Mairies communes du Pays de Fouesnant --phpba qzou
Aux détours des paroisses - Pays de Fouesnant hyy1gh
1. BENODET
L’ODYSSEE
TREFLES.
DE
LA
GALERIE
A
L’histoire aurait pu inspirer Jean FAILLER, ou un autre auteur de polars aimant
décrypter les mystères de l'Armorique dans lesquels cavalent les blocs de pierres arrachés au
sous-sol granitique. Ces pierres artistement ouvragées par des sculpteurs inconnus sont
allées, au fil des siècles, contribuer à l’édification et l'ornement des églises, des chapelles et
autres monuments qui défient le temps et constituent le patrimoine architectural du pays.
Jean COROLLER, le distingué chercheur quimpérois, avait les blocs de granit dans
son collimateur, et il n’a eu de cesse, par une enquête longue et délicate, d’éclaircir l’énigme
posée par la « galerie à trèfles » du 37 bis avenue de l’Odet.
LA BALUSTRADE DE BENODET.
Avenue de l'Odet, le numéro 37 bis apposé sous la plaque « Les Arcades » désigne
une propriété nichée derrière une végétation luxuriante et que rien ne signalerait au passant si
ce n'était la clôture sur rue.
Un portail et un mur de maçonnerie commune qui supporte une rangée de vieilles
pierres sculptées, posées sur une assise de pierre 10 centimètres d'épaisseur. La plupart des
clôtures ont leurs caractéristiques, mais celle-ci est unique en son genre. Quatre beaux
pinacles encadrent 29 rosaces quadrilobées formant la balustrade
La pierre a été taillée dans 64 blocs
de granit tronconiques de 20 centimètres
d’épaisseur, une base de 80 centimètres et
deux côtés qui se joignent à une hauteur de
40 centimètres. Le sculpteur a donc œuvré
sur des triangles rectangles.
Dans ces pierres le ciseau du
sculpteur a tracé des lignes courbes
harmonieuses pour ajourer les angles.
Juxtaposées sur leurs côtés elles forment de
superbes rosaces quadrilobées qui leur
avaient valu, dans leur destination
première, l’appellation de « galerie à
trèfles» (à quatre feuilles).
Il s'agit de blocs de granit à gros
grain dans le ton gris accentué par le
lichen. Les archéologues et minéralogistes
que nous avons rencontrés, disent qu'elles
proviennent des carrières de Plomelin ou
celles de Pluguffan, sur la route de PontL'Abbé.
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2. Une enquête longue et difficile
Notre chercheur, persuadé de la valeur historique de ces rosaces quadrilobées alignées
devant la propriété de l'avenue de l'Odet, s'est attaché à en rechercher la provenance.
Il a d'abord questionné les proches, le voisinage. L’énigme se corsait du fait de leur présence
au sommet de " la montée du sonneur " creac’h ar soner, cette portion de rue connue des
anciens pour avoir été la côte que gravissaient naguère les justiciables jusqu'aux fourches
patibulaires où le seigneur exerçait son droit de haute justice.
Elargissant son champ d'investigations, il va vers les autorités, les personnes qui lui
sont signalées comme s'intéressant à l'histoire du pays, et il apprend :
• qu'elles viennent de l'entourage de l'ancien cimetière de Perguet où quelques éléments
subsistent encore, encadrant les marches d'accès à l’enclos côté Nord. La version
intriguait certains qui voyaient une incongruité à l'exposition en plein bourg de
Bénodet de ces trésors de l’histoire qu’ils pensaient avoir été soustraits de Perguet par
quelques personnages sans scrupules.
• d'autres affirmaient qu'elles avaient constitué autrefois l'entourage de la cathédrale de
Quimper; les mieux renseignés parlaient des ruines du couvent des cordeliers.
Abandonnant la piste de Perguet le chercheur mène son enquête à Quimper. Il élimine
l’hypothèse de l'entourage de la cathédrale. Les ruines du couvent des cordeliers ont bien été
vendues à un monsieur COLOMB, propriétaire du manoir de Tregon Mab à Ergué-Gabéric, et
qui avait des amis et des propriétés à Bénodet. Mais il apprend que les ruines du couvent des
cordeliers sont encore dans les jardins de Tregon Mab.
Puis les recherches se poursuivent par la consultation des archives départementales et
celles de l'évêché. Compulsant un dossier de démolition et reconstruction de l'église SaintMathieu à Quimper, il découvre sur les plans de l'architecte BIGOT en charge du dossier, la
description d'une architecture de pierres semblables à celles de Bénodet, qu'il appelle " galerie
à trèfles" encadrant la base du clocher avant démolition et remplacées par des linteaux en
ogives. Ceci se passait en 1897, l’adjudicataire pour les travaux d'architecture : sculptures"
flèche, clochetons, gargouilles, paratonnerre, croix et galerie à trèfles, est monsieur Jean LE
NAOUR, pour la somme de …25 012 francs 80.
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3. Le contrat précise que les matériaux non utilisés pour la reconstruction seront la
propriété de l'entrepreneur C'était l'usage à l'époque. Il n'est pas question du remontage de la
galerie à trèfles, mais de l'engagement par l'entrepreneur de donner à la tour une plus grande
largeur intérieure, ce qui est réalisé par l'enlèvement de la galerie à trèfles et son
remplacement par des meneaux à ogives.
A ce stade de ses
recherches, Jean est persuadé
d'avoir découvert la provenance des
rosaces quadrilobées de Bénodet, il
connaît le nom de l'entrepreneur qui
en a bénéficié.
Il sait aussi que celui-ci a
son atelier 12, quai de l'Odet à
Quimper (près du cap Horn), et qu'il
a participé à de très nombreux
travaux de construction de clochers
et autres ouvrages en pierres
sculptées, souvent sur des chantiers
conduits par l'architecte BIGOT.
Il reste à établir l'essentiel :
que ce sont bien ces belles pièces
d'un patrimoine architectural sacré
qui se trouvent à Bénodet, trouver
comment et pourquoi un si beau
parement de clocher est devenu la
clôture sur rue, d'une propriété
privée, qui a, il est vrai, des allures
de gentilhommière, et dont la
coiffure "des chiens assis" et le
couronnement
des
cheminées
trahissent
l’inclination
du
constructeur pour la pierre taillée et
sculptée.
Qu' y-a-t’il donc de commun
entre le clocher de l'église SaintMathieu et la clôture du 37 bis
avenue de l’Odet actuellement
propriété de la famille Jacques
PONNIER qui y habite ?
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4. LA RECHERCHE DU PROPRIETAIRE FONCIER
Partant de la seule date connue, 1897, qui est celle des travaux de démolition et de
reconstruction de l'église Saint-Mathieu, il s'agit de rechercher le propriétaire de la maison à
la balustrade à la même époque, et pour cela consulter les archives de la commune ou du
service du cadastre. On trouve à Bénodet deux plans
La section A de la commune, dans la partie comprise entre l'Odet, l'anse de Penfoul
jusqu’à la route de Quimper, et la route départementale, est une zone de culture. La plupart
des parcelles sont de petites surfaces et elles portent des noms bretons se rapportant souvent à
leur taille: foennec moan ( la prairie étroite); l'emplacement: parc tronod ( le champ près de la
mer); leur destination: douar lann (le landier ); parc foennec ( le champ de la prairie ); parc
brann ( le champ du corbeau ). Au milieu de ce morcellement de terres figure la parcelle N°
89, baptisée " parc braz " parce qu'elle est de loin la plus étendue; elle est traversée par
l'actuelle allée de Kerlidou qui y figure en tirets. La parcelle qui nous intéresse n'y figure pas;
il n'y a aucune maison de ce côté du chemin.. La surface de Parc braz était de 2 hectares 31
ares, 78 centiares.
Ce secteur de la commune appartenait presque entièrement à monsieur Auguste
ALAVOINE qui demeurait à Paris, 141 avenue de Wagram.
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5. LE PLAN DE 1933.
Près d'un siècle s'est écoulé depuis l'établissement du premier plan. En 1933 la section
de la commune de Bénodet ressemblait déjà plus à celle que nous connaissons qu'à la
description de 1840.
La propriété, maintenant située 37 bis, avenue de l'Odet, y figure sous les numéros 103
et 104, pour 8 ares, 64 centiares, qui est aussi sa surface actuelle. Si on la reporte sur le plan
de 1840 on constate qu'elle a été prise sur la surface de Parc braz.
En 1933 ce bien était la propriété indivise de Joseph LE CHAT, docteur «oculiste» et
de sa soeur Germaine, depuis le décès de leur mère, née Virginie ALAVOINE, survenu le 28
mai 1927. Les deux co-héritiers décèdent à leur tour, Joseph en 1869 et Germaine en 1873 et
la propriété est toujours en indivision.
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6. Les héritiers en ligne directe de Germaine LE CHAT, dernière décédée, renoncent à
ses biens, de même que la légataire universelle qu'elle avait désignée. Finalement le notaire a
trouvé des héritiers naturels, quatorze petits cousins éloignés qui deviennent les copropriétaires de la propriété 37 bis, avenue de l'Odet qui a été vendue en 1981 à son
propriétaire actuel.
A ce stade de ses recherches l’enquêteur, remarquant que le propriétaire des terres en
1840 était un monsieur ALAVOINE et que 140 ans plus tard la maison était vendue par la
même lignée, s'imagine volontiers que le bien n'a jamais quitté la descendance des
ALAVOINE. Erreur: Virginie ALAVOINE, après le décès de son mari André LE CHAT,
avait acheté la maison en 1913 à Jean-Louis LE NAOUR.
RETOUR AU PATRICIEN.
" Parc braz " (le grand champ) sur lequel se trouve la propriété 37 bis avenue de
l'Odet, appartenait en 1840 à Auguste ALAVOINE) Domicilié à Paris, 141 avenue de
Wagram et à Bénodet aux « ORMEAUX », une superbe résidence avec vue imprenable sur la
rivière, actuellement propriété de la famille BOUILLOUX LAFONT dont l'aïeule était
également une fille ALAVOINE.
Auguste, notre patriarche, était fortuné; outre ses biens à Bénodet il en comptait aussi
dans de nombreuses autres communes de la Cornouaille. Dans le partage réalisé après son
décès en 1858, les parcelles de la section A de Bénodet, parmi lesquelles le " parc braz, sont
revenues à son fils Auguste. L'autre fils, Joseph, décédait trois jours après son père et ses
biens furent également partagés. Ils comportaient les propriétés de Bénodet (villas, jardins et
auberges) et d'autres biens à Penmarc'h, Pluguffan, Pont-L'Abbé, au Guilvinec, Loctudy,
Pouldreuzic, Plogonnec, Plozévet, Fouesnant, Landudal, Briec. On y trouvait aussi, 14 rue du
parc à Quimper, l'hôtel de l'Epée.
Ainsi donc Auguste ALAVOINE fils héritait du «parc braz ». Les héritiers tiraient
assez rapidement profit de ces surfaces. Une grande partie des parcelles de la section A étaient
vendues à Joseph LE LOUET, un gros entrepreneur en bâtiments qui avait soumissionné pour
les travaux de l'église Saint-Mathieu, pour la construction du théâtre. C'est encore lui qui a
construit le lycée La Tour d'Auvergne sur l'emplacement du collège des Jésuites.
Le dirigeant d'une entreprise de cette taille dans le bâtiment ne pouvait qu'être au
courant de la possibilité de faire de bonnes affaires à Bénodet dont l'aura de « cité des bains
de mer » s'étendait déjà jusqu'à Paris. Sa réputation de « petit Nice » lui avait valu d'accueillir
des artistes de renom, des hommes d'affaires, qui y avaient leurs résidences d'été.
Joseph LE LOUET revendait rapidement ces parcelles de culture et y bâtissait ou
faisait bâtir des maisons. On cite, dans ce pâté de maisons, plusieurs qui datent de la fin du
X1Xe siècle et du début du XXe, pour leur caractère et leur solidité. Et parmi les acheteurs se
trouve Jean-Louis LE NAOUR. Les deux hommes se connaissent bien; deux spécialistes de la
pierre et des grands chantiers, où ils se côtoient.
Jean-Louis achète en deux actes les parcelles N°S 103 et 104 qu’il réunit et y bâtit sa
maison en 1888. En 1891 elle était imposée comme ayant une porte cochère et 9 ouvertures
(l'impôt s'appliquait aux portes et fenêtres). Les ouvertures n'ont pas changé.
Jean-Louis LE NAOUR jouira de sa maison de Bénodet pendant 25 ans et il la vendra
en 1913 à madame veuve André LE CHAT, née Virginie ALAVOINE. C'est donc en
l'achetant après la disparition de son mari, et non par succession de famille qu'elle en est
devenue propriétaire.
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7. Enfin, nous savons que Jean Louis LE NAOUR qui a bâti sa maison en 1888 et qui l'a
vendue en 1913, en était propriétaire en 1897, lorsqu'il démolissait et reconstruisait le clocher
de l'église Saint-mathieu. Devenu propriétaire par convention de la " galerie à trèfles " il en a
paré la façade de sa demeure bénodetoise sur le chemin départemental N° 45.
ET POURQUOI CES MEMES PIERRES A PERGUET
Assurément, ces belles pierres sculptées et leur couronnement en main courante, qui
encadrent les marches d'entrée dans l'enclos de Perguet par sa façade Nord, sont les mêmes
que celles de la propriété « Les Arcades » à Bénodet. Même grain, mêmes lignes de
sculptures, mêmes dimensions. Seule diffère ici la façon dont elles sont montées.
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8. A Perguet, de chaque côté des marches d'accès, se trouvent trois blocs; deux d'angle
aux extrémités de 40 cm/40, et un intermédiaire de 80 cm à la base, reliés au mortier. On ne
peut mettre en doute leur provenance, elles appartenaient bien, elles aussi, à la «galerie à
trèfles » qui encadrait la base du clocher de l'église Saint-Mathieu avant sa transformation en
1897. Et leur présence aux entrées de l'ancien cimetière de l'église romane est expliquée:
Dans les dernières années du XIXe siècle le département décidait la rectification du
chemin département 44 entre Bénodet et Fouesnant. Au lieu de passer par le Sud de l'enclos et
de continuer au pignon Sud de l'actuelle maison HELIAS, il passerait par le Nord de l'enclos,
qui est son tracé actuel. Pour ce faire, l'administration des Ponts et Chaussées proposait de
prendre une partie de l'ancien cimetière. Elle proposait à la commune une indemnité de 11,25
francs pour les 44 M² prévus et le conseil municipal de Bénodet, dans sa séance du 24 juin
1892, acceptait la proposition.
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9. Passé le temps des formalités administratives, le vote du budget, et la réalisation des
travaux de route, on peut raisonnablement estimer qu'en 1897, lorsque Joseph LE NAOUR
entreprenait la démolition du clocher Saint-Mathieu, le temps était venu de refaire la clôture
de l'ancien cimetière de Perguet.
Il reste à savoir si Jean Louis LE NAOUR, le bénodetois avait soumissionné pour cette
clôture, ou pour les entrées qui nécessitaient la mise en place d'escaliers de quatre ou cinq
marches dont il a paré l'encadrement, ou s'il a fait don à la commune de ce qui lui restai t de
«la galerie à trèfles » dont il avait décoré sa demeure, et c'est sans importance pour notre
histoire.
Ainsi est établie la provenance de ces superbes rosaces ornant la propriété de l'avenue
de l'Odet et qui faisaient en d'autres temps, une superbe assise au clocher de Saint-Mathieu.
Dans le même temps nous vous avons entraînés à survoler cette section A où est
inscrite une bonne partie de l'histoire locale; elle se révélera peu à peu dans une étude plus
poussée de l'urbanisation en ce temps où le bord de mer (et de rivière) était déjà plein de
promesses et où les élus, lassés du nom de Perguet qu'avait leur cité, obtenaient du Président
de la République en 1878 qu'elle s'appelle Bénodet, nom que portait déjà le port.
Pour les travaux de
l'église Saint-Mathieu tous les
corps de métiers étaient
sollicités, et tous les ouvriers,
qu'ils
fussent
maçons,
menuisiers, sculpteurs ou
peintres, étaient au même
régime. Leur travail était
facturé 0,40 francs de l'heure ;
ils travaillaient dix heures par
jour et étaient à la tâche six
jours sur sept.
Les
feuilles
d'or
utilisées pour le placage
étaient vendues par carnets de
25 et elles étaient facturées 3
francs. De nos jours elles
coûteraient au moins 100 fois
plus cher.
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