1. Espace Éthique
Méditerranéen
Annagrazia Altavilla
Avocate au Barreau de Tarente (Italie)
Maître de conferences associé –Université de la Méditerranée
Docteur en Sciences de la Vie et de la Santé – Ethique
annagrazia.altavilla@univ-amu.fr
2. LA DIGNITE /étymologie
Le mot dignitas désigne une qualité éminente, une
valeur particulière dont est porteur le sujet (une
personne ou une chose) qui est ainsi désigné et propre
à susciter un respect ou à valoir un mérite particulier.
Employé pour signifier
• la valeur intrinsèque de la nature humaine
• toute autre forme d’excellence, notamment en
termes de position et de responsabilités
sociales
3. LA DIGNITE /définition
La dignité de la personne réside dans sa nature raisonnable (Thomas d’Aquin )
1.réfère toujours à une valeur particulière, une éminence, une perfection
(dans les choses et dans les hommes)
2.est présente en tout homme, quelles que soient sa race, sa culture, ses
conditions de vie ou même ses choix
3.oblige au respect et demande à chacun de respecter en l’autre d’abord
son humanité
4.est liée à chaque être humain, par essence, du fait même qu’il possède
la nature humaine et fonde alors tous les devoirs qui s’imposent à
chacun (caractère universel)
5.est rattachée à un certain nombre de droit concrets, enracinés dans la
vie quotidienne, que les législateurs doivent avoir le souci d’inscrire
dans les lois
4. LA DIGNITE /définition
La dignité de la personne réside dans sa nature raisonnable -Thomas d’Aquin
« Une capacité a être la cause libre et responsable de
ses actes, qui fonde l’obligation de respecter en soi
comme en autrui la même capacité ».
(AUTODÉTERMINATION ET RESPONSABILITÉ)
5. Émergence du principe de dignité dans le droit positif international
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ONU 1948
- « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine »
(…) les peuples de Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de
l’homme dans la dignité et la valeur de la personne humaine (…) » (considérant 5 du préambule)
- « …tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » (art.1). (DU DH 1789)
Pactes internationaux relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels (3 janvier 1976) et
aux droits civils et politiques (23 mars 1976) rappellent que la Charte des Nations Unies contribue
à ce que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de
leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le
monde ».
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1er
mars 1980 « …la discrimination à l’encontre des femmes viole les principes de l’égalité des droits et
du respect de la dignité humaine (…) et qu’elle empêche les femmes de servir leur pays et l’humanité
dans toute la mesure de leurs possibilité ».
Convention relative aux droits de l’enfant (26 janvier 1990).
Déclaration universelle de l’Unesco sur le génome humain et les droits de l’homme (11
novembre 1997) Art.1 - Le génome humain sous-tend l'unité fondamentale de tous les membres de
la famille humaine, ainsi que la reconnaissance de leur dignité intrinsèque et de leur diversité. Dans
un sens symbolique, il est le patrimoine de l'humanité.
6. Émergence du principe de dignité dans le droit positif européen
Convention européenne des droits de l’homme de 1950
on retrouve référence implicite au principe de dignité dans la protection du droit à la vie et
l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants.
Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine (Oviedo 1997) du Conseil de
l’Europe
« protège l'être humain dans sa dignité et son identité et garantissent à toute personne, sans
discrimination, le respect de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à
l'égard des applications de la biologie et de la médecine » (art.1).
Protocole additionnel (COE -1998) relatif au clonage reproductif
Interdiction du clonage car il est contraire à la dignité de l'homme et
constitue un usage impropre de la biologie et de la médecine »
La Charte européenne des droits fondamentaux (décembre 2000)
Art. 1 Dignité humaine
La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée.
7. Cadre normatif applicable en matière de
bioéthique
Cons. Cost. 94-343-344 DC
1) le droit à la dignité humaine
(Préambule à la Constitution de 1946)
2) le principe de liberté individuelle
(Déclaration de Droits de l’Homme et du citoyen de 1789)
3) le droit de la famille et de l’individu à leur développement
8. Prise en compte du principe de dignité dans le
droit positif français
Cons. Cost. 94-343-344 DC considérant 18
« lesdites lois énoncent un ensemble de principes au nombre
desquels figurent la primauté de la personne humaine, le respect de
l’être humain dès le commencement de sa vie, l’inviolabilité,
l’intégrité et l’absence de caractère patrimonial du corps humain
ainsi que l’intégrité de l’espèce humaine; que ces principes ainsi
affirmés tendent à assurer le respect du principe constitutionnel de
sauvegarde de la dignité de la personne humaine »
9. DIGNITE ET LIBERTE INDIVIDUELLE
PRINCIPES MATRICIELS
Qui engendrent d’autres droits de portées et valeurs différents
1) Primauté de la personne humaine
2) Respect de l’être humain dés le commencement de sa vie
3) Intégrité et non patrimonialité du corps humain
4) Autonomie (consentement/information)
5) Confidentialité
10. DIGNITE / LIBERTE INDIVIDUELLE
TGI Paris, 1er février 1995, X et autres c/ Sté Benetton, et CA Paris, 28 mai 1996
« Attendu qu’en l’état actuel des connaissances, l’infection par le virus de HIV
demeure une affection effrayante et, comme telle, susceptible de provoquer, de
manière plus ou moins consciente des manifestations d’exclusion ou de rejet, voire
d’hostilité ;
… Le corps humain découpé, marqué d’un signe effrayant n’est plus un corps
humain et l’on retrouve, à travers les affiches de publicité, la représentation du hors
du commun à tous les hommes, c’est-à-dire la représentation de l’exclusion de leur
humanité ».
Société Benetton condamnée parce que, à travers ses affiches de publicité,
elle a abusé de sa liberté d’expression et que, ce faisant, elle a atteint la dignité
de tous les porteurs du virus du SIDA.
11. DIGNITE / LIBERTE INDIVIDUELLE
Conseil d’Etat, arrêts 27 octobre 1995 concernant les spectacles dits de
« lancer de nain »
« L’autorité investie du pouvoir de police municipale peut, même en l’absence de circonstances
locales particulières, interdire une attraction qui porte atteinte au respect de la dignité de la
personne humaine ».
Cette atteinte est caractérisée par le fait d’utiliser « comme un projectile une personne affectée
d’un handicap physique et présentée comme telle », spectacle qui « par son objet même…porte
atteinte à la dignité de la personne humaine »
« le respect de la dignité de la personne humaine, concept absolu s’il en est, ne
saurait…s’accommoder de quelconques concessions en fonction des
appréciations subjectives que chacun peut porter à son sujet…le consentement
du nain au traitement dégradant qu’il subit nous paraît donc juridiquement
indifférent »
• un homme n’est pas libre de renoncer à sa qualité d’homme
• l’individu se voit juridiquement contraint de répondre
de sa condition d’humain, il en devient ainsi responsable
12. DIGNITE / LIBERTE INDIVIDUELLE
CA Paris, 28 novembre 2008 “affaire de la poupée vaudou à l’effigie du chef de l’État”
« le fait d’inciter le lecteur à avoir un rôle actif en agissant sur une poupée dont le visage
est celui de l’intéressé et dont le corps porte mention d’expressions qui se rattachent à lui,
avec des épingles, piquantes par nature, et alors que le fait de piquer volontairement, ne
serait-ce que symboliquement, outrepasse à l’évidence les limites admises, constitue une
atteinte à la dignité de cette personne »
la mesure sollicitée d’interdiction de la poupée n’est pas proportionnée et adéquate en ce qu’elle
est une mesure spécialement attentatoire à la liberté d’expression et en ce qu’elle porte atteinte à
l’oeuvre dont les auteurs n’ont pas été appelés dans l’instance.
Il est enjoint à la société d’apposer, au besoin par un bandeau, sur tout coffret mis en
vente ou proposé à quelque titre que ce soit au public la mention «
Il a été jugé que l’incitation du lecteur à piquer la poupée jointe à l’ouvrage avec les
aiguilles fournies dans le coffret, action que sous-tend l’idée d’un mal physique, serait-il
symbolique, constitue une atteinte à la dignité de la personne de M. SARKOZY ».
13. DIGNITE ET LIBERTE INDIVIDUELLE
PRINCIPES MATRICIELS
Qui engendrent d’autres droits de portées et valeurs différents
1) Primauté de la personne humaine
2) Respect de l’être humain dés le commencement de sa vie
3) Intégrité et non patrimonialité du corps humain
4) Autonomie (consentement/information)
5) Confidentialité
14. Lois de bioéthique de 1994
un des moments clefs de l’appropriation par la doctrine civiliste
du principe de dignité
INSERTION ART. 16 du Code Civ.
La loi assure la primauté de la personne, interdit toute
atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de
l'être humain dès le commencement de sa vie.
Art.16-4
Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine.
Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des
personnes est interdite. ..
Sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au
traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne
peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de
modifier la descendance de la personne.
15. Respect de l'être humain dès le commencement de sa vie
RECHERCHES SUR L’EMBRYON
INTERDICTIONS
Art. L.2151-1 et suivantes CSP
1) Toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement
identique à une autre personne vivante ou décédée. (art.L.2151-1 CSP)
2) La conception in vitro d'embryon ou la constitution par clonage d'embryon
humain à des fins de recherche (art.L.2151-2 et L.2163-4 CSP)
3) La constitution ou utilisation d’un embryon humain à des fins
commerciales ou industrielles (art.L.2151-3 et L.2163-3 CSP)
4) Toute constitution par clonage d'un embryon humain à des fins
thérapeutiques (art.L.2151-4 CSP)
5) La recherche sur l'embryon humain (art. L.2151-5 al.1er et L.2163-6 CSP)
6) La création d'embryons transgéniques ou chimériques est interdite
16. DEROGATIONS :
Art. L.2151-5 CSP
AUTORISEES
Recherches sur l'embryon et les cellules embryonnaires
Si finalité limitée:
Permettre des progrès médicaux majeurs
Si caractère subsidiaire:
Il est expressément établi qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté
par le biais d'une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des
cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches
17. CONDITIONS PROCEDURALES
Art. L.2151-5 CSP
Recherches menées que sur:
embryons « surnuméraires » : conçus dans le cadre de l’AMP et
conservés qui ne font plus l’objet d’un projet parental
Embryons qui ne seraient pas susceptibles d’être transférés ou
conservés dans le cadre de l’AMP
Embryons in vitro qui, à la suite d’un diagnostic biologique (DPI),
résultent porteurs de l’anomalie recherchée (si no plus objet de projet
parental)
18. CONDITIONS PROCEDURALES
Art. L.2151-5 CSP
consentement écrit préalable du couple dûment informé des
possibilités d'accueil des embryons par un autre couple ou
d'arrêt de leur conservation
consentement confirmé à l'issue d'un délai de réflexion de trois
mois
Consentement révocable sans motif tant que les recherches n'ont
pas débuté
19. CLONAGE REPRODUCTIF
Crime contre l’espèce humaine
« intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique
à une autre personne vivante ou décédée » (art.16-4 c.c.)
Peine de réclusion criminelle de 30 ans et
amende de 7.500.000€
20. CLONAGE THERAPEUTIQUE
« Le fait de procéder à la conception in vitro ou à la constitution
par clonage d'embryons humains à des fins de recherche ».
Peine de sept ans d'emprisonnement et de
100 000 Euros d'amende art. 511-18 c.p.
21. Respect de l'être humain dès le commencement de sa vie
INTERRUPTION VOLONTAIRE DE
GROSSESSE
1. Avant la fin de la douzième semaine lorsque la femme
enceinte est dans une situation de détresse (art.L.2212-
1 CSP)
2. A toute époque de la grossesse, pour motif médical
( art. L.2213-1 CSP)
22. MOTIF MEDICAL
1. Péril grave pour la santé de la femme
2. Forte probabilité que l’enfant soit atteint d’une affection
particulièrement grave reconnue comme incurable au moment
du diagnostic
Motif médical justifiant l’interruption de grossesse
attesté par deux médecins membres de l’équipe pluridisciplinaire
du centre « pluridisciplinaire » de diagnostic prénatal
(art. L.2213-1 CSP)
23. DIGNITE ET LIBERTE INDIVIDUELLE
PRINCIPES MATRICIELS
Qui engendrent d’autres droits de portées et valeurs différents
1) Primauté de la personne humaine
2) Respect de l’être humain dés le commencement de sa vie
3) Intégrité et non patrimonialité du corps humain
4) Autonomie (consentement/information)
5) Confidentialité
24. Principe d’intégrité du corps
Art.16-3 code civ.
Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain
qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre
exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui.
Le consentement de l'intéressé doit être recueilli
préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une
intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de
consentir.
25. Principe de non patrimonialité
du corps humain
Art.16-5 cod.civ.
Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur
patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses
produits sont nulles.
Art.16-6 cod civ.
Aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à
une expérimentation sur sa personne, au prélèvement
d'éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci.
26. Principe d’autonomie
Consentement à l’acte médical
Droit absolu du patient
Art. L.1111-4-3 CSP
Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le
consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut
être retiré à tout moment.
Art. L.1111-4-2 CSP
Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir
informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne
de refuser ou d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le
médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les
soins indispensables. Il peut faire appel à un autre membre du corps
médical…
27. Principe d’autonomie - Droit à l’information
Art. L.1111-2 CSP
Toute personne a le droit d’être informée
sur son état de santé
Cette information porte sur
1) les différentes investigations, traitements
ou actions de prévention qui sont proposés,
2) leur utilité,
3) leur urgence éventuelle,
4) leurs conséquences,
5) les risques fréquents ou graves normalement prévisibles
6)les autres solutions possibles
7) les conséquences prévisibles en cas de refus.
« Le devoir d’information du médecin vis-à-vis de son patient trouve son fondement
dans l’exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la
personne humaine » (Cass. 1re civ. 9 oct. 2001 n.00-14.564)
28. Principe d’autonomie - Droit à l’information
INFORMATION ANTERIEURE A L’ACTE MEDICAL
Auteur de l’information
Médecin traitant
Art. L.1111-2-2 CSP
Cette information incombe à tout professionnel** de santé
dans le cadre de ses compétences et dans le respect
des règles professionnelles qui lui sont applicables.
Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer
peuvent l'en dispenser.
29. Principe d’autonomie - Droit à l’information
INFORMATION POSTERIEURE A L’ACTE MEDICAL
Extension temporelle
Art. L.1111-2-2 CSP
Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations,
traitements ou actions de prévention,
des risques nouveaux sont identifiés,
la personne concernée doit en être informée,
sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.
30. Principe de dignité et droit des malades
L.1110-2 Cod Sant. Publ.
La personne malade a droit au respect de sa dignité.
L.1110-5-5 CSP
Les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les
moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne
jusqu'à la mort.
Les actes de prévention,
d'investigation ou de soins ne doivent Les soins palliatifs sont des soins
pas être poursuivis par une obstination actifs et continus pratiqués par une
déraisonnable. équipe interdisciplinaire en
Lorsqu'ils apparaissent inutiles, institution ou à domicile. Ils visent à
disproportionnés ou n'ayant d'autre soulager la douleur, à apaiser la
effet que le seul maintien artificiel de la souffrance psychique, à
vie, ils peuvent être suspendus ou ne sauvegarder la dignité de la
pas être entrepris. personne malade et à soutenir son
Dans ce cas, le médecin sauvegarde la entourage. (art. L.1110-10 CSP)
dignité du mourant et assure la qualité
de sa vie en dispensant les soins
palliatives (L.1110-5-2 CSP)
31. LA DIGNITE /définitions - approches
1.La dignité est alors une qualité attachée à une institution, un rang ou
une fonction officielle (dignitas) - dignité de la personne publique
2.Qualité attachée à la personne humaine opposable par l’homme à
des tiers. (présuppose l’égalité entre les personnes humaines titulaires de
la protection qu’offre la dignité et implique l’idée générale de respect dû par
les tiers à toute personne)
3.Qualité opposable à l’homme par des tiers. (les obligations générales,
qui incombent à tout individu quel qu’il soit et en tant qu’il appartient au
genre humain, de respecter une certaine représentation de ce qu’est
l’humanité digne)