CRÉATEUR D’EXACTCURE, JEUNE STARTUP
TRAVAILLANT SUR LA MODÉLISATION
DU MÉDICAMENT, FRÉDÉRIC DAYAN AMBITIONNE D’AFFINER LA POSOLOGIE À L’ÉCHELLE DE L’INDIVIDU
Dr MEHRI TURKI IMEN - Traitement du double menton : Une nouvelle technique tu...
TLM n°109 Entretien avec F. Dayan - Exactcure - Ajuster la prise medicamenteuse grâce à un « jumeau digital »
1. e n t r e t i e n S
7TLM N°109 OCT-NOV-DÉC 2017
CRÉATEUR D’EXACTCURE, JEUNE START-
UP TRAVAILLANT SUR LA MODÉLISATION
DU MÉDICAMENT, FRÉDÉRIC DAYAN
AMBITIONNE D’AFFINER LA POSOLOGIE
À L’ÉCHELLE DE L’INDIVIDU
TLM : ExactCure que vous avez créé tra-
vaille à la réalisation d’un jumeau digital
du patient. De quoi s’agit-il ?
Frédéric Dayan: Ce dispositif permet, une
fois qu’on y a saisi les données patient élé-
mentaires, de simuler en temps réel l’action
du médicament, sa pharmacocinétique et
sa pharmacodynamique. On pourra ainsi
connaître minute par minute la concentra-
tion et l’effet du médicament dans le corps
du patient, sans aucun échantillonnage san-
guin, juste par simulation et modélisation.
En effet la réponse à un médicament est
toujours personnelle : un même produit
peut agir, par exemple, plus ou moins rapi-
dement selon les individus. Le jumeau digi-
tal que nous avons créé est lui aussi haute-
ment patient-dépendant.Il s’agit, dans son
concept, d’une modélisation du médica-
ment appliquée au patient et à son écosys-
tème de santé de proximité, dont son phar-
macien au premier plan. L’industrie phar-
maceutique sait faire des modèles mathé-
matiques de ce type mais pour des popula-
tions. Notre défi est de passer à l’individu.
TLM : Quel en est le fonctionnement ?
Frédéric Dayan: Il s’agit donc d’une solu-
tion mobile et d’une solution web. Le pa-
tient et le médecin auront une application
en miroir : tout ce qui sera renseigné par le
patient pourra être visualisé par le méde-
cin traitant et le pharmacien. Le patient
saisit ses caractéristiques personnelles
mais également son ressenti. Lors d’une
première consultation le médecin visuali-
sera toutes ces données, et disposera d’en-
trée de jeu d’éléments précieux pour le
diagnostic. Et il pourra simuler l’action du
médicament chez le patient qu’il a face à
lui. Le traitement sera donc personnalisé.
Le médecin saura à quel moment la prise
du médicament est efficace et si la dose
habituellement préconisée n’est pas,
concernant ce patient, proche de la toxicité.
Je rappelle ici que le nombre de morts par
médication inappropriée est trois fois supé-
rieur à la mortalité routière, entre 13 000 et
18 000 morts. Nous sommes convaincus
que le triptyque patient-médecin-pharma-
cien est à même de régulariser la prise mé-
dicamenteuse. En particulier, les patients
chroniques sont au cœur de nos activités, en
écho aux nouvelles fonctions du pharma-
cien préconisées (et rémunérées) par l’Assu-
rance maladie. Cette profession pourra s’ap-
puyer sur notre solution pour assurer cette
mission. Au-delà de l’ajustement de la poso-
logie, pour les patients c’est un outil de suivi
et de monitoring. Une sorte de jeu théra-
peutique, permettant de dédramatiser le
médicament, d’impliquer le patient, aug-
menter l’observance, contrôler l’efficacité
du traitement et la potentielle toxicité.
TLM : Quels sont les paramètres à rensei-
gner ?
Frédéric Dayan: Un spectre simple d’in-
formations incluant le poids, l’âge, le sexe
et la liste des médicaments (potentiellement
en interaction) permettent d’ajuster la dose
dans plus de 90 % des cas, ce qui est infini-
ment plus précis que des estimations au ju-
ger. Nous incluons aussi la clairance de la
créatinine pour les patients insuffisants ré-
naux. Ces informations sont rentrées à la
création du profil et actualisables. Pour par-
venir à 99,9 % il faudra ajouter d’autres pa-
ramètres : les maladies intercurrentes, les
habitudes de vie, la génétique, etc. Ces in-
formations rationnelles, les simulations
faites lors de ses différentes prises médica-
menteuses, couplées à de l’information un
peu plus floue, à savoir le ressenti du pa-
tient, ses posts, permettront de visualiser en
un clin d’œil si le traitement est efficace et si
le patient est bien observant. Il ne s’agit pas
de révolutionner la pratique mais de la faire
évoluer vers plus de personnalisation.
TLM : Ce dispositif sera-t-il doté d’autres
fonctionnalités ?
Frédéric Dayan: Il y aura toute une struc-
turation de gestion des données de santé,
avec des options de gestion de l’informa-
tion, du type interactions médicamen-
teuses, information sur le patient, etc. On
s’appuiera sur une plate-forme de gestion
de l’information qui est assez générale et in-
teropérable avec le plus de logiciels possi-
bles, déjà avec les logiciels pharmaciens, et
nous espérons avec des logiciels médecins.
TLM: Quelles sont vos perspectives de dé-
veloppement à court et moyen termes ?
Frédéric Dayan: La version définitive, sus-
ceptible d’être déployée sur des dizaines
voire des centaines de milliers de patients,
sera un dispositif médical, ce qui implique
12 mois pour être validé et certifié. A plus
long terme, et c’est l’une des perspectives
les plus intéressantes, ce dispositif permet-
tra une collecte des données patient.
Lorsque nous aurons atteint une masse cri-
tique de patients utilisateurs, nous pourrons
exploiter ces données pour établir des liens,
des corrélations. Par exemple que les pa-
tients de plus de 65 ans de plus de 80 kilos
vivant dans une région méditerranéenne et
qui prennent un hypocholestérolémiant
ont trois fois plus de risques de faire un ef-
fet indésirable de type douleurs muscu-
laires. Il s’agira d’essais cliniques 2.0. Ce
genre d’enseignement est difficile à obte-
nir avec des essais cliniques classiques in-
cluant au mieux quelques centaines de per-
sonnes.Cette application ne sera pas
payante pour le patient mais il sera informé
que nous projetons de publier des statis-
tiques à partir de ses données. Nous ne
vendrons jamais quoi qu’il en soit les pro-
fils personnalisés d’individus, sinon des
données de grands nombres anonymisées.
TLM : Qu’en est-il de la question de
l’anonymisation des données de santé ?
Frédéric Dayan: Nous travaillons avec un
hébergeur de données personnelles agréé.
La garantie de l’anonymisation est une
priorité dans notre conception. Les don-
nées personnelles ne seront consultables
que par le patient et les personnes aux-
quelles il en aura donné l’autorisation.
Propos recueillis par
Bernard Maruani ■
JUSQU’À 18 000 MORTS DÛS À UNE MÉDICATION INAPPROPRIÉE…
Ajuster la prise médicamenteuse
grâce à un «jumeau digital »