En Bretagne la mémoire avait retenu certains titres emblématiques,
La Dépêche de Brest, L’Ouest Eclair, Le Nouvelliste du Morbihan.
C’est bien peu représentatif de la richesse éditoriale de la presse bretonne de la seconde moitié du dix-neuvième siècle à la Seconde Guerre mondiale.
En Morbihan, un recensement de la presse de cette époque fait état de 226 titres d’information générale et politique. A peu près la moitié de ceux-ci ont été publiés à Lorient. Le Nouvelliste du Morbihan est celui qui connut la plus longue durée.
Ce journal diffusé de 1887 à 1944, s’inscrit dans un véritable lignage de presse éditée à Lorient, de la création de la Feuille hebdomadaire de la ville de Lorient en 1790 au dépôt de bilan de Liberté du Morbihan en 1995.
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L’aventure du Nouvelliste du Morbihan. Du journal à l’écran.
1. Mémoire de maîtrise
Histoire - Patrimoine
Université de Bretagne Sud
2001
Pegot Ogier
L’aventure
du Nouvelliste du Morbihan.
Du journal à l’écran.
Gil Van Meeuwen
2. 1
L’aventure du Nouvelliste du Morbihan. Du journal à l’écran.
AVANT-PROPOS
L’objet de ce mémoire de maîtrise est le Nouvelliste du Morbihan et l’intégration de ses collections au plan de microfilmage et de numérisation de la presse ancienne du Morbihan.
La question centrale vise à montrer en quoi et comment le Nouvelliste du Morbihan, journal local à diffusion départementale, devient l’objet de la mise en valeur du patrimoine qu’il représente.
Introduction
La presse écrite a pour fonction première d’informer. Sous la Troisième République, bénéficiant d’un texte de loi libéral en 1881, elle est le vecteur de communication le plus influent sur les opinions publiques. Jusqu’à l’apparition de la radio, puis de la télévision, elle était l’unique média populaire.
En effet, les journaux ont l’avantage de la diversité des opinions et du détail au plus près des réalités vécues localement ; notamment celles relayées par la presse provinciale. Ils conservent leur valeur de témoin du temps présent, et deviennent éléments tangibles, fixant l’événement sur le papier.
Quand un article nous concerne particulièrement, nous le découpons et il est archivé précieusement. La presse participe au tissage de la trame de notre mémoire individuelle et collective. Les périodiques relus quelques années plus tard deviennent un conservatoire des faits, avec une analyse de peu de recul, plus ou moins partiale, résultant du traitement
« À chaud » de l’actualité.
3. 2
En Bretagne la mémoire avait retenu certains titres emblématiques, La Dépêche de Brest, L’Ouest Eclair, Le Nouvelliste du Morbihan. C’est bien peu représentatif de la richesse éditoriale de la presse bretonne de la seconde moitié du dix-neuvième siècle à la Seconde Guerre mondiale. En Morbihan, un recensement de la presse de cette époque fait état de 226 titres d’information générale et politique. A peu près la moitié de ceux-ci ont été publiés à Lorient. Le Nouvelliste du Morbihan est celui qui connut la plus longue durée. Ce journal diffusé de 1887 à 1944, s’inscrit dans un véritable lignage de presse éditée à Lorient, de la création de la Feuille hebdomadaire de la ville de Lorient en 1790 au dépôt de bilan de Liberté du Morbihan en 1995.
Le Nouvelliste représentant de la presse d’information accompagne le développement de Lorient sous la Troisième République, mais ce n’est pas un titre d’envergure régionale, comme l’a été L’Ouest-Eclair. Cet organe de presse populaire très apprécié des Lorientais est un journal diffusant l’actualité générale et locale de la vie de Lorient « la jolie ». Le Nouvelliste, chronique fidèle de la cité et des ports de Lorient, a fixé sur son fragile papier des pans entiers de la mémoire d’une ville disparue. Ce titre rend compte dans le détail de la vie quotidienne de la cité portuaire et des faits marquants ou anodins des autres communes du département. Le volet des nouvelles nationales ou internationales, selon l’actualité prend une place plus ou moins importante. Ces informations qui sont contenues dans bien d’autres journaux parisiens ne présentent ici qu’un intérêt secondaire ; sauf bien sûr quand elles ont des retombées au plan local ou qu’elles sont sujettes à des commentaires particuliers. Mais le Nouvelliste s’affichant non engagé politiquement est avare dans ses prises de positions. Il se contente généralement de réaliser une revue de presse ou de reprendre les communiqués des agences.
Pour l’élaboration de l’histoire contemporaine les organes de la presse ancienne nationale et provinciale sont une source documentaire reconnue, rendue disponibles sous la forme de microfilm depuis des années. La presse locale qui dormait jusqu’à présent dans l’ombre des réserves des bibliothèques, car trop fragile pour être consultée, bénéficie de programmes de numérisation et va redevenir accessible.
La presse ancienne locale est une base documentaire précieuse pour les chercheurs en histoire ou les curieux en quête de mémoire.
4. 3
Cette source historique donne au rythme de sa parution la matière qui alimentait les conversations, l’actualité politique, économique, sociale. Les faits divers, les comptes rendus d’audience des tribunaux apportent l’éclairage cru sur la société et les moeurs qui les suscitent. Le journal local, par la présentation sélective, son interprétation des faits nous donne le regard des contemporains sur eux-mêmes. Sa lecture aujourd’hui peut permettre de retrouver le vécu d’un territoire, sa vie matérielle et sa culture.
Lorient sous la Troisième République est une ville portuaire en pleine mutation urbaine et économique. Au terme du dix-neuvième siècle la reconversion militaro-industrielle réussie, l’espace portuaire de Lorient va se développer dans les domaines marchands et halieutiques de Kergroise à Keroman. Le journal relate au jour le jour ce changement des crises de la pêche côtière à l’inauguration du slipway du port de pêche, se fait l’écho de l’expansion urbaine de la ville. Témoin des grands drames de son siècle, cet organe d’information local donne une identité aux victimes des catastrophes naturelles et à l’hécatombe du premier conflit mondial. Ses colonnes relatent fidèlement les changements de la société.
Les lames de fond de l’histoire européenne vont bouleverser le bel optimisme du progrès en cours. La défaite consommée en 1940, le quotidien humiliant de l’occupation, la reprise des communiqués militaires victorieux des U.Boote vont placer le journal au coeur de la tragédie. Les bombes, l’exode des réfugiés, le relais de la propagande de Berlin et de Vichy scellent le destin du titre lorientais exilé à Vannes. Il disparaît dans les lendemains vengeurs de la Libération.
La collection du journal, notamment celle de la bibliothèque municipale tient une place particulière au coeur des Lorientais, elle reste un des rares dépositaires de la mémoire d’une cité disparue. La ville reconstruite après la guerre a perdu la quasi-totalité de son patrimoine architectural civil. Une partie de sa mémoire culturelle et de la vie éditoriale d’avant-guerre est partie en fumée.
Document rare, la collection intégrale du Nouvelliste du Morbihan représente un volume de 60 000 pages. C’est un ensemble à préserver, à transmettre aux générations futures.
Le plan de microfilmage et de numérisation de la presse ancienne du Morbihan répond à ce besoin, c’est une véritable renaissance dans le domaine des possibilités de diffusion. Cette opération alliant sauvegarde et communication de ce patrimoine écrit est un investissement lourd mobilisant des moyens financiers et techniques importants. Ceci ne peut s’envisager que sous la forme de partenariat entre les différentes institutions culturelles du département.
5. 4
L’aventure du Nouvelliste du Morbihan, du journal à l’écran.
La presse à Lorient est riche d’une tradition éditoriale où s’inscrit le Nouvelliste. Des générations de titres de presse ayant paru de la Révolution à la Seconde Guerre mondiale le précèdent et l’accompagnent dans son développement.
L’aventure du Nouvelliste dure cinquante-huit années, elle peut être retracée de sa fondation en 1886, à sa disparition en 1944, grâce aux collections archivées.
Les collections du Nouvelliste conservées au fils des ans, sont devenues un des supports de la mémoire collective morbihannaise et lorientaise. Le plan de microfilmage et de numérisation de la presse ancienne du Morbihan est l’aboutissement de la logique d’une gestion moderne du patrimoine écrit. Celle-ci tend à répondre au double enjeu de la conservation par le transfert sur un support plus durable et du retour au public de son héritage culturel.
LA PRESSE LORIENTAISE DE LA REVOLUTION A LA SECONDE GUERRE MONDIALE.
De la fin du XVIIIe siècle à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les archives attestent l’existence d’au moins 140 périodiques d’information publiés à Lorient.
Le premier organe de presse lorientais est créé en 1790, La Feuille hebdomadaire de la ville de Lorient paraît pendant deux années.
Il faut attendre 1802 pour que sorte le second titre local, Le Courrier de Lorient et du Morbihan. Ce journal est le premier d’un lignage de titres qui se succèdent sans interruption jusqu’au 28 octobre 1995.
La Deuxième Guerre mondiale est fatale à la forme première de la ville de Lorient. Outre les immeubles ruinés, rasés, puis reconstruits, la mémoire locale a subi de terribles amputations. La bibliothèque municipale n’a pu mettre à l’abri qu’une petite partie de ses collections, notamment celle des journaux. Les monuments ayant quasiment tous disparu, il ne reste de ce que fut Lorient d’avant la guerre que ce patrimoine écrit très fragile constitué de la presse locale.
6. 5
Le but de cette étude succincte est de replacer le Nouvelliste du Morbihan dans son contexte et de pouvoir le positionner dans la presse publiée à Lorient.
Premier journal publié à Lorient.
Les sources
La bibliothèque municipale de Lorient, les Archives départementales du Morbihan et la Bibliothèque Nationale1 ont collecté cette source documentaire. Le Nouvelliste a été aussi archivé au journal lui-même. Les volumes ont été conservés par la Liberté du Morbihan. Ils sont actuellement la propriété de Presse Océan à Nantes.
1 Dépôt légal.
7. 6
Deux auteurs, contemporains du Nouvelliste, ont écrit sur l’histoire de la presse lorientaise. Le premier en 1884, René Kerviler2 dans son Essai d’une bibliographie des publications périodiques de la Bretagne en dresse un état détaillé. L’autre, Louis Chaumeil en 1936, dans le numéro du cinquantième anniversaire du Nouvelliste3, brosse une esquisse de l’histoire de la presse lorientaise.
Louis Cren a commencé la rédaction d’une monographie intitulée Les journaux de Lorient. Ce brouillon sous la forme de quelques pages d’un cahier nous apporte quelques données succinctes (Fonds Louis Cren4, Médiathèque de Lorient).
En 1977, Nicole Coisel a dressé un descriptif quasi exhaustif de la presse morbihannaise de 1865 à 19445 et Lucien Raoul dans Un siècle de journalisme breton de l’Académie celtique à la Glorieuse Bretagne des armées apporte certains éléments complémentaires sur les auteurs et les titres proches des mouvements régionalistes bretons.
René Kerviler écrivait en 1884, dans son introduction à Essai d’une bibliographie des publications périodiques de la Bretagne :
« La bibliographie des périodiques constitue le chapitre le plus difficile à aborder de la science bibliographique. La plupart de ces publications sont éphémères ; on les conserve rarement complètes : et pour les journaux bretons en particulier, nous avons constaté avec peine qu’on n’en retrouve de collections, sauf des exceptions très rares, ni chez les imprimeurs, ni dans les greffes des tribunaux, ni dans les bibliothèques des municipalités, ni dans les archives départementales. Après dix ans de recherches, nous croyons cependant être parvenus à découvrir le cycle à peu près complet de nos publications périodiques dans quelque ordre d’idées que ce soit, et nous présentons aujourd’hui les résultats de notre
2 Kerviler (R), Essai d’une bibliographie des publications périodiques de la Bretagne. Département du Morbihan, Rennes, Librairie Ancienne et Moderne de J. Plihon, 1884
3historique repris dans : Chaumeil (L), Esquisse d’une histoire de la presse lorientaise (brochure n°6) in Histoire et petite histoire de Lorient, tome I, Lorient, Imprimerie du Nouvelliste du Morbihan, 1939
4 Louis Cren (Lorient 1881 – 1962) a été instituteur, adjoint au maire de Lorient, sous-ingénieur des travaux publics, président des amis du vieux Lorient, secrétaire général de la fédération nationale d’instituteurs de France et des colonies, Officier de la Légion d’Honneur, Croix avec palmes, médaille d’Arras, Commandeur des Palmes Académiques. Il a notamment rédigé en 1940 « Histoire générale des rues de Lorient – Monographie des rues de Lorient» et en 1946 « Mon vieux Lorient ».
5 Coisel (N), Bibliographie de la presse française politique et d’information générale 1865 - 1944 / 56 Morbihan, Paris, Bibliothèque Nationale, 1977.
8. 7
travail aux lecteurs du Bibliophile Breton, en les priant de vouloir bien nous adresser toutes les rectifications ou tous les compléments qui seraient à leur connaissance. En pareille matière, on n’est jamais certain de n’avoir rien laissé échapper ».
LIGNAGES EDITORIAUX DES JOURNAUX LORIENTAIS
Les groupes de presse
Les titres de la presse d’information générale, politique ou culturelle lorientaise peuvent être regroupés par lignages éditoriaux. Si l’on assiste à une véritable inflation des parutions de 1870 à 1914, après la Première Guerre mondiale se produit une progressive concentration. La présence du Nouvelliste du Morbihan est de plus en plus affirmée dans le paysage de la presse lorientaise et morbihannaise.
Durant un siècle et demi, près d’une cinquantaine de personnages dirigent et animent la presse lorientaise, tous horizons politiques et culturels confondus.
Les groupes de presse les plus marquant sont représentés sous formes d’organigrammes. (nota : les journaux paraissant uniquement à l’occasion des élections sont n’ont pas été retenus.)
Pour le groupe L’Abeille, les noms des responsables sont Charles Gousset, Eugène Grouhel, de 1842 à 1871, puis Louis Chamaillard jusqu’en 1917. Sa ligne politique de passe du mouvement réformateur, à celui des républicains puis des bonapartistes pour basculer après le second empire vers le parti des blancs. Des liens existent avec La Croix du Morbihan où l’on retrouve Louis Chamaillard en compagnie de Xaxier Hostin. Dans ce groupe se tiennent aussi Le Lièvre de la Morinière, Loeïz Herrieu, André Mellac et Roger Le Bayon.
De l’autre côté de l’échiquier politique existe le groupe du Phare de Bretagne, organe radical, sous la férule de Corfmat, Amelot, puis Ernest Collignon et Boyer.
Concernant L’Avenir de la Bretagne, le responsable principal est Baumal.
Le lignage dont est issu Le Nouvelliste du Morbihan est explicité dans le chapitre le concernant.
9. 8
L’Abeille – Le Morbihannais – La Croix du Morbihan Journaux édités à Lorient de 1842 à 1917
1842 – 1847 L’Abeille Réformateur Hebdo
1847 – 1848 Journal de Lorient Information / républicain Hebdo
1848 –1848 Le Patriote breton Républicain Tri-hebdo
1848 – 1849 L’Union démocratique Républicain Bi-hebdo
1849 – 1871 L’Abeille de Lorient Bonapartiste / légitimiste Hebdo / bi-hebdo
1871 – 1879 Journal du Morbihan Blanc / catholique Tri-hebdo
1872 - 1917 Le Courrier des campagnes Blanc / catholique hebdo 1879 – 1917 Le Morbihannais Blanc / catholique Tri-hebdo 1891 – 1893 Le Télégramme Infos locales Quotidien
1893 – 1895 Le Lorientais et le Télégramme réunis Blanc/catholique Hebdo 1891 - 1906 La Croix du Morbihan Blanc / catholique hebdo 1892 – 1894 La Liberté morbihannaise Blanc / catholique tri-hebdo
1899 – 1899 Les Nouvelles lorientaises Blanc/catholique Hebdo 1907 – 1907 Le Réveil breton et la Croix du Morbihan Régionaliste / catholique Hebdo
1905 – 1944 Dihunamb Culturel breton Mensuel
1908 – 1914 La Croix du Morbihan Blanc / catholique hebdo 1908 – 1915 L’Echo du Morbihan Blanc / catholique Hebdo
1908 – 1914 Le Pays breton Et le Réveil breton Régionaliste / hebdo
10. 9
Le Phare de Bretagne Journaux édités à Lorient de 1872 à 1914
1872 – 1876 L’Impartial lorientais Républicain Bi-hebdo
1883 – 1894 Le Phare des campagnes Républicain Hebdo
1879 – 1914 Le Phare de Bretagne Républicain Bi-hebdo
1889 - 1892 Indépendant de la Bretagne républicain bi-hebdo
1892 – 1892 Le Démocrate du Morbihan Républicain bi-hebdo
11. 10
L’Avenir de la Bretagne Journaux édités à Lorient de 1885 à 1903 par D. Baumal
1885 - 1887 L’Avenir de Lorient Infos locales hebdo / bi/tri-hebdo
1886 – 1887 La Bretagne Républicain bi-hebdo / tri-hebdo
1887 – 1901 L’Avenir de la Bretagne Républicain tri/bi-hebdo / hebdo
1897 - 1902 La République du Morbihan Républicain hebdo
1890 - 1898 ? L’Union universitaire Bimensuel 1902 - 1903 Le Petit Breton républicain hebdo
12. 11
Fédération républicaine indépendante
1903 – 1911 L’Union libérale du Morbihan Républicain Hebdo
1912 – 1914 L’Indépendance républicaine [Fédération républicaine indépendante] républicain hebdo
1921 – 1924 Liberté du Morbihan [Fédération républicaine indépendante] républicain hebdo titre absorbé par Le Morbihan 1911 – 1942 [journal édité à Rennes [Ouest éclair] républicain hebdo
13. 12
Le Nouvelliste du Morbihan Journaux édités à Lorient de 1802 à 1995
1802 – 1812 Le Courrier de Lorient et du Morbihan Infos locales Bi-hebdo
1812 – 1843 Affiches, annonces et avis divers de la ville de Lorient. Infos locales Bi-hebdo
1842 – 1842 La Revue de Lorient Annexe d’un journal parisien Mensuel
1843 – 1858 Le Lorientais Légitimiste Puis Bonapartiste Hebdo
1882 - 1884 L’Annonce Bretonne Républicain Hebdo 1859 – 1886 Le Courrier de Bretagne Bonapartiste puis Républicain Bi-hebdo 1883 - ? La Korrigane Culturel Bi-hebdo 1883 - 1884 Le Nouvelliste du Morbihan Républicain Hebdo
1886 – 1944 Le Nouvelliste du Morbihan Information / républicain Bi/tri-hebdo / quotidien 1893 –1895 Le Biniou Culturel 1895 – 1915 Le Clocher breton Culturel 1917 -1920 L’Ouest maritime Information / républicain Bi-hebdo ------------------------------- 1919 – 1942 L’Ouest républicain Information / républicain Hebdo 1917 - 1920 Le Nouvelliste de Lorient Information / républicain Bi-hebdo
1923 – 1942 L’Eclair du Finistère Information / républicain Bi-hebdo / hebdo
1944 – 1944 Le Morbihan libéré Quotidien
1923 – 1942 Le Petit Lorientais Annonces – Hebdo
1944 – 1995 La Liberté du Morbihan Quotidien
14. 13
IDEOLOGIES DES ORGANES POLITIQUES ET D’INFORMATION DE LA PRESSE LORIENTAISE.
Au terme du regroupement des différents lignages de titres se dégagent cinq groupes, celui issu de l’Abeille, du Phare de Bretagne, de l’Avenir de la Bretagne, de la Fédération républicaine indépendante et celui du Nouvelliste du Morbihan. Ils sont les porte-paroles des grands courants d’opinion qui animaient le quotidien des Lorientais.
Les journaux publiés à Lorient véhiculent les grandes idéologies du temps. Il faut attendre la fin du Second Empire pour que les opinions s’affrontent, Bleus contre Blancs, Le Phare de Bretagne, républicain et laïque contre son contre-modèle, Le Morbihannais.
La Grande Guerre est une césure marquante concernant la presse lorientaise. A la fin du conflit nous constatons la disparition d’une grande partie des titres, notamment ceux des Blancs.
Il est possible à partir de l’étude des notices des titres de classer les journaux lorientais par grandes familles politiques. Le premier journal imprimé localement date de 1790, il était républicain, organe de la Révolution.
Le parti des Blancs est représenté de 1871 à 1914 par 11 titres. Les bonapartistes vont successivement bénéficier du soutien de quatre journaux jusqu’en 1883.
Les idées républicaines sont représentées à Lorient par près de 50 journaux et le mouvement socialiste est crédité de 8 organes dont le premier s’affiche en 1897. Le Rappel du Morbihan, créé en 1899 connaît dans cette période trois arrêts de parution, en 1900, 1914 et 1939.
Le domaine culturel lui est riche de 16 parutions, dont deux en breton. Dihunamb paraît quarante années, de 1905 à 1944. La mouvance politique régionaliste est éditée à Lorient à partir de 1907, par le biais de 3 titres successifs.
15. 14
Début
Fin
Titre
Ligne éditoriale
1939
1939
Effort (L’)
Parti populaire français
1871
1879
Journal du Morbihan
Blanc / catholique
1872
1917
Courrier (Le) des campagnes
Blanc / catholique
1879
1917
Morbihannais (Le)
Blanc / catholique
1891
1914
Croix (La) du Morbihan
Blanc / catholique
1892
1894
Liberté (La) morbihannaise
Blanc / catholique
1893
1895
Lorientais (Le) et le Télégramme réunis
Blanc / catholique
1895
1909
Arvor (L’)
Blanc / catholique
1895
1914
Courrier (Le) morbihannais
Blanc / catholique
1899
1899
Nouvelle (Les) lorientaises
Blanc / catholique
1908
1915
Echo (L’) du Morbihan
Blanc / catholique
1910
1914
Action (L') bretonne [Vannes]
Blanc / catholique
1843
1858
Lorientais (Le)
Légitimiste / bonapartiste
1849
1871
Abeille (L’) de Lorient
Bonapartiste / légitimiste
1859
1886
Courrier (Le) de Bretagne
Bonapartiste / républicain
1882
1883
Appel (L’) au Peuple
Bonapartiste
1842
1847
Abeille (L’)
Réformateur
1899
1944
Ouest-Eclair (L’)
Démocrate-chrétien
1898
1899
Vérité (La) lorientaise
Indépendant
16. 15
Début
Fin
Titre
Ligne éditoriale
1902
1917
Courrier breton, Nouvelles du Morbihan
Information
1912
1912
Dernière heure
Information
1912
1944
Nouvelliste (Le) de Vannes
Information
1923
1942
Petit (Le) Lorientais
Information
1929
1932
Echo (L’) du Morbihan, de Basse Bretagne et de l’Ouest
Information
1802
1812
Courrier (Le) de Lorient et du Morbihan
Infos locales
1812
1843
Affiches, annonces et avis divers de la ville de Lorient.
Infos locales
1871
1871
Phare (Le) du Morbihan
Infos locales
1876
1944
Avenir (L’) du Morbihan
Infos locales
1885
1887
Avenir (L’) de Lorient
Infos locales
1889
1891
Flotte (La)
Infos maritimes
1891
1893
Télégramme (Le)
Infos locales
1929
1931
Echo (L’) de Lorient et du Morbihan
Info locale
1847
1848
Journal de Lorient
Information / républicain
1886
1944
Nouvelliste (Le) du Morbihan
Information / républicain
1917
1920
Ouest (L’) maritime
Information / républicain
1917
1921
Nouvelliste (Le) de Lorient
Information / républicain
1919
1942
Ouest (L’) républicain
Information / républicain
17. 16
Début
Fin
Titre
Ligne éditoriale
1790
1791
Feuille hebdomadaire de la ville de Lorient
Républicain
1879
1914
Phare (Le) de Bretagne
Républicain
1882
1884
Annonce (L’) Bretonne
Républicain
1883
1884
Nouvelliste (Le) du Morbihan
Républicain
1883
1894
Phare (Le) des campagnes
Républicain
1884
1942
Progrès (Le) du Morbihan
Républicain
1884
1942
Union (L’) agricole du Finistère
Républicain
1885
1885
Bonhomme (Le) breton
Républicain
1886
1887
Bretagne (La)
Républicain
1887
1887
Cloche (La) bretonne
Républicain
1887
1888
Petit Lorientais
Républicain
1887
1889
Semaine républicaine
Républicain
1887
1901
Avenir(L’) de la Bretagne
Républicain
1889
1892
Indépendant de la Bretagne
Républicain
1889
1892
Patriote (Le) breton
Républicain
1890
1890
Alarme
Républicain
1890
1890
Lorientais (Le)
Républicain
1892
1892
Démocrate (Le) du Morbihan
Républicain
1893
1893
Réveil (Le) du Morbihan
Républicain
1894
1894
Eclaireur (L’)
Républicain
1897
1902
République (La) du Morbihan
Républicain
1901
1901
Union (L’) démocratique du Morbihan
Républicain
1902
1902
Cloche (La) d’alarme
Républicain
1902
1902
Tempête (La) morbihannaise
Républicain
1902
1903
Petit (Le) Breton
Républicain
1903
1905
Réveil (Le) du Morbihan
Républicain
1903
1911
Union (L’) libérale du Morbihan
Républicain
1904
1904
Petit (Le) Lorientais
Républicain
1905
1910
Démocratie (La) du Morbihan
Républicain
1908
1910
Action (L’) républicaine du Morbihan
Républicain
1910
1914
Union (L’) républicaine. Araok !
Républicain
1910
1928
Araok
Républicain
1911
1942
Morbihan (Le) [journal édité à Rennes / Ouest éclair]
Républicain
1912
1914
Indépendance (L’) républicaine [Fédération républicaine indépendante]
Républicain
1919
1919
Etincelle (L’)
Républicain
1921
1924
Liberté (La) du Morbihan [Fédération républicaine indépendante]
Républicain
1928
1929
Démocratie (La) du Morbihan
Républicain
1939
1940
Eveil (L’) du Morbihan
Républicain
18. 17
Début
Fin
Titre
Ligne éditoriale
1897
1897
Tribune (La) du Morbihan
Républicain / socialiste
1897
1898
Avant-garde (L’) du Morbihan
Républicain / socialiste
1899
1900
Rappel (Le) du Morbihan
Républicain / socialiste
1900
1902
Dépêche (La) de Lorient
Républicain / socialiste
1901
1902
Petite (La) république du Morbihan
Républicain / socialiste
1902
1902
Classe (La) ouvrière de Lorient
Républicain / socialiste
1929
1930
Nouvelles (Les) de Lorient, du Morbihan, de Bretagne et de l’Ouest.
Républicain / socialiste
1909
1909
Eveil (L’) socialiste du Morbihan
Socialiste
1911
1914
Rappel (Le) du Morbihan
Socialiste
1926
1939
Rappel (Le) du Morbihan
Socialiste
1903
1903
Travailleur (Le) breton
Syndicaliste
1934
Bulletin mensuel du Syndicat unitaire des travailleurs réunis du port de Lorient
Syndicaliste
1927
1927
Droits (Les) de l’homme
Ligue des droits de l'homme
1847
1848
Asmodée
Culturel
1873
1874
Revue (La) populaire
Culturel
1876
1876
Revue Caprice
Culturel
1882
1883
Lorient-Théâtre
Culturel
1883
?
Korrigane (La)
Culturel
1885
1887
Lorgnette (La) de Bisson
Culturel
1889
1891
Avenir (L’) illustré du Morbihan
Culturel
1889
1896
Caprice-Revue
Culturel
1891
1927
Croix (La) de l’île de Groix
Culturel
1893
1893
Programme (Le)
Culturel
1893
1895
Biniou (Le)
Culturel
1895
1915
Clocher (Le) breton
Culturel
1897
1898
Mer (La)
Culturel
1898
1899
Lorientaises soirées
Culturel
1904
1905
Moniteur (Le) artistique de Bretagne
Culturel
19. 18
Début
Fin
Titre
Ligne éditoriale
1905
1944
Dihunamb
Culturel / breton
1912
1914
Brittia
Culturel / breton
1907
1907
Réveil breton (Le) et la Croix du Morbihan
Régionaliste / catholique
1908
1914
Pays (Le) breton et le Réveil breton
Régionaliste
1920
1944
Réveil (Le) breton
Régionaliste
1875
1875
Feuille (L') du cultivateur
Agricole
1877
1879
Echo des intérêts agricoles et vétérinaires de l’arrondissement de Lorient
Agricole
1842
1842
Revue (La) de Lorient
Annexe d'un journal parisien
1882
1882
Echo (L’) de Lorient
Annexe d'un journal parisien
1888
1889
Petit Phare (Le). Edition du Morbihan Suite du « Petit Lorientais »
Annexe d'un journal nantais
1923
1942
Cri (Le) du poilu de l’Union nationale des combattants
Anciens combattants
(classé à droite)
1934
1938
Lorient-Sports (Le)
Sport
1894
1894
Commerce (Le) lorientais
Economique
1910
1910
Essor (L’) industriel, commercial et financier
Economique
1931
1932
Nouvelles (Les) morbihannaises
Economique
20. 19
La lorgnette de Bisson 1885-1887.
La presse lorientaise est riche de titres, aux premiers temps de la Troisième République. Les idéologies politiques s’affrontent aux travers d’organes locaux, parfois virulents. Mais, force est de constater que le courant républicain est majoritaire, face aux journaux des Blancs.
Les journaux d’information traversent les régimes et se succèdent en lignages ininterrompus, depuis le début du XIXe siècle.
Le plus célèbre est Le Nouvelliste du Morbihan. Son histoire s’identifie avec l’évolution de Lorient sous la Troisième République. Journal grand public, il s’impose à partir de 1914 comme le quotidien du soir de référence dans la région lorientaise.
La vie du journal, les idées qui l’animent, son évolution commerciale, le miroir qu’il nous renvoie de son temps sont autant d’éléments qui nous incitent à considérer la valeur de ce patrimoine.
L’exemplarité de l’aventure du Nouvelliste donne du sens à la logique du plan de microfilmage et numérisation de la presse ancienne du Morbihan.
21. 20
I L’aventure du Nouvelliste Morbihan
La collection de presse ancienne la plus consultée à la Médiathèque de Lorient est celle du Nouvelliste du Morbihan. Ce journal est rendu disponible à la consultation sous forme numérisée chez l’ensemble des partenaires du plan de microfilmage et de numérisation de la presse ancienne du Morbihan.
Une histoire du Nouvelliste Morbihan : les sources
Les éléments servant à dresser l’histoire du Nouvelliste du Morbihan sont issus du journal lui-même. Le récolement de l’ensemble de la collection a permis de réunir un ensemble d’information.
Le Nouvelliste a produit des historiques, plus ou moins succincts sur le journal apportant ainsi des éléments de premier choix. Ces regards sur lui-même ont paru les premiers janvier 1888, le six août 1893, le 19 octobre 1899, puis les premiers janvier 1907, 1914, 1922 et 1925. Les deux plus conséquents sont issus de numéros spéciaux, le deux mars 1926 et le 30 décembre 1936.
De cet ensemble documentaire il est possible de réunir des données sur l’histoire matérielle du Nouvelliste, des hommes et des idées qui l’animaient. Ces éléments qui présentent la vie du journal à son avantage, sans aucun recul critique sont quasiment les seuls qui existent pour évoquer l’histoire du Nouvelliste.
Toutefois, concernant les dernières années du Nouvelliste nous avons une interview d’Alexandre Catherine dans Lorient Hebdo n°76 et 77 (semaines du 14 et du 21 septembre 1974), Nous disposons également d’éléments dans l’Histoire de la spoliation de la presse française (1944-1955) de Hisard et dans La presse bretonne dans la tourmente6 (1940-1946) de Freville.
6 Cet ouvrage se réfère au compte-rendu du procès du Nouvelliste lors de la période d’épuration, il serait consigné aux Archives d’Ille et Vilaine à Rennes.
22. 21
1 - 1 UN TITRE : LE NOUVELLISTE DU MORBIHAN
La galerie des ancêtres.
Le Nouvelliste du Morbihan est un organe de presse qui s’inscrit dans une lignée de titres7 qui se succèdent à Lorient tout au long du 19e siècle pour se prolonger jusqu’en 1995. Cette suite directe s’achève avec le dépôt de bilan de La Liberté du Morbihan.
A l’origine se trouve Le Courrier de Lorient et du Morbihan, de la famille Le Coat Saint-Haouën. Ce bihebdomadaire est publié sous le Consulat, puis sous l’Empire de 1802 à 1812. Il diffuse des informations politiques, maritimes et commerciales.
A partir du 1er janvier 1812 il devient les Affiches, annonces et avis divers de la ville de Lorient. Jusqu’en 1843, le titre est dirigé tour à tour par Le Coat Saint-Haouën père, puis par son fils et par Mme Le Coat.
Le nom du journal change deux fois, il est appelé Affiches de Lorient puis au mois de juillet 1841, il reprend son nom initial, d’Affiches, annonces et avis divers de la ville de Lorient.
En 1843, sous le règne de Louis-Philippe, le journal est repris par l’imprimerie Baudoin. Il devient Le Lorientais, un hebdomadaire. Le journal est dirigé successivement par la veuve Baudoin, ensuite par Mme Godinet-Gastrique, puis M Daguineau et enfin par M Peuchant.
En 1851, il absorbe le journal légitimiste vannetais La Bretagne et s’appelle Le Lorientais-La Bretagne, journal politique, judiciaire, maritime et des intérêts communaux, c’est alors un trihebdomadaire. Ses principaux collaborateurs sont MM. de Cadoudal et de Livonnière.
Le Lorientais devient partisan de l’Empire, en 1852. Sous la direction de l’imprimeur Peuchant, il prend le titre de Lorientais-Bretagne. Ce journal disparaît en 1859 à la mort de son propriétaire. Le matériel de l’imprimerie est acheté par L.J. Victor Auger, qui fonde le Courrier de Bretagne, mais il n’y a pas de succession immédiate avec Le Lorientais.
7 Dans un article du dimanche 1er janvier 1922 un éditorialiste du Nouvelliste du Morbihan fait état des ancêtres lorientais du journal.
23. 22
Le Courrier de Bretagne est un bihebdomadaire, publié à Lorient du 8 septembre 1859 au 21 octobre 1886. Il est dirigé de 1859 à 1883 par L.J. Victor Auger, puis de 1883 à 1886 par Druilhet-Lafargue, au 100 de la rue du Port.
Un arrêté du Ministre de l’intérieur, daté du 16 août 18598, autorise Auger à créer à Lorient, un journal traitant de matières politiques et des questions d’économies sociales. Arrivé à Lorient depuis trois jours Auger lance le premier numéro du Courrier de Bretagne le 8 septembre 1859. Le rédacteur en chef du journal remercie le gouvernement impérial de sa confiance et se déclare au service de l’ordre et du progrès bonapartiste.
Le propriétaire et rédacteur en chef du Courrier de Bretagne, L.J. Victor Auger est un ancien journaliste (1848/1852), collaborateur de divers journaux politiques et littéraires de Paris. Il est membre de la Société des Gens de Lettres. C’est un partisan de Napoléon III, sa ligne éditoriale reflète son attachement au pouvoir en place.
Selon ses propres termes, le journal souhaite informer ses lecteurs dans les domaines politiques, maritimes, agricoles par le biais de ses correspondants départementaux, régionaux, et parisiens. Un feuilleton est publié régulièrement, signé par des écrivains amis du directeur. Ce titre lorientais à vocation départementale est diffusé à Lorient, Vannes, Ploërmel et Pontivy.
Malgré sa place marquée dans la presse régionale son tirage baisse vers 1880. Le 25 mars 1883 le journal passe aux mains de Druillet-Lafargue, républicain indépendant. Le journal change radicalement de tonalité politique tout en conservant la même forme. L’imprimerie Druilhet-Lafargue garde le même titre, la même parution et le même format au Courrier. Le sous-titre change et devient Courrier de Bretagne - Journal Lorientais.
Le titre principal est accompagné par un second journal, L’Annonce Bretonne, journal hebdomadaire, commercial, industriel, de 1882 à 1884.
Selon ce qui est indiqué dans le catalogue de la bibliothèque de la ville de Lorient, dressé en 1896, le Courrier de Bretagne a cessé de paraître pour cause d’incendie. Le dernier numéro archivé à la Bibliothèque Nationale de France date du 21 octobre 1886, 86e année.
Il est à noter, pour confirmer la succession ininterrompue de ce lignage de journaux que le numéro d’année du dernier exemplaire du Courrier est la 86e année, ce qui correspond
8 Informations issues du premier numéro du Courrier de Bretagne.
24. 23
à la création du premier journal de la filiation, le Courrier de Lorient et du Morbihan ; sachant que l’année 1842 des Affiches, annonces et divers avis de la ville de Lorient porte le n°41.
Le Nouvelliste du Morbihan de 1883.
Un second titre, apparenté au Courrier de Bretagne, est lancé le 14 mars 1883, le Nouvelliste du Morbihan. Journal du peuple. Druilhet-Lafargue diffuse cette parution hebdomadaire du samedi qui reprend les informations du titre principal.
En 1884 s’effectue la fusion des deux hebdomadaires annexes du Courrier de Bretagne, Le Nouvelliste du Morbihan et L’Annonce Bretonne.
La deuxième série de la forme première du Nouvelliste, intitulée Le Nouvelliste du Morbihan et Annonce Bretonne réunis, semble, selon René Kerviler, n’avoir été tirée que quelques mois.
Alexandre Cathrine écrit qu’à la suite du décès de l’imprimeur Druillet-Lafargue, sa veuve continue quelques temps à faire paraître le Nouvelliste du Morbihan puis cesse. Il semble que ce titre s’interrompe au printemps 1884. (Le numéro 14 de 1884 est le dernier exemplaire de cette série archivé aux Archives départementales du Morbihan).
UN NOUVEAU JOURNAL A LORIENT
A la fin de l’année 1886 Alexandre Cathrine a succédé comme maître imprimeur à Druillet-Lafarge.
Dans le premier numéro du Nouvelliste il est écrit : « …Le Nouvelliste qui a été dans le principe une annexe du Courrier de Bretagne, l’un des plus anciens journaux politiques et qui depuis longtemps a fait autorité dans le département, a changé de propriétaire et est aujourd’hui une fusion de ces deux feuilles. »
Le Courrier de Bretagne a cédé la place au Nouvelliste du Morbihan. Le premier numéro du Nouvelliste paraît le jeudi 30 décembre 1886.
27. 26
Jeudi 30 décembre 1886 : lancement du Nouvelliste du Morbihan d’Alexandre Cathrine
Le journal a été préparé dans la journée du 26 et 27 décembre et tiré le 28 par l’Imprimerie Lorientaise (ancienne imprimerie du Courrier de Bretagne), dont le gérant est A. Guyomar. Il sort à 11 heures du soir. Porté dès le petit jour au kiosque et chez les marchands de la ville, ce tirage se vend rapidement.
Le journal démarre son existence, paraissant deux fois la semaine, daté du mardi et le vendredi, au prix de 10 centimes.
Le Nouvelliste du Morbihan, Organe des intérêts du département – Feuille d’annonces Judiciaires et Commerciales se présente sur un format de quatre pages de 42 x 30 cm. Ses bureaux et son imprimerie se tiennent au 100 de rue du Port à Lorient.
Alexandre Cathrine choisit le Nouvelliste du Morbihan, comme titre pour son journal. Pour lui, son sens est simple : il apporte les nouvelles du Morbihan.
Un sous-titre complète la formule initiale « Organe des intérêts du département ». Reprenant la suite du Courrier de Bretagne, Le Nouvelliste du Morbihan n’est pas l’organe d’un parti.
Pourquoi ne pas prolonger le titre d’origine ?
Selon Alexandre Cathrine, le Courrier de Bretagne a soutenu de violentes polémiques, et s’est forgé une image négative quelques mois avant sa reprise.
Cette affirmation laconique nous laisse sur notre faim. Contre qui, dans quel contexte ? Pourquoi avancer cet argument ?
Avant 1883, le journal était engagé du côté des bonapartistes. Idéologie divisée et rapidement obsolète après la défaite de 1870 et le décès du prince impérial Eugène Louis- Napoléon, en 1879 lors des combats du Zoulouland en Afrique du sud. En 1885 elle soutient Boulanger puis en 1893 se confond avec la droite monarchiste et révisionniste.
L’image du Courrier étant brouillée, c’est le titre de Nouvelliste du Morbihan qui est choisi, ce nom étant utilisé au préalable par une édition hebdomadaire annexe du Courrier de Bretagne.
28. 27
Le sous-titre du Nouvelliste varie pendant la guerre 14/18 pour devenir Journal Républicain. Feuille d’Annonces Judiciaires et Commerciales, puis en 1921, Journal Républicain Quotidien. Feuille d’Annonces Judiciaires et Commerciales. Après 1941 il reste Quotidien du Soir. Journal d’Annonces Judiciaires et Commerciales.
L’idée d’un journal indépendant
Le Nouvelliste diffuse les actualités générales et locales, se rangeant dans la presse indépendante d’information. Il se veut le reflet précis de l’actualité lorientaise et morbihannaise, optant pour une ligne de neutralité politique.
Le succès commercial du Nouvelliste dans la région lorientaise vient du fait qu’il reste tout au long de son existence un organe de presse de proximité, dosant avec habileté ses informations nationales, locales et départementales. Journal grand public, républicain modéré, il revendique une certaine impartialité.
L’objectif des rédacteurs est « de rendre compte de tout ce qui est capable d’intéresser les lecteurs, de différents niveaux d’éducation et de toutes les sensibilités politiques, en réalisant une synthèse de ce qui s’écrit dans les journaux d’opinions diverses ». Ils réalisent de fait une revue de presse facile à lire reprenant les éléments essentiels des informations générales.
Pour André Degoul9, avant la création du Nouvelliste il n’y a pas de journal local à Lorient, « les feuilles qui existaient alors étaient surtout des feuilles d’opinion, dont le rôle était de soutenir telles ou telles doctrines, telles ou telles personnalités. ». Le Nouvelliste est né de l’idée de « réaliser un journal de tous, accessible à tous, indépendant et impartial ; être le journal pratique, le journal utile et, en même temps le journal honnête et sain10 ».
Cette affirmation encensoir doit être pondérée car l’organisation de presse du Nouvelliste est avant tout commerciale, elle a la volonté d’être grand public ; c’est à dire disposer d’un lectorat potentiel le plus large possible.
9 André Degoul, conservateur de la bibliothèque municipale de Lorient de 1933 à 1939. Après le décès d’Alexandre Cathrine, père, en 1920, il est rédacteur en chef du Nouvelliste jusqu’en 1923. ( voir l’article sur A. Degoul dans le Nouvelliste du 14/12/1932 et sa biographie dans Un siècle de journalisme breton de Lucien Raoult).
10André Degoul, discours lors des obsèques d’Alexandre Cathrine.
29. 28
Le commentaire d’un autre Lorientais contemporain est plus critique, selon Louis Cren, dans un historique succinct de la presse locale, « ce journal à faits divers était pauvrement rédigé ; très lu par la population ouvrière et commerçante de notre ville. »
La critique est sans nuances sur la qualité rédactionnelle, mais elle reconnaît la popularité du journal à Lorient.
La presse de Province sous la Troisième République
Le jeune Nouvelliste trouve dans son époque un cadre bénéfique. La presse en province tient un rôle de premier plan sous la Troisième République. Selon J. Kayser en 1892, il existait 257 « quotidiens » départementaux et locaux, 89 villes avaient le leur. Ce chiffre n’intègre pas les hebdomadaires, bi et tri-hebdomadaire parfois publiés à l’échelon du canton.
L’intérêt politique de la presse de province, des quotidiens départementaux, des hebdomadaires d’arrondissement est évident. Les journaux sont en contact direct avec les populations auxquelles ils s’adressent. Ils ont une pratique du journalisme politique très au fait des réalités de leur territoire, qui selon les courants d’opinion répond à la demande de leur lectorat. Dans la forme, toutefois, il y a peu de différence avec les journaux parisiens.
La presse régionale suit les mêmes courants que ceux de la presse parisienne, mais le développement de l’information locale et la création des éditions multiples vont lui permettre de s’attacher une clientèle rurale
La presse de province entre les deux guerres augmente son tirage au détriment des journaux de la capitale. En parallèle s’effectue une concentration des titres absorbés par d’autres, plus forts.
Les progrès techniques ont donné à la presse de province un avantage sur la presse parisienne ; les grands quotidiens régionaux ont créé à Paris des bureaux de rédaction qui transmettent les informations recueillies de toutes parts. Le journal de Paris arrive donc en Province avec un léger décalage par rapport à son concurrent local.
Mais la presse de Province se trouve elle-même confrontée à une redoutable concurrence avec le développement de la radio elle ne peut plus s’aligner sur l’instantanéité des informations nationales et internationales diffusées sur les ondes. Son avantage reste alors
30. 29
celui de la circulation de l’information de proximité et de l’information locale. Renseignée par un réseau d’informateurs et de correspondants, elle est sur le terrain, au plus près du lectorat.
Le journal local informe ses concitoyens sur ce qui se passe dans sa région, dans sa ville. De plus, le développement de l’automobile permet de ravitailler quotidiennement en presse l’ensemble des communes.
Au total, on a compté près de 2 000 périodiques11 provinciaux, dont l’histoire s’est calquée sur l’évolution politique des régions.
De 1914 à 1939, le tirage de la presse de province passe de 4 à 6,5 millions d’exemplaires, mais en même temps le nombre de titres est réduit de 240 quotidiens en 1914 à 175 en1939.
Cette presse, en 1939 est rattachée à deux syndicats, celui des quotidiens de province ou le consortium de la presse régionale catholique, qui à lui seul contrôle alors onze quotidiens et une quarantaine d’hebdomadaires.
Dans le Nord, trois puissants quotidiens se partageaient la clientèle, Le Grand Echo du Nord (créé à Lille en 1819), Le Réveil du Nord (créé en 1889), Le Journal de Roubaix
( créé en 1856). Deux autres titres sont notables, Le Progrès de la Somme, Le Journal d’Amiens.
Dans l’Est deux titres dominent, L’Eclaireur de l’Est de Reims et L’Est républicain de Nancy. En Alsace on trouve avant-guerre une presse généralement bilingue, Les Dernières Nouvelles de Strasbourg, La France de l’Est de Mulhouse et L’Elässer Bôte.
Lyon possède plusieurs grands journaux, principalement, Le Progrès, Le Nouvelliste et le doyen fondé en 1848, Le Salut Public. Plus au Sud on trouve Le Petit Dauphinois.
Dans le Midi, à Marseille le plus ancien Le Sémaphore remonte à 1828, mais les plus gros tirages concernent le Petit Marseillais, le Petit provençal et Marseille-Matin. A Nice on trouve L’Eclaireur de Nice et Le Petit Niçois. A Montpellier il y a L’Eclair et Le Petit Méridional, à Toulouse, La Dépêche des frères Sarraut dont l’influence rayonne sur 30 départements et L’Express du Midi.
11 Histoire de la presse parisienne, René Mazedier,Edition du Pavois, Paris 1945 ( p 270).
31. 30
A Bordeaux, trois grands journaux se partagent le lectorat, La Petite Gironde qui tire chaque jour plus de vingt éditions, La France de Bordeaux, et La Liberté du Sud-Ouest.
Dans le Centre de la France paraissent Le courrier du Centre à Limoges, La Tribune à Saint-Etienne, Le Centre à Montluçon, L’Avenir du Plateau central et Le Moniteur à Clermont-Ferrand, La Dépêche du Centre à Tours et le Journal du Loiret à Orléans.
Dans l’Ouest, le plus ancien est Le Journal de Rouen fondé en 1762. Citons encore, Cherbourg Eclair, le Journal du Havre et La Dépêche de Rouen.
En Bretagne12 il existe en Ille et Vilaine, La Bretagne, Le Nouvelliste de Bretagne, Maine, Anjou, Normandie et L’Ouest Eclair.
L’Ouest Eclair est fondé en 1899 par l’abbé Trochu, de tendance « sillioniste13 ». Il va être diffusé sur 15 départements de l’Ouest, dont les Côtes du Nord, la Loire Inférieure, le Finistère et le Morbihan, il est publié dans 16 éditions locales (tirage jusqu’à 500 000 exemplaires).
A Nantes, on trouve Le Phare de la Loire, de Bretagne et de Vendée. Dans le Finistère La Dépêche de Brest et de L’Ouest est diffusée en 5 éditions locales.
Dans le département du Morbihan, outre L’Ouest Eclair, l’autre quotidien est Le Nouvelliste du Morbihan, diffusé à Lorient et dans sa région. Ces journaux coexistent avec quatre hebdomadaires notables, Le Morbihan14, Le Nouvelliste de Vannes, La Revue Economique de l'Ouest15 et L’Ouest Républicain16 de la société éditrice du Nouvelliste du Morbihan.
La concurrence
Le Nouvelliste se veut un organe d’information lorientais et morbihannais. Il n’a jamais eu d’ambition régionale : il va diffuser entre les deux guerres deux éditions
12 A few facts about France, Service d’Information – Mission militaire de liaison administrative,
( US Army) 1944
13 Le Sillon (1894-1910), revue de Marc Sangnier, prônant un catholicisme social.
14 30 000 exemplaires
15 5 000 exemplaires
16 15 000 abonnés
32. 31
hebdomadaires complémentaires, L’Eclair du Finistère et L’Ouest Républicain, l’une couvrant le Finistère, l’autre le Morbihan.
L’Ouest-Eclair refoule petit à petit le Nouvelliste de la partie orientale du département.
Son édition du Morbihan date de janvier 1921, celle de Lorient arrive fin novembre 1941.
Le Nouvelliste du Morbihan publié pendant 58 années, du 30 décembre 1886 au 05 août 1944, a coexisté avec d’autres organes de presse pour devenir en 1939 le seul journal d’information lorientais et le seul quotidien du Morbihan.
La concurrence lorientaise
A Lorient, la presse locale ou départementale concurrente du Nouvelliste a de nombreux représentants au succès variable. Bien évidemment les journaux parisiens ou régionaux sont également présents.
Dans un article du Nouvelliste du 28 février 1897, on cite La Lanterne et son supplément L’Intransigeant, Le Petit Parisien et autres journaux de la capitale.
Afin d’évaluer la concurrence, il peut être pertinent de dresser un bilan chronologique, ne retenant que les parutions au minimum hebdomadaires ; les journaux électoraux sont également écartés.
Le premier numéro du Nouvelliste du Morbihan du 30 décembre 1886 se trouve face à dix autres journaux locaux à Lorient. Il va devoir gagner son lectorat sur ses concurrents, il s’engage dans une conquête commerciale et éditoriale.
Comment se démarquer de ce qui existe déjà ? Il est nécessaire de se positionner en décalage par rapport aux autres titres lorientais. Alexandre Cathrine décide de s’inscrire dans le créneau du journal d’information apolitique. Sa neutralité éditoriale se situe entre opportunisme et orléanisme, évoluant dans le cadre républicain lorientais.
Ses concurrents engagés dans le débat idéologique sur sa droite, pour le parti des Blancs, Le Morbihannais(1879-1917) et Le Courrier des campagnes (1872-1917).
De l’autre côté, chez les Bleus se trouvent Le Phare de Bretagne (1879-1914), Le Phare des campagnes (1883-1894), Le Progrès du Morbihan (1884-1942) et La Bretagne (1886-1887).
33. 32
Il existe aussi trois titres à vocation d’information générale. L’Avenir du Morbihan (1876-1944) est édité à Vannes, L’Union agricole du Finistère (1884-1942) à Quimperlé. Quant à L’Avenir de Lorient (1885-1887), il disparaît rapidement.
Enfin, dans le domaine culturel lorientais on trouve La Lorgnette de Bisson (1885- 1887).
S’il n’en reste qu’un…
Du 30 décembre 1886 au 05 août 1944, le Nouvelliste du Morbihan va coexister plus ou moins longtemps, selon les titres, avec 83 périodiques locaux17, ayant un tirage au moins hebdomadaire.
Lorient, sous la Troisième République voit donc sa presse locale vivre une véritable explosion de titres. En affinant les chiffres, on peut voir évoluer la multiplicité des parutions. Ainsi de 1886 à 1914 il existe 63 titres paraissant à Lorient. Sur ce nombre 47 ont une existence supérieure à une année, 24 supérieure à 3 ans, 15 supérieure à 10 ans.
En 1908 les radicaux-socialistes publient La Dépêche de Lorient, imprimé Cours de Chazelle. Mais ce journal ne trouve pas le succès escompté. Il cesse de paraître et son matériel est racheté par le Nouvelliste.
Une vingtaine de journaux, au moins, naissent et disparaissent à Lorient entre 1887 et 1899.
Début
Fin
Années de parution
Titre
1886
1887
2
Bretagne (La)
1887
1888
2
Petit Lorientais
1887
1889
3
Semaine républicaine
1888
1889
2
Petit Phare (Le). Edition du Morbihan Suite du « Petit Lorientais »
1890
1890
1
Alarme
1889
1891
3
Avenir (L’) illustré du Morbihan
1889
1891
3
Flotte (La)
1889
1892
4
Indépendant de la Bretagne
1889
1892
4
Patriote (Le) breton
1891
1893
3
Télégramme (Le)
1893
1893
1
Programme (Le)
17 Ce chiffre n’inclut pas les journaux publiés à l’occasion d’élections.
34. 33
1893
1893
1
Réveil du Morbihan (Le)
1892
1894
3
Liberté (La) morbihannaise
1894
1894
1
Eclaireur (L’)
1893
1895
3
Lorientais (Le) et le Télégramme réunis
1897
1898
2
Avant-garde ( L’) du Morbihan
1897
1898
2
Mer (La)
1898
1899
2
Lorientaises soirées
1898
1899
2
Vérité (La) lorientaise
1899
1899
1
Nouvelle (Les) lorientaises
Le Nouvelliste, au début du siècle, se félicite déjà de sa constance, Alexandre Cathrine s’auto-satisfait de sa réussite commerciale : « Leur durée éphémère et notre succès grandissant ont montré que notre programme avait donné satisfaction à tous. »
Après 1914, on assiste à un resserrement de la multiplicité des titres paraissant à Lorient. De 1914 à 1944, 26 titres coexistent avec le Nouvelliste.
Sur l’ensemble de la presse lorientaise à cette époque 23 ont une existence supérieure à une année, 17 supérieure à trois ans, 12 supérieure à 10 ans.
Après 1930 il reste 12 titres locaux en concurrence avec le Nouvelliste, à Lorient.
En 1940, ils sont 6 ; Le Nouvelliste du Morbihan est le seul quotidien Lorientais. On retrouve trois titres existant déjà en 1886, L’Avenir du Morbihan, Le Progrès du Morbihan, tous deux hebdomadaires de Vannes et L’Union agricole du Finistère, un tri-hebdomadaire de Quimper. L’Eveil du Morbihan, hebdomadaire, crée en 1939 disparaît à l’automne 1940. L’Ouest républicain et le Petit Lorientais sont des titres hebdomadaires édités par la société propriétaire du Nouvelliste.
Cependant la position dominante du Nouvelliste à Lorient ne se fait pas sans compromis. La création en 1929 de la Presse de Basse Bretagne S.A. marque un tournant. Le Nouvelliste qui appartient désormais à cette société est pour un temps dirigé par un représentant de l’abbé Trochu, de L’Ouest Eclair. Mais en 1932 le Nouvelliste reprendra son indépendance.
Le récit détaillé de ses événements est relaté dans le chapitre concernant Alexandre Cathrine fils.
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L’union fait la force
Le syndicat de la presse morbihannaise.
Le Nouvelliste ne fonctionne pas uniquement dans une logique de marché. Il prend part active à la vie de la corporation et se positionne rapidement comme un interlocuteur incontournable dans ce milieu.
Il semble manquer aux journaux morbihannais un organe commun leur donnant plus de poids face à des problèmes communs. Au mois d’août 1890 est fondé le syndicat de la presse morbihannaise ; il se déclare ouvert à tous les journaux du département, sans exception d’opinion.
L’Avenir de la Bretagne, L’Avenir illustré de l’Ouest, L’Avenir du Morbihan, La Flotte, L’Indépendant de Bretagne, le Journal de Ploërmel, Le Journal de Pontivy, Le Lorientais, Le Phare des campagnes, Le Phare de Bretagne, L’Union universitaire et Le Nouvelliste du Morbihan y adhèrent dès l’origine.
Ce syndicat comprenant les rédacteurs, les propriétaires et administrateurs des journaux a pour objet :
«- de défendre en toute occasion où il jugera utile les intérêts moraux et matériels de ses membres.
- de défendre les intérêts communs des journaux syndiqués par tous les moyens que le syndicat jugera nécessaires
- de servir de tribunal arbitral et d’honneur dans tous les conflits pouvant surgir entre ses membres en matière de presse
- de venir en aide à ceux de ses membres qui seraient dans le besoin, tant en leur fournissant des secours en raison des ressources communes qu’en leur prêtant un appui pour la recherche d’emplois nouveaux. »
Les premiers élus de ce syndicat sont, comme délégué Le Beau, du Phare de Bretagne, et Baumal, de L’Avenir de la Bretagne, secrétaire-trésorier.
Les journaux de cette association professionnelle sont partisans de l’idéologie républicaine. Le Nouvelliste s’intègre à ce bloc, face à celui la presse des Blancs.
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Quelques temps plus tard Alexandre Cathrine fonde avec d’autres directeurs de journaux l’Association professionnelle des journalistes de l’Ouest, il y prend une place éminente.
Une résonance nationale : le Congrès du Syndicat des Quotidiens de Province
La presse morbihannaise évolue après la Première Guerre mondiale un grand nombre de titres disparaît. Le Nouvelliste est devenu l’unique quotidien du Morbihan, il atteint une notoriété nationale à la fin des années trente.
Ce nouveau statut se confirme, lorsque le 24 juin 1938, il reçoit dans ses bureaux, le Congrès du Syndicat des Quotidiens de Province. Une quarantaine de journaux est représentée sous la présidence d’Ernest Gaubert. Alexandre Cathrine, est le trésorier de cette association.
Le Progrès de la Somme, le Salut Public, Le Département, L’Alsacien, Le Mémorial, Paris-Centre, Le Républicain, Le Petit Comtois, Le Journal de Fécamp, Le Petit Haut- Marnais, Le Sémaphore, La Gazette de Biarritz, Cherbourg-Eclair, Le Patriote de Pau, Le Journal d’Amiens, Le Télégramme de Boulogne et Le Républicain Lorrain font partie de cette réunion.
A la fin des années 30 Le Nouvelliste du Morbihan est à son apogée.
Le Nouvelliste du Morbihan s’est imposé à Lorient malgré une véritable floraison de titres concurrents. Quotidien depuis la grande guerre, il connaît un succès grandissant. Journal républicain d’information, il s’adresse à la population urbaine, maritime et rurale de la région lorientaise. Il agrandit son lectorat entre les deux guerres par la diffusion de deux hebdomadaires en Finistère et Morbihan. Son succès est soutenu par un solide groupe de presse régionale qui rayonne autour de Lorient sur le sud de la Bretagne et par une évolution technique, toujours à la pointe du progrès, dans le domaine de l’imprimerie.
A la direction du journal, depuis sa création, se trouve la famille Cathrine, Alexandre le père, puis le fils.
1 – 2 LA DYNASTIE CATHRINE
Le Nouvelliste du Morbihan, tout au long de son histoire, est le journal d’une famille. Cette dynastie par ses publications et son implication dans la vie locale va marquer de son empreinte la cité lorientaise de la fin du dix-neuvième siècle à la Seconde Guerre mondiale.
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Alexandre Cathrine père, le fondateur.
Alexandre Cathrine est né à Pontivy, alors Napoléonville, le 07 mai 1860. Il est issu d’une famille d’artisans. Ils s’installent peu après cette naissance à Lorient, dans le quartier de Kerentrech. Alexandre a deux frères18 et une soeur.
A 12 ans il fait son apprentissage de typographe à l’imprimerie Chamaillard, 67 rue du Morbihan, à Lorient (devenue ultérieurement imprimerie Bayon), puis part à Nantes pour se perfectionner dans son métier.
Il revient à Lorient en 1886, âgé de 26 ans. Maître imprimeur il succède à Druillet- Lafarge, à la tête du Courrier de Bretagne.
Le Courrier de Bretagne est acheté à la veuve de Druillet-Lafarge par les deux frères Charles et Alexandre Cathrine pour fonder Le Nouvelliste du Morbihan le 30 décembre 1886.
Le capital investit se monte à 4 000 francs or, la moitié de cette somme est constituée d’un emprunt. Alexandre devient bientôt l’unique propriétaire, Charles prenant en charge l’imprimerie.
En 1893, le patron du Nouvelliste se marie avec une demoiselle Guyomar de Ploemeur. Ses parents lui apportent une dot constituée du fruit de la vente de leur ferme de Kerolay, terrain vendu à l’armée pour la construction du quartier Frébault. De cette union vont naître deux garçons et une fille, Alexandre, Georges et Yvonne.
La dot est investie dans l’achat d’une rotative Marinoni à quatre pages, pouvant tirer 12 000 exemplaires à l’heure. Alexandre déménage au 93 de la rue du Port.
Dans les colonnes du journal on présente Alexandre Cathrine comme un entrepreneur avisé, et un employeur paternaliste. Patron fidèle à la mentalité de la bourgeoisie de son temps, ses devises sont « In labore salus » et « Sois sévère pour toi-même, indulgent avec les autres ». Il se veut proche de ses ouvriers, car ancien typographe et paraît ouvert aux idées sociales modérées de son temps. Alexandre Cathrine est le premier entrepreneur à Lorient, à créer une retraite pour ses employés, par versements mensuels qu’il double. Au mois de juillet
14 Auguste, Charles ; le prénom de sa soeur n’est pas cité dans les écrits d’Alexandre Cathrine parus dans le Nouvelliste.
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1920, il reçoit la médaille d’argent du Ministre du Travail, au titre de la Caisse Nationale des Retraites pour la vieillesse.
Devenu notable de Lorient, il reçoit les palmes académiques des mains du ministre de la Marine, Pierre Baudin, en 1913, lors des fêtes du lancement de la Provence. Par deux fois il siège au Tribunal de Commerce comme juge (la seconde fois en 1920) Dans le monde de la presse, il est reconnu. C’est un des fondateurs, et un membre important de l’Association professionnelle des journalistes de l’Ouest.
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Habile administrateur et travailleur infatigable, il a accompli en quelques années l’essor de son organisation de presse.
En 1914, quand la guerre arrive, malgré la désorganisation générale, le départ d’une partie de son personnel au front et le rationnement du papier, il réussit le tour de force de faire passer le tirage de son journal de trois à six fois par semaine.
Ses deux fils sont mobilisés. L’aîné, Alexandre, officier de complément dans l’infanterie, puis dans les chars, revient après 43 mois de service en première ligne. Georges, le second, étudiant en médecine, est réformé en 1917, après avoir été gazé sur le front de la Somme, en avril. De retour, gravement malade, il décède des suites de ses blessures, fin septembre 1925.
Après la guerre, Alexandre Cathrine crée en juin 1920 un second organe de presse moins centré sur Lorient, L’Ouest Républicain. Ce nouveau journal est dirigé par son fils Alexandre.
Alexandre Cathrine meurt subitement d’une embolie pulmonaire le 4 novembre 1920, à l’âge de 60 ans.
Charles Cathrine, le frère du fondateur.
Charles Cathrine, est né à Kérentrech (Lorient) en février 1868. Tout comme son frère, il a fait son apprentissage à l’imprimerie Chamaillard de Lorient. Après la fondation du Nouvelliste en 1886, il prend la tête des services de l’imprimerie dont il dirige l’ensemble des évolutions techniques tout au long de sa carrière. Dans le domaine social, il est l’un des créateurs de la société de secours mutuels « L’Industrielle », dont il est le président quelques années. Il décède à la fin du mois de décembre 1933, après être resté paralysé depuis le début du mois d’avril de la même année.
Alexandre Cathrine, fils, le successeur.
Le 14 novembre 1920, Alexandre Cathrine, fils, annonce en première page qu’il prend la direction du Nouvelliste. Il écrit « Le meilleur hommage que je puisse rendre à la mémoire
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du créateur de ce journal, est de maintenir son oeuvre dans la ligne de conduite qu’il avait tracée. »
Le fils aîné a 26 ans quand il succède à la direction du journal de son père. Il devient le directeur du Nouvelliste et plus tard administrateur délégué de la société de Presse de Basse- Bretagne. Un triumvirat gère l’affaire, le fils aîné est épaulé par sa mère et son oncle Charles.
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Alexandre Cathrine, fils – en 1936
Alexandre Cathrine poursuit l’expansion du Nouvelliste. Il fait adapter les ateliers aux évolutions techniques de l’imprimerie et entreprend des agrandissements ; il inaugure en 1926 les nouveaux immeubles du Nouvelliste.
Alexandre Cathrine revendique sa qualité d’ancien combattant. Chevalier de la légion d’honneur, au printemps 1923, Croix de guerre (5 citations), il s’est notamment distingué comme lieutenant au 505e régiment de chars de combat lors de l’offensive en 1918. Malgré ce passé militaire élogieux, il ne s’engage pas dans le domaine politique. C’est un personnage au caractère vif et au tempérament autoritaire.
Il se présente un esprit ouvert, intéressé par l’évolution du monde. Il se dit inspiré par Herbert Spencer19 et écrit en 1926, dans le Nouvelliste que « l’avenir nous réserve des sociétés dont nous ne pouvons même pas soupçonner la forme ».
La Presse de Basse Bretagne S.A.
L’abbé Trochu, patron de l’Ouest Eclair à Rennes souhaite prendre le contrôle de l’ensemble de la presse régionale de l’Ouest. Les titres absorbés sont destinés à devenir des satellites de son journal. Ce patron de presse est soutenu par l’agence parisienne Havas qui monopolise la distribution de la publicité en France. L’abbé fait des propositions d’achat à Cathrine qui refuse cette offre.
Au début de 1929 la pression s’accentue, un projet d’intimidation est orchestré par l’Ouest Eclair. L’installation d’un nouveau journal concurrent est annoncée. Lorient-Soir, nouveau quotidien lorientais doit paraître sous peu. Une grande banderole accrochée aux balcons du 57 rue du Port en fait la publicité. Le bruit court que le financement est bouclé et que deux hommes au service de l’abbé Trochu, M Le Gal pour la rédaction et M Péhard se préparent au lancement de ce nouvel organe de presse.
Dès lors le péril est grand pour le Nouvelliste, deux quotidiens ne peuvent vivre à Lorient, le potentiel de lecteur est insuffisant.
15 Herbert Spencer (1820-1903) est un philosophe britannique considéré comme l’un des précurseurs de la sociologie et surtout connu pour ses travaux sur les changements sociaux, menés selon une perspective évolutionniste.
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L’abbé Trochu réussit à faire infléchir la position d’Alexandre Cathrine. Des pourparlers ont lieu sous l’égide de M Esvelin, avocat pour le Nouvelliste et de M Brisset notaire du groupe Ouest Eclair / Havas.
Alexandre Cathrine, seul propriétaire, signe la vente du titre et du fonds de commerce à société anonyme « La Presse de Basse Bretagne ». Le matériel est vendu à l’Ouest Eclair. Mais si le journal change de main, le titre reste inchangé. La Société de Presse de Basse Bretagne est enregistrée à Lorient le 27 avril 1929. Le capital social est de 25 000 actions de 100 francs entièrement libérées.
Alexandre Cathrine refuse la place de directeur, il ne veut pas devenir salarié de l’Ouest Eclair. Ce dernier se retire dans sa propriété familiale20, sur les bords du Blavet à Saint Rivalain en Melrand.. Le bras droit de l’abbé Trochu, M Fredouët devient responsable du Nouvelliste, Cathrine reste propriétaire des immeubles de la société.
1932, Cathrine, le retour.
En 1931 la situation évolue, l’abbé Trochu est évincé par la famille Desgrés du Lou- Hutin. Le fondateur de l’Ouest Eclair s’allie alors avec le journal Le Petit Parisien qui cherche à s’implanter en province. Il fonde L’ouest-Journal et Frédouet quitte Lorient pour le rejoindre.
Parallèlement, à la faveur d’une augmentation de capital de La Presse de Basse Bretagne S.A., le ministre Louis Loucheur devient actionnaire majoritaire. Il décède en 1932, ses héritiers souhaitent vendre rapidement ses participations dans la presse. Alexandre Cathrine rachète les actions à la moitié de leurs valeurs et se retrouve en position dominante avec en détient près de 60 % des parts.
Le conseil d’administration de La Presse de Basse Bretagne S.A. entérine cette nouvelle situation. Le vote des actionnaires lors de l’assemblée générale élit Cathrine membre du conseil d’administration.
Le conseil se compose alors comme suit :
- Président, M Thomin (Président du Tribunal de Commerce de Lorient)
- Vice-Président, M Dutartre (architecte)
- M Martinié (assureur)
16 Propriété de son épouse, fille d’Ernest Lemoine, Vice-Président du Conseil Général décédé depuis peu.
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- M Dréan (ancien entrepreneur, adjoint au Maire)
- Administrateur délégué et directeur du Nouvelliste, M Cathrine
De retour aux affaires Alexandre Cathrine relance les investissements dans du nouveau matériel dès 1934.
La drôle de guerre d’Alexandre Cathrine.
Alexandre Cathrine est mobilisé à Lorient en qualité de Commandant des P.I.L (points importants du littoral) de la Loire à Brest. Il inspecte les différentes zones et ouvrages de la défense côtière en compagnie du Général Paris, commandant de la place de Lorient et du Capitaine de vaisseau Laboureur, Major général de la Marine.
Au retour de son inspection Cathrine est averti que l’Amiral de Penfentenyo suspend la parution du Nouvelliste. En l’absence du directeur et de la commission militaire de censure le rédacteur en chef Paul Fauchoux a édité une édition spéciale annonçant l’entrée des Allemands en Pologne.
Le responsable du Nouvelliste est très irrité de cette interdiction. Il contacte Daladier, le syndicat de la presse et plusieurs ministres pour faire annuler cette décision. Il décide de braver ouvertement l’autorité de l’Amiral en maintenant la parution du quotidien. Bien que la police garde les issues du journal il réussit à forcer le blocus et à distribuer ce numéro aux Lorientais .
De Penfetenyo est furieux que l’on bafoue ainsi son autorité. Cathrine est mis aux arrêts sur le « Condé », navire mouillé à l’entrée de l’arsenal. L’épouse de Cathrine assure l’intérim à la direction du journal.
Le directeur du Nouvelliste, lieutenant, officier d’infanterie, doit être jugé par un tribunal militaire à Nantes à la fin du mois de septembre 1939. La détention souple de Cathrine se prolonge jusqu’au 24 octobre. Le tribunal militaire du XIe corps acquitte l’accusé, soutenu par de nombreuses personnalités du monde de la presse et de la classe politique.
L’Amiral froissé d’avoir été désavoué menace alors de donner sa démission. Cathrine est affecté dans une compagnie du dépôt au 65e de Nantes. Au mois de décembre 1939 Cathrine est hospitalisé pour une crise de rhumatisme articulaire. Il reste en convalescence jusqu’au mois de mai 1940. Il est nommé au service de presse du ministère de la guerre à Paris. Il voit l’effondrement militaire français et l’exode.
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De retour à Lorient au début du mois de juin, après avoir été réformé pour raisons de santé, il reprend la direction du journal. Le personnel est réduit et le Nouvelliste est soumis à une commission locale de censure.
Le 21 juin 1940 les troupes allemandes arrivent. Lors du baroud d’honneur au carrefour des Cinq Chemins à Guidel Alexandre Cathrine est présent. Selon ses propres termes « en tant que journaliste et parce que ses collaborateurs avaient la trouille. » Il dit être intervenu21 auprès des forces allemandes pour empêcher le bombardement de Lorient.
Au lendemain de la déclaration d’indépendance de la Bretagne par les autonomistes bretons à Pontivy Cathrine réagit en publiant un éditorial « Sous l’occupation notre profession de foi, France d’abord ». Le censeur allemand s’étant absenté, invité à un rendez- vous galant ménagé par le directeur du Nouvelliste.
La Kommandantur n’apprécie pas du tout cette prise de position et menace Cathrine de déportation. Le censeur allemand est remplacé par un « Alsacien » décidé à contrôler de près le contenu du journal.
Dans un premier temps le directeur du Nouvelliste s’accommode de la situation, il a de bonne relation avec le commandant allemand Thièle et son adjoint le capitaine Rochman.
Il fait confiance aux choix du maréchal Pétain mais reste hostile à l’égard des autonomistes bretons, il gêne les plans des Allemands. Il est convoqué en novembre 1940 à Angers aux bureaux de la Propaganda-Staffel Sud-West. Il maintient son attitude insoumise face au nouveau chef de la Propaganda-Aussenstelle à Vannes et en octobre 1941, campant sur ses positions, il est molesté par un censeur allemand22.
Il a remis sa démission en tant que directeur du Nouvelliste en février 1941.
Le Nouvelliste continue de paraître avec la même rédaction. Un jugement du tribunal de commerce nomme Saulnier au titre d’administrateur-gérant en l’absence de responsable légale.
17 Lorient Hebdo n° 77 / semaine du 21 au 27 septembre 1974 / p 12.
18 Hisard (C), Histoire de la spoliation de la presse française (1944-1955), La Librairie Française, Paris, 1955. ( 494 p) ( p 124-127)
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Le 21 septembre 1941 il reçoit une notification d’un ordre d’expulsion de Bretagne pour s’être montré hostile et avoir résisté aux autorités allemandes.
Interné dans un premier temps au camp de Segré23 (Maine et Loire), il rejoint sa famille à Paris. Il se trouve en résidence surveillée, contraint à pointer quotidiennement à la Gestapo, jusqu’à la Libération.
Les organismes de propagande allemande contrôlent désormais totalement la société de Presse de Basse Bretagne. Alexandre Cathrine n’étant plus là, les responsables du journal se plient sans opposition aux directives de l’occupant.
Début août 1944, après la libération de Vannes, le Nouvelliste est interdit de parution par le nouveau pouvoir qui s’installe. Il va être remplacé par La Liberté du Morbihan, dirigée par Paul Chenailler, dit colonel Morice dans la résistance.
Aux lendemains de la Libération, après 7 mois de prison préventive, lors du procès d’épuration du Nouvelliste, Cathrine est condamné, malgré son refus de collaboration, à
120 000 francs d’amende et cinq ans d’indignité nationale, pour n’avoir pas sabordé son journal dès 1940. En outre, les biens de « La Société de Presse de Basse Bretagne » sont confisqués à hauteur de 20 % de leurs valeurs.
En 1944, Alexandre Cathrine ne possède plus que 690 actions, son épouse 7 000. Son ancien collaborateur et successeur à la présidence du groupe, Marcel-Gabriel Borde en détient 7 028 ; ces parts lui auraient été confiées par Cathrine pour éviter d’avoir à les céder aux Allemands. Le reste du capital est réparti, pour 2 000 actions à la Société en commandite du Petit Parisien et d’Editions à Paris, 80 à l’office de publicité du Petit Parisien, le solde est réparti entre de petits et moyens porteurs.
Alexandre Cathrine qui proteste énergiquement n’en a pas finis avec les règlements de compte de l’épuration. Après enquête, il a été découvert qu’il a fait personnellement commerce avec les Allemands. Il a vendu les vins de sa cave aux troupes d’occupation qui avaient réquisitionné son domicile lorientais. Le procès s’ouvre le 15 mars 1946. Cathrine est condamné à cinq ans de prison et à la confiscation du quart de ses biens. La peine est atténuée ultérieurement par une mesure de grâce.
19 Interview d’Alexandre Catherine dans Lorient Hebdo n°76 et 77 (semaines du 14 et du 21 septembre 1974), pages 12 à 14.
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Alexandre Cathrine, doublement atteint par les procès d’épuration, réagit au sortir de la prison par la création du « Groupement National de la Presse Spoliée Injustement Condamnée », il est particulièrement virulent dans sa demande de révision de son procès de presse.
Mais, faut-il ne retenir que cet épilogue un peu trouble pour cerner la personnalité de ce bouillant personnage de la vie lorientaise ?
Le Nouvelliste est indissociable de la famille Cathrine. Alexandre père, puis fils avaient leur vision de ce que devait être la presse morbihannaise d’information. Ils l’ont appliquée par l’intermédiaire de leur journal qui a bénéficié d’une réelle popularité dans la population de la région lorientaise.
La méthode Cathrine : un journal d’information impartial
Dès le début, le journal s’affiche comme un organe apportant de « l’information pure et simple et de l’impartialité absolue ». Alexandre Cathrine, père, proclame avec vigueur ce credo.
Michel Denis dans l’introduction à la Bibliographie de la presse française politique et d’information générale 1865 - 1944 / 56 Morbihan24 écrit que Le Nouvelliste est un organe républicain modéré, qui se donne les apparences de l’impartialité.
Le journal traite à chaud l’événementiel national et local, et il est rare que des chroniques de fond abordent les problèmes de société. Il évoque la vie politique sans s’engager dans ses propos et traite les sujets sensibles sous forme de revue de presse.
Le succès relativement précoce du Nouvelliste peut inciter à penser que le lectorat morbihannais semble apprécier ce journal sans polémiques ouvertes où les luttes de partis passent au second plan.
La formules de base, apporter un maximum de nouvelles locales et nationales, diffuser annonces et publicité est appliquée sans éclat particulier. Rares sont les titres tapageurs. Seuls
20 Coisel (N), Bibliographie de la presse française politique et d’information générale 1865 - 1944 / 56 Morbihan, Paris, Bibliothèque Nationale, 1977.
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des faits particulièrement marquants sont mis en avant, comme une émeute ou une catastrophe.
La neutralité comme profession de foi
Le journal lorientais souhaite s’inscrire dans une démarche complétant l’éducation des citoyens, diffusant l’information à tous, non plus réservée à l’élite. Attachée à la notion de quatrième pouvoir, la rédaction du Nouvelliste se réfère à la déontologie des journalistes, à leurs droits et à leurs devoirs envers la société.
Le Nouvelliste se veut être rapporteur de la vie de la cité, organe d’information dans lequel le grand public peut se retrouver et se forger son opinion à l’éclairage général des faits
et non le propagandiste d’une idéologie partisane, ou le reflet des idées de son propriétaire.
Alexandre Cathrine, fils, en 192625 déclare : « A côté des journaux à tendance politique, qui limitent la documentation de leur lecteur – et par conséquent leur faculté d’appréciation – en ne leur présentant qu’une de toute question, il y a place pour un organe hautement impartial qui, traitant ses lecteurs en personne majeures, mettrait sous leurs yeux les divers points de vue qui s’affrontent sur le terrain politique et sans peser sur leur décision par son argumentation, leur laisserait la liberté de juger et de conclure ».
Les journaux d’opinion qui ont une grande influence dans le débat idéologique sous la Troisième République visent un public restreint. Le lectorat populaire préfère se référer à un journal généraliste, qui présente une revue de presse relatant les débats politiques et l’avis de l’opinion publique. Le Nouvelliste s’inspire de ce constat.
La conduite éditoriale du Nouvelliste se place sous l’égide de la neutralité. Pour la rédaction du journal cette formule doit présenter avec honnêteté intellectuelle les débats de société, même s’ils peuvent être dérangeant. En effet, les journalistes n’hésitent pas à faire état de leur point de vue, mais généralement en cherchant à ne pas choquer leur lectorat.
Le Nouvelliste est une entreprise de presse qui souhaite réussir et être diffusée auprès d’un large public. Il va donc utiliser les ficelles des journaux populaires d’information, rédiger des articles faciles à lire, sur des sujets qui touchent le plus grand nombre, adopter un prix
21 sous la législature du Cartel des Gauches
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plancher. Les progrès de la presse répondent à une soif de lire des populations, résultat du développement de l’instruction publique.
La formule d’un journal départemental d’information indépendant des partis semble réussir, le Nouvelliste trouve son équilibre financier, par ses ventes. Sa popularité attire les annonceurs, les insertions publicitaires compensent la faible marge bénéficiaire du prix de l’exemplaire. Le journal s’inscrit dans la logique de presse initiée par Emile Girardin.
Cette formule déontologique fonctionne en adéquation avec une logique commerciale aboutissant à une domination du Nouvelliste à Lorient. Bien qu’il rejette l’étiquette de mercantile, force est de constater qu’il devient une entreprise de presse solidement implantée au niveau départemental.
Créée en 1929 la société anonyme « Presse de Basse Bretagne » gère le Nouvelliste, quotidien du soir tire alors jusqu’à 36 000 exemplaires. Elle édite et assure la commercialisation de diverses publications, tels l’almanach du Nouvelliste.
Le Nouvelliste devient l’unique quotidien d’information morbihannais, publiant à partir des années vingt, trois éditions hebdomadaires périphériques (L’Ouest Républicain, L’Eclair du Finistère, Le Petit Lorientais).
Neutralité, impartialité : voeux pieux, tactique de marketing ou engagement déguisé d’un centrisme républicain, il est difficile de faire la part des choses.
Cette ligne directrice hors des partis doit être confrontée à l’épreuve du siècle. Est-ce que cette philosophie politique originellement proche des orléanistes va respecter son impartialité affichée tout au long de l’existence du Nouvelliste ?
L’impartialité du Nouvelliste à l’épreuve de son temps
L’absence d’engagement idéologique est une réalité pour le Nouvelliste. Le fait de porter à la connaissance des lecteurs ou non telle ou telle nouvelle est déjà en soi un choix. Information, désinformation ou pression médiatique, rien n’est innocent, quel que soit le fond du commentaire.
Afin d’évaluer la sensibilité de la ligne éditoriale politique du journal une série d’exemple est pris. Ce sondage non exhaustif est forcément basé sur l’arbitraire du choix des
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thèmes. Cependant il donne un aperçu de la façon dont le journal aborde la vie politique nationale ou locale.
Le 27 juin 1889, en première page paraît un article s’adressant aux électeurs et s’intitulant « Manifeste de la Droite ». Mais, ce document électoral plaidant contre la majorité républicaine reste un cas unique. De plus, il n’est pas signé par la rédaction.
En 1891 (20/03/1891) dans la rubrique Nouvelles du Jour, on peut y lire un article portant sur « La fortune des juifs ». Le Nouvelliste reprend des informations issues de l’Ami des campagnes. Ce type de propos reste (avant 1940) un cas isolé et pendant l’affaire Dreyfus le journal lorientais garde une ligne très neutre, ne reprenant jamais à son compte les prises de positions pro ou anti-dreyfusardes des journaux parisiens.
Le 20 août 1893 Le Nouvelliste, en première page, publie un article de Gaston Routier à propos de « L’opinion du pays – En Bretagne » après la parution de l’Encyclique pontificale de Léon XIII, Au milieu des sollicitudes. Le journaliste interroge un curé de campagne, une châtelaine, le Maire républicain de Pontivy, M Fagot, industriel, un paysan, le Maire de Locmalo. Le texte débute ainsi : « L’Encyclique pontificale a été diversement accueillie en Bretagne : avec plaisir par le jeune clergé, sans enthousiasme, mais avec obéissance par le haut clergé ; la noblesse a un peu boudé, elle boude encore ! Quant au peuple ! Il semble l’ignorer totalement. »
A propos des élections législatives de septembre 1893 Le Nouvelliste fait une revue des journaux morbihannais en citant les différentes prises de position de chacun sans que lui s’engage.
Mais le souci « d’impartialité » du Nouvelliste ne le mettait pas à l’abri des critiques d’autres organes de presse.
Le 9 avril 1894, une polémique se développe avec Le Phare de Bretagne à propos de la grève des typographes et de leurs revendications salariales. Déjà en 1893 le gérant du Phare, Mazéas avait été condamné pour diffamation (extrait des minutes du greffe du tribunal civil de Lorient / Le Nouvelliste du 27/07/1893), le 23 avril 1893, il avait publié « A L’Avenir, organe du tintammaresque Baumal. Les Cathrine et les Baumal…ces deux exploiteurs qui n’ont d’autres soucis que celui de rogner le pain de leurs ouvriers pour édifier leur fortune. Au pilori les affameurs ! ».
Lors des élections municipales du 3 mai 1896, il évoque la bataille électorale, « le réveil des électeurs lorientais ». Il présente les prises de position de la presse locale d’opinion,
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celles du Phare de Bretagne, de L’Avenir de la Bretagne, face à celles de La Croix du Morbihan et du Morbihannais.
Les conflits sociaux sont couverts par le Nouvelliste, notamment quant il y a émeute. C’est particulièrement le cas en août 1903, lors des grèves des ouvriers-paysans des Forges d’Hennebont.
L’année suivante, le 2 juin 1904, le journal titre : « Graves incidents – bris et incendie / L’Anarchie se dessine ». Après deux mois de grève, une manifestation d’ouvriers menuisiers, charpentiers et maçons se terminait violemment à Lorient, par l’incendie du chantier Moreau. Les propos du Nouvelliste à ce sujet étaient ceux d’un journal modéré, relatant ces événements en déplorant les dégâts causés, mais sans enflammer les passions.
Toutefois cette impartialité politique ne l’empêche pas de prendre des positions pour défendre Lorient. Le 22 janvier 1920, il publie une lettre ouverte au Ministre de la Marine, à propos de la question du port militaire de Lorient et du démantèlement de l’arsenal.
Son engagement dans la vie économique de l’époque lui vaut en 1925, la Médaille d’Honneur de la Ligue Maritime et Coloniale.
On peut parfois discerner un écho favorable à la cause régionaliste bretonne. C’est ainsi que dans son numéro du 25 septembre 1915, en première page est publié un article intitulé « Le régionalisme en Bretagne » ou autre exemple, dans le journal du 19 août 1926 il relate le congrès du Bleun-Brug.
Mais à l’inverse, les séparatistes bretons ne sont pas du tout appréciés. Dans le journal du vendredi 5 avril 1935, page 5, dans « La croix gammée de Breiz Atao », on y dénonce clairement la collusion des autonomistes et des nazis.
Au mois de mai 1925, après la victoire du bloc des gauches aux élections municipales à Lorient, il est à remarquer que plusieurs collaborateurs du Nouvelliste ont été élus sur cette liste. Les noms de Le Bourgo (1er adjoint), Svob (socialiste unifié, Maire de Lorient), le Dr Roux et Brangoulo.
Cependant, la ligne éditoriale du Nouvelliste garde son orientation d’impartialité politique. Cette idéologie sera réaffirmée dans son numéro spécial à l’occasion du changement de format du journal en 1926.
Le Nouvelliste apporte dans son numéro du 4 mai 1928 un témoignage intéressant sur la vie politique dans le Morbihan. Dans un article intitulé « Coup d’oeil rétrospectif sur les
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élections morbihannaises » il nous donne l’ensemble des résultats des élections législatives de toutes les circonscriptions du Morbihan de 1881 à 1928.
En 1929, Alexandre Cathrine fils est à la tête du journal depuis 9 ans. A l’occasion des élections municipales du mois de mai le Nouvelliste se félicite d’avoir « coopéré à l’éducation civique des citoyens en mettant sous leurs yeux tous les documents de nature à les éclairer et à leur permettre de se faire eux-mêmes une opinion personnelle sur les questions débattues. »
Le Nouvelliste se dit « républicain et démocrate », il souhaite « une République Démocratique et Populaire », il s’en remet à la souveraineté du peuple et au verdict des suffrages.
En 1935 Le Nouvelliste déroge à son impartialité politique le 1er mai 1935 en faisant l’éloge de la municipalité sortante : « L’oeuvre féconde de la municipalité Jules Le Grand. Le chapeau de l’article est sans ambiguïté : « Un souci de l’intérêt des lorientais – Une gestion sage et prudente des finances de la ville – Des réalisations sociales bienfaisantes – Des travaux d’urbanisme d’une importance considérable – Une sollicitude agissante à l’égard de nos sociétés sportives, telle est en résumé l’oeuvre de la municipalité sortante. »
Jules Le Grand avait été élu en 1929 à la tête de la liste de la Fédération Républicaine, Radicale et Radicale-Socialiste. En 1935, il se retire du jeu politique local.
Puis le jeudi 14 novembre 1935, le Nouvelliste interviewe Louis L’Hévéder, député socialiste de Lorient « pour un tour d’horizon politique ». Celui-ci sur une demi-page développe ses idées.
En 1936 le Nouvelliste maintient sa neutralité, il présente les résultats du premier tour des élections législatives (28/04/1936) sans faire de commentaires particuliers. Le 04 avril, il lance un grand concours de pronostics : « Quels seront les huit députés du Morbihan ? » ; le premier prix est « Une chambre à coucher moderne… ».
Mais après les résultats nationaux, il est possible de sentir peut-être une certaine réticence aux nouvelles orientations politiques. Le 8 mai il présente « Le programme d’action du Front Populaire ». Le titre de cet article de première page est : « Une première expérience collectiviste va-t-elle être tentée en France ».
Le 30 mai il signale « L’agitation ouvrière dans la banlieue de Paris », puis le 5 juin il évoque d’une façon neutre que « Le conflit ouvrier s’est étendu aux principaux centres industriels de province. ». Le 6 juin, en première page il informe : « M. Léon Blum a formé son ministère. ».
Le 9 juin dans une revue de presse il fait écho des différents points de vue sur les grèves en cours et fait le point sur celles-ci dans ses colonnes. Le 13 juin, il relate les projets
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sociaux (congés payés…semaine des 40 heures…) présentés devant la Chambre « La manifestation du rassemblement populaire » sans prendre parti, le 16 il rend compte de « La manifestation du rassemblement populaire » de Lorient : « Elle s’est déroulée dans le plus grand calme, sous un soleil d’été. » Ce changement de ton dénote-t-il alors un écho favorable à l’évolution sociale du pays ? Le 18 juin en première page l’intervention de Léon Blum, « Notre but est de développer dans le pays la capacité d’achat et de consommation… », est inscrite en gros caractères.
L’économie française est aussi au coeur de l’actualité. Le 27 septembre 1936 on peut lire en première page « Un accord franco-américain détache le franc de l’or –Convoqué d’urgence, le parlement se prononce lundi sur le taux de la dévaluation…Les réactions de l’opinion sont très diverses… »
Dans le domaine de la politique étrangère, le Nouvelliste reflète les lourds nuages annonciateurs de la guerre qui se prépare inéluctablement.
En 1933, dans la rubrique Libres opinions de nos compatriotes, un professeur d’Allemand, M. Le Paih, écrit un texte intitulé « Causes présentes et profondes du succès de l’hitlérisme »
Les choses se précisent, c’est ainsi que le 12 septembre 1936, en première page, on trouve à gauche, « L’annonce du combat décisif mondial », un article qui relate la clôture du congrès du parti national-socialiste, à droite « La situation politique et militaire en Espagne ».
En 1940, dans l’immense détresse de la débâcle le journal continue à paraître, puis quand Lorient est occupé par les troupes allemandes Le Nouvelliste devient très rapidement le relais par lequel le nouvel ordre est imposé.
La position de neutralité politique du quotidien du soir lorientais ne fait pas obstacle à la collaboration passive ou le soutien de la politique du Maréchal Pétain.
Le journal soumis aux contraintes de la propagande allemande reste jusqu’à la veille de la libération de Vannes, où le Nouvelliste était réfugié depuis 1943, le fidèle relais de l’information officielle de l’occupant et de Vichy.
A la Libération le Nouvelliste est muselé, clôturant ainsi la parution de cet organe de presse lorientais ce 5 août 1944.
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Le journal de Lorient et du Morbihan
Si l’intérêt du Nouvelliste reste mineur dans le champ politique, en général, c’est avant tout sur le terrain de la proximité que le journal prend sa consistance.
Dès l’origine il s’annonce Journal des intérêts du département, diffusant les arrêtés administratifs territoriaux et les nominations dans les différents corps de l’Etat et du clergé.
Journal des faits locaux, il relate les faits divers, informe sur l’état civil et les comptes rendus des tribunaux.
Journal maritime, agricole, industriel et commercial, il annonce les nominations et les arrêtés concernant la marine marchande et le mouvement des ports, les cours des céréales, le résultat des concours et des comices, les adjudications du département.
Il se veut également littéraire et récréatif, publiant en feuilleton les romanciers en vogue. Il se présente enfin comme un organe de publicité efficace.
Alexandre Cathrine, père, proclame dans la profession de foi du premier numéro, « enregistrer tout ce qui est capable d’intéresser les lecteurs, à quelques partis qu’ils appartiennent…Le Nouvelliste du Morbihan doit être le journal des intérêts du département, le journal des faits locaux, le journal maritime, le journal agricole, le journal industriel et commercial, enfin le journal populaire et récréatif. »
Le Nouvelliste propose une synthèse des informations nationales. Il donne les prises de position des journaux parisiens, et diffuse les nouvelles internationales des agences de presse.
Les éléments qu’il communique dans tous les détails sont les nouvelles de proximité. La rédaction rassemble les informations de la journée. Les faits d’importance locale et les nouvelles relatives aux différentes communes du Morbihan, et plus particulièrement à Lorient, sont la matière première privilégiée.
Le cadre lorientais favorable
Le Nouvelliste du Morbihan est plus qu’une simple raison sociale. Son esprit est à chercher dans la richesse du monde éditorial à Lorient sous la Troisième République. La vie de la presse locale est foisonnante, éditeurs imprimeurs répondent à la demande d’un lectorat en développement.
A Lorient les ouvriers, employés, commerçants, militaires, et les marins en tout genre font une ville jeune, à la population active, renouvelée en partie par la rotation des effectifs et des fonctionnaires. L’agglomération est une zone urbaine attractive pour la campagne
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environnante, un bassin d’emploi intégré dans un réseau de villes moyennes côtières et intérieures.
Sous la Troisième République Lorient n’a rien à voir avec un gros bourg rural. C’est une ville dont l’extension portuaire force la mutation.
La vie de la cité n’est pas figée par le poids ou le pouvoir d’une bourgeoisie sclérosante; la vie culturelle, sociale et politique y est active, les esprits sont ouverts, c’est un terreau idéal pour la presse locale.
Un journal diffusé à Lorient trouve un public dans les campagnes environnantes, drainées par l’activité économique de la cité, et dans les villes du département où l’on n’est pas indifférent aux nouvelles du port de Basse Bretagne.
Entre les deux guerres Le Nouvelliste, qui paraît quotidiennement le soir, se veut comme « une lettre intime que les Lorientais écrivent aux Lorientais pour leur donner des nouvelles de leur quartier, des nouvelles des membres de leur famille, des nouvelles de leurs amis et de leurs compatriotes, et aussi donner des avis et des conseils susceptibles de les renseigner et de les guider dans leurs activités de chaque jour ? »
Le Nouvelliste a l’ambition d’être un journal populaire d’information, c’est dans ce besoin de toucher un public large qu’il faut chercher l’idée qui va structurer sa ligne éditoriale. La rédaction du journal a donc le souci de forger une image de sérieux et d’honnêteté au regard de l’information diffusée. Le résultat est la production d’un organe de presse dans lequel le public se retrouve.
Journal populaire local et généraliste, il est une chronique fidèle de ce qui a composé la vie de la cité et des ports de Lorient. La vie urbaine qui est évoquée dans ces 58 années a disparu. L’agglomération reconstruite après la guerre a perdu la quasi-totalité de son patrimoine architectural civil, des pans entiers de sa mémoire culturelle sont partis en fumée. Toute la richesse de la vie éditoriale d’avant-guerre a été effacée.
Les collections de presse préservées, notamment celle du Nouvelliste deviennent une source historique essentielle. Elles deviennent un patrimoine, un ensemble à préserver, à transmettre aux générations futures.
Après avoir très succinctement évoqué les grands traits de caractère qui ont animé la ligne éditoriale du journal, voyons quelles formes a pris cet organe de presse au fil du temps.
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1 – 3 L’HISTOIRE MATERIELLE DU NOUVELLISTE
Le Nouvelliste du Morbihan est un journal bihebdomadaire du 30 décembre 1886 jusqu’au mois de décembre 1904. Il devient trihebdomadaire jusqu’au 5 août 1914, puis quotidien pendant la Grande Guerre jusqu’au terme de sa parution le 5 août 1944.
Le journal paraît dans un premier temps sur un petit format à 4 colonnes. Il s’élargit à 5 colonnes en août 1893, puis passe à 6 le 19 octobre 1899. Le Nouvelliste est tiré sur 4 pages jusqu’au mois d’août 1914. Pendant la guerre il paraît généralement sur 2 pages.
En 1921 il reprend progressivement sa forme à 4 pages. A partir de mars 1926 il est publié sous un format plus réduit, sur 6 à 8 pages (voire plus pour certains numéros, 12 à 16 pages). Il conserve cette formule jusqu’à l’occupation en 1940.
Le 30 janvier 1943 Le Nouvelliste se réfugie à Vannes pour continuer de paraître malgré la destruction de Lorient par les bombardements. Son format et sa pagination sont réduits.
Le dernier numéro du Nouvelliste date du 05 août 1944. Le Morbihan libéré lui succède provisoirement le 6 août.
Le parcours du Nouvelliste
L'histoire matérielle du Nouvelliste est intimement liée aux progrès techniques de l'imprimerie et à la politique éditoriale suivie par Le Nouvelliste tout au long de son existence.
Le lancement du journal
Le premier numéro qui paraît le jeudi 30 décembre 1886 est confectionné le 26 et 27. Il est imprimé le 28 par l’Imprimerie Lorientaise ; l’ancienne imprimerie du Courrier de Bretagne dont le gérant est A. Guyomar.
Le journal, bihebdomadaire à 10 centimes, démarre son existence, daté du mardi et du vendredi.