. 29
  • 30. religieuses. Or ils ont rendu compte et insisté sur le spectacle organisé par « La Manif pour Tous », sur l’organisation des manifestations, ce qui finalement nous permet de dire n’a pas joué en faveur du mouvement, dont les convictions et revendications n’ont pas été portées à l’attention de l’opinion publique par les relais que sont les médias. 2.2. Evaluation du contenu médiatique Utilisant les formules mathématiques de la méthode Morin-Chartier, dont nous avons parlé dans l’introduction, nous avons calculé la fréquence (visibilité) et l’orientation des journaux Le Monde et Le Figaro. 2.2.1. Orientation du Monde Sujet Positif Négatif Neutre Total Fréquence % Orientation Actions 10 8 29 47 37,3 4,2+ Organisation 1 0 7 8 6,3 12,5+ Pluralisme 1 5 11 17 13,4 23,5- Frigide Barjot 2 4 10 16 12,6 12,5- Titre 3 4 3 10 7,9 10- Revendications 0 0 3 3 2,3 0 Convictions 0 0 17 17 13,4 0 Homophobie 1 0 7 8 6,3 12,5+ Total 18 21 87 126 100 2,3- Orientation du journal Le Monde L’orientation du journal Le Monde sur la couverture du collectif « La Manif pour Tous » s’est avérée négative. Cela concerne notamment les sujets « Pluralisme », « Frigide Barjot » et « Titre ». Dans le premier chapitre nous avons évoqué la stratégie du mouvement « construction d’identité collective » où il s’est positionné comme pluraliste, affirmant compter parmi ses militants des personnes de milieux différents. Or, le journal Le Monde n’est pas d’accord et voici une illustration : « les ‘manifs pour tous’ ont échoué à élargir significativement au-delà des mouvements proches des milieux catholiques »88 . Quant à l’utilisation d’une porte-parole médiatique, le journal a, certes, accordé une grande attention à Frigide Barjot, mais tout en la qualifiant de «personnalité ingérable et controversée »89 . Enfin, quatre titres d’articles sur dix ont eu une connotation négative dont voici quelques exemples : « Mariage homo : les opposants mobilisent, l’exécutif reste 88 Gaëlle Dupont et Stéphanie Le Bars, Mariage homo : les opposants mobilisent, l’exécutif reste ferme, Le Monde, 20 novembre 2012. 89 Stéphanie Le Bars, Mariage pour tous : la genèse d’une contestation, Le Monde, 12 janvier 2013. 30
  • 31. ferme »90 , « Bousculades, larmes et polémiques après les tentatives de forcer les Champs- Élysées »91 . Néanmoins, la couverture a été favorable dans les articles contenant des actions spectaculaires et sur l’ampleur de l’organisation, ce que nous avons analysé dans la partie précédente. Le journal est resté neutre sur les sujets de revendications et convictions, ce que nous avons également évoqué. Le sujet « homophobie », qui faisait également partie de la stratégie sur l’identité collective, a eu lui aussi une médiatisation neutre. 2.2.2. Orientation du Figaro Sujet Positif Négatif Neutre Total Fréquence % Orientation Actions 28 10 41 79 30 22,7+ Organisation 5 7 34 46 17,4 4,3- Pluralisme 9 5 16 30 11,4 13,3+ Frigide Barjot 6 2 25 33 12,5 12,1+ Titre 6 2 15 23 8,7 17,3+ Revendications 0 1 25 26 9,8 3,8- Convictions 1 3 11 15 5,7 13,3- Homophobie 2 0 9 11 4,1 18,1+ Total 57 30 176 263 100 10,2+ Orientation du journal Le Figaro L’orientation de la couverture médiatique du mouvement dans le journal Le Figaro a été positive. Il s’agit précisément des sujets « Actions », « Pluralisme », « Frigide Barjot » et « Titre ». Le Figaro a jugé positif ce qui a été traité négativement par Le Monde. Les actions ont été le sujet le plus médiatisé comme nous l’avons déjà évoqué, mais également qui a reçu les scores les plus positifs (22,7+). Les actes du collectif ont été décrits ainsi : « Dimanche prochain s’annonce sur l’ensemble du territoire une manifestation assez rare et plutôt surprenante »92 . La dimension pluraliste a également été positivement traitée : « Citoyens attachés au modèle père-mère, adversaires de la théorie des genres, maires réticents à l’idée d’unir deux hommes ou deux femmes, imams, évêques et prêtres, défenseurs des droits de l’enfant, croyants catholiques, juifs ou musulmans, politiques, psychanalystes ou philosophes 90 Gaëlle Dupont et Stéphanie Le Bars, Mariage homo : les opposants mobilisent, l’exécutif reste ferme, Le Monde, 20 novembre 2012. 91 Benoît Hopquin, Bousculades, larmes et polémiques après les tentatives de forcer les Champs-Élysées, Le Monde, 26 mars 2013. 92 Jean D’Ormesson, Mariage homosexuel, Le Figaro, 12 janvier 2013. 31
  • 32. craignant une révolution anthropologique: le cortège des «anti» ne manquera pas de contrastes »93 . Malgré une médiatisation globalement positive, Le Figaro a négativement jugé les convictions et revendications du mouvement, ce qui s’explique par le fait que le journal en ait parlé de façon neutre, sauf dans un article. Il s’agit précisément de l’article d’Anthony Palou94 où le journaliste, en adoptant un ton ironique, parle des convictions du collectif, qu’ « il ne s’agit pas d’histoire de société, mais d’une histoire d’amour », « on ne voit pas vraiment pourquoi le mariage gay ‘choquerait’ l’Église. Les homosexuels n’auraient pas le droit de s’aimer ? Est-il dit dans les Évangiles ? A les lire, sauf être atteint d’une certaine cécité intellectuelle, non ». Le journal a également adopté un ton critique sur l’organisation, qui remplacerait « le bleu pale et le rose emblématiques de la première manifestation »95 par le « rouge de la colère »96 la veille de la troisième grande manifestation du 24 mars. Cette dernière s’organisait dans un contexte de « guerre de nerfs »97 à cause de divergences sur le lieu de manifestation entre le collectif et la Préfecture de Police. Après avoir analysé l’orientation des deux journaux, ainsi que les pôles d’action et de réflexion, nous pouvons nous demander à partir de notre deuxième hypothèse si la médiatisation dépend des caractéristiques des actions collectives mises en place. Autrement dit, il s’agit de savoir s’il y a un lien entre l’orientation médiatique et la nature des actions qui ont permis ou amené à cette couverture. Voici les résultats : Sujet Favorable Défavorable Neutre Total Fréquence % Conflit 0 15 31 47 21,6 Innovant 1 0 8 9 4,1 Insolite 4 2 10 16 7,3 Sensationnel 16 1 14 31 14,2 Spectaculaire 14 4 72 90 41,4 Suspense 0 2 22 24 11 Grand Total 35 24 158 217 100 Tableau croisé : Nature des actions médiatisées et orientation 93 Agnès Leclair, Mariage homosexuel : la contestation gagne la rue, Le Figaro, 18 novembre 2012. 94 Anthony Palou, Dimanche pas très gai, Le Figaro, 14 janvier 2013. 95 Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, Nouvelle mobilisation des opposants au mariage homosexuel, Le Figaro, 24 mars 2013. 96 Ibid. 97 Non signé, La manif pour tous veut se réinventer, Le Figaro, 17 mars 2013. 32
  • 33. Comme nous avons pu le voir, les deux médias ont couvert majoritairement les actions employées par le collectif, contrairement aux revendications et convictions. La nature spectaculaire et sensationnelle de ces actes de protestation, conçue comme telle par le mouvement, a été privilégiée par les deux médias, ces types d’actions étant traités favorablement. Les actions innovantes, insolites ont été très peu médiatisées mais positivement également. Comme nous l’avons évoqué, il semble que le suspens a été apprécié par les journalistes dans la construction des nouvelles. Les médias se sont généralement contentés de citer les organisateurs sur leurs prochaines actions, de façon neutre, sauf avant la dernière manifestation du 24 mars, lorsqu’ils ont adopté un ton critique sur les possibles tensions avec la police lors de la manifestation. Cela nous amène à la dernière variable, le conflit, qui a été largement médiatisée. Le conflit en soi constitue également un spectacle médiatique, ce qui explique sa forte médiatisation. Bien que le collectif ait été présenté comme victime des forces de l’ordre, nous constatons que les médias ont donné une couverture défavorable à cette dimension conflictuelle des actions qui ont échappé aux organisateurs, avec la présence des militants de l’extrême droite, dont les actes de protestation étaient violents. Cette analyse nous permet de conclure que la stratégie de communication de « La Manif pour Tous » axée sur la médiatisation à travers des actions spectaculaires a été la plus citée dans les médias. Donc les journalistes en effet préfèrent parler des actions à dimension sensationnelle, qui attirent plus d’audience. Les actes de protestation du mouvement ont été ainsi adaptés à ces logiques médiatiques. 33
  • 34. Conclusion générale A travers ce travail, nous avons étudié les relations qui se nouent entre les mouvements sociaux et les médias, en analysant l’exemple du débat pour le projet de loi sur le mariage homosexuel en France. Le collectif « La Manif pour Tous », qui a vu le jour le lendemain de l’annonce de ce projet, a reçu un large écho dans les médias grâce à ses manifestations de grande envergure. Nous avons tenté de comprendre comment ce mouvement social utilisait les médias pour se faire entendre et défendre ses intérêts et comment ces derniers ont pu consolider leurs actions. Premièrement, cette étude a cherché à savoir si les actions du mouvement social étaient menées autant pour satisfaire ses revendications que pour la médiatisation. Pour cela, nous avons étudié les stratégies de communication de « La Manif pour Tous » et nous avons observé une évolution de ses actions en fonction de la médiatisation que le collectif a eue. A ses débuts, il a organisé deux manifestations qui se sont déroulées dans un esprit calme et joyeux, ayant mobilisé un grand nombre de familles, avec des affiches et slogans soigneusement pensés pour ne pas être accusé d’homophobe ou de mouvement politisé. Son but était d’obtenir une image positive dans les médias, montrant ainsi aux pouvoirs publics que le projet de loi sur le mariage homosexuel touchait les valeurs universelles père-mère- enfant et que c’était le gouvernement qui détenait les clés de la paix sociale. Le collectif misait surtout sur le nombre de militants, en s’assurant ainsi une large couverture médiatique. Or, l’effet médiatique de la manifestation du 13 janvier s’est estompé les jours qui l’ont suivi. Le manque de visibilité médiatique et le fait que ses revendications ont été laissées sans réponse de la part du gouvernement, ont amené « La Manif pour Tous » à rénover sa stratégie de communication. Le collectif s’est aperçu que l’intérêt des médias se portait surtout sur le nombre de militants et a donc cherché à l’amplifier. Pour cela il a politisé ses messages sociaux, en élargissant ainsi ses revendications, ce qui devait mobiliser plus d’individus. Cette fois ci, le mouvement a opté pour un rassemblement statique, afin de garantir un effet de « gigantisme » de la mobilisation, mais également attirer l’attention des médias vers le podium installé, où les organisateurs intervenaient pour évoquer leurs convictions et revendications. 34
  • 35. Nous avons ainsi confirmé notre première hypothèse que le mouvement social a fait usage des médias en organisant des actions spectaculaires pour intégrer leur agenda, en rénovant sa stratégie pour maintenir l’intérêt des journalistes. Parallèlement il a cherché à sensibiliser l’opinion publique et peser sur les pouvoirs publics pour satisfaire ses revendications, en mobilisant un grand nombre d’individus et plus tard, en se politisant. Deuxièmement, nous avons étudié la couverture médiatique pour cerner si elle dépendait de la nature des actions menées par « La Manif pour Tous » et savoir si ainsi les médias pouvaient les consolider. En effet, les médias ont largement couvert les manifestations, en médiatisant surtout les actions spectaculaires, en évoquant l’ampleur des cortèges et les divergences sur le nombre de participants. Les deux journaux analysés ont abordé l’envergure du rassemblement, reprenant les slogans et affiches des manifestants. Par ailleurs, nous avons vu qu’ils ont favorablement traité ces actes de protestations spectaculaires et ceux de suspens, en montrant ainsi que le mouvement ne comptait pas abandonner ses objectifs de voir ses revendications satisfaites par les pouvoirs publics. Cela nous permet d’affirmer qu’il existe une vraie adéquation entre la médiatisation et les caractéristiques d’actes de protestation du mouvement social. Cependant, il s’est révélé que les médias ont seulement partiellement renforcé les actions du mouvement. En effet, les deux journaux lui ont donné, d’un côté, une visibilité médiatique, le collectif étant reconnu par le phénomène de « masse », mais de l’autre côté, en adoptant un ton neutre, ils ont peu abordé ses convictions et revendications, ces dernières étant bien évidemment plus importantes pour pouvoir négocier avec le gouvernement. Par ailleurs, lors de la troisième manifestation, les médias ont surtout traité la dimension conflictuelle du rassemblement en pointant le public familial, victime des violences policières, tout en mettant en avant que le collectif n’a pas su maîtriser la manifestation. Le mouvement même estime que les médias ont joué un rôle important au début de ses actions, notamment lors des deux premières manifestations, en les couvrant largement, en donnant la parole aux organisateurs pour s’exprimer, se faire entendre. Il regrette cependant que les journalistes n’ont pas cherché à appuyer leur cause, en analysant leurs convictions, au lieu de se contenter de les rapporter. Contrairement à l’idée de Patrick Champagne que les manifestants parviennent à susciter des réactions des pouvoirs publics en passant par les médias, nous avons démontré que ces derniers n’ont pas aidé le mouvement à faire pression sur le gouvernement, en adoptant un ton neutre de ses convictions et revendications. 35
  • 36. Nous reconnaissons que notre étude n’a pas suffisamment analysé le rôle que les médias ont joué dans le débat entre le mouvement social et les pouvoirs publics. Etant contraint par le temps de réalisation de ce travail, ainsi que par les exigences sur sa forme, nous n’avons pas pu étudier les logiques de travail journalistique pour expliquer le choix de leurs critères de sélection d’information. Par ailleurs, nous n’avons pas abordé le processus de construction des problèmes publics en général. Enfin, nous regrettons de ne pas avoir réalisé d’avantage d’entretiens avec les membres de « La Manif pour Tous » pour étudier plus leurs relations avec les journalistes, par manque de temps de leur part, qui menaient des actions au moment de réalisation du présent travail. Ainsi, dans une étude plus exhaustive, il serait pertinent d’étudier le fonctionnement les médias, d’autant plus que la directrice de communication de « La Manif pour Tous » nous a confié que malgré les relations proches avec certains journalistes, ces derniers étaient contraints par des « blocages avec leur rédaction » et ne pouvaient donc pas appuyer la cause du mouvement dans le sens voulu par celui-ci. Il s’agirait notamment d’analyser le rôle que les médias jouent dans les problèmes publics, leur position dans le processus d’influence, les contraintes économiques qui pèsent sur eux, ce qui pourraient expliquer les critères de sélection d’information spectaculaire. Une telle étude pourrait être réalisée à travers les entretiens aves des journalistes ou une observation de terrain dans une rédaction dans le cadre d’un stage. Par ailleurs, il serait intéressant d’étudier l’évolution que « La Manif pour Tous » a connue depuis la troisième manifestation du 24 mars, notamment le départ de Frigide Barjot, la radicalisation du mouvement due aux tensions internes au sein du collectif, les affrontements avec les forces de l’ordre et violences envers les journalistes et les polémiques sur les arrestations de militants. A l’achèvement du présent travail, la loi autorisant le mariage homosexuel a été adoptée, mais le collectif continue son existence et mène des actions pour qu’elle soit retirée. Comment continuera-t-il à vivre une fois que les discussions autour de la loi cesseront et les mariages homosexuels deviendront un événement ordinaire98 ? 98 Le premier mariage homosexuel français qui a eu lieu le 29 mai 2013 à Montpellier a rassemblé beaucoup de journalistes venus couvrir l’événement. 36
  • 37. Table des annexes Annexe 1 Enquête du Monde sur la composition de « La Manif pour Tous »……………….44 Annexe 2 Grille d’analyse d’articles de presse……………………………………………….52 Annexe 3 Exemples de codage……………………………………………………………….56 Annexe 4 Guide d’entretien…………………………………………………………………..57 Annexe 5 Exemples d’affiches lors de la manifestation du 24 mars 2013…………………...58 37
  • 38. Annexe 1 Enquête du Monde sur la composition de « La Manif pour Tous » Derrière la grande illusion de la "Manif pour tous" Le Monde.fr | 21.03.2013 Par Samuel Laurent Elles sont au nombre de trente-sept. Trente-sept associations co-organisatrices de la Manif pour tous, dont on trouve la liste détaillée sur le site officiel du mouvement, et qui incarnent sa diversité : Plus gay sans mariage et Homovox représentent des homos anti-mariage homosexuel, tandis que Les musulmans pour l'enfance ou Fils de France parlent au nom des musulmans. Et il y en a pour tout le monde : un appel des professionnels de l'enfance, une association des Jeunes pour la famille, un collectif de juristes, et même une "Association pour un nouveau féminisme européen". Le Monde.fr a voulu vérifier si cette diversité correspondait à une réalité. Nous avons adopté une démarche systématique, en vérifiant l'existence de chacune des trente associations co- organisatrices : qui en est le responsable ? Ont-elles un site Internet ? Depuis quand ? Qui l'édite ? Sont-elles enregistrées au Journal officiel ? Autant de questions qui nous ont permis de construire un tableau détaillant les réponses pour chaque association. Il est disponible en intégralité ici. En apparence, la Manif pour tous représente de larges pans de la population. En apparence seulement. Car en réalité, nombre de ces mouvements sont des coquilles vides qui n'ont aucune existence. Quant aux autres, ils sont presque tous liés à l'Eglise, soit directement, soit par les engagements de leurs responsables. Sommaire : 1/ Des associations fantômes 2/ La religion très présente 3/ Des sites récents et souvent anonymes 4/ Des noms qui reviennent et se croisent 5/ Une communauté qui revient souvent 6/ Des organisations parfois radicales 38
  • 39. 1/ DES ASSOCIATIONS FANTÔMES Un tiers des associations sont des "coquilles vides", un autre tiers sont religieuses Nous avons distingué cinq types d'associations : celles liées à la chrétienté (Eglise catholique ou protestante), celles liées à l'islam, celles qui ressortent d'un catholicisme traditionaliste, celles issues de la "société civile" (même si elles sont souvent animées par des personnalités proches de l'Eglise), et les "coquilles vides", qui n'ont pas d'existence hors du champ de la "Manif pour tous". En essayant de faire une typologie, on constate qu'un tiers des associations ne sont en fait que des "coquilles vides", qui, soit n'ont aucune existence identifiable au niveau légal (inscription au Journal officiel), soit n'en ont aucune sur le Web (pas de site ou pas de mention dans l'actualité hors Manif pour tous). Seules 15 associations sur 37 ont une existence légale Nous avons distingué entre associations déclarées au Journal officiel (40 %) et organisations n'ayant pas d'existence légale (60 %). Les coquilles vides : il y a tout d'abord les collectifs créés pour "coller" à un porte- parole de la Manif pour tous. Ainsi, Frigide Barjot possède son "Collectif pour une humanité durable", qui consiste surtout en un site créé au printemps 2012, et dans lequel on retrouve, outre Virginie Tellenne, alias Frigide Barjot, d'autres responsables de la Manif pour tous, comme Xavier Bongibault, Laurence Tcheng-Reynes, Elizabeth Montfort ou Béatrice Bourges. 39
  • 40. Même chose pour Plus gay sans mariage, collectif supposément dirigé par M. Bongibault, et qui consiste surtout en une page Facebook "aimée" un petit millier de fois. Idem pour La gauche pour le mariage républicain de Laurence Tcheng-Reynes, ou encore pour David et Eugenia, de Lionel Lumbroso, lui aussi un vieil ami de Mme Tellenne. Ces derniers ne cachent d'ailleurs pas l'aspect "coquille vide" de leurs structures, comme ils l'avaient expliqué en décembre à Yagg et Mediapart. Les vraies-fausses organisations de la "société civile" : nous avons aussi créé une catégorie "société civile" pour les associations représentant des catégories socioprofessionnelles ou des intérêts particuliers. A l'intérieur de celle-ci, nous avons procédé à une nouvelle ventilation, pour distinguer entre mouvements préexistant à la Manif pour tous, mouvements ad hoc créés pour cette occasion, et mouvements créés récemment (depuis 2012), dont les responsables peuvent être rattachés clairement à l'Eglise d'une manière ou d'une autre. Mais d'autres collectifs sur-mesure ont vu le jour, qui ne sont souvent que des noms sans guère de réalité. Ainsi, un Médecins et pédiatres pour l'enfance, qui n'a ni site Internet ni association enregistrée officiellement, et qu'on ne retrouve, via une recherche Google, qu'en référence à la Manif pour tous. Dans le même esprit, on peut citer Famille Méditerranée, Conseil national identité républicaine, ou encore AP21 supposément une "asssociation de psychologues", qui n'est pas enregistrée au JO et dont on ne trouve aucune trace en ligne. Quant à La manif des juristes, c'est surtout une page Web d'appel à manifester. Variante, Juristes pour l'enfance existe en tant qu'association enregistrée en 2008, mais n'a aucune trace d'activité depuis. Elle fait partie d'un "Collectif pour l'enfant" également cité parmi les associations organisatrices, et dans lequel on trouve Béatrice Bourges, ancienne candidate divers-droite à Versailles, ex-assistante parlementaire du député UMP Franck Borotra et l'une des porte-parole de la Manif pour tous dont le nom revient, comme d'autres, très souvent dans notre enquête. 2/ DES SITES RÉCENTS ET SOUVENT ANONYMES Autre information intéressante : le nombre de sites qui ont choisi de ne pas donner le patronyme de l'acquéreur du nom de domaine. Cette information, qui permet de savoir qui est le possesseur du site, peut être masquée. Ce qu'ont choisi de faire huit associations. 40
  • 41. Beaucoup de sites ont masqué le nom de l'acquéreur du nom de domaine A partir de requêtes "Whois", nous avons comptabilisé les associations sans site ou avec une page Facebook, celles fournissant un nom de personne physique, celles qui donnent un nom de personne morale ou d'agence de communication, et celles qui ont choisi de masquer volontairement le patronyme du possesseur du nom de domaine. La galaxie des organisations qui pilotent la Manif pour tous ont une caractéristique commune : nombre de ces mouvements sont récents. Beaucoup d'associations co- organisatrices datent de moins d'un an Nous avons distingué entre associations sans existence légale ni site Web permettant de les dater (7), organisations créées entre 2012 et 2013 (14), et organisations créées avant cette date (16). Neuf sont nées en 2012, une en 2011, et trois datent de l'année 2013. Parmi eux, Les musulmans pour l'enfance, l'un des derniers collectifs en date. Créé à Lyon, il est dirigé par Abderrahmane Ait-Rabah, cadre dans le transport, "ami" Facebook avec les Jeunes actifs UMP du Rhône, l'UDI du Doubs et l'Association nationale des amis de Nicolas Sarkozy. Le site des Musulmans pour l'enfance présente plusieurs vidéos de témoignages de musulmans opposés au mariage homosexuel. Ces vidéos ont été postées sur YouTube, sur le compte d'un certain "G Bès", qui n'est autre que Gauthier Bes de Berc, étudiant en lettres, lui-même secrétaire et webmaster de l'association Cosette et Gavroche, et tenancier d'un blog catholique, "Le soupirail et les vitraux. 41
  • 42. La même "solidarité" entre mouvements s'observe aussi à propos d'Homovox. Ce "collectif", lui aussi créé très récemment (en novembre 2012) autour de Xavier Bongibault, a été "conseillé", pour son site Web, par Jean-Baptiste Maillard, membre et salarié de la Communauté de l'Emmanuel, qui se vante sur son compte Twitter de "monter des sites plus vite que son ombre". Plus récemment, certains blogueurs ont accusé Homovox d'avoir utilisé des acteurs pour produire de faux témoignages vidéos. Des accusations que dément le site. 3/ LA RELIGION OMNIPRÉSENTE Une nette domination des associations liées à un mouvement religieux Nous avons distingué entre les "coquilles vides" sans existence attestée, les associations non liées à la religion et celle qui l'étaient, soit directement soit via les engagements de leurs responsables. La Manif pour tous se veut apolitique et areligieuse. Il est pourtant aisé de constater que l'Eglise catholique est très présente parmi ses associations organisatrices. On a recensé douze associations d'obédience chrétienne explicite : Familles de France, association ancienne et déjà engagée contre le Pacs en 1998 ; la Confédération nationale des associations familiales catholiques ; la Fédération nationale des associations familiales protestantes ; le Cler "amour et famille", association d'éducation chrétienne à la sexualité, ou encore Alliance Vita, association créée par Christine Boutin et qui lutte contre l'IVG, avec des méthodes parfois discutables... D'autres organisations avancent plus masquées. Ainsi, l'Appel des professionnels de l'enfance, association créée en 2005 [et non 2012 comme nous l'avions indiqué par erreur], est dirigé par Jérôme Brunet, par ailleurs, directeur diocésain de l'enseignement catholique en région Centre. Sur son site, l'Appel évoque Béatrice Bourges, ou encore Emmanuel Sapin, lui-même à la tête d'un mouvement de médecins anti-mariage homosexuel et proche de communautés religieuses (voir ci-dessous). Même chose pour le collectif Tous pour le mariage, dont le nom de domaine renvoie à un "observatoire sociopolitique", en fait une instance diocésaine dépendant de l'évêché de 42