2. En ramenant l’histoire de la vie à l’échelle d’une
année, l’histoire de l’humanité ne représente que 28
secondes. Le temps d’un souffle, la prolifération
humaine et les activités industrielles liées à
l’hégémonie du modèle économique occidental ont
dévasté ce que le monde naturel a mis des millions
d’années à façonner. Avant l’apparition de l’homme, la
Terre a connu de profonds bouleversements qui ont
entraîné parfois la disparition de 50% des espèces. Ce
fut le cas il y a 65 millions d’années lors de
l’extinction des dinosaures. À chaque fois, la planète
bleue est parvenue à retrouver lentement un équilibre.
Aujourd’hui, les méfaits de nos actions intensifient la
destruction d’organismes vivants sans phase de
récupération et à un rythme qui s’accélère au point de
menacer l’habitabilité de la Terre. Une étude récente
menée sur un millier d’espèces animales et végétales
rapporte que 15 à 37% des individus concernés
risquent de disparaître d’ici à 2050. Nous savons
également que l’exploitation intensive des forêts
tropicales accentue l’effet de serre, provoque diverses
pathologies fatales aux écosystèmes locaux, anéantit la
survie des sociétés ancestrales, nous prive de
ressources phytothérapeutiques et induit à terme
l’étouffement de l’ensemble du système vivant. Avec la
disparition de presque 70% de la couverture naturelle,
la situation est devenue alarmante.
Édito… revue DHARMA
À l’occasion de la rencontre "Écologie et spiritualité" au domaine d'Avalon, les 2, 3 et 4 octobre 2004.
Éditions Prajña, septembre 2004
À cela s’ajoute l’empoisonnement généralisé. Des
pollutions chimiques résistantes à la dégradation
naturelle (les PCB présents entre autres dans les vernis,
les peintures, les insecticides ; le DDT ou les dioxines)
envahissent la chaîne alimentaire en effectuant des
pérégrinations planétaires. Une molécule chimique
produite en Europe se retrouvera, par exemple, dans les
graisses des ours polaires et le lait maternel des
femmes Inuits. Ces pollutions affectent aujourd’hui la
quasi-totalité des êtres vivants. Elles sont la cause de
cancers, de malformations, d’un affaiblissement des
défenses immunitaires et de l’incapacité pour les
espèces sauvages à se reproduire. À ce tableau, il faut
ajouter la détresse existentielle grandissante et
coextensive à la violence qui entraîne l’agonie
planétaire. Selon l’OMS, nous serions entrés dans le
« siècle de la dépression ».
L’éthique individualiste et anthropocentrique nous a
conduits dans une impasse. La situation des sociétés de
surabondance est devenue absurde. Nous annihilons ce
avec quoi nous avons bâti le culte de la satisfaction
immédiate. L’état actuel est si complexe et si
préoccupant qu’une thérapie d’envergure nécessiterait
l’abandon des modèles financiers qui soutiennent
l’insatiabilité consumériste et la marchandisation du
monde.
3. Comment sortir de ce labyrinthe dévastateur ? Seul un
profond changement de mentalité peut nous permettre
d’adopter une conduite respectueuse de l’harmonie du
monde vivant. La protection de la vie a été oubliée par
les systèmes politiques mais aussi par les religions qui
ont parfois recouvert ce devoir de leur dogmatisme.
C’est pourquoi, il importe de regarder du côté de
l’écologie dans sa dimension essentielle et du côté des
spiritualités garantes du sens de l’interdépendance et
d’un respect absolu de toute vie.
Édito… de la revue DHARMA
À l’occasion de la rencontre "Écologie et spiritualité" au domaine d'Avalon, les 2, 3 et 4 octobre 2004.
Éditions Prajña, septembre 2004
La personne humaine étant un tissu de relations
interdépendantes indissociable de l’immense corps du
réel, on peut espérer que l’accomplissement de chacun
puisse accroître l’intelligence des sociétés. Souhaitons
qu’une aspiration commune à l’harmonie voie naître
une éco-spiritualité apte à nous permettre d’habiter le
bonheur du monde.
L’écologie nous aide à renouer avec la dynamique
naturelle de la vie grâce à une éducation aux
phénomènes d’interactions. Elle encourage le
développement du sens de la responsabilité, la
coopération, le partage équitable au travers d’actions
éco-citoyennes. Quant aux spiritualités, elles favorisent
l’épanouissement complet de la personne humaine.
Lorsque la paix et la joie rayonnent en nous, elles se
propagent hors de nous.
Alain Grosrey (Dr/PhD)
Chercheur-associé | Université d'Angers
Responsable formation | Université Rimay